11/03/2016
ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines
CHEIKH ANTA DIOP
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Considérations sur l'œuvre historique de Cheikh Anta Diop sa réception dans le monde académique et institutionnel (cf. C. M. Diop, Cheikh Anta Diop L'homme et l'œuvre, Paris, Présence africaine, 2 ème éd. 2004)
Une méthodologie novatrice Exigence de rigueur "Réponses à quelques critiques" et débats scientifiques A propos de la critique africaniste Le renouvellement des Études africaines
Quelques références sur l'œuvre Références sur l'action politique au Sénégal Références sur témoignages, hommages, commentaires Considérations sur l'œuvre historique de C. A. Diop et sa réception dans le monde académique et institutionnel Une méthodologie novatrice
L'œuvre de Cheikh Anta Diop fixe un cadre géographique et chronologique neuf pour étudier le passé des peuples Noirs. Elle dégage des orientations de recherche qui conduisent à des découvertes insoupçonnées sur les peuples d'Afrique et leurs relations avec les peuples des autres continents. Ce faisant, elle propose une méthodologie de recherche historique novatrice. Le temps historique et l’unité culturelle africaine Au moment où Cheikh Anta Diop entreprend ses premières recherches historiques (années quarante) l'Afrique noire ne constitue pas, nous l’avons vu plus haut, "un champ historique intelligible". Il est symptomatique qu'encore plus d’une dizaine d’années après, dans le numéro d'octobre 1959 du Courrier de l'UNESCO, l'historien anglais Basile Davidson introduise son propos sur la “Découverte de l'Afrique“ par la question : “Le Noir esttil un homme sans passé ?” et que cette même interrogation apparaît sous une forme à peine différente "L'Afrique, un continent sans histoire ?" dans un dossier photographique récent de La documentation française [Pierre Boilley, JeanPierre Chrétien, Histoire de l'Afrique ancienne, VIIIe XVIe siècle, dossier n°8075, maijuin 2010, pp. 23].
Dans son ouvrage Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx, Théophile Obenga montre en quoi consiste l'originalité et la nouveauté de la problématique historique africaine ouverte et développée par Cheikh Anta Diop. “En refusant le schéma hégélien de la lecture de l'histoire humaine, Cheikh Anta Diop s'est par conséquent attelé à élaborer, pour la première fois en Afrique noire une intelligibilité capable de rendre compte de l'évolution des peuples noirs africains, dans le temps et dans l'espace [...] Un ordre nouveau est né dans la compréhension du fait culturel et historique africain. Les différents peuples africains sont des peuples "historiques" avec leur État : l'Égypte, la Nubie, Ghana, Mali, Zimbabwe, Kongo, Bénin, etc. leur esprit, leur art, leur science. ...". [Théophile Obenga,
Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx, Paris, Présence Africaine/Khepera, 1996, p. 28].
Ville de Bénin au 16
ème
siècle entourée d’un rempart de 30 km de circonférence ; la plus longue rue : 7 km. 250 000 habitants
Nations nègres et Culture – De l'Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique d'aujourd'hui– que publie en 1954 Cheikh Anta Diop aux Éditions Présence Africaine d'Alioune Diop est le livre fondateur d'une histoire africaine scientifique. La reconstitution scientifique du passé de l'Afrique devient possible grâce à l'introduction du temps historique et de l'unité culturelle dans les “Études africaines”. Autrement dit, les sociétés africaines, comme les autres sociétés européennes, asiatiques, amérindiennes, ont une histoire qui s’étudie sur la longue durée. S’il existe une diversité évidente des peuples africains, ceuxci sont cependant rattachés, à des degrés divers, les uns aux autres par des liens culturels multiformes (langues, coutumes, organisation sociale, conception du pouvoir, totémisme, philosophie, etc.), témoins d’une vie commune de leurs ancêtres notamment dans la vallée du Nil, en partant de la région des Grands Lacs (Kenya, Tanzanie). Par conséquent, l'approche diachronique étudie l’Afrique dans le temps, identifie les rapports existants entre les différents peuples d’Afrique et aussi avec ceux des autres terres habitées. La dimension historique doit être introduite dans toutes les disciplines : “C'est le lieu de dire qu'aucune pensée et, en particulier aucune philosophie, ne peut se développer en dehors de son terrain historique. ... En renouant avec l'Égypte nous découvrons, du jour au lendemain, une perspective de cinq mille ans qui rend possible l'étude diachronique, sur notre propre sol, de toutes les disciplines scientifiques que nous essayons d'intégrer dans la pensée africaine moderne” [Cheikh Anta Diop, Civilisation ou Barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, p.13].
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ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines L'approche diachronique réinsère l’Afrique dans le mouvement historique de l’humanité duquel elle avait été exclue, comme un élément essentiel de compréhension de l’évolution du monde (cf. Chapitre 1). Elle s’oppose radicalement à la méthode ethnographique d’étude des peuples non “Blancs” qui juxtapose des descriptions, dont certaines “feraient rougir un singe”, des populations dans la synchronie, c’estàdire à un instant donné et qui ignore l’évolution dans le temps. Cette introduction du temps historique et la restitution de l’unité culturelle africaine constituent un premier apport méthodologique fondamental de Cheikh Anta Diop dans le domaine de l'histoire des peuples négroafricains. La réfutation du concept de race au sens de l'idéologie occidentale dominante Un exemple de l'écriture africaine vaï
L’étude de l’Afrique était abordée avant Cheikh Anta Diop avec un préjugé racial. En effet, la notion de race telle qu’elle est conceptualisée par nombre de philosophes, les anthropologues et les ethnologues occidentaux depuis le Siècle des Lumières, établit des corrélations entre le type physique (que les spécialistes dénomment phénotype : couleur de la peau, nature des cheveux, prognathisme, etc.) et les capacités intellectuelles des individus [Théophile Obenga, Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx, Paris, Présence Africaine/Khepera, 1996 ; Claude Liauzu, La société française face au racisme – De la Révolution à nos jours, Paris, Editions Complexe, 1999 ; Dominique Schnapper, Sylvain Allemand, Questionner le racisme, Paris, Gallimard Éducation, 2000]. Blanc est devenu synonyme
d’intelligence, de rationalité, de créativité, Noir synonyme de bestialité, de paresse, d’émotivité. Il découle de cette conception de la communauté humaine l’existence d’une hiérarchie entre les différentes races. L’ethnologie et l’anthropologie occidentales appréhendent les sociétés africaines à travers ce découpage vertical de l’humanité. Dans un tel cadre de pensée, un Nègre n’a jamais créé de civilisation, ou bien n’a jamais été l’auteur d’une quelconque découverte ou innovation. Ceci explique la “naissance du mythe du Nègre [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture, 4 ème édition, p. 49] et la notion de “vrai Nègre” [Jean Vercoutter, L'Égypte et la Vallée du Nil, Paris, PUF, Nouvelle Clio L'histoire et ses problèmes, 1992, p. 39] sorte d'outil méthodologique conçu par des spécialistes occidentaux pour étudier l’histoire des peuples africains afin de ne jamais être en contradiction avec leur propre conception hiérarchisante de la race : "Les anthropologues ont inventé la notion ingénieuse, commode, fictive du "vrai Nègre" qui leur permet de considérer au besoin tous les Nègres réels comme de faux Nègres se rapprochant plus ou moins d'une sorte d'archétype de Platon, sans jamais l'atteindre" [Cheikh Anta DIOP, Antériorité des civilisations nègres – Mythe ou vérité historique ?, Paris, Présence africaine, 1967, 1993, p. 24.]
