Douleur Sida

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LA DOULEUR DU SIDA/VIH [ Pain in HIV/AIDS ]

Rédaction : Dr Daniel B. Carr Edition : Dr Robert G. Addison

Edition 1996

LA DOULEUR DU SIDA/VIH

Comité de Direction

Dr Alain Serrie Président Dr Robert G. Addison Trésorier Dr N. Timothy Lynch Secrétaire Dr Daniel B. Carr Responsable Projets Dr Michel Dubois Ex - Président Dr Jacques Meynadier Dr Claude Saint-Maurice Dr Jean-Marie Besson

ADFA

Dr C. Saint-Maurice Département Anesthésie Réanimation Hôpital Saint-Vincent de Paul Av. Denfert Rochereau 75174 PARIS Cedex 14

2

LA DOULEUR DU SIDA/VIH

Rédaction : Dr Daniel B. Carr Professeur en charge de la recherche sur la douleur, Départements d’anesthésie et de médecine, Faculté de Médecine de l’Université Tufts, Centre médical de Nouvelle-Angleterre, Boston,Massachusetts,Etats-Unis

Compte-rendu d’un séminaire organisé par l’Association Douleur France Amérique (ADFA) au siège du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, et à la Faculté de Médecine de l’Université de Strasbourg, les 7-9 octobre 1994.

Dr Robert G. Addison, Editeur © 1994, Association Douleur France Amérique,Washington,DC. Tous droits réservés. Aucune partie du présent ouvrage ne peut être reproduite,stockée dans un système de recherche documentaire ou transmise par quelque procédé que ce soit, mécanique,électronique,sous forme de photocopie, enregistrement ou autre - sans l’autorisation préalable écrite de l’Association Douleur France Amérique. PAIN IN HIV/AIDS Dr Daniel B. Carr, Rédacteur

LA DOULEUR DU SIDA/VIH Dr Jacques Wrobel, Coordinateur INSTITUT UPSA DE LA DOULEUR 128 rue Danton 92500 - RUEIL-MALMAISON

Les notions exposées dans ce livre sont destinées à compléter et non à remplacer les connaissances médicales des professionnels formés en la matière.Les auteurs, le rédacteur et l’éditeur déclinent toute responsabilitié directe ou indirecte dans l’usage pouvant être fait de cet ouvrage. ISBN : 2 910844-01 - 3 Conception A Editorial Paris (1) 42 40 23 00 Dépôt légal 1er trimestre 1996

TABLE DES MATIERES ■ Auteurs

6

■ Préface Dr Philippe Douste-Blazy

8

■ Introduction Dr Daniel B. Carr

9

1. Origines de la douleur du SIDA/VIH Dr Didier Bouhassira, Dr Matthew Lefkowitz, Dr Jacques Meynadier, Dr Alain Serrie 2. Exploration de la douleur chez les patients atteints de SIDA/VIH Dr Thomas De Broucker, Dr Elyse J. Singer, Dr Claude Thurel, Dr Dominique Valade 3. Traitement pharmacologique de la douleur du SIDA/VIH Dr Daniel B. Carr, Dr Michel Dubois, Dr Mai Luu, Dr Kirk V. Shepard 4. Prise en charge non pharmacologique de la douleur du SIDA/VIH Dr Robert G.Addison, Dr Paul Glare, Dr N.Timothy Lynch, Dr Brad Manning 5. Prise en charge des symptômes autres que la douleur au cours du SIDA/VIH Dr William Breitbart, Dr Leonidas C. Goudas, Dr Alan M. Harvey, Dr André Muller

10

15

26

38

49

6. La douleur chez l’enfant atteint de SIDA/VIH Lynn Czarnecki, Dr Catherine Dollfus, Dr Maureen Strafford

58

■ Médicaments et posologies

65

■ Bibliographie

68

AUTEURS Dr Robert G. Addison, Rehabilitation Institute of Chicago, 345 E. Superior Street,Chicago, Illinois 60611, U.S.A. Dr Didier Bouhassira, INSERM U-161, 2 Rue d’Alésia, 75014 Paris, France Dr William Breitbart, Department of Psychiatry, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, 1275 York Avenue,Box 421, New Yo rk ,N ew York 10021, U.S.A. Dr Daniel B. Carr, Departments of Anesthesia and Medicine, New England Medical Center, Boston,Massachusetts 02111, U.S.A. Mme Lynn Czarnecki, Pediatric AIDS Program, United Hospitals Medical Center, 15 S. 9 Street, Newark, NJ 07101, U.S.A. Dr Thomas De Broucker, Neurologie, Hôpital de la Fontaine, 92200 Saint-Denis, France Dr Catherine Dollfus, Unité d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, Hôpital A. Trousseau, 26 Avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris , France Dr Michel Dubois, 2205 Foxboro Place, N.W.,Washington, D.C.20007, U.S.A. Dr Paul Glare, Royal Prince Alfred Hospital, Missenden Road, Camperdown, N.W.S. 2050, Australia Dr Leonidas C. Goudas, Department of Anesthesia,New England Medical Center, Boston, Massachusetts 02111, U.S.A. Dr Alan M. Harvey, Department of Anesthesia,Baystate Medical Center, 759 Chestnut Street, Springfield, MA 01199, U.S.A. Dr Matthew Lefkowitz, Department of Anesthesia, State University of New York Medical Center, 97 Amity Street,Brooklyn,New York 11201, U.S.A. Dr Mai Luu, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur, Hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris, France

6

Dr N. Timothy Lynch, Department of Anesthesia, Medical College of Wisconsin, 8700 W. Wisconsin Avenue,Milwaukee,Wisconsin 53226, U.S.A. Dr Brad Manning, Clinical Psychologist, 595 East Colorado Boulevard, Suite 635, Pasadena, California 91101, U.S.A. Dr Jacques Meynadier, Anesthésiologie,Centre Oscar Lambret,B.P. 307, 59020 Lille, France Dr André Muller, Hôpital Civil, Centre de Traitement de la Douleur, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 68000 Strasbourg, France Dr Alain Serrie, Département de Diagnostic et de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière,2, Rue Ambroise Paré, 75010 Paris, France Dr Kirk V. Shepard, Roxane Laboratories, P.O. Box 16532, Columbus, Ohio 43216, U.S.A. Dr Elyse J. Singer, Department of Neurology W 127,Veterans Administration Medical Center,West Los Angeles, 11301 Wilshire Boulevard, Los Angeles, California 90073, U.S.A. Dr Maureen Strafford, Department of Anesthesia,New England Medical Center, Boston, Massachusetts 02111, U.S.A. Dr Claude Thurel, Département de Diagnostic et de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière,2, Rue Ambroise Paré, 75010 Paris, France Dr Dominique Valade, Centre de Traitement de la Douleur, Hôpital Cochin, 75014 Paris, France

7

PRÉFACE ■ Dr Philippe Douste-Blazy, ancien Ministre de la Santé

L

e Professeur Jean Bernard, de l’Académie Française, a déclaré : “La médecine a davantage évolué ces 50 dernières années qu’au cours des 50 siècles précédents”. Toutefois,“ … l’intérêt suscité par la douleur a été plus discret. Considérée comme un symptôme,celleci n’a pas focalisé l’attention des cliniciens et chercheurs ”. Je conviens qu’il doit cesser d’en être ainsi dans la mesure où les progrès scientifiques nous ont désormais mieux armés pour comprendre la douleur. Il n’est plus possible de se résigner ; nous devons permettre à tous les patients d’accéder à l’ensemble des traitements disponibles pour combattre la douleur. Tout clinicien est un Docteur ès douleur. Cette dernière constitue le premier motif de 67 % des consultations médicales en France. Chaque année dans notre pays,quatre millions d’interventions sont pratiquées et 200 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués, auxquels s’ajoutent plus de 24 000 cas de SIDA recensés depuis le début de l’épidémie. Il m’apparaît inacceptable, aussi bien en ma qualité de médecin que de responsable de la Santé Publique dans ce pays, que nombre de médecins généralistes n’aient toujours pas en leur possession les formulaires nécessaires à la prescription d’analgésiques forts. Qu’est-ce qui, dans l’enseignement sur l’utilisation des analgésiques, rend médecins et pharmaciens réticents à utiliser les opiacés, qui jouent pourtant un rôle important dans la lutte contre la douleur ? Cette réticence est en partie fondée sur un désir compréhensible d’éviter les effets secondaires et la dépendance, mais les stratégies thérapeutiques évoquées dans cet ouvrage peuvent permettre de surmonter ces problèmes. Peut-on justifier de ne pas soulager la souffrance de patients en fin de vie par la mauvaise connaissance de ces techniques ?

8

INTRODUCTION ■ Dr Daniel B. Carr

L

a prise en charge de la douleur constitue un élément fondamental de la qualité de vie chez tous les patients, notamment ceux atteints d’affections telles que le SIDA/VIH, pour lesquelles aucun traitement n’est encore disponible. La douleur est présente chez plus d’un tiers des individus infectés par le VIH. Elle peut avoir diverses origines, dont l’infection VIH elle-même, les traitements antiviraux, antibiotiques et anticancéreux, ou encore les infections secondaires et les traitements invasifs ou chirurgicaux qu’elles entraînent. Evaluer et traiter de façon optimale la douleur associée à l’infection VIH réclame, comme dans nombre d’autres contextes cliniques complexes, les connaissances et les talents de plus d’une spécialité. C’est la raison pour laquelle l’Association Douleur France Amérique (ADFA) a organisé un séminaire interdisciplinaire en vue d’élaborer un document consensuel sur le diagnostic et le traitement de la douleur et autres symptômes associés au SIDA/VIH chez l’adulte et l’enfant. Des locaux de réunion ont été généreusement fournis à cet effet les 7-9 octobre 1994, à Strasbourg, par le Conseil de l’Europe et la Faculté de Médecine de l’Université de Strasbourg. Les spécialistes conviés se sont assidûment employés à rédiger les manuscrits de chaque session avant la fin du séminaire. Les pauses ménagées par les petits-déjeuners et les dîners leur ont permis - si brièvement, il est vrai ! - de savourer l’admirable ambiance et l’excellente cuisine de Strasbourg. Au cours des quatre mois qui ont suivi,la collaboration franco-américaine s’est poursuivie pour compléter ce compte-rendu. Le produit final, ce traité de poche, est destiné à tous les médecins concernés par la prise en charge et le traitement de la douleur.

9

1. ORIGINES DE LA DU SIDA/VIH

DOULEUR

■ Dr Didier Bouhassira, Dr Matthew Lefkowitz, Dr Jacques Meynadier, Dr Alain Serrie La douleur est fréquente au cours de l’infection VIH (Tableau 1). De façon générale,trois types de douleurs peuvent être distingués : les douleurs nociceptives signalent une lésion tissulaire par l’intermédiaire de nerfs et de voies de conduction centrales par ailleurs intacts, les douleurs neuropathiques traduisent un dysfonctionnement des nerfs périphériques ou du système nerveux central, les douleurs idiopathiques se manifestent en l’absence d’atteinte organique connue, ou de façon disproportionnée par rapport à cette dernière (Lebovitz, 1989 ; O’Neill, 1993 ; Rozenbaum, 1993 ; Singer, 1993).

Tableau 1. Syndromes douloureux couramment observés au cours du SIDA/VIH ■ ■ ■ ■ ■

■ ■ ■ ■

10

DOULEUR ABDOMINALE NEUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE DOULEUR LARYNGÉE CÉPHALÉES LIÉES AU VIH CÉPHALÉES NON LIÉES AU VIH : • Céphalées psychogènes • Migraine avec aura • Céphalées inclassifiables • Migraine sans aura CÉPHALÉES INDUITES PAR L’AZT ARTHRALGIES DOULEURS ZOSTÉRIENNES DORSALGIES

26 25 20 17

% % % %

63 % 12 % 10 % 5% 16 % 5% 5% 5%

La douleur nociceptive La douleur nociceptive est induite par un traumatisme tissulaire, ou encore par des stimuli thermiques, mécaniques ou chimiques (Serrie, 1994). L’activité nociceptive est renforcée par des substances : • libérées à partir des tissus lésés : potassium, histamine, acétylcholine, sérotonine et ATP ; • produites par les tissus lésés : bradykinine,prostaglandines ; • libérées par des nocicepteurs : neuropeptides, notamment la substance P (SP). La SP prolonge et intensifie la douleur ; elle provoque également la libération d’histamine, ellemême à l’origine d’une vasodilatation et d’un œdème. Le tableau 2 recense les quatre principales sources de douleurs nociceptives au cours du SIDA/VIH (Schoffermann, 1988 ; Lebovitz, 1989 ; Moss,1990). Les douleurs de la cavité buccale constituent l’une des manifestations douloureuses les plus déroutantes de l’infection VIH (Connolly, 1989). L’étiologie des ulcérations à type d’aphtes récidivants est obscure. Les candidoses et la colonisation directe de l’oropharynx ou de

Tableau 2. Sources de douleurs nociceptives au cours du SIDA/VIH ■ CAUSES

CUTANÉES

• Sarcome de Kaposi • Douleurs de la cavité buccale

■ CAUSES • • • • •

VISCÉRALES

Tumeurs Gastrites Pancréatites Infections Affections biliaires

■ CAUSES

SOMATIQUES

PROFONDES

• Manifestations rhumatologiques (par exemple, arthralgies) • Dorsalgies • Myopathies

■ CÉPHALÉES • Liées au VIH (par exemple, méningite, encéphalite, néoformation) • Non liées au VIH (par exemple, céphalées psychogènes, migraine) • Iatrogènes (par exemple, liées à l’AZT)

11

l’œsophage par le Cytomégalovirus (CMV) ou le virus herpès simplex (VHS) sont autant de sources de dysphagie et (s’agissant des virus) d’infection douloureuse des glandes salivaires (Barone, 1986 ; Edwards, 1990). Le sarcome de Kaposi peut être asymptomatique ou engendrer diverses manifestations douloureuses, notamment des dysphagies. L’ œ s o p h agi t e u l c é ra n t e e s t ex t r ê m e m e n t d o u l o u re u s e e t s o u ve n t réfractaire au traitement symptomatique (Friedman,1989). Les arthrites réactionnelles et le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, souvent inaugurés par une diarrhée, sont des douleurs rhumatologiques fréquentes dans l’infection VIH. La douleur articulaire est intense et réfractaire aux AINS. Les patients présentent fréquemment une antigènémie HLA-B27 positive. Des polyarthralgies non spécifiques peuvent s’observer à la phase aiguë. Ultérieurement, un syndrome articulaire douloureux lié au VIH peut donner lieu à d’intenses douleurs aiguës intermittentes au niveau des grosses articulations des membres inférieurs et, parfois, des épaules. Dans cette arthrite à VIH, le liquide synovial ne permet pas de fonder de diagnostic. L’atteinte psoriasique liée au VIH se manifeste fréquemment avec la même intensité au niveau de la peau et des articulations.La douleur de l’arthrite psoriasique liée au VIH est souvent sévère,les patients pouvant développer des lésions érosives et autres handicaps invalidants. Les myopathies douloureuses observées aux stades précoces ou intermédiaires de l’infection VIH peuvent avoir une origine inflammatoire ou toxique ; dans ce dernier cas, elles sont souvent secondaires à un traitement par la zidovudine et caractérisées par une faiblesse de la musculature proximale. Une myopathie inflammatoire diffuse (polymyosite) peut s’observer à tous les stades de l’infection VIH. Les céphalées sont abordées au chapitre suivant. Douleur neuropathique Les principales causes de douleurs neuropathiques associées à l’infection VIH sont les neuropathies à VIH, les névralgies post-zostériennes, les neuropathies toxiques secondaires aux traitements antiviraux et (en raison de leur forte prévalence dans la population générale) les neuropathies diabétiques (Léger, 1990).

