Le Livre Du Chevalier

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LE LIVRE DU CHEVALIER

DE LA TOUR LANDRY

Paris.

— Impr. Guiraudet

et

Jouaust, 358, rue Saint-Honoré.

n LE LIVRE DU

)E

C

n

E VA L

1

KR

LA TOUR LANDRY Pour renseignement de ses

filles

Publié d'après les manuscrits de Paris et de Londres

M.

ANATOLE DE MONTAIGLON Ancien élève de l'Ecole des Chartes

Membre

Société des Antiquaires

résidant de la

de Franco

K^ A Chez P.

\f

PARIS

Jannet, SIDCCCLIV

Libraire

//Q '0

/r.'

/

J

IfSf

,

PRÉFACE.

e livre [

du chevalier de La Tour a joui d

ne grande vogue au

moyen

u-

âge. Souvent

obtint de il par les copistes bonne heure les honneurs de l'impression. Publié d'abord par le père de la typographie angloitranscrit

3e il

,

le

,

célèbre Caxton

,

qui l'avoit traduit lui-même

fut, neuf ans après, traduit et

gne

,



il

est resté

imprimé en Allema-

au nombre des livres populaires.

le livre du chevalier de La Tour n'y eut que deux éditions, de la première moitié du seizième siècle, connues seulement des

Moins heureux en France,

rares amateurs assez

un exemplaire

,

heureux pour en rencontrer pour le payer un prix

assez riches

exorbitant.

En

publiant une nouvelle édition de ce livre, nous

n'avons pas en vue son

utilité

seulement mettre dans

les

des choses du passé un

pratique. Nous voulons

mains des hommes curieux

monument

littéraire

quable, un document précieux pour

remar-

l'histoire

des

,

Préface.

vj

mœurs.

comme

contraste les lettres de Fénelon sur ce sujet

de voir ce qu'étoit au xiv^ cation des

La

en se rappelant

est piquant et instructif,

II

famille

Mais

siècle

un

du chevalier de La Tour Landry.

avant de parler de l'œuvre

,

Tédu-

livre sur

filles.

,

il

convient de

parler de Tauteur, et de rassembler les dates et les faits, si petits et

siépars qu'ils soient, qui se rappor-

tent à sa biographie, à celle de ses ancêtres et de ses fils

car,

:

si

son

nom

existe

encore

,

Ton verra que

sa descendance directe s'est bientôt éteinte

stance qui

,

nous obligeoit par

lui,

,

circon-

en nous fixant une limite rapprochée de

pour ne rien



même

d'aller jusqu'à elle

dehors de notre

laisser en

,

sujet. Cette

partie généalogique sera la première de cette préface

;

même

nous aurons à parler ensuite de l'ouvrage lui,

des manuscrits que

l'on

en connoît

,

et enfin

des éditions et des traductions qui en ont été

faites

:

ce seront les objets tout naturels et aussi nécessaires

de

trois autres divisions.

Pour

la

première, deux généalogies manuscrites,

conservées aux Manuscrits de riale', et qui

1.

Toutes deux portent en

différente

,

la

Bibliothèque impé-

nous ont été communiquées parM.La-

mais de laquelle

il

tète

une mention de forme un peu

résulte qu'elles ont été copiées sur

Préface. cabane

généalogique de plusieurs maisons illustres de

toire

Bretagne, Paris,

Laboureur

le

vij

Augustin du Paz, dans son His-

le frère

;

,

Buon, 1621,

Nie.

in-f"

Jean

;

dans son Histoire généalogique de

maison des Eudes, Paris, i656,'m4°, àlasuitede toire

du maréchal de Guébriant;

Dom

Lobineau

leurs

Dom

Père Anselme;

le

les preuves de deux Histoires de Bretagne, contiennent des

et

Morice

renseignements précieux ; mais renvoyer,

il

est nécessaire

de

,

dans

il

ne

suftiroit

Et d'abord,

le lieu

de Latour-Landry,

son château seigneurial et du est

devenu à son tour

existe encore sous ce

Anjou

le

se trouve dans

de Beaupréau

,


la

sis et

nom de nom d'un de ses membres,

l'appellation

patronymique,

nom dans la partie de

l'ancien

qui

,

département de Maine et-Loire. canton de Chemillé

le

,

à 27

kil.

entre Chollet, qui est à 20 kil. de

Beaupréau, et Vezins endroit.

rap-

— siège de

limitrophe du Poitou et de la Bretagne

,

forme maintenant

H

pas d'y les

après avoir dû recevoir son

la famille, et qui,



de

les classer et

procher.

en

la

l'his-

Autrefois

,

le

,

éloigné de 26 kil. fief

du

même

de Latour-Landry

étoit

s'étendant sur la paroisse de Saint-Julien de

René de Quatrebarbes communiquée au mois de may 169^2 Hongère son lils. Dans l'une, cette men-

notice manuscrite, dressée par feu messire

seigneur de

par M.

le

la

Rongëre

marquis de

tion est de la

main de

la

,

,

et

,

d'IIozier, qui l'a signée

,

et qui a fait d'évi-

dentes améliorations; elle est paginée lag à i56.

Comme

chacune

decescopieb contient des renseignements particuliers, nous désignerons

la

copie du cabinet d'Hozier,

par Généal.

vis. 1; et l'autre,

comme

étant la plus complète

par Généal. ms. 2. Quand nous citerons sans numéros, le fait se

trouve dans les deux.

,

qui n'est pas copiée jusqu'au bout, c'est

que

Préface.

viij «

Concelles*

Loroux

,

qui est à i5

»,

dans

de Nantes, canton de

kil.

bretonne du département de

la partie

Les restes du donjon des sei-

la Loire-Inférieure.

gneurs subsistent encore maintenant

,

me

dit-on

,

à

Latour-Landry, notamment une grosse tour très ancienne, dont on struction au

fait

,

dans

siècle

xii<=

,

le

pays, remonter la con-

et je regrette

en donner de description

de ne .pouvoir

2.

Les généalogies manuscrites commencent par le Latour-Landry du roman du roi Ponthus, roman sur quel nous aurons à revenir plus tard, et

dant sur Bourdigné

,

elles

comme,

mettent en 49^

la

le-

se fon-

descente

fabuleuse en Bretagne des Sarrazins, contre lesquels

Latour imaginaire se distingua à côté du non

ce

moins imaginaire Ponthus

,

le

généalogiste continue

naïvement en disant que « la chronologie qui souvent sert de preuve pour connoître le degré do

fort »

,

» filiation, fait juger » )i

que ce Landry peut avoir

été le

père de Landry de Latour! vivant en 577, et maire du palais sous Chilpéric La copie de d'Hozier i*-""

ne va pas

si

loin

;

elle se

.

)

contente de le croire son

grand père. Il nest pas difficile maintenant de dire quelque chose de plus historique. Ainsi,

je croirois

tour l'Etienne de

gure

membre de

comme témoin dans une

i.Du Paz, 660. On voit encore

a.

nu Latour Lindry,

la famille

de La-

La Tour, Stefanus de Turre, qui

fi-

pièce de ii()6^, et

aussi à Vezinsles restes d'un hôpital fomlù pa

en ruines. Doni Lobincau, Preuves, in-i», 1707, col. 271; et Dom MoriciMémoires pour servir de preuves â l'histoire de Bretagne in-fol. et aiijourd'liui

A.

,

1-42, col. Gj;.

Préface. dans une pièce de 1182 le titre

'

ix

dans ce dernier cas avec

,

concluant pour notre supposition

,

dudit lieu

de

,

Cornouaille

,

de séné-

En 1200, un Landry de La Tour,

chal d'Anjou.

l'Isle

etc.

,

sire

de Bouin, de Bourmont, de

la

eut procès a raison du tiersage

,

de Mortaigne, à cause de Flsle de Bouin

2.

Vingt ans

on trouve un personnage de ce nom, et déjà avec le prénom de Geoffroy; au mois de mai 1220, le jour de la Trinité, un Geoffroy de La Tour est enaprès

,

tendu à Nantes à propos du ban du

que

sel,

se dispu-

duc de Bretagne et Tévêque de Nantes 3. Trente ans après, un autre Landry de Latour échangea cette terre, déjà nommée, de ITsle de Bouin, avec le sieur de

toient le

Machecou, contre de ce

tour

encore avec



,

de Loroux-Bottereau ;

celle

même

la fin

et,

le

frey de la Tor, escuier », figure avec Olivier de

Bernabes

,

vers

nous retrouvons un autre Laprénom de Geoffroy; car « Geuf-

siècle,

seigneur de Derval

,

Rogé,

Guillaume de Der-

val et autres , dans une convention passée entre le duc de Bretagne Jean 11 et les nobles par laquelle ,

il

consent à changer

le bail et

garde-noble en rachat;

/a pièce est datée de Nantes « »

avant

la feste Saint-Ylaire,

deus cent sessante

» mil

M de janvier

1. I,

Dom

col.

^.

jour du samedi

de Tincarnation

quinze (127G)

meis

,

»

Lobineau

Généal. ms.

3.

Dom

Preuves

,

col.

,

3i6

;

et

Dom

Morice

,

Preuves,

4. Généal.

Dom ,

i.

Lobineau

Morice, Histoire,

Morice

le

l'an

689.

2.

5.

et

en

ms.

I.

,

Histoire

1

,

2i5; Preuves, col. 877; et I,

col.

Dom

847.

1.

Lobineau, Histoire

Histoire,

,

1760, p. i5o; et Preuves,

\,

p.

306

;

,

et

I,

272; Preuves,

Preuves,

l, col.

col.

^ûG;—

loîg.

et

Dom

Préface.

X

seulement que nous arrivons à une filiation reconnue; les deux généalogies manuscrites C'est

ici

donnant pour père à notre auteur un Geoffroy, il faut croire que c'est lui dont il s'agit dans une reconnoissance du

chers que

les

nombre des chevaliers, écuyers et arseigneurs de Bretagne doivent à l'ost

du duc,

faite par eux à Ploermel le jeudi après la mi-août 1294, où l'on trouve cet article parmi ceux compris sous le chef de la Baillie de Nantes « Mon.

:

» seur Geuffroy de La

Tour

e Guillaume Botereau e

» Mathé de la Celle recongneurent qu'ils dévoient » un chevalier d'ost, c'est assavoir » valier, par la raison de leur

le tiers

d'un che-

dou Lorous Bo-

fiez

» tereau. *» Ce Geoffroy est donné comme seigneur de La Tour Landry, de Bourmont, de la Galonière ,

du Loroux-Bottereau, de

la Cornouaille, et

ayant été présent en i3o2, a î>

le

jeudy après

comme

la Saint-

Nicolas d'esté » , au mariage de Jean de Savonnières.

que se doit rapporter ce fait, consigné dans Bourdigné2, qu'en i336, un Geoffroy de La Tour Landry étoit au nombre de ceux qui suivi-

C'est à lui aussi

rent le comte d'Anjou dans sa guerre avec les glois et s'y conduisirent avec le plus

An-

de courage. No-

tre auteur parle deux fois de son père^, mais malheureusement sans autrement le dénommer, et par conséquent sans apporter à l'assertion, très acceptable

1.

Dom

Dom

Lobineau. Hist.,l,

Moricfc

,

a. liystoire

Preuves, col.

p.

582; Prettvcs,

agrégative des annales

et

Jehan de Boiirdigné iSag, in-fol., goth., 3. Pages 27 el 227 de cette édition. ,

col.

^38;

— et

ma. croniques d'Anjou, par f.

cviij r

•.

,

Préface.

xj

d'ailleurs, des généalogies, l'autorité irrécusable

son témoignage de

fils.

On

de

a vu que je n'ai pas osé

attribuer à ce Geoffroy la mention d'un Geoffroy en

1276. C'est par la considération .que de 1276 à i336 y a soixante ans, et qu'en ajoutant

il

cessaires

pour

être partie dans

que

celui

de

tant

la

années né-

les

acte aussi impor-

un

première date, on auroit un âge soi, mais dans

de bien plus de 80 ans, acceptable en lequel

il

est

peu ordinaire de

exploits guerriers.

tout à

fait

me on

le

11

se distinguer

faudroit, de plus

,

par des

qu'il

dans sa vieillesse notre auteur, qui verra, n'étoit pas

fants, et n'est

le

eût eu ,

com-

dernier de ses en-

pas mort avant la

du quatorzième

fin

siècle.

Je ne puis donner

le

nom de

la

femme du père de ici un rap-

notre auteur; mais je dois au moins faire

prochement. Dans son

livre,

il

parle, à

sa tante, M™«' de Languillier, «dont » bien mil

v

livres

de rente »

un endroit

le

',

de

seigneur avoit

puisqu'elle étoit

;

sœur de sa mère ce (\m ne nous paroît pas donner son nom. Il faudroit pour cela que M. de Languillier fût son frèsa tante, elle pouvoit être la

re la ce

;

mais, à voir

douceur de

la

dont noire chevalier loue

la façon

femme et

,

parle

du mari comme étant

à merveille luxurieux », j'avoue avoir peine à croire

qu'il eût cité cet

été,

non pas

mais

le

le

1.

,

si

celui qu'il

propre frère de sa mère

celle ci est la

modèle

exemple

sœur de

d'affection et

Chap.

blâme eût

beau-frère, c'est-à-dire un étranger,

18, p. 3;.

la

;

femme

de bon sens

si si ,

,

au contraire

digne d'être un le

choix est très

Préface.

xij

naturel^

.

Mais, je le répète, cette conclusion, que je

crois la plus probable,

ne nous donne pas

la

mère de notre Geoffroy.

la

généalogie manuscrite place

En

nom de

le

tout cas, celui-ci ne fut pas le seul enfant

comme second

car

:

un Arquade de Rougé en nous apprenant, de plus, qu'il épousa Anne de la Haye Passavant 2, fille de Briand de la Haye et de Mahaud de Rougé, sœur aînée de Jeanne de Rougé, et toutes deux filles de Bonnabes de Rougé. Ceci est pour nous très curieux; fils

,

— comme on

car, cette

verra que notre Geoffroy épousa Jeanne de Rougé, sœur cadette de Mahaud,

Anne de

la

Haye,



fille

de Mahaud de Rougé, sœur aî-

née de Jeanne, se trouvoit, en épousant Arquade, avoir sa tante pour belle-sœur. rer aussi que

les

,

deux

On

pourroit en infé-

belles- sœurs étant sans dou-

à la distance dune génération, Arquade étoit beaucoup plus jeune que Geoffroy, son frère aîné. La mention la plus ancienne que nous trouvions de notre auteur nous est donnée par lui-même. Il rate

conte dans son livre la conduite des seigneurs qui se

trouvoient avec

duc de Normandie, depuis

le

le roi

Jean, au siège d'Aguillon, petite viHe d'Agenois

1. J'ajouterai

ces provinces

:

que ce

commencement du

nom

nom

de Languillier est encore un

car je trouve dans siècle,

xvi'

le

il

Chatonay,

le

,

,

,

mais

,

II

je

,

nom

453 A

,

ne prends

de au le

un Guy de Sainte-Flaive.

des baronies de Cigournay,

Puy-Billiard et Languillier.

2. Elle portoit

lettes

et

Anselme

vrai

est

qu'au point de vue topofcraphiquc

seigneur de Sainte-Flaive en Poitou

mss.

Père.

si-

,

deux fasces de gueules,

d'or, à

posées 4 en chef

,

a

en fasce et

3

à

l'orle

de mer-



Généal.

en pointe.

Préface. du Lot

tuée au confluent

de

et

.\iij

le

iG avril

au plus tard

fut levé

,

an-

cette

22 août

le

2,

en faut conclure que notre Geoffroy, qui en parle

il

comme un

témoin, étoit déjà en état de porter

mes. Nous sommes après cela long-temps sans

Au premier abord

contrer.

retrouver en i356 dans sart^, et

que

le sire

la bataille

nombre des prisonniers

comme

on

,

les ar-

ren-

le

seroit disposé à le

de La Tour que Frois-

prince Noir dans sa lettre à l'évêque

le

de Worcester sur

de Poitiers^, mettent au par

faits

Anglois

les

mais

;

Froissart, dans son énumération des seigneurs

présents à la bataille, qu'il donne un peu avant

de La Tour parmi

un

sire

est

probable que

I, liv.

i,

Ed, Buchon

Histoire du Languedoc de

t.

;

part.

éd. in-foL,

met

qu'il s'agit

et

^',

il

,

non

V^, p. 212-63.

Dom t.

^,

nobles d'Auvergne

de celui-là

1.

,

les

c'est

2.

vre xxxj, § 18 à 22 p.

qui,

siège,

commencé après Pâques de Tannée i34ô, née

Comme

Garonne.

la

Froissarl* a parlé longuement de ce

Dom

Vie et de

Vaissette

IV, p. 259-62; éd. in-8",

t.

,

li-

VII

,

i6i-3. 3. Froissart,

éd.

Buchon,

liv.

i

,

part,

ij

cliap. xlij,

,

tome

I,

p.

3/1.

/^.Archœologia Britannica, in-i",l, p. 21 3 note.

— Le prince de Galles

aussi le titre

le

met parmi

et

Buchon,

355, à la

I,

bannerets

;

et c'étoit

du nôtre, ce qui rendroit l'erreur encore plus

5. Froissart, Ibid., ch. xl 6. C'est de lui

encore

,

facile.

p. 35o.

qu'il est

question dans

Bertrand Du Guesclin, par ("uveliers, se joignent

;

les

comme

le

grand poème de

étant l'un de ceux qui

au duc de Berry (1372) pour aller faire

le

siège

de

Sainte-Sevère,

Le siyneur de La Tour en Auvergne

fivé.

Plus loin on l'appelle

Le signeur de La Tour {Collect. des

docum. inédits

qu'en Auvergne fut né. ,

Chronique de Du Guesclin publiée ,

Préface.

XIV pas du nôtre,

qu'il auroit

certainement mis parmi les

nobles de Poitou. Mais c'est bien

lui

qui figure

i3

le

juin i363 dans » la monstre de M. Mauvinet, cheva-

des gens de sa compagnie, sous

»

lier, et

«

nement Monsieur Araaury, comte de Craon, lieutenant du roy es pays de Touraine, Anjou et Poi-

))

gouver-

le

On y trouve le nom « Monsieur Gieffroy de La Tour », suivi de la mention relative à l'objet de la montre « cheval brun ix escus ^ ». » tou.

y)

:

»

:

;

comme on

C'est,

composé son rié

des

verra, en 1871 et 1872 qu'il a

le

livre; à cette époque,

il

filles

demandoit

dont l'âge

ma-

étoit déjà

depuis assez long-temps pour avoir des qu'il

fils

et

eût à écrire

pour eux des livres d'éducation. L'époque de son mariage est inconnue; mais on sait très bien le nom de sa femme. C'étoit^ Jeanne de Rougé», dame de fille puinée de Ronabes de Rougé seigneur d'Erval *, vicomte de la Guerche, conseiller et chambellan du roi s, et de Jeanne de Maillé, dame de Clervaux, fille elle-même de Jean de Maillé, seigneur de Clervaux, et de Thomasse de Doué la sœur aînée de Jeanne, c'est-à-dire Mahautde Rougé, eut,

Cornouaille,

,

;

comme on

vu

l'a

par M. Charrière

,

11,

,

une

fille

,

nièce de Jeanne

p. 314 et aai, vers 19,6046119,788.)

nommé page 'îa4. rtans la variante Dom Morice Preuves, I, col. i558.

encore 1.

,

Il

qui

est

mise en note.

,

Son père manqué. Voy. a.

avoit déjà voulu le marier, mais le mariage avoit les

Enseignements, chap.

i3, p. 28-9

édition. 3.

Genéal. mss.;

4.

Voy

5.

Le Laboureur,

,

Du Paz

,

p. 85

sur la terre de Derval p. 80.

;

,

Le Laboureur,

Du Paz,

p. 80.

p. 166.

de cette

Préface.

xv

épousa Arquade de La Tour Landry', beau-frère de

Nous aurons encore quelques mentions à de Jeanne de Rougé , mais nous préférons les

celle-ci.

faire

laisser à leur ordre chronologique.

En 1878, Geoffroy envoya des hommes au siège de Cherbourg mais il n'y fut pas lui-même, car, dans Tacté du « prêt fait à des hommes d'armes de la coropa« gnie du connétable , par deux lettres du roi du 8 » et i3 octobre 1378, pour le fait du siège deChier» bour», on lit à la suite de l'article M. Raoul de ;

Montfort

«

:

Pour M, de La Tour, banneret, un autre escuiers, receus en

» chevalier bachelier et onze

» croissance dudit Montfort, à Valoignes, le i8 nov. » à lui, dccxiv liv. Jl

est

me de

*

;

»

probable qu'en 1379, Jeanne de Rougé, fem-

Geoffroy, a été gravement malade, car, le

octobre de cette année

20

son testament, insti-

^, elle fit

tua ses deux exécutrices testamentaires Jeanne Maillé, sa mère, et

dame de

dame Huette de Rougé,

de

sa sœur,

Roaille, et choisit sa sépulture dans l'église

Notre-Dame-de-Meleray, au diocèse de Nantes, auprès de la sépulture de son père

En i38o, 1.

a.

il

Dom Morice, Preuves, Du Paz

,

».

résulte de la pièce suivante

II, col.

que Geof-

3g i.

167, qui appelle Jeanne de l'Isle la

mère de Jeanne

de Kougé. 3.

Mort deux ans après, en iB;/ (Du Paz, p. 656), Un autre Roug6 est indiqué par Bouchet {Annales

Messire Donnabet de d'Aquitaine

,

Poitiers le 19 Poitiers. F-es

d'argent

;

quarte partie

,

folio xiv

elles se

tué à la bataille

de

trouvent dans l'armoriai de Jean de Bonnier, dit

Berry héraut d'armes de Charles ,

comme

noTcmbre 1 356, et enterré chez les frères mineurs de armes de Uougé sont de gueules, à une croix pattée vij.

(Fond» Colbert, n" ^53.5.5.)

Préface.

xvj

froy prit part à la guerre de Bretagne ))

de Bueil

,

» les personnes ci-dessous

nommez

en nostre compaignie

»

nement de M.

»

mois de février passé.... M.

»

La Tour,

soubs

gouver-

le

nom de

3o

Paris, le

Trois ans

»

*.

le

de

avril,

après, nous

Geoffroy dans « la monstre

» de Monsieur levesque d'Angiers

chevalier banneret

» autre

roy Bre-

Geuffroy, sire

Donné à

banneret....

le

et

le

du pays de

connétable de France, partout

le

» aprez Pasques i38o

trouvons aussi

« Nous, Jean

ont servy

w nostre dit seigneur en ses guerres » tagne,

:

par nostre serment que

certifions à tous

,

banneret, d'un

huyt autres chevaliers

,

» bacheliers et de trente et cinq escuiers de sa com» pagnie

,

reçeus ou

» septembre, l'an

de Carsell

val

i383.

Elle

i>

ij*^

:

jour de « Ledit

Mess. Geuffroy de La

» Mons"" l'evesque, banneret. î)

le

commence

Tour, banneret, etc.^ »

En i383,

femme de Geoffroy de La Tour Lancar, dans cette année même, son

la

dry vivoit encore mari acquit avec

:

que Huet de Coesme,

elle le droit

écuyer, avoit au moulin de Brifont ou de Brefoul, assis à Saint-Denis lui,

car

Roches

il

^,

de Candé ^

;

mais elle mourut avant

épousa en secondes noces Marguerite des

dame de

la

Mothe de Pendu qui avoit le 28 mars 1370, Jean ,

épousé en premières noces,

1. Doîii

Morice, Preuves,

2. Collection

par M. Jérôme Pichon nagier de Paris

3.

Du

l'az

Généal. ms.

,

avoit

,

des Enseignements

d'Augustin

t.

col. 244.

I,

Decamps; Mss. B. qui

,

à qui 4.

).

Cette mention nous a été donnée

dans une note de son excellent

annoncé

c'est à

;



,

l'intention de publier

lui aussi

que nous devons l'indication

nous aurions pu ne pas songer.

Généal.

nis.

Mé-

une édition

Pué F ACE. de Clerembaut, chevalier

*

xvij

comme on verra que

;

enfants des premiers mariages de Geoffroy et de guerite des Roches se marièrent entre eux

,

il

les

Marpas

n'est

sans probabilité de penser que ce mariage tardif eut

pour raison le désir de mêler complètement les biens des deux familles, et qu'il précéda les mariages de leurs enfants, ce qui le reporteroit avant Tannée iSSg.

En prenant

comme

cette date

trouvions Geoffroy,

-

et

il

est

la dernière

probable que

où nous

les

ges de ses enfants avec ceux de sa seconde qui sont postérieurs, se firent de son vivant,



maria-

femme il

seroit

toujours certain qu'il a vécu sous les règnes de Philippe vi de Valois

Charles vi

;

de

,

J

ean

ij

,

de Charles v

de

et

mais je ne puis dire en quelle année

est mort, car je

ne crois pas

qu'il faille lui

il

rapporter la

mention du ce Geoffroy de La Tour, esc, avec dix-neuf « -autres

», cité*

parmi les capitaines ayant

siège de Parthenay, qui fut

Outre

la qualité

temps Geoffroy

fini

assisté

au

au mois d'août i4i9'

que depuis long-

d'écuyer, tandis

toujours qualifié de chevalier

est

banneret, les dates seroient à elles seules une assez forte raison d'en

prises entre

i4t6

douter ; en et

effet

,

les

années com -

i346, première année où

il

soit

question de Geoffroy, forment un total de 73 ans, et,

comme au pas

lui

siège d'Aiguillon, en i346, on ne peut

supposer moins de vingt ans,

il

faudroit ad-

mettre qu'il se battoit encore à 93 ans, ce qui est à

peu près inadmissible.

1.

et

Anselme, VII, 583

de sable 3.

Dom

,

D.

11



faut croire

,

C'est

un de

Clerembaut portoit burelé d'argent

de dix pièces. Généal. mts.

Morice

que

Preuves ,11,

col. <)3i.

Préface.

xviij

ses

On

lils.

n'en indique partout qu'un seul; mais

est certain qu'il en a

dans son

que

terai

nous

livre,

fois ses fils.

la

il»

eu au moins deux, puisque,, verrons mentionner plusieurs

le

Pour terminer ce qui

le

généalogie manuscrite

gneur de Bourmont, de Bremont Bas-Poitou, et que Le Laboureur*

concerne, j'ajoule qualifie

et

de

sei-

de Clervaux en

le qualifie

de ba-

ron de La Tour Landry, de seigneur de Bourmont

Clermont

de fondateur de Notre-Dame-

et Frigné, et

de-Saint-Sauveur, près de Candé, ordre de Saint-Au-

La Croix du Maine, 1, 277, le qualifie de sieur de Notre-Dame de Beaulieu, ce qui est vrai, tirant

gustin.

sans doute ce titre du propre livre de notre auteur*. Nous ne douions pas qu'il ne se trouve plus tard d'autres mentions relatives à Geoffroy. Dans d'autres histoires généalogiques,

mais surtout dans des pièces

conservées aux Archives de l'Empire et aussi dans celles d'Angers,

est impossible qu'il

il

ne s'en trouve

pas incidemment de nouvelles mentions; mais

il

au-

pour avoir tout ce qui peut ce premier essai pourra même servir à

roit fallu trop attendre

exister, et faire

retrouver

le reste.

Nous pourrions arrêter ques; mais

mots de

le

siècle

lesquels Geoffroy avoit

sa descendance mâle s'est éteinte au ,

de

nom, encore

1. Il l'appelle

qu'il lui

ces détails généalogi-

de ne pas dire quelques

mêmes pour

comme

bout d'un

ici

est difficile

ceux-lii

écrit, et,



il

l'indiquer

existant,

Georges; mais

il

ne

jusqu'au

s'ajjit

pas d'un autre, puis-

donne Jeanne de Uougé pour femuie

s. Cf. notre édition, p. 79.

moment

La Tour Lan-

de

et

CLarles pour fiU.

Préface.

xix

dry, a été transporté dans une autre famille par un mariage. Sur toute cette descendance, M. Pichon a

trouvé dans des pièces manuscrites

plus curieux

les

notamment toute la procédure de renlèveraent dune La Tour Landry il a et les plus

abondants

détails,

;

tous les éléments d'une étude de très intéressante et qu'il seroit lui voir exécuter.

Pour notre

mœurs

historiques

malheureux de ne pas sujet

,

qui se rapporte

plus particulièrement à Geoffroy et à son œuvre,

quelques indications suffiront. Charles de La Tour Landry se maria deux

d'abord à Jeanne de Soudé

ensuite, le

>,

13892, à Jeanne Clerembault,

fille

de Marguerite des

Roches, seconde femme de Geoffroy, la clause que, ritière

si

fois

24 janvier

cette fois

avec

Jeanne Clerembault demeuroit hé-

de sa maison, Charles

et ses hoirs, issus

mariage, porteroient écartelé de La Tour

et

de ce

de Cle-

rembault, ce qui n'arriva pas, parceque Gilles Cle-

rembault

,

frère

de Jeanne

,

devenu beau-frère de

Charles de La Tour, continua la postérité. La généalogie manuscrite

fait

mourir Charles de La Tour

au mois d'octobre i4i5, à

la bataille d'Azincourt, et,

en effet, nous trouvons « Le seigneur de La Tour » dans « les

noms des

princes, grans maîtres

,

seigneurs et

» chevaliers franchois qui moururent à la bataille

» d'Azincourt », donnés par Jean Lefebvre de Saint-

Remy

à la suite de son récit

^.

Nous avons déjà parlé*



1. Généal. ma. 2. a. Génôal. ms. 2. La Gén. 1. ne parle pas du nom de sa première femme. Anselme, VII, 583 D. B. Kd. Buchon dans le Panthéon, ch. Ixiv, p. [^oi. Mon-





,

strelet le cite aussi; Paris, i6o3, in-fol. I, 3.

Voy.

p. xvij.

a3o v".

Préface.

XX

d'un Geoffroy de La Tour, figurant au siège de Par-

Ihenay en 14^9»

et

probablement

de l'auteur

fils

des Enseignements. Peut-être faut-il encore regarder

comme un

autre de ses

fils

un Hervé de La Tour,

qui servoit comme gendarme en novembre i4i5 dans

compagnie d'Olivier Duchâtel, en décembre de la année dans celle de Jehan du Buch en juin i4i6 dans celle de Jehan Papot*. Cependant nous trouvons à la fin de la traduction de Caxton, dont nous dirons plus tard la scrupuleuse exactitude, cette la

même

;

phrase

:

as hit

is

reherced in the booke of

sonnes^ absente de nos manuscrits

,

my two

mais qui devoit

se trouver dans celui suivi par Caxton, et établiroit

qu'en iSji notre auteur n'avoit que deux

fils.

Quant aux filles, elles doivent avoir été au nombre de trois ; en effet , si aucun des manuscrits que nous avons vus ne paroît avoir appartenu à Geoffroy,

— et ses

il

seroit difficile d'en être sûr, à

armes

et celles

Marguerite Desroches, miniature

moins d'y trouver

même de

de Jeanne de Rougé, ou



une

toutes les fois qu'il y a

on y voit toujours trois filles, et il n'est pas à croire que cette ressemblance ne soit pas initiale,

origioairement produite par une première source authentique. Malheureusement je n'en puis

nommer

qu'une, Marie de La Tour Landry, qui épousa en

4391*, de

la

me

le

novembre

4*^^

3,

Gilles

seconde femme de Geoffroy

de Charles,

fils

1.

Dom

Généal. tnss.

Morice

,

de

la Plesse

,

3.

la

et n'eut

Preiivct, II, col. 911, 9i3, gaS.



de

fils

fem-

de Geoffroy. Gilles Clerembault

étoit chevalier, seigneur

a.

Clerembault, et frère

Anselme,

ul supra.

pas

Préface. avant i4t>o, puisque,

Jeanne Sauvage, qui

xxj

La Tour, morte évidemment

d'enfants* de Marie de

i5 octobre i4oo,

le

lui

il

épousa

survécut^.

Charles de La Tour Landry eut pour

fils,

N..., qut.

comme

les généalogies manuscrites font figurer,

père, à la bataille d'Azincourt, en disant qu'il

son

mou-

rut peu après de ses blessures, sans laisser d'enfants

Ponthus, qui resta tres

le

Thibaud

fils ^,

Raoulet

,

et

Louis

morts tous

,

trois sans laisser d'enfants. Charles eut aussi

une

fille,

nommée

puisqu'on la cite

deux

été mariée

;

chef de la famille; et trois au-

au moins

Jeanne, peut-être l'aînée de tous,

la première"*. Il se fois

,

peut qu'elle

ait

car c'est peut-être elle qu'il

de La Tour Landry, femme de Jean ou Louis

faut reconnoître dans la Jeanne

dame de Clervaux

,

qui fut

de Rochechouart fut la

^. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle première femme de Bertrand de Beauvau 6,

seigneur de Précigny, Silli-le-Guillaume et Briançon, qui devint conseiller et chambellan du roi, président

en sa chambre des comptes à Paris, grand- maître

de

Sicile et sénéchal d'Anjou.

1.

Génial, mss.

— 2.

2.

Généal, mis.

— Le

Anselme

,

Il

sortit



ul supra.

Laboureur,

de ce mariage

3.

Gémial. ms. a.

p. 80.

C. — Leur

3. Anselme IV, 564 ^ et 653 B, fille Isabeau épousa Renaud Chabot qui eut un grand procès contre le seigneur de La Tour Landry au sujet de la justice de Clervaux obtint le 20 juin 1464 pour lui et son fils aîné rémission d'un meurtre commis Anselme ibid, A cette occasion et mourut vers 1476. ,

,

,



,

4.

D'argent

,

,

,

,

à quatre lions de gueules

lampassez d'or, à une

étoile d'azur

,

,

en cœur.

cantonnez



Quscrit des Ethiques en francois, qui lui a appartenu,

Paris, Manuscrits français

,

t.

IV, 33o-2.

,

armez

e(

Sur un beau macf.

M. Paulin

Préfacé.

xxij

^ , et Jeanne étoit morte vers i436, puisque ce fut par contrat du 2 février i437*

trois fils et trois filles

que Bertrand lement

il

se remaria à Françoise

de Brezé ; non seu-

survécut encore à celle-ci, mais, après avoir

épousé en troisièmes noces Ide du Châtelet,

il

en quatrièmes noces Blanche d'Anjou,

fille

naturelle

armes de toutes ces

alliances

du

roi

René

et « les

,

épousa

» sont remarquées dans les églises des Augustins, Cor» delières, Carmes et Jacobins d'Angers, où

le

coips

» de ladite Jeanne receut sépulture, ce qui est justifié

tombeau 3. » Pour Ponthus, nous savons qu'il fut chevalier, seigneur de La Tour Landry, de Bourmont, du Lo» par son

roux-Bottereau et baron de Bouloir en Vendomois* il

donna en 1424 aux prieur

et

;

couvent de Saint-

Jean l'Evangéliste d'Angers la dixme des grains de sa terre de Cornoailles ^, par acte signé de Jean de

Lahèvew ainsi

qu'il est

remarqué au trésor des

tiltres

» de Chasteaubriant'' », et il possédoit aussi une terre

que

duc de Bretagne lui confisqua, parcequ'il tenoit de Chatillon'. Ce doit être lui qui se rendit otage à Nantes pour répondre de l'exécution du mariage (21 mars i43i) entre le comte de Wontfort et Yoland fille de la reine de Sicile », et qui reçut le

le parti d'Olivier

,

ensuite une coupe dorée, en

1.

Voir

2.

Anselme

ms.\, ms.

a.

le détail



,

dans

la

même temps que

Chesnayc des Bois, in-4",

VIII, 270 E.

— —6

Généal. ma.

3.

5. Généal. tns. a.

Généal.

ms

II

sa fem-

3i8.

,

1.



i.

— 7.

4.

Génial. Généal.

3.

3. Histoire

1706, p. 588.

de Bretagne

,

par

Uom

Lobineau

,

Paris

,

iu fol.

,

I,

Préfacé. me

xxiij

et sa fille recevoient d'autres présents

C'est aussi

^.

probablement lui que cite l'auteur de l'histoire d'Artus, ducdeBretaigne,dansrénuraéraliondeceuxquisesont trouvés à la bataille de Formigny ^, aussi bien à croire

11 est

écrire par quelque clerc le

que

le

i5 avril i45o. qui a

c'est lui

fait

roman de chevalerie de

fils du roi de Galice, et de la belle Sidoine, du roy de Bretaigne, souvent réimprimé c'étoit un moyen de populariser l'illustration de la famille

Ponthus, fille

;

— Bourdi-

et d'en faire reculer très loin l'ancienneté,

comme on l'a vu,



que de romanesque et à demi historique. Les La Tour Landry ont voulu avoir aussi leur roman, comme les Lusignan avoient gné,

la

s'y est laissé

prendre,

mettre au milieu d'une action à la

fois

Mélusine. Nous n'avons pas à entrer dans

le détail

de

ce très pauvre roman, qui se passe en Galice, en Bre-

tagne et en Angleterre, ni à suivre

des

les péripéties

amours de Ponthus et de Sidoine traversées par les fourberies du traître Guennelet et enfin couronnées par un mariage. Ce qu'il nous importe de signaler c'est la certitude de l'origine de ce roman. Le héros ,

*de l'histoire porte le nom fort particulier d'un des

bres de la famille,

et,

parmi

ses

compagnons,

toujours au premier rang Landry de les

noms propres

sont

:

le sire

1.

de

Sillié,

de Doé

,

Guillaume

le sire

et

Benard de

la

col.

1018;

Dom

ce

Roche,

Morice, Preuves,

1232-3.

s. Collection

;

de Laval, d'Ou-

Girard de Chasteau-Gaultier, Jean

Dora Lobineau, Preuves,

II, col.

La Tour. Tous

sont de ce côté de la France

Geoffroy de Lusignan,

celles et

mem-

se voit

Micbaud

et

Poujoulat, i'^ série,

III

,

226.

Préface.

xxiv

Molevrier. Les quelques

concourent aussi à

que se

fait le

la

noms de

localités françoises

même preuve

grand tournois

et

,

,

c'est à Vannes quand l'armée se

réunit, c'est à la tour d'Orbondelle

mont

:

,

près de Talle-

or Talraont est un bourg de Vendée (Poitou)

;

situé à

i3

kil.

des Sables.

Un passage

peut-être la date exacte de la composition c'est lorsque,

pour réunir une armée contre

rasins, on écrit à la comtesse d'Anjou

romancier,

le

donneroit

du roman,

comte

étoit

mort

et

son

:

fils

les

Sar-

car, dit le

n'avoit

que

dix ans. Mais c'est trop long-temps m'arrêter à ce livre, qu'il étoit pourtant nécessaire de signaler*.

L'on ne connoît que deux enfants de Ponthus,

Blanche

et Louis i^^'du nom. Blanche épousa Guillaume d'Avaugour, seigneur de La Roche iMabile, de

Grefneuvilleetde Mesnil Raoulet, bailly de Touraine, veuf de Marie de Coullietes, femme en premières noces de Gilles Quatrebarbes ^ On donne ordinaire-

ment

cette

mais

la

Blanche comme fille de Louis 2* du nom^; remarque de d'Hozier * est formelle sur ce point « Bien que les mémoires de la maison de La » Tour Landry remarquent icelle Blanche de La » Tour estre issue de Louis et de Jeanne Quatrebar:

» bes; néanmoins tous les tiltres que j'ay

» dent

le contraire

» requeste,

,

me

persua-

et particulièrement l'arrest, sur

du Parlement de

Paris,

que

ladite

1. Pour les nombreuses éditions, et les traductions en anglois et en allemand du roman de Ponthus, voyez l'excellent article de M. Bruuet, III, 812-4. a.

Généal. ms.

i.

3.

Généal. ms.

a.

4.

Généal. ms,

i.

— Avaugour, d'argent au chef de gueules. — Le Laboureur, 80. p.

Préface.

xxv

» Quatrebarbes, demeurée veufve, obtint,

le

» jour de décembre i453, contre Blanche de

» aussy veufve



il

sœur de

qu'elle estoit

î)

,

dernier

LaTour,

est porté

en termes exprès

feu Louis

de La Tour, mary

de Jeanne Quatrebarbes. » Quant à Louis de La Tour, chevalier, baron dudit lieu et du Boulloir, seii»

gneur de Bourmont, la Gallonnère, de la Cornouaille, de Clervaux Rue d'Indre et Dreux le Pallateau il ,

,

épousa en i43o Jeanne Quatrebarbes, dame de La

Touche Quatrebarbes, etc., fille de Gilles Quatreet de Marie de Coullietes*. Louis étoit mort avant i453, et, le 22 juin i455, sa veuve, en pré-

barbes

sence de son

fils

Christophe

,

ratifie

un

acte fait le

6

juin précédent par son procureur et le procureur de

Blanche de

En i458

la Tour,

elle

veuve de Guillaume d'Avaugour^. nomma pour ses exé-

son testament, et

fit

cuteurs testamentaires René, Christophe et Louis, ses enfants 3.

On vient de voir les noms des trois fils de Louis ; un quatrième, Geoffroy*, paroît être mort de bonne heure, puisqu'il n'a pas laissé de traces. Pour René, il 'se

démit en i438 de ses biens, sauf les seigneuries

de

Gallonnère et de Cornouaille, en faveur de Chris-

la

tophe, son frère puîné, ainsi qu'il est vérifié dans le trésor des titres de Châteaubriant

1.

Généal. ms.

i

,

^,

se

fit

prêtre et

qui donne tous les titres de Jeanne Quatre-

barbes. 3.

Généal. ms.

3.

Des

extraits

i.

de ce testament et de quelques autres pièces

postérieures sont joints à la Généal. ms. 4.

Le Laboureur (page

5.

Généal. ms.

1.

i.

80), qui le cite avant ses frères.

Préface.

xxvj

mourut le 4 "lai 1498 ^ Pour Christophe, Bourdigné* nous apprend qu'en i449 il se trouva au siège de Rouen avec le duc de Calabre , fils du roi René, qui étoit allé secourir son père. En i46o , il transigea pour des terres avec Pierre d'Avaugour, fils et de Blanche de la Tour; en i463, donna procuration audit Pierre de recevoir les terres; en 1469» il foi et hommage dus à ses rend adveu de la terre du Genest au comte de Monfort et la même année fonde dans l'église du

de Guillaume il

,

,

,

Genest des prières à dire grand'messe, pour

avant

la

seurs

^. Il



mourut sans

du nom, qui

jour de la Toussaint,

les

âmes de

ses

prédéces-

enfants, puisque ce fut Louis,

resta chef

sé Catherine Gaudin,

le

de

épou-

la famille. Ilavoit

d'Anceau

fille

,

sieur de Pasée

ou Basée et de Marguerite D'Espinay Lauderoude, maison alliée à celle de Laval ^. ,

C'est en lui

que

s'éteignit la

descendance mâle de

notre Geoffroy, car Louis n'eut que des

vu que Blanche, dont on pas sa

fille,

mais sa tante

et Marguerite, a

le faisoit le ;

filles.

père,

On a

n'étoit

ses filles furent Françoise

femme de René Bourré ^, seigneur de

» Jarzé, dont la postérité est tombée dans la maison »

Du Plessis des Roches Pichemel, de laquelle est M. le

» marquis de Jarzé 6.

«Quant à Françoise,

et principale héritière

de son père Louis,

a le

1.

9.

3o juillet i494> Hardouin de

fille

elle

aînée

épousa,

Maillé, io<=dunora,

Généal. ms.; Le Laboureur, p. 80. Hystoire agrégative d'Anjou, f. cxlix. v"



3.

Généal. ms.

4. Généal. ms, i, 5, D'argent à la Ç.

bande fuselée de gueules.

Le Laboureur,

p. 80.

— Généal. ms.

1.

t,

Préface. » né en 1462. »

Il

xxvij

s'obligea de prendre le

nom et les

ar-

mes de La Tour, sous peine de 5o,ooo écus; mais,

» après la mort de ses frères sans hoirs mâles » déclara aîné

de sa maison,

François

et

F»'

,

il

se

releva ses

» descendants de cette obligation, leur permettant de

nom et les armes de Maillé, en y ajounom de La Tour Landry *. » Les armes de

» reprendre le » tant le

Maillé sont bien connues, d'or à trois fasces ondées

de gueules

mais

;

celles

de La Tour Landry

le

sont

bien moins, précisément à cause de l'abandon qui en

Le Laboureur

fut fait.

(p. 80) dit qu'elles sont d'or

à une fasce crénelée de 3 pièces et massonnée de sable

;

Gaignières, qui les a dessinées et blasonnées de sa

main sur un

de papier, passé,

feuillet

comme

toute la

partie héraldique de sa collection, dans les dossiers

du Cabinet des la fasce

,

titres,

nous donne de plus l'émail de

qui étoit de gueules.

La description qui

s'en

trouve en tête des généalogies manuscrites a un détail différent

:

elle

comme

indique la fasce

c'est-à-dire crénelée,

de

trois pièces et

bretessée,

demie.

11

n'est

pas rare de trouver une fasce crénelée de deux piè-

deux demi-pièces dans demie il faudroit , sa place

ces et et

;

,

mettre la demi-pièce à dextre

nous tenir à probable

,

la

;

le

cas de trois pièces

n'étant pas indiquée,

mais nous préférons

première armoirie

,

qui est la plus

puisqu'elle ne sort pas des conditions or-

dinaires.

1.

Anselme, VII, 5o3

;

et

La Chesnaye des Bois, IX

,

3i4.

Préface.

xxviij

II.

Du Dès

les

Enseignements.

livre des

premiers mots de son ouvrage

Geoffroy

,

de La Tour Landry a pris soin de nous apprendre la date de sa composition, par la façon dont il entre en matière « L'an mil :

la

trois cens soixante et onze. » Si

mention du printemps

sible

,

n'est pas,

comme

est

il

pos-

tant elle est dans le goût des écrivains de

poque , une pure forme

commencement de

littéraire, ce seroit

l'année

(Tavril^. Le livre ne fut

même

l'é-

au

puisqu'il parle de l'issue

,

fini

qu'en 1372

,

car nous

y trouvons cette date mentionnée formellement ^, et nous n'aurions pas même besoin de cela pour en être sûr, puisqu'à

un autre endroit il

de Crécy comme ayant eu

comme i346,

elle s'est

donnée, ainsi

les vingt-six

né cette

même

est parlé

de

il

ans nous auroient toujours don-

date de 1372,

y a aussi une remarque curieuse à

Il

cette

préface

,

la bataille

y a xxvj ans r ; qu'on sait, le 26 août

lieu «

c'est qu'elle

faire

sur

a été écrite en vers, et

Geoffroy, sans le vouloir, a pris soin de nous le faire

toucher du doigt, quand

il

dit (v. p. 4) qu'il

ne veut

point mettre ce livre en rime, mais en prose, afin de l'abréger, c'est-à-diie de le faire plus court et plus

1.

Pâques étant

changer

la

cette année-là le 6 avril,

il

n'y a

pas lieu de

date de 1371 en celle de iS/o.

2. « Je vous en diray une merveille que une bonne dame me » compta en cest an qui est l'an mil trois cens Ixxij. » Ch. xlix ,

p. io3.j

Préface.

xxix

rapidement. C'est la preuve la plus complète qu'il a voulu d'abord l'écrire en vers, puisqu'on retrouve

dans tout ce qui précède cette remarque, non seule-

ment une mesure régulière , mais presque toutes les rimes, tant il l'a peu changé en le transcrivant en prose. Pour le montrer, il suffit d'en imprimer une partie de cette façon; avec des changements absolu-

ment

insignifiants

tique

:

,

on retrouve toute

L'an mil trois cens soixante

En un

et

la

phrase poé-

onze,

jardin estoys sous l'ombre,

Comme à l'issue du mois d'avril, Tout morne, dolent et pensif; Mais un peu

je

me

resjouy

Du

son et du chant que je ouy

De

ces gents oysillons sauvaiges

Qui chautoient dans leurs langaiges,

Le merle, mauvis et mésange, Qui au printemps rendoient louange, Qui estoient gais et envoisiez. Ce doulx chant me Et tout

^

Que

mon cueur

lors

fist

envoisier

sy esjoir

nie va souvenir

il

Du temps passé de ma jeunesce Comment Amours en grant destresce M'avoient en celluy temps tenu

En son

service, où je fu

Mainte heure Si

comme

fait

liez,

autre dolant,

à maint amant.

Mes tous mes maulx guerredonna Pour ce que belle me donna, etc.

On pourroit encore continuer pendant plus d'une page; mais ceci

suffît

pleinement à la démonstra-

Préface.

XXX tion.

Du reste, nous savons de Geoffroy lui-mênJe qu'il

avoit écrit en vers

:

nous venons de

,

il

continue

encore la forme des vers primitifs

En

me

elle tout

que

car, quelques lignes après ce

citer



je

rétablis

:

deliloye

Car en celluy temps je faisoye Chançons, ballades et rondeaux , Laiz , virelayz et chans nouveaux De tout le mieulx que je savoye. Mais

La

la

mort, qui trestous guerroyé mainte tristeur

,

prist, dont

Ay reccu

mainte douleur.

et

Sans chercher d'exemples plus anciens, ceux de Quènes de Béthune, de Thibault de d'autres,

il

est

trouver à cette écrit

Champagne

et

de tant

moins rare qu'on ne penseroit de époque des grands seigneurs ayant

en vers. Ainsi, l'historien du grand maréchal

de Doucicaut

,

né en i368,

de celui que con-

et fils

nut notre Geoffroy, parle ainsi de

lui

:

« Si preint à

» devenir joyeux, joly, chantant, et gracieux plus

» que oncques mais, » deaux, virelays,

ron-

et se preint à faire balade,

lais et

complaintes d'amoureux sen-

» timent, desquelles choses faire gayementetdoulce»

ment Amour

le

feist

en peu d'heures un

» maistre que nul ne l'en passoit;

si

comme

si

bon

il

ap-

» pert parle livre des cent ballades, duquel faire luy

» etle seneschald'Eufeurentcompaignons au voyage » d'oultre mer... Jà avoit choisy dame... et, quand ))

à danse ou à feste s'esbatoit où

»>

chantoit chansons

):>

avoit

fait le dit,

et

rondeaux

et les disoit

,

elle

feut,

là..

.

dont luy raesme

gracieusement pour

Préface.

xxxj

donuer secrètement à entendre à sa dame en se complaignant en ses rondeaux et chansons comment » l'amour d'elle le deslraignoit*. » Nous ne connais)j

>j

sons aucune pièce de notre Geoffroy sible qu'il siècle, et, le

y en

s'il

nom de

dans

ait

les

s'en trouvoit portant

messire Geoffroy

,

;

mais

il

est pos-

recueils faits au xv*^

comme

suscription

on pourroit

les lui at-

tribuer.

Non seulement mais

,

entiers

lui-même

nous

n'écrivit pas ses

il

il

car dans ce

:

Enseignements

les avoir écrits tout

ne paroît pas

en vers

même

prologue

clercs qu'il avoit à extraire de ses livres, « » Bible

» de

,

il

emploie deux prêtres et deux

dit (p. 4) Qu'il

comme

la

Gestes des Roys et croniques de France et

Grèce

d'Angleterre et de

et

maintes

autres

» estranges terres », les exemples qu'il trouve bons

à prendre pour faire son ouvrage. Dans tous les cas, l'esprit

du temps

nellement des

la Vie des Saints

ployé personne sotf

époque

;

étoit trop porté à se servir éter-

de la Bible de l'Évangile et de pour que Geoffroy n'eût-il era-eût échappé à cette condition de

faits ,

,

mais

,

,

c'est

à l'inspiration toute religieuse

de ces aides que nous devons cellente d'intention

,

la

prédominance

ex-

,

mais littérairement regrettable,

des histoires tirées de

la Bible, qui

ne nous appren-

nent rien. La division en neuf fautes du péché de notre première mère doit être aussi de leur je verrois

1.

Le

cicaut

eb. ix.

,

fait

,

et

encore une trace de leur collaboration dans

livre des faicts

du bon messire Jean le Maingre, dit Bouet gouverneur de Gennes, i'« partie,

maréchal de France

— Collect.

Michaud

et Poujoulat,

i"

série,

t.

11, p.

aii.

Préface.

xxxij la

manière dont

façon régulière

le

car, en plus d'un endroit, l'on trouve

:

qu'il sera parlé

plan annoncé n'est pas suivi d'une

d'abord de

nature d'exemples et

telle

quand

ensuite de telle autre, et,

cela est

fini, le

livre

revient sur ses pas pour reprendre une partie qui avoit paru complète. Quoi qu'il en soit, que la quan-

de ces exemples pieux et leur phraséologie lente,

tité

et tout à fait

analogue à

temps, soient ou non du

du

le

remettre en lumière

donner

l'esprit

du

de cette sorte,

n'ont en elles aucune

du temps

,

livre ne sont

pas

ne serviroit à

il

là.

rien-

car ces histoires pieuses

utilité, ;

même

sermons du

des aides du chevalier ou

sien, la valeur et l'intérêt

Si tout en étoit

de

celle des fait

pas

même

de connu

celle

celui-ci est assez bien

pour qu'on n'ait sur ce point nul besoin d'un nouvel exemple, et le livre n'est pas assez ancien pour être

comme monument de

important

de sa valeur

la langue,

Ce par quoi contemporaines

particulière.

c'est

par

c'est

en nous montrant dans

les histoires

le

,

l'on

si

moderne

et guerriers*,

en dehors

est curieux,

qu'il raconte

monde

se servir de cette expression toute

sonnages historiques

il

comme

;

peut

des per-

,

Boucicaut

Beaumanoir, en les faisant agir et parler c'est en nous entretenant des femmes et des modes de son temps, et, toutes les fois qu'il parle dans ce sens, soit et

;

que ces lier

parties soient les seules écrites par le cheva-

même

son style

,

soit qu'elles lui fussent plus

s'allégit et

du mouvement son intérêt

et

;

si

prend réellement de

même

heureuses la

forme

et.

tout en étoit de cette sorte,

son importance en seroient singulière-

ment augmentés. 11 a, du reste, eu peu de bonheur auprès de quel^

Préface.

xxxiij

ques uns de ses juges. L'auteur de la Lecture des Li-

au

^^ Gudin dans son hisLegrand d'Aussy dans une notice spéciale^, qui, par là même, auroit dû être plus étudiée et plus juste, en portent un jugement à peu près aussi peu intelligent. Pour eux, le livre n'est composé que de capucinades ou d'obscénités. Sans y voir de capucinades, je conviendrai que tout le monde gagneroit à ce que la Bible eût été moins largement

vres français

x'w^ siècle

toire des contes 2, et

mise à contribution

;

mais

il

n'est

pas possible de

trouver

le livre

obscène, non seulement d'intention,

mais de

fait. Ils

se fondent sur les

ceux qui

firent fornication

en

deux

l'église

,

histoires

réflexions et sur quelques conclusions peut-être

simples et

à ce

même

maladroites

qu'ils disent. Il seroit

qu'un

;

mais

d'abord

homme évidemment

bien

il

de

sur quelques

y a

difficile

un peu

loin

de là

d'admettre

élevé et des meil-

leures façons de son temps, versé à la fois dans le

monde de

et

dans

celles à qui

qu'on ne

l'éloit

les livres, et qui, il

s'adresse

autour de

,

lui.

de plus, est le père

eût été moins réservé

De

plus, en dehors de

qu'&iques passages, plutôt naïfs que grossiers

,

il

fait

preuve, au contraire, d'une délicatesse singulière ainsi

il

seroit difficile

même

analyse et une appréciation plus fines et en

temps plus honnêtes des sentiments que

I.

Mélanges

tirés

:

de trouver à cette époque une les raisons

mi-

d'une grande bibliothèque, in-8, toI. D, 1780,

p. 94-6. a. Elle

forme

le

1"

vol.

de ses Contes. Paris, Dabin, 1804, a

vol. in-8, I, 101-8.

3. Notice des manuscrits de la BiblioUjèque

,

in-4",

t.

V, an 7,

p. i58-i66.

3.

Préface.

xxxiv

bouche de sa femme, lorsqu'il a avec conversation qui forme un des plus longs et

ses par lui dans la elle cette

des meilleurs chapitres. Mais, pour dire qu'il y a dans ce livre même des grossièretés , il faut ne pas penser à ce qu'étoit la chaire à cette époque

penser à ce qu'étoient

les fabliaux

ne pas

,

or les femmes

;

entendoient les sermons à l'église, les fabliaux dans leurs châteaux ou dans leurs maisons, où l'on faisoit

venir les jongleurs. Dans ces siècles, les femmes, pour

aucune époque de leur vie, n'ignoroient

ainsi dire à

mots

la chose ni les

;

l'honnêteté

étoit

dans

la con-

duite et n'étoit pas encore arrivée jusqu'aux formes

du langage.