L'idéologie occidentale dominante : La hiérarchisation raciale de J. C. Nott et G. R. Gliddon, 1854 (Cf. Stephen Jay Gould, La Mal Mesure de l'Homme, Paris, Ed. Odile Jacob, 1997)
La “mécanique” du mythe du Nègre/“vrai Nègre” fonctionne de la manière suivante : tout fait de civilisation mis au jour en n’importe quel endroit du continent africain, est l’œuvre d’un nonNègre. tout peuple Nègre responsable d’une civilisation est en fait un peuple Blanc, quitte à être un peuple Blanc à peau noire ! Tel est le cas des Égyptiens, des Nubiens, et de tous les autres NégroAfricains responsables des constructions anciennes du Zimbabwe, de l’architecture soudanaise de Djenné et de Tombouctou, de l'impluvium yoruba, etc. L’étude de la société Baoulé par Maurice Delafosse dans son article “Sur des traces probables de civilisation égyptienne et d'hommes de race blanche à la Côte d'Ivoire [L'Anthropologie, tome 11, Paris, 1900], et les considérations de Félix Dubois sur la civilisation Songhaï dans son livre Tombouctou la Mystérieuse, publié en 1897, sont des illustrations typiques du mythe du Nègre à l'œuvre dans les “Études africaines”. Dans le premier cas, seuls des Blancs (introuvables) ont pu apporter les éléments de la civilisation aux Nègres Baoulés, et dans le second, les Soudanais, auteurs des œuvres architecturales des cités du Niger, Djenné, Tombouctou, ... bien que noirs de peau et crépus de cheveux, ne sont pas des Nègres. Dans ce contexte d'obscurantisme et de racisme ambiants, l’apport déterminant de Cheikh Anta Diop est : de récuser toute corrélation entre couleur de la peau (l’apparence physique de manière générale ou phénotype) et capacités intellectuelles, de récuser toute hiérarchie raciale : les différentes races humaines possèdent les mêmes aptitudes intellectuelles. de réfuter les caricatures raciales et de considérer les grandes familles humaines, Noirs, Blancs, Jaunes, dans leur variabilité respective de types physiques. d’affirmer l’origine monogénétique africaine de l’espèce humaine : l’humanité est une dans sa diversité [Cheikh Anta Diop, "L'unité d'origine de l'espèce humaine", in Actes du colloque d'Athènes : Racisme science et pseudoscience, Paris, UNESCO, coll. Actuel, 1982, pp. 137141].
Dans Nations nègres et Culture, en 1954, Cheikh Anta Diop écrit à propos de la civilisation égyptienne : “ […] la civilisation dont il [le Nègre] se réclame eût pu être créée par n’importe quelle autre race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture, op. cit., 4 ème édition, p. 401].
Préhistoire, origine de l'homme : Musée d'Olduvaï en Tanzanie
Cheikh Anta Diop rend caduque, ruine la conception occidentale hiérarchisante et hégélienne de l'humanité, en montrant que si la réalité humaine présente de manière évidente une variété de types physiques différents, désignés faute de mieux par le terme de races, cellesci sont toutes à placer sur le même plan. Pour lui, la notion de hiérarchie raciale est scientifiquement un nonsens. Les données actuelles de la science mettent en relief la justesse et la précocité de l'analyse de Cheikh Anta Diop.
En effet, aujourd'hui, la génétique récuse la notion de race au sens d’une hiérarchisation raciale affirmant par là même l'inexistence de toute corrélation, biologiquement parlant, entre la couleur de la peau et les capacités intellectuelles
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des différents groupes humains de l’humanité actuelle. Mais, les généticiens signalent l’existence et la permanence de certains caractères héréditaires comme la couleur de la peau, et utilisent les termes de Blancs, de Jaunes, de Noirs, de race, de facteurs raciaux, etc. [J. Ruffié, De la Biologie à la Culture, Flammarion, Paris, 1976, pp. 392393 ; J.Y. Nau, Le Monde, Sciences et Médecine, Mercredi 15 mars, 1989, p. 19 ; R. Cooper, C. Rotimi, Ryk Ward, Pour la Science, n° 258, avril 1999, pp. 6268 ; Jean Bernard, Le sang et l’histoire, Éditions Buchet/Chastel, 1983, pp. 12, 13, 77 ; ...]
A titre d'exemple, qu'il suffise ici de citer la définition de la race donnée par le généticien, militant antiraciste, Luca CavalliSforza : “Un ensemble d’individus qui ont une origine commune et conservent donc une certaine ressemblance génétique, c’estàdire une ressemblance au niveau des caractères dont ils ont biologiquement hérité. Ils peuvent avoir conservé ou non une certaine identité culturelle : traditions communes, langue commune, unité politique, ou bien avoir perdu l’un de ces traits ou plusieurs. Les identités culturelles sont en général plus instables, et les identités génétiques plus durables dans le temps ; c’est pourquoi nous nous occuperons uniquement de ces dernières pour définir une race” [L. et F. CavalliSforza, Qui sommesnous ?, Paris, Albin Michel, 1994, p. 326].
Cette remise en cause radicale de la conception occidentale dominante de la race héritée des 18ème et 19ème siècles constitue un deuxième apport décisif de Cheikh Anta Diop.
Figurine aurignacienne de la préhistoire en Europe.
Approche pluridisciplinaire et comparatisme Une troisième composante de la méthodologie que met en œuvre Cheikh Anta Diop pour étudier le passé de l’humanité réside dans la pluridisciplinarité et la démarche comparative critique. Les disciplines sollicitées sont : l'archéologie, la linguistique, l'ethnonymie/toponymie, la sociologie, les sciences exactes, etc. [Cf. Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres – Mythe ou vérité historique ?, chapitre X ; Cheikh Anta Diop, “Pour une méthodologie de l'étude des migrations” dans Histoire générale de l'Afrique : Études et Documents 6, “Ethnonymes et toponymes africains” (1978), UNESCO, 1984, pp. 97121].