12

Fréquemment, la douleur neuropathique : • apparaît en l’absence de lésions tissulaires évolutives décelables (Bailey, 1988) ; • donne lieu à des sensations désagréables de caractère anormal ou inhabituel,souvent à type de brûlures, de décharges électriques, d’élancements, ou de fulgurances et de tiraillements ; • peut survenir longtemps après un traumatisme favorisant,alors que les lésions sont cicatrisées ; • est ressentie dans une zone de sensibilité cutanée diminuée ; • est déclenchée par des stimuli de faible intensité tels qu’un frottement au niveau de la peau (“ allodynie ”) ; • s’aggrave et persiste sous l’effet de stimuli répétés (sommation). Une mononévrite multiple de stade précoce peut être la conséquence d’une lésion vasculaire auto-immune. Le stade tardif est souvent contemporain d’une infection à CMV et évolue sur un mode progressif, plus malin. Les neuropathies distales, essentiellement sensorielles et axonales, sont davantage responsables de symptômes sensitifs à type de brûlures ou de sensibilité diminuée (hypoesthésie) que de troubles moteurs tels qu’un déficit modéré. Les neuropathies distales peuvent directement résulter de la fixation du VIH-1 sur le nerf ou le ganglion de la racine dorsale,mais ne répondent que médiocrement, voire pas du tout, à la zidovudine. Les autres neuropathies incluent les polyradiculopathies ascendantes liées au CMV et les neuropathies périphériques d’origine toxique (induites, par exemple, par la didanozine (ddI) ou la zalcitabine (ddC) qui sont toutes deux responsables de dégénérescence axonale. Les symptômes, à type d’endolorissement, de brûlure ou de podalgies pseudo-contusionnelles,peuvent s’aggraver à l’arrêt de la thérapeutique. Les neuropathies végétatives peuvent provoquer une diarrhée chronique ou une hypotension allant du trouble léger ou postural au collapsus cardio-vasculaire déclenché à l’occasion de gestes médicaux. Le tableau 3 décrit les neuropathies susceptibles d’apparaître au cours de l’évolution d’une infection VIH. 13

Tableau 3. Neuropathies douloureuses selon le stade de l’infection VIH

■ PHASE

AIGUË OU DE SÉROCONVERSION

• Mononévrite, atteinte du plexus brachial • Polyneuropathie aiguë démyélinisante (syndrome de Guillain-Barré) ■ PHASE LATENTE ASYMPTOMATIQUE (CD4 + > 500/mm3) • Polyneuropathie aiguë démyélinisante (syndrome de Guillain-Barré) • Polyneuropathie inflammatoire chronique démyélinisante (PICD) ■ PHASE DE TRANSITION (200 < CD4 + < 500) • Herpès zoster (zona) • Mononévrite multiple ■ PHASE TARDIVE (CD4 + < 200/mm3) • Polynévrite à prédominance sensitive • Neuropathie végétative • Polyradiculonévrite à cytomégalovirus (CMV) • Mononévrite multiple (sévère) • Mononévrite associée à une méningite aseptique • Mononévrite secondaire à une méningite lymphomateuse • Neuropathie toxique liée aux nucléosides (ddI, ddC)

14

2. EXPLORATION

DE LA DOULEUR CHEZ LES

PATIENTS ATTEINTS DE

SIDA/VIH

■ Dr Thomas De Broucker, Dr Elyse J. Singer, Dr Claude Thurel, Dr Dominique Valade L’exploration de la douleur chez un patient atteint de SIDA/VIH peut constituer un processus potentiellement astreignant, complexe et onéreux, susceptible par lui-même d’accroître le mal-être du sujet. La mise en pratique des principes ci-après peut contribuer à réduire la gêne et les coûts occasionnés par ce processus : • Les patients VIH-positifs ambulatoires non immunodéprimés ont peu de risques de développer des tumeurs ou des infections opportunistes mettant en jeu le pronostic vital. Bien que la survenue occasionnelle d’affections auto-immunes ait été rapportée chez de tels sujets,nombre de manifestations douloureuses affectant cette population (par exemple, le zona) peuvent être traitées sans avoir à recourir à des explorations diagnostiques poussées. Dans ce groupe,le traitement des problèmes douloureux bénins (telles les migraines) peut être abordé de la même façon que chez les patients non infectés par le VIH. Chez les sujets infectés par le VIH et immunodéprimés, l’apparition d’une douleur peut être le signe avant-coureur d’une affection potentiellement fatale (par exemple, céphalées de novo marquant le début d’une méningite cryptococcique) dont le traitement est essentiel (Lipton, 1991). Les signes et symptômes cliniques présents lors de l’installation de certains syndromes douloureux chroniques chez les patients VIH-positifs immunodéprimés (par exemple, neuropathies sensorielles douloureuses des dégénérescences axonales distales liées au VIH) permettent le diagnostic sans avoir à recourir à des explorations biologiques approfondies et peuvent donner lieu à un traitement palliatif s’il s’agit de la seule option thérapeutique envisageable. • Le rôle du médecin de la douleur dans l’évaluation de celle-ci chez le patient atteint de SIDA/VIH, consiste à privilégier l’exploration des problèmes complexes de façon à pouvoir formuler un diagnostic per15

tinent en évitant les procédures inutiles, de faible valeur diagnostique ou susceptibles de causer au patient plus de désagrément que ne le justifie la gravité potentielle du problème médical. • Le personnel soignant doit faire de la prévention des douleurs iatrogènes (y compris celles induites par des gestes médicaux) une priorité chez tous les patients, en particulier ceux atteints de SIDA/VIH. • S’agissant de patients au stade terminal de SIDA/VIH, le confort est normalement plus important que le diagnostic. Il est hautement souhaitable que le moment où doit intervenir ce changement d’orientation dans la stratégie thérapeutique soit débattu à l’avance entre le patient, ses proches et le personnel soignant.

Exploration de syndromes douloureux spécifiques ❚ La céphalée constitue un symptôme aux multiples causes potentielles. L’évaluation d’une céphalée de survenue récente (Figure 1) doit prendre en compte la présence éventuelle d’une immunodépression, de signes et symptômes (convulsions,hémiparésie) témoignant d’une atteinte focalisée du système nerveux central (SNC), ou encore d’une fièvre (Rosenblum,1988). Le médecin doit également garder à l’esprit que les images radiologiques ne fournissent pas de diagnostic tissulaire ; ainsi, il n’existe actuellement aucun procédé totalement fiable permettant de différencier un lymphome du SNC d’une toxoplasmose en imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.De même, l’étude des paramètres classiques du LCR, tels la numération des éléments cellulaires et la protéinorachie, peut être mise en défaut par l’infection VIH (Marshall, 1993) ; aussi,pour diagnostiquer l’infection cérébrale, est-il souvent plus utile de recourir à des explorations spécifiques du virus telles que la culture de LCR et la réaction de polymérisation en chaîne (RPC).

16

LES CÉPHALÉES

Figure 1

IMMUNOCOMPÉTENT

CHEZ TOUS :(VDRL/FTA), ANTIGÈNE CRYPTOCOC-

IMMUNODÉPRIMÉ

CIQUE

CUTIRÉACTION

E XAMENNEUROLOGIQUE NORMAL ; ABSENCE DE FIÈVRE, CONVULSIONS, SIGNES MÉNINGÉS

EXAMEN

NEUROLOGIQUE ANORMAL, FIÈVRE , CONVULSIONS, SIGNES MÉNINGÉS

E XAMENNEUROLOGIQUE NORMAL ; ABSENCE DE FIÈVRE, CONVULSIONSET SIGNES MÉNINGÉS

PAS D’AZT

LA PROBABILITÉ D’INFECTIONOPPORTUNISTE OU DETUMEUR DU SNC EST FAIBLE

TDM

ELIMINER UNESYPHILIS ( VDRL/FTA), UNE

SI

OU

IRM

PAS D’AMÉLIORATION

SI SOUS AZT, ARRÊTEROURÉDUIRE LA POSOLOGIE

SI AMÉLIORATION, RÉDUIRE LA POSOLOGIEOU TRAITER LACÉPHALÉE PAR LESAINS

ANORMAL

TUBERCULOSE

SI

NÉGATIF, ÉLIMINER UNESINUSITE

SI NÉGATIF, TRAITER COMME UNECÉPHALÉE BÉNIGNE

NÉOFORMATIONOU HYPERTENSION INTRACRANIENNE

PAS

DEPONCTION LOMBAIRE

EXAMEN

NORMAL OUABSENCE D’EFFET DEMASSE

PL,

COMPTAGE CELLULAIRE , PROTÉINORACHIE, GLYCORACHIE, VDRL, CULTURES (BACTÉRIES , LEVURES, BACILLE ACIDORÉSISTANT), RPCPOUR CMV/HERPÈS, CYTOLOGIE.

TRAITEMENT EMPIRIQUE D’UNETOXOPLASMOSE , ANALGÉSIQUES

SI

AMÉLIORATION, TRAITER À VIE

SI LETRAITEMENT ÉCHOUE, BIOPSIE CÉRÉBRALE STÉRÉOTAXIQUE

DIAGNOSTICSPÉCIFIQUE : TRAITERLA CAUSESOUS JACENTE ET PRESCRIREDES ANALGÉSIQUES

PAS DE DIAGNOSTIC SPÉCIFIQUE

TRAITER PAR ANALGÉSIQUES

17

❚ Les neuropathies périphériques douloureuses (Figures 2 à 5) doivent être explorées en se fondant sur une anamnèse approfondie et un examen neurologique ciblé (fonctions motrices,sensorielles,réflexes et neuro-végétatives) (Miller, 1988 ; Schaumburg,1992). Cette approche permet au médecin d’éliminer des affections simulant une neuropathie, telles que myélopathie, myosite,arthrite ou vasculopathie périphérique. La démarche diagnostique doit être orientée en s’attachant clairement au diagnostic différentiel. Par exemple, si un électromyogramme avec étude de la vitesse de conduction nerveuse (EMG/VCN) est programmé, il convient de demander à l’électromyographiste de bien distinguer entre neuropathie et radiculopathie,entre mononévrite et polynévrite, et entre lésions démyélinisantes et axonales. L’identification précise du processus neuropathique circonscrit le diagnostic différentiel et limite les ex p l o ra t i o n s c o m p l é m e n t a i re s . L e s s u j e t s V I H - p o s i t i f s n o n immunodéprimés sont davantage enclins à développer des neuropathies démyélinisantes auto-immunes et des processus neuropathiques caractéristiques des individus non infectés par le VIH ; de leur côté, les patients immunodéprimés sont également exposés au risque de neuropathies axonales liées au VIH et de neuropathies secondaires à des infections opportunistes telles que le CMV (Rosenblum,1988 ; Académie Américaine de Neurologie,1991).

MONONÉVRITE

Figure 2

IMMUNODÉPRIMÉ

IMMUNOCOMPÉTENT

ELIMINERSYPHILIS , TUBERCULOSE , HERPÈS, COMPRESSION MÉCANIQUE

SI

UNE CAUSETRAITABLE ESTDÉCOUVERTE

TRAITER, SI POSSIBLE, LA CAUSE SOUS-JACENTE (PAR EX. ZONA) ETPRESCRIRE DES ANALGESIQUES.

18

SI

TDM /IRMPOUR SYMPTÔMES INHABITUELS

SI

AUCUNE CAUSE TRAITABLE N’EST DÉCOUVERTE

TRAITEMENTSYMPTOMATIQUE DELA DOULEUR PARANALGÉSIQUES

ÉLIMINER UNENÉOFORMATION ( PAR EX. LYMPHOME)

ABSENCE DE NÉOFORMATION, PL (COMPTAGE CELLULAIRE GLYCORACHIE), VDRL ; CULTURES ( CMV, VZV, BACILLE ACIDORESISTANT, LEVURES)

TRAITERSI

POSSIBLELA CAUSE SOUS -JACENTE

PARALYSIES MULTIPLES DES NERFS CRANIENS

Figure 3

CHEZ

TOUS : VDRL/FTA, CUTIRÉACTION, LDH

CHEZ

TOUS

SI

:

TDM/ IRM AVEC P. DE CONTRASTE

ABSENCEDE NÉOFORMATION

CHEZ

TOUS : PL AVEC COMPTAGE CELLULAIRE, GLYCORACHIE, PROTÉINORACHIE, VDRL, CULTURES, PCR, CYTOLOGIE

ENVISAGER

UNEBIOPSIENERVEUSE

AT RAITER, SI POSSIBLE, LACAUSE SOUS-JACENTE TRAITERLA DOULEUR PAR LESANALGÉSIQUES

;

MONONÉVRITE MULTIPLE

Figure 4 CHEZ

TOUS : VDRL/FTA, CUTIREACTION, B 12, ANTICORPS ANTINUCLÉAIRES

IMMUNOCOMPÉTENT

IMMUNODÉPRIMÉ

ELIMINER

CAUSES MÉCANIQUES DE COMPRESSIONNERVEUSE ENVISAGEREMG , VCN

;

EXPLORATIONSPLUS APPROFONDIES À LA RECHERCHE D’AUTRES CAUSESDE NEUROPATHIE (P. EX. DIABÈTE)

ELECTROMYOGRAMME VITESSE DE CONDUCTION NERVEUSE ( TOUS)

ENVISAGER BILAN VASCULAIRE À LA RECHERCHE D’UNE AFFECTION AUTO- IMMUNE ; RECHERCHE DE CMV/ HERPÈS : PONCTION LOMBAIRE, BIOPSIENERVEUSE

19

POLYNÉVRITES

Figure 5 C HEZ

TOUS : VDRL/FTA, CUTIRÉACTION , B 12, FOLATES, VS

IMMUNOCOMPÉTENT

IMMUNODÉPRIMÉ

L’EXAMENMETEN L’EXAMEN

MET EN ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE A DOMINANTE SENSORIELLE

L’EXAMEN

MET EN ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE À DOMINANTE MOTRICE OUMIXTE

EMG/ VCN, PONCTIONLOMBAIRE (COMPTAGE CELLULAIRE PROTÉINORACHIE, ETC.)

EMG, VCN FACULTATIFS

EN CASDE NEUROPATHIE DÉMYÉLINISANTEAUTO IMMUNE AVEC INFLAMMATION, TRAITER LA NEUROPATHIE PAR PLASMAPHÉRÈSE, IgG IV ET TRAITER LA DOULEUR E N CAS DE NEUROPATHIE AXONALE NONLIÉE À UN PROCESSUS PATHOLOGIQUE SPÉCIFIQUE AUTREQUE L’INFECTION VIH, TRAITER PAR ANALGÉSIQUES , TRICYCLIQUES, ETC .