11

seroit plus vrai

la question en connoissance

de dire, en considérant

de cause, que

chevalier témoigne, au contraire

,

le livre

du

d'un sentiment de

réserve qu'il ne seroit, à cette époque, pas étonnant d'en trouver absent. Il

livre

y auroit encore bien d'autres choses à dire sur le même à montrer, comme Caxton et le traduc;

teur allemand l'ont déjà dit, que Geoffroy n'a pas seu-

lement

fait

un

livre

pour de jeunes

filles

,

livre général qui s'applique à toute la vie des Il

et

mais un

femmes.

y auroit à examiner surtout les idées d'éducation de morale qui en ressortent et la forme sous la,

quelle elles sont présentées

de beaucoup

citer, et,

;

mais

comme

il

seroit nécessaire

les conclusions

à tirer

ressortent naturellement de la lecture elle-même

vaut d'autant mieux le

les laisser faire

,

il

au lecteur, que

but d'une préface doit être beaucoup moins de

juger complètement l'ouvrage,

et d'en

rendre

la lec-

ture inutile, que de donner les renseignements et de

résoudre

les

questions de

fait

que

le livre

ne peut

Préface. donner lui-même

et

que

le

xxxv

lecteur ne doit pas avoir

à chercher. Je dirai seulement que l'ouvrage doit moins rester dans la classe des livres si nombreux



il y seroit par pour des éducations spéciales du Discours sur l'Histoire universelle et du qu'être joint aux livres si curieux qui Télémaque

écrits

trop loin



sont consacrés durant tout le fense

du

ou à

l'attaque des

moyeu-âge à

femmes.

côté honnête et juste

,

Il

dé-

auprès du livre de Chris-

de Pisan, du Ménagier de Paris,

tine

la

y tiendra sa place,

— plus piquant

peut-être parcequ'il est plus varié et s'occupe de la vie matérielle, mais plus bourgeois et moins élevé de

ton et d'idées,

— auprès d'autres

livres encore qu'il est

Tous ceux qui s'occuperont de l'histoire des sentiments ou de celle de l'éducation ne pourront pas ne point en tenir compte et ne pas inutile

d'énumérer

le traiter -

Enfin

,

avec il

ici.

la justice qu'il mérite.

est encore nécessaire d'ajouter

savons à n'en pouvoir douter

de notre Geoffroy,

pour

ses

fils.

Il

,

qu'il avoit écrit

le dit

que nous

car nous l'apprenons

un

livre semblable

positivement au commence-

ment « Et pour ce... ay-je fait deux livres, l'un » pour mes ^Is, et l'autre pour mes filles pour apprendre à roumancier'... » Dans deux autres passages ^ il y fait de nouveau allusion « Par celluy :

,

i->

:

» vice l'en

«

tels,

entre en trestous les autres

comme vous le

vij

vices

mor

trouverez plus à plain ou livre-

» de voz frères, là où

il

parle

comment un hermite

» qui eslutcelluy péchié de gloutonie etlefist ets'en.

I.

a.

Page 4 de cette édition, Pages 175 et 179.

Préface.

xxxvj

B yvra, et parcelluy ilcheist en tous les » mortels

»

vij »

;

,

et plus loin,

tant sa croix

vij

péchiez

cuidié eslire le plus petit des

et avoit

quand

parle

il

du

Christ por-

qui se retourne vers les saintes fem-

,

mes, « et leur monstra le mal qui puis avint au pays, » si comme vous le trouverez ou livre que j'ai fait à » voz frères ». Le meilleur manuscrit de Paris avoit remarqué ce fait , car il met ici en marge cette reNotez qu'il fist ung livre pour ses filz. »11 marque falloit aussi que dans un manuscrit, probablement plus exact ou plus voisin du premier original , il y :

(c

en eût une autre mention

nous trouvons dans la partie

» the booke of

»

précisément à la

fin

car

;

de Caxton

que nous avons déjà eu occasion de citer

cette phrase,

dans

,

la fidèle traduction

généalogique

« as

:

my two sonnes

it is

and also

reherced in

an evvan-

in

»

gill.

Malheureusement nous ne savons ce qu'est devenu ce second livre

même

du

chevalier, écrit sans doute dans le

goût que ses Enseignements à ses

filles

,

qui

devoit être aussi composé de récits pris dans les histoires

et les

chroniques et d'aventures contempo-

peu de

raines. Peut-être devons-nous sa perte et le

succès qu'il paroît avoir eu

trouvé de mention nulle

— car nous

part—

à ce que

bon cheva-

y aura trop laissé faire à ses chapelains et que livre, ainsi presque uniquement rempli par de

lier

le

le

n'en avons

,

trop réelles répétitions, n'a pas eu assez d'intérêt

pour

sortir

est vrai

néral

,

du

cercle

pour lequel

il

avoit été

fait. Il

de dire aussi que, son point de vue étant gé-

— des histoires masculines sont des histoires

de toutes sortes



il

se trouvoit avoir à lutter,

pour

Préface. faire

son chemin, contre tous

les-

xxxvij de contes,

recueils

tandis qu'une réunion d'histoires uniquement féminines, étant quelque chose

veau

,

de plus rare

et

de plus nou-

a eu plus de chances pour sortir de la foule et

pour demeurer en lumière. Quoi nuscrit

qu'il ,

en

soit,

mais sans

il

le

existe peut-être encore en

nom de

d'une manière formelle l'introduction

,

soit

son auteur sur le

et le chevalier, qui,

;

titre

ma-

au moins

,

,

soit

dans

comme on l'a vu,

le travail de ses aides avec assez de donner une disposition et une forme

ne révisoit pas soin

pour

lui

générale bien assises, et n'a pas mis de

fin

au livre

pu ne pas écrire de prologue pour le livre de ses fils. Mais l'on auroit deux points de repère qui feroient reconnoître à peu près à coup sûr

de

le

ses filles, a bien

second ouvrage

celle

:

ce sont les

deux

histoires citées,

de l'hermite qui tomba dans tous

les

péchés pour

abandonné à la gourmandise comme au plus petit, et celle du Sauveur portant sa croix, prédisant aux saintes femmes le mal qui devoit arriver au pays, c'est-à-dire la ruine du Temple et la dispersion des

«'être

Juifs. J'ai

parcouru, sans rien trouver qui

me

satisfît,

quelques uns des recueils anonymes d'histoires qui ont été écrits en grand

nombre vers

cette

époque

;

d'autres seront plus heureux que moi.

III.

Manuscrits.

La Bibliothèque impériale possède à ma connoislivre du chevalier de ,

sance, sept manuscrits du

Préface.

xxxviij

La Tour. Je vais les décrire brièvement, en les rangeant , non dans Tordre de leurs numéros mais ,

selon l'époque de leur transcription et selon leur va-

leur relative.

Le plus ancien est le n"^ 74o3 du fonds françois. est en parchemin de format in-folio mediocri et écrit sur deux colonnes de trente lignes. Il a i^o

Il

,

feuillets,

dont

,

premiers sont occupés par la

les trois

128 par

table, les feuillets 5 à

128 à i4o par Thistoire de feuillet est tout

le texte, et les feuillets

Le premier dans sur un banc de gazon,

Griselidis.

encadré d'ornements courants

la miniature, le chevalier, assis est

vêtu d'une jaquette très courte

net

lilas,

la

découpé de

à avoir dans sa

toilette.

Les

à longues manches, sont toutes

d'un bon-

extravagante et

la façon la plus

moins analogue aux conseils du

cité

et coiffé

;

livre sur la simpli-

trois filles,

trois

en robes

debout

;

l'aînée

a seule une ceinture, et la troisième a la tête nue.

Les

sont bleues à dessins rouges.

lettres capitales

Quoique

le

plus ancien

cement du xv^

siècle

,

et

,

certainement du commen-

l'adjonction, toute

de Griselidis

convenable

prouveroit que

manu-

d'ailleurs

,

scrit n'est

qu'une copie et n'a pas été faitpourl'auteur

lui-même

;

noître

malgré cela

,



et

le

maintenant pour recon-

sûrement un manuscrit

fait

pour l'auteur

,

il

faudroit y trouver ses armes et celles de l'une de ses

deux femmes



celui-ci est excellent et le meilleur

de

tous, avec celui de Londres, dont nous parlerons plus loin.

Le manuscrit qui vient après conou

le

gnières.

dernier, porte 11

est in-folio

celui-là, et

que

j'ai

1009 du fonds de Gaimediocri sur parchemin , à

le n**

Préface.

xxxix

deux colonnes de trente-six Ugnes,-et agi feuillets, dont 82 de texte, 1 de table et 7 pour l'histoire de Grise-

La miniature

lidis.

est très grossière et

peut

même

avoir été ajoutée postérieurement.

Dans pour

7078 Mu fonds françois, La Tour n'est qu'une partie

le n'

valier de

on peut voir,

que M. Paulin Paris en a

ses Manuscrits françois (V, suffise ici

;

ouvrages qui l'accompagnent

l'indication des

la description

1842

faite

dans

p. 71-86). Qu'il

,

de dire que dans ce volume notre texte

occupent, sur deux co-

et la table des chapitres

moyenne

lonnes de 35 lignes en

les feuillets

,

122*. La copie en est très inexacte, et



n'a pas

du che-

le livre

payé à la page

être

pour avoir plus

tôt fini,

il

ne

,

mais à pas

s'est

le

55 à

scribe

car

forfait, fait

faute de

sauter des parties de phrase, dont l'absence n'ajoute

pas à lets

la clarté. 11 doit

de son original

incomplets

;

môme

on trouve deux

,

avoir tourné des feuil-

car, sans

que

fois

ses cahiers soient

dans sa copie une

lacune qui correspond à celle d'un

seconde

fois,

feuillet, et qui, la

porte sur une des histoires les plus inté-

ressantes, celle de M™'' de Delleville, dont

que

scrit

la fin.

Une mention

difier.

garde porte

min

n'a tran-

qu'il

a appartenu à Guillaume

de garde est

un chevron de sable

s'y

mo-

écrite sur la dernière feuille

de Saint-Maclou de Rouen

,

feuille

il

La langue commence déjà à

;

de

du Che-

sur la première

collé l'écu des Bigot, d'argent ,

à

chargé en chef d'un croissant

d'argent et accompagné de trois roses, posées deux

1.

En marge du

bert le

Moyne

feuillet 86

on

lit

les

deux noms

:

« Maislre

» et « Guillaume Saro, escuycr, dem. à Sainct

Ro-

....

»»

Préface.

xl

une en pointe ; on y

nom de

en chef

et

Thomas

Bigot, père d'Emeric, et Técu est répété sur

le

dos de la reliure

volume

ce

;

lit

aussi le

portoit dans leur

bibliothèque le n" 148*. J'oubliois de dire qu'il y a

une miniature

en camaïeu

initiale

,

mais sans impor-

tance.

Le manuscrit de Saint-Victor, n" 853, relié en la der, en maroquin rouge, avec le R. F. de

i852

nière République, est sur parchemin, de format petit in-fo carré

,

à 3g longues lignes par page et d'une

grosse écriture de la

miers

89 chapitres en haut

;

fin

du xv^

premier

le

siècle.

Les deux pre-

occupés par une table divisée en

feuillets sont

du

feuillet

texte, qui porte

1642, a une détesmarge, deux écussons en

la signature Duboiichet,

table miniature

,

sur la

et,

losange, partis, à dextre, d'or à la croix contre-her-

minée

,

et

,

à senestre

de gueules à

,

de

trois fasces

vair à la bordure d'or. Nous ne savons à qui appartiennent ces armes

; nous ferons remarquer seulement que les maisons de Mercœur en Auvergne et de Royère en Limousin portent de gueules à trois fasces de vair*. Les douze derniers feuillets sont occupés par

l'histoire

de Griselidis

lieur a mis sur le dos

Le

n<>

7673*

,

,

pour cela que

et c'est

:

le

re-

Miroir des femmes mariées.

qui porte dans

fonds Delamarre

le

le

n° 233, est sur parchemin et petit in-4" à deux co-

lonnes très étroites et de 3o lignes.

en tête de quelques

de

celle qui

1. Bibliot.

8

feuillets

mangea

Bigoliana

Grandmaison

.

,

,

l'anguille

1710,

in-i-2,

et :

Il

est incomplet

commence au conte u

[Un exemple vous

pars quinta

,

p. 10-11.

Dictionnaire héraldique, i853, in-4". c^L 355.

Préface. » vueil dire sur]

xlj

des feipmes qui mangeoient

le fait

» les bons morceaux en Tabsence de leurs maris. »

Les derniers

même



let

du ms. sont

feuillets

incomplet de la le

il

;

du dernier

est

feuil-

verso est collé sur une feuille de papier qui en

soutient les

morceaux



de Catonnet. Les

toire

très mutilés

car le recto

fin,

dernier siècle et sans

s'arrête

de

fers

titre

sur

dans la

le

dos

de

fin

la reliure,

l'his-

qui est du

paroissent al-

,

lemands.

Le n» 7668

est sur

parchemin, de format petit in-

4°, et dans sa reliure originale de bois couvert de

velours vert et garni autrefois de fermoirs.

est

Il

écrit à longues lignes d'une écriture très cursive et

négligée, de la fin

du xv«

siècle; les feuillets

sont occupés par notre roman, 126 à tience

de

Griselidis,

4

1

35 à 189 recto par

à 125

1

34 par

la

pa-

l'histoire

du

chevalier Placidas et de son martyre, après lequel fut

nommé

par

le

saint Eustache

Débat en vers du corps

et

dont on trouve une édition dans

de l'âme,

le

le recueil

même

que

j'ai

Muséum et dont la réimpression forme

copié au British les trois

il

i39 verso à i44

enfin

,

premiers volumes de V Ancien Théâtre fran-

A la fin du Débat se trouve la signature Ledru, évidemment celle du copiste. Le volume a fait partie çois.

de

la bibliothèque royale

on

lit

sur

le feuillet

du château de

de garde

:

Bloijs, et

Blois

,

car

au dessous

:

a Des hystoires et livres en françoys. Pul° i"(pulpito

» primo).

Au

— Contre la muraille de devers

xvii"' siècle

on mit sur

,

le

premier

la court.

»

feuillet le n<*

MCCLiiii, et plus tard les n"* io52 et 7668, qui est le

numéro

actuel.

Au commencement,

dans son jardin

,

est peint

le

chevalier, seul

dans la grande

lettre,

et

Préface.

xlij

rencadrement assez délicat de

la

page

formé de rin-

,

ceaux, de fleurs et de fraises, offre deux M, l'un rose, l'autre bleu

et la place

,

,

malheureusement grattée

d'un écu d'armoiries.

Le n" 3189 du Supplément in folio sur papier, d'une très

du

la fin

notre il

et les

roman

Après un

traité

en françois sur Dieu, se trouve

incomplet d'un ou deux

,

ne commence que dans

des deux ces

mots

«

...

la

feuillets

première histoire,

car

,

celle

de l'empereur de Constantinople, par

filles :

petit

commandements de

xv'^ siècle.

péchés

les

un

françois est

mauvaise écriture de

toutes foiz qu'elle s'esveilla, et pria de-

»

votement plus pour

et

ne de-

y

moura guerres que ung grant roy de Grèce

la feist

les

mors que devant

» demander, etc. »

Dans

autres bibliothèques de Paris

les

connois qu'un manuscrit sur vélin siècle et sans

senal

il

;

,

de

je n'en

,

du xv«

la fin

importance, U la bibliothèque de l'Ar-

a été indiqué par Haenel dans

gue des bibliothèques d'Europe

son catalo-

(Lipsiae, i83o, in-4°,

col. 340).

Mais car,

il

n'y en a pas

pendant

mon

de manuscrits qu'en France

séjour à Londres, j'en ai

un excellent aussi bon meilleur que notre manuscrit 74o3. collationner

,

comparaison, et en bli le texte

ciens,

que

me

l'un

de l'autre,

et

même

C'est sur leur

servant des deux, que

je publie; ils sont les

contemporains

pu voir

sinon

,

j'ai

éta-

deux plus et

an-

ne sont pas

dans un autre dialecte, ni môme avec une orthographe sensiblement différente, ce qui m'a permis de prendre toujours la meilleure leçon donnée par

écrits

l'un

ou par l'autre, sans craindre d'encourir

le

repro*

Préface.

xliij

che d'avoir mélangé des forniÊS contraires et mis

ensemble des choses opposées.

Il

se trouve au Bri-

Muséum, dans la collection du roi ', où il porte comme numéro la marque :19 c viii. Ce manuscrit, sur parchemin, est composé de cahiers de huit feuillets avec réclames, à 33 longues lignes à la page, offre i64 feuillets, chiffrés en lettres du temps de son exécution. Le livre de La Tour Landry y occupe les tish

1-121

feuillets

;

le livre

de Melibée, par Christine de

Fisan, les feuillets 122-146, et Tliistoire de Griselidis les feuillets 147-162.

Sur deux derniers

feuillets,

d'abord restés blancs, une main postérieure a ajouté

Le

codicille

M^ Jehan ùe Meung. En

trouve une miniature;

le chevalier,

du

tète

texte se

vêtu d'une robe

'bleue à longues manches et tenant un rouleau de

papier sur ses genoux, est assis sur un banc de ver-

dure qui

faille tour

jardin où

il

du pied d'un arbre

;

la partie

du

se trouve est entourée d'une haie carrée

soigneusement coupée, sage, mais un

treillis

;

et le

fond n'est pas un pay-

quant aux

trois filles, toujours

debout, l'aînée a une robe rouge avec un col ouvert en fraise

et

de très longues manches ouvertes;

les ro-

bes des deux autres sont rouges pour l'une, couleur

de chair pour

l'autre, et leurs

manches

très justes

leur recouvrent presque toute la main. Le manuscrit

a dû appartenir ensuite à quelque artiste du temps, car les feuillets blancs et les gardes sont couverts

de

très légers croquis

més ou d'hommes i. Cf.

appendix

et

au crayon roux d'hommes ar-

de femmes à cheval.

Catalogue of the manuscripls of the King's library, an to Ihe

catalogue of the Cottonian library, by David Cas*

ey, deputy librarian, 1734, in-4", p. 298,

Préface.

xliv

La bibliothèque de Bourgogne

à Bruxelles en possède* deux manuscrits sur parchemin (n"* gSoS et 9542); lun d'eux a été, sous l'empire, à la Bibliothè-

que du roi (Belg. n« qui

le cite

1

15),



l'a

vu Legrand d'Aussy,

en tête de sa notice sur le Livre des Ensei-

gnements insérée dans Manuscrits; depuis

il

a

de Bourgogne. Nous ne

le 5^

les

volume des Notices des

retour à la Bibliothèque

fait

connoissons pas

;

mais

le

manuscrit 74o3 et celui de Londres sont trop bons et

en

même temps

trop conformes

,

pour

qu'il

nous

eût été nécessaire d'en consulter encore d'autres.

Enfin La Croix du Maine

^

nous apprend

qu'il avoit

aussi par devers lui le livre écrit à la main, et le

La Vallière en

duc de

possédoit aussi un ms., qui forme le n°

i338 du catalogue en trois volumes (1783, 1, p. 106): Le chevalier de La Tour, in-fol., mar. rouge. Beau

a

» manuscrit sur vélin du

»

» gnes.

11 est

xv*'

siècle

en ancienne bâtarde

feuillets écrits

contenant 98 à longues li-

,

,

décoré d'une miniature, de tourneures

» et d'ornements peints en or et en couleurs. » fut

vendu que 60

très supérieur

me

livres, bien qu'il fût

comme

Il

ne

certainement

texte aux éditions de Guillau-

Eustace, qui se vendoient pourtant bien plus

cher,

comme on

le

verra tout à l'heure

,

car nous

n'avons plus à parler que des éditions et des traductions de notre auteur.

1.

Catalogue des manuscrits de

gogne. Bruxelles, pages 187 8. Edit.

in f

,

et igi.

de 177a,

I,

la Bibl. royale

I, 184-2; Extrait

277.

des ducs de Bour-

de Plnventaire général,

Préface.

xlv

IV.

Traductions J'a

en commençant

dit

i

traductions angloises

L'une ,

la plus

Henri VI

du

ancienne

au British Muséum

Enseignements.

qui remonte au règne de

,

conservée en manuscrit

dans

,

deux

qu'il avoit été fait

livre des

est inédite et est

,

éditions.

et

le

fonds

Harléien

(

n^

1764. 67, C.*). C'est un manuscrit à 2 colonnes de

41 lignes, dune excellente et très correcte écriture, malheureusement incomplet de la fin et qui a beaucoup souffert. Le premier

feuillet

ornée et un entourage courant, et tous ont une lettre peinte.

Au deuxième

a une lettre les chapitres

feuillet,

on

les

lit

signatures de deux de ses anciens propriétaires, Paiilus

Durant

siècle et

trouve

de

même

Kellie

V gland

,

David

et

Kellie

,

:

u

siècle

on

;

au feuillet 87 cette mention, de la main

James by the grâce

of

God King

of

En-

France and Ireland and of Scotlaud and de-

nuscrit a 54 feuillets et

commence:

» incarnacion of our lord hevi and

ail

parles mots

warme

:

le

ma-

was in a

gar-

thought... », et se termine (p.

238 de notre texte),

a withoute ani wisete y clothed myself

», suivi

La traduction

,

« In the yere of the

m ccc Ixxi as y

full of

dans l'histoire des deux sœurs » in

xvi'^

suivant

» fender of the faith. » Dans son état actuel

» den

du

écrites à la fin

au commencement du

du mot

est exacte, la

clothes

comme

réclame.

langue excellente

et cer-

tainement bien moins traînante et embarrassée que 1.

Nares

in-f'>,

,

Catalogue of the mss. of the Harluian library

London, i8o8-i5

;

II, p. 208.

,

4 vol.

Préface.

xlvj celle

Du

de Caxton.

de plus complets

ceux qui voudroient avoir

reste,

détails sur celte traduction

anony-

me

pourront en voir d amples fragments transcrits dans un excellent article de la première Rétrospective

Review, publiée à Londres

il

y a une vingtaine

d'années*. La sévérité angloise paroît avoir

ché Tauteur de citer

empê-

les histoires les plus curieuses

préférablement à celles dont l'honnêteté est la trop

unique valeur; mais ces extraits suffisent pleinement

pour faire juger du mérite de la traduction, pour nous la plus utile partie de leur travail.

La seconde traduction

de Caxton,

est

cien imprimeur de l'Angleterre

voir

le livre

et

,

il

est

et c'est

plus an-

le

curieux de

de notre auteur être une des premières

productions de

la

presse dans un pays étranger.

On sait

quel nombre Caxton a publié de traductions du françois, et

il

nous

de

suffit

un

est

in-4'',

dont

cun, sont signés face

les

;

la prière

les cahiers

,

de huit

loin.

feuillets

dit avoir entrepris cet

dame

Voici

le titre

cha-

nom de

ouvra-

qui avoit des

aucun bibliographe anglois n'ayant le

énuméLe livre

commence par une pré-

d'une grande

une supposition sur

1.

rappeler, car une

aii-niiij. Il

du traducteur, qui

ge sur

le

beaucoup trop

ration nous mèneroit

fait

cette protectrice

exact de cette excellente collection

pue malheureusement peu de temps après

le

,

fil-

même du

interrom-

volume où

se trouve

The rétrospective review, an historical and antiquarian magazine, edited by Henry Southern esq M. A. of Trinily collège, Cambridge, and Xicholas Harris esq., F. S. A., of the Inner Temple barrister at law in-8 '. New séries, vol. des Counsels

l'article sur le livre

:

,

,

I,

1897, part.

II, p.

Revue britannique

,



177-94. a« série

,

t.

L'article a été analysé

V, i83i,

p.

343-6i.

dans notre

Préfacé.

xlvij

de Caxton nous ne pouvons qu'imiter leur silence nous aurions donné cette préface en appendice, si on ne pouvoit la voir reproduite dans l'éditravail

,

;

Typographical antiquities de Jos. Ames Les caractères employés par donnée par Dibdin Caxton sont ceux dont on peut voir dans Ames le fac-

tion des

^ .

similé d'après les chroniques d'Angleterre

'^.

C'est ce

caractère irrégulier, plein de lettres liées entre elles et

de mêmes

de formes différentes, qui

lettres

apporte plutôt l'idée d'une écriture assez incorrecte

que d'une impression elle est très analogue à un facsimilé donné dans Ames (p. 88) d'une copie manus;

crite

d'Ovide qu'on attribue à Caxton. Après

face, qui tient le

premier

feuillet

tienttrois, vient le texte, qui

,

la pré-

et la table

commence

:

qui en

Hère be-

«

»

gynneththe book whiche the knyght ofthe toure^

»

made and speketh

of

many

fayre eusamples and

» thenseygnements Il

and techyng of his doughters. » se termine par la mention suivante « Hère fy-

»

nysshed the booke which the knyght of the Toure

:

»

made

)>

doughters translated oute of frcnssh

to

the

enseygnement and techyng of in to

our

his

ma-

me William Caxton, which book was ended and fynysshed the first day X» of Juyn the yere of oure lord m.cccc Ixxx iij And » emprynted at Westmynstre the last day of Jan» ternall Englysshe tongue by yj

» yuer, the first yere of the règne of

1.

London 4

s.

N* 4

,

face de la 3.

^'^ I3

vol. in-4", 1810,

t.

1, n''

27 des Caxton, p. 202-8.

planche de Basire portant

page 88.

Caxton ne

sait

pas le

nom

kynge Rychard

de Landry.

le n''

8

,

et

placée en

Préface.

xlviij

» the thyrd.

to

On a

sous la date de i484

quelquefois mis à tort ce livre

Tannée i483 ayant été comprise

;

entre le 3o mars et le i8 avril, et Edouard IV étant

mort

avril

9

le

qui est

i483,

bien cette année i483

c'est

première année du règne de Richard

la

III

•.

Les exemplaires complets en sont, du reste, assez rares.

Ames

(1810) ne cite que trois exemplaires,

de lord Spencer, du marquis de Blandford

et de Sa Majesté ; ce dernier est sans doute l'exemplaire complet que nous avons vu au British Muséum. Il y en auroit encore un dans la Bibliothèque publique de

celui

Cambridge et deux à la Bodléienne, mais imparfaits tous deux d'une feuille. Un exemplaire sur vélin, marqué 5 1. 5 sh., chez M. Edwards, cat. de 1794, n" 1267, étoit en i8io chez M. Douce; mais ce fut un prix bien vite dépassé ; ainsi l'exemplaire de la vente de Y/hite Knightsfut payé 85 livres i shilling, et celui 1

1 1

de

livres

Quant à croyable

vente de Brandt, en 1807, fut acheté

la

6

la traduction

si

on

le

d'une

fidélité et

le

même si

,

et

naïve exactitude , que

il

rencontroit

doutes sur ce point

,

il

ne pourroit pas y avoir de

tant sa phrase est calquée sur

,

son texte, avec un mot à mot

si

fidèle

i.Dibdin, Bibliotheca Spenceriana, n" 857, avoit

fait

*.

est d'une in-

elle

y en a, on pourroit reconnoître manuscrit même suivi par Caxton , et,

par ses méprises, à coup sûr

pour lord Spencer

shillings

remarquer

mais sa preuve en

t.

que

le

la

pureté

ÏV, 1815, p. 967-8,

qu'il falloit s'en tenir à la

étoit

que

commencement de

date

de

i483

;

l'année suivante

n'arriva pas avant le a5 mars, ce qui ne s'accorde pas avec les ta-

bles chronologiques des Bénédictins. a. Cf. Bibl,

Spenceriana.

Préface. de son anglois en souffre

le

xlix

Du reste, on

plus spuvent.

en pourra bientôt juger, car M. Thomas Wright, aux publications de qui notre ancienne littérature doit

autant que l'ancienne littérature de son pays , en va publier une réimpression Club, dont

du

inédite

il

est

British

Muséum

Warton

exacte pour le

un des fondateurs.

Si la traduction

complète,

étoit

il

faudroit

incontestablement la suivre, à cause de sa supériorité

sur celle de Caxton.

On pourroit prendre le

de composer l'édition pour traduction inédite et pour la

dant

les trois fin

avec Caxton. Cepen-

langue des deux traducteurs est

la

parti

quarts avec la

différente,

si

qu'en mettant une partie de l'œuvre de l'un à la suite

de l'œuvre de

l'autre,

onauroit à craindre d'ar-

river à un effet trop disparate,

et,

comme

le

Caxton peut-

est introuvable, les bibliophiles préféreront

être en avoir la reproduction entière.

Enfin j'ajouterai, à propos de l'édition de Caxton, que,

si

siècle

,

rare qu'elle soit maintenant, c'étoit au xvi«

en Angleterre, un livre qui étoit tout à

circulation. J'en donnerai

fait

en

pour preuve ce curieux pas-

sage du Uook qf Ihisbandry, publié en i534 par Sir Anthony Fitz-Herbert, qui avoit la charge importante

de lord chiefjustice

'

.

L'appréciation est trop curieuse

pour que je ne la reproduise pas en entier la fidélité

parlant de

;

qu'une femme et un mari doivent avoir dans

les achats qu'ils

fontau marché,

il

continue

:

« Je pour-

» rois peut-être montrer aux maris diverses façons

1.

Je

tire le

passage

,

non du

livre,

nécessairement inconnu à un

étranger, mais de l'article qui lui est consacré dans la nouvelle

Rétrospective Review,

London

,

Ilussell-Sniith, in-S".



i853, pages 864-73. 4.

3,

May

Préface.

1

T dont leurs »

femmes les trompent, et indiquer de méme comment les maris trompent leurs femmes.

»

Mais

si

je le faisois

j ,

'indiquerois de plus subtiles

» façons de tromperies que l'un ou l'autre n'en saî>

>?

me

chevalier de

» les, î>

A cause de

voit auparavant.

» meilleur de

et,

écrivit

par

un

» mettre à

taire

La Tour, qui

»

un

« une ))

me semble comme le

avoit plusieurs fil-

livre

dans une bonne intention, pour

les

même

d'éviter et de fuir les vices et

de

Il

leur enseigne dans ce livre

comment, si elles étoient courtisées et tentées par un homme, elles devroient s'en défendre. Et, dans

» ce livre, )>

il

faire

l'affection paternelle qu'il leur portoit,

» suivre les vertus. »

cela,

de peur de

,

il

homme

montre tant de façons

naturelles dont

si

peut arriver à son dessein d'amener

femme à mal

à leur but sont

si

,

façons pour en venir

et ces

subtiles

,

si

compliquées

ima-

,

» ginées avec tant d'art, qu'il seroit difficile à aucune

hommes.

» de résister et de s'opposer au désir des

» Par ccdit livre, »

il

a

fait

que

mes connoissent plus de

les

hommes

vices

» tromperies, qu'ils n'en auroient

» livre n'eût pas été fait, et ))

me lui-même

,

de

fem-

et les

subtilités

jamais connu

dans ce livre

il

se

,

de

si le

nom-

chevalier de La Tour. Aussi, pour

le

» moi, je laisse les

femmes

faire leurs affaires

avec

» leur jugement. »

Le jugement de lord Fitz-Herbert ver que Dibdin, pour avoir décrit pas autrement lu

de Ames

(1.

prou-

ne

l'avoit

car, renvoyant, dans les additions

372), à la notice de Legrand d'Aussy, et

faisant allusion C(^lui-ci fait

;

suffiroit à

le livre,

aux passages purement

naïfs

dont

des obscénités, Dibdin ajoutoit qu'il fal-

Préface. loit

Ij

espérer que Caxton avoit sauté de pareils passa-

temps de

ges. Je n'ai pas eu le

vérifier le

Caxton

nous n'en avons pas d'exemplaires en France je répondrois à l'avance



teur, qui n'a pas

se

permettre

le

,

auroit

pu

mais

moindre retran-

chement. Seulement Dibdin, qui avoit disposition

;

de son honnêteté de traduc-

s'assurer

du

le

volume à sa

fait et

ne pas en

rester à cette singulière espérance.

Le

même

livre eut la

Angleterre

allemande

^Comme

:

car

par

faite

Caxton,

il

fortune en Allemagne qu'en

en parut en i493 une traduction

il

le

chevalier Marquard

fut plus exact

que ne

le

vom

Stein.

furent plus

tard les éditeurs françois, et n'ajouta rien au livre des

Enseignements

;

mais

,

plus heureuse que celle de

Caxton, sa traduction fut souvent réimprimée. La pre-

mière édition,

in-folio,

parut a Bâle, chez Michel Fur-

Der Bitter vom Turn, von den « Exempeln der Gotsforcht vn erberkeit », c'est-à-dire Le Chevalier de La Tour, des exemples de la piété et de l'honneur. En tête se trouve une préface du traducteur, mais qui ne contient que des généralités de ter,

sous ce titre

morale

;

:

ce

nous ferons remarquer seulement que, peut-

être par suite d'une faute d'impression ou d'une dif-

férence dans un manuscrit, la date de la composition

du

livre n'est plus iSyi,

mais 1370.

d'une superbe exécution, et dont

Le volume,

le British

Muséum

possède un très bel exemplaire, a fd feuillets et est orné de 45 gravures sur bois, réellement faites pour l'ouvrage, bien dessinées et bien gravées. Le chevalier

y est toujours représenté armé de pied en cap

môme

dans

la

gravure

bizarre, représenté

initiale,



il

est

,

idée assez

endormi au pied d'un arbre, pen-

lij

Préface.

dant que ses deux

filles

sont debout à côté de lui

;

mais, à part cette singularité, celte suite dlllustrations est tout à

remarquable. Après cette édi-

fait

tion, nous citerons les suivantes,

d après Ebert

:

une à Augsboarg, chez Schonsperger, 1498, in folio; une à Baie, chez Furter, en i5i3; Ebert di-



sant aussi qu'elle a 78 feuillets et des gravures sur bois

,

il

est possible

que ce

soit la

avec une nouvelle date changée, la nouvelle

trouver les

et,

première édition

dans tous

les cas,

en est une réimpression, où Ton doit re-

mêmes bois

une 'a Strasbourg, chez Knob-

louch, en i5i9, in-4''; enfin une autre à Strasbourg,

chez Cammerlànder, en i538, in-folio, avec des gra-

vures sur bois.

11

y en a sans doute eu d'autres édique tout récemment, en 1849,

tions; toujours est-il le

professeur allemand O.-L.-B. Wolff en a

volume^ de

fait le

8"

romans populaires qu'il a publiée à Leipzig chez Otto Wigand. Le prologue sa collection de

y est plus court,

et l'on

nombre, quelques

y voit

,

bien qu'en très petit

histoires nouvelles, celles

nélope et de Lucrèce

,

de Pé-

absentes de l'ouvrage origi-

nal, mais qui prouvent que, dans ses éditions suc-

» miroir de la

deMarquard vom Stein a subi « Un titre y est devenu vertu et de l'honneur des femmes et

» demoiselles

,

écrit

» par le très

renommé

cessives, la traduction

quelques remaniements. Le

n

de belles

1.

pour

l'instruction

chevalier de

de ses

filles

La Tour, avec

et utiles histoires sacrées et profanes. »

AUgemeines bibliographisches Lexikon von Friedrich Adolf

Ebert. Leipzig, iSîi, in-4", a.

:

In-ia de 171 pages.

t.

I,

col. 317,

n» 4078.

Préface. Ce ne

fut

françoise

un

liij

qu'en i5i4que parut

la

première édition

à Paris, chez Guillaume Eustace*. C'est

,

in-folio gothique, à

lets chiffrés,

deux colonnes, de xcv

précédés de 3 feuillets pour

un

table et suivis d

feuillet

séparé

feuil-

le titre et la

au recto duquel

,

une gravure en bois représentant le pape l'empereur et le roi de France et au verso la marque de ,

,

Guillaume Eustace. Otte gravure se trouvoit déjà au verso et la marque sur lui-ci ))

«

:

Régis»,

,

titre,

du roy,

libraire

au bas

et

» neufue nostre

:

qui est ce-

guidon des

Dame,

ou au palais, au troisiesme saint-iacques, à l'enseigne

me

:

«

intitulé le chevalier

» des guerres » quatorze

.

,

le

puillegio la

rue

à lenseigne De agnus dei,

>)

se trouve cette mention

Cum

Hz se vendent en

a

)^

))

du

la tour et le

guerres, Nouvellement imprimé à Paris pour Guil-

w laume Eustace »

recto

le

Le chevalier de

pilier.

Et en la rue

du crescent.

»

A

Cy

fine ce présent

de

la tour et

le

la fin

volu-

guidon

Imprimé à Paris en mil cinq cens et neufiesme iour de novembre. Pour

» Guillaume Eustace, libraire

du roy

et juré

de lu-

demourant en la rue neufve nostre-daV me, à lenseigne de agnus dei, ou au palais, en la » grant salle du troisiesme pillier, près de la chap» pelle où len chante la messe de mes seigneurs les » presidens. Et aie Roy, nostre sire, donné audit » Guillaume lettres de privilège et terme de deux » ans pour vendre et distribuer cedit livre affin des» Diversité

i.

,

La Cruix du Maine {Bibliothèque

françoise, édit. de 1772,

iGi et ijy) ne parle que de cette édition a dit que

le

Guidon des guerres

étoit

,

sur la foi de laquelle

de notre auteur.

I. il

Préface.

]iv

remboursé de

» tre

ses fraiz et mises. Et deffend le-

» dit seigneur à tous libraires, imprimeurs et autres » du royaulme de non limprimer suspainne de con-

damende

» fiscation desditz livres et

arbitraire jus-

» ques après deux ans passez et acomplis à » ter

du iour

comp-

cy dessus mis que ledit livre a

et date

» esté acheué d'imprimer. »

Le

texte des Enseignements,

Guillaume Eustace, occupe

me

on

et

à Ixxii;

i

à Ixxxv sont occupés par

feuillets Ixxiii

Melibée

dans cette édition de

les feuillets

le

de

le livre

de Prudence, que l'éditeur a trouvé, com-

le voit

dans

le

manuscrit de Londres et celui de

Paris (70731), à la suite de celui dont

s'est servi;

il

mais, avec peu de scrupule et pour bien donner au chelier

de La Tour

le livre

n'avons rien à dire

ici,

de Mélibée, sur lequel nous

tant

il

est

maintenant connu,

a écrit un raccordement par lequel la

il

met Mélibée dans

il

bouche du chevalier. Enfin, les feuillets Ixxxv à xcv Guidon des guerres « fait par le chevalier

offrent le ))

de La Tour

»,

ouvrage de stratégie qu'un autre rac-

cordement* de Guillaume Eustace met aussi dans la bouche du chevalier. Il formoit probablement la troisième partie du manuscrit suivi par Guillaume Eusa,9 9tct n'est nullement

1.

Le raccordement

de ses

fils

» frères

,

:

« Affin

quand

ils

du chevalier de

est d'autant

mieux

fait

que tous nobles hommes se trouveront entre vous

,

la

qu'on et

Tour^. le

fait

parler

mesmcment vos

en voyant cestuy

li-

vre y puissent aussi bien que vous prendre quelque doctrine... » J'ay, touchant le fait des armes, cy en la fin mis ung petit

«

» iraicté appelle

le

Guidon des guerres

» par l'ordonnance de

» de France a.

Comme

mon

,

lequel jadis je rédigeai

souverain seigneur

le très

chrétien roy

» le dit

M. P. Paris {Man. français, V, 85-6),

il

est

Préface. Le

Iv

texte est orné de gravures'sur bois, mais,

moins

soigneux que l'éditeur allemand, Eustace a employé

bon nombre de bois tout

faits,

dont quelques uns se

rapportent très peu au sujet qu'ils sont destinés à présenter aux yeux. Dans les exemplaires sur papier le

format est très petit in-folio; dans ceux sur vélin,

la justification a été

réimposée, et

le

volume

est plus

grand. La Bibliothèque en possède un superbe exem-

avec 27 miniatures, que M. Van Praët* dit

plaire,

avoir passé dans les ventes de Pajot, comte d'On-

sembray

(n"

1. 49 s.), de Girardot de Préde Gaignat (n° 2253, 200 1.), de

627, 240

fond (n^ 890,

19.3 1.),

La Vallière(no i339, 3ool,), de Mac Carthy (n» i54g, 61 5

1.).

même

M. Brunet

(I,

649) paroît traiter comme le comme vendu chez Morel

celui qu'il indique

Viodé G3i

Comme

fr., et

texte

,

chez Hibbert, 33 livres, 12 shilings. il

faut reconnoître

,

à la louange de

Guillaume Eustace, que, pour un éditeur du seizième siècle,

il

pourroit avoir

fait

bien plus de modifications.

Le prologue est beaucoup moins en vers, l'orthographe est modernisée mais le texte a certainement été ;

étonnant que

les

bibliographes n'aient pas remarqué

d'attribution de ces

406), cataloguant l'imprimé à la suite d'un ms., avoit l'attribution,

dans 1.

fait

la fausseté

deux ouvrages. Debure (Catal. La Vallière,

remarquer que

le

,

I,

sans nier

Guidon ne se trouvoit pas

celui-ci.

Van Praët, Livres

sur vélin de la bibliothèque du roi,

t.

IV,

no 388,

p. 263-4. Ebert nous apprend qu'il y en avoit aussi un exemplaire sur vélin dans l'ancienne bibliothèque d'Aiigsbourg. Ce

doit être celui que

(Heisen,

I,

M. Van Praët indique comme vu par Gercken

262) et par Hirsching (Reisen,

Veith, à Augsbourg.

dans

la

Un

II,

180) chez les frères

troisième exemplaire dcvroit s'en trouver

bibliothèque de Genève (Van Praët, s64).

Préface.

Ivj

plus respecté qu'il ne Tétoit d'ordinaire a cette épo-

que. La seconde impression, qui doit cependant avoir été faite sur celle-ci, est

grossières, à ce

Ta eue entre

que me

les

au contraire pleine de fautes

dit

un juge très compétent, qui

mains. Elle est in-4° de 208 pages,

y compris 6 pages de table. Elle a un frontispice représentant un chevalier armé, un genou en terre , et a pour titre a S'ensuit le chevalier de La Tour et le :

» )j

Guidon des guerres, avec plusieurs autres belles exemples, imprimés nouvellement par la veuve

» Jehan Trepperel

G

*.

«

M. Brunet, qui

la dit

gothique

nous apprend qu'elle a été vendue, chez ileber,

et

livres i5 shillings, ajoute & et

après

le

nom de

la

Jehan Jehannot» veuve Trepperel. M. Rertin en ,

possédoit un exemplaire qui, à sa vente 123), a été adjugé au prix de

780

(i

853, n"

fr.

Après avoir examiné successivement, comme vois promis, la biographie et l'œuvre ainsi

que

manuscrits et

les

les éditions

je lui laisse enfin la parole,

je

l'a-

du chevalier, de son

en m'excusant de

livre, la lon-

gueur à laquelle ces développements sont arrivés. Mais

si,

dans un travail d'ensemble sur notre an-

cienne littérature, l'ouvrage du chevalier de

peut n'être

ments qui

un

cité

s'y

qu'en passant

,

La Tour

tous les renseigne-

rapportent dévoient être réunis dans

essai qui lui est spécialement consacré et qui se

trouve en tète de son livre.

1. Bulletin

no 1379.

du Bibliophile

,

i""*'

série, n" 14, février i835, p.

Cy commence

du chevalier de pour l'enseignemmt des femmes mariées et à marier. la table

du

Tour, qui fut

la

premier

livre intitulé

fait

chappitre

contient le

gue. .6

prolo1

second chappitre parle de ce que on

6 deux chevaliers qui

doit faire quant on s'esveille.

Le

tiers

chappitre parle de

amoient deux suers. 7 Le quart chappitre parle d'une damoiselle que un seigneur vouloit violer.

Le quint, que on Le VI" ,de deux

doit faire

filles

9 quant on

est levé.

d'un chevalier, dont l'une estoit

devotte et l'autre gourmandoit.

Le

comment

VI1«,

les

femmes

et les filles

femme qui chéy en un puis. i6 d'une bourgeoise qui mouru et n'avoit osé

VIll'^, IX'',

12

doivent jeû-

i4

ner.

Le Le

lO

d'une

folle

confessié son pechié.

Le X«, comment

femmes doivent

elles se

doy vent contenir sans virer

être cour-

22

toises.

Le XK', comment la teste çà

49

toutes

ne

là.

24

Table

Iviij

Le

XII<=,

de

la fille

du roy de Dannemarche, qui per-

dit le roy d'Angleterre

Le

Xllle, de celle

que

par sa

folle

contenance.

pour sa legière manière.

Le

Xllll*^

chappitre parle

d'Arragon par sa

folle

2:5

chevalier de la Tour refusa

le

comment

la fille

manière perdy

28 du roy

le roi

d'Es-

3o

paigne.

Le XV^, de

celles

qui estrivent les unes aux au-

32

tres.

Le XVIe, de celle qui menga Tanguille. Le XVII«, comment nulle femme ne doit

35 eslre ja-

3G

louse.

Le XVlIIe, de

la

bourgeoise qui se

fist ferir

par son

oultraige. 4o Le XIX^, de celle qui sailly sus la table. 4* Le XX
sçavans, et parle de la

dame

qui prist tençon au

5o 5i Le XX11I«, de Bouciquaut et des trois dames. Le XXIlll'^, de trois autres dames qui vouldrent tuer un chevalier. 54 Le XXV'^, de celles qui vont voulenliers aux joustes et aux pelerinaiges. 55 Le XXVl*" chappitre parle de celles qui ne veullent vestir leurs bonnes robes aux festes. 58 61 Le XXVII*' parle de la suer saint Bernart. Le XXVIII^, de celles qui ne font que gengler à 63 Teglise. mareschal de Clermont.

Le XX1X\ de

saint Martin

de Tours

et

de saint Brice

DES Matières.

Ivix

65 et du dyable. 66 Le XXX% de celle qui perdy h ouir la messe. Le XXXI*-', d'une dame qui employoit le quart du jour pour soy appareiller. 70 Le XXXI1% de celles qui oyent voulentiers la •

messe.

Le XXXII^, de

71 la

bonne contesse qui tous

vouloit ouir trois messes.

Le XXXIIll^ chappitre parle de

celles qui

les jours

72 vont eu

pelerinaiges sans devocion.

Le XXXVe, de ceulx qui

78

firent fornication

en

l'é-

80

glise.

Le XXXVI«, du moine qui

^

fist

fornication en Te-

8i

glise.

Le XXXVIP, des mauvais exemplaires et des ma82 lices de ce monde. Le XXXVIII^, des bons exemplaires du monde. 83 Le XXXI X«, de Eve notre première mère et de ses folies. 85 Le XI/ chapitre contient la tierce folie de Eve. 88 Le XLI^ fait mention de la quarte folie de Eve. 89 Le XLII", la quinte folie. 90 Le XLIir-, la \h folie. 91 Le XLII1I% la VI^ folie. 93 Le XLVs la VIII^ folie. 94 Le XLVI% la IX« folie. 96 Le XLVIL', d'un saint preudomme evesque qui prescha sur les cointiscs. 98 Le XLVIII"' de celles qui cheyrent en la boue. 100 Le XLIX", d'une damoyselle qui portoithaulx cuevre chiefs.

Le

L'^

parle d'un chevalier qui eut trois

102

femmes

et

Table

'Ix

comment Le

Lie, de \^ seconde elle fut

Le

Llle,

mens Le

femme fut dampnée. io5 femme du chevalier et comment

sa première

sauvée.

de

femme du

chevalier et des tour-

qu'elle souffry.

Lille, d'une grant baronnesse et des

l'ennemy

Le Le Le Le Le Le Le Le Le Le

107

.

la tierce

109 tourmens que 111

lui Hst.

LlIIIe parle de la

femme Loth.

LV^ chappitre parle des LVI« parle de

la fille

filles

4i3

n5

Loth.

Jacob.

117

n8

femme Honnan.

LVII", de Thomar, la

femme du prince Pharaon. LIX«, des filles deMoab.

LVlIIe, de la

LXe, de

la fille

de Madian.

LXI^, de Thomar, la LXIIe, d'un

126

qui estoit cordier.

126

LXIII^ parle du pechié d'orgueil et de la

Le Le Le Le

123

du roy David.

fille

bonhomme

120 122

Apemena

royne de Surye.

182

LXIIIIe chappitre parle de la royne Vastis.

i34 LXV^, de la femme de Aman. i3G LKYL' chappitre parle de la royne Gesabel. i38 LXVIle, de Athalia, la royne de Jherusalem, etde Bruneheust, la royne de France. i4o

Le LXVIIL" chapitre parle Moyse.

d'envie, etde Marie, la suer

142

Le LXIXe parle des femmes Archaria. i43 Le LXX« parle de convoitise et de Dalida, la femme Sampson. i44 Le LXXI*-' chappitre parle de courroux et d'une damoyselle de Rethleem.

i46

Le LXXII^ chappitre parle d'une dame quinevouloit venir au mandement à son seigneur. i48

DES Matières. Le LXXIII^ chappitre parle de

Ixj

i49

flatterie.

Le [.XXIIII^ chappitre parle de descouvrir

le conseil

i5i

de son seigneur.

Le LXXVc chappitre parle de desdaing,

et

de Michol,

femme David.

la

i53

Le LXXVI" chappitre parle de soy pignier devant

les

i54

gens.

Le LXXVII^ chappitre parle de foie requeste et puis de la mère David, et après de la duchesse d'Aio5

thènes.

Le LXXVIII^ chappitre parle de trayson.

i56

Le LXXIX« chapitre parle de rappine. ^LelIIIxxe chappitre parle de patience,

femme Thobie, Le

Illlxx et

et

1"

et puis

de

la

femme

iSy et

de Anna,

Job.

chappitre parle de laissier son seigneur

de Herodias que

le

roy Ilerodes fortray à son 161

frère.

Le

la

i58

llllxxlle chappitre.

Cy

laisse à parler

des mauvai-

femmes, et parlera des bonnes et de leur bon gouvernement et comment Tescripture les loue et premièrement de Sarra, la femme de Abraham. 162 ses

,

Le

llli^xllle chappitre parle

Le Illh^IIlle

;

de Rebecca.

chappitre parle de

Lia, la

iG5

Jacob.

Le IIIIxxV^ chappitre parle de Rachel.

Le IllhxVI^ chappitre parle de

167

la

royne de Chip-

la

vertu de charité

168

pre.

Le Illh^Vlle chappitre parle de et de la fille du roy Pharaon.

i63

femme

169

Le lin''xVIIh" chappitre parle d'une bonne femme de Jherico, appellée Ràab, et puis de saincte Ana-

TA

Ixij taise, et puis

Le

I,

LE

de saincte Arragonde.

171

IITIxxïX^ chappitre parle d'abstinence et parle

père

Le

et

de

la

mère Sampson.

du

174

IllIxxXe chappitre parle de aprendre sagesce et clergie.

Le Le

176

lllIxxXI^ chappitre parle de Ruth. lIIIxxXII^ chappitre parle

179 de soustenir son sei180

gneur.

Le

IIIIx^XIII^ chappitre parle de adoulcir Tire

de

182

son seigneur.

Le llIhxXllIIe chappitre parle de querre conseil. i83 Le IIIlxxXV^ chappitre parle d'une preude femme. 1 85 Le IllhxXVI® chappitre parle de Sarra, la femme Thobie.

Le IIUxxXVII* chappitre parle de

la

187 royne Res-

189

ter.

Le IIlIxxXVIII^ chappitre parle de Susanne, la femme Joachim.

191

Le IlIIxxXlX' chappitre. Cy commence à parler des femmes du nouvel testament et premièrement de saincte Helizabeth , mère de saint Jehan Rap,

193

tiste.

Le centiesme chappitre parle de

saincte Marie

194

daleine.

Le

CI''

mes

Mag-

chappitre parle de deux bonnes dames, fem-

19G

à mescréans.

Le ClI^ chappitre parle de saincte Marthe, suer à Magdaleine.

Le

CIII' chappitre parle des bonnes

la

197

dames qui plou-

royent après nostre seigneur quant croix.

Le CIIII^ chappitre parle de pechié d'yre

il

portoit la

199 et puis d'une

DES Matières.

Ixiij

bourgoyse qui ne vouloit pardonner ce que une

femme luy

201

avoit meffait.

Le CV^ chappitre parle comment

les

dames doyvent

venir à rencontre de leurs amis quant

ilz les

vien-

2o4 Le CVI^ chappitre parle de l'exemple de pitié et comment un chevalier fist champ de bataille, pour une pucelle délivrer de mort. 206 208 Le CVII'^ chappitre parle des trois Maries. 210 Le CVIIh" chappitre parle du saige. Le CIX* chappitre parle de Nostre-Dame. 212 Le CX"^ chappitre parle de l'umilité Nostre-Dame. 2 14 Le CXI« chappitre parle de la pitié Nostre-Dame. 2 1 Le CXII« chappitre parle de la charité NostreDame. 218 Le CXIII^ chappitre parle de la royne Jehanne de nent veoir à leur hostel.

France. 220 Le CXIIII» chappitre parle de plusieurs dames vefves.

221

Le CXV« chappitre parle d'un simple chevalier qui espousa une grant dame. 224 Le CXVIe chappitre parle de bonne renommée. 225 Le CXVIIe chappitre parle comment on doit croire les anciens. 227 Le CXVIII*' chappitre parle des anciennes coustumes. 229 Le CXIX« chappitre parle comment noslre Seigneur

loue les bonnes femmes 233 Le VIxx chappitre parle de la fille d'un chevalier qui perdy à estre mariée par sa cointise. 236

Le Vlxxie chappitre parle de messire Fouques de Laval qui alla veoir s'amie. 239

Ixiv

Table des Matières.

Le VlxxIIe chappitre parle des

Gallois et des Gal-

241

loises.

Le Vh^Il^ chappitre parle comment on ne

doit pas

croyre trop legierement.

Le

244

VlxxIIIIe chappitre parle

chevalier de Latour et sa

du débat qui

femme sur

fut entre le

le fait

de amer

par amour.

Le

246

VIxxV*' chappitre parle

de

la

dame

qui esprouva

266

Thermite.

Le VIxxYIe chappitre parle d'une dame qui

estoit ri-

che avaricieuse.

271

Le VlxxVIIe chappitre parle d'une dame honnourable.

Le

274

VIxxVIII'^ chappitre

ments que Cathon

parle

dist à

comment Cathon essaya

Cy

fine la table

par

le

de

la

des trois

enseigne-

Cathonnet, son

sa femme.

du

livre

composé

chevalier

Tour.

filz

,

et

277

LE LIVRE DU

CHEVALIER DE LA TOUR Cf commence le Iwre du chevalier de La Tour pour l'enseignement de ses filles. Et premièrement an mil

trois

le

Prologue.

cens soixante et onze

un jardin estoye sous l'ombre à l'issue d'avril, tout siz

:

,

en

,

comme

morne et tout pen-

mais un pou me resjouy du son et du

chant que je ouy de ces oysillons sauvaiges qui chantoyent en leurz langaiges, le merle

mauvis

et la

mésange

,

,

la

qui au printemps rendoient

louanges, qui estoientgaiz et envoisiez. Cedoulz chant

me

lit

envoisier et

mon

cuer sy esjoir que lors

il

me

va souvenir du temps passé de ma jeunesce, comment amours en grant destrcsce m'avoicnt en ycellui temps tenu en son service

,



je fu

mainte heure

liez et

tous

au-

comme elle fait à maint amant. Mes mes maulx me guerredonna pour ce que belle

tre dolant, si

1

Le Livre

2

me

bonne

et

donna, qui de honneur et de tout bien

sçavoit et de bel maintien et de

bonnes

En

estoit la meilleur, se

me

elle tout

soye chançons,

bonnes mœurs,

me

et

des

sembloit, el la fleur.

; car en cellui temps je fairondeaux, balades et virelayz,

dclitoye laiz et

chans nouveaux, le mieulx que je savoye. Mais la mort qui tous guerroyé la prist, dont mainte douleur en ay receu et mainte tristour. Si a plus de xx ans que j'en ay esté triste et doulent. Car le vray cuer de loyal amour, jamais à nul temps ne à nul jour, bonne amour ne oubliera et tous diz lui en souet

,

viendra.

Et ainsi

comme en

,

emmy

regarday

cellui

temps

voye, et vy

la

mes

je

pensoye

filles

,

je

venir, des-

quelles je avoye grant désir que à bien et à honneur

tournassent sur toutes riens

nes

et petites et

l'en tout

car elles estoyent jeu-

;

de sens desgarnies.