Concernant la documentation, la connaissance directe des sources d'information (textes hiéroglyphiques, grecs, latins, arabes, etc.) doit être systématiquement recherchée chaque fois que cela est possible. Il accorde un rôle déterminant aux conditions géophysiques et matérielles d’existence, prises comme éléments de compréhension, par exemple, du type d’organisation sociale des peuples étudiés. Il s’agit d’une méthodologie qui offre une toute autre perspective que la juxtaposition de monographies exclusivement descriptives dans des domaines cloisonnés, émiettés, sans effort de synthèse, sans vue d’ensemble. Cherchant à dégager les grandes "lois" qui gouvernent l'évolution des sociétés, il opte pour une approche comparatiste du fait humain (langues, institutions politiques, coutumes, structures sociales, etc.) “non pas par référence, non pas pour hiérarchiser, mais pour comprendre”.
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ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines L’approche pluridisciplinaire fait intervenir : les faits archéologiques. De l’archéologie il dit : “Elle introduit la certitude brutale là où il n'y avait que doute, scepticisme ou supputation. Ses résultats ruinent chaque jour les dogmes fondés sur les notions peu scientifiques de vraisemblance historique…”. “l'ethnonymie et la toponymie”, l'analyse des “faits linguistiques”, l'établissement ”des corrélations entre des événements intérieurs et extérieurs”, l'analyse des “phases d'évolution politicosociales” des sociétés, les méthodes des sciences exactes, auxquelles l'histoire africaine peut désormais avoir recours sont : les techniques de datations des échantillons archéologiques, les analyses chimiques et métallurgiques, les techniques de détection, la photographie aérienne, etc. [Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres – mythe ou vérité historique ?, op. cit., Chapitre X : “Esquisse d'une méthodologie en matière d'histoire africaine”, pp. 195215].
Cheikh Anta Diop a adopté d'emblée cette approche pluridisciplinaire en étudiant l'Égypte ancienne dans son contexte négroafricain : “Partant de l'idée que l'Égypte ancienne fait partie de l'univers nègre, il fallait la vérifier dans tous Ies domaines possibles, racial ou anthropologique, linguistique, sociologique, philosophique, historique, etc. Si l'idée de départ est exacte, l'étude de chacun de ces différents domaines doit conduire à la sphère correspondante de l'univers nègre africain. L'ensemble de ces conclusions formera un faisceau de faits concordants qui éliminent le cas fortuit. C'est en cela que réside la preuve de notre hypothèse de départ. Une méthode différente n'aurait conduit qu'à une vérification partielle qui ne prouverait rien. Il fallait être exhaustif ” [Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres – mythe ou vérité historique ?, op. cit., p. 275].
Formation du peuple sénégalais reconstituée à partir de l'ethnonymie.
Analytique, la démarche de Cheikh Anta Diop est également synthétique. Elle propose une vision cohérente du passé africain. En cela, elle s'oppose à la méthode exclusivement analytique et ethnographique de nombre d'historiens occidentaux de l'Afrique, qui dissout la réalité collective africaine dans le menu détail rejetant "à l'infini le stade de la synthèse". C’est par cette méthodologie scientifique novatrice appliquée à l’étude des civilisations africaines que Cheikh Anta Diop sort l’Afrique de l’ethnologie coloniale pour la faire entrer dans l’Histoire de l’humanité. Exigence de rigueur Dans le domaine de l'histoire africaine Cheikh Anta Diop a donc élaboré un nouveau cadre fécond de recherche et une méthodologie de travail pluridisciplinaire novatrice. Il reste cependant pleinement conscient des imperfections de son travail : “L'ensemble du travail, n'est qu'une esquisse où manquent les perfections de détail. Il était humainement impossible à un seul individu de les y apporter : ce ne pourra être que le travail de plusieurs générations africaines. Nous en sommes conscients et notre besoin de rigueur en souffre : cependant les grandes lignes sont solides et les perspectives justes” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture, op. cit., p. 12.] Dans Antériorité des civilisations nègres Mythe ou vérité historique ?, il écrit: “Dans Nations nègres et Culture, nous avions rapporté exprès un ensemble de faits grammaticaux les uns quasi certains, les autres probables ou simplement possibles. Nous étions en effet conscient du fait que la recherche était à peine commencée et qu'il fallait reconnaître le terrain et signaler à l'attention des futurs chercheurs africains tout ce qui méritait de l'être. Certains critiques feignent de méconnaître cette attitude”. [Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres – mythe ou vérité historique ?, op. cit., p. 275].
S'agissant de l'élaboration de son lexique égyptien ancien walaf (wolof) il précise encore : “Nous avons établi ce lexique à l'aide du Wörterbuch [Wöterbuch der Aegyptischen Sprache, dictionnaire de la langue de l'Égypte ancienne en plusieurs volumes établi par des égyptologues allemands A. Erman et H. Grapow.], et des textes qui l'accompagnent, du dictionnaire de
Faulkner et du lexique de Lambert comme cela a été dit page 94. Il va de soi que les fausses étymologies sont nombreuses dans un lexique de ce genre et qu'un long travail de plusieurs chercheurs, seul, permettra de réduire progressivement leur nombre. Mais que l'on soit sur la bonne voie, cela ne fait aucun doute. Ce qui manque tragiquement, c'est le labeur des générations !”[Cheikh Anta Diop, Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négroafricaines, Dakar, Abidjan, Université de Dakar IFAN/Nouvelles, Éditions Africaines, 1997, p. 161.Cheikh Anta Diop, Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négroafricaines, Dakar, Abidjan, Université de DakarIFAN/Nouvelles, Éditions Africaines, 1997, p. 161.]
Autrement dit, le cadre et les axes de recherches fixés dans Nations Nègres et Culture sont solides car scientifiquement étayés. Le terrain de la recherche féconde a été reconnu, déblayé, de nombreuses voies d'investigation ont été tracées, autant de sujets de travail.
Un extrait du livre Parenté génétique ... portant sur la similitude des pronoms démonstratifs en égyptien ancien et en wolof, langue maternelle de l'auteur.
Cependant, au sein de ce nouveau paradigme de la recherche historique dans lequel l'Égypte ancienne est replacée dans son contexte naturel négroafricain, la tâche du chercheur reste considérable pour cerner avec plus de précision les liens divers qui unissent l'Égypte pharaonique à l'ensemble du continent sur la longue durée. De nouvelles questions surgissent sur lesquelles les chercheurs sont conduits à confronter leurs points de vue, leurs interprétations des faits. Dans sa préface du livre de Théophile Obenga L'Afrique dans l'Antiquité, Cheikh Anta Diop rappelle avec force que dans cette quête de la connaissance, la compétence technique et la mise en œuvre d'une démarche strictement scientifique constituent des exigences incontournables. Ces mêmes exigences sont requises pour instruire une critique constructive. [Théophile Obenga, L'Afrique dans l'Antiquité Égypte pharaonique / Afrique Noire, Paris, Présence Africaine, 1973, chapitre 8, pp. 264268. Préface de Cheikh Anta Diop.]