20

ÉVIDENCE UNE NEUROPATHIE MIXTE, UN FAIBLE TAUX DECD 4 (<100), UNEDORSALGIE , DES SYMPTÔMES INTESTINAUX/VÉSICAUX, OU DESSIGNES D’INFECTION SYSTÉMIQUES À CMV/HERPÈS

L’EMG/ V C NR É V È L EU N E POLYRADICULONÉVRITE

L’EXAMEN

MET EN ÉVIDENCEUNE POLYNÉVRITE ESSENTIELLEMENT SENSORIELLE

EMG/VCN

IRM DES RACINES NERVEUSES LOMBO-SACRÉES (AVEC CONTRASTE) ET PL (COMPTAGE CELLULAIRE, PROTÉINORACHIE, GLYCORACHIE), VDRL, CULTURES, CYTOLOGIE, CMV/HSV

N EUROPATHIE SI

AXONALE DISTALE

UNE PATHOLOGIE ASSOCIÉE ESTDÉCOU VERTE, TRAITER L’AFFECTION SOUS-JACENTE ET LA DOULEUR : PAR EX., SI CMV, TRAITER PAR DHPG (GANCICLOVIR) ; SI HERPÈS, TRAITER PAR L’ ACICLOVIR ; SI LYMPHOME, TRAITER PAR CHIMIOTHÉRAPIES

SI LE PATIENT ESTSOUS d d I, ddC, D4 T OUAUTRE THÉRAPEUTIQUENEUROTOXIQUE , TENTERRÉDUCTION /ARRÊT DU TRAITEMENT ; TRAITER LADOULEUR . NEUROPATHIE SENSORIELLE DOULOUREUSELIÉE AU VIH, PL FACULTATIVE, TRAITER LA DOULEUR. SI LE PATIENT NE REÇOIT PAS DE THÉRAPEUTIQUE NEUROTOXIQUE, LACAUSE ESTPROBABLEMENT L’INFECTION VIH, ETC.

❚ Les myalgies (Figure 6) sont fréquentes au cours de l’infection VIH. Une myopathie auto-immune (“ myopathie liée au VIH ”) ressemblant à la polymyosite a été rapportée chez des patients infectés par le VIH à tous les stades de la maladie, quoique de façon peu courante (Rosenblum, 1988). Des myopathies liées à l’emploi de la zidovudine ont également été signalées ; leur fréquence augmente proportionnellement aux doses administrées.Certains sujets atteints de neuropathies dégénératives font état de crampes musculaires pouvant simuler une myopathie primitive. Les patients immunodéprimés à un stade avancé de la maladie sont exposés aux dénutritions (se reporter au chapitre 5), aux atteintes endocriniennes telles qu’insuffisance surrénale ou troubles électrolytiques, et aux atrophies “ d’inactivité ” liées à l’alitement et à l’immobilité prolongés, qui peuvent tous engendrer ou aggraver une myalgie.

MYALGIES

Figure 6 CHEZ TOUS : ÉPREUVES FONCTIONNELLES THYROÏDIENNES, CPK, ALDOLASE, VS IMMUNOCOMPÉTENT

NÉGATIF

MÊMESEXPLORATIONS / TRAITEMENTQUE POUR LA POPULATIONGÉNÉRALE

IMMUNODÉPRIMÉ

ANOMALIES DES CPK/ALDOLASE/VS

EMG, VCN ; ENVISAGER BILAN VASCULAIRE

BIOPSIE

MUSCULAIRE

D OULEURGÉNÉRALISÉE OUPROXIMALE , SYMÉTRIQUE ; ATROPHIE

S I LE

PATIENTEST TRAITÉ PAR LA ZIDOVUDINE , INTERROMPRE CELLE -CI PENDANT 3-6 SEMAINES

PAS D’AMÉLIORATION

FOYER

DOULOUREUX BIEN LOCALISÉ

RECHERCHERUNE PATHOLOGIE MUSCULO-SQUELETTIQUE LOCALE

SI

AMÉLIORATION, CHANGER DE MÉDICAMENT

E N CAS D’ INFLAMMATIONDIFFUSE (POLYMYOSITE), TRAITER L’AFFECTION PAR LA PREDNISONE +/ AINS CONTRELA DOULEUR , OU ENVISAGER IgG IV, PLASMAPHÉRÈSE. SI PRÉSENCE DEFIBRES DYSTROPHIQUESDE COLORATIONROUGE EN MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE, TÉMOIGNANTDELÉSIONS MITOCHONDRIALES TOXIQUES LIÉES À LA ZIDOVUDINE, ENVISAGER L’ ARRÊTCOMPLET DECELLE -CI .

-

21

❚ Une douleur abdominale survenant chez un patient infecté par le VIH doit être explorée de la même façon que chez un sujet séronégatif. Comme dans la population générale, le siège de la douleur a, chez le patient atteint de SIDA/VIH, une très grande valeur prédictive (Levine, 1992). Une évaluation gastroentérologique structurée (Figure 7) permet de porter un diagnostic spécifique dans la plupart des cas. Les patients atteints de SIDA/VIH et immunodéprimés sont fortement exposés aux risques d’infections opportunistes et d’affections malignes (par exemple, sarcome de Kaposi et lymphome), qui peuvent, au début, se manifester par une occlusion ou une perforation intestinale. Parmi les autres pathologies, il faut noter l’incidence relativement élevée des infections inhabituelles ou opportunistes du foie (mycobacterium,CMV,agents fongiques) et de la vésicule biliaire (cryptosporidies, CMV) (Wyatt, 1994 ; Parent, 1994). Du fait de leur toxicité,certaines thérapeutiques (ddI, pentamidine) peuvent provoquer des lésions hépatiques ou une pancréatite. Une douleur abdominale peut accompagner une diarrhée infectieuse liée au VIH lui-même ou à des agents pathogènes opportunistes, notamment parasitaires. Chez tout patient présentant une douleur abdominale aiguë, qu’il soit séropositif ou non, il est essentiel de déterminer si le sujet a un abdomen «chirurgical» (par exemple, une perforation intestinale) ou s’il peut être exploré et traité médicalement. L’intervention chirurgicale ne doit pas être retardée en raison de l’infection VIH du patient.La survenue d’une douleur abdominale aiguë au cours du SIDA est habituellement liée à l’infection VIH et est responsable d’une espérance de vie réduite. ❚ Les douleurs thoraciques, fréquentes chez les patients atteints de SIDA/VIH,peuvent être secondaires à diverses atteintes des organes intrathoraciques ou intra-abdominaux (Figure 8). L’interrogatoire doit préciser le type de douleur, ses caractéristiques temporelles, (localisation, irradiations,intensité), les circonstances qui la déclenchent,l’exacerbent et la soulagent, ainsi que l’existence de fièvre, dyspnée,toux, dysphagie, etc. Les patients infectés par le VIH sont sensibles à des pathologies prévalentes dans la population générale,telle l’angine.Certaines affections comme le zona peuvent survenir à tout stade de l’infection VIH ; d’autres, telles que la pneumocystose, l’infection à CMV ou la candidose œsophagienne, ne se développent que dans un contexte d’immunodépression, établi par le faible taux de cellules CD4 et/ou la présence d’autres pathologies définissant le SIDA. Les sujets VIH-positifs immunodéprimés présentant, par exemple, une douleur œsophagienne 22

DOULEUR ABDOMINALE

Figure 7

A NAMNÈSE,

EXAMENPHYSIQUE , RADIOGRAPHIES DE L’ABDOMEN ENPOSITIONS COUCHÉE/DEBOUT OUTDM

ABDOMEN “CHIRURGICAL” (PERFORATION, OCCLUSION)

ABDOMEN

NON CHIRURGICAL

E VALUATIONMÉDICALE D’UNEDOULEUR

CHIRURGIE

NON LOCALISÉE

DOULEUR ÉPIGASTRIQUE

RECHERCHER

UNE INFECTION ŒSOPHAGIENNE, GASTRIQUE (PAR EX., TOMOGRAPHIES DU TRACTUS DIGESTIF HAUT, ENDOSCOPIE)

DOULEUR DE L’HYPOCONDRE DROIT

RECHERCHER

UNE HÉPATOPATHIE EX., ENZYMES HÉPATIQUES, SÉROLOGIE DEDÉPISTAGE DES HÉPATITES INFECTIEUSES) ET/ OU UNE AFFECTION BILIAIRE

(PAR

BIOPSIE

SI NÉGATIVE,

DOULEUR ABDOMIINALEBASSE

RECHERCHERUNE INFECTION/TUMEUR PAR COLONOSCOPIE, COPROCULTURES

HÉPATIQUE

ENVISAGER UNE CHOLANGIOPANCRÉATOGRAPHIE RÉTROGRADE ENDOSCOPIQUE

23

doivent être explorés à la recherche d’une œsophagite infectieuse (candidose, herpèsSimplex, CMV), d’une tumeur (sarcome de Kaposi, lymphome) ou d’une affection auto-immune (ulcère). Les autres causes infectieuses de douleur thoracique sont les péricardites (virales, bactériennes ou tuberculeuses), les douleurs du zona et les pneumonies (notamment la pneumocystose, qui peut être associée à un pneumothorax non traumatique). Les patients immunodéprimés sont également exposés au risque d’embolie pulmonaire secondaire à une endocardite bactérienne ou à une thrombose veineuse profonde.

DOULEUR THORACIQUE

Figure 8 ANAMNÈSE

ET EXAMEN CLINIQUE

LOCALISATIONENFONCTION

PAROITHORACIQUE

RADICULALGIE : HERPÈS ZOSTER, CMV, RADICULITE, TUMEUR,

DELA ZONE ANATOMIQUE

ŒSOPHAGE : VOIR “ DOULEUR ABDOMINALE”

CŒUR, MÉDIASTIN

POUMON

RADIOGRAPHIE

RADIOGRAPHIE THORACIQUE, ECHOCARDIOGRAMME, ECG

THORACIQUE

INFILTRATION

(LYMPHOME, SARCOME DE KAPOSI)

SYNDROMEDE

TIETZE MUSCULO SQUELETTIQUE

GAZ

INFECTION

DU SANGARTÉRIEL

EMBOLIE

ANGOR NON LIÉAU VIH, INFARCTUS DU MYOCARDE

EXPECTORATION, BRONCHOSCOPIE

IMMUNODÉPRIMÉ

24

MYCOBACTERIUM • AVIUMCOMPLEX • TUBERCULOSIS CMV AGENTS FONGIQUES • COCCI • C RYPTOCOCCOSE • H ISTOPLASMOSE TUMEUR • LYMPHOME • S ARCOMEDE K APOSI

NON

PULMONAIRE

IMMUNODÉPRIMÉ

•TUBERCULOSE • STREPTOCOQUE • PNEUMONIE • H AEMOPHILUS INFLUENZAE

VIH MYCOBACTERIUM • AVIUM COMPLEX TUBERCULOSE CAUSE VIRALE • VIH • CMV TUMEUR • LYMPHOME • SARCOMEDE KAPOSI

Conclusion Certains objectifs de l’évaluation diagnostique chez les patients atteints de SIDA/VIH s’imposent d’eux-mêmes ; il en va ainsi de la nécessité de contrôler la douleur lors des procédures ou explorations (biopsie, EMG) invasives. Un but tout aussi important, mais moins bien défini,est l’élaboration d’algorithmes diagnostiques favorisant la mise en œuvre de soins efficaces au meilleur coût, comme cela a déjà été réalisé pour de nombreuses autres affections médicales. Bien que les arbres décisionnels proposés plus haut aient été conçus dans cet esprit, des études rigoureuses du devenir des patients sont nécessaires afin de définir les stratégies diagnostiques les plus rentables et de déterminer les rapports risque/bénéfice et coût/bénéfice de ces explorations. Enfin, de la même façon que les recherches fondamentales et cliniques menées sur d’autres types de douleurs (par exemple,neuropathie diabétique, douleur postopératoire) ont permis d’améliorer le traitement de ces pathologies, il importe d’entreprendre des études fondamentales et cliniques axées sur les mécanismes des syndromes douloureux associés au SIDA/VIH afin d’enregistrer des progrès similaires dans ce domaine. Le travail du Dr Singer a été en partie financé par des dotations du NINDS (N° P01 NS32228-01), du NIMH (N° MH47281-04) et de l’HRSA (N° 5D35 PE 00106).

25

3. TRAITEMENT

PHARMACOLOGIQUE

DE LA DOULEUR DU

SIDA/VIH

■ Dr Daniel Carr, Dr Michel Dubois, Dr Mai Luu, Dr Kirk V. Shepard Actuellement, les recommandations en matière de traitement pharmacologique des syndromes douloureux liés au SIDA/VIH (contrairement aux thérapeutiques des douleurs aiguës ou d’origine cancéreuse) ne peuvent s’appuyer sur des essais contrôlés randomisés ou des études d’évolution au sein de populations, de tels travaux n’étant pas encore disponibles. Les présentes propositions sont donc fondées sur l’expérience et les impressions cliniques telles qu’elles s’expriment à travers l’opinion des experts. Cette opinion peut traduire certains biais, liés à l’observateur, dans l’appréciation qu’ont les spécialistes du traitement de la douleur, c’est-à-dire une sur-représentation des patients hospitalisés et de ceux en phase terminale. La douleur associée au SIDA/VIH est-elle identique à celle du cancer ? En l’absence de protocole validé de traitement des douleurs liées au VIH, le schéma de traitement de la douleur cancéreuse élaboré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) peut être utilisé comme base de départ. Cette “ échelle ” d’analgésie applicable aux douleurs cancéreuses a été validée dans le monde entier (Ventafridda,1987). Les similitudes existant entre la douleur cancéreuse et celle associée au SIDA/VIH sont les suivantes : • évolution potentielle vers une phase de soins palliatifs après échec du traitement curatif ; • phases au cours desquelles les tableaux aigus, épisodiques, liés à des gestes médicaux, ou chroniques,stables,peuvent prédominer (Carr, 1992) ; 26