Si les devoit

au commencement prendre à chasticr cour-

toisement par bonnes exemples et par doctrines ,

comme grie

,

faisoit la

Royne Prines

,

qui bel et doulcement sçavoit chastier ses

comme

et les endoctriner,

si

qui fu royne de Hon-

contenu est en son

filles

livre.

les vy vers mpy venir, il me va du temps que jeune estoye et que aveccompaignons chevauchoie en Poitou et en

Et pour ce

,

quant je

lors souvenir

ques

les

autres lieux. Et

que

ilz

me

les

dames

car

il

il

me

et

ilz

faiz et

des diz

trouvoient avecqucs

ilz prioient d amours ; que dame ou damoiselle

damoysclles que

n'estoit nulz jours

poussent trouver que et,

souvenoit des

recordoient que

le

plus ne voulsissent prier,

sy lune n'y voulsist entendre

sans attendre. Et se

ilz

,

l'autre priassent

eussent ou bonne ou maie

DU Chevalier de La Tour.

3

responce, de tout ce ne faisoyent-ilz compte; car

paour ne honte n'en avoient , tant en estoient duiz et accoustumez tant estoyent beaux langagiers et ,

empariez. Car maintes duit avoir,

et ainsi

bonnes dames les

nouvelles,

çonges

,

villain

diffame

dont

il

foiz

vouloient partout des-

ne faisoient que décevoir les

et demoiselles,

et

unes vraies,

les

compter partout aultres

les

en advint mainte honte

et

menmaint

sanz cause et sanz raison. Et

il

ou monde plus grant trayson que de décevoir aucunes gentilz femmes, ne leur accroistre aucun villain blasme car maintes en sont deceues par les n'est

;

grans scremens dont

usent. Dont je

ilz

maintes foys à eulx et leur disoie

vous

telz

:

«

me

débaty

Comment estes-

qui ainsi souvent vous parjurez? car à nulle,

forz à une, tendre

ne devez. » Mais nulz n'y mettroit

arroy, tant sont plains de desarroy. Et, pour ce que

temps dont je doubte que encore soit pensay que je feroye un livret, où je escrire feroye les bonnes meurs des bonnes dames et leurs biens faiz, à la fin de y prendre bon exemple

je vis celuy

courant, je

me

et belle contenance et bonne manière et comment pour leurs bontés furent honnourées et louées et seront ,

tousjoursmaiz pour leurs bontés et leurs

aussi à

biens faiz, et aussi par celle manière feray-je escrire,

poindre

,

et

mettre en ce livre le mehaing des maul-

vaiscs deshonnestes

eurent blasmes, à pourroit errer

femmes qui de mal usèrent et de s'en garder du mal où l'en ,

fin

comme celles

qui encore en sont blas-

mées, et honteuses et diffamées. Et pour ceslcs causes que j'ay dessus dictes je pensay que à mes filles, que je véoie petites, je leur feroye un livret pour ,

Le Livre

4

à roumancer,

aprendre

affin

que

peussent

elles

et esludier, et veoir et le bien et le

aprendre

mal

qui passé est, pour elles garder de cellui temps qui

à venir

vous

fait

Pour ce

monde

Car le

est.

moult envyeulx

est

et merveilleux

moult dangereux tel vous rit ; car

et et

bel devant qui par derrière s'en va bourdant. forte chose est à congnoistre le

monde

qui à

pour cestes raysons que dict vous ay, du vergier je m'en alay et trouvay enmy ma voye deux prostrés et deux clers que je avoye, et leur diz que je vouloye faire un livre et un exemplaire pour présent est

,

et

mes filles aprandre à roumancier et entendre comment elles se doyvent gouverner et le bien du mal dessevrer. livres et

que

Si

leur

je avoye,

fiz

mettre avant et traire des

comme la Bible

,

Gestes des Roys

croniques de France, et de Grèce, et d'Angle-

terre, et

de maintes autres estranges terres

;

et

chas-

cun livre je fis lire et là où je trouvay bon exemple pour extraire, je le fis prendre pour faire ce livre, que je ne veulx point mettre en rime ainçoys le veulz mettre en prose, pour l'abrégier et mieulx entendre, et aussi pour la grant amour que je ay à mes enfans ,

,

lesquelz je

mon

ayme comme père

cuer auroit

si

les,

doit aimer, et dont

parfaite joye se

ils

tournoyent à

bien et à honneur en Dieu servir et amer, et avoir

l'amour et la grâce de leurs voysins et du monde.

Et pour ce que tout père et mère selon Dieu et nature doit enseignier ses enfans et les destourner de

monstrer le vray et droit chemin sauvemcnt de l'ame et l'onnour du corps terrien, ay-je fait deux livres l'un pour mes filz et l'autre pour mes filles, pour aprendre à rommancier,

maie voye

et leur

tant pour le

,

DU Chevalier de La Tour. et

en aprenant né sera pas que

il

5

ne retiengnent au-

cune bonne exemplaire , ou pour fouir au mal ou pour retenir le bien ; car il sera mie que aucunes foiz il ne leur en souviengne d aucun bon exemple ou d'aucun bon enseignement, selonc ce qu'ilz cherront en

taille

d'aucuns parlans sur celles matières.

Le premier Chappitre. t c'est moult belle chose et moult noble que de soy mirer ou mirouoir des anciens

et des anciennes histoires qui ont été es-

criptes

de nos ancesseurs pour nous mon-

et pour nous advertir comme nous véons le bien fait que ilz firent, ou de eschever le mal comme l'en puet veoir que ilz eschevèrent. Sy parlay ainsy et leur diz Mes chièrcs filles , pour

strer

bons exemples

:

ce que je suiz bien vieulx et que j'ay veu le plus longuement que vous

une partie du

siècle, selon

grant mais la grant ;

,

monde

vous veuil-je monstrer

ma

science qui n'est pas

amour que j'ay à vous,

et le

grant

que j'ay que vous tournez vos cuers et vos pensées à Dieu craindre et servir, pour avoir bien et honneur en ce monde et en l'autre, car pour certain tout le vray bien et honneur, garde et honesteté de homme et de femme vient de luy et de la grâce de son saint esperit, et si donne longue vie et courte es choses mondésir

daines et terriennes, telles

comme il luy plaist,

tout chiet à son plaisir et à son ordonnance

,

car du

etaussy

guerredonne tout le bien et le service que on luy a fait à

Le Livre

6 cent doubles

bon

et

,

pour ce

,

mes

chières

filles

,

fait-il

servir tel seigneur, qui à cent doubles rent et

guerredonne.

Cy parle de

ce qu'on doit faire quand on est

leç'é.

Le second Chappitre. t

pour ce

la première œuvre et labeur que ne femme doit faire si est entrer

homme et dire

,

son service ;

à entendre que,

c'est

dès ce que on s'esveille, alors à seigneur et à créateur,

tre

heures et oroysons, et grâces et louenges

,

,

se

comme

ilz

,

et dire

recongnois-

sont clers, luy rendre

de dire

num omnes gentes benedicamus ,

le

c'est assavoir dire ses

Laudate Domi-

:

patrem

et filium

choses qui rendent grâces et mercis à Dieu

;

car plus haulte et saincte chose est de gracier et

mercier Dieu que le requerre, carrequerre demande don ou guerredon, et rendre grâces et louenges est service et le mestier des

anges

,

qui touzjours

rendent grâces à Dieu, honneur et louanges; car

Dieu

fait

mieulx à gracier et mercier que à requerre,

pour ce que

femme que

il

ils

scet

mieulx

qu'il fault

à

homme

et

ne scevent eulx meismes. Après

à

le

les mors avant que l'en s endormors prient Dieu pour ceulx qui prient pour eulx , et non oublier ladoulce vierge Marie, qui jour et nuit prie pour nous, et soy recomman-

doit l'en prier

me

,

pour

et aussi les

der à ses sains et à ses sainctes , et ce

fait

,

l'on se

DU Chevalier de La Tour. puct bien endormir tes foys

que

;

7

car ainsi Ten le doit faire , tou-

ne doit Ten pas oublier

l'en s'esveille, et

mors. Je vous en diray un exemple comment il est bon de prier Dieu et gracier pour les morts toules

que Ton

tes les foiz

De deux

s'esveille.

chei>aliers qui

amoient deux suers.

Chappitre omme I

contenu es histoires de Con-

est

il

stantinnoble que filles,

111%

un empereur

meurs, et amoit Dieu et foiz qu'elle s'esveilloit

couchoienten un lict lainsnée s'esveilloit

heures ,

elle s'en

que elle ne

avoit

deux

dont la plus juenne estoit de bonnes

,

,

et prioit

elle et sa

et elle

mocquoit

le adouroit, toutes

pour

les

mors.

Si

suer ainsnée, et quant

ou oit à sa suer dire ses

et l'en bourdoit, lui disoit

lalaissoit dormir.

Dont

il

advint que jon-

ncsse et la grant aaise où elles cstoient nourries leurfist

amer deux

moult gens,

chevalliers frères, moult

et tant

beaux

et

durèrent leurs plaisirs et leurs a-

mours qu'elles se descouvrirent Tune à l'autre de leurs et tant qu'elles mistrent aux deux che-

amourettes

,

valliers certaines

heures pour venir à elles par nuit

privècment. Et quant celui qui devoit venir à la plus juenne cuida entrer entre les courtines, lui

sembla quil

veist

plus de mille

il

hommes en

suaires qui estoicnt environ la demoiselle. Si en eut si

grant hideur et

si

grant paour qu'il en fut tous

Le Livre

8

effrayez, dont la fièvre le pristet fut

malades au

Maiz à l'autre chevalier ne avint pas ainsi

,

car

lit.

en-

il

tra entre les courtines et ençainta la fille ainsnée

de

l'Empereur. Et quant l'Empereur sceut quelle fut grosse,

il

noyer par nuit

la fist

et le chevalier fist es-

morurent tous

corchier. Et ainsi par celui faulx délit

deux. Maiz l'autre je

vous ay

disoit

fille

fut

sauvée par ainsi

comme

Quant vint à lendemain chevalier estoit malade au

dit et diray.

par tout que

celle par qui le

le

mal

l'en lit

;

lui fust prins le vint veoir et lui

demanda comment le mal lui estoit prins. Si luy en dist la vérité comment il se cuida bouter es courtines et il vit à merveille grant nombre de gens en ,

,

suaires environ elle, dont, ce dist-il,

hideur

me

print

que a pou que

si

grant paour et

je n'enraigay, et

en-

cores en suis-je tout effrayé. Et quant la damoiselle oyst la vérité

,

si

en fust toute esmerveillée,

Dieu moult humblement, qui sauvée

cia

tre périe et

et loua

mer-

et

l'avoit d'es-

deshonourée, et dès là en avant

elle

aoura

Dieu toutes foiz qu'elle s'esvcilla et pria moult

doucement pour

les

mors plus que devant,

et se tint

chastement et nettement , et ne demeura gaires que un grant roy de Grèce la fist demander à son père, luy donna, et fust depuis bonne

et

il

et

de moult grant renommée. Et

dame et de notte,

ainsi fut sauvée

pour

aourer et gracier Dieu et pour prier pour les deffuncts. Et sa suer ainsnée, qui se

mocquoit ctsebour-

deshounorée

pour ce, mes

doit, elle fut

morte

chières

souviengne vous de cest exemple, toutes

foiz

filles,

que vous

et

esveillerez, et ne

,

et

vous endormez jus-

ques à ce que vous ayez prié pour les deffuns com-

me

faisoit la fille

l'empereur.

DU Chevalier de La Tour.

9

Et encores vouldroye-je que vous sceussiez rexemple d'une damoiselle que

beau ou par

avoir, par

son

un grant seigneur vouloit

laist,

à faire sa voulenté et

fol plaisir.

Cf parle d'une damoiselle que un grant seigneur vouloit violer.

Chappitre ont

il

advint que cellui seigneur

espier en

en un

mors

,

et le

un

fort

la fist

jardin où elle estoit reposte

mucée pour

et

IIII^.

la

paour de

lui. Si estoit

buisson et disoit vigilles des

grant seigneur par ses espies entra ou

jardin et la vist. Si cuida tantost accomplir son fol délit; mais,

quant

il

cuida touchier à

elle,

il

sam-

lui

de x mil hommes ensepveliz qui la gardoyent. Si eut paour et s'en tourna en fuyant et lui manda que, pour certain, jamaiz il ne la

bla qu'il veist plus

poursuivroit de

compaignie à elle et lui

tel

fait, et qu'elle avoit

la garder.

demanda qui

estoit la grant

qui estoit avec elle de gens ensepveliz qu'elle ne savoit, fors elle disoit vigille

trop grant

Et depuis parla avecques

;

compaignie

et elle lui dist

que à ceste heure que

il

vint

des mors. Sy pensa bien que ce fu-

rent ceulx qui la gardoient. Et pour ce est bel ple de prier pour eulx à toutes heures.

exem-

Le Livre

fo

Cy parle de

ce que on doit faire

Chappitre elles filles,

quand on se liève.

V«.

quant vous prendrés à vous

du hault commanciés vos heures.

entrez au service

lever,

si

gneur

et

sei-

Ce

doit estre vostre premier labeur et vostre

premier

fait,

de bon cuer

et, et

quant vous

les dires,

dictes-les

ne pensez point ailleurs que vous

car vous ne pourriez aler deux chemins à un coup, ou vous yrez l'un, ou vous yrez l'autre. Ainsi est-il du service de Dieu. Car, si comme puissiez

;

dit le saige

en sa sapience

oit et riens n'entent

comme

ne prent; et, pour tant,

,

autant vault celui qui

celluy qui chasce et riens

cellui qui

pense es choses

terriennes, et dit paternostres et oroisons qui tou-

chent choses celestielles , c'est un

fait

contraire et

une chose qui riens ne prouftite ce n'est fors que à mocquer Dieu, et pour ce dit la Saincte Escripture que la briefve oroison perce le ciel. Mais c'est à entendre que plus vault une briefve oraison courte dicte de bon cuer et dévotement que unes grandes heures et longues et penser ailleurs , ou que autres ;

qui parlent d'aucunes choses leurs heures disant.

Mais toutes voyes qui plus en dist devottement et plus vault et en a l'en plus de merittes. Et encores dist la Saincte Escripture que

me

la doulce rousée d'avril et

,

de

tout ainsi

may

com-

plaist à la

BU Chevalier de La Tour. terre et Tadoulcist, et la fait

germer

ii

et fructifier, tout

ainsi plaisent les heures et les croisons à Dieu,

vous trouverez

,

dont

en plusieurs lieux et légendes des

sains confesseurs, des vierges et des saintes qu'ilz faisoient leurs litz

dames,

de sermens de vigne

et se

couchoient dessus pour moins dormir et avoir moins

de repos, pour plus souvent et menu eulx esveillicr pour entrer en oroisons, et ou service de Dieu ilz estoient jour et nuit, et pour cellui service et labeur acquièrent la gloire de Dieu, dont il monstre au monde appertement que ilz sont avecques luy en sa sainte joye , pour ce que il fait pour eulx grans miracles et evidens ; car ainsi guerredonne Dieu le service que l'en lui fait

et

comme

à cent doubles

pour ce, belles

filles, dictes

j

ay dit dessus

vos heures de bon

cuer et dévotement sans penser ailleurs

,

et

gardés

que vous ne desjeunés jusques à ce que vous ayés dictes vos heures de bon cuer ; car cuer saoul ne sera jà humble ne dévot. Après gardez que vous oyez toutes les messes que vous pourrez ouir

,

car

grant bien de Dieu vous avenra, et sy est bonne et saincte chose et contenance

exemple sur

celle matière.

,

dont je vous diray un

Le Livre

12

Cjr

parle de deux

filles

d'un chei^alier, dont l'une

estoit devotte et Vautre

gourmandoit,

Chappitre VP. n chevalier

estoit qui avoit deux filles. L'une estoit de sa première femme, et

l'autre

de

mière

étoit

la seconde.

Celle de

à merveilles dévote

la ,

pre-

ne ja-

mais ne mangast jusques à tant qu'elle eust dictes ses heures toutes et ouyes toutes les messes qu'elle

pouvoit

oïr.

Et l'autre

sy couvée que l'on lui

fille estoit

sy chiere tenue et

plus de sa vouque , dès si tost qu'elle avoit ouye une petite messe et dictes deux paternostres ou trois elle s'en

lenté

laissoit faire le

,

,

venoit en la garde robe et là mengoit la souppe au

matin ou aucune lescherie,

et disoit que la teste lui mal à jeûner. Mais ce n'estoit que mauvaise amorson et aussy quant son père et sa mère estoient couchiez il convenoit qu'elle mangast aucun bon morsel d'aucune bonne viande. Si mena ceste vie tant, qu'elle fust mariée à un chevalier saige et malicieux. Dont il advint que au fort son seigneur sceust sa manière, qui estoit mauvayse pour le corps et pour l'ame ; si luy montra moult doulcement et par plusieurs foiz que elle faisoit mal de telle vie mener. Mais oncques ne s'en voult chastier , pour beau parler que l'en luy sceust faire. Dont il advint une fois qu'il avoit dormy un sompne, si tasta delez faisoit

,

,

DU Chevalier de La Tour. lui et

son

ne

lit

la

trouva pas

;

si

en

fut yriés

en un mantel fourré de gris

garde robe, où sa femme estoit, variez;

et

mangoient

hommes

et

i3

et se leva

et entra

de

en une

deux que demenoient et

le clavier et

et rigoloient tellement

Ten n'ouyst pas Dieu tonner, tant jouoient

,

femmes ensemble. Et

le

sei-

gneur, qui regarda tout celluy arroy, en fut durement

un baston pour

yrés

;

iez,

qui tenoit rebrassée une des

si

tenoit

un de ses varfemmes de cham-

ferir

de ce baston qui fust sec une esclice enTueilde sa femme, qui estoit delez luy, en telle manière qu'elle eut l'ueil crevé par celle mésaventure et par celle mescheance. Si luy messéoit trop à estre borgne, et la prist le seibre

et fery sur le varlet

,

duquel en

sailli

gneur en

telle

ailleurs

en

hayne qu'il se avilla et mist son cuer manière que leur mesnagc alla à perdicion du tout. Cest fait leur advint pour la mauvaise ordcnance de sa femme, qui accoustumée s'estoit à vivre dissolucment etdesordonnéementle ma,

telle

Dont

tin et le soir.

elle

,

comme

le

plus de mal sy vint devers

en perdre son

oeil et

lamour de son

seigneur, dont elle en fust en mauvais mesnaige. Et

pour ce

fait-il

bon

dire toutes ses heures et oyr tou-

messes à jeun, et soy acoustumcr à vivre sobrement et honestement, car tout ne chiet que par actes les

coutumance saige dit

et à l'usaigier,

comme

le

prouverbe du

:

Mettez poulain en ambléure, Il

Si

ma

la tendra tant

comme

il

comme

il

dure.

advint à sa sueur. Elle se acoustu-

en sa jonnesse à servir Dieu et l'Église, comme-

dire ses heures devottement et

ouyr toutes

les

mes-

Le Livre

i4

ses à jeun, et pour ce

donna

et lui

il advint que Dieu l'en guerredonna un bon chevalier riche et puis-

sant, etvesqui

avecques luy ayseet honnorablement.

Sy avint que leur père qui moult estoit proudomme, les ala veoir toutes deux si trouva chiez l'une ,

;

grans honneurs et grans richesses et y fut receu moult honnorablement, et chiez l'autre, qui avoit l'eueil trait

il

,

y trouva l'arroy

nice et malostru. Dont, quant hostel

fu revenuz à son

compta tout à sa femme perdue sa fille , tant

il

,

qu'elle avoit

nourrie chierement, et

longue en

lui

gouvernement

et le il

et lui l'avoit

lui avoit laissié la

reproucha

couvée

et

resne trop

laissant faire toute sa voulenté

,

par

quoy elle estoit en dure partie. Et par cest exemple est bon de servir Dieu et ouir toutes les messes que l'on

puet oyr à jeun, et prendre en soy honnesle vie,

de boire prime et

et

de mangier es droicles heures d'entour

tierce, et

de souper à heure convenable, se-

lon le temps; car telle vie, et user

en vostre jonnesce

en vostre

comme vous ,

voudrez tenir

tenir et user la vouldrez

vieillesce.

Cf parle comment

toutes les

femmes doivent

juner.

Chappitre mes

chières

^^0^^^ ^aj^^^

jeûner, tant

j^^^l

trois

^^^wws

douter votre chair

trop

,

Pï'^'S,

VII^. filles,

comme vous

vous devrez

serez à marier

jours en la sepmaine pour mieux

pour vous

tenir plus

,

que

elle

ne s'esgaye

nettement et saintement

DU Chevalier de La Tour. en service de Dieu

i5

qui vous gardera et guerredon-

,

nera au double, et, se vous ne pouvez jeûner les

au moins jeûnez au vendredi en lonneur du précieux sanc et de la passion Jhesucrist que il trois jours,

souffry

pour nous

en yaue

et, se

,

vous ne

le

jeûnez en pain

au moins n y mengiez point de chose qui preingne mort, car c'est moult noble chose, comme et

j'ay

,

ouy racompler à un chevalier qui

taille

de Cresliens

des Sarrasins.

et

11

ala en

une ba-

advint que uns

crestiens ot la teste coupée d'une gisarme toute des-

sevrée du corps confession et lui

,

tant

mais

;

que

demanda par

pouvoit parler sans

la teste

le

sy crioit et demandoit

prestre vint

,

qui la confessa

quelle mérite c'estoit que elle

corps

le

que nul bien

n'estoit fait

grâce, et qu'il

s'estoit

,

et la teste lui repondit

à Dieu qu'il n'empétrast

gardé

le

mercredi de mengicr

de Dieu qui y fut vendu et ne mengoit de chose qui prensist mort,

char en l'onneur du

filz

,

le

vendredy

et

pour ce service Dieu ne vouloit pas

il

dampné ne que il

ne

s'estoit

il

qu'il feust

morust en un pechié mortel

,

dont

pas confessé. Si est bon exemple qu'il

se fait bon garder de mengier chose qui prengne mort au vendredi. Et après, belles filles, fait bon jeûner le samedy en l'onneur de Notre-Dame et de sainte virginité qu'elle

vous veuille empêtrer grâce

à garder nettement voslre virginité teté à la gloire

chas-

et vostrc

de Dieu et à l'onneur de voz âmes, et

que mauvaise tcmptacion ne vous maistroye. Et si est moult bonne chose et moult noble de jeûner l'un des deux jours en pain et en yaue, qui est grant victoire contre la chair et

dy pour

vérité

que

il

moult sainte chose. Et

si

vous

ne chiet que à voslre voulenté

Le Livre

i6

de vous y accoustumer ; car tout ne chiet que par accoutumance de dire ses heures , d oir la messe et et

le service

vres

de Dieu

comme

,

de jeûner

firent les saintes

et

de

œu-

faire saintes

femmes, selon

qu'il est

contenu es légendes et es vies des sains et des saintes

de paradis.

Cf parle d'une femme qui chéy en un puis.

Chappitre

VIII«.

ont je vouldroye que vous eussiez ouy et retenu l'exemple

de

femme qui

la foie

jeunoit le vendredy et le samedy. Si vous

comptcray d'une la ville de

Romme,

folle

femme

qui estoit en

qui tousjours jeunoit le vendredy

en Tonneur de la passion du doulx Jhesucrist, et samedi en Tonneur de la virginité Nostre-Dame ,

le

et

aussy cesij jours elle se tenoit nettement. Si advint que

par une nuit

elle ala à

nuit obscure

,

et

son

amy en

folyc

,

si estoit la

va arriver en un puis de vint

de parfont, ou quel cheoit, elle s escria

elle :

va cheoir, et ainsi

Nostre-Dame !

Si

toises

comme

elle

chcy sur lyaue

et se trouva à dur comme sur une place, et luy vint une voix qui lui dit « Pour ce que tu jeunes le vendredy et le samedy en lonneur de la vierge Marie et de son filz , et que tu gardes ta char nettement , tu es sauvée de ce péril. » Sy vindrent lendemain les gens pour puisier de Teaue, et trouvèrent celle fem:

me

en ce puis

,

duquel

elle fust tantost traite et

mise

DU Chevalier de La Tour. hors. Sy se esmerveillèrent moult toit

sauvée

que

c'estoit

et elle leur dit

,

pour

comme ouy

dy,

et

que une voix

jeunes du vendredy

les

voua que

chastement ,

Dieu et de son Eglise.

lui avoil dit

elle se tendroit nette-

et useroit sa vie

au service de

Si le fist tousjours ainsi,

les torches, les cierges et les

et tenir

nettement

que

vision

me un

l'église. Si

elle traioit d'un

plat d'argent.

Sy

» et nectoye cest plat » tant qu'il il

comme

pour alu-

lampes, et balayer

luy advint une nuit une

com-

fumier ung vaissel

le regardoit et

y véoit plu-

sieurs taiches noires, sy luidisoitune voix

»

du same-

et

celle qui ala jour et nuit servir à l'église

mer

i;

elle es-

avez. Et, pour la grâce que Dieu luy

avoit faite, elle leur

ment

comment

« Frotte

:

et ostes ces taiches noires

,

soit cler et blanc,

comme

il

estoit

quand

mains du maistre. » Et ceste advision advint par trois fois. Si s'esveilla et recorda

parti des

si lui

son advision à Dieu, s'en ala confesser à

advision, et quant le sion,

si lui dit

:

a monstre

il

saint

il

fille,

jour sy

fust hault

homme

preudomme

« Belle

à Dieu servir, car

quant

et

un

et lui deit

vous estes moult tenue

vuelt vostre salvacion, et vous

comment vous vous devez

laver et nec-

toyer par confession vos péchiez. Si vous diray

ment

il

le

son

eut ouy son advi-

com-

vous demonstra par vostre avision. Car

vaissel d'argent trait

ou corps; car l'ame

du fumier, est

le

signifie l'ame qui est

blanche et nette, et se le

corps ne se consentist à faire pechié, elle feust touzjours blanche

,

comme

le

de l'orfèvre blanc et net;

vaissel d'argent qui vient

et aussi est

vient des fons de baptesme. Et ainsi sel

que vous

veistes qui estoit

l'ame quant elle

comme

au fumier

le

vais-

aussi est

,

2

Le Livre

i8

l'ame ou corps, qui n'est que fumier, boue et vers.

Et quant

le chetif

corps a pechié par ses faulx délits,

pour chacun pechié

me

,

avicnt

il

une tache noire à l'aque le corps qui a

et se tient jusques à tant ce

fait le délit et le

pechié,

laidement

la

et

en

l'ait

manière commCjU a

pour ce, belle

satisfacion. Et

,

confessé et regehi aussi fait, et faitte

la voix

fille,

de

l'avi-

sion vous dist que vous la curés et netoyez les taches d'icellui vaissel

ce sont les taches de vos péchiez

,

et le faictes blanc

comme vous

comme

il

vint de l'orfèvre

vous dist que vous

le

meissiés en lieu où

net et que vous le gardissiez d'ordure

que vous vous gardissiez

est,

c'est

bon

est

d'aler

en

,

lieu

il

feust tenu

c'est-à-dire



l'on

vous

vous gardés de plus pede soy confesser ; mais mieulx

attraye à faire pechié chier. Car

,

venistes des fons de baptême. Après

,

et

depuis la confession, de soy garder de y recheoir

arrière

quant

,

car le recheoir est pire que le premier

l'on se confesse

retenir, et le dire

ma belle

fille

,

,

en la manière que on

dist le

,

et

l'on doit tout dire sans riens

preudomme

,

un exemple d'une bourgoyse moult

je

l'a fait.

Donc,

vous en diray

puissant.

DU Chevalier de La Tour.

Cf parle de

la bourgoyse qui

19

mourut sans oser

confesser son pechié

Chappitre ne bourgoisc

nommée

etoit

d'estre

IX'.

qui

bonne

avoit

preude femme

re-

et charita-

ble, car elle jeunoit trois jours de la sep-

maine eaue

;

,

dont

les

estoient en pain et en

ij

après elle donnoit moult de grans aumosnes

malades et nourrissoit les orphelins aux messes jusques au midi et disoit merde heures, et faisoit toute la saincte vie que

et visitoit les

,

et estoit

veilles

,

bonne femme peust

faire.

Si advint

que

elle tres-

passa. Si luy voult Nostre Seigneur monstrer pour

exemple comment chié mortel

fumer

;

elle estoit

perdue par un seul pe-

car la fosse où elle fut mise se prist à

et la terre à ardoir, et avoit-on

veu de nuit

trop de tourment sur la fosse. Si s'en esmerveillirent

moult

les

gens du païs que c

estoit à dire

;

car Hz

pensoient qu'elle feust sauvée sur toutes. Si eut un saint et

homme

en la

leaue benoiste

Dieu et en

tit

,

cité

,

qui print la croix, l'cstoUe

et vint là; si la

demonstrer pourquoy celle pueur estoit

;

lors s'escria

je suis telle

,

la

pardurablement tif

conjura de par

requeste à Dieu qu'il lui plcust leur

une voix qui

et ce

disoit

:

«

tourment

Oyez tous

povre pécheresse dampnée ou feu car Dieu demonstre que mon che-

,

corps rend fumée et tourment pour exemple. Si

Le Livre

20 (liray

comment.

char je

me

Il

m'avint que par la gayeté de

couchay avec un moyne.

Si

ma

ne losay onc-

ques regehir ne confesser, pour double d estre accusée et pour la honte

du monde

et craignoic plus le

,

bobant du monde que la vengeance espiritucUe

,

et

pour cuidier effacier mon pechié je jeunoie et donnoye le mien pour Dieu, je ouoye les messes, et disoye moult de heures , et

me

sembloit que les grans

biens et abstinances que je faisoye

estaindroient

bien le peschié que je n'osoie regehir ne confesser

au preslre

,

et

pour ce

j'en suis

deccue

et

perdue.

Car je vous dis à tous que qui meurt en pechié mortel et

ne

le vuelt regehir,

il

est

dampné

perpétuelle-

ment, ainçois doit dire son pechié aussi villainne-

ment comme

il

fut fait et

elle eut tout ce dit

,

moult esbahis; car

par

la

manière. » Et quant

tous ceulx qui là estoient furent il

n'y avoit nul qui ne pensast

qu'elle feust sauvée. Et ainsi dist

exemple à

celle

femme

li

prcudons cest

qu'elle confessast et qu'elle

deist tous ses pechiés ainsi

comme

ce sont les taiches de son

ame

elle les avoit

du vaissel d'argent,

fait, et elle osteroit les taiches ,

et sy confessa celle

femme, et fut depuis de sainte vie, et ainsi son comancement de sauvement ne fut que par les jeunes

comme

le

vendrcdy pour

la sainte passion, et le sa-

medi pour la virginité de Nostre-Dame, dont elle fut sauvée du péril du puis, car il n'est nul bien qui ne soit mery. Sy est une moult sainte chose et, de tant comme le jeûner fait plus de mal à la teste et au ;

corps, de tant est la jeune de plus grant mérite et de

plus grant valeur; car, se la jeune ne

jeûner

,

l'on n'y auroit point

faisoit

mal à

de mérites. Et encore,

DU Chevalier de La Tour. pour monstrer exemple commentjeune mérite, sauvez,

li

si

rois

de Ninyve et luy et sa

comme

il

est contenu

21

de grant

est

en

cité

ou grant

Bible. Car Dieu avoit fait fondre plusieurs villes les

grans pechiés en quoy

Dieu par qu'ils

Lors

le

ilz

se delictoient. Sy

prophète à icelluy roy

seroyent aussi perilz se

le

paour,

roy et et,

le

peuple de

ils

la cité

ne

fut

de

livre

la

pour

manda

et

à celle cité

s

amendoient.

eurent moult grant

pour appaisier Tire de Dieu, tous ceulx qui

avoient aage de jeûner jeûnèrent xl jours et xl nuis, et se mistrent à genoulz

,

sacs sur leurs testes, et

sur leurs sacs mirent cendre en humilicté,

Dieu

vit leur

abaissement

et,

et leur humilité,

mercy d'eulx ; sy furent sauvés

et rappeliez

quant il

de

eut celle

pestilence. Et ainsi par leur humilité et par leurs

jeunes filles

,

ils

furent garentiz. Et pour ce,

mes

belles

jeune est une abstinence et vertu moult con-

venable et qui adoulcist et reffranist la char des mauvaises voulentéz, et humilie le cuer et empêtre grâce

vers Dieu, dont toutes jeunes femmes, et especiaul-

mcnt

me

les pucelles et les

veuves, doivent jeûner, com-

vous ay cy dessus par plusieurs exemples lesquels, se Dieu plaist, vous retendrez bien. dit

Le Livre

22

Cjr

parle comment toutes femmes

doii>ent être

courtoises.

Chappitre près

,

mes

X".

belles filles

soiez courtoises et

nulle plus belle vertu

tes gens,

,

gardez que vous

humbles

,

car

ne qui tant

,

il

n'est

attraite

à avoir la grâce de Dieu et l'amour de touque estre humbles et courtoises ; car courtoi-

sie vaint les félons orguilleux cuers, et à

l'exemple de

l'espervier sauvage, par courtoisie vous le ferez franc, si

que de l'arbre

lui estiez

il vendra sur vostre poing, et se vous en riens rudes ne cruelz, jamais ne vendroit.

Et donc, puisque courtoisie vaint

oisel sauvaige, qui

n'a nulle rayson en soy, doit courtoisie

fraindre tout cuer de

homme

et

mater

de femme

,

et re-

jà tant

fier ne félon courtoisie chemin et l'entrée de toute amistié et amour mondaine, et qui vaint les haulz couraiges et

n'aient le cuer orgueilleux

,

;

est le premier

adoulcist Tire et tout le couroux de toute amistié, et

pour tant

est belle chose d'estre courtoise. Je

con-

gnois un grant seigneur en ce pais qui a plus conquis chevaliers et escuierset autres gens à le servir ou faire

son plaisir par sa grant courtoisie, au temps

se povoit armer,

que autres ne

ne pour autres choses. qui bien

fait

qu'il

faisoient pour argent

C'est messire Pierre

de Craon,

à louer de honneur et de courtoisies sur

tous les autres chevaliers que je congnoys. Après je

DU Chevalier de La Tour.

23

congnoys des grans dames et autres qui sont moult courtoises et qui en ont moult de belles grâces acquises de l'amour des grans et de petits; se vous

monstres vostre courtoisie aux c'est

de leur

faire

ment avec eux

honneur

aux

petits et

petites,

et parler bel et doulce-

et leurs estre de

humbles responses

;

ceulx vous porteront plus grant louange et plus grant

renommée

et

plus grant bien que les grans. Car

l'honneur et la courtoisie qui est portée aux grans

que de leurs droiz

n'est faicte faire.

mes drez et

Mais celle qui est

et ,

aux

telles

faite

petites gentils

honneurs

de doulx cuer, et

,

et

aux

que

femmes

et autres

et courtoisies viennent

li

petiz à qui

on

pour honnouré, et lors il Tessauce par

ou à

loz et gloire à cellui

l'on leur doit

petits genlilz

hommain-

de franc

la fait s'en tient

tout,

en donne

celle qui lui a fait honneur,

honneur bonne renommée, et se croist de jour en jour. Dont il avint que je estoye en une bien grant compaignie de chevaliers et de grans dames, si esta une grant dame son chapperon et se humilia encontre un taillandier. Si y avoit un chevalier et ainsi des petis à qui l'on fait courtoisie et

vient le grant loz et la

qui dist

:

«

Madame vous ,

ron contre un taillandier

amoit mieux à

dame

l'avoir osté contre luy

un bien de tous pour laissié contre

avez osté vostre chappe-

», et la

gentil la

homme.

bonne dame.

respondit que

que à

l'avoir

Si fut tenu à grant

Le Livre

24

Comment

elles se

dowent contenir sans virer

la teste

çà

et là.

Chappitre près

X1«.

la messe ou ne samblés pas à tortue ne â celles semblent à la grue et à la

en disant voz heures à

,

ailleurs,

grue

;

tortue qui tournent le visaige et la leste

par dessus et qui vertillent de la teste

une

belette. Aiez regart et

manière ferme

comme comme

une beste qui regarde devant ne çà ne là. Soiez ferme comme de resgarder devant vous tout droit plainement, et, si vous voulez regarder de costé, virez visaige et corps ensemble ; si entendra l'en vostre estât

le

liniere, qui est

soy sans tourner

la teste

plus seur et plus ferme, car Ton se bourde de celles

qui se ligierement brandellent et virent le visaige çà et là.

DU Chevalier de La Tour.

Cf parle de

celle

qui perdit

par sa

le

25

roy d'Angleterre

foie contenance.

Chappitre

XII®.

ont je vourroye que vous eussiez bien retenu l'exemple des

filles

du roy de Dan-

vous en compteray. Hz sont quatre roys de çà la mer qui anciennement

nemarche.

Si

se marièrent par honnour, sans convoitise de terre

comme des filles

de roys ou dehaulx lieux, qui soient renommée de bonnes meurs,

bien nées ou qui aient

de bel maintien, et fermes, et de bonnes manières, et les convient veoir scelles ont ce

que femmes doivent

avoir et se elles sont tailliées de porter ligniée. Ces iiij

sont

li

roys de France, qui est le plus grans et le

plus nobles

;

lautre est le roy d'Espaigne

roys d'Angleterre

;

le

;

le tiers le

quart est le roy de Hongrie

qui est de sondroictmareschal des crestiens es guer-

que le roy d'Enque le roy de Dannemarche avoit iiij moult belles filles et moult bien nées, et, pour ce que icellui roy estoit preude et la royne moult preude femme et de bonne vie , il envoya certains chevaliers et dames des plus souffires contre les mescréans. Si avint

gleterre estoit à marier

,

et oyt dire

sans du royaume à son povoir, pour veoir icelles les

Et,

;

si

passèrent la

quant

le

mer

et vindrent

fil-

à Dannemarche.

roy et la royne virent les messagiers ,

si

en curent moult grantjoye, et les honnourèrenlctfcs-

Le Livre

26 toyèrent

iiij

jours, et nulz ne savoit la vérité, laquelle

ilz esliroient. Si

au mieulx

ce cointirent les

filles et s affaitèrent

qu'elles porent. Si avoit en la

compaignie

un chevalier et une dame, moult congnôissant et moult soubtilz, et qui bien mectoient l'eueil et Tentente de veoir leurs manières et contenances, et au-

cunez

mettoient en parolles. Si leur sembla

foiz les

que, combien que Vainsnéefeust bien la plus belle, elle n'avoit

menu

mie

et

le

plus seur estât, car elle regardoit

souvent çà et là et tournoit la teste sur

paule et avoit

le resgart

bien vertilleux. Et la

l'es-

ij^ fille,

avoit à merveilles de plait et de parolles, et respon-

doit souvent et

menu

avant qu elle peust tout enten-

dre ce dont on luy parloit

;

la tierce

n estoit pas

la

plus belle à deviser, mais elle estoit bien la plus ag-

gréable et

ferme

,

si

avoit la manière et le maintien seur et

et paroloit assez

pou

et bien

meurement

,

et

son resgart estoit humble et ferme, plus que de nulle des

iiij.

Si

eurent conseil et avis les ambassadeurs

que ilz retourneroient au roy leur seigneur pour dire ce que trouvé avoyent, et lors il prendroit laquelle qui lui plairoit. Et lors vindrent au et messagiers

roy et à

la

royne pour congié prandre de eulx

et les

mercièrent de leur bonne compaignie et de Tonnour

que ilz leuravoient

faite,

etqu

ilz

raporteroient à leur

seigneur ce qu'il leur sembloit de leurs ce

il

feroit

à son

plaisir. Li rois leur

filles, et

sur

donna de beaux

dons. Si s'en partirent et vindrent en Angleterre, et racontèrent à leur seigneur l'onneur que le roy et la

royne leuravoient

faite.

tez des filles et leurs fut assez parlé

Après rapportèrent lesbeau-

manières et leurs maintiens,

et

y

de chascune d'elles, et y eut assés qui

DU Chevalier de La Tour.

27

soustenoient à prandre lainsnée ou la seconde par

honneur ,

et

que ce

lainsnée

et,

quant

,

qui estoit sages

seroit plus belle chose d'avoir

ilz

homs

eurent débatu assez,

li

de bon sens naturel

et

,

roys parla

Mes ancesseurs ne se marièrent oncques par convoitise, fors à honnouretàbonté de femme, ou par plaisance. Mais j'ay ouy plus derrenier, et dit ainsi

souvent et

menu mésavenir de

beauté et plaisance

manière

«

:

et

,

que de

prendre femme par

celle qui est

de meure

de ferme estât, et qui a bel maintieng;

car nulle beauté ne noblesce ne s'apareille , ne passe

bonnes meurs,

et n'est

ou monde grant aaise

de avoir femme seure et ferme d estât

et

comme

de bonne

manière, ne n'est plus belle noblesce. Et pour ce je esliz la tierce fille,

l'envoya querre

,

ne n'auray jà autre. » Lors

si

dont les deux ainsnées furent en

grant despit et grant desdaing. Et ainsi celle quiavoit la meilleure et la plus seure manière, fut

gleterre, et l'ainsnée fut refusée et legiereté

de son visaige

et

royne d'An-

pour le vertillement

pour son resgard qui

un peu perdit pour ce

qu'elle avoit trop à faire et estoit trop

emparlée

prenés, belles

vertilleux

estoit

en ces

;

filles

si

,

ne çà ne et

seur après le

l'autre

filles

,

bons exemples ,

et n'aies



;

quant vous vouldrez resgarder ,

virés visaige et corps

ne soies pas trop emparlicrs

parle trop ne

pas

veoir ne vertillous, ne ne tournés

quelle part que ce soit

semble

et

du roy de Dannemarche

trop l'ueil au le visaige

,

,

en-

car qui

puet tousjours dire que saigc. Et

doit-on bien à loisir entendre avant que respondre

mais,

si

vous y

faictes

;

un peu de pause entre deulx,

vous en respondrez mieulx et plus saigement

;

car

Le Livre

28 que

le

proverbe

:

comme

riens n'entant

comme

prent,

dit

autant vault cellui qui

dessus est

Cf parle de

celle

oit et

cellui qui chasse et riens

que

ne

dit.

le

chevalier de

ha Tour

laissa pour sa legière manière,

Chappitre ,

mon là

,

mes belles filles, vous diray-je pour exemple d un fait qui m'en avint sur cesle matière. Il avint que une foiz que l'en me parloit de me marier avecques une belle

ncores,

femme

noble

XIII«.

qui avoit père et

seigneur de père la veoir

l'en

nous

dont

celle

fist

l'on

;

mère et

granl chière et

me

parloit, et la

,

et si

me mena

quant nous fumes liée. Si

resgarday

mis en paroUes de

tout piain de choses, pour savoir de son estre. Si cheismes en paroles de prisonniers. Dont je lui dis : « Madamoiselle, il vaudroitmieulx cheoir a estre vos-

que à tout plain

tre prisonnier

vostre prison ne seroit pas

Angloys». Si

si

d'autres, et pense

que

comme

des

dure

me respondit qu'elle avoytveu

celle

nagaires

cel qu'elle vouldroit bien qu'il feust son prisonnier. Et

lors je luy

demanday

se elle luy feroit

maie prison,

me dit que ncnnil et qu'elle le tandroit ainsi comme son propre corps, et je lui dis que celui

et elle

obier

estoit bien

son.

eureux d'avoir

Que vous

si

doulce et

si

noble pri-

dirai-je? Elle avoit assez de làn gai ge

et lui sambloit bien, selon ses paroUes, qu'elle savoit

DU Chevalier de La Tour. assez, et

de paroles, et , toutes voies elle fust

2g

moult y ot quant vint au départir

avoit l'ueil bien vif etiegier. Et

si

bien apperte

;

,

car elle

me pria

foiz

ij

ou

iij

que je ne demouraisse point à elle venir veoir, comment que ce fust ; si me tins moult acointes d'elle qui en

si

pou de heure

fu si

son accointe que onc-

ques mais ne lavoye veue, et parloit de

fumes

mariage

partis,

samble de

mon

celle

d'elle et

bonne

que je suis,

si

bloit d'elle et et

pour

seigneur de père

que

:

Mon

l'en

me

dist:

Que

te

avis.

me samble

seigneur, elle

maiz je ne luy scray jà plus de près vous plaist si luy dis ce qu'il me sam,

;

de son estre. Et ainsi je ne

la très grant legière

appertise qui

savoit bien

que tu as veue. Dy m'en ton

Si lui dis et respondis

belle et

si

de moy. Et quant nous

me

manière

sembloità veoir en

merciay depuis Dieu moult de

foiz

;

l'eus pas,

et la trop elle

granl

dont je en

;

car ne

demoura

pas an et demi qu'elle fust blasmée, mais je ne sçay se ce fut à tort ou à droit; et depuis mourust. Et pour tant,

mes chières filles et nobles pucelles, toutes femmes de bon lieu venues doivent estre de

gentilz

doulces manières, humbles et fermes d estât et de manières,

poy emparlées, et respondre courtoisement

n'estre pas trop enresnées

,

ne

surseillies

,

et

ne regar-

der trop legierement. Car, pour en faire moins, n'en vient se bien non

;

car maintes en ont perdu leur

mariage pour trop grans semblans, dont par maintes foiz l'en esperoit

pensoient.

en

elles autres

choses qu'elles ne

Le Livre

3o

Comment la

fille

au roy dArragon perdit

d'Espaigne par sa

foie

Chappitre

le

roy

manière.

XlIIIe.

e vouldroye que vous sçussiez l'exemple

comment Il

est

le

roy d'Espaigne par sa foUie.

contenu es gestes d'Espaigne que

roy d'Arragon avoit deux d'Espaigne avoir une

,

et

qui

,

il

li

plairoit

au roy d'Arra-

la fille ainsnée

gon perdit

mieulx

le

Sy en voult le roy pour mieulx eslire celle

filles. ,

se contrefist en guise d'un

servant et ala avec les ambassadeurs, c'est-à-dire ses

messagiers , et ala avec luy un evesque et deux barons. Et ne

honneur

demandés pas

et grant joye.

Les

le

si

filles

roy leur

du roy se

fist

grant

appareillè-

rent et atournèrent au mieulx qu'elles peurent, et

par especial l'ainsnée, qui pensoit que les parolles feusscnt pour elle. Si furent leans trois jours pour

veoir et resgarder leurs contenances

dont

,

que, au matin, le roy d'Espaigne, qui

sié, resgardoit la contenance d'elles.

que quant

l'en salua l'ainsnée,

que

il

estoil

elle

Si

advint

desgui

-

resgarda

ne leur res~

pondist riens que entre ses dens, et estoit fière et de

grant port; maiz sa suer estoit humble et de grant courtoisie plaine, et saluoit le petit.

humblement

Après il resgarda une

fois

que

les

le

grant et

deux suers

jouoicnt ensemble aux tables à deux chevaliers;

maiz l'ainsnée tcnsa à

l'un des chevaliers et

mena

DU Chevalier de La Tour. forte fin

3i

maiz sa suer puisnée, qui aussy avoit per-

;

du, ne faisoit semblant de sa perte, bonne chière comme se elle eust

roy d'Espaigne resgarda tout ce

;

si

ains faisoit aussy

se retraist à côté

gens et ses barons, et leur

et appela ses

Le

tout gaingné.

dit

:

«

Vous

savés que les roys d'Espaigne ne les roys de France

ne se doivent pas marier par convoitise

,

ment

bien nées et

bien

femmes de bonnes meurs

et à

de venir à bien

tailliées

et à

,

fors

noble-

honneur, et à

pour ce j'ay veues ces deux filles et leurs manières et me sembla que la plus jonne est la plus humble et plus courtoise que n'est laulre, et n'est pas de si haultain couraige ni de si haulte maporter fruit

et

,

,

nière et

comme l'ainsnée, comme j ay peu

pour ce prenés

rcspondirent

:

appercevoir,

plus jeune, car je leslis. » Si lui

la

« Sire, lainsnée est la plus belle, et se-

honneur de avoir l'ainsnée que la plus j uenne. » Si respondit que il n'estoit nul honneur ne nul bien terrien qui s'acomparaige à bonté et à bonnes meurs et par especial à l'umilité et à humblesce et ra plus grant

,

,

pour ce que je

humble,

et luy

veue

la vueil avoir.

si

ques l'evesque

gon

l'ay

et les

la plus courtoise et la

Et ainsi

l'esleut.

plus

Et adonc-

barons vindrent au roy d'Arra-

demandèrent sa

fille

plus juenne, dont le

roy et tous ses gens en furent moult csmerveillez qu'ilz

ne prenoient l'ainsnée, qui

moult. Maiz ainsi avint que d'Espaignc, pour estre

au grant

et

au petit,

la

estoit la plus belle

humble etdcdoulccsparolles

et

par sa courtoisie fut esleue.

Dont l'ainsnée eust grant desdaing et

en

ple

fut toute forcennée, et

comment par

de

plus jeune fut royne

et grant despit,

pour ce a cy bon exem-

courtoisie et par humilité l'on ac-

Le Livre

33

en l'amour du monde car

croist

il

:

comme

n'est riens si plai-

humble et courtoise et saluer le grarit et le petit, et non pas faire chière de perte ne degaain, car nulles gentilz femmes ne doivent avoir

sans

estre

nul effroy en elles ; elles doivent avoir gentilz cuers et

de doulces responces

Dieu

dist

plus se humilie saulce ,

et estre

humbles

comme

,

en TEuvangille, que qui plus vault

comme

,

et scet

car qui plus se umilie plus s'es-

fist

ceste

mainsnée

fille

du roy

d'Ar-

ragon, qui, par sa courtoisie et son humilité, conquist à estre royne d'Espaigne et Tosta à sa suer Tainsnée.

Cy parle de

celles

qui estrwent

les

unes

aux autres.

Chappitre

gardez que vous ne prengniez

elles filles, estrif

à

fol

XV'.

,

ne à

ayent maie teste

folle :

,

ne à gens

folz

qui

car c'est grant péril. Je

un exemple que j'en vi. 11 où plusieurs dames et damoiselles demeuroient. Si y avoit une damoisellc, fdle d'un chevalier bien gentilz ; si se va courrouscier à jeu de vous en

avint en

un

dirai

chastel,

tables, elle et

un

gentil

homme,

teste et rioteuse, et n'estoit

qui bien avoit maie

pas trop saige. Si

fut le

débat sur un dit qu'elle disoit qu'il n'estoit pas droit ; tant avint dit

qu

il

que

les parollcs se haulcèrent et qu'elle

estoitcornart et sot.

Hz

tenson. Si dis à la damoiselle

:

laissèrent le jeu par «

Ma

chière cousine,

DU Chevalier de La Tour.

33

ne vous marrissiez de riens qu'il die , car vous savez qu'il est de haultes paroles et de sottes responces. Si vous prie pour vostre honneur que vous ne preignez point de débat avecques luy,

ment,

comme je voulsisse

ne m'en voult

dire à

et le dis féable-

ma suer.

» Maiz elle

croire, ains tença encore plus fort

que

devant, et lui dist qu'il ne valoit riens, et moult d'autres parolles. Et

mieux pour

loit

me. Et

il

respondist,

homme

elle lui dist qu'il

qu'elle

ne

comme ne

disoit

fol

faisoit

mie

,

qu'il

va-

pour fem-

voir, et creu-

rent leurs paroles et surmontèrent tant que

il

deist

que s'elle feust saige, elle ne venist pas par nuit es chambres aux hommes les baisier et accoler en leurs ,

sans chandoille

liz

,

et elle s'en cuida bien venger,

et lui dist qu'il mentoit, et

et

que

tel et tel lui

il

luy dist que non faisoit

avoient veue. Siavoitlà moult de

genz, qui furent esmerveillez, qui riens ne sçavoient

de ce

,

et si

y ot pluisseurs qui dirent que ung bon mieulx , et qu'elle s'estoit batue par

taire lui vaulsist

son baston mcsmes, c'est-à-dire par sa langue

et

son

hatif parler. Et après celles parolles, elle ploura et dist qu'il l'avoit diffamée, et

car

il

l'assaillit

ça tant que

il

il

ne demeura pas

ainsi,

arrière devant tous et estriva et ten-

luy dist encores qu'il y avoit veu pis,

et dist paroles encore plus ordes et plus

honteuses

au déshonneur d'elle que jamais ne luy diierroit pour secourre qu'elle face , et ainsy se ahontaga par son fol couraige et par sa haultesce de cuer. Et pour ,

ce ainsy a cy bon exemple

comment

nulle

femme ne

doit tencier ne estriver à fol, ne à folle, ne avecques

gens qu'elle sache quiaienthaultaincouraige;

ainsi les

doit l'en cschever, et, se l'en voit qu'ilz vueillent par-

3

Le Livre

34

haultement ou grossement,

1er

tous piquiés, leur dire

:

l'en les doit laissier

« Beaulx amis, je vois bien

que vous voulés parler hault ou rioter ; je vous laile champ et m'en yray » et puis soy en aler et départir, si come fist un chevalier que je congnoys bien, à une dame qui avoit maie teste et envyeuse, et disoit moult d'oultraiges au chevallier devant tous.

ray

,

Dame

Si dit le chevallier

:

tant de merveilles

se je

;

nul

me

desplaist. » Mais

tort.

taire,

va

si

prisl

un

petit

devant

et le mist

pour

moy

laissa. Si fut si

l'escheva

et

,

,

et

plaist

à dire

ne vous

je

,

ne

paille

elle, et lui dist si

ne se voult onc-

quand

souffrir

bouchon de

:

«

m'en

iray. » Et fait

et elle fut foie

il

cheval-

le

taire

que

Dame

tencez à ceste paille

tenu pour bien

à qui plus tencer,

,

il

pour trou-

se vous

car je la

s'en ala et la

au chevallier qui ain-

et seulle et

ne trouva

et s'enffrenaisist se elle voult.

ainsi le doit l'en faire, car l'en fol,

vous

celle

fort

ne se vouloit

voulez plus tencier, laisse

pour tant

maiz tença plus

lier vit qu'elle

riens,

il

,

vous escoute

Je voy bien que vous estes marrie, dont

fais

ques

«

ne à gens tenseurs, ne qui ayent maie

les doit-en eschever,

me, comme oy avez.

Et

ne doit mie estriver à

comme ftst

teste.

le chevallier

Ains

à la da-

DU Chevalier de La Tour.

De

celle

qui

menga

35

Venguille

Chappitre XVI*. n exemple vous vueil dire sur le fait des femmes qui manguent les bons morceaulx en l'absence de leurs seigneurs. Si fut une damoiselle qui avoit une pye en caige, qui parloit

de tout ce qu'elle véoit

seigneur de

l'ostel faisoit

faire. Si avint

que

le

garder une grosse anguille

dedans un vaissel ou un vivier, chierement pour

ou de ses amis, la

la

et la gardoit moult donner à aucuns de ses seigneurs

si ilz le

venissent veoir. Si avint que

dame dist à sa clavière que il seroit bon de menger la

grosse anguille, et au

fait ilz

lamengèrentetdistrent

que ilz diroicnt à leur seigneur que le loerre l'avoit mangée. Et quant le seigneur fut venu, la pye lui

commença à

dire

:

«

Mon seigneur, ma dame a man-

gié l'anguille. » Lors le seigneur ala à son vivier et

ne trouva point de son anguille. et

demanda à

le, et elle

femme que

tout certain et

toit

Si vint

à son hostel

devenue se cuida bien excuser, maiz il dit sa

que

estoit

l'anguilqu'il

la pie le lui avoit dit.

es-

Sy

ot

céans assez grand noise et grant tourment. Maiz

quand re

en

si

le

seigneur s'en fut alez, la

dame

et la claviè-

vindrent a la pye et lui plumèrent toute la teste

lui

disant

:

«

Vous nous avez descouvertez de

l'anguille. » Et ainsi fut la

povre pie toute plumée.

Maiz de là en avant, quant

il

venoit nulles gens qui

Le Livre

36

feussent pelez ne qui eussent grant front, la pie leur disoit

:

ce

Vous en

parlâtes de l'anguille. » Et pour ce a

cy bon exemple comment nulle femme ne doit gier nul

bon morsel par

son seigneur, se

elle

men-

sa lescherie sans le sceu de

ne l'employé avec gens d'on-

nour. Car celle damoiselle en fu depuis mocquée et rigolée pour celle anguille, à cause de la pie qui s'en plaignoit.

Comment

nulle

femme ne

doit estre jalouse.