Cheikh Anta Diop, comme tout homme de science, considère la critique comme une nécessité, une exigence faisant partie de l’appareil méthodologique du scientifique.
L’œuvre de Cheikh Anta Diop a fait et continue de faire l’objet d’analyses, de critiques et de commentaires de la part de spécialistes appartenant à différents
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domaines, notamment : l'histoire, la préhistoire, l'archéologie, l'anthropologie, la sociologie, la linguistique, l'égyptologie, la littérature, l'art, la philosophie, la politique.
De son vivant il a répondu aux critiques qui lui ont été adressées critiques non seulement par écrit mais également lors de débats scientifiques.
"Réponses à quelques critiques" et débats scientifiques En 1967, Dans Antériorité des civilisations nègres mythe ou vérité historique ? Cheikh Anta Diop répond de manière minutieuse, circonstanciée à un certain nombre de critiques qui lui ont été faites par les historiens africanistes Raymond Mauny, Jean SuretCanale, Louis Vincent Thomas, Jean Devisse [cf. Cheikh Anta Diop , Antériorité des civilisations nègres mythe ou vérité historique ?, 1967, pp. 229274 de la réédition de 1993 ; [Raymond Mauny, Bulletin de l’IFAN, Tome XXII, juilletoctobre 1960, n°s 34, Notes bibliographiques, pp. 544555 ; Jean SuretCanale, Recherches africaines, n°4, octobrenovembre 1960 ; LouisVincent Thomas, “Temps, mythe et histoire en Afrique de l’Ouest”, Revue Présence Africaine, n°39, 1961, pp. 1258 ; Philippe Decraene, Le Monde du 5 mars 1965 (p. 6) : "Mardi au C.H.E.A.A.M. Un colloque a traité de la psychologie des élites d'Afrique noire”, colloque organisé par le Centre des Hautes Études Administratives sur l'Afrique et l'Asie Modernes – C.H.E.A.A.M ; Georges Balandier, L’Afrique ambiguë, Paris, 1957 ].
Deux rencontres directes de Cheikh Anta Diop avec d'autres spécialistes ont eu un écho particulièrement important : le Colloque d'égyptologie du Caire en 1974 où ont été éprouvées la solidité scientifique de ses travaux et de ceux de Théophile Obenga et la faiblesse de l'argumentation adverse. il a été rendu compte de manière circonstanciée des débats et donc des critiques exprimées de la part des uns et des autres dans les actes publiés par l’UNESCO [Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique, Histoire générale de l'Afrique, Études et documents 1, Paris, UNESCO, 1978, pp. 6571.].
Rappelons en effet, qu'en 1970, Cheikh Anta Diop a été sollicité officiellement par René Maheu, directeur général de l'UNESCO, pour devenir membre du Comité scientifique international pour la rédaction de l'Histoire générale de l'Afrique. Le secrétaire général de ce comité est le Béninois Maurice Glélé.
Guidé par son exigence d'objectivité Cheikh Anta Diop pose trois préalables à sa participation à ce projet. Les deux premiers consistent en la tenue d'un colloque international, organisé par l'UNESCO, réunissant des chercheurs de réputation mondiale, pour d'une part, débattre de l'origine des anciens Égyptiens, et d'autre part faire le point sur le déchiffrement de l'écriture méroïtique. La rédaction de l'Histoire générale de l'Afrique lancée par l'UNESCO rend primordial de traiter la question de savoir à quelle aires culturelle et anthropologique appartient l'Égypte ancienne compte tenu de l'état des connaissances. Une confrontation des travaux de spécialistes du monde entier lui apparaît indispensable pour faire avancer la science historique. Le troisième préalable concerne la réalisation d'une couverture aérienne (par avion et satellite) de l'Afrique susceptible de révéler les voies anciennes de communication du continent et l'existence de vestiges archéologiques. C'est dans ce contexte, que se tient au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, organisé par l'UNESCO dans le cadre de la Rédaction de l'Histoire générale de l'Afrique, le colloque intitulé : “Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique”. Cheikh Anta Diop se rend en Égypte pour la première fois. Il avait également demandé à ce que les participants pressentis soient contactés longtemps à l’avance afin qu’ils puissent disposer de tout le temps nécessaire à la préparation de leur contribution à cette future rencontre. Il était en effet essentiel qu’aucun argument autre que scientifique puisse être invoqué pour affaiblir la portée du compte rendu et des conclusions du colloque. Dans le même ordre d’idée, il a également souhaité, que le rapporteur soit une personne autre que luimême ou Théophile Obenga, les seuls représentants, avec A. M. Abdalla du Soudan, de l'Afrique subsaharienne à ce colloque. Le colloque d'Égyptologie du Caire a ainsi rassemblé vingt spécialistes, cinq observateurs et deux représentants de l'UNESCO appartenant à quatorze nations différentes. La psychologie des élites africaines est “étudiée” à Paris avec entre autres objectifs détourner les étudiants et chercheurs Africains des travaux de Cheikh Anta Diop. Article de Philippe Decraene, Le Monde, 4 mars, 1965, p. 6.
le Symposium de Dakar de 1982 où l'ensemble de l'œuvre historique, sociologique et égyptologique est mise en question par les universitaires, à l'Université de Dakar, au cours de deux semaines de débats passionnants.
A propos de la critique africaniste
Contrastant avec la lecture critique sereine d'un intellectuel comme Jean Duvignaud [cf. Jacques Julliard, Michel Winock (sous la direction de), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Éditions du Seuil, 1996, "Jean Duvignaud", p. 415 ; Jean Duvignaud : "Idéologies africaines", in Preuves n°113, juillet 1960, pp. 8486 ; cf. C. A. Diop, Antériorité des civilisations nègres ..., note p. 229.], la
critique et le commentaire africanistes se sont cristallisés, ossifiés au fil du temps autour des analyses et des propos souvent très subjectifs des premiers critiques africanistes de l’œuvre cités plus haut [cf. FrançoisXavier FauvelleAymar, JeanPierre Chrétien
Une partie des participants au Colloque d’égyptologie du Caire de droite à gauche : W. Kaiser (Allemagne), J. Leclant (France), R. El Naduri (Egypte), T. Obenga (Congo), S. Sauneron (France), T. Säve Söderbergh (Suède), P. L. Shinnie (Canada), J. Vercoutter (France). Les autres participants, dont Cheikh Anta Diop, étaient en face de ceux figurant sur cette photo.