• co-morbidité ou modifications pharmacocinétiques liées à une affection intercurrente et/ou à des médicaments ; • aggravation de la souffrance du fait du retentissement de la douleur ; • lourdes conséquences économiques et humaines pour le patient,ses proches et la société,en raison du mauvais contrôle thérapeutique de la douleur. Notion d’une extrême importance,qui,d’ailleurs, s’applique également au traitement des douleurs cancéreuses et chroniques, le traitement de la douleur associée au SIDA/VIH doit prendre en compte les dimensions affective, psychologique et spirituelle, et ne peut être limité à la seule pharmacothérapie. Le traitement non pharmacologique est abordé au chapitre suivant. Les différences entre la douleur d’origine cancéreuse et celle liée au SIDA/VIH sont d’abord d’ordre épidémiologique : les sujets susceptibles d’être infectés par le SIDA/VIH sont plus volontiers des hommes jeunes appartenant à un groupe minoritaire. Bien que les caractéristiques démographiques de l’affection évoluent rapidement, il existe une probabilité encore plus forte pour que le patient atteint de SIDA/VIH ait des antécédents de toxicomanie, de traumatisme ou d’intervention chirurgicale ayant nécessité une transfusion, d’hémophilie ou de maladie sexuellement transmissible (Lebovitz,1989). De même, les patients ayant un SIDA/VIH sont davantage susceptibles de développer la maladie au cours des années productives de leur vie.Même si les antiviraux et autres thérapeutiques peuvent prolonger la surv i e ,i l n’est actuellement pas possible de guérir le SIDA/VIH, alors que la guérison est l’objectif visé au moment du diagnostic de nombreuses affections malignes. Toutefois, le délai écoulé entre le diagnostic et la phase terminale est habituellement de plusieurs années dans le cas du SIDA/VIH, mais peut ne pas excéder quelques mois chez les patients atteints de cancer. Les diverses thérapeutiques utilisées pour traiter l’infection VIH et ses complications peuvent interférer, de façons variées, aussi bien entre elles qu’avec les analgésiques. Alors que, dans le cas du cancer, l’altération immunitaire peut résulter de l’affection elle-même ou de son traitement, elle constitue toujours un élé27

ment central dans le SIDA/VIH. L’atteinte cognitive et les autres symptômes neurologiques liés à l’affection primitive ont une moindre prévalence chez les patients cancéreux que chez ceux atteints de SIDA/VIH. Les différences présentes entre les populations respectivement concernées par les diagnostics de cancer et de SIDA/VIH influencent également l’attitude de la société et des professionnels de santé à l’égard du traitement de la douleur dans ces deux groupes, en particulier si le patient atteint de SIDA/VIH a des antécédents de toxicomanie et/ou a contracté la maladie dans des circonstances jugées condamnables. Du fait de ces différences,et compte tenu de l’absence d’études cliniques démontrant que le schéma de prise en charge de la douleur cancéreuse proposé par l’OMS peut être efficacement appliqué à la douleur liée au SIDA/VIH, le recours à ce schéma ne peut être envisagé de façon systématique et universelle dans le SIDA/VIH. L’ “échelle” d’analgésie de l’OMS : AINS plus morphiniques Le premier niveau du schéma de traitement de la douleur cancéreuse élaboré par l’OMS fait appel à l’utilisation de paracétamol ou d’un AINS, approche qui, au cours du traitement de l’infection VIH, doit être envisagée avec prudence en raison des interactions médicamenteuses possibles entre le paracétamol et l’AZT (Steffe, 1990 ; Ameer 1993) et du risque d’hépatotoxicité lié au surdosage en paracétamol (Shepard,1993). L’utilisation prolongée des AINS est également sujette à caution du fait de la morbidité gastro-intestinale et rénale qui lui est associée. Néanmoins,si la surveillance de la fièvre ne constitue pas un objectif, une cure brève de paracétamol peut être utile pour réduire un épisode fébrile. Le niveau II du schéma de l’OMS comporte l’introduction d’un morphinique “ faible ” - par exemple,codéine, oxycodone, hydrocodone ou dextropropoxyphène - en plus du paracétamol ou d’un AINS.Cette stratégie est utile en cas de douleur légère à modérée chez des patients capables de prendre du paracétamol ou un AINS par voie orale. Chez de tels patients, les morphiniques “ faibles ” peuvent être utilisés seuls, à la place du paracétamol ou d’un AINS, si ces molécules sont contreindiquées. Ces associations morphiniques sont inscrites sur la Liste 1. Par ailleurs, le traitement associant un morphinique faible et un AINS a 28

peu de chance d’être efficace chez les patients hospitalisés ou à un stade plus avancé de la maladie, quand le traitement par le paracétamol ou l’AINS n’est que partiellement suivi ou implique l’utilisation de doses potentiellement toxiques, si la douleur est très intense, ou encore si la voie orale est inutilisable, toutes éventualités fréquentes à ce stade. C’est pourquoi, pour traiter la douleur au cours d’une infection VIH évoluée,les cliniciens préfèrent recourir à un morphinique fort tel que la morphine,le fentanyl ou l’oxycodone (sous forme isolée,sans association de paracétamol) (McCormack,1993).Les doses initiales de morphiniques et autres médicaments sont fournies en fin de volume. Le traitement morphinique doit obéir aux diverses règles de prise en charge de la douleur cancéreuse, dont celles édictées par l’OMS, qui préconisent notamment un ajustement personnalisé des posologies,des prises à heures fixes et l’administration de doses supplémentaires en cas de poussée douloureuse. Si la fonction rénale ou hépatique s’altère, la posologie et la périodicité d’administration du morphinique doivent être réévaluées et, si possible, revues à la baisse. La péthidine n’est, en général, pas appropriée au traitement des douleurs liées au cancer ou au SIDA/VIH, en raison du risque d’accumulation d’un métabolite toxique (la normépéridine), responsable de dysphorie,d’agitation, voire de convulsions. Bien que les morphiniques agonistes-antagonistes tels que le butorphanol ou la nalbuphine, ou les agonistes partiels du type de la buprénorphine constituent, en théorie, des thérapeutiques légitimes en première intention,il n’existe aucune donnée publiée quant à l’évolution clinique des douleurs liées au SIDA/VIH traitées par de telles molécules. Ces deux catégories de morphiniques présentent un “ effet plafond ”, ce qui signifie que l’augmentation des doses au-delà d’un certain seuil n’entraîne pas d’effet analgésique accru, mais augmente les effets indésirables ; de ce fait, il peut être nécessaire de remplacer secondairement ces agents par un morphinique fort. En revanche, l’attitude inverse (à savoir le passage d’un morphinique fort à un agoniste-antagoniste ou à un agoniste partiel) est dangereuse car elle risque de déclencher un phénomène de sevrage.

29

Utilisation des morphiniques chez le toxicomane potentiel ou avéré Le dilemme fréquent que pose l’administration de morphiniques à des sujets suspectés ou convaincus de toxicomanie peut, pour complexe qu’il soit, être surmonté par la mise en pratique de recommandations générales,originellement élaborées pour la prise en charge des douleurs aiguës ou cancéreuses : • choisir le médicament initial en fonction du type de douleur (par exemple,une douleur nociceptive aiguë est davantage susceptible de répondre à un traitement morphinique qu’une douleur neuropathique chronique, pour laquelle un antidépresseur tricyclique peut représenter la meilleure option en première intention) ; • calculer la posologie initiale en fonction du niveau présumé d’accoutumance aux morphiniques (par exemple, recourir à une dose plus élevée si le patient a activement suivi un traitement morphinique de façon journalière) ; • choisir une voie d’administration et une présentation réduisant les risques de détournement d’utilisation et de toxicomanie (par exemple, une forme orale à libération prolongée, ou transcutanée, chez un patient ayant des antécédents d’auto-injection intraveineuse de morphiniques) ; • limiter fermement la latitude offerte au patient pour négocier une escalade des doses de morphinique. Une façon d’y parvenir consiste à employer des thérapeutiques adjuvantes renforçant l’effet analgésique du morphinique, plutôt que de s’en remettre à la simple augmentation des doses de ce dernier. De même, il est toujours préférable de traiter la composante physiopathologique sous-jacente, chaque fois que cela est possible, en ayant, par exemple, recours à une antibiothérapie ou à un traitement chirurgical ; • prescrire les morphiniques par cycles courts,réclamant de fréquents contrôles et une surveillance afin de s’assurer de l’observance du traitement ; • formuler, si possible par écrit, le contrat précis passé entre médecin et patient, de même que les conséquences d’une rupture de ce contrat (par exemple,orientation vers un autre médecin en cas de

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remise en cause de la relation de confiance, ou notification systématique de tout agissement illégal aux autorités) ; • envisager des examens toxicologiques en cas de dégradation du niveau de vigilance pouvant être imputable à l’utilisation clandestine d ed ro g u e s( p a r exemple,cocaïne, benzodiazépines, etc.). L’exploration proprement dite des symptômes neurologiques est abor dée au chapitre 2.

Utilisation coordonnée des morphiniques et des “ adjuvants ” non morphiniques Les thérapeutiques adjuvantes sont de deux types : agents dotés d’effets antalgiques (par exemple, antidépresseurs, antiépileptiques) et médicaments prescrits en vue de neutraliser les effets secondaires des morphiniques (par exemple : laxatifs,antiémétiques,stimulants). Ces deux types d’adjuvants peuvent être administrés conjointement, en plus d’un morphinique, à titre de traitement initial pour contrôler une douleur neuropathique sévère. Les antidépresseurs tricycliques jouent un rôle important dans le traitement de la douleur du SIDA/VIH,en raison de la prépondérance des douleurs neuropathiques et de la forte prévalence des dépressions (le traitement des symptômes non douloureux associés au SIDA/VIH est abordé au chapitre 5). L’inhibition de la motricité intestinale par l’amitriptyline, un tricyclique conventionnel, peut constituer un effet secondaire utile chez les patients présentant une diarrhée réfractaire aux autres thérapeutiques. La prudence s’impose lors de la prescription de benzodiazépines à visée antiépileptique, ou de psychostimulants, tels que les amphétamines, notamment chez les patients ayant des antécédents de toxicomanie.La carbamazépine, un antiépileptique n’appartenant pas à la famille des benzodiazépines, est souvent efficace sur les douleurs neuropathiques, mais elle doit être utilisée avec prudence en raison des aplasies qu’elle peut induire. D’autres agents oraux tels que la méxilétine (un antiarythmique) ou les antagonistes calciques ont été utilisés avec succès dans les douleurs neuropathiques associées à des pathologies autres que le SIDA/VIH ;leur rôle dans le traitement de la douleur neuropathique liée au SIDA/VIH n’est

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pas encore défini. La capsaïcine sous forme topique est parfois utile, mais son application pluriquotidienne sur de larges zones cutanées est aussi coûteuse qu’irréalisable. Les doses initiales de certaines thérapeutiques adjuvantes sont fournies en fin de volume. Le choix des thérapeutiques de première intention et l’ajustement de leurs posologies doivent être fondés, chaque fois que cela est possible, sur l’étiologie spécifique de la douleur. Lorsque le symptôme est la conséquence d’une pathologie identifiée, responsable de douleur nociceptive,telle une mucite,il est licite d’utiliser un AINS ou le paracétamol, en associant précocement un morphinique en cas de douleur modérée à sévère, ou s’il existe une contre-indication au traitement non morphinique. Quand la douleur est sous-tendue par un processus neuropathique et est d’intensité légère à modérée, il y a lieu d’introduire un antidépresseur et/ou un antiépileptique en ajustant la posologie en fonction de l’évolution de la symptomatologie et des effets indésirables ; l’introduction ultérieure d’un morphinique sera envisagée, si nécessaire, pour contrôler la douleur résiduelle. Quand le recours aux morphiniques s’impose pour traiter une douleur neuropathique imparfaitement soulagée par l’administration d’un analgésique adjuvant, l’expérience clinique privilégie l’utilisation d’emblée d’un morphinique fort, vraisemblablement parce que la douleur neuropathique est relativement morphino-résistante et donc peu susceptible de répondre à un morphinique faible (Hanks, 1991).

EXEMPLES (voir chapitres 1 et 2) : Douleur gastro-intestinale ❚ Les douleurs oropharyngées ou œsophagiennes observées au cours du SIDA/VIH sont habituellement liées aux Candida, CMV, HSV, ou à des lésions aphteuses ulcérées (Connolly, 1989). La cause spécifique doit être recherchée par l’anamnèse, l’examen physique et des explorations complémentaires appropriées (par exemple, endoscopie). Outre le traitement primaire (par exemple, thérapeutique antivirale en cas de CMV, antifongique dans le cas du Candida ; la thalidomide est actuellement testée contre les lésions 32

aphteuses), il convient de tenter une thérapeutique symptomatique, spécifique de la localisation, tels un antiacide ou le gel de xylocaïne en application locale. Si la douleur persiste, il est possible de recourir à une association de paracétamol ou d’AINS et de morphinique faible, si elle n’est pas contre-indiquée. Habituellement, cette stratégie n’est pas suffisante et ne doit pas être testée plus d’un jour, avant de passer à un morphinique fort tel que la morphine orale, si le patient peut déglutir. Si ce dernier a de la difficulté à avaler les comprimés, il est possible de lui prescrire la morphine sous forme de solution ou de concentré aqueux (éviter les formulations contenant de l’alcool, celui-ci pouvant aggraver les ulcères). Si la sévérité de la douleur buccale est telle qu’elle interdit l’utilisation d’une thérapeutique orale (ce qui est fréquent), il y a lieu de recourir à la voie parentérale (par exemple, injections transdermiques, sous-cutanées ou intraveineuses). Ces syndromes douloureux oraux persistant aussi longtemps que la pathologie primitive est présente, le traitement morphinique doit être également continu (c’est-à-dire couvrir le nycthémère). ❚ Les douleurs abdominales idiopathiques sont fréquentes chez les patients atteints de SIDA/VIH (Barone, 1988) (se reporter aux chapitres 1 et 2). Il est essentiel d’éliminer une cause curable, par exemple une infection secondaire au CMV ou une affection maligne telle qu’un sarcome de Kaposi ou un lymphome. Lors de cette évaluation, surtout si elle motive des gestes invasifs telle une endoscopie, une prise en charge optimale peut être assurée en recourant à une courte anesthésie générale, à l’administration d’un analgésique intraveineux et/ou à une anesthésie au moyen d’un agent intraveineux de courte durée d’action (par exemple,propofol ou midazolam) sous couvert d’une surveillance étroite, notamment pour dépister une dépression respiratoire en cas de traitement morphinique concomitant, ou si le patient présente des troubles de la conscience. Une autre option consiste à ajuster le traitement morphinique par la répétition des injections intraveineuses. Si, par élimination, la douleur abdominale est imputée à des causes idiopathiques ou liées au VIH, et si elle est d’intensité légère à modérée, il convient d’effectuer un traitement d’essai par antispasmodique oral. En l’absence de réponse, il y a lieu de recourir à un traitement morphinique par voie générale. Si la douleur est légère à modérée, 33

l’utilisation d’un agoniste morphinique partiel tel que la buprénorphine peut permettre d’éviter la constipation ou les spasmes biliaires induits par la codéine. Un morphinique mixte, agoniste-antagoniste, est théoriquement tout aussi intéressant, mais il n’existe aucune donnée quant aux conséquences cliniques de l’emploi de ces deux classes pharmacologiques dans le cadre de la douleur du SIDA/VIH. Face à une douleur modérée à sévère, le traitement morphinique par voie générale devra faire appel à la morphine ou à un agoniste total voisin de cette dernière, administrés de façon à couvrir le nycthémère. ❚ Les douleurs pancréatiques peuvent être provoquées par les thérapeutiques antivirales, auquel cas la première mesure consiste à arrêter le médicament. La pancréatite constitue l’effet indésirable le plus sérieux de la didanosine (ddI), survenant chez 7 à 9 % des patients traités ; elle est moins fréquente sous zalcitabine (ddC) ou starnoline (< 1 % des patients traités, dans les deux cas). Parmi les autres causes curables de pancréatite figurent les infections opportunistes (CMV, Mycobacterium avium intracellulare [MAI], cryptocoque), les triglycéridoses d’origine médicamenteuse et (rarement) le sarcome de Kaposi ou les lymphomes. Une douleur pancréatique persistante peut être prise en charge par l’ajustement progressif des doses de morphinique, en surveillant l’amylasémie et les signes cliniques. Si la douleur augmente clairement après chaque dose de morphinique, il est licite de suspecter un spasme du sphincter d’Oddi induit par la thérapeutique, et de recourir à un autre morphinique ou (en l’absence des contre-indications décrites plus haut) à un agoniste partiel ou un agoniste-antagoniste. ❚ Les douleurs proctologiques doivent être prises en charge en fonction de l’étiologie. La douleur secondaire à une infection constitue une indication de l’acyclovir par voie générale. Les abcès bactériens peuvent répondre à une antibiothérapie systémique et aux irrigations et bains tièdes, l’excision chirurgicale avec drainage étant réservée aux patients non-répondeurs. Au cours de tels traitements primaires, il est souvent nécessaire de prendre parallèlement en charge les symptômes associés, ce qui peut être réalisé en combinant les thérapeutiques locales tel le gel de xylocaïne par voie locale et les AINS par voie générale,s’il n’existe pas de contreindication. Si la douleur persiste,il y a lieu d’administrer un morphinique. 34