Chappitre XVII^. n exemple vous diray comment c'est maie chose que jalousie. Une damoiselle, qui estoit mariée à un escuier, si amoit tant son seigneur, qu'elle en estoit jalouse de toutes celles

à qui

il

parloit. Si l'en blasmoit

entre les autres elle selle

du

païs, laquelle

Si advint

une

elle disoit

;

estoit

foiz qu'elle

et lui reprouchoit son

par sa foy

son sei-

mais riens n'y valoit , et estoit jalouse d'une damoi-

gneur mainteffoiz par bel

de haultain couraigc.

tença à celle damoiselle

mary

,

et l'autre lui dyt

ne bien ne

que

voir, et l'autre di-

soit qu'elle mentoit. Si s'entreprindrent et destressè-

rent malement, et celle qui estoit accusée tenoit

baston et en lui

rompit

fiert l'autre

l'os et

par

ait

,

nez

tel

coup que

eut toute sa vie le nez

le plus bel et le plus séant

femme

le

comme

tort,

un

elle

qui est

membre que homme ne

cellui qui siet

au milieu du

vi-

DU Chevalier de La Tour. en

saige. Si et

honteuse , et son mary

vent qu'il

87

fut celle damoiselle toute sa vie deffaite

lui eust

lui

reprouchoit bien sou-

mieulx valu de non estre

si

jalouse

que de avoir fait deffaire son visage. Et ainsi par celle laideur et mescheance il ne la peut depuis si parfaictement amer comme il souloit devant, et ala au change. Et ainsi perdit lamour et Tonnour de son seigneur par sa jalousie et par sa follie. Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne femme et à bonne ,

dame comment

ne doivent

elles

faire

semblant de

courtoisement

telz choses, et doivent souffrir bel et

si comme souffrit une mienne tante, qui le me compta plusieurs fois. Celle bonne dame fut dame de Languillier, et avoit un seigneur qui tenoit bien mil et v* livres de rente, et tenoit moult noble estât. Et estoit le chevallier à merveille luxurieux, tant qu'il en avoit tousjours une ou deux à son hostel et bien souvent il se levoit de delèz sa femme et aloit à ses folles femmes. Et,

leur doulour, se point en ont,

,

quant

mée

il

venoit de folie

il

,

trouvoit la chandoille alu-

et l'eaue et le toaillon à laver ses

quant

il

estoit

revenuz

,

elle

ne ly

qu'elle luy prioit qu'il lavast ses

que

il

mon

mains. Et

disoit rien

mains

venoyt de ses chambres aisées

:

,

et

il

,

fors

disoit

«Et pour tant,

seigneur, que vous venés des chambres, avez

vous plus grant mestier de vous laver. » Ne autre ne reprouchoit , maiz que aucune foiz elle luy disoit privéement , à eulx tous deulx seulz « Mon seigneur, lui

:

je sçay bien vostre fait de telle et telle. Maiz jà par

ma

foy, se Dieu plaist,

puisque

c'est vostre plaisir et

que je n'y puis mettre autre remède , je n'enferay ne à vous ne à elles pire chière ne semblant. Car je se-

Le Livre

38 roys bien

denrées

,

ma teste pour l'esbat de voz puisque autrement ne peut estre. Maiz, je

vous prie ,

de tuer

folle

mon seigneur, que au mains vous ne m'en et que je ne perde vostre bon semblant car du seurplus je

faciez point pire chière

amour ne

me

vostre

,

;

deporteray bien et en soufreray bien tout ce

vous en plaira commander. » Et aucunes

qu'il

par ces doulces parolles

le

,

cuer

lui

en

fois

,

pitéoit et s'en

gardoit une grant pièce. Et ainsi toute sa vie

,

par

grant obéissance et par grant courtoisie le vainquoit ; car par autre voie jamaiz ne l'eust vaincu

que au derrenier il s'en repentist et se bon exemple comment par courtoisie ,

sance

,

l'on

,

et tant

chastia. et

Cy a

par obéis-

puet mieulx chastier et desvoyer son

gneur de cclluy

sei-

que par rudesse. Car il en est quant elles leur coule plus de telz couraiges que rent sus, ilz se appunaisissent et en font pis. Pour tant à droit resgarder, ne doit pas savoir le mary faict

,

,

trop

Car

mal gré à

sa

femme

mour,

et je

pense que

il

die voir

droit se aucun, qui riens

n'auroye d'amer, se

mon

se elle est jalouse de luy.

saige dit que la jalousie est grant aspresse d'a-

li

proucbain

,

il

ou de

ne

;

car

me seroit

faisoit

il

ne

bien ou mal

mon amy

,

me

chaul-

ne que jà cause ;

maiz de dou-

je en auroye

il avoit fait aucun grant mal ; pour ce jalousie n'est, point sans grant amour. Maiz il en est de deux manières dont l'une est pire que l'autre ; car il n'en est aucune où il n'a nulle bonne raison, et que il vault trop mieux s'en souffrir pour leur honneur et pour leur estât. Et aussi l'omme ne

leur et dueil au cuer se et

,

doit pas trop

un pou

mal gré savoir à sa femme

jalouse de luy ; car elle monstre

se elle est

comment le

DU Chevalier de La Tour. comme

cuer lui duelt. Ainsi

3g

grant paour que

elle a

aultre ait l'amour qu'elle doit avoir de son droict,

selon Dieu et saincte Eglisse. Maiz la plus saige en fait le

mains de semblant,

et se doit reffraindre bel et

courtoisement et couvertement porter son mal tout ainsi doit faire

l'omme

,

,

et

et soy refraindre saige-

ment au moins de samblant que

il

pourra ; car

c'est

grant sens qui s'en peut garder. Maiz toutesfoiz la

femme

qui voit que son seigneur est

d'elle

se

,

qui ne lui plaisent pas

saigement sanz en

ter

elle

,

la

bonne femme

faire

le

le doit

por-

,

elle le doit dire

à

plus doulcement que elle pourra, en

disant qu'elle scet bien que la grant

avecques

petit jalons

semblant devant nul. Sy

luy en parle par nulle voye

eulx deulx

un

s'apparçoyt d'aucunes follies plaisantes

il

elle lui fait avoir

paour

et

tourne s'amour ailleurs et lui dire

amour

qu'il

a

doubte qu'elle qu'il

n'en ait jà

paour, car, se Dieu plaist , elle gardera l'onneur de eulx deulx. Et ainsi, par belles et doulces parolles,

desmouvoir

le doit

et oster

car, se elle le prent par yre elle

alumera

le feu et

de sa

folle

merencolie ;

ne par haultes paroles

luy fera encores penser pis et

avoir plus grant doubte que devant. Car plusieurs

femmes sont plus

fièrés

en leurs mensçonges que en

parolles de vérité, et pour ce maintes foizfont plus de

dame

doubte. Et aussy vous dis-je que la bonne

combien que

elle ait

un pou de

riote et d'ennuy, elle

n'en doit pas moins avoir chier son seigneur pour un pou de jalousie car elle doit penser que c'est la très ,

grant

amour

doubte

qu'il

et grant

mour que

il

a à elle , et

comment

il

a grant

soussy en son cuer que autre

doit avoir

de son

ait l'a-

droit, selon l'Église et

Le Livre

4o

Dieu, ai penser et regarder se aultre lui fortrait

mour que que

la joie

l'a-

que jamaiz ne l'aymera, et de leur mariage seroit perdue, et leur madoit avoir, et

il

riage tourné à déclin et tournera de jour en jour.

Et une chose, dont maintes se donnent mal, est jalousie et fait grant soussi et estroit penser, et

a cy bon exemple

comme

pour ce

amesurer son

l'en doit

couraige et son penser.

Cf parle de la bourgoise qui se par son oultraige.

fist ferir

Chappitre XVIIIe. près ne doit l'en point à son seigneur estri-

ver ne luy respondre son desplaisir, com-

me

la

bourgoise qui respondoit à chas-

cune parolle que son seigneur luy disoit tant anvieusement, que son seigneur fut fel etcotrrrouscié de soy veoir ainsi ramposner devant la gent ; si en ot honte , et lui dist une foiz ou deux qu'elle se teust, et elle n'en voulsist riens faire. Et son sei-

gneur, qui fut yrié, haulça le poing etl'abbali à terre, et oultre la fery

du pié au

visaige et luy rompit le

nez. Si en fu toute sa vie deffaite, et ainsy par son

ennuy

et

par sa riote elle ot

luy mesadvint.

Il

feust teue et soufferte le

seigneur

honneur à

ait les

la

le

nez

tort,

qui moult

luy eust mieux valu qu'elle se ;

car

il

est raison et droit

haultes paroUes

bonne femme de

,

et n'est

que que

l'escouter et de sov

DU Chevalier de La Tour. tenir

en paix et

laissier le hault parler

gneur, et aussy du contraire, car oïr

femme

tort

,

et

c'est

4i

à son sei-

grant honte de

estriver à son seigneur, soit droit

,

soit

par especial devant les gens. Je ne dis mie

que, quant

trouvera espace seul à seul

elle

,

que par

bel et par courtoisie, elle le puet bien aprendre et luy

monstrer courtoisement

homme

de Dieu

,

doit faire

dame moult lui

la

,

vent

est

est au-

fait que son droit. Car tout ainsy preude femme à l'exemple de la sage

royne Hester, femme du roy de Surie

respondoit riens en son yre

son lieu

,

faire les

;

qui

maiz après, quant

elle faisoit tout ce qu'elle

et c'cstoit grant senz

,

maiz sa bonne dame

estoit colorique et hatif ;

elle véoit loit

s'il

s'il

se n'aura elle

tre le

ne

qu'il avoit tort, et

luy en saura bon gré, et

il

de dames,

et ainsi le

voudoi-

bonnes dames à ceste exemple. Gestes

femmes, qui sont foies de l'obeyssance

comme

et

remponeuses, ne sont pas

fut la

femme d'un marchant,

dont je vous en diray l'exemple.

De

celle

qui

saillit

Chappitrb ne

fois

sur la table,

XIX«.

avint que

trois

marchans ve-

noient de l'emplette de querre draps de

Rouen.

Si

dist

l'un

:

—Par — Vrayement,

lontiers à son seigneur.

m'obeist bien.

bonne vou-

C'est trop

chose que femme, quand

elle obeist

moye moye

foy, fist l'autre, la dist l'autre

,

la

Le Livre

42 si

comme

je pense,

me

obeist plus.

—Voire

dist le

,

mectons une fermaille, laquelle obeyra mieulx et qui mieulx fera au commandement de son mary. tiers,

Je le vueil, firent les autres. Sy fut mise la fermaille,

que nul ne advertiroit sa femme, fors dire Ce que je commanderay soit fait, comment que ce soit. Si vindrent premièrement chez lune. Sy dist le seigneur Ce que je commenderay soit fait, comment que ce soit. Après cela le seigneur et jurèrent tous trois :

:

dist à sa

femme

pondit

A

:

dist-il,

:

en ce bassin.

Sailliez

que

je le vueil.

— Vrayement,

sauray avant pourquoy je fut

mary

le

Après ainsi

ilz

qu'il la

moiilt fel

,

fut

saille. Si si

,

n'en

ce,

dit-elle, je fist

rien

;

si

luy donna une buffe.

que son commandement

dist Tautre,

et puis d'illec

commanda

Pourquoy? Et au en

elle res-

vindrent chiés le second marchant et dist

comme

feust fait

— Et — Pour

quoy, ne à quelle besoingne?

à

ne demeura guères après

saillir

comme l'autre.

batue

marchant. Si

ou bacin. Et

elle dist

:

fort elle n'en voult riens faire, et

estoit la table

Si vindrent

mise et

la

chez

le tiers

viande dessus..

aux autres en l'oreille que après mengier il commanderoit à saillir ou bacin. Et se misrent à table et le seigneur dit devant tous que ce que il commanderoit feust fait, comment qu'il feust. Sa femme , qui le amoit et craignoit oyt bien la paroUe ; sy ne sçcut que penser. Si advint que il mengèrent Si dist

lui

,

,

oeufs moles, et n'y avoit point de sel

fin

sur la table.

Sy va dire le mary Femme saul sur table ; et la bonne femme qui ot paour de luy désobéir, saillit :

,

,

sur table et abati table et viandes , et vin et voirres, et éscuelles

,

tant

que tout

ala par la place.

Com-

^

DU Chevalier de La Tour.

43

manière ? vous ne Sire, sçavés autre jeu fère; estes-vous desvée? dist-elle, j'ay fait vostre commandement; ne aviez

ment ,

dist le seigneur, est-ce 1$



dit que vostre commandement feust fait, combien qu'il feust? je Tay faict à mon pouvoir, combien que ce feust vostre dommaige et le mien : car vous m'aviez dit que je saillisse sur la table. En bonne Quoy, dist-il je disoye Sel sur table.

vous pas

entendoye y

foy, dist-elle, je





:

,

Lors y ot assés

saillir.

deux marchans vont dire qu'il ne falloit jà commander qu'elle saillist ou bacin, et qu'elle en avoit assez fait, et que son seigneur avoit gaaingnié la fermaille et ris et

tout prins à bourde, dont les aultres

,

fut la plus loée

de obéir à son seigneur

mie batue comme

les autres, qui

commandement de

,

et

ne

fut

ne vouloient faire

leurs seigneurs

;

le

car gens voittu-

femmes par signes de cops ; femme de son droit mesmes doit

riers sy chastient leurs

et

aussy toute gentil

l'en chastier et

ment ne til

par bel et par courtoisie

femme monstre

non ,

,

car autre-

leur doit l'en faire. Et, pour ce, toute

c'est assavoir qui lui

courtoisie, de tant

comme

monstre par bel elle

debonnairement

le

et

par

aura plus gentil et

franc cuer, de tant se chastie elle mieulx et fait plus

genou

se elle a franc et gentil cuer

,

et obeist

commandement de

son seigneur, et a plus grant doubte et paour de luy désobéir. Car les bonnes craignent

bonne femme au

tiers

de désobéir à son seigneur, abaty tout

,

comme

marchant , qui

,

la

elle sailly sus la table et

et ainsi doit toute

bonne femme

soit tort, soit droit, se le

fère

comcommande-

craindre et obéir à son seigneur, et faire son

mandement,

fist

pour doubte

Le Livre

44 ment

n'est trop oullrageux, et, se

il y a vice, elle en blasme se blasme y a, à son seigneur. Or vous ay un peu traittié de Tobeissance et de la crainte que l'on doit avoir à son sei-

est desblasmée, et

demeure

le

,

comment l'en ne doit pasrespondre à chascune paroUe de son seigneur ne d'autre, et quel pé-

gneur, et

il y a et comment la fille d'un chevalier en mist son honneur et son estât en grant balence , pour cstriver et respondre au fol escuier, qui pour ce dist

ril

que

fol et

que nice

et sot.

Maiz

il

est

maintes gens

qui sont de sy haultaines paroles et de sy mauvaiz

couraige qu'ilz dient en hastiveté tout ce qu'ils scevent, et que à la bouche leur vient. Pour ce est-ce

grant péril de prendre tenson à telles gens. Car qui l'y

prent

,

il

met son honneur en grant adventure

car maintes gens en leur yre dient plus que

ilz

;

ne

scevent pour eulx mieulx vengier. Si vous laisseray

de ceste matière

et

vous parleray de

celles qui

don-

nent la char aux petiz chiens.

De

celle

qui donnoit la char aux chiens.

Chappitre

XX'.

e vous parleray de celle qui donnoit la chair et les bons morseaulx à ses petiz chiens.

Une dame

estoit qui avoit

deux

petis chiens. Si les avoit sy chiers qu'elle

y prenoit moult grant plaisance

et leur faisoit faire

leur escuielle de souppes, et puis leur donnoit de la

DU Chevalier de La Tour. char. Sy y ot une fois

que ce

n'estoit

un

pas bien

mendiant qui

frère

que

fait

45 lui dist

les chiens fussent

gros et gras là où les povres de Dieu estoient povres et

maigres de faing. Si

dame, la

lui

en sceut moult mal gré la

pour ce ne se voult chastier. Sy advint que dame acoucha au lit malade de la mort, et y avint et

telles merveilles

son ilz

lit

deux

que

appertement sur

l'en vit tout

petiz chiens noirs, et,

bouche

estoient entour sa

quant

elle transit,

et lui lechoient le bec,

quand elle fut transie, l'on lui vit la bouche toute que ilz avoient léchée, comme charbons, dont je Touy compter à une demoiselle qui disoit qu'elle l'avoit veue , et me nomma la dame. Pourquoy a cy bonne exemple à toute bonne dame comment elle et,

noire,

ne doit point avoir

ne donner les

la char

si

grant plaisance en

aux chiens ne

povres de Dieu meurent de faing

sont créatures de Dieu et

fais

telle

chose,

les lescheries,

hors



dont ,

qui

à sa semblance, et

et cestes femmes ont pou ouy la parolle que Dieu dist en la sainte euvangille, que qui fait bien à son povre il le faist à luy meismes. Cestes femmes ne resemblent pas à la bonne royne Blanche, qui fut mère saint Loys, qui ne prenoit point desplaisir ains faisoit donner la viande de devant elle aux plus mesaisiéz. Et après,

sont ses serfz et ses sergens

saint Loys, son

povres et

filz, le faisoit

les paissoit

,

ainsy

;

car

de toute bonne femme doit estre à véoir lins et povres et petiz enfanz par pitié, et et les veslir

comme

visitoit les

il

de sa propre main. Le plaisir

faisoit la sainte

les

orphe-

les nourrir

dame

qui estoit

comtesse du Mans, laquelle nourissoit bien xxx orphelins

,

et disoit

que

c'estoit

son esbat

,

et

pour ce

Le Livre

4iî fut

amie de Dieu,

et ot

bonne

vie et

l'en plus grant clarté et planté

bonne

fin, et vit

de petiz enfanz en sa

mort ce ne furent pas les petiz chiens que la mort de l'autre, comme ouy avez. ;

Du

débat qui fut entre et

le sire

l'on vit à

de Beaumanoir

une dame.

Chappitre XXP. es belles filles, je vous prye que vous

ne soyez mie des premières à prendre estas

nouveaulx

,

et

que en

cestui cas

les

vous

soiez les plus tardives et les derrenières et par especial de prandre estât de

pais, sy

comme

je

femmes d'estrange

vous diray d'un débat qui

fut

d'une baronnesse qui demouroit en Guienne et du sire

de Beaumanoir , père de cestuicy qui à présent

est, qui fut

malicieux et saige chevallier. La

arraysonnoit de sa

femme

et lui dist

:

«

dame

le

Beau cousin,

» je vien de Bretaigne, et ay veu belle cousine vostre » femme, qui n'est pas ainsi atournée, ne sa robe es» toffée

comme

» autres lieux

;

les

dames de Guienne

et

de plusieurs

car les pourfiz de ses courses et de

» ses chapperons ne sont pas assez grans ne de la » guise qui queurtà présent.» Le chevalier luy res-

pondi

:

«

Ma dame puisqu'elle comme vous

» vostre guise et

,

,

n'est pas arrayée à et

que ses pourfiz

» vous semblent petiz et que vous m'en blasmés » sachiez que vous ne m'en blasmerés plus

;

ains la

DU Chevalier de La Tour. » feray plus coinle » nobles cointises

et aussy

4?

nouvellement arrayée de

comme vous ne nulles

des autres

;

» car vous et elles n'avez que la moitié de vos corsés

» et de vos chapperons rebuffez de vair et d'ermines » et je feray encores mieulx, car je

;

lui feray ses cor-

» ses et ses chapperons vestir en l'envers, le poil de» hors. Ainsi sera mieulx pourfillée et rcbuffée que

» vous ne les autres. » Après luy dit

«

:

Ma dame

» pensés-vous que je ne vucille qu'elle soit bien ar-

» rayée selon les bonnes dames du paix? mais je ne

mue Testât des preudes femmes et dames de honneur de France et de ce

» veul pas qu'elle » des bonnes

» pais qui n'ont pas prins Testât des amies et des » meschines aux A ngloy s et aux gens des compaignes

;

» car ce furent celles qui premièrement admenérent » cest estât en Bretaingne des grans pourfdz et des » corsés fendus es costez et lés floutans

;

car je suy

du temps et le vy. Sy que , à prendre Testât de » telles femmes le premier , je tiens à petitement » conseillies celles qui le prennent, combien que la »

» princesse et autres

dames d'Angleterre sont après

» long temps venus qui bien le pevent avoir. Mais

» j'ay tousjours oy dire aux saiges que toutes bonnes

» dames doivent tenir Testât de bonnes dames du » royaulme dont elles sont, et que les plus saiges sont

» celles qui derreniôrement prennent » veaultez. Et aussy par renommée Ton »

mes de France

et de cestes basses

telles

nou-

tient les

da-

marches

les

moins blasmées. » Mais en Angleterre en a moult de blasmées , si » comme Ton dist si ne sçay se s'est à tort ou à droit. » meilleurs dames qui soient

et les

;

» Et pour ce

est-il

mieulx de

tenir le fait

aux dames

Le Livre

48

» qui ont meilleur renommée. » Si furent cestes paroles dictes devant plusieurs

pour nice

et

ne sçeut que

,

dont

dont plusieurs se prindrent à

dame

se tint

respondre,

rire et dirent entre

mieulx un bon

qu'il lui vaulsist

la

elle luy deust

taire.

eux

Et pour ce,

bonne exemple de prendre et tedes bonnes dames de son pays et du commun du royaulme dont l'en est c'est assavoir dont les plus des bonnes dames usent communément, et especiaulment les preudes dames, selon ce que chascune le doit faire; car à prandre nouvel estât venu d'esiranges femmes ne d'autruy belles

tilles,

nir lestât

a cy

moyen

et lestât

,

moquée

pays, l'en est plus tost l'estat

de son pays,

et rigolée

comme vous

si

que de

tenir

avez ouy dire que

bon chevalier, qui saiges estoit et de grant goula dame. Et saichiez de certain que celles qui premiers les prennent donnent assez le

vernement, en reprint

à jangler

et à rigoler sur elles.

Mais

,

Dieu mercy,

aujourduy, dès ce que une a ouy dire que aucune a

une nouveaulté de robe ou de atour, aucunes de les qui oyent les nouvelles

cel-

ne finiront jamais jusques

à tant qu'elles en aient la copie, et dient à leurs sei-

gneurs chascun jour

:

« Telle a telle chose qui trop

a bien lui avient, et c'est trop belle chose; je

» prie, lui dist

vous

mon seigneur, que j'en aye.» Et se son seigneur :

«

M'amie

,

se celle en a, les autres, qui sont



femmes aussi sages comme elles, n'en ont point. » Quoy sire, se elles ne se scevent arrayer, qu'en ayy>

!

» je à faire? puisque telle en a, j'en puis bien avoir

» et porter aussy bien les trouveront tant

comme elle.

» Si

vous dy qu'el-

de si bonnes raisons à leur dit,

qu'il

conviendra que elles aient leur part de celle nouveauté

DU Chevalier de La Tour. et cointise. Maiz cestes

mie voulentiers tenues

49

manières de femmes ne sont les plus saiges

vans, fors qu elles ont plus

le

ne

les plus sça-

cuer au siècle et à la

playsance du monde. Dont je vous en diray d'une est venue, de quoy les femmes seiTantes femmes dechambres, clavièresetaultres de mendre estât, se sont prinses communément, c'est-à-dire qu'elles fourrent leurs doz et leurs talons autant penne

manière qui et

,

comme que

ilz

drap, dont vous verrez leurs pennes derrière

ont crottées de boue à leurs talons, tout aussy

comme

le Ireu

d'une brebis soilliée derrière. Si ne

priseriés riens celle cointise en esté

en yver, quant

il

fait

grant

froit

,

ne en y ver car, meurent de ;

elles

à leurs ventres et à leurs tétines, qui ont plus

froit

grant mestier d'estre tenues chaudement que les talons

,

et

en esté les puces

ne prise riens

la

s'y

mucent

nouveaulté ne

dames ne sur

parle point sur les

,

et

pour ce

telle cointise.

je

Je ne

les damoiselles

atournées, qui bien le pevent faire à leur plaisir et à leur guise

;

car sur leur estât je ne pense mie à parler

chose qui leur doye desplaire, que je car à

moy

honorer et

ne

affiert

le

puisse sçavoir ;

ne appartient fors

les obéir à

mon

nulles en parler par cest livre, fors que à tilles et

et

à

mes femmes

les servir et

povoir, ne je ne pense sur

mes propres

servantes, à qui je puis dire

monstrer ce que je vueil et

il

me

plaist.

Le Livre

5o

Comment il fait périlleux du

estrii^er à

siècle, et parle de la

gens sçavans

dame qui print

tens-

son au mareschal de Clermont.

Chappitre XXIK elles filles, je

ment

il

fait

vous diray un exemple com-

périlleux parler ne tenir estrif

à gens qui ont

le siècle

à main et ont

nière et sens de parler.

gaaingne pou à leur tenir

l'en

ne de jangles

,

ma-

Car voulentiers

estrif

de bourdes

qui bien ne leur plaisent. Dont

advint à une grand feste

,



il

avoit

il

moult de grans

dames

et seigneurs, et là fut le mareschal de Clermont, qui à merveilles avoit le siècle à main , comme de beau parler et beau maintient, et de sçavoir bien son estre entre tous chevaliers et dames. Si y

avoit

une grant dame qui

« Clermont

,

lui

dist

devant tous

:

en bonne foy, vous devez grant guer-

redon à Dieu, car vous estes tenu pour bon chevalier et assez beau, et savez merveilles.

Se feussiez assez

parfaiz, se ne fust vostre jangle et vostre mauvaise

langue qui par

me,

dist-il,

foiz

ne se puet

Je pense que ouil, dist-elle. fait si

:

il

pire

taire.

— Or, ma da-

est-ce donc la pire tache que j'aye?

— Or veons,

dist-il,

en ce

me semble, à droit jugier, que je ne l'ay pas comme vous avez, et vous diray pourquoy;

vous m'avez

dit et

selon vostre ad vis

reprouchié la pire tache que j'aye ,

et

,

se je

me

tais

de dire

la pire

DU Chevalier de La Tour. que vous suis pas

dame

aiez, quel tort

legier

si

escouta et

lesquelles

en parler

,

5i

Madame,

comme vous

ama mieux ne

j

distrent plusieurs

mestier

fais-je?

je

ne

estes. »

La

avoir jà parlé, ne es-

pour plusieurs raisons que je ne dy pas, ay ouy compter qu'il en fust assez parlé,

trivé à lui,

et

vous

et

il

que trop grant appertise n'a

luy vaulsist mieux à soy estre teue.

Et pour ce a cy bon exemple : car il vault mieulx autaire et soy tenir plus humblement

cunes foys soy

que

estre trop apperte

ne commander paroUes à

gens qui ont parolles à main

et qui n'ont nulle

telz

honte

de dire parolles doubles à plusieurs entendemens. Et pour ce regardez bien à qui vous emprendrez à parler, et

ne leurs

dittes point

de leur desplaisir, car

l'estrif

d'eulx est moult périlleux.

Cf parle de Bouciquaut et de iij dames, comment il s'en chei>it.

Chappitre XXIIP. .ncores vous parleray

'

de ceste matière,

comment il avint à Bouciquaut que trois dames lui cuidoient faire honte et com,

ment il

s'en chevit.

Bouciquaut

cstoit saige

etbeaulparlier sur tous les chevaliers, etsiavoitgrant siècle et grant senz entre

grans seigneurs et dames.

Sy advint à une feste que trois grans dames se seoient sur un comptouer et parloient de leurs bonnes ad« Belles ventures , et tant que lune dist aux autres :

Le Livre

52

elle qui ne dira vérité par bonne compaignie , se il y a nulle de vous qui en ceste année feust priée d'amours. Vrayement,distrune, je Fay esté depuis un an. Parmafoy, dist Taulre, siay-

cousines

honnie soit

,



je

moy.— Et moy aussi,

plus apperle

:

Honnie



se dist la tierce.

soit elle

— Et

qui ne dira le

dist la

nom de

celluy qui derenierement nous pria. Par foy, se vous

vous diray. Sy se vont accordera dire voir.

dictes, je

première, — Vrayement, derrenier qui me Bouciquaut. — Vraiement, distlautre, moy — Et, moy. dist la

le

et

pria fust

aussi.

Vrayement, chevalier

deur

dist la tierce,

distrent les aultres,

si

il

n'est pas si loyal

comme nous cuidions. Ce n'est que un bour-

un trompeur de dames.

et

voyons

fist-il

le

11

est céans;

querrc pour luy mettre au nez ce

en»

fait.

Sy l'envoyèrent querre , et il vint si leur demanda « Mes dames, que vous plaist? Nous avons à parler :

;



à vous

;

seez vous cy. » Sy le vouloient faire seoir à

leurs piez, mais

il

leur dist

:

«Puis que je suis venus

à vostre mandement , faictes-moy mettre des quarreaulx ou un siège à

moy

seoir

;

car, se je

me

seoie

rompre mes estaches et vous me pourriez mettre sus que ce seroit aultre chose. » Si convint que il eust son siège , et quant il fust

bas

,

assis

je pourroye

,

icelles

,

,

qui bien furent yrées, sy vont dire

:

Comment, Bouciquaut, nous avons esté deçeues du temps passé car nous cuidions que vous fussiez «

,

et vous n'estes que un trom; un moqueur de dames ; c'est vostre tache. Comment, madame, savez-vous que jay fait? Que vous avez fait? Vous avez prié d'amours belles cousines qui cy sont, et sy avés vous moy, et si

voir disant et loyal

peur

et

— —

DU Chevalier de La Tour.

53

aviez juré à chascune de nous que vous lamiés sur toutes autres. Ce n'est pas voir, ains est

mensconge

;

car vous n'estes pas trois en vault, et ne povez avoir trois cuers

pour en amer

et decevable, et

trois, et

pour ce estes faulx

ne devez pas estre mis ou compte des

bons ne des loyaulx chevaliers.



avez-vous tout dit ? vous avez grand

pourquoy

;

car à l'eure

que

Or,

mes dames,

tort, et

je le dis à

vous diray

chacune de

vous, je y avoye ma plaisance et le pensoie ainsy, et pour ce avez tort de moy tenir pour jongleur; maiz à souffrir me convient de vous , car vous avez vos parlers sus moy. » Et quant elles virent qu'il ne s'esbahissoit point, si va dire l'une « Je vous diray que nous ferons. Nous en jouerons au court festu à laquelle il demourra. Vrayement, dist l'autre, d'en:



droit

moy je

n'y pense point à jouer, car j'en quitte

— Vrayement, moy. sy — Lors respondit: Mesdames, parle sabre Dieu,

ma

part.

fist l'aultre,

fais-je

je

ne

suis point ainsi à départir ne à laissier

;

car

il

n'y

a cy à qui je demeure. » Si se leva et s'en ala, et elles demourèrent plus esbahies que luy, et pour ce est grant chose de prandre estrif à gens qui scevent du siècle

ne qui ont

si

leur manière et leur maintieng. Et

pour ce a cy bon exemple comment l'on ne doit point entreprendre paroUe ne estriver avecques celles gens ; car il y a bien manière. Car celles qui aucunesfois cui-

dent plus savoir en sont par

fois les

plus deceues

dont je vouldroye que vous sceussiez l'exemple semblable à ceste cy sur cette matière.

Le Livre

54

De

iij

aultres

dames qui accusèrent un

chei^alier,

Chappitrb XXIIIK fut ainsi que trois dames avoient accusé un chevalier dé tel cas et de telle decevance, et Tavoient enfermé dans une chambre tout seul et chascune dame avoit une damoiselle, et au fort le jugièrent-elles à mort, et que jamèz par telle guise ne decevroit dame ne demoi1

,

selle.

Et sy estoient sy courrouciées et sy yrées vers

luy que chascune tenoit

le coustel

pour

le occire

;

ne

nul deblasme ne excusalion ne lui valoit riens. Sy leur va dire

:

«

Mes dames

et damoiselles, puis qu'il

» vous plaist que je meure, sans » avoir, je

» donner

vous pry à toutes

un don.

Sçavez-vous ,

remède ne mercy

qu'il

vous plaise à

moy

» Et au fort elles lui accordèrent.

que vous m'avez octroyé ? » vous ne le dictes. » » Vous m'avez octroyé, dist-il, que la plus pute de » vous toutes me frappera la première. » Lors si fu-

«



dist-il

,



« Nennil, distrent-elles, se

rent esbahies et s'entreregardèrent l'une l'autre

,

et

pensa chascune endroit soy Se je frappoye la première, je seroye honnie etdeshonnorée. Et, quant il :

les vit ainsi esbahies et

court à

va

l'uis, et le

en esmay

,

il

sailly

en pies et

defferma et s'en yssy et ainsi se sau-

le chevalier. Et elles demourèrent toutes esbahies mocquées. Et pour ce unpoy de pensement vaull moult à besoing, soit à homme ou à femme. Si vous

et

DU Chevalier de La Tour.

55

de ceste matière et revien à celles qui ont moult le cuer au siècle , comme à estre es joustes et

laisse

es festes, et aler voulentiers en pelerinaige, plus pour

esbat que pour dévotion.

De

celles

qui vont ifoulentiers aux joustes et

aux

pellerinaiges.

Chappitre XXV^ e vous diray une exemple d'une bonne

dame

qui recouvra un grant blasme sans

cause à une grant feste d'une table ronde

de joustes. Celle bonne dame et avoit bien le cuer

au

siècle, et

estoit

jeune

chantoyt et dans-

soyt voulentiers, dont les seigneurs et les chevaliers

Tavoient bien chière, et les compaignons aussi. tes

y

voyes son seigneur

aloit si voulentiers.

requise

,

n'cstoit

Mais elle vouloit bien en estre

son seigneur

et

Tou-

pas trop liez dont elle

en donnoit grans eslar-

lui

gissemens que on la requist et priast d'amer, et son seigneur le

pour paour d'acquerre

faisoit

grâce des seigneurs feust jaloux festes et

;

si la

,

et

la

maie en

deist pas qu'il

leur octroyoit-il pour aler à leurs

esbatemens ,

mises pour

que on ne

et

il

mectoit moult de grans

à celles festes pour l'onneur

l'accoinlir

d'eulx. Mais elle povoit bien apparccvoir

que

,

s'il

eust esté au gré et plaisance de son mary, elle n'y alast pas.

Et, si

temps que

comme

l'en veille

il

est

accoustumé en esté

à dances jusques au jour,

il

Le Livre

56

advint, une fois entre les autres

,

que, à une feste où

elle fust la nuit, l'en estaigny les torches et fist l'en

grans huz et grans eris , et quant vint que porta la lumière

,

le frère

du seigneur de

l'en

celle

ap-

dame

que un chevalier tenoit celle dame et l'avoit mise un petit à costé, et, en bonne foy, je pense fermement qu'il n'y eust nul mal ne nulle villenie. Mais toutes fois le frère du chevalier le dist et en parla tant que son seigneur le sceut et en eut si grant dueil que il l'en mescrut toute sa vie, ne depuis n'en eut vers elle si grant amour ne si grant plaisance , com-

vit

me

il

souloit; car

rechîgnèrent

il

en fut

fol et elle folle et s'entre-

en perdirent aussi

et

,

comme

tout leur

bien et leur bon raesnage, et par petit d'achoison.

dame

Je sçay bien une autre belle lentiers estoit et

menée aux grans

mescreue d'un grant seigneur. Dont

fut

malade de

si

longue maladie

deffaicte et n'avoit

que

qui très

,

il

advint qu'elle

qu'elle fut toute

les os, tant estoit

cuidoit transir de la mort, et se

fist

vou-

blasmée

festes. Si fu

malade. Sy

apporter beau sire

Dieux. Lors dist devant tous « Mes seigneurs , :

mes amyes, veez en quel

» amis et

» souloye estre blanche

»

monde me

»

que

je

,

vermeille et grasse, et

louoit de beaulté

ne semble point

» souloye

amer

festes

» temps est passé

;

il

,

;

celle qui souloit estre

convient que je

» terre dont je vins. Et aussi, » amies

,

l'en parle

» recevoir et sur la

me

;

;

je

mais

le

aille

à la

mes chers amis

moult de mal de

moy

et

de

et

mon

mais, par celuy Dieu que je doys dampnacion de mon âme , il ne requisl oncques , ne me fist villennie mais que

» seigneur de Craon

»

le

or povez-vous veoir

joustes et tournoys

me

mes

point je suy. Je

;

DU Chevalier de La Tour. me

Sy-

engendra je ne dy mie qu'il ne » couchast en mon lit , maiz ce fut sans villennie et » sans mal y penser. » Si en furent maintes gens » le père qui

;

, et pour ou temps passé

esbahis, qui cuidoient que aultrement feust tant ne laissa pas à estre blasmée et son

honneur blessié et pour ce a grant dames de trop avoir le cuer au

péril à

,

toutes bonnes

ne

s'en

un

siècle,

d'estre trop désirables d'aler à telles festes, qui

pourroit garder honnourablement

;

car c'est

où moult de bonnes dames reçoivent moult de blasmes sans cause. Et si ne dis-je mie qu'il ne fait

conviengne parfoiz obéir à ses seigneurs

amis

et

vous y

nement

y

aler.

ailliez et ,

Mais , belles

que vous ne

quant vendra

filles

,

se

il

et à

le puissiez refuser

que

la nuit

ses

advient que

l'en sera

bon-

à dan-

que pour le péril et la parleure du que vous ayiez tousjours de costé vous aucun de voz gens ou de voz parens ; car se il advenoit que l'en estaingnist voz torches et la clarté cier et à chanter,

monde vous

faciez

qu'ilz se tenissent près

de vous

,

non pas pour nulle

doubtance de nul mal, maiz pour

le péril

vais yeulx et de mauvaises langues

espient et disent plus de

mal

,

de

mau-

qui tousjours

qu'il n'y

a , et aussy

pour plus seurement garder son honneur contre les jangleure, qui voulentiers disent le bien.

mal

et taisent le

Le Livre

58

De

celles

qui ne veullent vestir leurs bonnes robes

aux festes.

XXVK

Chappitre

n autre exemple vous diray de

celles qui

ne veulent vestir leurs bonnes robes aux

aux dymenches pour l'onneur de

^estes et

Nostre Seigneur. Dont je vouldroye que

vous sceussiez l'exemple de la dame que sa demoiselle reprist. Une dame estoit qui avoit de bonnes robes et

de riches

;

mais

menches ne aux

elle

ne

blés gens d'estat. Et advint à

une

luy va dire sa

«

:

Ma dame, que ne

pour Tonneur de

Dame

et

verrons nulles gens la

damoyselle

doist

car

il

,

si



feste

de Nostre-

damoy-

vestés-vous une bonne robe

la feste? car

dymenche.

di-

ne cuidast trouver no

Dame, qui fut à un dimanche, selle

aux

les vouloit vestir

festes, se elle

il

est feste

Quoy!

— Ha

d'estat.

de Nostre-

dist-elle, !

nous ne

ma dame

,

ce dist

Dieu et sa mère sont plus grans et les

Ten plus honnourer que nulle chose mondaine puet donner ou

tollir

de toutes choses à son

honneur vient de lui pour ce doit l'en porter honneur à la feste de luy de sa benoyte chière mère et à leurs sains jours. plaisir, car tout le bien et

Taisiez-vous

,

dist la

,

dame Dieu ,

et et



et le prestre et les

me voyentchascun jour mais les gens me voyent pas, et pour ce m'est plus grant honneur de moy parer et cointoier contre eulx.

gens d'esglise d'estat

ne

;



DU Chevalier de La Tour. Ma dame,

5g



mal dit. Non est, dist la dame, layssiez advenir ce que advenir pourra. » Et tantost, à ce mot, un vent, chault comme feu la ferit par telle guise qu'elle ne se pot bouger ne remuer, ne plus que une pierre et dès là en distla damoiselle,

c-'est

,

,

avant la convenoit porter entre les bras, et devint grosse et enflée

comme une

pipe. Si recognut sa fol-

lour et se voua en plusieurs pèlerinages et porter en une disoit la

litière

,

et

cause comment le mal

vengence de Dieu,

c'estoit la

fist

s'i

à toutes gens d'onneur elle lui estoitprins, et

que bien

et

estoit

que

em-

ployé le mal qu'elle souffroit; car toute sa vie elle

monde que

avoit porté plus d'onneur au

à Dieu, et

avoit plus grant joye et plus grant plaisir à soy cointoier

quant gens

pour leur qu'elle

ne

d'estat venoient

en

lieu



elle fust,

pour avoir sa part des regards par devocion es festes de Dieu ne de

plaire et faisoit

ses sains. Et puis disoit aux gentilz et aux juennes

femmes «Mes amies, veez cy

la

:

et

comptoit tout

avoir beau corps bel et gent

pour moy la gloire

plaire, et,

que

je

vengence de Dieu

le fait et leur disoit

pour

la

,

se

me

louange

y prenoye , je

me

:

»"

« Je souloye

disoit

et le

chascun

bobant de

vestoie de fines

robes et de bonnes pennes bien parées, et les faisoie faire

bien justes et estroites ; et aucunesfoiz

estoit

en

moy en

pour en avoir

avoit

ahan

le fruit

qui

et péril, et tout ce faisoie

la gloire et le loz

du monde. Car quant

ouoye dire aux compaignons qui me disoient pour moy plaire « Veez cy un bel corps de femme qui est » bien taillié d'estre amé d'un bon chevalier », lors

je

:

tout le cuer

me

resjouissoit

;

mais or povez veoir

quelle je suis, car je suy plus grosse et plus con-

Le Livre

6o

que une pipe, ne je ne semble point celle qui fut ; ne mes belles robes que je avoye si chières que je ne vouloye vestir aux dymenches ne aux bonnes fes-

strainte

,

tes]pour l'honneur de Dieu, ne

tier.Mes belles

monstre

ma

filles et

folie,

pour avoir

le los

auront jamais mesil

m'a

mes bonnes robes

qui espargnoye

pourmoy

auxfestes

me

amies, amez Dieu, car

cointoier devant les gens d'estat

etleregart des gens. Sy vous prye,

mes amies, que vous prengniez icy bon exemple. » Ainsy se complaignoit la dame malade et fut bien ,

malade et enflée par l'espace de quant Dieu eut veu sa contricion si

ans. Et après

vij

et sa repentance

luy envoya santé et la gary toute saine, et fut dès

lors

en avant moult humble envers Dieu,

plus de ses bonnes robes pour Dieu, et se

ment

ne eut pas

et

souloit. Et

comment

pour

le

cuer au

et

donna le

tint

simple-

monde comme

elle

bon exemple vestir sa bonne pour honneur et

ce, belles filles, a cy

l'on doit plus parer

robe aux dimenches et aux

et

festes',

amour de Dieu, qui tout donne, et pour l'amour de sa doulce mère et de ses sains, que l'on ne doit faire pour les gens terriens, qui ne sont que boue et terre, pour avoir leur grâce et leur los ne les regards d'eulx ; car celles qui le font par telz plaisances qu'il desplaise

gence en cest la

à Dieu, et que

siècle

ou en

,

je pense

en prendra sa ven-

l'autre,

dame comme vous avez ,

il

sy

comme il fist de

ouy, et pour ce y a bon

exemple à toutes bonnes femmes

et

bonnes dames.

DU Chevalier de La Tour.

De

6i

la suer saint Bernart.

XXVIK

Chappitre

n autre vous vueil dire après de ceste matière. Il advint que saint Bernart, qui fut moult saint homme et noble et de hault lignaige, laissa toutes ses possessions et

grans noblesses pour servir Dieu en abbaye sa sainte vie

il

fut esleu

en abbé.

pour

aumosnier

et faisoit grans abstinences et esloit grant

une suer moult grant dame, qui vint veoir à grant foyson de gens et moult noble-

aux povres. le

et

;

Si vestoit la haire

Si avoit

ment adournée de et

son frère qui

homme

vit

tié

estoit, et

,

et

il

quant

le saint

en cest grant arroy sa suer, sy se soigna dos

,

et la

dame

envoya sçavoir pourquoy

elle

en cest estât devant

et vint

preudomme

et luy tourna le lui

riches robes et d'alour de perles

de précieuses pierres,

lui

manda que

de l'avoir veue en

tel

il

eut grant honte et

ne daignoyt parler à

elle lui avoit fait

grand pi-

ourgueil et desguisement et

ainsi deffaite. Et lors elle osta ses riches robes et ri-

ches atours et se arroya moult simplement, et dist: « Belle suer, se je

raison plus qu'il

aime vostre corps,

amer vostre ame; ne

ne desplaise à Dieu

vij

que créature ne

le

il

lui

doy par

cuidicz vous pas

et à ses angelz

bobanl et tel orgueil mettre à parer une gne, qui, après

je

de veoir

telle

tel

charoin-

jours que l'ame en sera hors, purra

pourra sentir ne veoir sans grant

Le Livre

62

horreur et abbominacion. Belle suer, que ne pensezvous une fois de journée comment les povres meurent de froit et de faing là hors, que du x* de vostre cointerie et de voz noblesces feussent plus de xl per-

sonnes ressaisiz

et revestus contre le froit? »

Lors

lui

preudomme tant de bien et lui desclaira sy la folie du monde et les bonbans, et aussi le sauvement de Tame, que la bonne dame ploura et dedist le saint

puis

fist

vendre

le

plus de ses robes et de ses riches

donna pour Dieu, et prist simples vestemens et humbles atours , et mena sy sainte vie que elle eut la grâce de Dieu et du monde, c est-àdire des saiges et des preudes gens , qui vault mieux que celles des folz. Et pour ce, belles filles, a cy bon exemple comment l'en ne doit pas tant avoir le cuerau monde, ne mettre en ses cointises pour plaire aux folz et au monde, que Tenue départe à Dieu, qui tout donne et dont l'en puet acquerre son sauvement car il vault mieulx moins avoir de riches robes et d'atours que les povres gens n'en ayent leur part car qui met tout pour avoir la plaisance du monde je suis certain que c'est folie et temptacion d'ennemy, et se doit l'en mieulx parer pour honneur et amour de Dieu, c'est aux dimanches et aux festes, en reverance et louange de luy et de ses sains, que pour la folle plaisance du monde, qui n'est que umbre et vent au regart de lui qui tout puet et tout donne, et tous atours, et Targent

;

;

diz durera sa gloire.

DU Chevalier de La Tour.

De

celles

63

qui ne font que jengler aux esglises.

Chappitre XXVIII". n autre exemple vous diray de

celle qui

loquençoit et jengloit à Tesglise quant elles

doivent ouir le divin

office. Il est

es gestes de Athènes que

preudons

estoit,

et

de sainte vie.

Si avoit

mitage une chapelle de saint Jehan. chevaliers , les

dames

rinaige, tant

pour

preudomme.

Si

quant

il

et

contenu

un saint hermite en son her-

y vindrent les damoiselles du pais en pele-

la feste

Si

comme pour

la sainteté

du

chanta Termite la grant messe, et,

se tourna après Teuvangille

,

si

regarda les

dames

et damoiselles et plusieurs chevaliers et es-

cuiers,

quibourdoyentetjengloyentàlamesse etcon-

seilloient les

uns aux autres.

Si

regarda leur

contenance, et vit à chascune oreille de

femme un ennemy moult

folle

homme etde

noir et moult orrible qui

aussy se rioyent et jengloyent d'eulx et escripvoient les parolles

que

disoient. Ces

ils

ennemis

sailloient

sur leurs cornes, sur leurs riches atours et sur leurs cointises, aussi

comme

petiz oiselez, qui saillent

branche en branche. Sy se seigna se esmerveilla. Et quant

comme en

la fin

et bourder.

mais aucuns

,

il

les

Sy fery sur et

il

fut à

ouy

li

preudomme

son canon

flater et parler

le livre

pour

,

,

de et

aussy et rire

les faire taire

aucunes y avoit qui se teurent point.

Lors dist : « Beau

sire

Dieux, faictes les taire et faictes

Le Livre

64 congnoistre leurs

Lors tous ceux qui se rioient

folies.

et qui jengloient se prindrent à crier et à braire

hommes

femmes

et

soufroient

si

à ouïr. Et quant

gens demoniacles

,

et

messe fu chantée, le saint hermite il avoit veu les ennemis d enfer

la

comment

leur dit

comme

,

grant doulour que c'estoit piteuse chose

eulx rire des mauvaises contenances quilz faisoient

à

la

messe

,

chié où

ilz



et après leur dist le grant péril

cheoyent de parler

et

entroient

,

ilz

de y bourder, et le grant pccomme à la messe et ou ser-

vice de Dieu nulz et nulle n'y doit venir fors pour le

ouïr

humblement

et

dévotement

prier Dieu.'Et après leur dist

nemis

saillir et saulteler

attours de plusieurs

et

pour adourer et

comment

il

veoit les en-

sur leurs cornes et sur les

femmes

,

c'estoit

à celles qui le-

noient parolles et contens aux compaignons et à celles qui pensoient plus

monde que

en amourettes

et

aux

deliz

du

à Dieu, pour plaire et avoir les resgars

des musars. Sur celles y veoit les ennemis espinguer ; maiz sur celles qui disoient leurs heures et estoient en leur devocion

bien que

il

,

il

n'y estoit pas

y en avoit d'assez cointes

et bien

,

com-

parées

;

car il tient le plus au cuer. Et après leur dist que celles

qui se cointissoient pour mieulx estre regardées et y

prenoient plus grans plaisances que au service de Dieu

donnoient grant esbat à l'ennemy. Après

si

advint

que ceulx et celles qui cryoient et estoient tourmentez, que les femmes getterent leurs cornes , leurs atours et leurs cointises

comme

toutes forcennées;

et toutesfoiz firent illecques leur neufvaine, et au chief

de

ix jours, à la prière

du

saint hermite

,

ilz

revin-

drenl en leurs sens, et furent bien chastiez dès là en

DU Chevalier de La Tour.

65

avant de parler ne de jengler ou service de Dieu. Pour

quoyil y a cy bon exemple comment nul ne nulle ne doit parler ne destourber le divin office de Dieu.

D'un exemple qui annt à

la

messe saint Martin»

Chappitre XXIX«.

^^^t

encores vouldroye que vous sceussiez

qu'il advint

à la messe de saint Martin de

Tours. Le saint sy saint Brice

,

lui aidoit

homme

son clerc

et

chantoit la

son

et

quant

luy

la

les

messe

fust chantée, saint

demanda pourquoy

qu'il avoit

messe

;

c'estoit

;

qui après luy fut arcevesque de Tours

lequel se prist à rire, et saint Martin et,

filleul

son apparceut, Martin l'appella

, et il respondy veu l'cnncmy qui mettoit en escript ce que

femmes

et

hommes

il

avoit ris

s'entredisoyent tant

comme

messe dont il advint que le perchemin d'un des anemis fut trop court et petit et il le prist à tirer aux dens pour le esloigner et comme il le tira fort, il lui eschapa telement que il se fery de la teste contre la masière. Et pour ce m'en ris. Et, quant il

disoit la

,

,

,

saint Martin eut il

vit

ouy saint

,

Brice, et qu'il avoit

veu

ce,

homme. Sy prescha sur aux femmes comment c'estoit grant

bien qu'il estoit saint

ccste matière

pcchié de parler ne de conseillier à la messe

,

ne au

service de Dieu, et qu'il vauldroit mieulx la moitié à

n'y estrc pas que y parler ne y conseillier ; et encores sousliennenl les grans clers que l'en n'y doit dire 5

Le L ivre

66 nulles heures, tant cial tant

comme

Et pour ce, belles

comme

la

messe dure

et par espe-

Teuvangille dure ne le per omnia. filles,

comment

a cy bonne exemple

vous devez contenir humblement et dévotement à l'église, ne y tenir parolles ne jangler à nuUuy pour riens qu'il aviengne.

De celle qui perdit à

oïr la messe.

Chappitrb XXX«. n grant exemple vous diray de ceulx qui par leur paresse perdent à ouirla messe et la font perdre aux autres. J'ay ouy compter le compte d'un chevalier et d'une dame qui, dès leur jeunesse, prenoicnt moult grant délit à dormir à haulte heure ; sy le maintindrent par telle guise que bien souvent ilz perdoicnt à oïr la messe et la faisoient perdre à leurs paroissiens

roisse

ne



ils

demouroient estoitleur,

les osoit désobéir.

;

car la pa-

etillec

personne

Sy avint que à un dymenche

ilz mandèrent que l'en les attendist, et quant ilz furent venuz il fut midy passé. Sy respondirent plusieurs à la personne ou chappelain de l'esglise que il estoit heure passée et pour ce il ne osa chanter et n'y ot

point de messe celuy dymenche, et fist moult de mal aux bonnes gens mais à souffrir le leur convint. Si ;

avint la nuit ensuivant en avision au chappelain par foiz ou par troix , qu'il lui sembloit qu'il gardoit une grant compaignie de brebis en un champ où n'a-

ij

DU Chevalier de La Tour. voit point

pour paislre

lis

en

de herbe. ,



celle entrée avoit

chiez au travers

nuz

;

si

67

en un pas-

Si les vouloit mettre

entrée et il n avoit que une un porc noir et une truye cou,

du chemin. Ces porcs

estoient cor-

avoient sy grant paour lui et les ouailles

qu'ilz n'osoient entrer

ou

pastis et s'en aloicnt tantost

arrière à leur toit, sanz paistre

puis une voix lui disoit

:

obéir pour ces bestes cornues

comme il

la, et tout

aussy

celle nuit

au chevalier

ne sans mengier. Et

Laissiez-tu à entrer ne à ? et

lors

il

s'en esveil-

advint au prestre,

et à la

dame

il

advint

tout en la

ma-

maiz que il leursembloit qu'ilz estoient devenuz porc et la truie, et estoient cornus et ne vouloyent

nière, le

laissier

passer les brebis ou pastis, et après cela ve-

noyt une grant chasse de veneours noirs sur grans

chevaulx noirs, et avoient grant quantité de lévriers et il

de grans chiens noirs ,

et,

de ce

qu'ilz arivoient

leur sembloit qu'ilz descombloient sur eulx et lors

faisoient la chasse sur eulx grant et merveilleux

,

et

cornoientethuchoient, elles chiens glalissoient et les prenoienl es cuisses et es oreilles, et dura la chasse

moult longuement, tant

sambla

qu'il leur

toient prins par force et occis, et sur ce

lèrent tous esmerveillez et effroyez

,

ilz

qu'ilz es-

se esveil-

et cesle advision

leur advint deux foiz. Sy advint que la personne de l'esglise vint chiez le chevalier. Et lors le chevalier et la

dame

lui racontèrent leur advision, et aussi le pres-

tre la sienne.

Sy

en furent tous esmerveillez de

quoy leurs advisions ressembloient ; si dist le prestre au chevalier « Sire, il y a un saint homme hermite :

cy près en celle forest qui bien nous saura

de cesle chose. » Lors y alèrent

et

faire saiges

comptèrent au

Le Livre

68 saint

homme

leurs advisions de point en point, et le

preudomme, qui moult leur déclara tout leur

vous

femme

et vostre

estoit saiges et

fait, et dist

,

:

vie,

« Sire,

estes les porcs noirs qui gar-

du

diez le pertuis et l'entrée

alassent paistre

de sainte

au chevalier

ne que

pastis

que

les brebis n'y

ne mangeassent de

ilz

la

bonne pasture c'est-à-dire que vous qui estes seigneur de la parroisse où vous demeurez , avez destourbé les paroissiens et les bonnes gens de ouir le ,

,

saint service de Dieu

ment de

vie

,

,

qui est pasture et repaisse

especialement de la vie de l'ame

vostre paresse et par vostre repos

jour

comme

porcs

;

et les cornes

,

,

par

qui dormez le

que vous aviez es-

toient les branches de pcchié, cl par cspécial les

grans péchiez que vous truy le bien

fait

faictes à faire

et le service

perdre à aul-

de Dieu, que vous ne

povez amender fors que par grant tourment. Et

pour la vengencc du meffait vous est demonstré que vous en serez chaciez et tourmentez des ennemis d'enfer et pris et matz par pure chace , si comme ,

vous feustes par vostre advision , et sy vous dy certainement qu'il vous vaulsist mieulx cent fois pour une ne ouir point de messe que la tollir aux autres

ne que oster au prestre sa devocion. Car, quant il attendoit trop longuement, il se courouçoit ou pechié d'ire, dont les uns vont en la taverne, les aultrcs s'en vont et les aultres perdent leur devocion, et

parfois le prestre s'enyre et pert sa et chante sur son péril

;

maulx viennent par vous resse

,

bonne devocion,

et tous ces péchiez et ces et

par vostre pechié de pa-

dont vous en rendrez compte

,

et

en serez

chacez, tourmentez, prins et mis à mort, c'est à dire

DU Chevalier de La Tour.