et ClaudeHélène Perrot, Afrocentrismes. L’histoire des Africains en Égypte et Amérique, Paris, Karthala, 2001 ; Alain Froment, “Origine et évolution de l’homme dans la pensée de Cheikh Anta Diop : une analyse critique”, in Cahier d’Études africaines, La Malédiction, n°121122, 1991, pp. 2964 ; Alain Froment, “Race et Histoire : la recomposition idéologique de l'image des Égyptiens anciens”, in Journal des Africanistes, tome 64, Fascicule 1, 1994, pp. 3764 ; Catherine CoqueryVidrovitch, in Cahier d’Études africaines, n °125, 1992, p. 136 ; Gilles Boëtsch, Jean Noël Ferrié, “L'impossible objet de la raciologie”, in Cahier d’Études africaines, n°129, 1993, pp. 1415 ; Marc Michel, GDR 118, Histoire de l’Afrique : Mémoires et identités. Université d’AixenProvence, décembre 1994 : “Cheikh Anta Diop fabriquant de mémoire” (sic) ; JeanLoup Amselle, Figures de l’afrocentrisme dans le cadre de l’atelier Anthropologie et historicité, Enseignement Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, 19971998, p.89 ; F. X. Fauvelle, L'Afrique de Cheikh Anta Diop Histoire et idéologie, Paris, Éditions Karthala/Centre de recherches africaines Université Paris I, juillet 1996, préface du professeur Elikia M'Bokolo de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales ; Jahnheinz Jahn, Muntu, 15 ; M. Cornevin, Secrets du continent noir révélés par l'archéologie, Paris, Maisonneuve et Larose, 1998, p. 19, ...].
C'est ainsi que des auteurs s'évertuent par des acrobaties littéraires interprétatives et/ou s'appuyant sur des écrits de seconde main, à faire dire à Cheikh Anta Diop le contraire de ce qu'il a écrit à l'exemple de ceux qui qualifient l'œuvre de Cheikh Anta Diop d'"essentialiste". Souvent, ces mêmes auteurs en recourant à des amalgames
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ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines grossiers qualifient aussi Cheikh Anta Diop d'afrocentriste.
La critique africaniste montre une adhésion, par filiation intellectuelle, à la conception occidentale hiérarchisante de l’humanité des siècles passés : l’expression de “véritable gobinisme nègre” [Raymond Mauny , cf. Bulletin de l’IFAN, Tome XXII, juilletoctobre 1960, n°s 34, Notes bibliographiques, pp. 55] employée par l'historien africaniste Raymond Mauny pour qualifier l'œuvre de Cheikh Anta Diop, illustre cette inclination à prêter sa propre vision (Blanc supérieur au Nègre) inversée (supériorité du Nègre par rapport au Blanc) de la réalité humaine à Cheikh Anta Diop . Qu’un Nègre dise ou écrive, preuves à l’appui, que les Égyptiens sont des Nègres est perçu, ressenti, interprété comme : le Nègre est supérieur au Blanc.
La substance de cette critique est révélatrice de la double incapacité de ses auteurs de concevoir l’origine nègre de la civilisation égyptienne et d'admettre qu’un Nègre soit le fondateur de l’école historique scientifique africaine. Par construction, l'univers mental africaniste est réfractaire à l'idée même d'une égyptologie africaine.
C'est aussi l'ensemble de cette critique africaniste, éminemment idéologique, que Théophile Obenga analyse dans différents écrits. [Théophile Obenga, Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx, Paris, Présence Africaine/Khepera, 1996, chapitre 2, pp. 2744 ; “Un commentaire sur les réflexions de M. Luc Bouquiaux”, Ankh n°4/5, 19951996, pp. 317346 ; Théophile Obenga, “Les derniers remparts de l’Africanisme”, Présence Africaine, n° 157, 1 er semestre 1998, pp. 4765 ; Théophile Obenga, Le sens de la lutte contre l'africanisme eurocentriste, Paris, Khepera/L'Harmattan, 2001].
Cette critique africaniste tente de substituer au débat scientifique des analyses de texte et des discussions de nature "psychosociologiques" :
A ceux qui critiquent ses travaux sans jamais se placer sur le terrain de la discussion scientifique, Cheikh Anta Diop répond : «On fuit le débat scientifique d’une façon qui ne trompe personne lorsqu’on substitue à la réfutation des arguments une explication “psychologique“ de la motivation d’une œuvre. Nous assumerons toujours allègrement la somme des qualificatifs divers par lesquels on peut décrire le flux et le reflux de nos états d’âmes de “colonisés” ou d’excolonisés “en situation de”, etc. Mais on peut rappeler à tous ces psycho sociologues de circonstance ou de métier qu’ils dissimulent leur dérobade car les raisons qui poussent à écrire n’ont rien à voir avec la véracité ou l’exactitude de ce que l’on écrit. Or, c’est sur ce terrain qu’ils sont invités à se prononcer. Car il est le seul qui soit vraiment intéressant et accessible à une science objective.» [Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres – Mythe ou vérité historique ?, op. cit., p. 11.]
Odile Biyidi relève la nature pathologique de certaines critiques : “… Les réactions quasi névrotiques de la critique à son égard [Cheikh Anta Diop] sont venues corroborer ses dires. Autant “on” accorde généreusement au Noir une émotion animale, un sens “inné” du rythme, autant d'inquiétantes résistances psychiques, déguisées en objections “scientifiques” empêchent d'admettre qu'il ait pu être l'artisan d'une des plus brillantes civilisations de l'Antiquité.” ["Cheikh Anta Diop", in Dictionnaire des Littératures de la langue française (J. P. Beaumarchais, D. Couty, A. Rey), Paris, Bordas, p. 658 ; voir aussi Alain Anselin, "L'adieu aux hiéroglyphes de Jean Yoyotte (19272009)", in Montray Kréyol, 16 juillet 2009].
En avrilmai 1982, à l'initiative des Éditions Sankoré dirigées par le linguiste et sociologue Pathé Diagne, est organisé à l'Université de Dakar, un symposium sur l'ensemble de l’œuvre de Cheikh Anta Diop.
En 1986, Jean Devisse, médiéviste venu aux “Études africaines”, adversaire acharné de Cheikh Anta Diop dans les années qui ont précédé le Colloque du Caire cité plus haut et dont il a été le rapporteur, reconnaît l’existence de ses propres préjugés : “Je tiens à lui dire [à Cheikh Anta Diop], et je suis heureux de le faire à Yaoundé, à l'occasion de ce colloque, que je lui suis profondément reconnaissant de m'avoir, par sa ténacité, par son acharnement de chercheur, contraint à modifier plus d'un de mes points de vue, à abandonner nombre de préjugés que m'avait inculqués l'éducation que j'ai reçue. Même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui sur tous les points, je lui devais cet hommage”. [Jean Devisse, professeur émérite à l'Université de Paris I, "Apport de l'archéologie à l'historien de l'Afrique", in L'archéologie du Cameroun, Actes du premier colloque international de Yaoundé, 69 janvier 1986, études réunies par JosephMarie Essomba). Ce colloque était présidé par Cheikh Anta Diop.]