Douleurs neurologiques L’incidence des céphalées et des neuropathies douloureuses augmente parallèlement à la progression de l’infection VIH vers les stades de syndrome associé au SIDA (ARC) et de SIDA avéré (se reporter au chapitre 2). ❚ Les céphalées s’observent chez environ 10 % des patients VIHpositifs par ailleurs asymptomatiques et chez 40 % de ceux présentant un ARC ou un SIDA (Goldstein, 1990). La toxoplasmose cérébrale, le lymphome intracérébral et la méningite cryptococcique sont les trois pathologies intracrâniennes les plus couramment observées chez les patients VIH-positifs et répondant à des traitements spécifiques. Le traitement de la toxoplasmose cérébrale associe pyriméthamine, sulfadiazine et acide folique. Le traitement de choix de la méningite cryptococcique est le fluconazole ou l’amphotéricine B. Les glucocorticoïdes et l’irradiation intracrânienne peuvent améliorer de façon spectaculaire les symptômes liés à un lymphome intracérébral. ❚ La prévalence des douleurs neuropathiques est en augmentation constante chez les patients atteints de SIDA/VIH, cela en raison de l’amélioration de la survie, liée à la plus grande efficacité des thérapeutiques de l’infection VIH et des pathologies associées. Le traitement des neuropathies périphériques induites par le VIH varie en fonction du type de syndrome et de l’étiologie (Cornblath,1988). Des polyneuropathies symétriques distales sont diagnostiquées chez plus de 30 % des patients ayant un SIDA/VIH. Elles peuvent être provoquées par l’infection VIH ou par les thérapeutiques utilisées contre cette dernière. Parmi les médicaments responsables figurent les analogues des nucléosides (ddC, ddI, d4T, ARA-C), des anti-infectieux (INH, dapsone, métronidazole) et des agents anticancéreux tels que la vincristine et le cisplatine. Si le contexte clinique est en faveur d’une douleur neuropathique d’origine médicamenteuse, la thérapeutique suspectée doit être arrêtée. Les polyradiculonévrites progressives induisent classiquement une douleur initialement localisée dans le territoire de la queue de cheva l ,e t progressent de façon ascendante en provoquant paralysie et douleur. Outre le traitement de la douleur neuropathique, des thérapeutiques

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antivirales sont prescrites s’il existe une infection à CMV documentée. Une forme de mononévrite intéressant habituellement la face, le pied ou le poignet est également observée chez les patients sidéens. Elle évolue classiquement vers la rémission en quelques mois, cela qu’une thérapeutique immunomodulatrice soit ou non instaurée. Des polyneuropathies démyélinisantes inflammatoires sont également observées chez les patients infectés par le VIH ; elles surviennent toutefois à un stade plus précoce que les autres neuropathies et répondent habituellement au traitement immunomodulateur. Douleurs rhumatologiques ❚ Une myopathie peut apparaître à tout stade de l’infection VIH (Lange,1988).Des myalgies nécessitant les recours aux analgésiques sont présentes chez 25 à 50 % de ces patients. Le traitement antiviral par la zidovudine (ZDV) peut induire une polymyosite, qui s’améliore à l’arrêt de la thérapeutique. ❚ Les douleurs arthritiques répondent habituellement aux AINS, associés, si nécessaire, aux morphiniques (Kaye,1989). L’injection intraarticulaire de corticoïdes peut être bénéfique chez les patients présentant une arthrite réactionnelle. D’autres thérapeutiques classiques de l’arthrite (aziathoprine, méthotrexate, sels d’or) ont été proposées pour traiter les douleurs arthritiques au cours du SIDA/VIH. Une fois l’inflammation aiguë jugulée, une physiothérapie peut être prudemment tentée (se reporter au chapitre 5). Douleurs généralisées Les douleurs généralisées ou cutanées diffuses constituent un problème fréquent chez les patients institutionnalisés (Moss, 1991). Au stade terminal de SIDA/VIH, le patient éprouve communément un inconfort généralisé, justifiant de s’intéresser aux facteurs psychologiques, spirituels et affectifs. Des soins infirmiers et un matériel de couchage appropriés sont essentiels pour prévenir les escarres. AINS et morphiniques sont utiles.

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Douleurs liées à des gestes médicaux Les patients atteints de SIDA/VIH posent de fréquents problèmes diagnostiques, imposant le recours à des explorations invasives (endoscopie, bronchoscopie, biopsie) ou à des gestes chirurgicaux (par exemple, drainage d’abcès). Ces patients sont exposés à de nombreux syndromes douloureux, et ne peuvent pas toujours exprimer verbalement leur douleur et leur angoisse. Il est de ce fait essentiel, quand des gestes invasifs sont nécessaires,de les expliquer et d’en discuter soigneusement au préalable,de recourir à une prémédication appropriée, et d’effectuer une surveillance satisfaisante alors que l’analgésie ou l’anesthésie imposée par l’intervention est conduite par un personnel qualifié,en utilisant des agents prêts à l’emploi et de courte durée d’action (midazolam, propofol,etc.). Une prise en charge efficace de la douleur postopératoire,adaptée aux impératifs spécifiques du patient (par exemple, besoins accrus en morphinique,en cas d’accoutumance),est tout aussi primordiale.

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4. PRISE

EN CHARGE NON PHARMACOLO -

GIQUE DE LA DOULEUR DU

SIDA/VIH

■ Dr Robert G. Addison, Dr Paul Glare, Dr N. Timothy Lynch, Dr Brad Manning La perception de la douleur au cours du SIDA/VIH est,comme dans toute affection,influencée par des facteurs psychologiques,sociaux et spirituels (Singer, 1993 ;Breitbart,sous presse ;Glare,communication personnelle). Bien que le profil psychologique moyen et le degré du handicap soient similaires à ceux d’autres populations de patients douloureux, les sujets atteints de SIDA/VIH avec douleur associée sont dysphoriques et fréquemment portés au désespoir et aux idées suicidaires ;ils sont sujets à une angoisse d’intensité modérée à sévère, considèrent leur douleur comme irrémédiable et mystérieuse. Plusieurs auteurs ont noté, chez les patients sidéens,l’existence d’une corrélation significative entre la douleur, le désarroi moral et la sévérité des symptômes.Ces problèmes peuvent être source de dépression et de souffrance, voire déboucher sur des idées suicidaires et une demande de suicide médicalement assisté. Même si les patients atteints de SIDA/VIH recevant uniquement des thérapeutiques à visée antalgique signalent une diminution de l’intensité douloureuse,cela ne modifie en rien leur détresse ou leur incapacité. La prise en charge non pharmacologique de la douleur, par l’exploration de problèmes complexes (souvent subjectifs),permet de traiter la détresse, et favorise le développement d’une relation de confiance mutuelle entre patient et soignant. Les méthodes non médicamenteuses de contrôle de la douleur font appel à diverses stratégies : hypnose,biofeedback,stimulation électrique, acupuncture et psychothérapie individuelle et de groupe,anesthésiques locaux (blocs nerveux), voire neurochirurgie. Ces approches doivent être envisagées lorsque :

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• le traitement pharmacologique n’est pas à même d’enrayer la douleur, en raison d’une accoutumance à la thérapeutique ou d’effets secondaires ; • l’existence d’angoisse, dépression ou autres symptômes d’origine psychique participe à la douleur et à l’altération de la qualité de vie du patient (surtout si ces symptômes résistent au traitement) ; • l’efficacité de la thérapeutique analgésique est obérée par une médiocre observance, une toxicomanie ou les réticences du patient à accepter un traitement morphinique ; • un syndrome douloureux non lié au VIH et auto-limitant (céphalées psychogènes,migraine,lombalgies,etc.) s’avère être une source transitoire de douleur. Approche structurée de la prise en charge non pharmacologique au cours du SIDA/VIH La gestion optimale de la douleur liée à l’infection VIH associe généralement au traitement pharmacologique des techniques comportementales et complémentaires de contrôle de la douleur. L’évaluation et la prise en charge systématiques de la douleur du SIDA/VIH passent par la mise en œuvre d’une stratégie séquentielle structurée : • La première étape consiste à informer le patient,sa famille et ses amis qu’ils sont en droit d’attendre un soulagement adéquat de la douleur par des moyens médicamenteux et autres, et qu’ils doivent tous s’impliquer dans ce processus. • En second lieu, il convient de déterminer la cause primitive de la manifestation douloureuse et de l’aborder médicalement, si cela est possible. Fréquemment, le patient est toutefois trop débilité pour supporter des explorations approfondies, ou l’étiologie demeure incertaine en dépit des investigations, ou encore l’étiologie est connue mais le traitement primaire n’est pas envisageable. Dans tous ces cas, l’analgésie pure constitue l’objectif thérapeutique. En outre, 39

même lorsqu’un traitement spécifique de l’affection en cause est instauré, la réponse peut n’être que partielle. Pour ces diverses raisons, l’analgésie doit être mise en œuvre sans attendre l’issue de l’enquête médicale ou des traitements. • La troisième étape vise à apprécier l’efficacité du traitement pharmacologique de la douleur. Souvent, celle-ci peut être jugulée simplement en instaurant un traitement adjuvant, ou en augmentant la dose ou la fréquence d’administration des analgésiques prescrits au patient pour compenser l’accoutumance médicamenteuse, quasiment inévitable au cours du traitement pharmacologique de la douleur associée au SIDA/VIH. • La quatrième étape fait appel à un ensemble d’options non pharmacologiques telles que : hypnose,biofeedback,stimulation électrique, acupuncture et psychothérapie individuelle et de groupe, anesthésiques locaux (blocs nerveux), voire neurochirurgie. Ces techniques peuvent être utilisées isolément, ou en complément des traitements pharmacologiques ou invasifs ; par exemple, dans certains cas,la réalisation de blocs nerveux peut réduire les besoins en médicaments et donc les effets secondaires. Impact de la démence liée à l’infection VIH sur les traitements non pharmacologiques de la douleur Fréquemment, les patients présentant des manifestations douloureuses associées au SIDA/VIH souffrent non seulement d’un épuisement physique et moral, mais sont également affligés de troubles cognitifs altérant la mémoire, la concentration, la compréhension, le pouvoir d’attention (Price,1988), ainsi que l’aptitude à appliquer les techniques psychologiques de contrôle de la douleur. Les facteurs de risque sont les mêmes en matière de démence et de douleur liées à l’infection VIH (Singer, 1993 ; McArthur, 1993) : taux réduit de cellules CD4 + (< 200/mm3), présence d’infections opportunistes ou de tumeurs et/ou faible indice de Karnofsky. De ce fait, les risques de douleur et de démence associées à la maladie, ainsi que la probabilité de devoir recourir à des polythérapies analgésiques augmentent parallèlement à la progression de l’infection 40

VIH. McArthur et coll. ont noté que la démence (infections et tumeurs du SNC non comprises) constitue la première manifestation définissant le SIDA chez 4 % des patients VIH-positifs, et que son incidence augmente de 7 % par an après survenue d’une autre affection définissant le SIDA, telle la pneumocystose, le risque cumulé atteignant 20-25 % (Mc Arthur, 1993). Des troubles cognitifs peuvent également accompagner d’autres syndromes systémiques ou neurologiques, ou être provoqués par la thérapeutique. Les caractéristiques de la démence liée à l’infection VIH sont les suivantes (Price, 1988) : • détérioration de la mémoire immédiate qui, lorsqu’elle n’est pas encore sévèrement altérée, demeure réactive à la sollicitation ; • diminution du pouvoir d’attention et de la concentration ; • handicap psychomoteur, avec lenteur de démarrage du discours et des mouvements ; • apathie, avec perte de dynamisme et d’intérêt. La plupart des stratégies de prise en charge non pharmacologique de la douleur peuvent être utilisées chez les patients souffrant de démence liée à l’infection VIH, à condition de les modifier pour tenir compte de l’expérience clinique actuelle : • surveiller l’état mental à la recherche de signes de démence liée au VIH, avant et pendant le traitement ; • impliquer davantage les proches dans le traitement à mesure que la démence du patient progresse ; • ralentir le rythme des interactions thérapeutiques ; consacrer plus de temps aux consultations et au suivi pour tenir compte du ralentissement des mouvements et de l’élocution ; ou encore, fixer des objectifs plus modestes à chaque consultation, mais augmenter la fréquence des contrôles ; • faire immédiatement un bilan du niveau de motivation et s’assurer la

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collaboration des proches pour soutenir l’intérêt et le dynamisme du patient,surtout s’il est en phase de repli sur soi ; • éliminer une dépression et/ou envisager la prescription d’un antidépresseur afin d’améliorer la réponse au traitement non pharmacologique ; • exercer une sollicitation soutenue lorsque le patient est invité à utiliser sa mémoire immédiate, et demander à l’entourage de faire de même lors des situations et des tâches faisant appel à la mémoire ; • introduire immédiatement un système de calendrier, agenda ou blocnotes dans la vie quotidienne du patient, de façon à lui éviter d’avoir à se fier à sa mémoire pour rendre compte de l’intensité de sa douleur ou de l’utilisation des médicaments ; • surveiller toute modification de l’attention du patient durant le traitement ; toutes les consignes données au sujet doivent être concises, graduelles et écrites ; • contrôler constamment les défaillances de l’attention pendant la transe hypnotique et autres techniques de relaxation, en invitant le patient à fournir une réponse non verbale, par exemple en levant un doigt, s’il peut entendre le thérapeute.

Thérapies comportementales (Turk, 1983 ; Holzman, 1986) ❚ L’hypnose - La visualisation est une forme d’induction hypnotique fondée sur la description d’images mentales relaxantes telles que clairières, îles tropicales ou lieux clos propices à la méditation. Ce type d’induction contribue à diminuer l’angoisse et favorise une relaxation profonde. L’imagerie guidée,une forme de visualisation dirigée,est centrée sur des problèmes psychologiques spécifiques et/ou des images atténuant la douleur.Par exemple,le patient attribue une valeur numérique à l’intensité de sa douleur (8 sur une échelle allant de 0 à 10) et lève un doigt pour signaler quand la douleur diminue à 7, en détachant des fragments du 8.Une autre possibilité consiste à demander au patient 42

de visualiser un lieu calme, par exemple un alpage, puis d’observer passivement les images guidées de petites ondes douloureuses filamenteuses quittant son corps pour s’élever dans les airs et y fusionner, ou se laissant emporter au-delà de la forêt pour sombrer dans un lac de montagne froid et profond. L’hypnose autogène fait appel à des techniques telles que l’autosuggestion de sensations corporelles successives de chaleur, de pesanteur et de relaxation. L’impression de chaleur accrue a contribué à réduire l’intensité douloureuse lorsque cette technique a été appliquée chez des patients souffrant de migraine ou de céphalées psychogènes. ❚ Le biofeedback fournit des renseignements auditifs (préférables) ou visuels sur certains paramètres physiologiques auxquels ont été cliniquement imputées des modifications d’un symptôme cible, telle l’atténuation de la douleur. Le patient peut faire appel à d’autres techniques en vue de parvenir à la relaxation ; le recours au rétrocontrôle auditif ou visuel peut l’aider à atténuer cet état et à garder son attention fixée sur une cible particulière (par exemple, le bras). ❚ La technique de relaxation progressive de Jacobson enseigne au patient à reconnaître les sensations physiques liées à la relaxation en ayant recours à une série d’exercices, durant lesquels des groupes musculaires distincts sont délibérément mis en tension puis relâchés. Le résultat, un sentiment de relaxation corporelle totale, peut contribuer à réduire la douleur, même au niveau de sites anatomiques spécifiques. ❚ Les techniques de prise en charge comportementale et cognitive de la douleur varient énormément : aucune d’elles ne se montre supérieure aux autres chez l’ensemble des patients. Ces stratégies sont fondées sur l’hypothèse que le patient est capable de se situer dans une perspective comportementale et cognitive,c’est-à-dire peut intervenir activement sur son environnement et gérer des situations ne correspondant pas à sa vision du monde,ce qui l’oblige à modifier soit la situation soit ses propres conceptions. Le thérapeute est appelé à assumer des rôles aussi variés que ceux de professeur, entraîneur, collaborateur, voire “ chef supporter ”. Les techniques de relaxation décrites plus haut sont fréquemment