^

en voyed'estre dempné. » Lorâ

69

le chevalier fu

moult

esbahy et demanda conseil comment il en pourroit faire Lors le saint homme lui dist que par trois dimen.

ches

se agenoillast devant les paroissiens et leur

il

mercy que ilz luy voulsissent pardonner le meffait et que ilz voulsissent Dieu prier pour luy et pour sa femme et qu'il leur voulsist pardonner yceulx meffaiz, et que dès là en avant il seroit l'un des criast

,

premiers à Teglise

;

sy le confessa l'ermite

bailla celles penitances et autres

avant

il

nostre Seigneur

loient luy et sa li

si

,

,

et luy

que dès

se chastia, et mercièrent, lui et sa

en



femme

de leur avoir demonstré celle de-

monstrance. Si vous dy que dès aussy

,



en avant

ilz

es-

femme des premiers au moustier,

preudoms

dist

au prestre

et

la vision et la luy

desclara sur celle matière, et que Dieux devoit estre le le monde, et premier servy Pour quoy , belles filles prennez cy bon exemple à vous garder que par vostre personne vous ne faciez perdre la messe à plusieurs , ne leur devocion par vostre paresse ne par vostre négligence , car mieulx vous vauldroit à n'en oïr point, et je vouldroye que vous sceussiez et eussiez apris l'exemple de la dame

plus craint et doublé que

,

qui mettoit le quart du jour à elle appareillier.

Le Livré

yo

D'une dame qui mettoit

à

quart du jour

le

elle appareillier.

Chappitre XXXIe. ne dînme

son habergement

estoit qui avoit

delezVesglise. Si mettoit longuementà soy appareillier et attourner,

moult à

la

si

que

il

ennuyoit

personne de celle église

aux

et

un dimenche qu'elle estoit moult longue, et tousjours mandoyst qu'elle feust atendue, comment que ce fust. Sy estoit moult haulte parroissiens. Si avint par

heure

et

ennuyoit à tous. Si en ^ y avoyt plusieurs

qui s'entredisoient

mais huy pignée distrent

:

mirée

?

!

ceste

dame ne

pleust à Dieu,

et attendre.» Et

comme pour

si

elle se miroit à celle

sera

» Si en avoit aucuns qui

a Mal mirer lui envoit Dieux

nous fait icy muser

fois

me

Comment

«

:

ni

,

qui tant de si

comme

il

exemplaire, ainsi com-

heure

,

elle vit à

rebours

l'ennem)^ ou mirouer qui lui monstroit son derrière, si lait, si

que

orrible,

dame

la

issy hors

de son sens

comme

demoniacle

et puis

Dieux luy envoya santé, et se chastia

que

elle

sy fut un long temps malade si

bien

ne mist plus grand paine à soy arroyer ne

estre sy longue chastiée. Et

,

mais mercya Dieu de

pour ce cy

ne doit pas estre appareillier faire

;

que

a'

ainsi

l'en

l'en

longue à soy arroyer et se

en perde

perdre à autruy.

l'avoir ainsi

bon exemple comment le saint service

ne

le

DU Chevalier de La Tour.

De

celle

71

qui ouoit ifoulentiers la messe.

Chappitre XXXII». un exembonne dame et de sa sainte vie, qui amoit moult Dieu et son scmce et la journée qu'elle ne ouist messe , elle ne mengasf jà de chair ne de poisson et fust à grant malaise de corps. Sy advint une foiz que son chapellain fust tellement malade qu'il ne povoit chanter ; la bonne dame ala et vint moult à malayse de quoy elle perdoit la messe. Sy ala au dehors en disant
,

:

demanda se OU dame, la bonne dame mercya Dieu si

vcnoient; lors elle ot grant joye et leur ilz

chanteroient messe, et

se Dieux plaist », et

chanta

les trois parties

la

distrent

du

:

«

,

;

plus jeune des frères

le

garda et

ilz

,

et à l'eure qu'il fist

saint sacrement, le viel frère re-

vit saillir l'une

des parties en la bouche de

bonne dame en manière d'une

petite clarté.

Le

jeune frère regardoit partout qu'estoit devenue l'une des parties et trembloit de paour ; et le vieil frère s'en apperceust

paignon et la

;

moult bien de

la tristeur

de son com-

sy vint à lui et lui dist qu'il ne s'esmayast,

que ce que dame pour

il

queroit estoit

sailli

certain. El lors

il

en

la

bouche de

feusl assuré et

il

Le Livre 72 mercya Dieu de ses grans miracles et ainsi en advint à la bonne dame qui tant amoit le saint service de Dieu. Car, pour certain, cy a bon exemple; car, selon la sainte escripture , ceulx qui ayment Dieu et ,

son service

Dieu les ayme

,

,

si

comme

appertement à celle bonne dame qui de

le veoir et

de

l'ouir,

comme ouy

tel

il

monstra

désir avoit

avez.

D'une confesse qui chascun jour vouloit oîr iij

messes.

Chappitrb XXXII^. e vouldroye que vous eussiez bien retenu

l'exemple d une bonne contesse qui tous les jours vouloit ouïr trois messes. Si aloit

en pelerinaige

;

sy va cheoir lun de ses

chappelains d'un cheval à terre et se meshaigna si qu'il

ne peut chanter. Sy

fut la

bonne dame à trop grant

meschief de perdre l'une de ses messes. Si se complaignoit moult

etDieux

lui

humblement à Dieu

et

dévotement

envoya un angeleou un saint en guise d'un

; mais, quand il ot chanté et il fut desvestu, ne sccut qu'il advint , pour serchier que l'en sceusl faire. Sy pensa bien la bonne dame que Dieux le luy avoyt envoyé et l'en mercia moult humblement. Et poui- ce a cy exemple comment Dieux pourvoit

prestre l'en

ceulx qui ont devocion et

amour en son

saint ser-

pou de femmes aujourd'uy qui bien ne se passent à moins de trois

vice et à luy

,

et je

pense

qu'il

y

ait

DU Chevalier de La Tour. messes ouir, tite

amour

73

et leur souffist bien d'une, tant ont

et"

pe-

devocion en Dieu et en son service

;

car ouir son service repute sa propre personne. Car

qui l'aime et craint

,

le vuelt

il

souvent veoir et ouir

sa sainte parole ; et aussy du contraire, qui n'y a bien le

cuer s'en passe ligierement

comme

,

font aujourd'uy, qui ont plus le cuer délit

De

de

au

plusieurs

au

siècle et

char que à Dieu.

la

celles

qui vont voulentiers es pellerinages.

Chappitrk XXXIIlIe. n autre exemple vous vueil dire d'une

dame

qui estoit juenne et avoit le cuer au

un escuier qui

siècle. Si estoit

reux

d'elle

et elle

,

et pour plus avoir d'aise pour bourder ensemble ,

seigneur qu'elle

s'estoit

et

pour ce que

il

estoit

le heoit

amou-

pas aussy,

de lieu pour parler et

son vouée pour aler en pelerielle faisoit accroire à

naige, et son seigneur, qui souffroit,

ne

preudhomme

estoit

,

le

ne luy vouloit pas desplaire.

Sy advint une fois que elle et yceluy escuyer alèrent en un pelerinaige d'une place de nostre Dame. Si

enmy le chemin de parler eny entendoient bien plus que à dire

furent moult aysiez

semble

,

car

ilz

leurs heures et y avoient bien plus grant plaisir et

plws grant

venus

délit,

dont

là et ilz furent

il

advint que, quant

au bon do

la

ilz

furent

messe, l'ennemy,

qui tousjours est en aguet de cnflamber et lemptcr

Le Livre

74

homme

et

femme,

de

les tint si subgiez

celle

temp^

tacion et en celluy fol plaisir, qu'ilz avoientplus leurs

yeulx et leurs plaisances à resgarder Tun l'amre et à d'amours qu'ilz n'avoient au divin

faire petiz signes

ne que à dire dévotement leurs heures. Si il prist si grant mal à la dame soudainement, que celle se estraingnoist et ne sçavoit se elle estoit morte ou vive. Si enfust em-

service

,

advint, par appert miracle, que

portée entre bras en la ville

comme

chose morte, et

fut trois nuiz et trois jours sans boire et sans

men-

ou mort ou vye. Sy fut envoyé querre son seigneur et ses amis qui furent moult doulans de ceste aventure , et la regardoient et si ne sçavoient se elle en mourroit ou vivroit, dont

gier, et n'y congnoissoit l'en

,

il

advint que la

vit

dame

,

qui en grant douleur estoit

une advision moult merveilleuse car

il luy semmère et son père, qui mors esmère luy monstra ses mamelles : ;

bloyt qu'elle veoit sa

toyent pieçà, et la ((

Belle

fille,

veez cy

comme

ton seigneur Tesglise te

l'a

ta

nourreture

tu feiz ceste

; aime et honneure mamelle , puisque

donné. » Et après son père luy disoit:

pourquoy as-tu plus grant plaisance ne plus grant amour à un autre que à ton seigneur? re« Belle

fille

,

garde ce puis qui est de costé toy, et saichiez chiez ou feu de maie chaleur

,

,

se tu

que tu chierras de-

dans. » Et lors elle regardoit et veoit

un

puis plein

de feu delez luy si près que à pou qu'elle n'y cheoit. Si en estoit toute effrayée, et après son père et sa

mère

lui

monstroient bien cent preslres trestous re-

vestus de blanc , et le père et la mère lui disoient

tes

:

nous vousmercions d'avoir revestucesgens cy. » Et après cela il lui sembloit qu elle

« Belle

fille,

DU Chevalier de La Tour.

76

Tymaige de Nostre Dame qui tenoyt une cotte « Geste cotte et ceste et une chemise et lui disoit chemise te gardent de cheoir en ce puis. Tu as ordi ma maison et mocquée. » Et en ycelluy effroy elle s'esveilla et gelta un grant souspir. Si eurent son^ veoit

:

seigneur et ses amis grant joye, et virent bien qu'elle n'estoit

lasse

de

pas morte, et la la vision et

dame

se trouva vaine et

paoureuse du feu et de

la

flambe

du puis où elle estoit deue cheoir. Sy demanda nn prestre, que on luy ala querre, un saint preudomme religieux qui estoit grant clerc, vestoit lahaire et estoit

moult de saincte

vie.

avoyt eue de cheoir ou puis

aussy elle luy dist

et

,

paour que elle

homme

tous ses péchiez et ses jeunesses, et le saint lui

luy

Si la confessa et elle

dist toutes ses advisions et la grant

desclara son avision et lui dit

:

Dame, vous estes moult tenue à Dieu et à sa doulce mie la perdicion et la dampnacion de vostre ame, ains vous desmonstrent vos«

» mère, qui ne vueillent »

» tre péril et vostre saulvement.

» vous ont )i>

fait

Premièrement

dont vostre mère vous disoit

:

Belle fdle, voy les

» mamelles où tu preiz ta nourreture

» neure ton seigneur »

Ma

doulce

ilz

demonstrer vostre père et vostre mère,

amye

,

ayme

;

et

ho-

comme

tu feiz cestes mamelles.

c'est à

entendre que, puisque

» sainte église vous a donné seigneur, que vous le

» devez

doubter et amer tout aussy

» amiez la mamelle de vostre » rissement. Et aussy

» choses pour la

mère

comme

tette et la

femme

comme vous y prenez nou-

l'enfant laisse toutes

doulceur du

» prent croissement et nourreture » bonne

et

,

lait

,

dont

il

aussi doit toute

selon Dieu et selon sainte loy

amer

Le Livre

76

» son seigneur sur tous autres, et laissier toutes au» très

amours pour

celle

;

si

comme

nostre seigneur

» par sa sainte propre bouche dist que l'on laissast et

» deguerpist père et mère

,

suers et frères et toutes

Tamour de son seigneur, et que » ce n'estoient pas deux chars, fors une, que Dieu avoit » conjointe en une et que homme ne povoit séparer, i> c'est-à-dire que homme ne povoit ny ne devoit » autres choses pour

» fourtraire l'amour l'un de l'autre » et l'esglise les avoit

unys

,

puisque Dieus

et conjoins

ensemble. Et

» encores vous dist vostre mère que vous y prenis» siez nourreture comme en ses mamelles , c'est-à» dire et entendre que se que vous amez vostre sei» gneur sus tous

,

que ce

seroit votre nourriture et

» vostre bien, et honneur vous accroistra de jour en » jour »

comme

mère

et

l'enfant croist par la nourriture

de sa mamelle,

c'est la

de

doulceur du

la

lait,

» qui signifie la grant doulceur, la joye et l'amour » qui doit estre en loyal mariaige, et la grâce de Dieu » y habite. Après vostre père vous dist Belle fille » pourquoy as-tu plus grant plaisance et plus grant » amour à aultre que à ton seigneur? regarde ce puis :

» qui est delèz toy, et saches

,

se tu chez au feu de

» maie chaleur, que tu y chierras. C'est-à-dire que » se vous amez plus aultre que vostre seigneur, ne j>

que autres habitent à vous,

fors

que luy, que vous

» charrez ou puis, où vous serez arse et bruslée pour le délit de la maie plaisance et malle chaleur que » vous avez eue ailleurs. Et pour ce vous montra-il » le puis de feu et la vengeance et la punicion qu'il a- convient souffrir pour le délit de celle folle plai» sance. Après ilz vous monstrèreut les prestres

y>

DU Chevalier de La Tour.

77

» blans et vous disoient que vous les aviés revestus

;

» pour ce vous en mercioient ; c'estoit signiffiance que

» vous aviez

revestir les prestres et fait dire des

fait

» messes pour eulx , dont

ilz

vous remercioient car ,

comme vous

» soiez certaine que aussi

» eulx et pour les autres deffuncts

,

faictes

que

ilz

pour

prient

» pour vous et sont marriz quant ilz voyent que ceulx » qui font bien pour eulx sont en voye de perdicion.

» Si

comme vous avez

bien peu apparcevoir que

ilz

» sont très bien marriz de la temptacion que vous » aviez eue et de

la folle

plaisance par laquelle vous

» estiez en voye d'estre perdue

» venoyent secourir pour » messes et des

,

et

pour ce vous en

amour du bien

fait et

aumosnes que vous aviés

des

fait et fait

» faire pour eulx. Après veistes l'image de Nostre»

Dame qui tenoy t une

cotte et

une chemise

et disoit

;

» Geste cotte et ceste chemise te gardent de cheoir » en ce puis, car tu as ordi

ma maison et Tas moquée.

» C'est-à-dire que vous aviez esté en son esglise et

Tamour

» plus pour plaisance d'autruy que pour

» d'elle, et c'estoient les folz regars et les folz plaisirs

» que vous preniez en celluy par qui d'amours vous » emprensistes la voye ei le voyaige T)

vous

dist la

,

voix^ue vous aviez ordy

» sa maison, c'est son église

;

et

pour ce

et

moquée

car tous ceulx et celles

» qui y viennent par autre plaisance que par dévocion T>

du

saint lieu et se couvrent

du service pour trouver

» lieu d'esbat et délit terrien, ceulx moquent l'esglise » et la maison de Dieu. Ainsi fut-il de vous, selon

» vostre

fait et

vostre advision. Après vous l'ordeistes

» et empeschastes

,

comme

» quant vous aviez plus

le

la voix

vous

dist.

cuer à luy et en

Ce

fut

la plai-

Le Livre

78 » sance de »

» » »

que au divin service, et de cellui meffait Dieu vous a voulu monsirer vostre deffaulte et vous fist venir celluy grant mal et celle grant hachie que vous avez senti. Et ceste grâce, qui vous vint par chastiement et demonstrance folie

» fut par le service et bien fait que vous feystes à » deux povres femmes, dont vous donnastes à Tune » une cote et à l'autre une chemise , et vous dist la

» voix que la cotte et la chemise vous avoyent gardée » de cheoir ou puis » l'aumosne

,

c'est-à-dire

que vous aviez

que le bien fait et pour Dieu vous

fait

» avoit gardé de périr et d'estre perdue, se vous fus» siez cheoite en la folie où vostre cuer avoit mis » s'entcnte et sa folle plaisance. Sy devez grant » guerredon à Dieu et grant service de vous avoir » daigné demonstrer vostre erreur. Si vous devez » en avant garder d'encheoir un tel péril comme de » perdre

honneur

» nul tant

comme

et l'ame d'avoir plaisance

de amer

vostre seigneur, à qui vous avez

» promis foy et loyaulté

,

ne

le

changer pour pire

» ne pour meilleur, et celle le change, qui plus aime » autre que son seigneur et ment et parjure sa foy » et sa loy. Si vous est, Dieumercy, beau mirouer.»

Et ainsi

li

demonstra

le

preudomme son

la confessa et l'enseigna le

mieulx

advision et

qu'il pot, et la

da-

me

guerist et mercia Dieu, et laissa toute sa folle plaisance, dont il advint, bien environ demi an ou envi-

ron après, que l'escuier, qui l'amoit par amours, vint d'un voyaige et d'une armée où il avoit esté. Si la vint veoir, cointe et jolis

,

et si

commença

et jangler et lui user d'un tel langaige

,

à bourder

dont autres-

foys luy avoit usé; sy la trouva toute estrange; lors

DU Chevalier de La Tour. fut

«

tout esbahy et esmerveillé

Ma dame

et

à quel jeu ay-je perdu

,

79

luy demanda le

bon temps,

:

la

» joye et l'espérance que j'avoye en vous de vivre

» joyeusement? » Et cellui

temps

la

est passé

;

dame

lui respondit

que

car jamais je ne pense à

tout

amer

ne avoir plaisance à nullui fors en mon seigneur. Et lors elle lui compta Tadventure qui lui advint. Si cuida moult la tourner; maiz il ne peut, et, quant ne pot et qu'elle estoit si ferme, si la il vit qu'il laissa et distà plusieurs la bonté et la fermeté d'elle,

honnoura plus. Et pour ce a cy bon exemple comment l'on ne doit pas aler aux sains voiaiges pour nulle folle plaisance , fors pour le divin service et amour de Dieu , et aussy comment il fait bon faire prier et faire dire messes pour son père et et l'en prisa et la

pour sa mère et pour ses autres amis; car aussy ilz prient et empêtrent grâces pour les vifs qui bien font pour eulx , comme ouy avez et aussy fait l'en ;

bien de donner pour Dieu

,

car

Taumosne

grâce de Dieu à celluy qui la donne,

si

si

acquiert

comme ouy

avez. Sy vous diray un autre exemple qui avint en

une église qui est en de Beaulieu.

ma terre,

et

a

nom Nostre-Dame

Le Livre

8o

De

ceulx qui firent fornication en Vesglise.

Chappitre XXXV'. 1 avint en celle église à une vigilles de Nostre-Dame que un qui avoit nom Perrot

Luart et qui estoit sergent de Cande en la

mer, autel. Si advint

coucha avec une femme sur un

s'i

un miracle

s'entrebessonnèrent

qu'ilz s'entreprindrent et

comme

chiens

,

tellement qu'ilz

furent aussy pris de toute le jour à journée

,

si

ceulx de Tesglise et ceulx du païx eurent assez

de lez venir veoir

;

car

ils

que

loisir

ne se povoient départir, et

convint que Ton venist à procession à prier Dieu pour culx, et au fort sur le soir

ilz

se départirent.

Dont il

convint que Tesglise feust puis dédiée, et convint par pénitence qu'il alast par troix dimenches environ Tesglise et le cymetière, soy bâtant et recordant son

péché. Et pour ce a cy bon exemple

comment

se doit tenir nettement en sainte église

;

et

l'en

encores

vous diray un autre exemple sur ceste matière, com-

ment

il

avint es parties de Poitou n'a pas trois ans,

dont je vous en diray l'exemple.

DU Chevalier de La Tour.

8i

Du moine qui fist fornication en V église.

Chappitre

XXXVK

n Poitou avoit une abbaye qui a nom Chie, dont Tesglise a esté empirée pour les guerres. Le prieur d'icelle abbaye vre Faye

Si avint à

avoit un nepveu qui avoit à nom Pigière. un jour de dymenche que Ton dit matines

messe. Si demandoit l'en partout cellui Pigière, ne povoit estre trouvé. Mais toutefois tant fut quis cerchié qu'il fut trouvé en Tesglise en un coin-

et la

et et

gnet sur une femme, embessonné, et ne se povoient

que tous y povre moigne avoit grant honte et

départir l'un de sus l'autre, et telement

vindrent

,

et le

grant dueil, et si y estoit son oncle et tous les aultres moignes, et toutes voyes au derrain , quant il pleust à Dieu, ils se départirent, et celuy moyne Pigière de dueil et de honte laissa l'abbaye et s'en ala ailleurs.

Se fut moult grant exemple comment l'on se doit garder de faire mal pechié de délit de char en l'église ne d'y parler de chose qui touche celle orde matière, ne s'i entreregarder par amour, fors que par amour de mariaige. Car comme Dieu dit en l'Euvangille, si comme racompte l'un des euvangelistres, que le doulx Jhesucrist entra en une esglise qui lors appe-

Sy y vendoit l'en merceries et quant Dieu vit ce, si les mist hors, et qu« la maison Dieu devoit estre tenue necle6

lée étoit le temple.

marchandise, dist

et,

Le Livre

82

ment

mayson de

et qu'elle dc-voit estre

saintes croi-

sons et de prières, non pas maison de marchandises

ne maison à

faire

nul délit de pechié

;

et,

ceste raison, Nostre Seigneur en a bien

pert miracle,

à conforter

démontré ap-

comme vous avez ouy qu'il a fait nagaires

en ces deux églises ordist sa sainte

,

comment

maison ne son

il

lui desplait

que on

église.

Des maulvais exemplaires du monde.

Chappitre XXXVIL elles filles

Qui

le

A bon

bien voit et

le

mal prent,

droit puis s'en repent.

Je le dy pour ce que nous avons par le

de mauvais exemplaires

monde moult

y a moult de ceulx qui se prennent pi us tost aux mauvaises que aux bonnes, et ceulx qui

le

tent hors

du

de Dieu

et

,

fontfoloycnt, et se desnalurent et se metdroit

le père,

chemin

,

c'est

des

commandemens

qui tout bien et sauvement enseigne

et le baille par escript par loy, laquelle

petitement. Car nous veons que

gouverne selon gloire

le délit

de

du monde, comme

sent pour leur beauté gentillesce

;

,

le

nous tenons

plus de

monde se

la

char et selon la vainne

les

uns qui se ourgucillis-

pour leur richesse, pour leur

aultres y a qui sont envieux des biens et

des honnours que

ils

voient à autruy plus que à eulx

;

autres y a qui sont yrcuxet gardent leur mal cuer et

DU Chevalier de La Tour. félon en rencune

,

83

autres qui sont sus la lecherie de

luxure espris et enflambez plus ordement que buefs

ne bestes sauvaiges autres qui sont lecheurs ,

et frians

sur leurs gueulles de bons vins et délicieuses vian-

des

autres sont avers et convoyteux d'avoir lautruy

;

bien, autres qui sont hoqueleurs, larrons

rapineux

parjures, traittres et mesdisans

,

manières de gens monstrent bien que de

la doctrine à leur maistre

ilz

usuriers,

,

,

que ilz ressemblent; par

sa doctrine et temptacion et par son conseil

ilz

font

maulx c'est l'ennemy de ténèbres qui les atet les esmeut à faire yceulx péchiez et les y

iceulx tise

et cestes

sont enffans

;

tient bien

jusques à

par laquelle

de gens est

le

la desliance

sont délivrez

ilz

plus du

monde

,

de vraye confession, et

de ceste manière

entechiez et surpris.

Des bons exemplaires du monde.

Chappitre XXXVIII'. prez

,

y a d aultres qui sont plus saiges cuer et l'espérance en

et qui ont plus le

Dieu,

et,

pour l'amour de

ont envers luy,

ment

et nettement, et se

ilz

se

la crainte

que

ilz

tiennent chaste-

combattent contre

les ten-

brandons du feu de luxure , et aussi se tiennent plus soubrement de viandes délicieuses, par quoy la char est tcmptée, car la délicieuse tations des

viande et les bons vins et les deliz du corps sont alumail et tison du feu de luxure. Et autres qui ont

Le Livre

84

grâce d'avoir souffisance contre convoitise , et autres qui ont franc cuer et piteux

aux povres

,

et sont

loyaulx et justes vers leurs prouchains et voisins sont paisibles, et, pour ce pais et paisiblement;

quiert,

le

mal

le voit l'en

et la

advenir.

Dieux

,

,

mal

car qui le

et

en

les fait vivre

et la riote

douleur trouve; voulentiers

Car aucunes gens par leur

grant yre et convoitise se bastent de leurs basions

mesmes et

les

gille

débonnaires de cuer et les paisibles; et

toutes cestes gens

en

de jour en jour peine

et se pourchassent

ennuy. Et pour ce, Dieux beneist en l'Euvan-

la crainte et

sins

,

,

qui ainsi se tiennent nettement

en l'amour de Dieu et de leurs voi-

monstrent bien

maistre

,

c'est-à-dire à

ressemblent à leur bon

qu'ilz

Dieu

le

père

,

de qui

ilz

tien-

nent ses sains commandemens , si comme sainte Eglise leur enseigne , car ilz ont eu franc cuer à les

au bon

retenir, et aussi ressemblent

filz

de Dieu, qui

bon exemplaire de vie et de joie pardurable, et fontaine où l'on puet tout bien et sauvement puiser. Et pour ce , belles filles , ayés jour et nuit le cuer ou lui et l'amez et le craigniez , et il vous sauvera de est

,

tous perilz et de toutes temptacions mauvaises

pour

ce,

mes

belles

filles,

desclairerpar ce livre les

dames que Dieux loue en

,

et

vous vueil monstrer et preudes femmes et bonnes je

sa Bible

,

qui

,

par leurs

bonnes meurs, furent et seront à tousjours mais louées, pour quoy vous y prengniez bon exemple à vivre à tousjours mais honnestesaintes euvres et

ment

et nettement

vous monstreray

comme

celles firent.

qui furent diverses et crueuses

Et aussy

aucunes mauvaises

et desclareray ,

lesquelles finèrenl

DU Chevalier de La Tour.

85

mal , afin de y prendre bon exemple de vous garder du mal et de la perdicion où elles cheyrent.

DeEi^ej nostre première mère.

Chappitre XXXIX«. exemple de mal et de pechié, par mort est entrée en cestuy monde, vint par Eve, nostre première mère, qui

e premier

quoy

I

'si

la

petitement

Dieu et Tonneur où

dame de ciel, et

il

garda l'avoit

commandement de

le

mise

car

;

il

Tavoit faitte

toutes choses vivans qui estoyent soubz le

que tous lui obeyssoient et feissent sa voulenté.

Et se elle ne feust cheute en pechié de desobeyssance terre

il

,

,

ne

n'y eust poisson en la mer, ne beste sur oisel

obeyssance pleust

,

,

en Tair que tous ne feussent à son

à en prendre et à en deviser là où

sans nul desdit

,

et

sans doulour et sans péril

faimg ne tristesse

ne tre

la

soif, froit

,

ne chaut,

aussy

elle eust

il

ne jamais ne eust travail

luy

enfans

ne maladie

l'en ,

ne

de cuer, ne mort terrienne nulle. Nulle eauc

peust noyer, ne feu ardoir, ne glaive

,

ne aul-

chose blescier; nulle chose ne luy peust nuire,

ne fayre couroucier. Doncques pensons

comment un honneur

pechié

et gloire si

,

sans plus

bas et en

,

la

tel

regardons

servage

perdit toute l'onneur et la richesse et toute

et

mist de

,

;

si

grant

car elle

laissa la gloire

l'obeyssance pour le pechié de désobéis-

sance. Or resgardons doncques en quoy pécha la

Le Livre

S6 première femme

, mes chières filles , de vous Dieu plaist, par la bonne doctrine que vous prendrés en bons exemples. Sy vous dy que le

en garder,

,

affin

si

premier pechié de nostre mère vint par mauvaise accointance , pour ce qu'elle tint parlement au serpent, qui avoit, ce dit lescripture, visaige de

moult bel

et

moult humble

ment et cointement; véement, dont elle

,

lequel parloit

femme

humble-

l'escouta voulentiers et pri-

si

que folle; car seau commencenrient elle ne l'eust voulu escouter et s'en estre fist

venue à son seigneur, honte. Et ainsi

Et pour ce

,

le fol

elle l'eust desconfit à sa

escoutement

belles filles

n'est

,

pas bonne chose d'es-

couter gens qui langaigent et qui ont parler, ne

vertes

;

grant

dommaige.

lui fist

de bel

l'art

que escouter doulces parolles

et

cou-

car par fois elles sont decevables et veni-

meuses,

et

en puet

l'en

acquerre blasme. Après

cel-

serpent advisa son point et la trouva seule et loing de son seigneur, et pour ce lui monstra à lui

loysir son faulx langaige

et dont il n'est pas bon de demeurer seul à seul à nuUuy, se il n'est de ses prochains. Et je ne dis mie que l'on ne doye faire honneur et courtoisie à chascun selon ce qu'il vault; mais l'on met trop plus son honneur en balance de trop respondre que de pou car l'une parolle attrait ,

;

l'autre et à

chacunes foys convient

d'aucunes dont der, et

ilz

pour ce

dame. La seconde

est

folie

qu'il

en

soit dit

se pueent après jangler ou

bon exemplaire à

bour-

toute droite

de Eve nostre première mère est

à ce qu'elle respondy trop legièrement, sans y penser, quant l'ennemi Lucifer lui eust demandé pour quoy

DU Chevalier de La Tour. son mary ne mangoienfdu

elle et

comme

vie,

ilz

fruit

Ce

faisoient des autres.

de

1

fut celle qui

respondit sans le conseil de son mary, et lui y parolle

,

dont

elle

fit

que

folle, et

87

arbre de

tint

luy en meschey

;

car la responce ne lui avenoit mie, ains appartenoit

à son seigneur à en respondre; car Dieu avoit baillé la

garde

quel

d'elle et

fruit ilz

du

fruit

à son seigneur, et divisé de

mangeroient. Et pour ce peust avoir res-

pondu que il en parlast à son seigneur, non pas à et se feust couverte et deschargée. filles,

elle,

Et pour ce, belles

devez prendre en ce bon exemple que, se au-

cuns vous requiert de

folie

ou de chose qui touche

contre vostre honneur, vous vous pouvez bien couvrir et dire

que vous en parlerez à vostre seigneur

;

vous les vaincrez et ne ferés pas comme la seconde folie de Eve, qui fist la responce, sans ce que ainsi

elle s'en couvrist

ne sans

Et pour ce, belles

filles,

le conseil

retenissiez l'exemple d'une

que

que vous bonne dame de Acquillée,

le prince d'Acquillée prioit

quant

il

quant

de

folles

amours. Et,

l'eust assez priée et assez parlé, elle lui res-

pondit que elle en demanderoit et

de son seigneur.

je vouldroye bien

le

prince vit ce

si la

l'avis

à son seigneur ;

laissa ester et

oncquos

plus ne lui en parla, et disoit à plusieurs que c'estoit

une des parfaittes dames de son païx, et ainsi la bonne dame en receut grand pris et grant honneur. Et ainsy le doit faire toute bonne dame , non pas respondre de soy meismes, comme fist Eve.

Le Livre

La

iij^

faulte de Eve.

Châppitre ^

a tierce

Ij^^pas à faicte

folie

XL«.

de Eve

ne recorda que Dieu avoit

fut qu'elle

la deffense

droit

à elle et à son seigneur; ainçois y

mist division. Car Dieu leur avoit se

ilz

mangeoient de

et

pour

ne

dist

cellui fruit qu'ilz

dit

que

en mourroient,

ce, quant elle fist la responce au serpens, elle mie plainnement la vérité, ainçois dist « Se nous en mangions, nous en morrions par adventure. » :

Ainsi mist condicion en la response, tes folles

femmes

font

quant

1

si

comme main-

on leur parle de

folie.

Mais Nostre Seigneur ne leur avoit pas mis de par aventure. Car la simple response de par aventure,

que l'ennemi trouva en

elle

lui

,

donna pié de par-

ler plus

largement et de plus

comme

celles qui escoutent et respondent legière-

ment à ceulx qui

les requièrent

par les simples responses

nent voye et il

lieu

la tempter, tout

et

de

fol

aussy

amour. Car, ilz don-

par l'esCouter,

de parler plus avant,

comme

ainsi

mère, qui escouta respondit sans le conseil de son

avint à Eve, nostre première

l'ennemi jangler et

seigneur. Et pour ce l'ennemi la tempta et lui dist «

Vous en pourrez bien mangier,

mie, ains serez aussi bcaulx

comme

Dieu et

rez bien et mal. Et sçavez-vous pourquoy

:

mourrez

et si n'en

si

il

sçau-

a dcf-

fendu que vous ne mangiez point de ce fruit? Pour

DU Chevalier de La Tour.

89

ce que, se vous en mengiez, vous seriez aussy beaux et aussi clers et aussi puissans

comme

lui. »

Ainsi

la folle cuida qu'il dist vray, et le creut

par convoitise

comme

font les folles

et par

beau

femmes qui

parler, tout aussi

croient de legier les belles parolles des

jangleurs qui les conseilloient à foloier contre leur

honneur

et leur estât par flatteries et folles

et leur jurent assez

mie. Aucunes

de choses

qu'ilz

fois les folles les

viennent et se consentent au

promesses,

ne leur tiennent

croyent tant qu'elles

fol délit

dont elles se

,

trouvent depuis deceues et moquées. Car, quant

ont

fait

leur fol délit,

ilz

les laissent

comme

ilz

diffa-

mées honteusement.

De

la quarte folie de Eve.

Chappitre XLP. la I

quarte

quant

folie

elle

de Eve

si fut

du

regarda l'arbre et

fol

regart

le fruit

que Dieux leur avoyt deffendu. luy sembla trop bel et dehtable, dont vie

désira par le regart et en fut temptée fol

;

de Si le

ainsy par le

regart cheit en folle plaisance. Et pour ce a grant

péril à regarder legierement. Car le saige dit

pire

ennemi

est l'ueil, dont maintes ont esté

par faulx regars. Car

il

est

que

le

deceues

maintes gens qui de leur

grant art font un faulx semblant et un faulx regart

comme

maintes gens qui regardent affichecmcnt et

font le débonnaire et le gracieux, et font le pensis en

Le Livre

90 leurs faux regars

dont maintes

,

deceues, car elles cuident

fois

maintes en sont

qu'ilz le facent

par des-

ne le font que par faux semblans pour les décevoir. Et pour ce a cy bon exemple pour soy gaittier de faux regardeurs. Car maintes foiz l'on tresse d'amours, etilz

y

quant l'ennemi

est deceu. Car,

fols regars et delix,

il

temptacion , par quoy

du

fol délit les fait

les trouve

les point et il

les tient liez

cheoir en Tort

en telx

enflambe de foie

fait,

du

fol délit

,

et

dont elles per-

ame doncques tout vient par fol regart. Dont je vouldroye que vous sceussiez l'exemple du roy David que par un fol regart de regarder la femme Urie, il cheyt en fornication d'avoultire, puis en omicide, comme de faire tuer son chevalier Urie, dont Dieu en prinst plus grant vengence sur luy et

dent corps et

;

,

,

sur son pueple et regart, si

,

dont l'achoyson avint par

comme

mère, qui par son dont tout

ment

le

il

fol plaisir et

monde et

fol plaisir

advint à Eve, nostre première regart chey ou

fol fait,

l'umain lignaige l'acheta chiere-

et à grant douleur.

Car par celluy regart

et cel-

mort vint au monde. Et pour ce est cy bon exemple de non regarder folement ne afficheement.

luy

fait la

De

la quinte folie

Chappitre I

dont il vaulsist mieux eu nulles mains. Car moult est périlleux le touchier après le regard deux vices se consentent de mauvaise vohabita

les

XLII*.

a quinte folie fut de touchier, quant elle

que

quand

de Eve.

au

fruit,

elle n'eust

BU Chevalier de La Tour. pour ce

lente. Et

l'en se doit

et

en

91

que

la sapience

garder de touchier à délit dont le cuer soit

Tâme

blescié ne

dist le saigë

enflambe

;

car fol atouchementeschauffele cuer

le corps. Et,

quant raison est aveuglée

qui doit le cueur et la fenestre gouverner, l'en chiet

en pechié

et

en

fol deliz

;

et

veultseurement gouverner

deux

ou

fois

fol fait

encore et

dit le saige, qui se

nettement garder, doit

avant ses mains regarder que à nul

trois

atouchier, c'est à dire, avant que le faire et

entreprendre

,

deux foyz ou

trois

y penser. Car

le

touchier et le bayser esmeuvent le sanc et la char

telement que ils font entroblier la crainte de Dieu et honneur de cest monde. Ainsi moult de mal se esmeut et avient par fols baisiers et atouchemens, tout ainsi

comme

il

avint à

De

Eve qui atoucha au

la vj^ folie

Chappitre

Mu

du

fruit

péril

de

la

XLIIP.

deffendu

dolereux

fait.

Lnous et tout le

mort d'enfer

,

;

Car

,

et estrangez

pomme

l'en assavoir

comme Dieux

fait

livrez

de

la

au

joye

comment par

soyent devenus

tant de douleurs et de maulx. Hé, Dieux,

pense

men-

par celluy

monde fusmes

trespassement d'une petite

elle

ce fut le plus fort

pardurable. Si avons cy grant exemple le

de vye.

Ei^e.

pour ce que

|a vj' faulte si fut

tga

de

fruit

comment ne

pugnira ceulx qui

Le Livre

92

font telx forfaix de viandes et qui se delittent en

morseauls de quoy

ilz

bons

nourrissent leurs ventres et

leurs charongnes, qui par celui délit la font es-

mouvoir en fol délit de luxure et d'autres péchiez. Pourquoy ne regardent-ilz aux povres familleux qui meurent de froit et de faing et de soif, dont Dieux leur demandera compte au grant jour espoventable ? Et saichiez que pechié n'est pas du tout à trop mengier, mais au délit de la saveur de la viande; dont le saige dit que la mort gist dessoubz les délices, aussi comme le poisson qui prent Taim par la viande qui y

est atachée

,

et c'est la

mort. Et aussi

comme

poisons et le venin est mis ou bon morcel

Tomme

muert, et aussi

la

saveur du délit

,

les

dont

,

que

l'on

prent es délicieuses viandes, occient l'ame et la périssent par le délit du corps

de la

pomme

occist

quelle vint au pechié, ilz

baisier au fait

savoura la

,

et

comme

le delist

folie, et

délit,

,

la-

font maintes gens; car

puis aux regars et

du touchier au

du faulx

pomme

et aussi

comme

viennent à escouter la

puis au touchier

,

Eve nostre première mère

comme

baisier fit

,

et

du

Eve, qui as-

après le regart et le touchier.

hv Chevalier de La Tour.

De

gS

la vij^ folie de jE^e.

Chappitre XLIIII«. vij^

folie

de Eve

;reut pas ce 'elle

fut

pour ce qu

que Dieu

mourroit se

Mais Dieux ne

elle

lui

elle

avoit dit

mengoyt du

lui avoit

pas

ne

que

fruit.

dit qu'elle

mourust si tost de la mort du corps, mais simplement luy dist que elle mourroit. Si fist-elle première ce feust ce que elle eut desobéy à Dieu et cheoitte en son yre et en son indignacion. Après elle mourust de la mort du corps ce fut quant elle ;

,

du monde et soufmain tes doulours, peines et mesaises,si comme Dieu lui avoit dit et prommis, etau derrenier, après la mort, elle descendy en la prison qui es toit commune, dont nul ne eschappoit, c'estoit le porche d'enfer ; or eust esté une grant pièce au labour

fertes

elle fut

en prison ,

son mary et leur lignée,

elle et

jusques à tant que Dieu vint en la croix ; ce fut pace de

V"

ans

et

plus,

et

adonc

Dieux

l'es-

les

délivra et ceulx qui l'avoient servy et obey en la vieille loy, et les

mauvais

lessa-il la paille ardoir .

laissa;

il

print le grain et

Helas que ne pensons, nous et !

ceulx qui sont endormis et nourris en péchié jusques

au jourd'uy,de nous amender, et non mie d'estriver tousjours à la folle espérance de cuidier tousjours vivre ne de attendre à soy nier jour, et

ilz

admender sur son derrela mort qui se aprouche

ne voient pas

Le Livre

94

d'eulx de jour en jour et vient soudainement,

entre par

le larron qui

derrière et

l'uis

biens, coppe les gorges, et ne scet Ten quant et après celluy larron luy embelist

comme

emble il

les

vient,

de jour en jour

à embler et persévère tant que il est prins et le destruit Ten Et ainsi est-il des pécheurs qui pèchent de jour en jour tant que la mort les prent et ne sa!

,

,

vent lors,

mal

comme

faire qu'il

le larron,

à qui tant embellist de

ne se peut tenir d aler

et

de venir et

soy delicter en ses larrecins tant qu'il est prins et mis à mort, et aussi est-il du pécheur qui tant vait et vient à sa foie plaisance et à son fol delict que l'on s'en apparçoit, et est sceu tant q^aelle est diffamée et

deshonnourée du monde ethaye de Dieu

De

de Eue.

la viij^ folie

Chappitre

et des anges.

XLV*'*

la viij'' folie fut qu'elle

quist compaignie à

donna la il en imcngast avec elle et il ne lui vouloit mie desobéir comme fol, et pour ce furent tous deux prisonniers du pechié et de nostre grant mal ; dont a cy bon exemple que, se femme conseille mal à son seigneur, il doit penser se elle lui dit bien ou mal et à quelle fm la chose puet venir. Car l'en ne doit mie estre si enclin à sa femme ne si obéissant que l'en ne [faire

son péchié, et ce fut que

Jpomme

à son

mary

et

elle

luy pria que

,

pense se

elle dit

bien ou mal

;

car

ilz

sont maintes

DU Chevalier de La Tour. femmes auxquelles ne

leur chault

96

mais que leur

,

voulenté soit faicte et accomplie. Dont je congneux

un baron qui conseil

il

vaulsit

mieux

et aussi,

tant crut sa

mort

prist

,

femme que par son

dont ce fut dommage.

qu'il l'eut

Il

fol lui

moins crainte ne congneue, creut sa femme,

comme Adam, qui folement

à sa grant doulour et à la nostre. Et aussy, toute

bonne femme doit bien penser quel conseil elle veult donner à son seigneur et qu'elle ne luy conseille mie à faire chose dont il ait honte ne dommaige pour acomplir sa foie voulenté. Car, se elle est saige, elle doit penser et mesurer à quelle fin ou bien ou mal la chose puet venir car elle y partira et ou bien et ou mal. Et, pour ce y doit bien penser avant qu'elle riens lui conseille, ne ottroye ne pour amour ne pour hayne d'autruy. Et aussi comme Eve ne vouloit bien faire, elle ne devoit mie conseillier à faire mal car il y eust assez eu d'elle. Et pour ce est cy bon exemple, se l'on ne veult faire bien , que Ion ne doit pas conseillicr à aulruy à faire mal. ,

;

,

,

;

Et aussy, se

l'on

ne vuelt jeûner et bien

doit pas autre dcsconseillier

faire, l'en ne ne destourber à aultruy;

ains dist le saige que l'on a sa part

à dire cculx qui

lui estent

seillent à desjeuner et

à faire pechié. Et

qui n'a voulenté de bien faire, faire aux autres, et

ame,

car

ilz

ou pechié

,

c'est

sa devocion et qui le con-

si

le

,

pour ce

laisse l'on bien

ne leur conscillier riens contre leur

participeroient au pechié.

Le Livre

96

La

ix^ folie

de Eve.

Chappitre XLVI«. ix*'

ire

folie et la

car,

;

fquoy •

ment

greigneur fut la derreniè-

quant Dieu

la

mist à raison pour-

elle avoyt trespassé

et

fait

son commande-

pechier son seigneur, lors

excusa et

dist que le serpent lui avoit fait faire Dont elle cuida allegier son pechié pour chargier autruy. Dont il sembla que Dieu s'en courrouça plus que devant , pour ce que Dieux lui respondist que dont de là en avant en seroit la bataille entre elle et Tennemy, pour ce quelle crut contre luy et qu'elle vouloit estre. pareille à Dieu , et pour ce qu'elle passa son commandement, et pour ce qu'elle creut plus l'ennemy que lui qui l'avoit faicte, et pour

elle

et conseillié.

ce qu'elle deceut son seigneur par son fol conseil et

que

de excuser son meffaict et son pepour cestes causes Dieu ordonna la bataille entre homme et femme et l'ennemy. Car moult il elle s'esforça

chié, et

desplut à Dieu l'excusacion

,

comme

il

fait

aujour-

d'uy de telz qui viennent à confession devant leur prestre

,

qui est en lieu de Dieu

,

si

se excusent en

leur confession devant leur prestre, et pollicent leur meffait, c'est-à-dire qu'ilz ne dient pas leurs pechiés

sy vilment

comme ilz

le dire;

maiz

pour ce

ilz

ilz

ont meffait, et en ont honte de

n'avoient pas honte de le faire. Et

ressamblent à nostre première mère Eve

DU Chevalier de La Tolr.

97

qui se excusoit. Maiz saint Pol dit que qui veult estre

bien nettoyé et lavé, tre luy et plus

il

doit dire aussy laidement con-

comment

il

n'est point nettoyé. Car, si

tout aussi

le fait

,

comme

ou autrement

il

dist saint Père,

comme demeure voulentiers le larron





où l'en muce son larrecin, et ne va pas voulentiers là où l'en Tescrie et hue, tout aussy estil de l'ennemy qui emble les âmes par ses temptaTen

le celle et là

cions il

et se

,

muce

n'est pas escrié

sion

;

et reboute es corps et es lieux ,

ne hué

,

menu

Tes-

soit qu'il plus

het

car celui qui se confesse souvent et

crie et le hue, et est la et craint.

mère Eve rer. Si

Sy vous et



ne descovert par confes-

chose qui

laisse à parler

comment l'ennemy

de nostre première la fist pechier et er-

vous parleray comment nulle saige femme ne

doit estre trop hastive de prendre les nouveautéz

ne

les

premières cointises

,

comment un

sains

homs

en prescha nagaires, et après ycelle matière vous parleray de l'exemple d'un chevalier qui ot trois

femmes, sur celle matière, et puis je retourneray au compte et à la matière des mauvaises femmes, comme il est contenu ou livre de la Bible, et comment il leur prist mal, et pour estre exemplaire de vous en garder. Après la matière des mauvaises femmes,, je vous compteray des bonnes, et comment l'Escripture les loue.

Le Livre

9^

D'un evesqiie qui prescha sur

Chappitrk e vous diray

les cointises.

XLVIK

comment un

evesque prescha nagaires

,

saint

les estoit grant clerc, et estoit

mon où

homme

qui à merveil-

en un ser-

dames

avoit grant foyson de

et

y en avoil d'attournées à la nouvelle guise quicouroit, et estoient bien branchues de damoyselles

,

dont

il

Dont

et avoient grans cornes.

mença à

les

exemples, comment

pour

le saint

homme com-

reprendre et à leur baillier moult de

déluge ou temps de Noë fut

le

l'orgueil et desguiseures des

hommes

,

et espé-

cialement des femmes, qui se contrefaisoientde atours et

de robbes. Dont Tennemy

desguiseures, et les chié

de luxure,

fist

vit leur orgueil et leurs

cheoir en Tordure du vil pe-

pour ceulx pechiés,

et,

plust tant à Dieu qu'il

fist

il

en des-

plouvoir xl. jours et xl.

nuis sans cesser, tant que les yaues surmontèrent la terre

de

x.

coudées sur

et lors tout le

monde

meura que Noë les, et tout

fut

et sa

la plus

nayé et

femme

haute montaigne, perillié.

Et ne de-

et troiz filz et troiz

fil-

advint par celui pechié. Et après, quant

Tevesque leur eust monstre cet exemple et plusieurs autres, il dist que les femmes qui estoient ainsy cornues et branchues ressamblent les limas cornus et les licornes, et

hommes

que

elles faisoient les cornes

aux

cours vestus, qui monstroient leurs culz et

DU Chevalier de La Tour.

99

leurs brayes et ce qui leur bôce devant, c'est leur vergoigne, et que ainsi se mocquoient et bourdoient l'un

de

l'autre

Et encore

court vestu de la cornue.

c'est le

,

plus fort, que elles ressamblent

dist-il

les cerfs

branchus qui baissent

boys ,

aussy

et

,

regardés les moy,

si l'en

au

la teste

elles viennent

quant

menu

à l'esglise

donne de Teaue be-

leur

noyste, elles baisseront les testes et leurs branches.

Je doute, dist l'evesque, que l'ennemy soit assis entre leurs branches et leurs cornes il

;

et

pour ce

baisser les têtes et les cornes, car

l'eaue benoyste. Si vous

dy

il

les

fait'-

n'a cure

qu'il leur dist

d

moult

merveilles et ne leur cela rien de leurs espingles ou

de leurs atours, tant qu'il les fist mornes et pensives, et eurent sy grant honte qu'elles bessoient les testes en

terre, et se tenoient

pour moquées

et

pour nices.

Et y en a de celles qui ont depuis laissées celles branches et celles cornes et se tiennent plus simple-

ment aujourd'huy

;

quar

il

disoit

et telles contrefaictures et telles

bloyent à l'iraingne qui

mousches

;

tout aussy

que

fait les raiz

fait

telles cointises

mignotises ressam-

pour prendre

les

l'ennemy par sa temptacion

aux hommes et aux femmes, pour ennamourer les uns des autres et pour prendre lesmusars aux deliz des folz regars, et, par les mignotises des

la desguiseure

foies plaisances qu'ilz croyent et ceulx folz regars et folles

plaisances, l'ennemy

les prent et lie,

mousches en ses

comme rais et

fait

les

tempte

et point,

et

l'yraingne qui prent les

en ses tentes. Car

telles

con-

trefaictures et desguiseures sont les raiz et les lentes

de l'ennemy comme l'yraingne les mousches, si comme racompte un saint hermite en la vie des pères, à qui

Le Livre

100 il

fui

demonlré par Fange,

si

comme vous

pourriez

trouver escript plus à plain. Après ce leur dist que le plus du blasme du pechié estoit en celles qui premièrement prennent telles desguiseures , et que

les plus folles estoient les plus hardies, et

bonne dame

et saige doit

entreprendre jusqu'à ce que toutes les ayent entreprinses et

que toute

bien soy craindre de les

communément

que l'on ne puisse plus

fouir

selon le monde. Car, selon Dieu, les premières se-

ront plus blasmées, et mises es haulx sièges les derrenières. L'evesque,

bon exemple, sur

qui

le fait

prudomme

estoit, dist

prendre les premières nouvelletez et cointises, ainsy

un

de celles qui se hastoient de et dist

:

De

celles

qui cheirent en la houe.

Chappitre KLYUI". 1

advint que plusieurs

selles furent conviées à

dames et damoyune nopccs. Si fu-

rent à la beneyçon et s'en vindrent tout à pié par esbat là où on devoit faire le Sy avoit un bien petit maroiz entre deux, et bien mauvaiz chemin. Sy distrent les plus juennes femmes : Nous yrons bien par ces marois ; car le chemin y est plus droit. Les autres, qui estoient les

disner.

plus

meures

et

les

plus saiges, distrent qu'elles

yroient le grant chemin, car

il

estoit le plus sec et le

plus seur. Les juennes, qui estoient plainnes de leurs

DU Chevalier de La Tour, voulentez, n'en

vouldrent rien

loi

et Guidèrent

faire,

aler au devant et prindrent le chemin des marois, où il avoit vieilles cloyes pourris, et, quantelles furent

sur les cloyes, les cloyes fondirent et elles cheyrent

en

la

boue

et

en

la fange

jusques aux genoulx, et

furent toutes souilliées, et convint quelles retournas-

sent arrières à l'autre chemin, après les autres, et el~ les se ratissèrent à coustaulx leurs chausses et leurs

robes, et furent crotées et souillées et ne demandez mie comment, et on les demanda bien partout, et tant queTonentmengié le premier mes avant qu'elles ve,

nissent. Et quant elles vindrent sy comptèrent com-

ment elles estoientchaitez en la boue. Hé! dist une bonne dame et saige qui estoit venue le grant chemin vous nous cuidiez eslre au devant pour estre les premierez à l'ostel, et ne nous vouliez suivre. Il est bien employé ; car je vous dy pour vray que telle se cuide avancié qui se desavance la

première qui se trouve

,

et telle

la dernière.

cuide venir

Sy

ces deux parolles doublement et couvertes

lon ce que dist le saint

ce siècle

;

,

car, se-

ainsi est-il

de

car celles qui premières prennent les

nouveaultéz

monde,

preudomme

lui bailla ;

et

les jolivetéz

elles cuident

qui viennent

moult bien

faire

aultres pour avoir les plus de regars

;

par

le

desavancer les mais, pour un

y en a x. quy le tiennent a mauvays et s'en moquent et bourdenl ; car telz les en louent qui le tient àbien,

il

par devant qui en trayent la langue par derrière

et

se mocquent d'elles et en tiennent leurs parlemens

mais nulle ne

croit

en sa

folie.

;

Le Livre

^02

Cf parle de

tenir

moyen

estât.

Chappitre XLIX®. elle se tient à la mieulx venue qui preimierement se cointoye; mais celles qui premièrement prennent telles nouveautés,

ce dit le preudomme , ressemblent aux juennes femmes qui se souillèrent en la boue, dont l'en se bourde d'elles et de leur chemin nouvel. Et celles qui se tiennent plus

meurementet simplement,

ce sont les saiges qui alèrent le grant chemin seur

;

car l'on ne se puet bourder de celles qui se tiennent

meurement. Je ne dy mie, puisque Testât et la nouque toutes s'y pren-

velleté est courant par tout et

nent,

convient qu'elles suyvent le siècle et facent

il

comme

Mais les saiges y doivent reculer le plus qu'elles peuvent, et au fort en prendre sur elles les autres.

avant moins que plus, et elles ne se hastcront pas tant de venir au devant la

comme celles

boue pour cuidier venir

qui cheyrenten

les premières, et elles fu-

rent les derrenières, et furent souilliées et honnyes.

Pour

ce,

meschières

point et de tenir le

sur

filles, est-il

moyen

bon de ne se haster en faire plus

estât, c'est à

moins que sur le plus. Maiz il est aujourd'huy meschant siècle ; car se aucune jolie ou aucune nice prent aucune nouveaulté et aucun nouvel estât,

un

le

si

tantost chacune dira à son seigneur

:

« Sire, l'en

me

» dist que telle a telle chose qui trop bel est et trop

BU Chevalier de La Tour. » bien

lui siet.

Je vous prye que j'en aye

;

io3

car je suis

vous aussi gentil homme, el » aussy puissant comme elle et son seigneur, et avons » aussi gentil

4>

femme

et

comme

aussy de quoy bien paier

ou

la noise et le

il

n'y aura paix jusques à ce

aussi

comme

eulx. » Et trou-

convendra qu'elle en ait, meschief sera en l'ostel , no jamais

vera raysons par quoy

l'autre

gardera pas que

que

elle

telles

et tenues

nouveaultez

premières

comme

;

;

ait sa part

elle

ne re-

plus de ses voisines en ayent

le

avant, ne ne enquerra se les bonnes

renommées

en

soit droit, soit tort

,

dames qui sont

pour saiges en ont encore prins convient que elles aillent les

il

firent celles qui

cheyrent en la

fange. Si est grant merveilles de telles cointises et

de

telles

les

hommes et femmes

que fist

ilz

nouveaultez, dont les grans clercs dient que se desguisent en telle manière

monde

ont double que le

ou temps de Noé, que

les

périsse,

femmes

comme

il

se desguisè-

hommes; maiz il despleut femmes que des hommes, pour ce

rent et aussy firent les

plus à Dieu des

Dont je

qu'elles se doivent tenir plus simplement.

vous en diray une merveille que une bonne dame me compta en cest an , qui est l'an mil trois cens Ixxij.