Ces deux citations traduisent l'existence d'une barrière éducationnelle et psychologique qui empêche de considérer l'Égypte ancienne dans son contexte naturel négroafricain, tant les préjugés raciaux sont ancrés, vivaces et vécus, encore aujourd'hui, dans les consciences.
En De nombreux universitaires, historiens, sociologues, philosophes, égyptologues, linguistes, juristes, économistes, mathématiciens, physiciens, médecins, … questionnent l’œuvre de Cheikh Anta Diop : Mamoussé Diagne, Pathé Diagne,Ibou Diaité, Amady Ali Dieng, Adama Diop, Babacar Buuba Diop, Djibril Fall, Yoro Fall, Saliou Kandji, Abdoulaye Kane, Aboubacry Moussa Lam, Massamba Lame, Geneviève Lebaud, Sékéné Mody Cissoko, Habib Mbaye, Rawane Mbaye, Mamadou Mbodj, Alassane Ndaw, Aloyse Raymond Ndiaye, Djibril Tamsir Niane, Souleymane Niang, Babacar Sall, Mame Sow, Saxiir Thiam, Cheikh Touré, Bakary Traoré, …
La nature et l'ampleur des enjeux, en particulier l'institution d’une recherche historique africaine véritablement scientifique et autonome, éclairent aussi le fond et la forme de nombre de critiques exprimées à l'encontre des travaux de Cheikh Anta Diop et de ceux de ses continuateurs : conspiration du silence, procès d'intention, mépris, ironie, calomnie, insinuation malveillante, .... C’est ce dont finissent par témoigner certains africanistes euxmêmes. En 1980, deux linguistes européens, Maurice Houis et Emilio Bonvini, devant l’imposant ouvrage Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négroafricaines dont ils prennent connaissance, se sentent obligés, dans la revue Afrique et Langage, de rompre le silence qui entoure l’œuvre de Cheikh Anta Diop et qu’ils dénoncent. Leur éditorial présentant le compterendu critique de ce livre est en effet explicite : “… l'analyse qui en est donnée le présente comme un dossier ouvert et sur lequel il serait malhonnête de faire silence : les relations de l'Égypte pharaonique et de l'Afrique Noire sont un écheveau d'interrogations que l'archéologue, l'historien et le linguiste ne peuvent éluder. ”
“L'analyse ici proposée accuse du retard. En effet, envoyée à une revue de linguistique générale, elle fut égarée. Elle fut alors envoyée à une revue orientaliste et biblique ; là, on l'accepta sans l'accepter, mais sans pour autant la refuser. Nous décidâmes alors de publier le texte dans ce numéro d'Afrique et Langage.” [Revue Afrique et Langage (Paris, n°13, 1 er semestre 1980) concernant le livre de Cheikh Anta Diop Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négroafricaines (Dakar, IFANNEA, 1977)]
Cheikh Anta Diop au tableau procédant à une démonstration.
Dans un article intitulé “Cheikh Anta Diop 19231986", et publié dans l’'Encyclopaedia Universalis, Jean Devisse confesse : “ … l'homme et le savant [Cheikh Anta Diop] ont été au cœur de trop de
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contestations et de controverses, l'œuvre est trop importante pour que le silence les recouvre. (…) L'Europe, tout particulièrement la France, a beaucoup hésité à prendre en considération cet homme et les idées dont il était porteur. (…) Peu d'historiens auront renversé autant d'idées reçues, bouleversé autant de perspectives, ouvert autant de pistes de recherches.” [Jean Devisse : "Cheikh Anta Diop 19231986", in Encyclopaedia Universalis, Vies et Portraits — Les vies, p. 546.]
Cheikh Anta Diop souligne, lors d'une conférencedébat avec la jeunesse étudiante, que l'un des défis que doit relever le chercheur novateur, lorsqu'il est face à l'hostilité générale, est de défendre sur la durée la vérité scientifique qu'il a établie. [Conférence de Niamey, 1984].
Le renouvellement des Études africaines
Une occasion rare aussi pour la jeunesse étudiante d’avoir un contact direct avec Cheikh Anta Diop, au Sénégal dans le cadre de débats sur les grandes problématiques de l’histoire, de la sociologie, de la linguistique, de la philosophie.
En 1967, Cheikh Anta Diop annonce déjà la fin de l’africanisme : « Il y a lieu d'insister en guise de conclusion, sur les nouvelles exigences des "Études africaines"... Pour pénétrer plus profondément la complexité de la réalité africaine, un contact direct avec le milieu, supposant une connaissance des langues africaines, sera nécessaire. La formation de l'africaniste traditionnel est devenue insuffisante. La connaissance de l'égyptien ancien, en particulier, deviendra indispensable pour faire des travaux sérieux d'anthropologie culturelle sur l'Afrique noire. En effet on a commencé à se rendre compte que l’on avait séparé artificiellement, dogmatiquement et antiscientifiquement, ce qui ne faisait qu’un ; et il faudra bien réunifier les parties pour retrouver l’ensemble, la macrounité, le sens et la continuité, la profondeur. A défaut de cette adaptation, le rôle de l'africaniste traditionnel sera progressivement réduit à une activité quasi journalistique. En réalité, la notion d’africaniste correspondait à une phase du développement culturel et politique de l’Afrique noire dans les temps modernes, à une situation spécifique comme l’étaient naguère la notion de sinologue pour la Chine et dans une grande mesure encore celle d’orientaliste pour l’Asie occidentale. Elle suppose une tutelle culturelle et intellectuelle. Elle sera dépassée au fur et à mesure que les Africains prendront en main leurs destinées politiques et culturelles » [Antériorité des civilisations nègres mythe ou vérité historique ?, pp. 213214].
L'échec académique, entre autres, de cet africanisme est analysé dans un ouvrage édifiant de l'historien Ch. Didier Gondola intitulé Africanisme : La crise d'une illusion (L'Harmattan, 2007).
Des ouvrages collectifs récents ont mis en relief le rôle majeur des travaux de Cheikh Anta Diop dans la restitution de l'histoire africaine [Makhily Gassama (sous la
direction de) L'Afrique répond à Sarkozy, Paris, Ed. Philippe Rey, 2008 ; Adame Ba Konaré (sous la direction de) Petit Précis de remise à niveau sur l'histoire africaine à l'usage du président Sarkozy, Paris, Ed. La Découverte, 2008 ; ...].