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associées aux thérapies comportementales et cognitives. Ces dernières font notamment appel aux méthodes spécifiques suivantes : • L’entraînement à la distraction. Fondée sur le principe selon lequel un individu ne peut se concentrer sur plus d’un objet à la fois, cette technique fournit un centre d’intérêt externe, avec “autorisation” de ne pas se fixer sur les sensations corporelles, aux patients préoccupés par leurs symptômes physiques. Ces techniques de distraction trouvent leur meilleure application dans le cadre d’épisodes douloureux d’intensité légère à modérée dont la survenue est prévisible, permettant ainsi au patient de se préparer à leur apparition. Pour donner les meilleurs résultats,les méthodes de distraction doivent être personnalisées ;elles peuvent,par exemple,consister à rédiger une liste de courses au rayon alimentation, à effectuer les préparatifs en vue d’un dîner, ou encore à passer d’un programme radio musical à une émission débat. • La restructuration cognitive aide le patient à considérer sa douleur sous un angle différent, plus constructif. Le thérapeute induit les pensées exclusives du patient sur sa douleur, l’aide à faire progressivement abstraction des pensées et des sentiments qui aggravent l’intensité de sa douleur et son désarroi, pour favoriser les pensées plus en rapport avec un état de confort. • L’entraînement cognitif et comportemental forme le patient à recourir à des images mentales et à s’imaginer,par exemple,en train de surmonter avec succès un épisode douloureux. La désensibilisation systématique est également utilisée. Meichenbaum (1976) a décrit une application de cette technique en quatre étapes :(1) préparation à un épisode douloureux ; (2) affrontement et prise en charge de la douleur ; (3) gestion des sensations aux moments cruciaux ; et (4) mise à profit de l’auto-renforcement pour faire face de façon efficace. • Le jeu de rôle impose au patient d’identifier et de s’impliquer dans une situation en rapport avec un domaine posant problème. Un exemple en est fourni par le patient qui apprend à exiger instamment des gens qu’ils n’expriment pas ouvertement leur sollicitude et ne portent pas attention à sa douleur. Grâce au jeu de rôle, le patient peut faire évoluer une situation dans le sens souhaité sans avoir à se plaindre de sa douleur. 44

• Le travail au domicile a pour but d’inciter, en dehors des séances thérapeutiques, le patient et les proches à : (1) identifier les aspects de la vie du patient affectés par la douleur ; (2) apprécier les réponses du patient et de son entourage à la douleur et au comportement douloureux ; (3) prendre davantage conscience des facteurs diminuant ou augmentant l’intensité de la douleur ; (4) identifier les réponses inappropriées à la douleur ; (5) mettre en œuvre les techniques de gestion évoquées lors des séances thérapeutiques ; (6) accroître l’activité physique ; (7) réaliser les progrès pouvant être accomplis dans la gestion de la douleur au jour le jour ;(8) suivre les progrès successifs en matière de prise en charge de la douleur ; et (9) modifier en permanence les objectifs. Quelle que soit la technique employée parmi celles qui viennent d’être décrites, certaines considérations générales doivent guider la prise en charge psychothérapique de la douleur chez les patients atteints de SIDA/VIH : • contracter une alliance thérapeutique avec le patient le plus tôt possible ; • s’agissant de patients hospitalisés, accélérer le processus thérapeutique par le biais de consultations quotidiennes ; • établir de fréquents contacts avec le médecin traitant, les infirmières, les proches,etc. Le thérapeute comportementaliste peut être amené à coordonner l’information médicale et psychosociale ; • une fois la relation établie, veiller à appeler à leur domicile les patients ambulatoires traversant des périodes particulièrement difficiles ; • l’intégration du patient à des groupes de soutien social peut s’avérer utile, peut-être plus encore que la thérapie cognitive et comportementale conventionnelle (Kelly, 1993).

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Physiothérapie Les objectifs de la physiothérapie sont : d’accroître le niveau d’activité ; d’améliorer la mobilité articulaire (y compris de corriger la rétraction des parties molles induite par l’immobilisation lors d’épisodes invalidants) ; et d’améliorer la force,l’endurance et la souplesse du patient par le biais d’exercices thérapeutiques. Parmi les méthodes physiques pouvant être utiles chez les patients atteints de SIDA/VIH avec douleur associée figurent les ultrasons, la chaleur, le froid et les pulvérisations de chlorure d’éthyle. Ces techniques sont toutefois plus efficaces sur les douleurs musculosquelettiques que sur les manifestations douloureuses observées à un stade avancé du SIDA/VIH. L’électrostimulation nerveuse transcutanée (ESNT), technique non pharmacologique utilisant la stimulation électrique cutanée pour soulager la douleur, peut être intéressante en cas de douleur localisée d’origine nociceptive ou neuropathique (se reporter au chapitre 1). Méthodes invasives ❚ L’analgésie auto-contrôlée par le patient (PCA) permet d’administrer un analgésique, presque toujours un morphinique, sous forme de bolus contrôlés par le patient, complétés (si désiré) par une perfusion continue basale. Lorsque la posologie est modérée, de faibles volumes de médicament peuvent être injectés à l’aide d’une aiguille sous-cutanée de petit calibre ; cependant,lorsque cette approche est envisagée chez un patient atteint de SIDA/VIH, les volumes médicamenteux à perfuser sont souvent devenus suffisamment importants pour nécessiter l’emploi d’un cathéter intraveineux. ❚ Les blocs nerveux (injections ciblées d’un anesthésique local ou d’un agent neurolytique) ne sont normalement pas utilisables pour traiter la douleur associée au SIDA/VIH, mais ils peuvent occasionnellement aider au diagnostic ou au traitement. Quand une intervention neurochirurgicale est envisagée, la réalisation d’un bloc nerveux temporaire peut simuler le résultat. Les blocs sympathiques sélectifs peuvent renseigner quant à une éventuelle 46

participation sympathique dans la douleur du patient et, par là même, guider le traitement médicamenteux.Même temporaire, un bloc nerveux peut favoriser la participation du patient à une physiothérapie brève ,s i cela constitue en soi l’objectif thérapeutique. Certains analystes attentifs ont signalé que, après réalisation de blocs nerveux sympathiques ou somatiques, la durée de soulagement de la douleur excède fréquemment la période d’action de l’anesthésique. ❚ Les techniques neurochirurgicales sont parfois utilisées pour soulager des douleurs d’origine cancéreuse et, à quelques exceptions près (par exemple, la gassérectomie dans le tic douloureux), sont de moins en moins mises en œuvre dans le traitement des douleurs chroniques non liées à une affection maligne. La neutralisation de certaines voies spécifiques de conduction de la douleur, par méthode neurochirurgicale ou par blocs nerveux, s’avère plus intéressante pour traiter une douleur engendrée par une tumeur en un site précis que pour combattre les douleurs diffuses, de localisations multiples ou migratrices,caractéristiques de l’infection VIH. D’autres techniques invasives - telle l’implantation de pompes délivrant le médicament par voie péridurale, ou d’électrodes destinées à stimuler les cordons postérieurs de la moelle épinière - ont été utilisées avec succès pour traiter la douleur au sein de populations sélectionnées. Cependant, l’implantation de tels dispositifs chez des patients fortement immunodéprimés accroît le risque infectieux,ce qui peut obliger à retirer ou à remplacer le dispositif. Cela explique le peu d’expérience clinique acquise concernant l’emploi de ces techniques pour traiter la douleur liée au SIDA/VIH. Orientations futures Les recherches doivent être poussées beaucoup plus avant, notamment pour préciser les aspects psychologiques du traitement non médicamenteux de la douleur associée au SIDA/VIH.Ainsi,de récents travaux (Kelly, 1993) mettent l’accent sur l’intérêt des groupes de soutien social chez les patients VIH-positifs déprimés.Cette observation pourrait susciter un recours accru à ces structures,en vue de favoriser l’atténuation de la douleur chez les patients infectés par le VIH. 47

Il n’est actuellement porté que peu d’attention à la douleur, tant dans la littérature générale sur le SIDA (traités et publications) que lors des conférences consacrées à l’infection VIH. Cet aspect fondamental de la prise en charge des patients doit devenir partie intégrante de la recherche et de la pratique clinique générales en matière d’infection VIH, le contrôle de la douleur devant, par ailleurs, constituer une aspiration légitime des patients atteints de SIDA/VIH. Les mesures concrètes pouvant être prises par les patients pour gérer leur propre douleur sous un angle non pharmacologique demandent à être largement diffusées. Les patients VIH-positifs doivent être en possession des informations leur permettant d’accéder aux professionnels qui ont l’expérience des traitements pharmacologiques et autres : psychologues cliniciens, physiothérapeutes, travailleurs sociaux, médecins d’établissements ou autres, ou personnels infirmiers. En liaison avec les besoins de ces patients, il existe une nécessité de former médecins de première ligne, infirmières et autres professionnels à une prise en charge optimale de la douleur ; il est également essentiel de communiquer les résultats des recherches en cours sur la douleur associée à l’infection VIH aux praticiens de ville et aux associations de patients, de manière à promouvoir leur application.

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5. PRISE

EN CHARGE DES SYMPTÔMES

AUTRES QUE LA DOULEUR AU COURS DU

SIDA/VIH

■ Dr William Breitbart, Dr Leonidas C. Goudas, Dr Alan M. Harvey, Dr André Muller Des symptômes autres que la douleur altèrent fréquemment la qualité de vie des patients infectés par le VIH. Ces symptômes qui sont le plus souvent concomitants ou liés à la douleur ou à son traitement,peuvent compromettre l’évaluation et la prise en charge de la douleur (Tableau 4). Les effets indésirables des thérapeutiques analgésiques sont discutés au chapitre 3.

Tableau 4. Symptômes, autres que la douleur, observés au cours du SIDA/VIH SYMPTÔMES COURAMMENT ASSOCIÉS À LA DOULEUR OU INTERFÉRANT AVEC ELLE • • • • • • • • •

Anxiété Dépression Fatigue/asthénie Anorexie/cachexie Mouvements involontaires Constipation/diarrhée Toux/dyspnée Prurit Syndrome de sevrage aux morphiniques

SYMPTÔMES • • • •

SYMPTÔMES ASSOCIÉS AUX THÉRAPEUTIQUES DE LA DOULEUR • Constipation • Nausées et vomissements • Sécheresse buccale • Somnolence • Confusion • Symptômes urinaires • Prurit

GÊNANT L’ÉVALUATION ET/OU LE TRAITEMENT DE LA DOULEUR

Démence liée au SIDA Délire Cécité Syndrome de sevrage aux morphiniques

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Anxiété/dépression Jusqu’à 60 % des patients VIH-positifs ambulatoires sont sujets à des symptômes tels que sentiment de tension, craintes et contrariétés ou humeur dépressive (Atkinson, 1988 ; Breitbart, 1994). Les symptômes d’anxiété et de dépression spontanément signalés par les patients atteints de SIDA/VIH sont classiquement d’intensité élevée, et l’existence d’une douleur accroît l’incidence et la sévérité de ces symptômes (Fernandez, 1987 ; Atkinson, 1988 ; Belkin, 1992 ; Breitbart,1993). Anxiété et dépression peuvent résulter d’un mauvais contrôle de la douleur, mais également aggraver le vécu de la douleur. L’anxiété se manifeste souvent par des symptômes tant physiques que psychologiques tels que tachycardie, palpitations, hypersudation, dyspnée,tension,peur, agitation,déréalisation,dépersonnalisation, voire accès de panique (Belkin, 1992). Lors de l’évaluation des symptômes d’anxiété chez un patient atteint de SIDA/VIH, il importe d’envisager différentes causes organiques : effets secondaires liés aux thérapeutiques antirétrovirales (par exemple l’AZT) ou aux antiémétiques, infections opportunistes du SNC, embolie pulmonaire, hypoxie ou délire. La prise en charge de l’anxiété chez un patient VIH-positif comporte : • la recherche des causes sous-jacentes ou organiques de l’anxiété (traitement analgésique d’essai contre une douleur non contrôlée, oxygénothérapie pour traiter une hypoxie, etc.) ; • la mise en œuvre d’un traitement anxiolytique : benzodiazépines (lorazépam, clonazépam,etc.),neuroleptiques (thioridazine,méthotriméprazine), et autres anxiolytiques légers telles la buspirone et l’hydroxyzine ; • des techniques comportementales (relaxation, distraction, etc.), décrites au chapitre précédent. La dépression se manifeste souvent par une tristesse ou une humeur dy s p h o ri q u e , d e s s e n t i m e n t s d e d é s e s p o i r, d ’ i m p u i s s a n c e , d e dévalorisation, de culpabilité, et des idées suicidaires. Le risque suicidaire est plus élevé chez les patients sidéens que chez les 50

sujets atteints de cancers ou d’autres affections médicales (Breitbart, 1993). Douleur et autres symptômes physiques, lorsqu’ils existent, participent à la détresse morale des patients VIH-positifs et augmentent l’incidence des idées suicidaires (Belkin, 1992). Les symptômes de dépression incluent ralentissement psychomoteur, fatigue, altération de l’appétit et du sommeil. Dans la mesure où nombre de ces symptômes physiques dépressifs peuvent être induits par le SIDA/VIH ou les thérapeutiques qui lui sont opposées, il importe de prendre en compte ces facteurs d’ordre médical lors de l’évaluation et du traitement de la dépression (Hintz,1990 ;Breitbart, 1994). Les antidépresseurs sont efficaces sur la dépression associée au SIDA/VIH ;ils sont également intéressants en tant que co-analgésiques (Hintz,1990 ;Breitbart,1994). Les tricycliques (par exemple,l’amitriptyline),les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (paroxétine,etc.),de développement p l u s r é c e n t , e t l e s p s y ch o s t i mu l a n t s ( d ex t ro a m p h é t a m i n e , méthylphénidate, pémoline) offrent sécurité d’emploi et efficacité dans le traitement de la dépression au cours du SIDA/VIH (Fernandez, 1988 ; Rabkin,1994). La psychothérapie peut être un complément intéressant au traitement antidépresseur (Kelly, 1993). Fatigue/asthénie Le manque d’énergie, la fatigue et l’asthénie figurent parmi les symptômes les plus communément rapportés par les patients VIHpositifs (Longo,1990). Des travaux récents indiquent que la fatigue constitue un symptôme source de désarroi chez 40 à 50 % des patients sidéens, et qu’elle est fréquemment présentemême aux stadesprécoces, “asymptomatiques”, de l’infection VIH (Darko,1992 ; Hoover, 1993).Une évaluation de la force musculaire et de l’asthénie doit être pratiquée dès le diagnostic d’infection VIH, puis à chaque visite de contrôle. A l’instar de la douleur, la fatigue représente une expérience pluridimensionnelle complexe,répondant à de multiples étiologies et intrications.