Elle

me

deist

que

elle et

tout plein de da-

moiselles estoient venues à une feste de Sainte-Mar-

où tous les ans avoit grant assemblée et là une damoisele moult cointe et moult jolye, et cstoit plus diversement arroyée que nulles des autres, et, pour son estrange atour, toutes la vinrent regarguerite,

,

vint

der

comme une

beste sauvaige

;

car son atlour ne

sambloit à nul des autres, et pour ce eut-elle sa part

des regars. Si luy demanda

la

bonne dame

:

« M'a-

Le Livre

io4

mie, comment appellez-vous cesl atlour? » Et lui

«

respondi que Ton l'appelloit

Du

gibet!

dist la

y)

» n'est pas bel

amont

et aval

atour l'atour

,

ne

1

attour

du

elle

gibet.

dame. « En nom Dieu,

le



nom

l'atour plaisant. » Si ala la voix

que celle damoiselle avoit nommé son du gibet, et chacun s'en jengla, et la

comme petis enfans. Si demanday à bonne dame la manière de cellui atour sy le me devisa; maiz en bonne foy je le retins petitement, venoient veoir la

;

maiz que, tant

qu'il

estoit hault levé sus

me

semble, qu'elle

me

dist qu'il

longues espingles d'argent plus

comme un

d'un doy sur la teste

gibet pour estre

estrangement. Si n'estoit pas tenue celle damoiselle à trop sage , et estoit moult bourdce

;

et ainsi

chas-

cune nyce amainne sa nouveaulté et sa desguiseure. Sy vous laisseray à parler de cestes desguisures et atours; je vous ay dit tioyt et soutenoit et

que, quant les

comment

prouvoytpar

hommes

et

l'evesque les chasla sainte cscripture

par especial les femmes se

cointissoîent et desguisoient, que c'estoit contre mal temps de mortalité ou de grans guerres, comme anciennement est advenu et comme encore on le puet veoir chascun jour et le appercevoir, et que c'est un pechié d'orgueil, par quel les angels cheyrent du ciel, ,

par qui

le

déluge vint quant

le

monde

fut noyé,

par

lequel la luxure y est conceue par la racine de celluv orgueil.

DU Chevalier de La Tour,

Du

chevalier qui eut

iij

Chappitre elles filles

,

je

loa

femmes.

L*.

vouldroye que vous sceus-

siez et eussiez bien retenu l'exemple d'un

[^^ chevalier qui vie qui avoit

femmes.

ot troys

preudomme

chevalier moult

un oncle hermite,

et

fut

11

liomme

saint

ama

de

à merveilles. Si va advenir que la mort,

qui tout prent,la print, dont le chevalier fut

que a peu Si

et

femme

religieuse vie. Ce chevalier eut sa première qu'il

un

de bonne

mourut de

qu'il n'en

si

dolent

dueil et de couroux.

ne savoit son confort prendre fors que aler soy

complaindre à l'ermite son oncle, que

homme.

Si vint a lui plourant et

grettant sa

femme,

et le saint

il

savoit saint

doulousant et re-

hermite

le confortoit le

plus bel qu'il povoyt, et au fort le chevalier le pria à jointes mains que

il

voulsist Dieu prier

se elle esloit perdue ou sauvée. pitié

Dieu

de son neveu et requist

,

elle cstoit, et

son

,

il

et ala

que

quant

s'endormi et

lui

il il

sceust

eut

chappelle et adoura

plcust lui demonstrer où

saint Michiel et

en une balance

et

povre

Tennemy son bien

avec elle et d'autre partie Tcnncmy avec les

maulx la

il

homme

lui fut advis qu'il vcoit la

l'autre part, et estoit

fait

la

que

saint

eut esté grant pièce en oroi-

ame devant monseigneur de

en

Le

qu'elle avoit faits, et, entre les autres choses,

chose qui plus pesoit et qui plus lagrevoit, c'es-

Le Livre

io6 loient ses robes qui

de vair crioit

de gris

et

moult estoient fines et fourrées de hermines. Si se es-

et letticées

Fennemi etdisoit:

femme

« Ha, saint Michiel,

sire,

avoit dix paires de robes,

»

que longues, que courtes, que costes hardies, et vous savez bien qu'elle en eust assez de la moitié moins, c'est d'une robe longue et de deux courtes et de deux cottes hardies, pour bien se y passer selon une simple dame, et encore elle s'en deust bien passer à moins selon Dieu elle en a trop de plus de moi-

»

tié,

» ceste

» » » » »

;

et

de

la

valeur d'une de ses robes

» gens en eussent

» souffert

1.

tel froit et

1.

povres

bonnes cottes de burel, qui ont tel mesaise en cest yver environ

» elle, ne Oncques pitié n'en eust, et du

forfait

de

» ses robes ces povres en fuissent revestuz et garentiz

» de

Sy apportoit l'ennemi les robes qui par mist en la balance, et les anpetits joyaux qu'elle avoit rcceuz des com-

froit ».

forfait estoient, et les

neaulx et

pagnons par amourettes, et grant foyson de nuies et de mauvaises parollcs que elle avoit dictes en diffa-

mant autruy par envie

mée

;

elle n'avoit riens fait

porté

,

bonne renom-

ne que tout ne feust illecques rap;

et toutes ses robes et celles chosctes furent pe-

sez en la balance

bien

et toulir leur

car moult avoit esté envieuse et mesdisant

fait et

,

tant

que ses maulx passèrent son

l'emporta l'ennemy, et lui vesty ses robes

toutes ardantes et plainncs de feu et de flambe, et la

povre ame plouroit et se doulousoit moult piteusement. Et puis l'ermite s'esveilla et racompta ce fait au chevalier son neveu

,

et

commanda que

toutes ses

robes fcussent données pour Dieu et toutes départies

aux povres.

DU Chevalier de La Tour,

De

la seconde

femme du

Chapitre

lor

chei^alier.

LI'.

près le chevalier se remaria, et furent bien v. ans ensemble, et puis elle morust et le chevallier, se

mière

conde dueil qu'il

et vint à

,

sceult



de

ou plus de

fut bien autant

;

pre-

la

la se-

son oncle pleurant et menant grant

et luy pria

,

luy le

il

,

fut dolent

il

comment il femme,

,

estoit sa

preudomme

se mist

avoit autrefois fait,

pour

et

en oroyson.

la

pitié

de

Si vist et

lui fut revellé et

demonstré qu'elle seroit sauvée

maiz

ans ou feu de purgatoire pour cer-

elle seroit c.

;

taines faultes qu'elle avoyt faittes en son mariaige,

ce fu que un escuier s'estoit couchié avecques elle, et

pour autres

pctitz péchiez

et toutesfois si s'en es-

,

confessée plusieurs fois

toit-elle

;

feust bien confessée, elle eust esté le

homme

saint

sauvée, dont

un pechié si

comme

il

car, s'elle

ne s'en

dampnée.

Si dist

au chevalier que sa femme

estoit

eut grant joye. Si regardez que pour

celle fut tant dit le saint

en feu ; mais bien puet estre,

homs que

ce délit environ x. ou

,

xij. foiz;

ilz

avoient

commis

car pour chascun

fait

ou feu de purgatoire, non obconfession, car le feu de vij ans n'est que

et délit l'en est vij. ans

stant la

.

pour cspurgier délit. Si

à prestre

ne ,

et purifier l'ame

l'avoit- elle

pas

fait

à

de chascun faulx

homme

marié

,

ne

ne à moine , ne engendré enffant ; mais

Le Livre

io8 pour

mortel

pour chacune

f oiz que en flambe en purgatoire, non obstant la confession. Sy prenez icy, belles filles , exemple comment celluy faulx délit est

cellui pechié

Ten

l'en le fait,

comment

chier acheté, et

comparoir,

et

,

est vij. ans

ou

il

l'eu

et

convient une foiz le

aussy de celles qui ont tant de robes et

qui mestent tant du leur pour elles parer pour avoir

du monde

les regars

un grant

et la plaisance des gens. C'est

alumail, dont l'en chietvoulentiersau pechié

d'orgueil, et de cellui d'orgueil

en

cellui

de luxure

et que , Dieux plus het. Et or regardez comment il en prist à la première femme du chevalier, qui en fut dampnée et perdue, et toutesfois en a-il maintes par le

qui sont les deux pires pechiés qui soient

monde, qui ont bien de

Ix.

ou de

iiiixx

le

cuer à

faire acheter

une robe

francs; mais elles tendroient à

grant chose se elles avoient donné pour Dieu un seul franc ou une cote d'un franc à

me;

or

regardez

comment

sieurs corsés

et robes,

bien de moins,

comment

tement une

fois.

celles

un povre homqui

ont plu-

dont elles se passeroient elles

en respondront estroic-

Et pour ce, toute bonne femme,

selon ce qu'elle est et selon sa puissance, s'en doit

passer au mains qu'elle puct, et donner pour Dieu le

seurplus pour

comme firent ges, comme

estre

veslue

les saintes

en

dames

l'autre

siècle,

si

et les saintes vier-

racontent leurs légendes,

comme de

sainte Elisabeth, de sainte Katherine et de sainte

Agathe

et

de plusieurs, qui donnèrent leurs robes pour l'amour de Dieu. Et

et leurs biens aus povres

à cestes exemple le doivent faire toutes bonnes femmes. Or vous ay parlé des deux premières femmes

BU Chevalier de La Tour. du chevalier;

De

vous parleray de

si

la tierce

femme du

ïoq

femme.

la tierce

che^f aller.

Chapitre LU*. près le

morut à

foiz elle

que regret

,

et

,

le chevalier

quant

son oncle, et

elle fut

lui pria

femme. Toutesfoiz

ensemble

la parfin

troit le

tourment que

quoy

car

il

dont advint

,

morte

qu'il

le chevalier vint

,

pria tant qu'il

le signoit et

l'en la faisoit souffrir,

veoit appertenant

mons-

ne pour

que un enncmy cheveux et par

tenoit d'une de ses griffes par les

tresse

,

comme un

lion tient sa proie

,

toit

et la

povre ame

s'escryoit, à

boutoit l'alesne ardent. Sy

la

ne met-

alesnes et aiguilles ardans par les sourcilz le front

la

qu'elle

si

povoit la teste remuer ne çà ne là , et puis lui

par les temples, et par

à

pour sa

voulsit prier

preudomme en

le

et toutes-

;

deut morir dedueil et de

luy vint en advision (Jue un ange

;

femme

chevalier eut la tierce

et furent grant pièce

,

et

jusques à la cervelle,

chascune

foiz qu'il lui

demanda pourquoy on

luy faisoit cette grant douleur, et l'ange lui respon-

doyt que

c'estoit

pour ce qu'elle avoit

sourciz et ses temples

,

et

affaitié

son front creu

,

ses

et arra-

chié son peil pour soy cuidier embellir et pour plaire

au monde, et

qu'il

convenoyt que en chascune

place et pertuis dont chascun poil avoit esté osté

que chascun jour continuellement y poignist

l'a-

no

Le Livre

lesne ardant. frir

Et après , quant

il

luy ot

souf-

l'ait

ce martire, qui moult longuement dure,

autre

annemy moult hideux

ses et aiguës

la

,

un

vint à grans dens hideu-

prendre au visaige et luy broyer et

maschier, et après cela vint avecques grans bran-

dons de feu ardant luy enflamber saige

si

et

bouter en vi-

effrayement et douleureusement que Ter-

mite en avoit tout,

telle paour et hideur qu'il trambloit mais l'ange l'asseura et luy dist qu'elle l'avoyt

bien desservy

dy

:

Pour ce

si

;

demanda pourquoy

et

il

respon;-

qu'elle s'estoit fardée et peinte le vi-

saige pour plaire au

monde

,

et

que

c'estoit

un des

pires péchiez qui feust et qui plus desplaisoit à Dieu

car c'estoit pechié d'orgueil, par lequel l'en attrait le

pechié de luxure et tous aultres péchiez mortelx

dont

le

monde

périt par le

déluge

depuis plu-

et

sieurs citez en sont arses et fondues en abisme

sur toute rien

ma, dont l'en

il

,

car

desplait au créateur, qui tout four-

se veult donner plus grant beaulté

nature ne luy apporte

,

et si

ne

souffist

pas à

que

homme

ne à femme estre fait et compassé à sa saincte ymaige où les sains angels tant se délitent; car si Dieu eust voulu, de sa sainte pourvcance, elles n'eussent pas esté

femmes,

ainsçois les eust faictes bestes

mues ou

serpens. Et donc pourquoy regardent-elles à la grani

beauté que Dieu leur a

faictes, et pourquoy mestentou à leurs chiefs aultre chose que Dieux leur a donné. Et pour ce n'est-il mie de merr

elles à leur visaige

veilles se elles

dist l'angel et

,

l'a

vous verres

endurent ceste pénitence , car ceste bien deservy, et alez veoir le corps le visaige

moult effrayé

Sire, dit l'ermite, sera-elle guères

en

et hideux.

cellui tour-

m

DU Chevalier de La Tour, ment? Et lange

dist

mil ans,

:

descouvrir. Maiz quant

don de feu ou visaige

,

et. plus

Tennemy la

ne

lui

en voult

lui mettoit le

bran-

povre ame se escrioit

,

et

doulousoit et maudissoit Teure qu'elle avoit onc-

ques esté engendrée, Et de la paour que

et esloit foible et douloureuse.

le saint

veilla tout effrayé, et vint

son advision, et dont et ala veoir le corps

Mais

le visaige

en

hermite en eust

il

se es-

au chevallier et lui compta

moult esbahy, que Ton vouloit ensepvelir.

le chevalier fut

estoit si noir, si let et si orrible

veoir que c'estoit grant affliction.

Adonc

à

creut-il bien

que c'estoit voir ce que son oncle l'ermite luy avoit dit. en ot grant horreur et abhominacion et pitié ensemble, et tant que il laissa le siècle, et vestoit le vendredy et le meccredy la haire, et donna le tiers de toute sa revenue pour Dieu, et usa de saincte vie de là en avant, et ne luy chailloit des boubans du monde, tant fust effrayé de ce qu'il avoit veu de sa femme derrenière et de ce que le preudomme lui avoit dit Si

qu'il avoit

veu.

D'une princesse.

Chappitre t

,

LIII<^.

pour affermer cest exemple, comment

peut bien estre vraye, je vous en compteray d'un autre, lequel n'a gaires advint. Je vy une baronnesse bien grant elle

dame

,

laquelle l'en disoit qu'elle se fardoit, et

vy

LE LIVRE

112

celluy qui luy bailloit chascun an telle chose, el

bonne pension par chascun an, si comme fut un temps moult honnourée et moult puissante. Sy morust son seigneur et vint en abaissant de son honneur et estât et fut un temps que elle avoit plus de Ix. paires de robes, sy comme Ton disoit. Mais depuis, à la parfm, elle s'en passa bien à moins et en ot bien petitement dont j'ay oy raconter à plusieurs que quant elle fut morte, son visaige devint tel que Ton ne sçavoit que c'estoit ne quelle contrefaiture ; car ce ne sambloil point visaige de femme, ne nul ne le prist pour visaige de femme, tant estoit hideux et orrible à veoir. Sy pense bien que le fardemcnt de la painture, qu elle avoit d'elle il

disoit

en son privé. La dame

,

,

,

vouloit faire et mettre en elle , estoit l'achoyson de cellui fait.

Pourquoy, mes belles

prenez cy bon exemple et

filles,

le retenez

je

vous pry,

en vos cuers,

et

ne adjoustez à vos faces que Dieux a faictes à sa sainte ymaige, fors ce que luy et nature y ont mis; ne rapetissiez voz sourcilz ne fronts, etaussyàvos cheveux ne mettez que lessive car vous trouverez, de divin miracle, en l'esglisede Nostre Dame de Roche ,

:

madour les qui

que en

plusieurs tresces de s estoient lavées

piires lessives,

dames

en vin et

et

pour ce

rent entrer en l'esglise jusques à

eurent

Ce fait que ce

et

de damoisel-

en autres choses elles

tant

ne peu-

que

elles

copper leurs tresses, qui encore y sont. est chose vraye et esprouvée. Et sy vous dy

fait

fut très grant

qui elle les monstra

:

amour à monstrer à

celles à

car la glorieuse vierge Marie

ne vouloyt pas qu'elles perdeissent leurs pas, leur travail ne leurs pellerinages ne que elles fcussent ,

h3

DU Chevalier de La Tour. perdues pardurablement leurs folies et les

moult bel exemple

sy leur voult monstrer

;

ramener de perdicion. Sy est cy et mirouer, et moult évident à

ouïr, et à concevoir, et à veoir à toutes

manières de

femmes pour le temps à venir, et pensez comment de Taagedu temps de Noë, que tout le monde noya et perist par les orgueilleuses deffaictures

et les des-

,

femmes

guisures, et par les fardemens des folles

dont

les lecheries

quoy

ilz

viij.

et viles

luxures yssirent

furent tous et toutes perilz et noyez

par

,

,

fors

personnes sans plus.

De

la

femme

Chappitre

'

Loth» LIIII*.

n exemple vous diray de la femme Loth que Dieux avoit gettée de Gomorre elle ,

I

et

son seigneur, et troix de ses

filles

,

et

Dieu luy avoyt deffendu qu'elle ne regardast point derrière elle

;

mais

elle

n en

fist

riens

,

ainçoys y regarda, et pour ce devint comme une pierre , tout aussy comme Saint Martin de Verto,

quant

il

fist

fondre la cité de Erbanges

,

qui estoit

en Teveschié de Nantes, laquelle fondy par de luxure et d'orgueil, aussy comme fist la

Loth fut sauvé, cités que Dieu

en abysme,

c'est fist

le

pechié

cité

dont

de Gomorre, Sodomc,etautres v.

ardoir par feu de souffre jusques

et devindrent lac et

perilz, et la cause fut tout

pour

eau

,

le vil

et furent tous

pechié de lu-

Le Livre

ii4 xure, queja ne

fait

à nommer, qui put tant ordement

pueur en va au ciel et beslourne tout le ciel de nature. Sy en furent vij. cités arses de fouldres puans pour ce que ilz usoienl de Torde ardeur du feu de luxure. Car qui le povoit faire si le

que

la

et toute l'ordre

faisoit et s'en efforçoyt

ne raison de nature,

de

le faire,

et tout aussy

sans y garder loy leurs cuers

comme

estoient ars et espris de celluy vil pechié et feu de

luxure

,

nostre Seigneur les ardy eulx et tous leurs

biens par fouldres de feu et de souffre horrible et puant. Et ainsi l'autre, et ce fut la

vengence et

feu de luxure fors

du

qui tant est

,

Tune chaleur la

fait

attrait

pugnicion de Dieu le

comment l'en

père. Si est bel exemple

du

,

se doit garder

de mariage

,

qui est

commandement de Dieu et de sainte Eglise. Après ce que la femme Loth regarda derrières elle pour veoir le

tourment des pécheurs qui perissoient par celluy si fist contre le commandement de

feu de fouldre, et

Dieu

et la deffense qui luy avoit esté faite, et fust si-

gnifiance à ceulx

par

fois

que Dieux délivre de

de pechié mortel,

c'est

péril et oste

à ceulx à qui

il

donna

grâce de eulx confesser et de repentir, et quant

ilz

sont nettoiez et confessez, et que l'en leur a deffenduqu'ilz ne regardent point derrière eulx, c'est à dire

que

ilz

ne retournent plus en pechié

dent nettement dorénavant, arrière à leur pechié

,

ou en

et

que ilz se gar-

et puis ilz fait

ou en

retournent

dit, et

mettent arrières au péril et en l'ordure où

ilz

se re-

estoient,

tant que ilz dcvendront pierre et néant et plus que néant, si comme elle fist. Je vouldroye que vous ,

,

sceussiez l'exemple de la dame qui laissa son seigneur,

qui estoit moult bel chevallier, et s'en alaavecques un

DU Chevalier de La Tour. moigne

et les frères d'elle la

,

ii5

ppursuyvoient

et la

,

quistrent tant qu'ilz la trouvèrent la nuit couchiée

avecques

moigne

le

moigne.

coppèrent les choses du

Si

au visaige de leur suer, et

et les jettèrent

puis les mistrent tous deux en

un grantsac,

et grant

foyson de pierres dedens, et les jettèrent en un estanc, et ainsi furent tous

vaise vie mauvaise fin

vient

que une

:

fois soit

Des

deux

perilz

car c'est

;

mau-

car de

un pechié qui con-

sceu ou pugny.

filles

Lotk.

Chappitre

LV*.

ncore vous diray-je un exemple des Loth,

comment l'ennemi

les

tempta

filles

vilain-

ncment. Elles virent leur père tout nu sans braies

de sa compagnie,

;

si

furent toutes

vont entreprendre à eny vrer leur père rent et le firent tant boire que se couchièrent et

deux temptées

et s'entredescouvrirent leur fait, et

si

il

;

si le

festoyè-

fut yvre, et lors elles

se mistrent delez lui et l'esmurent

à fornication, et tant

qu'il les

despucella toutes deux,

que ce feussent autres qu'elles, et ainsi feut deceu par vin. Si est moult périlleux pechié de gloutonnic que de vin, et en avient moult de maulx ; car

il

cuidoit

et toutesfoiz elles engrossèrent toutes

deux

fils,

dont

les

dont l'un eut

nom Moab

deux

et

et l'autre

eurent

Amon

païens et la mauvaise loy descendit d'eulx.

Et moult en vint de maulx par celluy pechié. Et dist

1

Le Livre

16

que

l'en

elles se cointièrent et s'enourguillèrent, et

pour ce l'ennemi

tempta plus ligierement à

les

faire

celluy vil pechié, et dist l'en que l'une en atiza l'autre

par mauvaiz conseil. Et pour ce que vous sceussiez l'exemple de la foie damoiselle, qui, pour un chapperon que un chevalier et ainsi l'autre le fist

je vouldroye

luy donna, elle

que sa dame

tant et bargigna

fist

sa volenté et que elle la

avint tel meschief que

gneur avoit nourry

,

deshonnourer

fist

au

fort

,

un

varlet

;

fist

dont

que

il

le sei-

s'en apperceust et le dist à

son

seigneur, et le seigneur s'en mist en espie, tant que il

trouva

le fait. Si occist le chevallier

avecques sa femme,

que

estoil

;

le

si

que

il

trouva

mist en chartre

il

mourut doulereusement. Sy ad-

perpétuelle, où elle vint

femme

et sa

seigneur passât devant la chartre où elle

l'escouta et elle se doulousoit en soy et

maudissoit qui lui avoit ce

fait faire

neconseillié. Et

envoya sçavoir qui esloit celle qui le conseil luy avoit donné, et elle descouvry sa damoiselle. Et alors

il

lors le chevalier la

manda

fist

venir devant luy et luy

qu'elle deist vérité, et

vérité et qu'elle en avoyt eu

gneur luy envoya querre vist,

sy lui dist

:

«

Ma

» chapperon et pour

le

au

com-

fort elle luy dist la

un chapperon,

chapperon,

et,

damoiselle, mal

et le sei-

quant il

le veistes

le

ce

pou de chose vous estes deffaicte ma tristesse, et je juge que le

» et avez esté cause de

» col et le chapperon soit couppé tout ensemble. » Si

luy

fist

vestir et

ensemble,

coupper

le col et le

et ainsy fut fait ce

chapperon tout

jugement. Sy regardez

comment il fait bon prendre bonne compaignie et femmes de service nettes qui n'ayent eu nul blasme car ceste damoy selle n'avoit pas esté trop saige, com;

h;

DU Chevalier de La Tour, me

Et pour ce est bonne chose de prendre

l'en dit.

bonnes femmes

et

conseillent trop de folle

suer des

filles

nettes; car mauvaises femmes mal à juenne dame, comme fist la

Lolh

comme

et

fist

celle folle da-

moyselle, qui en eut son guerredon et sa desserte.

De

la fille Jacob.

Cbappitre

un autre exemple de

e vous diray

Jacob l'ostel

qui

,

,

de son père

il

la fille

par sa joliveté de cuer, laissa

veoir Tatour des

autre pays. Dont

LVI*.

avint

et

de ses frères pour

femmes

et Tarroy d'un

que Sichem,

le filz

de Amon,

qui estoit grans sires, la regarda et vist qu'elle estoit belle, et si la pria cella. Et,

quant

drent là et

et le

amour, tant

qu'il la

despu-

luy et le plus de son lignaige

du pays, pour

de leur suer, qui

mal

folle

le occistrent,

et de ses gens

resgardez

de

les xij . frères d'elle le sceurent, si vin-

la

honte que

ilz

eurent

ainsi avoit esté despucellée.

comment par

foie

femme

Or

vient le grant

dommaige, car par sa juennesce

et

par son

legier couraige advint celle grant occision, toutaussy

comme fiole

il

fut

amour

et

de

la fille

au roy de Grèce, qui, par sa

par folz semblans, elle accointa le

d'un conte, qui l'engroissa list

guerre au conte,

et

,

dont

le

filz

roy son père en

en morut plus de mil person-

nes, et eust la guerre cncores plus duré quant le frère

du

roy, qui saiges estoit, vint au roy son frère et lui

iiS dist

« Sire, je

:

Le Livre me merveille moult

» et le délit de vostre

» chevalier »

Il

fille

que pour

l'esbat

a esté perdu maint

bon

maint bon preudomme par sa joliveté. vous vaulsist trop mieulx que elle n'eustoneques et

» esté née. » Et lors dist

donc si la

prendre sa

il fist

le

fille

roy qu'il disoit voir. A-

par qui

le

mal

avoit esté,

fistdespecier d'espées par menues pièces, et

de-

puis dist devant tous qu'il esloit bien raison qu'elle feust ainsi despeciée

par qui tant de bonnes gens

,

avoient esté mors et occis.

De Thamar, qui fust femme Honain.

Chappitre LVIK que vous oyez l'exemple de Thamar, qui fut femme Honain, qui estoit filz e vueil

Juda,

filz

de Jacob

et frère

de Joseph.

Cestui Ho;iain fut trop pervers et félon et

de mauvaise

vie, laquelle je

dont Dieux voulst

qu'il

piteusement. Et quant

dont

elle n'avoit

pensa que

le

ne vueil pas toute dire,

en morut soudainement et

Thamar

se vit sans seigneur,

oncques eu lignée ne enfant

,

se

père de son seigneur engendroit bien

et qu'il n'estoit pas

brehaing

,

pour ce convoita à

et

avoir sa compaignie folement et contre la loy. Et tant

fist

et le

une nuit avec luy, engendra deux enffans, dont l'autre Amon dont moult de

qu'elle vint couchier par

deceut tant

qu'il

l'un et

nom

mal en

vint et mainte tribulacion

Phares

et

,

;

car les enfans qui

DU Chevalier de La Tour,

119

sont mal engendrez et qui ne sont de loyal mariage ce sont ceulx par qui sont les guerres et par qui les

ancesseurs sont perduz. Parquoy je vouldroye que

vous sceussiez l'exemple du roy de Napples. Il est contenu es croniques de Napples qu'il y ot une foie royne qui ne garda pas son corps nettement ne loyal-

ment à son seigneur,

un

filz

Si advint

que

et tant qu'elle conçut

d'ung autre que du roy son seigneur.

mort du roy,

icelluy fut roy après la

en eage

ne ses chevaliers noit

amendes

,

ainçoys leur fut dur et

il

fust

,

pre-

fel, et

femmes et usoit tellement que il encommença guer-

et tailles

de mauvaise vie

,

et efforçoit

res à ses voisins et à ses barons, et tant

me

quant

et

fut fel et aigres, et n'amoit point ses barons

il

que le royaul-

en povreté par moult long temps. Si avoit un baron moult preudhomme et moult bon fut

en

essil et

chevalier, qui ala à

un hermitaige où

avoit

un

saint

hermite moult religieux et qui moult sçavoit de choses. Si lui

comment

ilz

demanda

le chevalier

pourquoy ne

avoient tant de guerre au pais, et se elle

dureroit gaire. Et le saint hermite respondy »

il

convient que le temps

» voir, tant !>

comme

ait

son cours

cest roy durera et

,

un

:

« Sire,

c'est

sien

assa-

filz,

la

tribulacion ne cessera, et vous diray pourquoy. Il

» est ainsi

que cest roy

n'est

pas droit hoir, ains est

pour ce ne puet-il jouir » de son royaume ne de l'amour de son pueple, et » convient que lui et son royaume ayent douleur et )) tribulacion tant comme faulx hoir y soit mais son » advoultre et emprunté

,

et

;

»

filz

n'aura ja hoir, et là fauldra la faulce lignée

» et reviendra le royaulme » fauldra la pestillence et

aux drois hoirs vendra paix

,

et lors

et toute

ha-

Le Livre

120

» bondance de biens ou royaulme. » Et, ainsi le

preudomme

plus

,

seroit

que

car

il

le dist

ainsi avint

,

et

comme

encore

dist-il

parla de la faulce royne sa mère, laquelle

pugnie en ce siècle et en

la

;

femme du roy son

l'autre

filz

,

c'est assavoir

lencuseroit vers son

seigneur que elle se coucheroit avecques un de ses prebstres

semble

et

,

que son

filz

et les feroit tous

naise. Et ainsi

comme

le roy les trouvcroit endeux ardoir en une four-

homme

saint

le

le

dist

il

exemple à toutes femmes de soy tenir nettement en son mariage car pour faire un faulx hoir il advient tant de mal et de tribulacion au paix où il a seigneurie ; car par les faulx hoirs se perdent les seigneuries, et les mères en sont dampnées perpétuellement en enfer, tant comme lesenfans en tiendront point de la terre de leur parrastre, advint, et pour ce est bel

:

c'est-à-dire

du mary de leur mère.

Cfparle de la femme du roy Pharaon et de Joseph le filz

Jacob.

Chappitre elles filles

,

LVIII*.

je vous

diray

un exemple

d'un grant mal qui vint par regart et

par

folle

à Joseph

vendu par

plaisance, le

filz

si

comme

Jacob

,

celui

il

advint

qui fut

ses frères au roy Pharaon. Cellui Joseph

estoità merveilles beau

son bon service

le

filz,

saigeet humble, et pour

roy l'amoit moult et lui ha-

DU Chevalier de La Tour. bandonna touz

Tama mer-

regarda, qui le vit bel et juenne; sy

le

veilleusement de folle amour, et

de

signes d'amours

folz

folz

121

de son royaulme. La royne

les biens

semblans, et quant

lui

monstra moult

par regars et par autres elle vit

que

n'y vouloit

il

entendre ni se consentir à sa mauvaise volenté , elle

en

fut toute forsenée, et tant qu'elle l'appella

chambre et le pria de foie amour. Maiz preudomme, luy respondi que jà il ne envers son seigneur. Et quant elle

courrouça

aux poins par

et le prist

qu'il la vouloit efforcier, et lors le

en

ce

,

Dieu

,

le

roy

en sa

qui estoit

seroit traistre

vit cela

,

elle se

mantel et s'es-

que tous vindrent ,

cria à la force tant

et mettre

lui,

et elle dist

le fist

prandre

ety fust longtemps. Et après

la chartre,

qui ne l'oublia pas pour sa bonté

,

le fist

grand maistre que par avant ou plus amé et plus honnouré. Et pour ce

délivrer, et fust plus

royaume et est cy bon exemple que Dieux ,

justes et ceulx où

royne

il

punye; car morut mauvaisement fut

reliève tousjours les

treuve loyaullé il

,

et la faulce

ne demeura gaires qu'elle

et

souddainement de maie

mort. Et ainsi Dieu guerredonne à chascun son mérite.

Et pour ce est cy bon exemple de bien faire

car oncques de bien faire ne vint que bien et

;

hon-

neur ; ainsi, comme dit l'Euvangille, il n'est bien qui ne soit mery et mal qui ne soit puny. Car de faire faulx hoirs ne viendra que maulx et tribulacions es lieux

poesté

où ,

ilz

et les

seigneuriront et dont

ilz

auront la

doulereuses mères seront livrées à la

grant mort d'enfer, ne jamais n'en istront tant comme les advoultres qu'eles ont fais tendront terres ne biens

du mary leurs mères. Et c'est chose vraye,

si

comme

122

Le Livre

.

plusieurs qui sont resuscitez le tesmoignent, et la sainte Escripture

d autre

part.

Cy parle des

filles

Moab.

Chappitre LIX^. n autre exemple

vous

vueil

malvaises femmes de jadiz,

dire

des

comme des fd-

Moab. Vous avez ouy comment Moab faulsement engendré contre la loy, et voulentiers de mauvais arbre ist mauvais fruit. Car les fut

ses fdles furent folles et plaines de pechié de luxure.

Dont

il

advint que Balaam

grever lost des folles fdles l'ost

de

filz

Israël

,

,

qui estoit payen

fist

très riches draps, et puis les

des Ebrieux

,

les faire pechier et

pour

envoya en afin de

pueple de Dieu

c'estoit le

,

cointir et parer celles

,

de mettre Dieu contre eulx en

si vindrent moult ceintes et moult jolives en Sy en y ot moult qui furent temptez et en firent leur fol delict , dont les princes de l'ost n'en firent point semblant et Dieu s'en courrouça et manda

yre

;

l'ost.

,

par Moyse que les princes qui celle iniquité avoient faiste

et

soustenue

mort, dont Moyse

commandé,

fit

feussent crier le

penduz et mis à ban que Dieu avoit

et ainsi fut fait, et plusieurs furent occis

pour celluy fait et vil pechié de luxure. cy grant exemple aux chevetaines des ostz

et deslruiz Si est

qui sueffrent à faire force et qui sueffrent les grans ribaulderics, et pueentveoir

comment il endesplaistà

DU Chevalier de La Tour. Dieu

le père, et la

commandement

pugnicion qui en fut

et

,

en ad viennent,

comme

,

et

comme ouy

le

i23 par son

puet len bien veoir comment

pechié desplait à Dieu

rez, si

faitte

compte

comment avez et

tant

tel

de maulx

comme vous

or-

la Bible et la sainte Escrip-

ture.

Cy parle de

la fille

Chappitre |i

Madiam. LX*'.

comme

vous diray un autre exemple

tre foys

en advint en Tost des

fîlz

|c'estoient les Juifs, qui estoient

au-

Ysrael,

peuple de

Dieu et tenoyent sa loy. Sy avint que la fille

Madiam, qui païen

loy, celle

gay que

fille,

estoit, et

elle se cointit et vint

ce sont les

fils

d'Israël. Elle fut

richement parée le harnoiz, c'est délit, et tant

,

et

si

joly et si

en Tost des Ebrieux, cointeetjolie et moult

ne venoit que pour

le

cheval et

à dire pour soy faire acomplir son

advint que un chevallier de

lequel en fut legierement tempté fit

des nobles d'icelle

qui fut templée, ot le cuer

,

l'ost la vit,

et tant

que

il

la

venir en son logiz et fit son délit avecque elle. Et

comme

il pleust à Dieu il envoya Finées qui esun des meilleurs chevalliers de l'ost et l'un des plus grans chcvctaines, et estoit nepveu Aaron. Cellui oyt dire que telle iniquité se faisoit en leur ost, comme avecque une payenne qui n'cstoit pas de leur

si

,

toit

loy. Si vint

courant Tespée nue et les trouva ou

fait;

Le Livre

124 si les

va tous deux percier l'un sur

l'autre, et

rent villainement et ordement. Si avoit

nom

moru-

le

che-

Zambry, du lignage Syprinces de la loy. Mais pour

vallier qui faisoit la follie

meon, qui ce ne

des

estoit

fust-il

xij.

pas espargnié; car les princes et les che-

vetaines de l'ost

,

qui veoient

comment Dieu

ouvroit

pour eulx qui combattoient à dix tant de gens que ilz n'estoient, et que toute la victoire et le sauvement que ilz avoient leur venoit de la grâce de Dieu et de appert miracle

et

,

en lyre de Dieu, justice

,

car

il

pour ce avoient paour de cheoir en ceste cause tenoient-ilz bonne ,

et

n'estoit

pas rayson que leurs gens se

couchassent avecques gens d'autre loy,

comme

les

Crestiens avecque les Juifz et Sarrasins. Et aussy

ilz

se tenoient nettement et loyaument en la crainte et

en l'amour de Dieu,

et

les garantissoit des

grans perilz, ne ja n'eussent à

faire à si grant

mes que

ilz

Dieu leur donnoit victoires

nombre de pueple ne de gens

et

d'ar-

ne venissent au dessus. Et pour certain,

ce que Dieu veult garder nulle chose ne lui peut nuyre, et povez bien veoir comment Dieux het le pechié de luxure et

comment

il

veult qu'il en soit

puny, laquelle chose convient que cle ou en l'autre.

soit

ou en

<;e siè-

DU Chevalier de La Tour.

De Thamar,

du roy David.

la fille

Chappitre mes

ncores,

comme

si

Amon

loy, et

advint de Thamar,

,

Amon

pour acomplir sa mauvaise voulenté ,

regardoit de faulx regart et puis

despucella. Et quant Absalon ,

le sceut,

fine ire et

il

en

que ,

il

la

baisoit et

Teschauffa et la

son frère de père et , de

fut tout forsenné et yré, et

courroux

il

occist

son frère

Amon

celle deloyaulté avoit faicte à sa suer, et

moult de mal,

ment

toute

honneur

et

et

se

il

à sa suer, et

faisoit servir

acoloit, et tant fist petit à petit

mère

despucella.

tempté contre Dieu et contre la

fut

faingny estre malade et se la

il

au roy David, que son frère

Celluy

un

doit pas

tant soient ses parens ne ses pro-

chains ne autres, fille

comment Ton ne

demourer seul à seul avecques

estre ne ,

LX!**.

chières filles, vous diray

autre exemple

nul

126

qui

,

en vint

pour ce a cy bon exemple comqui veult nettement garder son

femme

son estât ne doit point demeurer seul à homme vivant, fors avecques son

seul avecques nul

seigneur ou avecques son père ou avecques son et

non avecques

aultrcs

,

car trop de

maulx

fils

et

de

tentations en sont avenues, dont, se jevouloye, je en

raconteroie moult de telles de qui Ten dist qu'il leur est

mal

pris et de leurs prouchains parens.

grant péril de se

fier

en nul

;

Sy

est

car l'ennemi est trop

Le Livre

126

soubtilz, et la char qui est

juenne

à tempter,

doit l'en garder

pour ce se

et

gaye

est aisiée

en toutes gardes et prendre le plus seur chemin, dont je vouldroye que vous sceussiez comment il en prist à une mauvaise femme qui estoit femme d'un cordier qui et

faisoit cables et

une bonne

mer en

cordes à gros vaisseaulx de

ville.

D'un bon homme qui estoit cordier.

Chappitrk homs

ns bons Si avoit

LXII*^.

estoit qui

une femme qui

saige ne qui ne gardoit

estoit cordier.

n'estoit

pas trop

pas sa loyaulté

vers luy, ains par une faulse houlière qui pour un bien pou d'argent la iist folaier, et s'accorda à un prieur qui estoit riches grans maistres et ,

luxurieux petiz

joyaux

saige que foiz

;

car la convoitise d'un petit don et de la fist venir

femme

que celluy prieur

estoit

avecques

elle, et, ainsi

chambre,

le feu

mary veu si

yssir gent.

en

se

le vit yssir

c'estoit

fait, et

venus couchier par nuit il s'en yssoit de la

comme

;

si

tant

que

le

s'effroya et dit qu'il avoit

La femme en

en grant

pour ce dist le Sy advint une

print à alumer, et

hors

l'ennemy ou

fut

au

qui prcnt se vent.

fist l'effraiée

le luitin.

Iristesce et

Dont

le

et dist

bon

que

homme

en grant merencoUie.

La femme, qui fut malicieuse, alla à sa houlière et à sa commère et leur dist son fait. La houlière, qui es-

DU Chevalier de La Tour. toit faulse,

cordons à

regarda

qu'il aloit et-venoit,

Sy vint

faire la corde.

127

portant ses

commança

et

à tiler

à une quenouille de layne noire. Et puis, à l'autre retour que le

bonhomme

faisoit

,

elle

en prenoit une

homme, Ma commère, il me semble

autre de laine blanche. Sy luy va dire li bons

qui estoit plain et loyal

que vous elle,

mon

:

a



Ha, distmaintenant laine noire. compère, vrayement non faisoye. » Après

filliez

revint l'autrefoiz, et elle avoit prins l'autre

il

nouille et

il

regarda et va dire

:

«

Comment

,

quebelle

commère, vous aviez maintenant blanche quenouille. biaux compère, dist-elle, que avez-vous? en bonne foy il n'en est riens. Je voys que vous estes tout mourne et bestourné ; car vrayement il a esté anuyt jour et nuit, et, en vérité, l'en cuide veoir ce que l'en ne voit pas, et je vous voy moult pensif. Vous avez

— Ha,

,

aucune chose.» Et dist voir, lui

bonhomme,

le

va dire

« Par Dieu

:

j'ay anuit cuidié veoir je tre

chambre.

qui pensa qu'elle ,

belle

ne sçay quoy

— Ha mon doulx amy

en bonne foy ce n'est que

,

commère

issir

de nos-

dist la vielle

la nuit et le

jour qui se

bestournent. » Si le va tourner de tous poins et appaisier par sa faulceté.

Après une aultre foiz lui avint que il cuida prendre une poche aux piez de son lit pour aler au marchié à iij leues d'illec, et il prist les brayes du prieur, et les troussa à son eisselle. Et quant il fut au marchié et .

il

cuida prendre sa poche

il

fut trop dolent et couroucié.

cachié en la ruelle du

brayes, toit

il

lit,

,

il

,

dont

Le prieur, qui

estoit

prist les

quant

il

brayes

cuida trouver ses

n'en trouva nulles, fors la poche qui es-

de costé. Et lors

il

sceut bien que le

mary

les

Le Livre

128

femme à grant commère de rechief et luy compta

avoil prinses et emportées. Si fut la

meschief,

son

fait,

dist

et ala à sa

et

pour Dieu que

y meist remède.

elle

Si lui

« Vous prendrès unes brayeset je en prendray

:

unes autres

,

et je lui diray

que nous avons toutes

preudomme

braves, et ainsi le firent. Et quant le

fut

revenu moult dolent et moult courouciez, sy vint la

commère le

faulse il

faisoit

demanda quelle chière

veoir, et lui

mon compère,

Car,

:

me

dist-elle, je

double

que vous n ayez trouvé aucun mauvais encontre ou Vrayemcnt,dist que vousn'aiez perdu du vostre.



le

bonhomme,

je n'ay riens

perdu

autre pensée. Et au fort elle

comment Touy,

il

avoit trouvé unes brayes

commença

elle

mais je ay bien

;

tant qu'il luy dist

fist

,

quant

et,

à rire et à lui dire

Ha

:

elle

mon

,

chier compère, or voy-je bien que vous estes deceu et

en voye d'estre tempté

femme vostre

que

plus preudc ,

;

car , par

femme en

ma

foy

ceste ville

,

ny a

il

que

est la

ne qui se garde plus nettement envers vous

elle fait.

Vrayment

,

elle et

moy

et aultres

de

ceste ville avons prises brayes pour nous garder de

ces faulx ribaulx qui parfoiz prennent ces bonnes da-

mes a

cop,

et, afin

que vous sachiez que

c'est vérité,

regardez se je les ay. Et lors elle haulsa sa robe et luy monstra

comment elle avoit

brayes, et

il

regarda

et vit qu'elle avoit brayes et qu'elle disoit voir

crut, et ainsi la faulce

Mais au car le

fort

il

bonhomme

commère

la

sauva par

;

si la

ij.

foiz.

convient que le mal s'espreuve

;

se prist garde qu'elle aloit moult

souvent chiez cellui prieur et s'en donna mal cour-

roux sur

;

si

l'ueil

luy va deffendre qu'elle ne fust sy hardie

de la

teste

que plus

elle n'y alast.

Sy ne

DU Chevalier de La Tour.

129

poingnoit.

comme Tennemy et la temptacion la Si advint que le bon homme fist semblant

d'aler hors

;

s'en peut tenir,

mussa

se

si

cacha en un lieu secret

et

femme

et tantost la foie

ala chiez le prieur, et son

seigneur ala après et la ramena et luy distque male-

ment

commandement. Sy ala en marchié à un cirurgien de renouer

avoit tenu son

ville et fist

jambes cassées,

quant

il

eut

vint à son hostel. Si prist

un

et

fait

la ij.

son marchié il re-

pestail et rompist les

deux jambes à sa femme et luy dist «Au moins tendras-tu une pièce mon commandement, et ne yras :

plus où il

il

eust ce

me

voya querre derrenier

ma deffencc.» Et

desplaist oultre

fait,

il

le

la prist et la mist

la

moqua

s'en voulst chastier, ains,

;

car

et fist

toutesfoiz

il

;

quant

sy en-

quant

il

lui

fist

elle fust aussi

semblant de dormir

escouta tant que

il

tant

pechié qu'elle ne

fol

guerie,le prieur vint à elle, et le

doubta

lit

mire, et fust là une grant pièce. Et au

Tennemy

trouver de foie plaisance en son

me

en un

et

ouyt

com-

homme

bon

de ronffler

faire

à sa

s'en ,

et

femme

que le fait estoit que il perdit toute mémoire et tira tout bellement un long coustel à pointe et jetta hastivement de la paille ou feu et, ce fait, quant il le vit , si fiert à coup, et va coudre et percier tous deux ensemble jusques à la couste et les occist en cellui vil pechié. Et, quant il eust ce fait, il le villain fait, et

vray. Et lors

il

il

tasta, et trouva

fust si forsené

,

,

appella ses gens et ses voisins et leur monstra

envoya querre

le fait

Sy en fut tenu pour excusé, et se mcrveillèrent moult les voisins pour ce qu elle s'estoit tournée à amer cellui prieur, qui estoit gros, gras, noir et lait et mal gracieux et son et

la justice.

,

Le Livre

i3o

et bon homme , saige et preumaiz aucunes femmes ressemblent à la louve, qui eslit son amy le plus failly et le plus

mary

domme

lait

;

juenne

estoit

et riche

;

ainsi le fait la folle

femme

par

pechié et la

le

temptacion de Tennemy, qui tousjours

attire le

cheur

,

et la

comme

le

pécheresse à pechié mortel

pechié est plus grant,

plus grant puis-

a-il

sance sur les pécheurs. Et pour ce

qu'il estoit

me

,

de religion et

femme mariée

la

pé-

de tant

et

hom-

estoit le pechié

greigneur; car pour certain, selon l'escripture et selon ce que Ten en puet veoir partout visiblement, se

une femme sanc

,

à son parent ou à son compère, de

le fait

comme

tant

parent lui sera plus près de chair et de

le

de tant sera-elle plus

plus ardante laiz et à

mie. Et

et

,

fort

temptée

et

en sera

aussy à gens d'esglise que à gens

gens mariez plus que à autres qui ne ainsi,

comme

de tant

lain et plus horrible

le

de tant est

,

le

sont

pechié est plus villa

temptacion plus

ardente, et y a plus de foie et de mauvaise plaisance,

pource que Tennemy y a plus de povoir en un grant petit. Et pource est bien dit

pechié mortel que ou

que

tant

Car

celle foie

va

la

cruche à leaue que

femme

le cul

y demeure.

avoit son seigneur qui estoit x.

fois

plus bel et plus gracieux que le moyne, et

toit

eschappée de

me

sa

vée

et garentie

commère ,

telz perilx,

comme

et sa houlière Tavoitij.

foiz

si

es-

femsau-

y estoit alée sur la defde rechief depuis la grant

et depuis

fensc de son seigneur, et douleur qu'elle avoit soufferte,

bes avoir rompues, tier.

la fausse

et

comme

des

ij.

jam-

encore ne s'en vouloit chas-

Et dont est-ce une chose vraie et esprouvée

que ce

n'est

que temptacion de l'ennemi qui

ainsi

DU Chevalier de La Tour. tient les ceurs

enflamblez de ceulx

ter et faire cheoir

en ces laz

et

qu'il

en celluy

luxure et aux autres péchiez mortels,

à celle foie pécheresse et à cellui

i3i

puet temp-

vil

pechié de

comme

fol prieur,

il iist

lesquelz

il fist mourir ordement et villement. Or vous ay monstre par pluseurs exemples de la Bible et de

gestes des

Roys

et d'autres escriptures

comment

le

pechié de luxure put à Dieu et les desguiseures des et comment le déluge en vint, et en fut monde pery fors que viij. personnes, et comment Gomorre et Sodome et cinq autres cités en foies

femmes,

tout le

furent arses de feu de souffre jusques en abisme, et

comment

et

de tribulacions en sont venues moult souvent par

le

monde

et à

en

Dieu

la

,

,

tant de

et

et

maulx

et

de guerres, d'occisions

comment la pueur en put aux angels comment les saintes vierges qui sont

grant joye au ciel se laissièrent de leur pure

voulenté marlirer avant que eulx y consentir ne faire pour dons ne pour promesse, si comme il est conte-

nu en leur légendes , comme do sainte Katherine de sainte Marguerite , de sainte Cristine de sainte Luce, et des unze milles vierges et de tant d'autres saintes vierges dont ce seroit grand chose à racon,

ter la

x**

partie de leur bonté et fermeté

de courage de

la

,

char et de l'ennemi

royaume de

de cuer

et

qui vainquirent toutes les temptacions ,

dont elles conquistrent

le

où elles sont en la grant joye pardurable. Or vousdy, mes belles filles, qu'il n'y a que faire qui se vieult garder nettement c'est amer Dieu et craindre de bon cuer et penser quel mal gloire

,

xiuelle honte, quelle doleur et

J)ieu et au

monde,

et

aviltance en vient à

comment on y pert l'amour de

Le Livre

i32 DieU) et l'ame

et

,

l'amour de ses parens et lamour

du monde. Sy vous pry moult doulcement comme très chières filles que vous y pensez jour et nuit

mes

quant mauvaises temptacions vous assauldront, et que soies vaillans et seures et résistez fort encontre, et regardez du lieu dont vous estes e quel mal et deshonneur vous en pourroil venir.

Cy parle sur

le fait d'orgueil.

Chappitre r vueil touchier

mes

LXUI*.

sur le

fait

d'aucunes fem-

qui se orguillirent des honneurs et

des biens que Dieu leur avoit donné et

ne povoient contenu en

souffrir à aise, si

la Bible. Il

d'un chevalier simple qui avoit

Apemena

fust belle et

comme

il

racompte de Apamena,

juenne

nom

et tant

,

est

fille

Béjart. Celle

que

le

Roy de

Surye, qui estoit moult puissant roy, la prist en amour, tellement que par sa sotize il la prinst à

femme, et fust royne, et quant elle se vit en sy grant puissance et sy honnourée elle ne prisa riens ses parens, et avoit honte et desdaing de les veoir ne encontrer, et devint foie et orgueilleuse sur toute riens,

mesmement ne

daingnoit-elle porter au

honneur comme simple

si

grant

et

,

parens du roy, tant fust orguilleuse et fièEt tant fist que toutes manières de gens la prin-

nourer re.

homme

Roy

pour ce qu'elle le veoît débonnaire et ne daignoit hon-

elle devoit,

les

DU Chevalier de. La Tour.

133

drent en hayne et tant qu'elle fust courroucée vers

ou adroit, par telle manière qu'elle envoyée par l'endictement des parens du roy. Et ainsy par son desespoir et par son orgueil elle perdit le grant honneur où elle estoit ; le roy, fust à tort

fust chassée et

car maintes gens et maintes frir

honnour ne

querre buchetes

aise et

,

et

souf-

ne finent d'ac-

langaiges d'orgueil et d'envie, et

tant qu'elles se mettent

ceste foie reyne

femmes ne pevent

ensemble,

du hault en bas comme

qui estoit venue

de

fist

petit lieu à

grant honneur, et ne le povoit souffrir; car toute

femme

qui voit son seigneur doulz et simple

grant malice, de tant

neur

;

lui doit-elle

,

sans

porter plustost hon-

mesmes

car elle s'en honneure luy

et

en a

plus de louenge et de honneur de ceulxqui la voient, et se doit plus tenir close et plus

simplement,

et

spy efforcier de garder et de tenir s'amour et sa paix, car les cuers ne sont pas tousjours en

un

vire et cheval chiet. L'on cuide par foiz

estât

que

;

pierre

tel soit

bien simple et sot, qui a malicieux cuer et dange-

reux

,

et

pour ce ne puct femme trop honnorer ne

obéir à son seigneur quel qu'il soit, puis que Dieu le lui a

donné. Je vous vueil dire l'exemple de

femme du roy Herodcs

la

une femme que il amoit moult merveilleusement. Sy ala à Rome, et advint que les gens de son ostel luy firent nuysance par devers son seigneur; car ilz ne l'amoient point, pource que elle estoit trop fiôre, et luy le grant. 11 avoit

rapportèrent qu'elle avoit un privé amy. Sy la des-

honnourèrent, dont Herodcs

fut

moult courroucié

et le luy reprocha, et elle luy respondit trop fière-

ment

et

orgueilleusement, et ne prist pas son sei-

Le Livre

i34

gneur par bel ne par courtoisie ne

comme

elle devoit.

si

humblement

Et son seigneur fust

fol et

des-

piteux de la ouïr parler ainsi orguilleusément

un coustel

;

sy

Sy en morut, dont il fust depuis moult courroucié, car il ne trouva pas la chose vraye ; et ainsi par son haullain langaige se fist occire. Et pour ce est bon exemple à toute bonne femme de estre humble et courtoyse et de respondre humblement et doulcement encontre Tire et corroux de son seigneur. Et ponr ce le saige Salemon dit que par courtoisie et doulces paroles doiprist

et la feryt.

vent les bonnes femmes abatre Tire et corroz de leurs seigneurs. Car le seigneur de son droit doit

avoir sur sa

femme le hault parler,

et especialment

en son yre devant

soit tort

yre passée, elle luy puet bien monstrer tort, et ainsi tendra la paix et l'amour

gneur

et

de son hostel

ne bastre , ne occire

me

,

,

ou droit, son

les gens, et, qu'il

avoit

de son sei-

ne ne se fera pas blasmer,

comme

fist

la

première fem-

au roy Herodes.

Cf parle de

la royne Va^tis,

Chappitre

LXHIK

e vous diray un autre exemple de la royne Vastis, qui fust

femme au roy

Assuère.

II

advint que le roy tint une feste avecques ses

barons, et là furent touz les grans barons

de sa terre. Sy mengièrent en une sale

et la

royne

BU Chevalier de La Tour.

i35

quant vint après disner, les barons distrent au roy qu'il lui pleust qu'ilz veyssent la royne, qui merveilleusement estoit belle ; le roy

en une audtre ,

la

manda une

et,

foiz,

ij.

daigna venir. Sy eust

demanda

foiz, le

iij.

foiz, et

oncques n'y

roy moult grant honte, et

que il feroit, et le que il la chaçasl vij ans hors de avecques luy, pour donner es autres exemple de mieulx obéir à leurs seigneurs. Et ainsi le fist le roy, et en fit une conseil à ses barons

conseil fust

.

loy que dès là en avant toute femme qui escondiroit son seigneur de riens qu'il lui conmandast et que ce feust chose raysonnable, qu'elle seroit vij. ans

en

mue

deffaulte

à petit ,

et

de viande pour

lui

monstrer sa

encore tiennent-ilz celle coustume en

celluy royaulme.

Sy eust honte

la

royne qui se

bouter en mue, et ploura et se doulousa n'estoit

;

mais

vit il

pas temps; car par son orgueil elle fust

mise en mue vij. ans. Sy devez ycy prendre bon exemple ; car, par especial devant les gens vous ,

conmandement de vostre seigneur et luy obéir et porter honnour et luy monstrer semblant d'onneur, se vous voulez avoir l'amour du monde. Mais je ne dy mie que, quant vous serez devez

faire le

priveement seul à seul largir

de dire ou

,

vous vous povez bien es-

faire plus vostre volenlé, selon ce

que vous saurez sa manière. Je vous diray l'exemet de sa propriété; quant la lyonnesce lui a aucun despit fait , il ne retournera plus à elle de tout le jour ne la nuit, pour chose qu'il aviengne.Sy lui monstre ainsi sa seignourie, et est bon exemple à toute bonne femme quant une beste sauvaige, qui nulle rayson ne scet fors que nature qui lui esmeut,

du lyon

,

Le Livre

i36

se fait craindre et doubter à sa compaingne.

Or rebonne femme ne doyt desne désobéir à son seigneur que Dieux 11 a

gardez dont plaire

comment

donné par son

la

saint sacrement.

Cf parle de

la

femme à Aman.