Par ailleurs, l'existence de la recherche égyptologique africaine, l'intérêt qu'elle suscite, conduisent les égyptologues occidentaux à y faire de plus en plus fréquemment allusion dans leurs publications, mais en privant dans bien des cas, le lecteur des références précises des travaux des chercheurs africains, objets de leurs commentaires [Christiane Ziegler, JeanLuc Bovot, Art et archéologie : l'Égypte ancienne, Paris, École du Louvre, Réunion des musées nationaux, la Documentation française, Manuels de l'École du Louvre, 2001, p. 21 ; ArchéoNil, Bulletin de la société pour l'étude des cultures prépharaoniques de la vallée du Nil, n° 0, octobre 1990, p. 2, 8 et 9 ; Jean Vercoutter, L'Égypte et la vallée du Nil, Tome 1, Des origines à la fin de l'Ancien Empire, Paris, PUF, Collection Nouvelle Clio, 1992 ; Maurizio DamianoAppia, L´Égypte, Dictionnaire encyclopédique de l'ancienne Égypte et des Civilisations nubiennes, Paris, Günd, 1999, p. 105 ; V. Davies and R. Walker, Editors, Biological Anthropology and the Study of Ancient Egypt, British Museum Press, 1993, p. 2. ; l'information donnée au lecteur sur les travaux des chercheurs africains est très souvent lacunaire : références absentes et/ou incomplètes ; Quentin Ludwig, Comprendre l'Égypte ancienne, Paris, Eyrolles Pratique, 2008 : plusieurs références faites aux travaux des égyptologues africains].
On note, par ailleurs, que des égyptologues anglosaxons ont initié une analyse critique de leur propre tradition de recherche en égyptologie : “It cannot denied that many Egyptologists of previous generations shared the racist views that were endemic in their societies, and their work has often reflected this.” [Ann Macy Roth, “Afrocentrism”, in The Oxford Encyclopedia of Ancient Egypt, Donald B. Redford Editor in Chief, Volume 1, Oxford University Press, 2001.]
Le Indianapolis Museum of Art aux ÉtatsUnis a réalisé une publication collective et une exposition intitulées Egypt in Africa [Theodore Celenko, editor, Egypt in Africa, Indianapolis Museum of Art, 1996].
“Egypt in Africa places ancient Egyptians in an African context, in contrast to the tendency of universities, museums, and the popular media to view ancient Egypt from Mediterranean, Middle Eastern, and European perspectives.”
Plus de 20 ans après le colloque du Caire (1974), des colloques internationaux commencent à se tenir consacrés à la thématique ÉgypteAfrique et où l'Égypte ancienne est progressivement replacée dans son contexte africain : Antic Egipte una civilizacio Africana, 1996, Barcelone, L'Égypte pré et protodynastique, Toulouse, 2005, Egypt in its African Context, Manchester, 2009, ...
Des résultats récents dans les domaines de l'égyptologie, de l'archéologie, de la linguistique, de la paléontologie, de la génétique, etc. soulignent encore la fécondité des champs de recherche ouverts par Cheikh Anta Diop en 1954 avec Nations nègres et Culture. [cf. : ANKH, Revue d'Égyptologie et des Civilisations africaines (http://www.ankhonline.com), E. Huysecom, “Un néolithique ancien en Afrique de l’Ouest ?”, Pour la Science, n°358, août 2007, pp. 4455 ; H. Bocoum (dir. publ.), Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique Une ancienneté méconnue. Paris, UNESCO, 2002 ; J. M. BonnetBidaud, “L’observation de l’étoile Sirius par les Dogon”, ANKH n °10/11, 20012002, pp. 144163 ; J. P. Mbelek, “Le déchiffrement des os d'Ishango – Confirmation de la naissance des mathématiques en Afrique équatoriale aux sources du Nil”, ANKH n°16, pp. 178195, 2007 ; B. Sall, “Des grands lacs au Fayoum : l’odyssée des pêcheurs”, ANKH n° 12/13, 20032004, pp. 109117 ; Bozet Nathalie (édité par), Aux origines de Pharaon, Éditions du CEDARC, 2009 ; David Rosalie (Edited by), Egyptian mummies and Modern Science, New York, Cambridge University Press, 2008 ; BéatrixMydantReynes, "Comment la civilisation pharaonique estelle née" in Sciences et Avenir, Égypte – 3000 ans d’énigmes, n°165 janvier/février 2011, pp. 2021 ; BéatrixMydantReynes, "Aux origines de l'Egypte pharaonique", Le Monde de la Bible, n°162, novembredécembre 2004, pp. 1925 ; JeanPhilippe Gourdine, "Contribution de la biologie moléculaire du gène à l'étude du passé de l'humanité. Cas de l'Afrique ancienne et moderne, in Cahiers Caribéens d'Egyptologie, n°9, février/mars 2006 ; Ph. Charlier : interview par Caroline Lachowsky sur l'ADN de Toutankhamon dans le cadre de l'émission Microméga diffusée le dimanche 21 février sur RFI ; ...]
"[Et] les études africaines ne sortiront du cercle vicieux où elles se meuvent, pour retrouver tout leur sens et toute leur fécondité, qu'en s'orientant vers la vallée du Nil. Réciproquement, l'égyptologie ne sortira de sa sclérose séculaire, de l'hermétisme
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ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines des textes, que du jour où elle aura le courage de faire exploser la vanne qui l'isole, doctrinalement, de la source vivifiante que constitue, pour elle, le monde nègre" Antériorité des civilisations nègres mythe ou vérité historique ?, p. 12].
Quelques références sur l'œuvre Aux références listées ciaprès s'ajoutent celles complémentaires indiquées précédemment.