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La fatigue associée à l’infection VIH a été attribuée : • à des effets directs du VIH sur le système nerveux central (démence du SIDA) et l’appareil neuro-musculaire (myopathies et neuropathies périphériques liées au VIH) (Miller, 1991) ; • à des infections opportunistes et affections malignes secondaires ; • à une anémie (Revicki, 1994) ; • à la malnutrition et au “ syndrome d’hypercatabolisme ” (se reporter ci-après) (Crocker, 1989 ; Hellerstein, 1990) ; • aux effets secondaires des antiviraux, de la chimiothérapie, de l’immunothérapie ou de la radiothérapie utilisés pour traiter l’infection VIH ou les infections et néoplasies secondaires (AZT, vincristine, interféron,etc.). Douleur, dépression et troubles du sommeil sont également responsables de fatigue et d’asthénie au cours du SIDA/VIH (Darko,1992). L’existence d’une faiblesse et d’un endolorissement de la musculature proximale et l’élévation des taux de CPK sont en faveur du diagnostic de myopathie inflammatoire, la confirmation pouvant être apportée par la biopsie musculaire (se reporter au chapitre 2 pour une évaluation détaillée). Le traitement pharmacologique des myopathies inflammatoires fait généralement appel aux AINS, les corticoïdes étant utilisés parcimonieusement pour éviter l’aggravation de l’immunodépression. Il est fréquent qu’aucune cause spécifique ne puisse être imputée à la fatigue et qu’il soit donc nécessaire de recourir à des thérapeutiques symptomatiques (Revicki,1994). Le contrôle de la douleur, l’évaluation et la prise en charge correctes de la dépression et des troubles du sommeil constituent des aspects majeurs,mais il est tout aussi important de se préoccuper des principales causes organiques de fatigue (Bruera,1988). Les thérapeutiques psychostimulantes sont parfois utilisées pour accroître le niveau d’énergie (Holmes, 1989). L’exercice pratiqué dans le cadre d’un programme de maintien de la forme est essentiel à l’efficacité de la physiothérapie (Holmes,1989 ; 52

Krupp,1989). Parmi les autres approches non pharmacologiques de la fatigue figurent les exercices de rééducation, l’entraînement aérobique, le maintien énergétique, les activités restauratrices et les mesures d’éducation (Longo,1990). Toux/dyspnée Toux et dyspnée sont rapportées chez environ 50 % des patients VIHpositifs admis à l’hôpital (Hoover, 1993 ; Lebovits,1994). Les infections pulmonaires liées à Pneumocystis carinii, à la tuberculose et à des agents bactériens,viraux ou fongiques sont des causes courantes de toux et de dyspnée (Murray, 1987 ; Phair, 1990). Les causes non infectieuses de toux et de dyspnée chez les patients atteints de SIDA sont représentées par l’extension d’un sarcome de Kaposi au poumon, les lymphomes et les pneumopathies interstitielles (Murray, 1987). Ces affections s’accompagnent, en outre ,s o u vent d’une douleur pleurétique (qui est donc exacerbée par la toux et l’inspiration). L’existence d’une douleur thoracique peut favoriser la dyspnée. Les interventions destinées à traiter les infections pulmonaires sousjacentes, les néoplasies opportunistes et l’inflammation doivent être associées aux mesures symptomatiques et adjuvantes (médicaments antitussifs, oxygénothérapie) (Welsby, 1993). Prurit Prurit ou démangeaisons peuvent constituer le signe inaugural de l’infection VIH et sont souvent associés à diverses anomalies cutanées observées au cours du SIDA/VIH (Cockerell,1994). Parmi les pathologies prurigineuses accompagnant l’infection VIH figurent : • infections et parasitoses cutanées (gale, infections fongiques,herpès simplex/zoster, etc.) ; • dermatoses prurigineuses (réactions médicamenteuses, pseudo-dermatites séborrhéiques, folliculites,urticaires,dermites papuleuses du SIDA) ; • affections systémiques (hépato ou néphropathies, lymphomes). 53

La mise en culture de prélèvements cutanés aide à l’identification des processus infectieux ; tests épicutanés et biopsies contribuent au diagnostic des dermatoses inflammatoires. Le traitement du prurit doit idéalement être axé sur la cause sousjacente. Parmi les thérapeutiques topiques utiles figurent : les crèmes et pommades à base de corticoïdes, les émollients et les agents antiprurigineux locaux (par exemple,pramoxine, menthol et phénol). Les traitements généraux du prurit sont représentés par les antihistaminiques, les corticoïdes et, dans de rares cas, la naloxone ou la cholestyramine. Méthotrexate,ultr aviolets et corticothérapies doivent être utilisés avec prudence (Cockerell,1994). Diarrhée/constipation Des diarrhées s’observent chez 50 à 90 % des patients atteints de SIDA/VIH (Connolly, 1988 ; Crocker, 1989). Elles peuvent êtres secondaires à des troubles gastro-intestinaux douloureux sous-jacents, fréquents au cours du SIDA/VIH, mais peuvent ellesmêmes être source de douleur. Les causes de diarrhée au sein de cette population sont : • des infections parasitaires (cryptosporidioses,microsporidioses, etc.) ; • des infections bactériennes ; • des infections virales (par exemple, colite à CMV) ; • des infections fongiques ; • des néoplasies responsables d’envahissement intestinal (lymphome, sarcome de Kaposi) ; • le syndrome de sevrage aux morphiniques ; • certains médicaments (ddI, ddC,antibiotiques).

54

Les infections parasitaires opportunistes se développent plus volontiers chez les patients sévèrement immunodéprimés (CD4 + < 200/mm3) (Connolly, 1988). La recherche de la cause d’une diarrhée au cours du SIDA/VIH doit commencer par un examen clinique et une analyse des thérapeutiques utilisées. Les explorations diagnostiques complémentaires peuvent comprendre coprocultures, échographie abdominale, TDM/IRM, et examen endoscopique avec biopsie. La prise en charge consiste à traiter l’infection lorsqu’elle est présente et à prescrire des antidiarrhéiques tels que morphiniques (élixir parégorique compris) et agents antisécrétoires (thiorphan, atropine, analogues de la somatostatine). Il importe de surveiller étroitement l’état d’hydratation du patient lors de la prise en charge d’une diarrhée sévère ou prolongée. La constipation est rare chez les patients infectés par le VIH. Elle constitue le plus souvent un effet secondaire d’un médicament (par exemple, morphiniques, agents antiparasitaires et anticholinergiques). Elle peut également résulter d’un alitement prolongé, d’une cachexie intense ou d’une mauvaise alimentation. Constipation et fécalome peuvent être des sources primitives de douleur. Lors de l’instauration d’un traitement morphinique,il est conseillé (si une diarrhée n’est pas déjà présente) d’associer des émollients et des laxatifs stimulants tel le senné, afin de prévenir la constipation. Quelle que soit l’étiologie, le traitement de la constipation fait appel au régime, aux lubrifiants et aux laxatifs (Crocker, 1989). Anorexie/sensibilité buccale/dysphagie/cachexie (syndrome d’hypercatabolisme) L’anorexie, la sécheresse buccale douloureuse et la dysphagie contribuent toutes trois à une mauvaise ingestion orale et à l’amaigrissement. L’anorexie peut être liée à des nausées persistantes (elles-mêmes secondaires à des médicaments), à une chimiothérapie ou à une infection (Beach,1993). La cause de l’anorexie étant souvent mal définie, sa prise en charge fait alors appel à des thérapeutiques non spécifiques. Le soutien nutritionnel 55

par des apports alimentaires et vitaminiques complémentaires est fondamental (Beach,1993).La candidose buccale et/ou œsophagienne est une cause fréquente de dysphagie ; les autres causes sont les ulcères à type d’aphtes,le CMV, l’herpès, le sarcome de Kaposi et le lymphome de l’oropharynx,ainsi que les effets secondaires de certains médicaments. Les antifongiques, les corticoïdes locaux, les bains de bouche contenant un antiseptique ou un anesthésique,et la thalidomide (50100 mg par prise) sont d’un apport intéressant dans le traitement de ces complications oropharyngées (Beach,1993). La cachexie, ou syndrome d’hypercatabolisme,est une manifestation courante de l’infection VIH, notamment au stade tardif du SIDA (Beach,1993). Anorexie, amaigrissement et syndrome d’hypercatabolisme sont souvent multifactoriels, répondant à des causes aussi bien médicales que psychologiques (aversions alimentaires acquises). La perte de poids est fréquemment liée à une diarrhée persistante,une malabsorption ou autres complications gastro-intestinales. Le traitement des nausées et des vomissements par antiémétiques peut améliorer l’ingestion par voie orale. Plusieurs thérapeutiques pharmacologiques ont donné des résultats prometteurs dans le traitement de l’anorexie et de l’hypercatabolisme chez les patients atteints de SIDA ; il s’agit de l’acétate de mégestrol,du dronabinol et de la cyproheptadine (Von Roenn, 1988 ;Beal, sous presse). Symptômes neurologiques Le VIH est un virus neurotrope qui envahit le système nerveux central et périphérique à un stade précoce de l’infection, en induisant de fréquentes complications neurologiques (se reporter aux chapitres 2 et 4). La démence,qui est la plus courante des complications centrales directement imputables au VIH, se caractérise par une triade d’altérations motrices,cognitives et comportementales. Ralentissement psychomoteur, apathie,diminution de l’attention et de la concentration, et troubles mnésiques sont fréquents aux stades précoces de démence. Par la suite, les patients peuvent développer de graves handicaps 56

m o t e u rs , des paraparésies, des symptômes parkinsoniens, une incontinence urinaire, ainsi qu’une mutité ou un état confusionnel ( P ri c e , 1988). Les patients sidéens peuvent présenter des complications neurologiques de multiples autres origines, parmi lesquelles des infections opportunistes telle la toxoplasmose ou la rétinite à CMV, responsable de cécité. Infections opportunistes, tumeurs cérébrales, médicaments et troubles métaboliques peuvent engendrer des états confusionnels ou des délires aigus (Berry, 1990). Le délire se manifeste par l’apparition aiguë d’une altération de la conscience ou de l’éveil, ainsi que par des troubles cognitifs (désorientation,confusion). Les lésions occasionnées par le VIH au système nerveux périphérique sont responsables de neuropathies périphériques douloureuses (se reporter aux chapitres 1 et 2). Les délires et l’agitation observés à un stade tardif de la démence associée au SIDA répondent fréquemment à des neuroleptiques tels que l’halopéridol. La thérapeutique doit être débutée à faibles doses pour tenir compte des observations faisant apparaître un risque accru d’effets secondaires ex t ra py ramidaux chez les patients souffrant de complications neurologiques liées au SIDA (Fernandez, 1988 ; Breitbart,1988 ; Breitbart,1990). L e s p s y ch o s t i mu l a n t s t e l s q u e l a d ex t ro a m p h é t a m i n e , l e méthylphénidate ou la pémoline peuvent être utiles pour améliorer le ralentissement psychomoteur, l’attention et l’humeur chez les patients atteints d’une forme légère à modérée de démence du SIDA (Fernandez, 1988). Utilisées à un stade précoce, les thérapeutiques antivirales peuvent retarder l’apparition et réduire la sévérité de la démence du SIDA (Price,1988).

Le travail du Dr Breitbart a été en partie financé par des dotations du NIMH (N° MH49034) et du NCI (N° R25-CA57790).

57

6. LA DE

DOULEUR CHEZ L’ENFANT ATTEINT

SIDA/VIH

■ Lynn Czarnecki, Dr Catherine Dollfus, Dr Maureen Strafford Les premières descriptions d’infection VIH chez l’enfant remontent au début des années 1980 (Oleske, 1983 ; Scott,1984). Depuis, le diagnostic de séropositivité à l’égard du VIH a été porté chez un nombre croissant d’enfants, et il est devenu clair que l’infection VIH de l’enfant diffère à plusieurs titres de celle de l’adulte (Pawha,1988). Dans le même temps, le champ du traitement de la douleur pédiatrique a progressé, de sorte que les cliniciens reconnaissent désormais l’importance que revêt le contrôle de la douleur chez le nourrisson et l’enfant.Les thérapeutiques antirétrovirales agressives et le traitement des infections opportunistes a considérablement augmenté la survie des enfants séropositifs ou sidéens, l’infection VIH pouvant à présent être considérée comme une affection chronique de l’enfance (Oleske, 1987 ; Falloom, 1989 ; Scott,1989). Comme dans d’autres pathologies chroniques infantiles, la qualité de vie constitue une préoccupation majeure de tous ceux impliqués dans les soins à l’enfant, tant au domicile qu’à l’hôpital. Considérant que le non-traitement de la douleur et autres inconforts empêchent l’enfant de vivre normalement,l’évaluation et le traitement extensifs de la douleur sont indispensables au maintien d’une qualité de vie satisfaisante (Czarnecki, 1991 ; Strafford, 1991 ; Anand,1993). Le présent chapitre vient compléter, dans une perspective pédiatrique, les données présentées plus haut. Douleur liée au traitement La douleur découlant du traitement, y compris celle liée aux gestes diagnostiques,est,pour nombre d’enfants,pire que la souffrance générée par la maladie. Les enfants doivent fréquemment subir de multiples interventions douloureuses telles que ponction veineuse, ponction lombaire,biopsie-

58

a s p i ra t i o n d e m o e l l e o s s e u s e , o u d i ve rs t y p e s d e b i o p s i e s e t d’endoscopies génératrices de douleur. Le traitement pharmacologique de la maladie peut également être source d’effets secondaires douloureux ou déplaisants. Douleur liée à la maladie ❚ Infections - Les infections bactériennes sont plus fréquentes chez l’enfant VIH-positif que chez l’adulte ;elles ont également tendance à récidiver plus souvent et à être plus douloureuses et durables que chez l’enfant immunocompétent (Krasinski,1988 ;Kline,1991). Les infections douloureuses couramment observées chez l’enfant VIHp o s i t i f s o n t l e s o t i t e s m oye n n e s , i n fe c t i o n s b u c c o - d e n t a i re s , dermatites,cellulites, abcès multiples et méningites. La candidose buccale peut constituer une manifestation précoce e t d o u l o u re u s e . Aux stades u l t é ri e u rs de la maladie, les infections o p p o rt u n i s t e s d o u l o u re u s e s l i é e s a u x c ry p t o s p o ri d i e s , a u my c o bacterium et au pneumocystis carinii, sont plus fréquentes. ❚ Les encéphalopathies de l’enfant sont plus volontiers observées au cours de la première année de vie et réalisent une atteinte progressive. L’allodynie, une irritabilité extrême et une nette hypertonie spastique avec retard sévère du développement constituent des éléments caractéristiques. L’allodynie (une sensation douloureuse anormale occasionnée par des gestes habituellement indolores tels que le fait de mobiliser l’enfant,de le porter ou de le serrer dans les bras) entrave les soins routiniers à l’enfant. L’hypertonie spastique gêne l’alimentation, la mobilisation et le bon accomplissement des étapes du développement. ❚ La douleur abdominale, souvent associée à un ballonnement, est volontiers multifactorielle et peut évoluer sur un mode continu, aigu ou récurrent. Ces symptômes contribuent à l’anorexie. ❚ Les douleurs d’origine non identifiée sont courantes chez l’enfant infecté par le VIH.Il existe fréquemment plusieurs foyers et types de douleurs - par exemple, des douleurs musculo-squelettiques profondes ou des céphalées - ne pouvant être rattachées à aucune cause