COAPPITRE it

LXV*'.

encores vous diray un autre exemple sur

cesle matière.

qui fust

Ce

de la femme à Aman,

fust

femme du

seneschal du roy, et

vint de néant et de petites gens; sy devint

riche par son service et acquist terres et possessions, et

gouverna aussy

quant

il

comme

le

si s'en orguillist et fust fier et

loit

que

luy

feist

plus

devint sy riche et que

il

du royaume. Et

eust tant de bien

presumpcicux, et vou-

lui et que chascun une grant révérence. Sy advint que Mardo-

l'en se agenoillast

cius, qui estoit

Ester, qui fut

devant

noubles homs et avoit nourry

bonne dame

la

et juste, et à cellui

roync

Mar-

docius desplaisoit sur tous l'orgueil el la presump-

homme,

qui estoit venu de néant. Si ne honneur ne soy lever contre lui ne nulle révérence, dont cellui Aaman en fust et s'en plaigny à sa femme. El sa femme,

cion d'icellui

lui daignoit faire

lui faire

bien

fel

qui fut d'aussy grant couraige et orgueilleuse lui, ly conseilla

que

hostel et que

le feist

il

il

aucun cas à sus. Et

feist

comme

lever un gibet devant son

pendre illecques,

le fol creust sa

y

et lui meist

femme à son

DU Chevalier DE La Tour. grant meschief, et quant

il

187

fust pris et le gibet fut

levé les amis de luy alèrent à la royne courant el

Aaman

lui

comptèrent comment

lui

qui l'avoit nourye. Et la royne y envoya tantost

pour celluy

fait et

vouloit faire à cel-

envoya querre

cellui

Aaman

si

;

vint devant le roy, et fust la chose bien enquise et

diligemment, tant

donc

qu'il fut

que

voit coulpe, et

trouvé que Mardocius n'a-

l'autre le faisoit

par envie. A-

royne Ester se agenouilla devant

la

seigneur, et requist que l'en

Aaman

le

roy son

feist autelle justice

de

pendu devant sa porte et ses vij enffans, pour monstrer exemple que faulsement et par envie l'avoit jugié. Et ainsi comme la bonne royne le requist il fust fait, et lui avec ses vij. enffans fut pendu devant sa porte par le

seneschal

,

et qu'il feust

.

,

son orgueil et par son oultrecuidance conseil de sa

homme

femme. Dont

c'est

et

grant

par

folie

le fol

à

un

qui est venu de petit lieu et de néant de soy

ne se oultrecuidier pour nul bien terrien amassé, ne mesprisicr autrui; ainçois, se il

orgueillir qu'il ait

est sage,

il

se doit à tous humilier, aflin de cheoir eii

et affin que l'en ne ait envie sur lui. Car len a plus souvent envie et despit sur gens qui viennent de petit lieu que sur ceulx qui sont de bon la grâce

de tous

lieu et d'ancesserie. Et

aussy la

femme ne

fut pas

saigo, quant elle vit l'ire et le courroux de son sei-

gneur, de le soustenir en sa

femme

folie.

Car toute saige

doit bel et courtoisement ostcr l'ire de son

seigneur par doulces paroles, et espéciaulment quant elle le voit

csmcu de

faire

aucun mal ou aucun

vil-

lain fait

dont deshonneur ne blasme leur en pcusl

venir,

comme

si

fist

la

femme

à

Aaman

,

qui ne rc-

Le Livre

i38

prist pas son seigneur

H donna

fol conseil,

de sa

folie

pourquoyil

,

ainçois Tatisa et

moumt

vilement et ordement. Sy a cy bon exemple comment l'en ne doit point soustenir son seigneur en son yre ne en sa maie colle, ainçois le doit l'en courtoisement re-

prendre

et monstrer les raysons petit à petit, et comment il en pourroit avenir mal ou dommaige à lame ou au corps. Et ainsi le doit faire toute saige femme

vers son seigneur. Pourquoy, belles

exemple

et

la sotize

de sa femme.

filles

regardez quel mal en avint à

Cy parle de

,

prenez y par

Aaman

la royne Gezahel.

Chappitre

LXVK

près vous comptcray l'exemple d'une maie

royne diverse

et trop cruelle, et

comment

Ce fut la royne Gezabel, qui avoit moult de maies taches. Premièreil

ment

elle

lui prist.

haioit les povres et tout

peust chevir, dont les hcrmites et les

elle

il

les

qui se

elle haioit

gens d'esglise et tous ceulx qui

enseignoienl la foy, et les

que

homme

ne peut amander ; faisoit

rober et batre , sy

enconvenoit fouir du royaulme. Elle n'a-

voit merci

de nul

et pour ce estoit maudite et haye du pueple. Ung bon homme estoit qui avoit nom Naboth , qui avoit une pièce de vingne moult bonne, et le roy la vouloit moult bien avoir par achat ou autrement. Mais le bon homme ne s'i

de Dieu

et

,

DU Chevalier de La Tour.

189

bon cuer. Si dist le roy Acas à dame sa femme que il estoit bien marry et que

vouloit consentir de celle il

ne povoit avoir celle vingne,

et celle lui dit qu'elle

la lui feroit bien avoir, et si fist-elle, car par trayson elle fist

murdrir

bon homme,

le

et fist venir faulx

bon homme

temoings qui recordèrent que

le

avoit la vingne donnée

en despleut à Dieu,

et envoia l6 roy

,

dont

Jozu pour

le

il

guerroyer, tant que

cellui roy prist le roy

Acas et bien

grans que petiz, que

avoit à nourir chiez ses

mes,

il

lui

que

Ix. enffans,

et leur fist à tous les testes coupper.

Ce

hom-

fust la

punicion et la vengence de Dieu. Et quant est de la

maie royne Gezabel,

elle se

mist en un portail par où

de draps d'or et de hermines à grans pierres précieuses, toute desguisée en autre manière que les autres femmes n estoient, le

roy Jozu passoit

,

et se coinlit

tant estoit désespérée et orgueilleuse, et, dès qu'elle

commença à maudire

vit le roy, elle le

toutes les villenies qu'elle povoit

mença à regarder,

,

et à

li

et le roy la

et la cointise et la desguiseure

dire

comde sa

robe, et escouter la malice et l'orgueil de sa langue; lors

il

commanda

à ses gens que

ilz

qu'ils la feissent cheoir la teste toute

vant tout il

fut fait

le ,

peuple, et ainsi

car

ilz la

comme

il

y alassent

et

première dele

commanda

prindrent et firent cheoir la teste

première, tellement qu'elle fut morte laidement. Sy

commanda maulx

le

roy que par sa cruaulté et les grans

qu'elle avoit fais faire

qu

elle n'eus t point

de

sépulcre, et non eust-elle, ne de sépulture, ains fust

mengée des chiens

et

grant orgueil et sa

fierté, et

Dieux maintes

de ceulx qui n'ont

foiz

devourée. Et ainsi cheist son par

telle

voye se venge pitié

des po-

Le Livre

i4o

vres et du povre peuple et des serviteurs de sainte église, et qui par cruaulté et par convoitise font faire

murtresetfaulxtesmoingnages, ce royne, qui ainsi le

en

folie,

dont mal

comme fist celle

et qui soustint

fist

lui prist.

Sy

est cy

faul-

son seigneur

bon exemple

comment Ten

doit estre piteuse des povres et des

serviteurs

non

,

et

donner mal conseil à

entiser ne

son seigneur, et aussi non de soy desguiser, mais

bonnes dames de son pays, et aussi non tencer ne dire grosses paroles à plus grans et à plus fors de soy. tenir Testât des

Cf parle de

la royne Atalia et de la royne

BruTieheust.

Chappitre LXVII». c Atalia vous vueil dire

un autre exem-

ple, laquelle fust royne de Jhérusalem,

maie

et fust

et diverse et sans pitié

quant Ozias son qui en traison

fist

qui avoit

nom

Joadis

,

tailles et

de subsides,

mal

et

estoit

pitié

fist

car,

filz

nourrir secrètement.

du royaume

,

si

et

comme quant

et

celle qui cstoit sanz

elle eust assez fait

de cruaulté au royaulme

celeement

;

ce fust celle

et de touz moult de diversitez au pueple, de

les biens

rayson et sans

,

seulement ung que uns preu-

Celle royne se mist en saisine et fist

mort

occire tous les enfans de son

et tous les hoirs, fors

doms

fut

filz

,

de

lenffant qui norry

nourry l'avoit mourir de malle mort el

cellui Joadis qui

la prindrenl et la firent

honteuse. Et ainsi eust guerrcdon de sa mérite en

la

parfin

DU Chevalier de La Tour. i4i car Dieu rent tousjours sa déserte à homme

;

et à femme, ou à vie ou à mort. Car il n'est mal que une foyz ne soit pugni ou au loing ou au près. Je vouldroye que vous sceussiez l'exemple et le compte ,

d'une royne de France qui avoit

Ce

fust la

et dist

:

femme dont

nom

Breneheust.

Sebille parla en prophétisant

« Brune vendra de vers Espaigne ou

de Gaule,

c'est

tez et puis sera detraicle. » Et ainsi elle fist occire

royaume

France, qui fera merveilles de cruaul-

de ses enffans

et

en advint; car

des enffans de ses

enffans très grant nombre, ne ne vous en pourroit-

on racompter

la moitié

de

la

cruaulté d'elle ne des

meurtres ne traisons et occisions qu'elle fort elle fusl

payée

si

comme

un enffant qui eschappa, qui

il

fust

fist,

et

pleust à Dieu filz

de son

,

filz,

au car

qui

maulx etcruaultez qu'elle avoit faiz, lors mist le fait en jugement devant ses barons, et fust jugée à destraire àqueuez de chevaulx. Et ainsi fust fait, et mourut mauvaisement tout aussi comme mauvaisement avoit fait murtrir le sang royal innocent. Et pour ce dit le saige que dès vij. ans vient eaue à fin, c'est-à-dire que tant va le pot à l'eaue que le cul en demeure. sceust les grans

Le Livre

i4si

Cf parle du

fait d'em^ie.

Chappitrk LXVIIK un exemple sur

e vous diray

le fait d'en-

vie de Marie, la suer de Moyses

,

qui dist

par envie qu'elle estoit aussi bien de Dieu

comme Moyses son frère, et que Dieu ouoit comme celles de Moyses,

aussi bien ses resquestes et ce dit-elle

pour soy moquer

Dieu s'en corrouça et la

et

par envie

,

dont

devenir meselle , tant

fist

qu'elle fust ostée et séparée d'entre les autres gens, et toutes

voyes Moyses

et

Aaron en eurent grant

tié

et firent requeste à Dieu qu'il luy pleust la

rir

;

et à leur requeste

exemple comment et

Dieu

la gueryt.

Si

pi-

gué-

prenez

mal avoir envie sur autruy, comment Dieu punist cesle-cy, qui estoit une des il

fait

nobles damoyselles qui fust en celui temps, tant qu'il la

sépara d'entre les autres gens par celle mesellerie.

Car maintes

foiz

Dieu punist

ainsi les

mesdisans. Et pour ce, belles

exemple, car trop est aultruy abaissier.

filles,

villain vice

envieux

et les

prenez y bon

de soy louer pour

DU Chevalier de La Tour.

i43

Cy parle d'une des femmes Acharia.

Cbappitre LXIX* ont je vouldroye que vous sceussiez

ua

autre exemple sur ceste matière de une

des femmes à ung grant seigneur qui avoit

nom Archaria. Sy avoit ij. femmes senom Phenomia et l'autre

lon la loy, dont Tune avoit

avoit nom Anna, qui moult estoit preude femme et bonne dame , mais nulz enffans ne povoit avoir. Sy estoienl alors plus prisées et honnourées celles qui enifans portoient que celles qui n'en portoient nulz, dont l'autre femme en estoit moult de grant orgueil, pour ce que elle en avoit moult de beaulx enffans, et pour ce avoit l'autre femme en despit et avoit envie et desdaing sur elle, et se mocquoit d'elle en disant villenies, et qu'elle estoit

brehaingne et terre morte,

menu

dont l'autre avoit grant honte et ploroit

et

souvent, et se complaignoit à Dieu, et Dieux qui l'umilité et la pacience de l'une vit, et l'envie

gier et le despit de l'autre

miséricorde

,

car

fans de l'autre il

il

fist

femme,

,

et

si

mourir touz et

,

den-

les autres

enf-

à celle qui nulz n'en avoit

en donna plantivement, dont son seigneur

en grant amour, et

le

regarda selon sa

l'avoit plus chière

que

la prinst

l'autre à

qui ses enffans estoient mors. Et pour ce sont les ju-

gemens de Dieu moult merveilleux manière d'envie,

et les chastie

;

quant

car il

il

het toute

lui plest, et

Le Livre

i44

essauce lumble qui mercy requiert, et pour ce est

bon exemple que nulle femme ne se doit orgueillir des biens et des grâces que Dieux lui donne, ne avoir despit ne envie sur autres, si comme eust Phenomia, qui avoit enffans et avoit envie et despit sur

Anna

qui n'en avoit nulz, et pour ce Dieu la punist sur ses enffans, qui tous moururent, et en

donna à

l'autre qui

tous vescurent. Sy sont ainsi les jugemens de Dieu.

Et pour ce y doit l'en prendre bon exemple et se humilier envers luy et n'avoir envie ne despit sur nulluy. Sy vous laisseray ceste matière et vous parleray d'une autre sur le

fait

Cf parle de

de convoitise.

convoitise.

Chappitre LXX®. e vous diray

un autre exemple sus

le fait

femme qui eust nom Dalida, femme Samson fortin lequel Ta-

d'une faulce qui fut

,

moit à merveilles, et tant qu'il ne feist pas aucune chose que elle ne sceust. Et pour le grant

amour que il

avoit en elle,

il

fust sy fol

que

il li

des-

couvrit que toute sa force estoit en ses chevculx. Et

quant

la faulce

femme

le sceust elle fist dire

aux

paiens, qui estoient ennemis de son seigneur, que, se ilz

luy vouloient donner bon loyer, elle le leur fe-

roit prendre.

Et les paiens luy promistrent que

elle le povoit faire, ilz luy

donroient certaine

,

se

somme

d'or et de robes. Et celle, qui fust deceue par con -

DU Chevalier de La Tour. voitise

puis lui

paiens qui estoient embuschez et le

quant

i45

endormir son seigneur en son giron et tondit ses cheveulx , et envoya querre les

fist

,

il

fu esveillié

se combatoit bien à

,

iij.

prendre,

fist

et,

trouva sa force perdue, qui

il

mille personnes,

le tindrent, ilz le lièrent et puis lui

et,

quant

ils

crevèrent les

un moulin comme à ung cheval aveugle. Or regardés comment convoitise deceust celle folle femme, qui, pour un pou d'or,

yeulx, et le faisoient tourner à

traïst

son seigneur, qui

doubté

homme

estoit le plus fort et le plus

qui oncques feust ne jamais sera. Et

pour certain cuer convoiteux oze bien treprendre tout mal et tirans sur leurs

symoniaulx en

:

car

gens

il

fait les

faire

et les clers et les religieux

,

tirant lautry par faulces

et fait les bourgeois et autres usuriers

larrons et murtriers

,

les pucelles et les

tains, les enffans desirans la

leur

mère pour

,

semonces, les

povres

mariées pu-

mort de leur père

par convoitise d'argent

,

le

de

trahy nostre Seigneur, et

uy

les

advocads

et plaideurs, qui vendent et beslournenl vérité

alongent

et

avoir le leur seulement. Judas,

aussi par convoitise le font aujourd

ilz

en-

et

nobles rapineux

bon

droit

du bon homme pour

,

car

tirer

à avoir plus de l'argent , et y a plusieurs qui prennent de ij. costés, et aussy vendent par convoitise leur parole que Dieu leur a donné pour prouffiter au bien

commun. Et pour

ce est convoitise moult decevable,

femme Samson,

qui

fist

toit

bel et fort et puissant. Et pour ce a cy

foloieret périr la

qui tantes-

bon exem-

ple pour soy garder de ccst vice. Et depuis Dieu ren-

car elle espousa à celle femme son guerredon un des payens, et firent une nopcc. Si le sceut Sam-

dit

:

50

Le Livre

i46

son, à qui ses cheveux estoient revenus et sa force

revenue. Si sefist mener en la maison où ilz estoient au disner, près du maistre pillierde la sale, et, quant il

fut

au

pillier,

que

il

le prist

à sesij. mains et

le

escoust

maison sur eux , et là fut mort le mary et la mariée et le plus de gens qui estoient aux nopces. Et ainsi se venga de sa faulce femme , laquelle morut mauvaisement car Dieu si très fort

il

abatit la

,

voulst qu'elle fust pugnie de sa mauvaistié, et c'estoit

bien raison que de mal faire ly vensist mal.

Cy parle de courroux.

Chappitre LXXI«. e

vous vueil dire comment par un

de courroux

preudomme

homme

il

petit

advint grans maulx.

estoit qui

et qui estoit

moult

estoit

Un

noble

de mont d'Effraim,

et

se maria à une damoiselle de Bethléem. Sy advint

que pour pou de chose elle se courrouça et s'en vint chiez son père. Le preudomme en fust moult dolent et la vint querre , et son père la blasma et la rebailla à son seigneur, qui l'emmena et se anuita en la ville de Gabal, où avoil foies juennes gens et espris de luxure. Sy vindrent à l'hostel où estoit celle

femme

et

son seigneur,

prindrent à force la

et

rompirent

les huis; si

femme du preudomme

et l'en-

moult villainement et horriblement, ne oncques ne la lessiérent pour l'oste, qui moult en

forcièrent

DU Chevalier de La Tour. fust dolent,

ses

tilles

comme

pour

celui qui vouloit baillier

la garantir.

Mes oncques

i47 une de

n'en voul-

quant se vint au matin, celle qui se vit ainsi honnye et deshonnorée eust telle honte et tel dueil qu'elle mourut es pies de son seigneur, dont le preudomme en deust mourir de dueil et de drent riens

faire, et,

honte, et l'emporta toute morte à son hostel pensa, puis que morte estoit xii.

,

que

;

et se

la mettroit

il

en

pièces avec certaines lettres et l'envoieroit à ses

affin qu'ilz en eussent vergoingne que ilz en voulsissent prendre vengeance. Dont il avint que ses amis et les amis d'elle en eurent tel dueil et tel yre que ils se assemblèrent ensemble et vindrent à Gabal et occirent bien xxxiij mille per-? sonnes, que hommes que femmes. Sy fut prins pour

prouchains amis, et

ung

tel fait telle

avoit

que faire.

ne doit point

vengence, et

Si

tel le

compara qui n'en

a cy bon exemple comment

femme

ne guerpir son seigneur, pour yre ne pour courroux qu'ilz ayent ensemble, et

comment

laissier

saige

courtoisement

femme doit entendre et

le

souffrir bel et

courroux de son seigneur

sier rappaisier, et le

et le lais-

prendre par bel, non pas le laissier

comme fistcestedamoiselle, qui laissa son seigneur, et convint qu'il la vcnsist querre chiez son père, par

morut piteusement

la-

comme

en vint tant tant de pueple en

estre mort. Car, se elle ne se fust

bougée d'avecques

quelle alée elle

de maulx

de douleur,

et

et

son seigneur, jà celluy mal ne fust advenu, et pour ce est-il bon de adoulcir son cuer, et c'est le droit de saige

femme

qui vieult vivre paisiblement et

reusement en

la paix

de son seigneur.

amou-

Le Livre

i48

Cf parle d'une femme qui ne çfoloit i^enir au mandement de son seigneur,

Chappitre LXXIl^ e vouidroie que vous sceussiez le compte et

Texemple de

la

dame qui ne daignoit mandement que son

venir mengier, pour

seigneur

feist,

li

tant estoit foie et depiteu-

pour pou de chose. Et quant son seigneur vit que pour mandement qu'il lui feist elle ne vouloit se, et

envoya querre son porchier, qui fit apporter la touaille de la cuidresser une table devant elle et mettre

venir mengier,

il

estoit vils et let, et

sine

,

et

fit

celle orde touaille, et

fit

asseoir le porchier,'et puis lui

Dame, puis que vous ne voulez venir à mon » mandement ne mangier en ma compagnie, je vous

dist

))

:

«

baille cest porchier et ceste touaille. »

fust encore plus

Et celle

courroucée que devant, et au fort

que son seigneur se bourdoit d'elle; si se folie, et pour ce nulle femme escondire ne reffuser le mandement de son

elle vit bien

reffrenaetcongnust sa

ne

doit

seigneur se elle vieult s'amour et sa paix garder. Car, par bonne raison

ment venir de devers

,

humblesce

doit première-

elle.

j

DU Chevalier de La Tour.

i49

Cf parle de flatterie,

Chappitrb LXXIII«. Une

e vous diray sur l'exemple de grerie.

grant

dame

avoit

un

filz

qui avoit

nom

Cissana , qui estoit moult grant seigneur,

en une bataille où il morut. mère à grant esmay et douleur de sçavoir de ses nouvelles. Sy avoit un flateur en sa compaignie qui ly disoit « Ma dame, ne vous esmaet estoit aie

Sy

estoit sa

:

yez, car monseigneur vostre

filz a eu victoire et a pris moult de prisonniers. Si lui convient demourer une pièce pour ordonner de son fait. » Et ainsy de telles flateries paissoit sa dame et lui disoit joye de néant. Car cellui greeur ne deist jamais à sa dame chose

qu'il sceust qu'il lui

deust desplaire

,

aussi

comme

sont flatteurs et flatteresses,.qui jà ne diront à leur seigneur ne à leur dame chose qui leur desplaise, et taysent la vérité, et leur disent tout leur bon, et leur font joie de néant,

si

comme

à Jouel, la bonne dame

,

fist le

faulx flatteur qui

faisoit accroire

que son

avoit eu victoire et en amenoit ses prisonniers

c estoit bien le contraire

depuis

,

quant

la

,

car

il

bonne damme

estoit le

mort

,

filz ;

et

dont

sceut, elle en

deust mourir de dueil. Sy est mauvaise chose d'avoir flateurs entour luy rité

car ilz n'osent dire la vé; ne donner loyal conseil, ainsi font souvent for-

voicr leur seigneur et leur

dame de

droit chemin.

Le Livre

45o Il

semble

semblant d'un

les enchanteurs, qui font

rharbon que ce soit une belle chose ; car ilz loent la chose par devant et plus la blasment par derrière.

Sy ne doit Ten point croire en leurs los ; car ilz ne vous font que decepvoir pour vous plaire et pour avoir du vostre

car vous les devez mieulz cognoisne vous congnoissent si vous estes saiges. Mais vous devez amer ceulx qui vous diront tre

que

;

ils

,

vostre bien et ne vous cèleront point vérité pour nulle doubte; et ceulx seront voz amis. Car les greeurs

semblent

mal fist un le

le

faulxmire, qui prent l'argent sans veoir

tieulx flateurs déçoivent les riches,

;

comme

si

une venderesse de fromaiges, qui à merveilles estoit laide, et il luy faisoit acroire que elle estoit belle et doulce. Et la femme estoit si foie que elle cuidoit qu'il deist voir, et à chacune foiz lui donnoit un fromaige, et puis, quant il Tavoit eu il se moquoit d'elle par derrière. Je vouldroie que vous sceussiez un exemple que je vy en Angoulesme quant le duc de Normandie vint devant Aguillon. Sy avoit chevaliers qui flateur à

,

tray oient par esbat encontre leurs chappcrons. Si

comme

le

manda

à un des chevaliers un arc pour traire

quant

il

duc vint en

ot trait,

il

y en eut

comme

il

a

trait

le

ou

par esbat

armé

et

il

de,

et

fist

je

fist l'autre,

:

un,

ne

m'eust fcru. » Sy

moult louer de son

à dire vérité, ce n'estoit que

si

qui distrent

iij.

trait.

,

» voulsisse pas estre

conmencièrent à

ij.

,

— Sainte-Marie, royde. — Ha

» Monseigneur a bien

»

cellui parc

flatterie

,

trait

car

il

,

mais,

tray le

pour ce est grant men'eille conment chascun flate et grée aux seigneurs et aux dames du

pire de touz, et

DU Chevalier de La Tour. jour d'hui, et leur font acroire que et plus saiges

que

ne sont,

ils

ilz

i5i

sont plus grans.

et par leurs flateries

les font oultrecuidier.

Cy parle de

descoui^rir le conseil de son seigneur.

Chappitre LXXIllK c vueil que vous oyez l'exemple de la

femme Samson fortin, qui descouvry son seigneur. U advint que Samson fortin avoit fait

une fermaille à xxx. robes de

saye avecques certains gens qu'ilz ne pourroient pas

deviner certaine devinaille. Sy advint que sa

ne

li

tant qu'il

,

quant elle

perdre la fermaille de xxx. robes de saye

lui fist

quant son seigneur sy la

femme

de parler qu'elle sceut que c'estoit et lui descouvry le fait de la devinaille et, le sceut, elle en descouvrit son seigneur, et

fina tant

sceUvSt qu'elle l'eust

;

et

découvert,

commença à

hair et la mist hors de avecques aux payens qui avoient gaingnée la fer^ maille sy en prist xxx, lesquelz il despouilla pour despit de sa femme. Et pour ce acy bonne exemple conment femme ne doit descouvrir pour nulle chose lui, et ala ,

le secret

chiée en

ne

le conseil

l'ire

et

de son seigneur, atfm qu'elle ne

en corroux de luy ne en sa hayne,

comme

fist la femme Samson fortin, qui en perdy l'amourde son seigneur. Car c'est trayson quantl'en se fie en sa femme et elle descueuvre ce qu'elle doit celer.

Je vouldroie que vous sceussiez le compte de

Le Livre

i52

Tescuier qui essaya sa femme, que ly va dire

vit

il

juenne. Sy

M'amie je vous diray un grant con» seil , mais que vous ne m'en descouvriés pas pour » riens. Je vous dy que j ay pont ij. oeufz, mais pour » Dieu ne le dictes mie. » Et elle respondit que par :

«

,

sa foy non feroit-elle. Sy

li

fust bien tart

ne venoit pour laler dire à sa commère,

que le jour quant vint

et,

qu'elle peut trouver sa voisine, elle lui dist

»

ma

très

» seil

,

Ha,

«

:

doulce amie, je vous deisse un grant con-

mais que vous ne

promist que non

le déistes

pas »

et elle lui

,

Se Dieu m'aist

feroit-elle. «

il

,

est

une grant merveille à mon seigneur, car » pour certain, ma doulce amie il a pont iij. oeufz. » advenu

,

»

— Saincte Marie

fist

,

l'autre

,

comment puet

ce es-

» tre? c'est grant chose. » Si s'en party celle à qui le conseil avoit esté dit

dire à

pont

que

une autre

iiij. il

,

et

ne se peut tenir de

et lui dist

,

que

tel

eufz. Et puis celle le dit à

un

en avoit pont v, et ainsi creust

en autre, que

les

ij.

autre, qui dit

la

chose d'une

eufz vindrent à cent, et tant

tout le pays en fust plain de

renomée

,

et

cuier le sceust par plusieurs gens. Et lors

sa «

l'aler

escuier si avoit

femme et plusieurs de ses parens Dame vous m'avez moult bien creu

,

,

que il

que

l'es-

appella

et lui dist la

:

chose que

» je vous avoie dit en conseil, car je vous avoye dit »

que je avoye pontij. eufz; mais, Dieu mercy, le car l'en dit que il y en a cent. Sy

» conte est creu

,

» avez descouvert tint

pour honteuse

rcspondre. toute

mon et

conseil. » Et ainsi celle se

pour nice

bonne femme de descouvrir

gneur.

,

et

ne sceust que

Et par ceste exemple se doit garder le secret de

son

sei-

DU Chevalier de La Tour.

i53

Cf parle de desdaing.

Chappitre LXXV'. elles filles, je vueil

que vous oyezrexem-

ple de Michel

femme David

fille

au roy

homme

la

,

aimoit Dieu

estoit,

,

qui fut

Le roy David, qui

Saiil.

saint

et Tesglise

sur toute rien. Sy avint que, à une grant feste qu'ilz

devant

faisoient

manne siez

arche

et les tables

,

avoit

1

qui vint du ciel

partir la

fait

de

,

,

la loy et

roy

et faisoit l'église.

despit

,

,

joye

Sa femme le regarda

bourda

et la verge

dont Moyse

,

les prestres

la plus grant

et s'en

de la

pour honnourer Dieu , le compaignie pour chanter et

mer,

s estoit mis en la pour harper avecques

estoit le saint pain



dont les pères furent rassa-

qu'il ,

si

et lui dist

,

et se

desmenoit

povoit à Dieu et à

en eust desdaing et

que

sembloit un

il

ménestrel et un jongleur, en se mocquant de luy. Et

bon roy respondit que l'on ne se puet trop humienvers Dieu, ne le trop servir, ne honnourer son esglise ; car de Dieu vient tout le bien et honneur que homme et femme pevent avoir. Sy en despleust le

lier

à Dieu dont elle en avoit parlé

sy fust de lors bromalade , et aussy comme toute séparée de lui, parce que Dieu luy voulst monstrer sa folie; car toute bonne femme doit esmouvoir son seigneur à servir et honnorer Dieu et l'osglise ne ne doit

haingne

;

et

,

point son seigneur mespriser de ce que

il

cuide bien

LeLivre

i54

ne bourder, ne avoir despit sur luy, ne especialment le reprendre devant les gens pour riens qui faire,

aviengne

lui

privé, quant

,

soit tort

,

soit droit

fors qu'en son

,

que eulx deux. Car, selon ce que dit le saige en la sapience, quant homme se voit lesdangier ne reprendre, devant les gens, de sa femme ne de sa mesgnie , aucunefoiz le cuer luy enfle ou en fait pis , ou en respont oultragieusement en fait ou en dit , et pour ce est bonne chose de reprendre doulcement et priveement son seigneur. il

n'y a

Cy parle de soy pingnier devant les gens.

ChappitreLXXVI^. n autre exemple vous diray de Bersabée la femme Uries qui demouroit devant le ,

du roy David. Si se lavoit et pingnoit à une fenestre dont le roy la povoit palais

bien veoir

par cela

que

tant

délit,

il

;

le

sy avoit moult beau chief et blont. Et

roy en fut tempté et la

manda

,

et fist

pécha avecques elle, et, par le faulx commanda à Jacob, qui etoit chevetoine il

de son ost

que il meist Uries en tel lieu de la ba, que il fust occis. Sy porta Uries les lectres de sa mort , car ainsy fust faict. Et ainsi pécha le roy David doublement, en luxure et en homicide dont taille

,

Dieu s'en corroça moult à

maulx à luy roit

et à

lui

,

et

en vint moult de

son royaume , dont

le

compte se-

long à escouter. Et tout ce pechié vint pour soy

DU Chevalier de La Tour.

i55

pingnier et soy orguillir de son beau chief , dont

maint mal en vint. Sy se doit toute femme cachier et et s'atourner , ne ne se doit

céleement soy pingner

pas orguillir, ne monstrer, pour plaire au monde, son bel chef, ne sa gorge, ne sa poitrine

,

ne riens qui

se doit tenir couvert.

Cf parle de

folle requeste,

Chappitre :

LXXVIK

mère au roy Salomon requist à son lilz que il donnast la mère sa femme, qui moult bonne dame estoit , à Donno, qui cstoit païen et enncmy. Sy respondit le

a

roy que jà son annemy n'auroit la femme de son seigneur de père, et si se tint sa mère pour nice et pour honteuse d'avoir esté escondite, et pour ce doit toute

femme penser se elle requiert chose rayson-

nable avant qu'elle requière son seigneur

;

car celle

requeste estoit bien diverse. Je vouldroye que vous sceussiez la foie requeste que la duchesse d'Athènes

au duc son seigneur. Elle avoit un frère bastart. Sy requist au duc que il donnast sa propre suer à femme; et le duc, qui vit sa simplesce, s'en fist

soubrisl et lui dissimula le leroit

fait, et dist qu'il

en par-

à ses amis. Et l'autre pourchassa touz les

jours le

fait

,

et

au

fort

il

lui dist qu'il

n'en seroit

rien jà fait, dont elle s'en corrouça et s'en mist au

malade de yre

et

de corroz

,

et se fist prier

lit

de venir

Le Livre

i56 au duc

et

de couchier avec

lui

,

et

au

duc se

fort le

corrouça, et s'enfla le duc tellement que par grant yre il

jura que jamais elle ne coucheroit en son

l'envoya en un chastel bien loing de

bonne exemple que femme

lui.

lit

,

et

Dont ycy a

se doit bien garder de

requerre à son seigneur de chose qui n'est honneste, et après

comment elle ne

doit

pour nul corroux dés-

obéir à son seigneur, par quoy

ment contre

elle

il

se corrouce aspre-

ne tenir son cuer

,

comme fist celle

duchesce, que le duc chassa d'avecques luy par sa folie et

par son

fol

couraige.

Cf parle de

trayson.

COAPPITRE LXXVIII l'exemple de une faulse ;

.

femme

deux femmes estoient qui

fut

que

estoient logées

en un hostel, lesquelles avoient deux enffans maies d'un temps. Sy advint à l'une

que son mort , si

enffant estaingnit,

comme

et,

quant

le vit

elle

femme, embler l'enffant vif qui estoit à sa compaigne et y mist le mort au lieu. Et quant celle à qui estoit le vif vit cellui mort au lieu sy le regarda et congnust que ce n'estoit pas le sien. Sy en fust bien grans contens, et en vint le ala,

faulse

,

cas et le

fait

devers

oz leur débat

il

roy Salemon. Et quant

le

dist

:

il

eut

a Baillez-moy une espée et

» en bailleray à chacune la moitié. » Celle à qui l'enffant

n'estoit

pas respondist qu'elle

le

vouloit

DU Chevalier de La Tour.

167

bien ; mais l'autre dist que l'enffant ne fust pas occis,

Adonc le roy juga que l'enffant feust baillé à celle (jui ne vouloit pas que l'enffant fust occis , et que et qu'elle vouloit bien qu'elle l'eust tout quitte.

le

cuer et la chair d'elle en avoit

tre,

pitié

,

et

que l'au-

qui vouloit qu'il fust departy, n'y avoit riens. Et

ainsi fust la trayson de la

mauvaise femme esprou-

vée. Et pour ce a grant péril de couchier petit enffant delès soy

y chiet grant

,

car bien souvent

ilz

estaingnent; sy

péril.

Cf parle de rappine.

Chappitre LXXIX«. n autre exemple feust de la femme au roy Jéroboam. Hz avoient un enffant malade. Sy envoya le roy la royne à un saint homme prophète lui prier que il empetrastguérison à leur enffant. Si se déguisa la royne et vint

au saint homme, qui point ne veoit. Mais, par

du

Saint-Esprit

voix

:

c<

,

le saint

prophète

la

grâce

lui escria à haulle

Royne, femme Jéroboam, vostre filz mourra maiz tous voz autres enf,

» anuit de bonne mort

» fans mourront de maie mort , sans sépulture , tout » par le pechié de leur père w

menu

Si s'en retourna la dist le fait à il

,

qui est tyrant sur son

pueple, et de maie conscience et luxurieux. »

amender,

royne et trouva son

filz

mort. Si

son seigneur. Mais pour ce ne s'en voultet

pour ce périrent tous ses cnffans. Et

Le Livre

i58

pour ce est bon exemple de mener et user de bonne vie, et de amer son menu peuple et ne leur faire nulz griefz et nul tort; car le pechié

nuist saint

aux enffans

homme

du père

et

de

la

mère

comme

vous avez ouy que dist à la royne de son seigneur.

le

,

si

le

Cf parle de pacience.

ChAPPITRE e vous diray

Anna

,

la

IlIIXXe,

un autre exemple

femme Thobie,

son seigneur, qui estoit saint

homme,

un roy Sarrazin

faisoit occire

nom

en despit de Dieu

Thobie, et en fut long-temps aveugle par grant despit que

ensevelissoit les

et

mors que et

de

Sennacherip. Si advint que les

preudhomme

arrondelles chièrent sur les yeulx du

lui dist

comment

prcudhomme

et ensevelissoit les

sa loy, et avoit

me

,

parla folement à

mors ne

le

,

dont sa fem-

Dieu pour qui

lui rendroit

mie

la

il

veue.

Le prudhomme en eut en luy pacience, et lui responque tout seroit à son plaisir, dont il advint que elle en fust bien pugnye de maladies, et, quant il pleust à Dieu , il rendit au bon homme sa veue et veoit tout cler. Et, par cest exemple, toute bonne dit

,

femme ne

doit point laidengier son seigneur,

ne

mespriser de chose ne de maladie que Dieu luy envoyé. Car le baston est aussi bien levé sur

comme

sur le malade,

Thobie qui

fut

comme vous

guéry, et sa

femme

le

saing

avez ouy de

qui parla mal fut

DU Chevalier de La Tour.

169

malade. Dont je veul que vous saichez l'exemple de la clavière Sarra, femme au petit Thobie. Geste

moult preude femme et fust fille Raguel ; seigneurs, que Tennemy occist tous, pour ce qu'ilz vouloient user d'un trop villain fait, que jà ne fait à nommer. Celle bonne dame reprist une fois sa clavière d'un meffaitque elle avoit fait mais celle, Sarra

fut

elle ot vij

.

;

qui fust fière et orgueilleuse, lui reproucha ses sei-

gneurs, en elle avilant. Mais la bonne pondist riens

,

dame ne

res-

ains ot pacience et ploura à Dieu

disant qu'elle n'en povoit mais et que Dieux

,

fist

en

du

tout à son plaisir. Et, quant Dieux vit son humilité,

il

luy donna cellui Thobie à seigneur, et eurent de beaux enffans et moult de biens et d'onneur ensemble. Et

reproucha ainsi

celle qui tença à elle et lui

,

si

fina

mauvaisement et eut depuis assez moult de hontes, et la bonne dame beaucoup d'onneur. Et pour ce est bon exemple comment nul ne doit reprouchier le mal ne le meshaing d'autruy. Car nul ne se doit point esmerveillier des vengences ne des jugemens

de Dieu l'a

;

car

tel

reprouche

mehaing d'autruy qui

le

après pire et plus honteux

comme

si

,

il

plaist

au

créateur à faire ses vengences et ses punitions. Si

vous diray encore un autre exemple sur

le fait

de pacience. Vous avez bien ouy, selon ce que raconte la Bible

Job

,

,

comment Dieux voult et souffry que homme, feust tempté et trebuschié

qui fut saint

de ses grans honneurs en bas estoit saint

homme

,

si

comme cellui qui comme un

et riche et puissant

roy, premièrement quant

il

perdit ses sept

filz

et

troix filles, et puis toutes ses bestes vivans et toutes

ses richesses et tous ses habergemens, qu'il vist tous

Le Livre

i6o

que riens ne lui demeura fors les corps de luy et de sa femme et fut si pauvre qu'il luy convint gésir en un fumier, où les vers lui avoient ardoir, et tant

,

tout rungié la teste et estoient par ses cheveulx. Et

du relief et luy soustenoit la une fois elle se courrouça, si comme elle fusttemptée, et lui dist « Sire, mourrezvous en ce fumier, puis que autrement ne vous povez sa

femme

vie.

Dont

lui apportoit

il

avint que

:

avoir. » Et toutefois, elle

ne

le vouloit

combien

pas

qu'elle estoit. Mais le riens, fors fust

que tout

qu'elle le deist paryre,

comme bonne

preude femme

preudhomme ne

luy respondist

,

feust au plaisir de Dieu, et qu'il

mercié de tout. Ne oncques

leur qu'il lui avenist ,

il

,

pour mal ne dou-

n'en dist autrement fors que

mercier Dieu de tout. Et quand Dieu sayé et bien esprouvé

,

l'eut

bien es-

le redressa et lui

si

autant de bien et d'onneur

comme

donna

eut oncques.

il

comme ce fait advint au viel testament estavenu au nouvel , dont vous en trouverez l'exemple en la légende saint Eustace qui perdist terres et biens et femme et enffans bien par l'espace de xiij Et aussi il

,

,

ans, et puis Dieux le releva et lui rendy sa ses enffans et plus la moitié de terres

,

femme

et

richesses et

honneurs terriennes que ilz n'avoient oncques maiz euz. Pour ce avons-nous cy bon exemple comment nul ne doit despire le mehaing ne le mal d'autruy, car nul ne scet qui à

l'ueil lui

pent , ne nul ne se doit

esmerveiilier ne esmaier des fortunes ne des tribulacions à soy ne à ses voysins, et doit l'en

mercier Dieu et avoir et

,

comme

firent

Job

bonne espérance en Dieu

du

tout

et saint Eustace, et soy humilier,

penser que Dieu est aussy puissant de rendre

le

DU Chevalier de La Tour. bien au double

comme

cience et humilité

le toult, et avoir

il

et de tout mercier Dieu en luy bonne espérance. ,

Cf parle de

laissier

Chappitre

i6i

en soy paet avoir

,

son seigneur.

Illlxxle.

n autre exemple vous diray des [mauvaises

femmes.

Si fut

de Herodias, que Herodes

tollist et fortraist

à son frère, prophète,

qui estoit simples homs, et son frère Herodes estoitdivers, malicieux et convoiteux. fist

dont Testoille

faisoit

paour que cellui roy ce

fist-il

dcmonstrance. Car Herodes avoit lui tollist

son royaulme

occire les innocens;

loyal à son frère tre

Ce fut celluy qui

occire les innocens pourcuider occire legrant roy

,

Dieu et contre

le reprenoit. Et

car

il

et

pour

fut Iraistre et

des-

luy fortraist sa

la loy,

pour ce

il

,

femme con-

dont saint Jehan Baptiste

fust-il

en hayne de Herodes,

car celle fausse femme Herodias haioit saint Jehan, et

par celle hayne empctra-elle sa mort vers Herodes, et fut

moult diverse femme

et

fma mauvaisement,

comme cellui qui fust occis par comme il avoit fait occire les pe-

et son seigneur aussi,

cirons tis

;

tout aussi

innocens, tout aussi voulst notre seigneur que par

les plus petites choses

comme par

il

feust occis en langueur,

cirons, qui sont les plus petites choses et

"bestes qui soyent.

Or vous ay compté des maies femmes,

comme 11

il

Le Livre

i62

qui firent moult de maulx , de diversitez , pour estre exemplaire aux autres pour soy garder de faire mal. Si vous diray et trait-

est contenu

en

la Bible

et

teray des bonnes, que la sainte Escripture loue moult.

Et pour ce est bon de ramentevoir leurs bonnes taches, pour y prendre bon exemple et bonnes meurs car les biens faiz et les bonnes taches des bonnes qui ont esté sont mirouer et exemple à celles qui sont et qui ;

à venir sont

que

,

dont la première exemple est de Sara,

la sainte Escripture loe.

Cfinisse à parler des mauvaises femmes et parle des bonnes et de leur bon gouvernement^

comme la saincte escripture les loe. Et premièrement de Sarra^ femme Abraham.

Chapitre ^ara

fut

dame

femme Abraham, moult bonne

et saige

|de perilz; prist,

IIIlxxllc

et

,

Dieu

lui

Dieu

la

garda de moult

roy Pharaon la donna moult de maulx , de

quant

car,

le

douleurs et de maladies , et tant qu'il convint la rendit

qu'il

nectemcnt à son seigneur. Ainsi Dieux

sauva par sa sainteté

,

si

comme

il

la

a gardé plu-

sieurs sains et saintes de feu et de eaue et de glai-

ves et de tourmens

,

si

comme

vie et en la légende des sains et

il

est contenu

en la

saintes. Car ainsi

sauve Dieux ses amis et ses amies. Ceste Sara souf-

DU Chevalier de La Tour. frit

moult de hontes

cent ans brehaigne la

;

et

mais pour sa sainte foy

ferme loyaulté et amour qu

à son seigneur,

un xij.

filz

et

homme

;

ce fut Isaac

lignées yssirent, et Dieu le lui

grant bonté

et

pour

elle portoit touzjours

pour son humilité, Dieu

qui fut saint

,

i63

de douleurs. Elle fust bien

lui ,

donna

dont les

donna pour

la

d'elle.

Cf parle de Rebeca.

Chapitre IlIIxxlHe. n autre exemple vous diray de Rebeca qui à merveilles fust belle et bonne et plaine de bonnes est

sur toutes, Elle fust

mœurs. Geste Rebeca

moult louée en

comme

femme

Isaac et

tesmoingne qu'elle ama

Sainte escripture

la

d estre doulce

femme

et

humble.

mère Jacob. L escripture et

honnoura son seigneur

sur toutes, et se tenoit devant luy sy humble et sy doulces responses donnoit, que elle

ne deisl

et

ne

dont

feist cliose

pour mourir elle le cuidast

elle sembloit mieux dame. Elle fut moult longuement brehaingne ; mais Dieu qui aime saint et net mariage et humilité, li donna ij. enffans en une ventrée. Ce fut Esau et Jacob, duquel Jacob yssirent

corrocier, et

servante de

pour son humilité

l'ostel

que

la

,

les xij. enffans qui furent princes des xij. lignées l'cspitre le

de

la

Toussains parle,

raeompte que

il

vit

quant

il

si

comme

fut

saint

ravy au

ciel.

dont

Jehan Ceste

Le Livre

i64 Rebecâ aima lui fist si

le

plus Jacob

,

qui estoit le puisné

,

et

par son sens avoir la beneyçon de son père

comme un

leçon le racompte. Elle aimoit le plus

mieulx se savoit chevir et qui

cellui qui le

estoit

de

plus grant pourveance. Elle sembloit à la leonnesse et à la louve

,

qui ayment plus celui de leurs faons

qui le mieulx se scet pourchacier ; car Jacob estoit

de grant pourveance

et

Esaû avoit son cuer en chas-

en boys et en venoysons. Et ainsi ne sont pas les enffans d un père et d'une mère d une manière ; car les uns aiment un mestier et une manière de oeuses

,

vre et les autres une autre.

Je vous diray l'exemple d'un bon et d'une

preudomme

preude femme qui furent long- temps en-

semble sans avoir enffans et à leur prière nostre Seigneur leur en donna un bel à merveilles. Or avoient-ilz promis que le premier seroit mis et donné à l'église pour à Dieu servir. Après cellui ilz en ,

eurent un autre qui ne fust pas

si

bel

,

changier leur propos et vont dire que

à

l'église le

plus

let et

et lors ilz ilz

vont

mettroient

retendroient le plus bel pour

estre leur héritier, et Dieu s'en courrouça et les prinsl

tous deux, et ne leur

fist

nul

tort,

car l'un après l'au-

tre si

furentdonnés,ne onques puis n'eurent lingnéc,

dont

ilz

furent à grant douleur. Mais Dieu leur

fist

assavoir par le prophète la cause et l'achoison. Et

pour ce a cy bonne exemple que nul ne doit proqu'il ne vueille tenir, car nul ne

mettre à Dieu chose peut moquer Dieu,

moquer à

comme

bailler le plus let

ceulx cy qui lecuidoient ,

et le plus bel retenir.

Sy n'en verres jà nul bien venir à ceulx qui ainsi le font, ne qui ostent leurs filz ne leurs filles de reli-

DU Chevalier de La Tour. gion fois

,

comme

moygnes ou nonnains

i65

puis que une

,

ont esté baillez et donnez. Dont j'ay veu maint

exemple de mes yeulx

comme

cheoienl ,

moururent

,

,

comme

pour

esté traiz des abbaies

plusieurs qui ont

les terres qui leur es-

de leurs frères ou seurs qui se

dont la terre leur avenoit , et puis par

convoitise l'en les ostoil.Mais, pour certain, de x. je

un devenir à bien fors à meschiez ou honte comme des hommes vivre et finer mal et des nonnains que l'on ostoit tout aussi, car au derrenier elles tournoyent à mal et estoient blasmées, ou mouroient d'enffant ou finoient mallement. Et

n'en vi onques

,

,

pour ce ne doit l'en oster à Dieu ce que promis donné luy est une foiz.

Cy parle de

Alia

première femme Jacob.

la

,

et

Chapitre IIIIxxHUc e vous diray

femme de

comme gneur pourtoit

,

et

un autre exemple de

Alia, la

Jacob. La Bible la loue moult

elle

amoit chiorement son sei-

et la grant

comment

honneur que

elle se humiliet

,

et

elle lui

quant

avoit eu effant elle en rendoit à Dieu grâces et

elle

mcrcis moult humblement et dévotement. Et pour ce Dieu lui donna les xij. princes qui furent les douze patriarches dont les douze lingnées yssirent, qui tant furent preudommes et aymèrent Dieu et le craingnirent sur tous autres, et leur père et mère prioient ,

Le Livre

466

chascun jour Dieu pour eulx dès ce que petis, et

et

que Dieu

de sa grâce;

et

les voulsist il

estoient

ilz

pourveoir de s'amour

ouy bien leurs prières, car

ilz

furent saintes gens et honnourez sur tous. Et pour

ce est bon exemple que tout père et mère doit chas-

cun jour prier Dieu pour ses enfans comme firent si vous dy que jamaiz, pour nulle ,

Jacob et Alia. Et faulte ne riote

que

ilz feissent,

nullement leurs enffans

,

ilz^ne

maudissoient

ainçois les blasmoient par

autre manière ou les batoienl

;

car

il

vauldroit mieulx

cent foiz batre ses enffans que les mauldire une seule foiz, tant y a grant péril.

Dont de

gier, et ilz

vous en diray une exemple d'une femme estoit maie et se courrouçoit de leaussy faisoit son mary, et par leur grant yre

je

ville. Elle

s'entrerechignoient et arguoient souvent et

Sy avoient ung

cune

faulte

;

sy le commencièrent touz deux à maul-

dire, et l'enffant, qui

ment

,

et le

père et

en la

fut yré, leur respondit folle-

mère, qui en furent yrés,

vont donner à l'ennemy par leur courroux

Tenncmy le

menu.

d'enfant qui leur avoit faite au-

filz

,

le

et lors

vient qui le saisy et le prist par les bras et

haussa tout de terre , et par là où

le feu se prinst, et perdit la

main

il

mist

la

et le bras, par

main quoy

fut pery toute sa vie. Et pour ce est grant péril de maudire ses enffans ne de leur destiner mal et pis encore de les donnera l'ennemy, par courroux ne par il

,

yre que l'en

ait

bonne exemple

avecques eulx. Et pour ce prenez cy ,

et

vous en souviengne,

devez destiner tout bien à vos enffans,

Dieu

faisoit

Jacob et sa femme à leurs

que Dieu monta

et exaulça sur toutes les

pour eulx, enffans,

comme

comme vous et prier

DU Chevalier de La Tour. lingnées et generacions , et non pas faire fol

homme

et la foie

femme

maudissoient leur enffant

,

,

167

comme

le

qui par leur grant yre

et depuis le

donnèrent à

l'ennemy, de quoy lenffant fut pery toute sa vie.

Cf parle de Rachel,

la seconde

ChAPPITRE

femme de

Jacob.

ïlIIxxVe.

n autre exemple vous diray de Rachel, la seconde femme de Jacob, qui fut mère de Joseph, que ses frères vendirent en Egipte. D'icelle parole moult la sainte escripture, et la loue

comment

elle

amoit à merveilles son sei-

gneur, et la grant obéissance que elle lui

faisoit.

eust celluy Joseph, dont tant de bien yssy, et en rut en gésine, et dit-len

que ce

fut

Sy mo-

pour ce qu'elle

s'enorgueilly de la joye quelle en eut, et n'en rendit

pas grâces à Dieu

comme

faisoit Alia.

ce a cy bonne exemple que toute bonne

Et pour

femme

doit

touzjours rendre grâces et mercis à Dieu dès ce qu'elle

a eu enffant,

si

comme

faisoit Alia et

comme

faisoit

au roy de Hongrie et femme à Londegume. Celle bonne dame, quant elle avoit eu enffant, elle faisoit venir ses prcslres et ses

sainte Elizabel

,

qui fut

clers, et leur faisoit faisoit faire

fille

rendre grâces et mercier Dieu, et

simples levailles, sans grans arrois, mais

à ses levailles elle faysoit donner à mangicr aux povres qui prioient pour son enffant, et aussi la bonne

dame

prenoit son enfant entre ses mains et loffroi

Le Livre

i68

à l'autel en rendant grâces à Dieu, et lui prioit

hum-

blement pour lui que il le voulsist moulteplier en sa grâce et en s amour, et en celle du monde. Et pour ce Dieux essaulça ses enffans lesquelz vindrent à grant honneur. Et pour certain tout le bien et hon,

neur vient de Dieu, car celluy saulce vers luy et vers le vient par humilité,

monde

comme

qu'il ,

aime

il

et tout cest

Tesbien

par humilité de ces bon-

nes dames advint bien à leurs enffans

; car pour vray que Dieu prise etayme tant comme humilité car pour certain il ne fust pas descendu du ciel ou ventre de la benoiste vierge Marie se ne feust ce que elle se humilia tant que elle respondist à l'ange Gabriel que elle estoit chamberière de Dieu

il

n'est riens ,

et qu'il feyst aussy

comme

il

lui plairoit. Elle

povoit plus humilier que de soy appeler

ne se

chambe-

rière.

Cf parle de

la royne de Chippre.

Chappitre ont

je

IIIIxxVI'.

vouldroye que

vous

sceussiez

l'exemple d'une royne de Chippre. Elle ne povoit avoir enffant et estoit de dur aagc, et toutesfois, et d'elle,

dont

la

par la bonté de son seigneur

à leur prière Dieu leur donna un beau

lilz,

joye fut moult grant ou royaume. Et de la

grant joie que et joustes

,

et

ilz

en curent

ilz

firent crier festcs

envoyèrent querre touz

les

grans sel-

DU Chevalier de La Tour. gneurs et dames que

moult grant

et les

ils

i6g

purent avoir. La feste fut

paremens de draps

d'or et de soie

;

tout retentissoit de joye et de soûlas et de sons de

menestriers. Les joustes furent grans et la feste bien telz boubans Sy advint que, quant ilz furent au disner, lenfant morut, et disoit l'en que

renvoysée. Sy despleut à Dieu de faire et telle

il

mise pour

telle chose.

avoit esté trop couvert et abrié de grans chaleurs.

Toutes voies

,

quant l'en sceut

la

mort de renffant,la

court, qui estoit en grant joye et en grant liesse, fust taniost tournée en douleur et en Iristece

partirent chascuns

mornes

et se

,

et pensiz. Et

dé-

pour ce a

cy bon exemple comment l'on ne se doit mie trop

que Dieu donne ne en faire telle ne telx boubans car aucunefois il en dcsplaist

esjouir d'enffant feste

,

;

à Dieu, qui aussitost

comme

le toit

Cf parle de

il

donne.

le

charité.

Chappitre IIIIxxVII" e vous diray charité.

Ce

un exemple sur

fust d'une fille

raon, qui nourist Moïse diray. Les Juifs

Dieu

,

estoient en

,

,

si

vit

servaige

que le peuple des

en dcspleust et

de

comme je vous

qui estoient pueple de

comme

prisonniers en

Egiptc, dont le roy Pharaon, qui estoit roy

que il

le fait

au roy Pha-

,

pour ce

Juifs craissoit trop,

commanda que

enffans d'un an. Et quant la

il

luy

l'en occist louz les

mère Moyse

vit

que

il

Le Livre

170 convenoit que son

filz

feut

mis à mort, sy

le mist

en

un

vaissel et l'envoia sur Teaue, et alast ^ laventure



il

plairoit à

Dieu

,

comme

celle qui grant pitié

et grant douleur avoit de veoir occire son

vant

elle.

Sy

avinl,

comme

il

filz

de-

pleust à Dieu, que le

vessel va arriver devant la chambre de la fille au roy Pharaon delez un prael, laquelle estoit en l'cs-

bat en ce vergier avecques ses damoiselles. Sy virent celluy vessel arriver delès elles. Sy ala elle et ses

damoiselles dedens le vaissel, et trouvèrent Tenffant

enveloppé, qui à merveilles

da

la fille et

en eut

estoit bel.

pitié, et le fist

Sy

le

regar-

nourir en sa gar-

de-robe moult chièrement, et Tappeloit son

bourdes , duquel enffant vint tant de bien

filz

par

car Dieu

;

Teslust et estably maistre et gouverneur de tout son

pueple

,

bailla la clost, et

et lui

monstra moult de ses secrez,

verge de quoy de laquelle

il

de la pierre. Et aussy et

il

fist

departy

la

mer

ystre eaue vive et doulce

il

lui

Et de celle nourriture et cellui scrvaigc pas

de

lui bailla les tables

moult d'autres grans amistiez

selle

et lui

et la re-

la loy,

demonstra.

damoy-

la

en feust bien gucrredonnée, car Dieu ne oublie

le service

que

l'on lui faist

pour charité

comme

nourrir les orphelins, car c'est un oeuvre de miséri-

corde que Dieux

en

ayme moult,

si

comme il est contenu

la vie sainte Elisabeth, qui norrissoit les

orphe-

lins et les faisoit

aprendre aucun mestier. Dont une

bonne dame qui

n'avoit enffant

ala baingnier; sy chey en

jours entiers, et sa sainte Elisabeth la

;

mère

dont

il

une

que ung, lequel fosse et

s'en

y

fust viij.

estoit charitable à

Dieu et à

avint que, à l'uitième jour,

mère songea que son

fils

estoit

en une fosse

DU Chevalier de La Tour.