Ramsès II Un tutsi
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ANKH: Egyptologie et Civilisations Africaines OBENGA Théophile : Propos préliminaire, p. 1. M'BOW Amadou Mahtar , "Hommage à Cheikh Anta DIOP", p. 6. ANDJEMBE Léonard : "Sur la rupture opérée par Cheikh Anta DIOP dans l'historiographie négro africaine", p. 10. ANSELIN Alain : "Les Initiés de l'Aube", p. 20. BAHOKEN Jean Calvin : "Universalité de la pensée philosophique africaine : apport de l'Égypte", p. 41. BEKOLOEBE Bruno et NGANGO Georges : "Crise économique et impératif d'unité en Afrique", p. 51. BILOLO Mubabinge : "La civilisation pharaonique étaitelle KAME/ KMT/NEGRE ? L'état de la question en égyptologie avant et après "Nations nègres et Culture"", p. 68. CASE Frederick Ivor et CASE Marcel Ivor : "L'héritage égyptien : Perspectives culturelles de l'œuvre de Cheikh Anta DIOP", p. 101. CLARKE John Henrik : "The Historical Legacy of Cheikh Anta DIOP : Contributions to a New Concept of African History", p. 110. DATHORNE O.R. : "Africa As Ancestor ; DIOP As Unifier". DIASSENY Dorank Assifat : "Les fondements philosophiques de la problématique culturelle et politique de Cheikh Anta DIOP", p. 134. DIOP Babacar : "L'Antiquité africaine dans l'œuvre de Cheikh Anta DIOP", p. 143. DIOP Dialo : "Réflexions sur la pensée politique de Cheikh Anta DIOP", p. 150. ELA JeanMarc : "Conscience historique et révolution africaine chez Cheikh Anta DIOP", p. 161. KESTELOOT Lylian : "Du pouvoir à la métaphysique dans le mythe de Seth et Horus", p. 193. LAM Aboubacry Moussa : "Égypte ancienne et Afrique noire chez Cheikh Anta DIOP", p. 203. NGOM Gilbert : "L'égyptien et les langues bantu : le cas du duala", p. 214. OBENGA Théophile : "L'économie de la nature ou le Grand Hymne à Aton", p. 249. PFOUMA Oscar :" L'héritage pharaonique : Hommage à Cheikh Anta DIOP", p. 267. SALL Babacar : "Histoire et conscience historique : De la philosophie de l'histoire dans l'œuvre de Cheikh Anta DIOP", p. 283. SPADY James : "Dr. Cheikh Anta DIOP and the Background of Scholarship on Black Interest in Egyptology and Nile Valley Civilizations", p. 292. TOUNKARA Boury : "Problématique du comparatisme égyptien ancien/langues africaines (wolof)", p. 313. VAN SERTIMA Ivan : "Death Shall Not Find Us Thinking That We Die", p. 321. WONDJI Christophe : Pour une histoire africaine engagée et responsable, p. 331. MOITT Bernard : "Cheikh Anta DIOP and the African Diaspora", p. 374. FINCH Charles S. :" Interview With Cheikh Anta DIOP", p. 361. MOORE Carlos : "Conversations With Cheikh Anta DIOP", p. 374. LE CHERCHEUR Revue scientifique de l'Association des Chercheurs Sénégalais, n°1, Hommage à Cheikh Anta DIOP, Forum sur l'intégration africaine, 1990 : YÉRO SYLLA : Éditorial, pp. 910. DIOP Cheikh Anta : "Làmmiñu réew mi ak gëstu", pp. 1649, texte d'une conférence prononcée en wolof le 28 avril 1984 à l'École normale Germaine LEGOFF de Thiès (Sénégal), présentation par Babacar DIOP, cartographie par Abdoul N'DIAYE et d'Ibnou DIAGNE, enregistrement de Guedj FALL, transcription de Abdoul Aziz DIAW, révision par Amadou DIALO, pp. 1315. YÉRO SYLLA : La vie de Cheikh Anta DIOP : "Une fidélité à la recherche jamais trahie", pp. 5364. OBENGA Théophile : "Un homme grand par le cœur et par l'esprit", pp. 6364. NIANG Souleymane : "Cheikh Anta DIOP physicien et humaniste : Le savant multidimensionnel, pp. 65 68. HAIDARA Baba Akhib , Introduction au Forum, pp. 7172. KIZERBO Joseph : "Les trois dimensions d'une intégration authentique", pp. 7388. DIOUF Makhtar : "La problématique de l'intégration africaine dans l'œuvre de Cheikh Anta DIOP, présentation par Amady Aly DIENG, pp. 89102. BARRY Boubacar : "Les problèmes de l'intégration régionale de la Sénégambie", pp. 103112. InterventionsContributions : Diathlem NDING (pp. 115116), Louise Marie DIOPMAES (pp. 117124), Théophile OBENGA (pp. 125126), Alphonse BLAGUE (pp. 127130), Matiteuw Chimère DIAW(pp. 131134), Ibrahima DIA (pp. 135136), Diao BA (pp. 137141), Joseph KIZERBO (pp. 143146), Amady Aly DIENG (pp. 147149), Boubacar BARRY (pp. 151152).
Mémoire d'un Continent, émission Radio France Internationale, 1986, Hommage à Cheikh Anta DIOP, émission animée par l'historien Ibrahima Baba KAKE, avec la participation de : TRAORÉ Alioune, historien, ancien Secrétaire Général du Comité pour la Rédaction de l'Histoire culturelle et scientifique de l'humanité, projet de l'UNESCO. WONDJI Christophe, historien, Université d'Abidjan (Côte d'Ivoire). KAMBOU Jeanne, historienne, BurkinaFaso. IROKO Félix, historien, Université de Cotonou, Bénin. 1987 : L'Université de Dakar devient l'Université Cheikh Anta DIOP. Arame DIOPFAL : Recueil de poèmes en walaf : Sargal Séex Anta JÓÓB, rassemblés par, Département de linguistique de l'IFANC. A. DIOP, Dakar. DIONGUE Mariétou : Exposition "Cheikh Anta DIOP : l'homme et l'œuvre 19231986", réalisée pour la première fois à l'occasion du 40ème jour du décès de Cheikh Anta DIOP. Dakar : Bibliothèque universitaire centrale, 18 au 30 mars 1986. Exposition conçue par. Présentée au siège de l'UNESCO à Paris du 13 au 21 mars 1989. Plaque commémorative, hommage de l'Afrique à Cheikh Anta DIOP, apposée sur la façade de l'hôtel Sully, 2931 rue des Écoles, Paris 5ème. Inauguration le 7 février 1988. Initiateur du projet : Le Centre Culturel Africain (CCA) dirigé par le professeur Abel EYINGA. Têtêvi Godwin TÉTÉ ADJALOGO, ancien fonctionnaire international de l'ONU, membre du CCA, a assuré la réalisation du projet, cf. JEUNE AFRIQUE nos 1451, 1421 et 1437. Ibrahima N'DIAYE, dit SEVA : Stèle commémorative de l'IFANCheikh Anta DIOP, par, 1988. LE XALAM, Groupe musical sénégalais, cassette audio,. SUPER DIAMONO, Groupe musical sénégalais, Album 33 tours Cheikh Anta DIOP, 1988. EL HADJ NDIAYE, cassette audio Cheikh Anta DIOP, 1990, Dakar, Sénégal. DOUDOU NDIAYE ROSE, Compact Disc Djabote, "Cheikh Anta Diop", Virgin, 1992. ENRICO MACIAS, Compact Disc, "Nous les Africains" en duo avec TOURÉ KUNDA, trema,1993 RANDY WESTON, Compact Disk, Khepera, "Portrait of Cheikh Anta Diop", "Borom xam xam", Gitanes,1998. AWADI : Album Présidents d'Afrique, 2010.
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