59

précise. Le manque de spécificité de ces plaintes ne doit nullement exclure un traitement efficace. Symptômes autres que la douleur Parmi les autres symptômes tendant à exacerber l’intensité de la douleur figurent nausées, vomissements, dyspnée, tachypnée, prurit, fièvre, fatigue, dépression et incapacité à maintenir un statut nutritionnel normal. Evaluation de la douleur L’appréciation de la douleur pose un problème chez tout enfant,mais encore davantage chez le nourrisson et les enfants qui ne verbalisent pas ou présentent un retard de développement. Les instruments d’évaluation sont représentés par divers paramètres physiologiques, les dires du patient lui-même, les échelles visuelles analogiques et les inventaires d’évaluation comportementale. Nombre de ces outils ont été validés et sont utiles pour reconnaître la douleur et apprécier sa sévérité et sa réponse au traitement. En général, l’instrument d’évaluation est choisi en tenant compte du niveau de développement de l’enfant,qui, chez le sujet infecté par le VIH, ne correspond pas toujours à l’âge physiologique. L’évaluation est également compliquée par la coexistence de symptômes douloureux multifactoriels,d’effets indésirables liés à la thérapeutique et de douleurs occasionnées par les explorations concomitantes. Le détachement affectif et l’absence d’interactivité peuvent constituer les seuls symptômes d’une douleur chronique sévère. Les plaintes douloureuses spontanées exprimées par l’enfant, y compris l’adolescent,doivent être prises en considération et recevoir une réponse. Nourrissons et jeunes enfants ressentent aussi la douleur et, en dépit de la difficulté de l’évaluation,méritent d’être également pris en charge de façon appropriée. Chez les patients très jeunes ou ne verbalisant pas, exposés à un risque de douleur ou suspectés de souffrir, il est souvent bénéfique d’instaurer un traitement analgésique d’essai tandis que l’évaluation diagnostique

60

suit son cours. Les enfants peuvent nier ou minimiser leur douleur par crainte d’explorations douloureuses et d’une possible hospitalisation en vue d’une évaluation. Traitement pharmacologique de la douleur Le traitement pharmacologique de la douleur de l’enfant peut être efficace. Les principes de base sont les suivants : • Ne jamais prescrire des injections IM : lorsqu’elle est douloureuse, l’administration d’un analgésique réalise une contre-performance. • Dans le cas de douleurs chroniques ou prévisibles,privilégier la prévention en prescrivant un traitement analgésique oral couvrant le nycthémère, et en administrant les thérapeutiques IV sous forme de perfusions continues plutôt que d’injections fractionnées en bolus. • Ajuster ou modifier la thérapeutique en se fondant sur de fréquentes et soigneuses réévaluations de son effet. • L’utilisation contrôlée des morphiniques est dénuée de risque,quel que soit l’âge de l’enfant. L’optimisation des doses vise à obtenir l’effet antalgique maximal, tout en réduisant au minimum les effets indésirables. La co-administration de sédatifs et d’hypnotiques peut contribuer à réduire les besoins en morphinique, mais aussi majorer la dépression respiratoire et la sédation ; elle doit donc être envisagée avec prudence. • Les doses de morphiniques mentionnées dans les traités de base peuvent être insuffisantes ;il est possible d’augmenter substantiellement les posologies sans induire d’effets secondaires délétères. L’accoutumance au traitement morphinique doit être anticipée en augmentant les doses en conséquence. Les cliniciens, les patients et leurs proches confondent souvent accoutumance à un médicament et toxicomanie. L’accoutumance traduit la nécessité d’augmenter les doses pour maintenir une analgésie efficace,alors que la toxicomanie est le besoin obsessionnel de médicaments à des fins euphorisantes (et donc non analgésiques). Cette distinction doit être claire61

ment expliquée aux patients et à ceux qui les soignent,en soulignant que la toxicomanie est très rare au sein de la population pédiatrique. • Utilisées seules ou en association avec les morphiniques, les thérapeutiques non morphiniques jouent un rôle important dans la prise en charge de la douleur pédiatrique. Des doses de paracétamol comprises entre 15 et 20 mg/kg peuvent être nécessaires. Les AINS peuvent être efficaces,mais leur utilisation est limitée par leurs effets secondaires rénaux, plaquettaires et gastro-intestinaux. Prescrits à raison d’une seule prise journalière au coucher, les antidépresseurs tricycliques peuvent constituer un traitement adjuvant efficace chez certains patients sélectionnés souffrant de douleurs neuropathiques et de troubles du sommeil ;ils doivent toutefois être utilisés avec une extrême prudence en cas de cardiopathie. • Les myorelaxants sont intéressants pour traiter les spasmes musculaires et l’hypertonie spastique généralisée observés chez de nombreux patients VIH-positifs.Le diazépam et le lorazépam sont les deux agents les plus utilisés. • L’application topique de crèmes composées de mélanges eutectiques d’anesthésiques locaux (lidocaïne et prilocaïne), préalablement aux gestes médicaux, a considérablement diminué les manifestations douloureuses chez les enfants faisant l’objet de ponctions veineuses, ponctions lombaires, mise en place d’une voie veineuse centrale ou autres procédures invasives. Contrôle non pharmacologique de la douleur Les enfants sont très réceptifs aux thérapies comportementales telles que l’imagerie guidée, l’hypnose, les techniques de distraction et le biofeedback, en particulier dans le cas de douleurs chroniques ou liées à des interventions. Ces techniques donnent à l’enfant le sentiment de contrôler ses symptômes douloureux. Il est préférable d’inclure précocement ces stratégies dans les soins à l’enfant, plutôt que lors d’une période de crise. Même appliquées ainsi, ces méthodes peuvent néanmoins être inefficaces en soi sur des douleurs modérées à sévères. L’implication des 62

parents dans ces techniques est bénéfique. Les moyens physiques tels que la physiothérapie, les ultrasons, la chaleur, le froid, les massages, l’acupression ou l’électrostimulation nerveuse transcutanée, ont fait la preuve de leur efficacité lorsqu’elles ont été utilisées par des médecins s’occupant d’enfants infectés par le VIH. La psychothérapie et autres thérapies fondées sur le jeu, le dessin ou la musique ont des effets bénéfiques sur la perception de la douleur et sur le développement des aptitudes à la gérer. La confiance entre l’enfant et le personnel soignant est essentielle au succès de ces diverses stratégies. La prise en charge thérapeutique doit souvent être étendue aux membres de la famille. Les soignants doivent s’adapter aux caractéristiques culturelles, ethniques et religieuses des patients et de leur famille. Obstacles au traitement de la douleur ❚ Le sentiment de culpabilité des parents peut être profond,dans la mesure où la plupart des enfants VIH-positifs sont infectés durant la période périnatale. Habituellement, l’infection est également présente chez au moins l’un des deux parents et chez d’autres membres de la fratrie (Prober, 1991). Le sentiment de culpabilité parental a pour corollaire le refus de reconnaître la gravité de la maladie et les souffrances qu’elle engendre. La douleur et le traitement morphinique peuvent être perçus comme annonciateurs de la progression de la maladie ou de l’issue fatale,d’où une résistance accrue à l’évaluation et au traitement de la douleur. L’existence de telles barrières impose de gérer l’appréciation et la prise en charge de la douleur comme faisant partie intégrante des soins routiniers à l’enfant. De nombreux enfants ne sont pas mis au fait de la nature de leur maladie par leur famille, en raison du sentiment de culpabilité des parents et de leur crainte des réactions de la société à l’égard des individus atteints de SIDA. Pour l’enfant, le fait d’être confronté à la douleur sans en connaître la cause ou les conséquences augmente le désarroi psychologique et obère son aptitude à faire face aux symptômes douloureux. 63

❚ La toxicomanie perturbe les soins à de multiples niveaux, dont celui du traitement de la douleur. Certains membres de la famille peuvent être activement engagés dans des comportements toxicomaniaques ou être en phase de convalescence. Quand les parents sont porteurs d’une infection VIH, ou ont recours à des drogues prescrites ou illicites, il convient d’évaluer soigneusement leur capacité à administrer sans danger, au domicile, des médicaments à un enfant et, plus généralement, à s’occuper convenablement de lui. L’expérience clinique en matière de prise en charge d’enfants de toxicomanes ne corrobore pas la crainte que les parents puissent utiliser les médicaments de l’enfant pour eux-mêmes. Le défaut de structures d’accueil à vocation pédiatrique empêche les enfants, notamment ceux parvenus au stade terminal de cette affection chronique, de bénéficier d’une prise en charge appropriée sur les plans de la douleur et du confort. Force est en effet d’admettre que les structures de soins spécifiquement pédiatriques sont bien souvent inexistantes ou inadaptées (Boland, 1989). Conclusion La douleur joue, chez l’enfant, un rôle significatif à tous les stades du SIDA/VIH. A ce jour, les publications dédiées au SIDA/VIH chez l’enfant ne se sont que peu penchées sur cette question. Des études prospectives sont nécessaires afin de définir la portée, les formes cliniques, les délais d’apparition et la durée de la douleur, ainsi que sa prise en charge efficace. Tous ceux impliqués dans les soins aux enfants infectés par le VIH doivent considérer la surveillance et le traitement de la douleur comme faisant partie de la prise en charge globale de l’enfant et de sa famille (Strunin, 1987 ;Van Dyke, 1991 ; Czarniecki,1993). Des enfants meurent encore de SIDA, mais ils ne doivent pas mourir dans la souffrance.

64

MÉDICAMENTS

ET POSOLOGIES

Equivalences posologiques entre analgésiques morphiniques, applicables à des adultes et des enfants de poids corporel ≥ 50 kg, n’ayant encore jamais reçu de substances morphiniques (d’après Carr,1992; Jacox,1994). DOSES

ÉQUIANALGÉSIQUES APPROXIMATIVES

MÉDICAMENT VOIE

AGONISTE

ORALE

VOIE

PARENTÉRALE

DOSE

INITIALE USUELLE DANS LES DOULEURS MODÉRÉES À SÉVÈRES

VOIE

ORALE

VOIE

PARENTÉRALE

MORPHINIQUE

Morphine

30 mg, DA 3-4 h (répéter les prises pour couvrir le nycthémère)

10 mg, DA 3-4 h

30 mg, DA 3-4 h

10 mg, DA 3-4 h

60 mg, DA 3-4 h (dose unique ou prises fractionnées) Morphine Formes à libération prolongée

Dose de départ : 30 mg, DA 12 h

SO

Dose de départ : 30 mg, DA 12 h

SO

Hydromorphone

7,5 mg, DA 3-4 h

1,5 mg, DA 12 h

6 mg, DA 3-4 h

1,5 mg, DA 3-4 h

Lévorphanol

4 mg, DA 6-8 h

2 mg, DA 6-8 h

4 mg, DA 6-8 h

2 mg, DA 6-8 h

Mépéridine

300 mg, DA 2-3 h

100 mg, DA 3 h

SO

100 mg, DA 3 h

Méthadone

20 mg, DA 6-8 h

10 mg, DA 6-8 h

20 mg, DA 6-8 h

10 mg, DA 6-8 h

Oxymorphone

NE

1 mg, DA 3-4 h

NE

1 mg, DA 3-4 h

ASSOCIATIONS DE

MORPHINIQUES/AINS

Codéine + AAS ou paracétamol

180-200 mg, DA 3-4 h

130 mg DA 3-4 h

60 mg, DA 3-4 h

60 mg, DA 2 h (IM, SC)

Hydrocodone

30 mg, DA 3-4 h

SO

10 mg, DA 3-4 h

SO

Oxycodone

30 mg, DA 3-4 h

SO

10 mg, DA 3-4 h

SO

65

Equivalences posologiques entre analgésiques morphiniques, applicables à des enfants et des adultes de poids corporels < 50 kg, n’ayant encore jamais reçu de substances morphiniques.

DOSES

ÉQUIANALGÉSIQUES APPROXIMATIVES

MÉDICAMENT VOIE

AGONISTE

ORALE

VOIE

PARENTÉRALE

DOSE

INITIALE USUELLE DANS LES DOULEURS MODÉRÉES À SÉVÈRES

VOIE

ORALE

VOIE

PARENTÉRALE

MORPHINIQUE 30 mg, DA 3-4 h (répéter les prises pour couvrir le nycthémère)

Morphine

10 mg, DA 3-4 h

0,3 mg/kg DA 3-4 h

0,1 mg/kg DA 3-4 h

60 mg, DA 3-4 h (dose unique ou prises fractionnées) Morphine Formes à libération prolongée

Dose de départ : 30 mg, DA 12 h

SO

Dose de départ : 10 à 30 mg, DA 12 h

SO

Hydromorphone

7,5 mg, DA 3-4 h

1,5 mg, DA 12 h

0,06 mg/kg DA 3-4 h

0,015 mg/kg DA 3-4 h

Lévorphanol

4 mg, DA 6-8 h

2 mg, DA 6-8 h

0,04 mg/kg DA 6-8 h

0,02 mg/kg DA 6-8 h

Mépéridine

300 mg, DA 2-3 h

100 mg, DA 3 h

SO

0,75 mg/kg DA 3 h

Méthadone

20 mg, DA 6-8 h

10 mg, DA 6-8 h

0,2 mg/kg DA 6-8 h

0,1 mg/kg DA 6-8 h

ASSOCIATIONS

66

DE MORPHINIQUES/AINS

Codéine + AAS ou paracétamol

180-200 mg, DA 3-4 h

130 mg DA 3-4 h

0,5-1mg/kg DA 3-4 h

SO

Hydrocodone

30 mg, DA 3-4 h

SO

0,2 mg/kg DA 3-4 h

SO

Oxycodone

30 mg, DA 3-4 h

SO

0,2 mg/kg DA 3-4 h

SO

CO-ANALGÉSIQUES POSOLOGIES JOURNALIÈRES APPROXIMATIVES CHEZ L’ADULTE

MÉDICAMENT

VOIES D’ADMINISTRATION

TYPE

DE DOULEUR

CORTICOÏDES Dexaméthasone

16 - 96 mg

PO, IV

Prednisone

40 - 100 mg

PO

Douleur liée à des métastases cérébrales ou à une compression médullaire

Carbamazépine

200 - 1600 mg

PO

Douleur neuropathique

Phénytoïne

300 - 500 mg

PO

ANTIÉPILEPTIQUES

ANTIDÉPRESSEURS Amitriptyline

25 - 150 mg

PO

Doxépine

25 - 150 mg

PO

Douleur neuropathique

Imipramine

20 - 100 mg

PO

40 - 80 mg

IM

Analgésie; sédation; effet antiémétique

300 - 450 mg

IM

Adjuvant des morphiniques dans les douleurs postopératoires et autres ; soulage les symptômes associés tels qu’anxiété, insomnie, nausées

NEUROLEPTIQUES Méthotriméprazine

ANTIHISTAMINIQUES Hydroxyzine

ANESTHÉSIQUES

LOCAUX /ANTIARYTHMIQUES

Lidocaïne

5 mg/kg

IV/SC

Méxilétine

450 - 600 mg

PO

Tocaïnide

20 mg/kg

PO

Douleur neuropathique

LÉGENDES : PRODUITSDISPONIBLESAUX

(TABLEAUX

USA

I S S U SD EL AV E R S I O N ORIGINALE

DECETTE BROCHURE)

DA : DURÉE D’ACTION NE : NON ÉVALUÉ SO : SANS OBJET

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Remerciements

L’ADFA remercie l’Institut UPSA de la Douleur pour son soutien financier et pour la publication de la version française de cet ouvrage. Les organisations ci-après ont également contribué au succès de la conférence de Strasbourg : • La Division internationale des Laboratoires Abbott • ASTA Médica • Burron • La société Burroughs-Wellcome • Le Conseil de l’Europe • Janssen Pharmaceutica • La Fondation caritative Richard Saltonstall • Roxane Laboratories Inc. • Laboratoires UPSA • Wyeth-Ayerst

Les participants remercient tout spécialement le Dr André MULLER et Mme Christine SCHLACHTER pour l’énergie et la bonne volonté qu’ils ont déployées, avant, pendant et après le séminaire ,a fin de répondre à toutes les nécessités, leur permettant ainsi de vivre une expérience des plus productives et des plus agréables.

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