171

que sainte Elisabeth le gardoit et lui disoit « Pour ce que vous avez tousjours nourry et » soustenu les orphelins, nostre seigneur ne veult » pas que vostreenffantmuire ne ne périsse. Sy le fai» tes peschier. » Et lors la mère se leva et ala d'eaiie

,

et

:

faire peschier

son

filz et

le

trouva tout sain et vif,

que une moult belle dame lavoit tousjours gardé et lui avoit dit « Dieu vieult que » tu soyes sauvé pour la charité et miséricorde de ta

dont

î'enffant dist

:

» mère, qui voulen tiers nourist et soutient lesorphc» lins et les petis enffans. » Et pour ce a cy

exemple comment Ten petis enffans qui les

en ont meslier car ,

c'est

à merveil-

grant aumosne et grant charité, et qui moult

plaist à Dieu. Et

che

bon

doit norrir les orphelins et les

de ce nous monstre exemple

et plusieurs autres bestes, qui,

quant

l'en

la bis-

a occis

leur mère et leurs faons, demeurent sans nourreture, elles les norrissent

ques à tant que

ils

de leurs bonnes natures jus-

se puissent vivre tout par eulx.

Cf parle d'une bonne dame de

Jerico appelée

Raab.

Chappitre I11IxxVI1I« n autre exemple vous diray sur cest '

11

fait.

advint que en la ville de Jerico avoit

une femme qui avoit nom Raab, laquelle cstoit blasmée, mais charitable estoit.

Dont

il

avintque certains preudes

hommes qui

y es-

Le Livre

172 tôient

venus pour enseigner

gens de

les

respondre et cachier chiez celle

qu'ils s'en alèrent

femme,

le pueple sy trouvèrent moult maulx et crueulx, tant

la ville

et les

mussa dessoubz trousseaulx de

lin et

de chanvre, et ne les peurent trouver pour cercbement que ils feissent, et puis la nuit les avala par

une corde

et les sauva.

bien guerredonnée

hommes gnie,

et

femmes

que Dieu

Dont

il

avint qu'elle en fust

car la ville fut depuis prise

,

tous mors, fors

Raab

et sa

,

et

mes-

sauver pour ce qu'elle avoit sauvé

fist

ses sergens. Et pour ce dit bien la sainte Euvangille,

où Dieu

dit que le bien et le service que l'on lui ou à ses serfs pour lui, que il le rendra à cent doubles. Dont est-ce bon exemple de faire bien qui



fera,

depuis est rendu et meri à cent doubles. Dont je vueil

que vous saichiez l'exemple de

sainte Annastaise, qui

fust

mise en chartre

fist

assavoir qu'elle estoit délivrée pour ce qu'elle

du

soustenoit

les enchartrez toit

mais Dieu

;

la fist délivrer et lui

sien propre les povres prisonniers et ,

et là

mis sans cause

et

où à

elle sçavoit

tort,

que aucun y es-

par envie ou par aucune

debte, elle y mist tant du sien et de sa peine qu'il feust délivré. Et pour ce Dieu l'en guerredonna au

mesmement

doux Jhesucrist dit eu l'Euil aura mercy de ceulxqui auront visité les enchartrez et les madouble. Et

le

vangille que augrant jour du jugement

lades et les povres

jour espovantable

il

femmes en gesines. Car à celluy en demandera compte et en con-

vendra rendre raison tes

,

dont je pense bien que main-

en seront reprinses de en

Et pour ce, belles

comme

fist

filles,

faire

bonnes responces.

pensez- en à présent,

si

sainte Arragonde, qui fust royne de Fran-

DU Chevalier de La Tour,

i;^

ce, qui les povres enchartrez visitoit, repaissoït et nourrissoit les orphelins, et visitoit les malades. Et

au

fort,

quant

elle vit qu'elle n'y pourroit

entendre

à sa voulenté, pour double de desobéir à son sei-

gneur , gloire

son seigneur et tout Tonneur et la

elle laissa

du royaulme

et la

joye mondaine, et s'en fouy

en tapinaige de Paris jusques à dist

en Tabbaye

et se fist

Poitiers, et là se ren-

nonnain, et laissa

le siècle

pour mieulx servir à nostre Seigneur sans crainte de nuUuy dont depuis Dieu fist tel miracle pour l'amour d'elle que ung arbre qui donnoil umbre au millieu de leur cloistre, lequel estoit devenu sec tant estoit vieulx mais nostre Seigneur à sa prière ,

,

le reverdist tellement

nouvelle, contre

le

que

il

geta escorce et fueille

cours de nature. Mais riens n'est

impossible quant à Dieu, et maintes autres grans mifist nostre seigneur pour elle. Et pour ce est bon exemple de faire charité comme ouy avez de ces ij. bonnes dames et de celle bonne dame Raab,

racles

,

comment les

elles firent et comment Dieu en guerredonna de leurs bons services.

la parfin

Le Livre

^74

De

abstinence.

Chappitrk

IIIIvxIX*.

e vous diray autre exemple du père et

de

mère de Sampson

la

fortin

qui es-

,

gens en leur mariage , mais nuls enffans ne povoient avoir. Sy en futoient saintes

rent-ils envers Dieu

Un

jour la bonne

estoit appelle le

en mainte clameur et oroison.

dame

temple

si

comme

seigneur en plorant, Dieux ot vola un ange qui seroit le plus fort

pour lors

fut à Tesglise, qui ;

elle prioit nostre

pitié d'elle et lui

un

lui dist qu'elle auroit

homme

filz

enqui

qui onques fust, et lequel

debastroit et essauceroit par sa force la loy de Dieu.

La bonne dame

vint à son seigneur et le

li

dist.

Son

seigneur se getta en oroison et pria Dieu qu'il

lui

pleust à lui demonstrer son ange, et lors Dieu leur

envoia son ange qui leur dist celles paroles, et qu'ilz jeûnassent et qu'ilz feissent abstinences, et aussi que ilz

gourmangourmander et le

se gardassent de trop boire et de trop

der. « Car «, dist l'ange, « le trop

» trop mengier, fors es heures deues, » boire guerroyé

leur eut ce dist

dement de

si

et aussi le trop

corps et l'âme. » Et quant

se party, et

ilz firent le

il

comman-

l'ange et jeûnèrent et firent abstinences.

Et puis eurent

l'enffant,

de Dieu encontre cisions et

le

qui maintint moult bien la loy

les paiens

,

et

en

fist

moult de grant merveilles,

si

moult de oc-

comme Dieux

DU Chevalier de La Tour. le soustenoit;

car

il

desconfisl par son corps

iij.

ijS mille

personnes. Et pour ce est bon de jeûner et faire abstinence, qui vieult riens requerre à Dieu

;

car confes-

sion et jeunes empêtrent vers Dieu sa requeste, com-

me

l'ange leur dist, et après leur dist

que

ils le

gar-

dassent de trop mengier fors à ses heures, par espécial

de trop boire, dont, quant

scet, leur deffendit cesij.

homme

que tout

et

femme

le saint

ange, qui tout

vices, c'est

bon exemple

si

s'en doit garder sur

tousautres vices, car par cellui vice l'en entre en trèstous les autres

vij.

vices mortelx,

comme vous

le

trouverez plus à plain ou livre de voz frères, là où il

parle

comment un hermite

de gloutonie,

qui eslut cellui pechié

et le fist et s'enyvra, et

par cellui

il

cheist en touz les vij. péchez mortelx, et avoit cuidié eslire le plus petit des vij, dont je vous diray que Salemon en dist ou livre des enseignemens ; premièrement il dist que vin trouble et rougist les yeulx et affaiblist la veue et fait le chief dodiner et croller, et empesche l'ouye et eslouppe les narilles, et fait le visaige pruneller et rougir, et fait les mains trambler et corrompt le bon sanc, et affaiblit les ners et les vainnes, et mine le corps et lui hasle la mort, et lui trouble le senz et la mémoire. Dont Salemon dist que de XX. femmes une qui seroit yvrongne ne pourroit mie eslre preude femme au long aler, ne amée de Dieu ne de ses amis, et qu'il li vauldroit mieulx estre larronnessc ou avoir d'autres mauvaises taiches que celle car par celle elle entrera en toutes les autres mauvaises. Pourquoy, meschières filiez, gardésvous de cellui mauvais vice de trop boire, ne gourmender, ne mengier fors aux droites heures, comme ,

Le Livre

17^

à disner et à soupper. Car une foiz mengier est vie d'ange, et

ij.

d'omme

foiz est droite vie

mengier

et plusieurs fois

est vie

et

de feme,

de beste,

et tout

coustume et par usaige, car de teUe vie, soit de boire ou de mengier, comme vous vouldrés acoustumer en vostre jeunesse, vous le vouldrez maintenir en vostre viellesse, et pour ce ne chiet que en vostre voulenté à y mettre remède à heure. Sy devez cy prendre bonne exemple au saint ange

chiet par

Sampson

qui en avisa le père et la mère de l'ange ne dist pas

comme il

que sa femme auroit un

fist

filz

à Zacaries ; car

qui auroit

fortin il li

;

dist

nom Jehan

qui ne buvroit point de vin ne de cervoise

;

car

Tun

enffant fust estably de Dieu pour garder la foy par

espée contre les païens, ce fust Sampson, et S. Jehan fut estably teté,

pour prescher

de jeunes

et estre

et

et estre

de abstinences,

mirouoir de chaset

de user

la haire

mirouoir de toute sainte vie. Si vous laisse

de ceste matière et vous diray d'un autre exemple.

De aprendre saigesce

Chappitre e vous

dame

et clergie.

IIIIx:xX^

diray une autre exemple d'une

qui avoit une

fille

qui eust à

nom

Delbora, laquelle elle mist à l'escole de saigesse et Celle Delbora apprist

du

saint esprit et de sapience.

si

bien qu'elle sceust la sainte

escripture, et usa de sy sainte vie qu'elle sceust des

DU Chevalier de La Tour.

177

secrez de Dieu et parla moult des choses à venir, et

par son grant senz touz seil

lui

venoient demander con-

des choses du royaume et de leurs affaires. Son

homs

seigneur estoit maulx

et crueulx

son sens et par son bel acqueil

elle le

mais par

;

savoit bien

avoir; car elle lostoit desafrenaisieetle faisoit paisible et juste à son pueple. Et

ple que len doit mettre ses

clergie et la sainte escripture elles

pour ce a cy bon exem-

filles

pour apprendre

en verront mieulx leur saulvement

mieux

noistront

mal du bien

le

bonne dame Delbora et comme

fist

recog-

et

comme

si

,

tist

la

sainte Katherine,

qui par son sens et par son clergie

grâce du

la

car pour en sçavoir

;

avecques

,

la

Saint-Esprit, elle scurmonta et vainqui

les plus saiges

hommes de

par sa

toute Gresce, et

sainte clergie et ferme foy elle congnust Dieu, et Dieu lui

donna

de martire

victoire

corps par ses anges

et

en

porter le

fist

journées loing,

xiiij,

c'est as-

mont de Sinay, et son saint corps rendit Et le commencement et fondement de Dieu

savoir ou huille.

congnoistre fust par sa clergie, où elle congnust la

sauvement de la foy. Encore un autre exemple vous diray-je d'un enffant de l'aage de ix. ans

vérité et le

qui avoit esté

Dieu

,

que il

il

iiij

.

ans à l'escole

les vaincquit touz, et

qu'ilz le prisdrent

subjecion

ilz le

,

et

au

il

et

,

de

la

grâce de

quant

si

fort

fort ils l'espièrent tant ilz le

tindrent en

menacièrcnt à occire ou

Dieu. Mais, pour tourment que re,

,

desputoit de la foy contre les paicns

ilz

il

leur

renieroit

luy peussent fai-

n'en voult riens faire. Sy lui demandèrent où

estoit Dieu, et

il

leur dit:

cuer. » Lors de depil

«Au

ils le

ciel et adjoint

en

mon

occirent et lui fendirent le

12

Le Livre

178

cousté pour voir son cuer, se

disoit voir

il

que Dieu

y feust. Et, quant il fut fendu et ouvert , ilz virent de son cuer yssir un coulon blanc, dont il y eut aucuns d'eulx pour celui exemple se convertirent en Dieu. Et pour cest exemple et les autres est bonne

chose de mettre ses enffans juennes à les faire

l'escolle et

apprendre es livres de sapience,

c'est-à-dire

où Ton sauvement du corps et de Tame, et en la vie des pères et des sains non pas les faire apprendre es livres de lecheries et des fables du mon-

es livres des saiges et des bonsenseignemens, voit les biens et le

,

de

car meilleure chose est et plus noble à ouïr et

;

du bien

parler

et

des bons enseignemens, quipueent

valoir et prouffiter,

que

lire et estudier

des fables et

des mensonges dont nul bien ne prouffit ne puet estre

;

et

pour ce que aucuns gens dient que ilz ne voul-

droient pas que leurs

femmes ne

leurs

filles

sceus-

sent bien de clergie ne d'escripture, je dy ainsi que,

quant d'escripre, n'y a force que femme en saiche riens; mais, quant à lire,

mieulx de périls

le sçavoir, et

de Tame

et

toute

la

vault

foy et les

son saulvement, et n'en est pas de

cent une qui n'en vaille mieulz

prouvée.

femme en

cognoist mieulx

;

car c'est chose es-

DU Chevalier de La Tour.

De

la

179

dame nommée Rutk.

Chappitre

IlIIxxXIe.

n autre exemple vous diray d'une bonne dame appelée Ruth dont descendi le roy David. Celle bonne dame est moult louée ,

en

la sainte escripture

amaDieuetobey àson seigneur,

,

et,

car à merveilles

pour lamour de

honoroit et amoit ses amis et leur portoit

lui, elle

plus de honneur et de priveté que es siens devers elle

;

dont

il

advint que, quant son seigneur fust

mort , que le filz de son seigneur d'une autre femme ne li vouloit riens laissier, en terre, ne meuble, pour ce qu'elle estoit de loingtain pays et loing de ses amis, pour ce la cuida esbahir mais les amis de son ;

feu seigneur, qui l'amoient pour la grant doulceur et la priveté et le grant

semblant d'amour

qu'elle avoit toujours porté

,

les mist

et

devers

service elle, et

furent contre leur parent, tellement que ilz firent avoir

à la dame son bon droit et toute sa partie selon la coustume. Et ainsi la bonne dame sauva le sien pour l'amistié et la

bonne compaignie qu'elle avoit

parens de son seigneur quand

il

vivoit. Et

fait

aux

pour ce

a cy bon exemple comment toute bonne femme doit servir et

honnourer

les

parens de son seigneur

plus grant semblant d'amour ne et

en ce

comme

lui

il fist

li

;

car

pourroit-elle faire,

en puet tout bien et honneur venir, à la bonne

dame Ruth,

qui,

si

pour amer

Le Livre

i8o et

honnourer

parens de son seigneur,

les

vra sa juste partie des heritaiges gneur,

Que

comme ouy

toute

elle recou-

des biens son sei-

avez.

femme

doit soustenir son seigneur,

Chappitre e vous diray

me

et

IIIIxxXII«.

un exemple d'une bonne da-

qui bien doit estre louée. Celle bonne

dame

avoit

gneur qui

nom

estoit

Abigail

;

elle avoit

un

sei-

homs

à merveille maulx

et divers et rioteux à tous ses voisins, et mesdisans.

Sy avoit trop

forfait

fist desfier, et le

Mais la bonne roy

au roy David, dont

dame

,

roy le

qui sage estoit, vint devers le

se humilia tant par

et

le

vouloit destruire et mettre à mort.

ses

doulces paroles

de son seigneur. Sy le garda celle foiz et plusieurs autres de maints perilz où il se mettoit par sa mauvaise langue et par ses foies sotises. Mais tousjours la bonne dame amendoit ses sotties et ses folies, dont elle doit bien estre louée, et aussi de ce qu'elle souffroit moult humblement de lui la qu'elle

fist

la paix

paine et la doulleur ce a cy bon exemple

Et pour bonne femme

qu'il lui faisoit traire.

comment

toute

doit souffrir de son seigneur et le doit supporter, et

par tout

combien

le

sauver et garder

qu'il soit fol

a donné. Car tant

comme

son seigneur,

ou divers , puisque Dieux

comme

et elle le portera plus

elle

y aura plus à

humblement

et

le lui

souffrir

couverra la

DU Chevalier de La Tour. folie

de

lui

et l'onneur

i8i

de tant aura-elle plus l'amour de Dieu

,

du monde.

Je vouldroye que vous sceussiez l'exemple d'u-

ne bonne dame, femme d'un sénateur de

me,

comme

si

Rom-

contenu es croniques des Ro-

est

il

mains. Cellui sénateur estoit moult jaloux sans cause, et estoit

moult divers homs

moult maulx et

et

crueulx à sa femme. Sy advint que

il

eust à faire

ung

gaige de bataille encontre un autre. Or estoit -il trop couart et

failli

;

le

jour de la bataille son champion

qui devoitjouster pour

lui estoit

malade,

et

ne trouva

dont mais sa femme, qui regarda le grant deshonneur que son seigneur y auroit , ala en

lors il

aucun qui pour

eust esté débouté

sa chambre et se mist

la

voulust combattre

,

;

fist

en champ,

nul ne

lui se

armer

et avoit

cogneust, et toutes

;

sy

monta à cheval

son visaige foiz,

deffait

et se

que

pour ce que Dieu vit

sa bonté et que elle faisoit selon Dieu son devoir, et rendoit à son seigneur bien pour mal

Dieu lui donna telle grâce que elle gaigna la querelle de son seigneur honnourablement. Et quant vint que tout le traictié

fust

,

accomply, Tempereur voult veoir

et

champion du sénateur. Si fust trouvé que c'estoit sa femme , dont

sçâvoir qui estoit le

desarmée

et fust

l'empereur et toute

la ville lui

portèrent dès cellui

jour en avant plus grant honneur qu'ilz n'avoient fait, et fust

comme

à merveilles honorée, tant pour ceste cause

pour ce que

elle se portoit bel et

des maulx que son seigneur ly

faisoit

doulcement

bien souvent

traire. Et pour ce a cy bonne exemple comment toute bonne femme doit humblement souffrir de son seigneur ce que elle ne puet amender ; car celle qui

Le Livre

i82 plus en seuffre X. foiz plus

de honneur que celle qui n'a cause de en son seigneur bien entachié, sy

et qui a

souffrir,

comme

sans en faire chière en recouvre

dit

Salemon

qui bien parle des

,

femmes en

louant les unes et blasmant les autres.

De

adoulcir

de son seigneur.

l'ire

Chappitre IIIIxxXIII» n autre exemple vous diray d'une des

femmes au roy David, comment elle apaisoit l'ire de son seigneur. Vous avez bien ouy comment Amon le filz David despucella sa suer, et comment Absalon leur frère vengea celle honte et le fist mettre à mort dont Absalon s'en fouy hors du pays car le roy le vouloit faire occire. Mais celle bonne dame lui fist s paix ,

,

car elle monstra tant de bonnes raysons à son sei-

gneur que il lui pardonna. Sy n'estoit-elle pas sa mère fors femme de son seigneur. Mais elle tenoit en amour son seigneur et ses enffans comme bonne dame. Et ainsi le doit faire toute bonne dame car ,

;

plus grant semblant d'amour ne puet-elle monstrer à son seigneur que et

amer

ses enffans d'autre

femme,

y conquiert honneur au double, et plus les doit

soustenir

que

les siens

;

car au derrenier

que tout bien et honneur, à celle bonne dame que, quant

fors

lui vouloit toUir

son

droit,

il

n'en vient

si

comme

le

roy fut mort, l'en

mais Absalon ne

il

advint

le voulst

DU Chev^alier dé La Tour. souffrir et dist

que

feust sa mère,

i83

devant touz que, combien que elle ne elle lui avoit porté

honneur

et pri-

veté et amour, et par maintesfois desblasmé vers

mon

seigneur

père

mon

car elle ne perdra jà riens de

;

son droit. Et pour ce a cy bon exemple comment toute

bonne femme

femme

amer

doit

qui est de son seigneur,

honnourer tout ce ses enffans d'autre

aussy ses prouchains et ses parens. Car

et

voulentiers nul bien n'est

mery,

soit

et

comme

si

comme ouy

comme

il

fait

que communément ne

advint à ceste bonne

dame

avez.

De querre

conseil.

Chappitre IllIxxXIIIIe. e vous diray

un autre exemple de laroyne estoit bonne dame et

de Sabba, qui moult '

saige, laquelle vint de vers Orient en Jheru-

salcm pour demander conseil d'un grant fait

au roy Salomon

,

lequel la conseilla feablement,

et bien lui prist de son conseil, et elle ne perdy pas

son travail ne ses pas. Et pour ce a cy bon exemple

que toute bonne dame doit

cslire

un bon preudomme en

et saige de son lignaige ou d'autre et le tenir

amour le

et

soy conseiller à lui de ses besoingnes

bon conseil fait

amour à sans

la bonne

œuvre,

et fait tenir

;

car

bonne

ses voisins et garder le sien sans parler et

rioter, et, se

aucun

bon preudomme et

plait

ou contens

se met, le

le saige conseil si le oste et

amo-

i84 dère

Livre

I^E

la chose, et fait avoir le sien

sans grans coustz et

sans grans mises, et tousjours en vient grant bien,

comme

il

vint à la

bonne royne de Sabba, qui de sy

loing vint querre conseil au saige roy Salemon. Et

encores vouldroye-je que vous sceussiez l'exemple

Romme. L'empereur

d'un empereur de

au

lit

de

la

estoit

malade

mort. Chascun des seigneurs et des séna-

teurs et autres pour lui plaire disoient que

seroit

il

que il eust sué. Mais amy que il eust ne lui parloit du prouffit de l'ame. Sy avoit avecques lui un chambellan qui lavoit nourry, letantost guery, mais

quel

le servoit d'enffance. Cellui

veoit bien que

il

ne

pouvoiteschapper, et que tous ne le conseilloienlfors

que pour bellan

:

lui plaire

seulement. Sy lui va dire

comment

« Sire,

le

cham-

sentez-voz vostre cuer? »

Et l'empereur luy dist que bien petitement. Lors

commença à

dire

moult humblement

» vous a donné en cest

monde

toutes honneurs et les

» biens terriens et la joye mondaine » gnoissez et merciez

,

lui

Dieux

a Sire,

:

si l'en

,

et départez à ses

recon-

povres des

» biens que Dieu vous a donnez, tellement que

il

n'ait

» que reprouchier sur vous. » L'empereur escouta et dist

deux motz

:

Plus vault

flatteur qui oint. Et fust

amy

qui point que

pour ce que ses amis ne

lui

avoient parlé que de l'espérance de la santé du corps

pour

lui plaire

ment de l'ame

mais cestuy-cy lui parloit du sauve-

;

;

car qui

ayme

le

corps

l'ame, et ne doit l'en riens celler à son

il

doit

qui lui porte prouffit et honneur, ne, pour

pour hayne, ne le

amour ne

laisse à conseillier loyaulment,

me preudomme et bon amy,

et

ne

amer

amy de chose

le flatte

com-

pas ne faire

lep/ace5o comme firent tous les amis de l'empereur,

DU Chevalier de La Tour. qui veoient bien qu'il

ne fist

lui osoient

i85

ne povoit eschapper de mort et

pas dire le prouffit de son

son povre chambellain

,

ame comme

qui le mist à la voie

sauvement. Et l'empereur le creust, car départi du sien largement pour Dieu.

D'une preude femme qui amoît

les

il

du

donna

et

sergens

de Dieu.

Chappitre IIIIxxXV». n autre exemple vous diray de une moult preude femme qui avoit un simples homs à mary. La bonne dame estoit moult charitable et aymoit moult les sergens de Dieu Sy avoit, vers les parties de Jherusalem, un saint .

preudomme prophète qui avoit nom Elizeus. Celle bonne dame avoit grant devocion au saint homme, et le pria

de venir herbergier chiez son seigneur et

chiez elle saint

,

et lui firent

homs, qui

une chambre

solitaire



le

vestoit la haire, faisoit ses afflictions.

Si ne povoit là bonne dame avoir enffant de son seigneur ne lignée. Sivont prier le saint homme que il priast Dieu qu'il leur donnast enffans et lingnée, et le saint prophète

en pria Dieu tant que ilz eurent un

à merveilles bel,

morut, dont dueil.

du

Sy

fist

le

filz

qui vcsquit bien xv. ans et puis

père et

la

mère endeurent mourir de

mettre la mère l'enffant en la chambre

saint prophète

,

et ala

par le pays tant qu'elle

trouva le saint preudomme, et quant elle l'eust trouvé

Le Livre

i86 elle î

;

.

ramena en

sa

qui estoit mort et

chambre

lui dist

:

et lui

monstra Tenffant

« Ha, saint

homme, veez-

me donna par ta prière qui estoit toute ma joye et ma soustenance. Je te prie que tu vueilles Dieu prier que il le me rende ou qu'il me preingne, car je ne vueil point demourer

» cy Tenffant que Dieu »

» »

» après la

lui. »

Et Elizeus

,

le saint

prophète eut

bonne dame; sy adouraDieu,

et

Dieu

le

pitié

de

revesquit

àjsa prière, et vesqui renffant longuement et fust saint homme. Pourquoy, mes chières filles, ycy a bonne exemple comment il fait bon se accointier des sains hommes et les amer, et qui usent de bonne vie et de sainte, comme ceste bonne dame, qui ne povoit avoir enffans et en eust à la prière du saint homme, et depuis que l'enffant fut mort. Dieux le ressuscita à

sa prière, et pour certain Dieu:x est aujourd'uy aussy puissant et aussy débonnaire .

ceulx qui

le serviront. Si

painne et humble cuer à

ne

comme fault

il

estoit lors à

que mettre bonne

le desservir, et tenir la

com-

paignie des saintes gens qui usent de saincte vie, et les croire

;

car tout bien en puet venir,

à la bonne dame.

comme il

fist

DU Chevalier de La Tour.

De Sarra, femme du petit

187

Thobie.

Chappitre IIIIxxXVK e vous diray un autre exemple de une bonne dame, qui avoit nom Sara. Vous avez bien ouy comment elle eust vij. seigneurs , que Tenemi occist pour ce qu'ilz

ne vouloient pas user de loyal mariaige

me

bonne dame, qui

voit arrester. Et la

foie vouloit tencier à elle

moult humblement

,

si lui

dist

« Belle amie

:

et

,

mary ne

sa clavière lui reprocha que

,

compo-

lui

que

celle

comme

saige

vit

à toy ne à

moy

» ne appartientmie à parler des jugements de Dieu », et plus

ne

lui dist. Elle

que

elle tançoit

que

montèrent

elle n'estoit

celle parole

mariaige grant

,

folie

,

la fille

qui avoit le cuer

si

d'un félon

en plainne rue avecques sa voisine,

et tant crurent et lui dist

ne sembla pas à

Romme,

des sénateurs de

les paroles

que lautre

pas nette du corps

,

dont par

qui ala tant avant , elle en perdy son

feust vérité

à toute

ou mençonge. Et pour ce

femme de

est

tencier ne respondre à

tenceurs ne à gens qui sont félons et cruelz et qui

ont maie teste, dont je vous diray un

fait que je vy d une bien gentilz femme qui tençoit à un homme qui avoit maie teste. Sy lui dis « Ma damoyselle, je :

» vous loue et conseille que vous ne respondiez » point à ce fol

»

;

car

mal que de bien

».

il

est assez fol

Mais elle ne

de dire plus de

me voult croire

,

si

Le Litre

i88

tença plus forl en lui disant qu'il ne valoit riens. Et il

il valoit autant pour homme comme pour femme. Et tant montèrent leurs paque il dist que pour certain il sçavoit bien un

respondit que

elle faisoit

rolles

homme

qui la baisoit de jour et de nuit quant

il

adonc je l'appellay à costé et lui dis que folie de prendre à fol paroles ne tençons. Si

vouloit. Et c'estoit

furent les paroles laides et devant moult de gens

,

et

fust diffamée par son attayne et par son fol tencier, et fist sçavoir à plusieurs

gens ce que

ilz

ne sçavoient

pas. Elle ne sembla pas la sage Sarra, qui ne

grans responces à sa

folle clavière

fist

pas

car aucunes foiz

;

met bien de son bon droit en son tort , et si moult meschante chose et honteuse à gentilz femmes et autres de tencier nullement. Dont je vous diray l'exemple de la propriété de certaines bestes. Regardez- moy ces chiens et ces mastins; de leur nature ilz rechignent et abbayent, mais un genl'en se

est

til

levryer ne le fera pas. Ainsi

hommes

doit-il estre

des gentilz

des gentilz femmes. Et aussi je vous di-

et

ray l'exemple de l'empereur de Constentinoble. estoit

homme

moult

çast à nul, dont

tançant; mais

il

il

les

fier et félon

advint que

Il

mais jamais ne ten-

,

trouva ses

il

ij. filz

eustbatus, qui ne se feustmis

entre deux. Et puis dist que nul gentil cuer ne devoit tencier

ne dire

villenie.

Car au tencier

gnoist les gentilz de avecques les villains est villain qui de sa

bouche

,

l'en

con-

car cellui

dist villenie, et

pour ce

de cuer à humilité en eulx,

est grant gentillescc et grant noblesce

ceulx qui pueent avoir pascience et et

ne respondre point à toutes

folz

ne des

foies.

les foies paroles

Car pour certain

il

des

advient souvent

DU Chevalier de La Tour. que une

foie parole

engendre

telle foie

puis porte honte et deshonneur filles

,

est

et la foie

189

responce qui

et pour ce belles bon de y prendre bon exemple. Car le fol

de félon

leur tient pié

,

ilz

,

;

et haultain couraige

,

quant

l'en

dient de leurs malices et de leurs

yres aucunesfoiz villenies et choses qui oncques ne furent pensées, pour vengier leur grantyre.Et ainsi se doit garder toute

bonne femme de

riens respondre

à son seigneur devant les gens pour plusieurs causes; car à soy taire elle ne peut avoir que toute hon-

neur lui

et tout bien

de touz ceulx qui

respondre son desplaisir ne

honte

et desplaisir et

De

li

le

verront

,

et à

peust venir fors

deshonneur.

la royne Rester

Chapitre IIIIxxXVII«. vn autre exemple de

e vous diray

la

royne Hester, femme au grant roy de Surye. Celle fut à merveilles bonne da-

me

et saige

seigneur. Sur toutes

,

amoit et craingnoit son

et

dames

la sainte escripture la

loue moult de sainte vie et de ses bonnes mœurs. Car le

roy son seigneur cstoit mal et divers, et

lui disoit

moult d'oultraigeuses paroles

et vilain-

aucunes nies

;

foiz

mais pour riens que

il

pondoit aucune parole dont

vant les gens seul

et

;

mais après

veoit son lieu

,

lui dcist elle il

,

elle

ne

lui res-

se deustcorrouccr de-

quand

elle le trouvoit

se desblamoit et lui

,

Le Livre

igo

monstroit bel et courtoisement sa faulte

pour ce

et

,

roy Tamoit à merveilles et disoit en son secret qu'il

le

ne se povoit courroucier à sa femme

tant le prenoit

,

par bel et par doulces paroles. Certes

c'est une des bonnes taches que femme puist avoir, quenerespondre point en l'ire ne en courroux de son seigneur. ,

Car cuer gentil est cremeteux et a touz jours paours de faire ou dire chose qui desplaise à cellui qu'il doit honnorer et craindre dont l'en conte es livres des ,

femme d'un grant seigneur qui et sa femme estoit moult douce

roys de la et divers

souffroit et estoit

humble. Sy

estoit

»

me que

vous estes?» Et

,

« Madame comme juenne da:

elle respondit

que

venoit que elle se doubtast et se demenast elle sçavoit

pour avoir

que la

estoit la

mal

moult

et

un jour moult

pensive, et ses damoiselles lui disoient

» pourquoy ne vous esbatez-vous

estoit ,

il

con-

comme

voulenté de son seigneur,

joye de luy et la paix de son hostel. Et

puis disoit que la paour de trois prisons la destreignoit de estre trop joyeuse et trop gaye estoit iij

.

amours,

l'autre

vertus la maistrioient

;

la destraingnoit

faire pechié, fors le

lui faire

son desplaisir

;

de perdre son honneur et de

moins qu'elle povoit honte d'avoir ;

villain reproche. Et ainsi la

damoiselles. Pour quoy, prie

dont lune

car l'amour qu'elle avoit

à son seigneur la gardoit de

paour

,

paours, et la tierce honte. Ces

bonne dame

mes

dit

à ses

chières filles, je vous

que vous ayez ces exemples en voz cuers,

ne

et

respondez nulle grosse parole ne envieuse à vostre

comme faisoit celle comme ouy avez et

seigneur, fors doulce et humble,

bonne dame ,

comme

ceste

la

royne Hester,

bonne dame qui

dist

,

à ses damoiselles

,

DU Chevalier de La Tour, que son cuer estoit en Tamour et en seigneur, et pour ce ne povoit-elle

la prison faire fors

igi de son

que à

tout son plaisir et vivre en sa paix.

De Suzanne,

la

femme Joachim.

Chappitre IIIIxxXVII^. n aullre exemple vous diray de Susanne

femme Joachim qui estoit grant seigneur en la chetivoison de Babilonie. Celle Susanne estoit à merveille belle da-

la

me

,

de saincte

et

vie. Si avoit

qui disoient leurs heures en

dame de.

ij.

prestres de leur loy

un verger,

et la

bonne

peignoit son chief , qui estoit blanche et blon-

Sy arrivèrent ces

belle et seule. Lors

que se

elle

ne vouloit

moigneroient

ij.

qu'ilz

prestres sur elle et la virent

furent temptez, et

si

faire leur

vou lente

li

,

vont dire qu'ilz tes-

l'auroient trouvée en fait

de

luxure avec un homme, et pource que elle auroit enffraint

son mariage, elle seroit lapidée ou arse, selon

la loy qui lors couroit. Celle

esbahie

,

bonne dame

fust

moult

qui par faulx lesmoings veoit sa mort

deux tesmoings estoient

lors creus.

Sy pensa

car

;

et re-

garda en son cuer que

elle aymoit mieulx mourir de mort mondaine que de la mort pardurable et mist son fait en la voulentô de Dieu auquel elle se

la

,

,

fioit

du

tout, et lors respondit à brief qu'elle n'en

feroit rien, et qu'elle

cer

sa.

amoit mieulx à mourir qu'à faul-

loy ne son saint sacrement de mariage.

Adonc

,

Le Livre

192 les

faulx prestres alèrent es juges et tesmoignèrent

ij.

Tavoient trouvée en avoultrie, que à son seigneur. L'on remmejugiée à mort, mais elle s'escria à

contre elle qu'ilz c'est à dire à autre

na tantost et

fust

Dieu , qui tout savoit

,

de son

et la loyaulté d'elle et

mariaige. Et Dieu, qui n'oublie point voulentiers son serf, lui envoia secours et

phète

fist

venir Daniel le pro-

qui n'avoit d'âge que entour cinq ans

,

s'escria et dist les juges d'Israël

pie de Dieu

«

:

» cent de cest

Ne

fait

,

,

c'est

le

lequel

occiez pas le sanc juste et innoet

enquerrez chacun par soy, et

» leur demandés soubz quel arbre

Lors

,

à dire du pue-

ilz la

pueple fust esbay de veoir

trouvèrent,

si

o

petit enffant

que c'estoit appert miracle de Dieu. Sy firent TenqUeste à chascun par soy, dont l'un dist que il les avoit trouvez soubz un figuier, et l'autre dist desoubz un prunier, et ainsi fuainsi parler. Si virent bien

rent en

quant

faiz

ilz

contraires;

si

furent jugiez à mort, et

virent qu'il n'y avoit point de

remède

,

ilz

recogneurent la vérité du faitetdistrentqu'ilzavoient bien deservy la morf , et non pas

elle.

Et pour ce a

cy bon exemple comment Dieux garde ceulx qui ont et qui mettent leur fait en sa main bonne dame qui mieulx vouloit se mettre en adventure de mourir que parjurer sa loy

en luy fiance

comme

,

fist la

,

c'est assavoir enffraindre

loyal mariaige

,

son saint sacrement

et

et si doubtoit plus la perdicion

son

de

Vame et la mort pardurable que la povre vie de cest monde, dont par sa bonté Dieux lui sauva le corps et l'ame,

comme ouy

avez. Et pour ce toute

bonne

femme doit tousjours espérer en Dieu et pour l'amour de lui et l'amour de son mariage soy gar,

,

,

DU Chevalier de La Tour.

193

grandement ne si vilment comme enffraindre son-seremenletsa bonne der de perilz

ne de pechicr

et

si

loy.

De

Elizabeth , mère saint Jehan Baptiste.

Chappitre IIIIxxXIX^ e

vous diray un autre exemple du nouvel

Testament. C'est de sainte Elisabeth, mère saint

Jehan Baptiste. Geste servoit premiè-

rement Dieu

et puis

son seigneur. Elle

doubtoit sur toutes femmes, et, se et

il

lui feust riens

mesavenu en

il

lostel, elle le celast

et le feit celer jusques à ce qu'elle veist bien

point, et puis lui deyst

si

bel et

le

vensist de hors

si

son

atrempeement à

son seigneur que jamais ne s'en deust corroucier. Elle convoitoit touz jours la paiz et la joie de son

seigneur, et ainsi le doit toute bonne

Geste sainte

dame amoit

et craingnoit

femme

faire.

Dieu et por-

bonne foy à son seigneur. Et pour ce Dieu lui donna saint Jehan Baptiste. Et ce fust bon guerredon car femme qui ayme et craint Dieu et se garde toit

;

de péchiez et se

donne à il fist

tient nettement.

Dieu

le lui

guerre-

mort à cent doubles, comme dame à qui il donna biens ce-

vie, et après la

à ceste sainte

lestieulx et biens terriens à puissance,

comme

riaige et qui ont

sainte Susanne,

bonne espérance en

comme vous

lui

avez oy.

,

si

il

fait

macomme

à ses amis qui se tiennent nettement en leur

Le Livre

«94

Cf commence à parler des exemples du

Noui^el

Testament depuis que Dieu vint ou ventre de la Yierge Marie.

Et premiers de

Magdelaine.

la

Chappitrk

C^.

autre exemple est de la Magdelaine

mes

,

quant

qui

elle lava les pies à Jhesucrist

de ses lermes

et puis les

dame

cheveulx. Celle bonne

essuya de ses

plouroit ses péchiez et

requeroit pardon de ses péchiez. Ce estoit

de Dieu

et crainte

exemple

le

de son meffait. Et

devons nous

faire.

goingne de

amour

ainsi par celluy

Car nous devons plou-

rer nos meffaitz et noz péchiez

blement,

,

espurja et nectoya ses péchiez par ses 1er-

i

,

et avoir pitié et ver-

les avoir faiz, et venir

à confession hum-

et les regehir, et les dire et les

aussi villainement et ordement

comme

racompter l'en

les a

sans rien polir ne celer. Car la crainte de Dieu et le liardement que Ten emprant de dire son meffaiz,

fait et

son péchié

que len a de et allegance

,

vergoingne et celle honte une grant partie du pardon

celle

le dire est

du mesfait, et Dieu, qui esmuet en pitié et

la reppentance, se

séricorde et pardonne,

comme

voit lumilité et

eslargist sa mi-

à saincte Marie Magdelaine, à qui il pardonna ses péchiez pour la grant contriccion et repentance qu'elle en eust. il fist

DU Chevalier de La Tour. Une auUre rayson

est

pour quoy

delaine doit estre louée

;

igS

la benoiste

Mag-

ce fust pour ce que elle

amoit Dieu et craingnoit merveilleusement ardam-

ment. Car pour

que

les

grans miracles qu'elle veoit

qu'il

avoit resuscité son propre frère

faisoit,

et

le ladre,

qui bien lui avoit dist merveilles de par de-

il

que il esconvenoitquelle

là, et les paines, et elle veoit

mourist et qu'elle fust par delà punye de ses pechiés.

Quant

elle pensoit

en

telle

chose

csperdue et paoureusc. Et pour ce

,

elle estoit toute

fust elle plus

ans en un désert, en boys et en buissons, elle cust tant

jeune qu'elle ne

le

e(,

de xx. quant

povoit plus souffrir

selon nature, lors nostre seigneur la regarda en pitié et li envoioit chascun jour par un ange le pain du ciel, dont elle fust rassasiée jusqucs en la fin. Et pour ce a cy bon exemple conmcnt il fait bon plou-

rer les pechiés et soy confesser souvent et faire

jeunes et abstinences, et amer Dieu et craindre,

comme

fist

Dieu

ploura ses péchiez sur ses piez et des peulx

et

celle

bonne Magdalaine, qui ama

les essuya, et souffry tant

de mal

desers et es buissons, que Dieux

son ange

du

ciel.

,

qui

El aussi

chascun jour fera-il

li

et

tant

de malaise es

si la

conforta par

apporloit

du pain

à toutes bonnes femmes, et à

touz ceulx qui de vray cuer ploureront leurs pé-

aymeront Dieu et feront bonnes jeunes bonnes abstinences, comme il fist à ceste bonne

chiez, et qui et

femme.

Le Livre

igG

De

ij.

bonnes dames à mescreans.

Chappitre

CI'.

n autre exemple je vous diray de

ij.

nes dames qui estoient femmes de

bonmes-

femme au

senes-

chal du roy Herodes. Celles bonnes

dames

creans

,

dont lune esloit

suivoyent nostre seigneur et

lui

administroient son

bon exemple que toute bonne femme, ait divers ou mauvais seigneur ne doit

vivre. Si est

bien qu'elle

,

pas pour tant laissier à servir Dieu doit estre trop plus

humble

et

et lui obéir, ainçois

dévote pour empêtrer

grâce de Dieu pour elle et pour son mary. Car

que

elle fait

de Dieu le

amendrist

et leur

bien que elle

est

le

mal de

le

bien

lui et adoulcist Tire

garde leur bien et leurchevance. Car fait

soubzporte son mal

,

si

comme

contenu ou livre de la vie des pères, là où

il

il

parle

d un mal homme et tirant, qui par iij foiz fust sauvé de villaine mort pour la bonté de sa femme dont il .

,

advint que

,

quant

elle fut

morte

,

il

n'avoit plus qui

priast Dieu pour lui et par ses grans péchiez, le roy du pays le fist mourir de maie mort. Et pour ce est bonne chose et nécessaire à mauvais homme d'avoir bonne femme et de sainte vie, et, de tant comme la femme sent son seigneur plus divers ou pécheur ou de maie conscience , de tant a-elle plus grant mestier de faire plus grans abstinences et plus de biens pour Dieu. Car, se l'un ne portoit l'autre, c'est-à-dire

DU Chevalier de La Tour. le

197

mal, loutbesilleroitouyroit àperdicion.

bien le

Et encoresvous dis-je que Tobeyssance de Dieu et la crainte fut premier establie doit premier obéir

que mariaige

au créateur

,

;

qui les a

car l'en faiz

a sa

ymaige et qui leur puet donner grâce d'estre sauvés ou perdus. Et ainsi la loy commande que l'en ne doit pas tant obéir au corps ne estre en lobeyssance de son seigneur que l'en ne obéisse premier sainte

au

prouffit

de l'ame, qui est un bien pardurable. Et

dit la glose

ment

tirer

service

que toute bonne femme doit première-

au bien de l'ame de son seigneur et puis au

du corps. Car

le

bien de l'ame n'a pareil,

et,

se l'ame a bien, elle et ses enffans jouyront paisible-

ment

et

beneurement des biens du mort,

et,

se l'ame

a tribulacion, aussi au contraire. Et ceste chose est vraye

et

esprouvée

,

comme

il

est

contenu en plu-

sieurs lieus en la sainte escripture, et pour ce

fait bien

adviser son seigneur de faire bien et le destourber faire mal à son povoir. Car ainsi bonne femme.

de

le doit faire toute

Cy parle de sainte Marthe, suer à la Magdelaine.

Chappitre 'autre

exemple

est

CII«.

de Marthe

Magdelaine. Celle bonne

la suer à la

dame

estoit louz

'jours coustumière de herbcrgier les pra»-

phètes et les sergcns de Dieu qui preschoient et cnscignoient la loy

,

et estoit

moult grant

,

Le Livre

19^

aurnosnière es povrcs,

et,

pour

la sainte vie d'elle,

vint le doulx Jhesucrist soy herbergier chiez elle.

que sa suer

Celle fust qui se plaigny à Jhesucrist

Marie ne

lui venoit point aydier à faire et appareiller

à mengier; mais noslre seigneur

humblement etdistque Marie Ce

lui

respondit moult

avoit esleu le meilleur

pour ce que elle plouroit ses pémercy en son cuer humblement. Et le doulz roy lui dist vérité, car il n'est service que Dieu ayme tant comme crier mercy et soy repentir de son

service.

estoit

chiez et cryoit

pechié et se retourner de son meffait. Ceste sainte

Marthe

fist

bon service à

osteller Jhesucrist et ses

appostres et les repestre de viandes, de

vocion et de franc cuer

Dieu

fit

comme

moult de miracles pour

en son trespassement

elle

la conforter et

amc d'elle. Ce fust bon guerredon. femme y prendre bonne exemple, bon herbergier

les

si

grant de-

elle le faisoit

en sa vie

car

querrelasaincte

Si doit toute

comment

et

sergens de Dieu

;

et vint

,

les

et ceulx qui enseignent la foy et le bien

bonne fait

il

prescheurs

du mal

,

et

aussi herbergier les pèlerins et les povres de Dieu si

comme Dieu

le

tesmoingne en

k sainte euvangille,

qui dist qu'il demandera au grant jour espoventable,

au jour du jugement , comment l'en aura visité malades et reçeu et herbergié ses povres au nom de lui et conviendra rendre compte des habondances des biens terriens que il aura donnez et commenl l'en les aura employés et départis du plus au moins, c'est

les

,

aux povres souffreteux. Et pour ce est moult nobles vertus de herbergier les pèlerins les povres et les sergens de Dieu car tout biensienpuet venir, car Dieu paye le grand escot et rentà cenl c'est-à-dire

,

;

BU Chevalier de La Tour. doubles, dont

dist

il

en Teuvangille

prophètes et les prescheurs et les povres jûieu

lui-mesme

199

Qui reçoit les

:

,

il

reçoit

car ce sont les messagiers qui por*-

;

tent et ennuncent vérité.

Cf parle

des bonnes dames qui plour oient aprè^

Nostre Seigneur quant

il

Chappitre exemple

l'autre

portoit la croix.

CII1«

est des

bonnes dames qui

plouroient après nostre seigneur quant

il

portoit la croiz sur ses épaules pour y transir la

mort de sa voulenté pour nos pécheurs

raimbre. Celles bonnes dames estoient de bonne vie et avoient les cuers

na devers

doulx

et piteux, et

elle et les conforta en disant

:

Dieu se tour-

«Mes

filles,

ne

plourez pas sur moy, mais pleurez sur les douleurs qui à venir sont », et leur monstra le mal qui puis avint au pays ,

que j'ay curent

fait

pitié

si

comme

vous

le

trouverez en livre

à voz frères. Celles bonnes dames, qui

de

la

douleur que les en

faisoit souffrir

k

nostre seigneur, ne servirent par leurs lermes ne leurs pleurs. Car depuis Dieu les en guerredonna

haultement. Et pour ce a cy bon exemple

moult

comment

bonne femme doit avoir pitié du mal que Ven aux povres gens qui sont servans et ouailles de Dieu et representans sa personne, si comme il dit en Teuvangile Qui a pitié du povre il a pitié de toute

fait

:

lui,

et le bien

que len

lui fait

il

est fait à lui. El

,

Le Livre

200 encore

plus

dist

que

c'est assavoir

dit

que

,

il

les piteables auront

mercy,

aura mercy d eulx, dont

le saige

que femme de sa nature

plus piteuse que

dur

et

doit estre plus doulce et

Tomme. Car Tomme

doit estre plus

de plus hault couraige. Et pour ce celles qui

n'ont le

hommaux, c'est-àTomme. Encore le saige dist en que femme de bonne nature ne doit

cuerdoux

et piteux sont

dire qu'il y a trop de la

sapience

point estre chiche de ce de quoy elle a grant marchié pitié

,

c'est assavoir

de lerme de humble cuer qui a

de ses povres parens à qui

soing et de ses povres voisins

bonne dame qui

fust

elle voit avoir si

,

comme

avoit

comtesse d'Anjou,

fonda l'abbaye de Bourgueil

et

y

beune

laquelle

est enterrée

,

et dit

que elle est cncores en sanc et en char. Celle bonne dame, là où elle savoit de ses povres parens qui ne povoient honestement avoir leur estât

l'en

elle leur

donnoit ,

et marioit ses

povres parentes et

leur faisoit moult de bien. Après, là où elle savoit

povres gentilz femmes pucelles qui estoient de bonne

renommée soit

,

elle les avançoit et les marioit

enquerre

les

et leur donnoit

en gésines et

;

elle fai-

povres mesnaigers par les paroisses, elle avoit pitié

;

des povres femmes

les aloit veoir et repestre

ses fisiciens et cirurgiens à guérir

manière de gens

,

et

;

elle avoit

pour Dieu loute

par espécial les povres qui ne

avoient de quoi payer. Elle avoit pitié du mchaing

du povre,dont l'en dit que, quant l'en li bailloit son livre ou ses gans, que aucune foiz ilz se tenoient en Tair tout par eux et moult d'autres signes que Dieu demonstroit pour elle. Et pour ce loute bonne femme y doit prendre bon exemple et ainsi avoir pitié l'un de

DU Chevalier de La Tour.

201

l'autre , et penser que Dieu donne les biens pour l'en recongnoistre et avoir pitié des povres. Sy vous laisse de ces bonnes dames et de cette matière ; car

y reviendray arrière exemple.

je

et

vous parlcray d'un autre

Du pechié de yre.

es

Chappitre

CIIII'.

chières

gardez-vous bien que

Dieux doit et meffait

prouchain il

dit

en

la sainte

euvangille que l'en

pardonner à ceulx qui ont mesprins

c'est

,

,

humblement que

si

,

filles

péchié de yre ne vous preigne; car

le

,

se on est féru de son

de son frère creslien, sur une joe,

doit tendre l'autre joe

pour soy

laissier rcferir,

avant que soy laissier revengier ; car prendre ven-

gence

n'est nulle mérite,

mais est

le contraire

de la

viedel'ame. Encoresdist nostre seigneur que, se

l'en

a nulle rancune à nuUui et l'en viengnc offrir à son autel,

que

retourne et s'accorde à son prou-

l'en se

chain et lui pardonner, car après

le pardon puet venir seurement faire son offrande, et Dieu le recevra car il ne vieult avoir offrande ne ouir oroyson de homme ;

ne de femme qui

soit

en péchié de

roux, comment Dieu, qui

fist

ire

ne en cour-

la paternostre, qui

en adourant Dieu le père on entcncion du pucple que Dieu pardonnast comme il pardonnoit, c'est

dist

quand pu dit

:

« El

dimiUe nobis débita nostra^

etc. »,

Le Livre

202 dont

il

advient,

si

comme

dient les grans clers

ceulx qui haientautruy etsonten rancune et la patcrnostre

,

ilz

,

que

dient

que vous diray un exemple

la '.dient plus contre eulx

ilz

pour eulx. Et sur ce

fait

d'une grant bourgoise

,

,

je

comme

oy raconter à

j'ay

Celle bourgoise estoit moult riche,

un prescliement.

prisée et charitable, et avoit moult de grans signes d'estre

au

lit

bonne crestienne. Et tant advint que elle fut la mort sy vint son curé, qui à merveilles

de

;

estoit saint

homme

quant vint sur

6t,

et

le

preudomme,

et si la confessa,

péchié de yre,

il

lui dist

quelle

pardonnast de bon cuer à tous ceulz qui meffait avoyent,

et,

quant à cellui

une femme sa voisine

article,

lui

ellerespondy que

lui avoit tant meffait

ne lui pourroit pardonner de bon cuer. Lors

que

elle

le sainct

homme

la commença à traire de belles paroles et de beaux exemples, comment Jhesucrist avoit pardonné sa mort moult humblement, et aussi lui compta com-

ment

le filz

d'un chevalier, à qui l'en avoit occis son

père, que un saint hermite confessoit,

à cellui de yre ,

donner à

il

dist

comment

il

et,

son père et le preumonstra comment Dieu avoit pardonné et

cellui qui avoit occis

domme lui

quant vint

ne pourroit par,

moult d'autres exemples moult bons

et nottables, et

que cellui enfïant pardonna la mort de son père de bon cuer, tellement que, quant Tenffant revint s'agenouUier devant le crucetant lui dist et monstra

le crucefiz s'inclina vers lui et dist une voiz Pour ce que tu as pardonné humblement et pour » l'amour de moy, je te pardonne tous tes meffaiz

fiz

,

:

,

«

» et auras grâce de parvenir à

moy

en

la celestielle

» joye. » Et ainsi monstra cellui curé ceste exemple

,

DU Chevalier de La Toun. et piuseurs autres à la

,

2o3

bourgoise ; mais oncques, pour

exemple ne pour admonestement que il lui deist cucr, ains elle n6t lui voult pardonner de bon morut en cellui estât dont il advint que en celle ,

nuittée,

,

sembloit par advision à cellui chapellain^

il

toit

il véoit Tennemi qui emporlame, etvéoitungroscrapautsurle cuer d'elle.

Et,

quant vint au matin

qui confessé Tavoit, que

morte lui

,

l'en lui dist qu^elle estoit

,

et vindrent ses enffans

et ses

parons pouï*

parler de son enterrement , et qu'elle fcust mise

en Teglise. Mais seroit point

le

chappelain respondit qu elle n'y

mise ne enterrée en terre benoiste, pour

ce qu'elle n'avoit oncqucs voulu pardonner à sa voi-

sine, et qu'elle estoit morte en pechié mortel, dont les

amis

d'elle estrivèrent

rent , et lors

il

leur dit

:

«

moult à

lui et le

menaciè-

Beaulx seigneurs

,

faites-

» la ouvrir et vous trouverez un gros crapaut dedens » son cuer, et, se

il

n'est ainsi

comme je

dy, je vueil

» que elle soit mise en terre benoiste. » Lors

ils

par-

lèrent ensemble et ne s'en firent

que bourdcr et dirent que ce ne povoit estre et que hardicment elle fust ouverte pour eulx mieulx mocquier de lui et pour le approuver mençongier. Lors ils la firent ouvrir et trouvèrent un gros crapaut sur son cuer moult ,

hideux. Lors

le saint

chappellain prinst l'estole et la

croiz et conjura cellui crapaut, et lui

quoy

il

estoit là et qui

pondist que «

il

estoit

il

estoit.

demanda pour-

Et cellui crapaut res-

un ennemy qui par

l'espace

» de XXV ans l'avoit temptée, et par especial un pe-

» chié où »

c'estoit

»

cellui

il

avoit trop plus trouvé son avantaige

un pechié de yre et de courroux temps avoit si grant jalousie et

;

car dés

si

grant

Le Livre

2o4

courroux avecques une sienne voisine que jamais

•»

» à nul jour

ne

pardonnast

lui

car je y mis telle yre

;

» que jamais ne la regardas! de bon oeil, et l'autre » jour, quant tu la confessoies

» à ï>,

piez et le tenoie

iiij

si

,

je estoie sur son cuer

enclavé et escliauffé du

pechié de yre qu'elle ne povoit avoir nulle vou-

de pardonner, et toutevoies

«"^lenté

» je eus

paour que tu ne

la

me

fut-il

tollisses

,

heure que

et

que

tu la

» convertisses par tes preschements, et toutesfoiz je

» en euz la victoire tellement qu'elle est nostre et en » nostre seignourie à touz jours mais. » Et,

quant

tous ouirent dire ces parolles, sy furent moult esmerveillez et n'osèrent plus parler

de

la

mettre en terre

benoiste, et n y fust point mise. Sy a cy moult belle

exemple comment

l'en doit

pardonner l'un à l'autre;

car qui ne pardonne de bon cuer, Dieu à paines le et en pourroit bien prendre comme àlabourgoise dont ouy avez.

pardonra,

Comment

toutes

amis en

femmes donnent l'estat

ou

i'eni'r

il

print

à leurs

elles sont.

CnAPPITRB

CV«.

vous diray un exemple. Il fust un bon homme et preudomqui aloit aux voyages oultre mer et

*S) ont je

chevalier moult

me

ailleurs.

nouries et mariés veilles.

,

Sy avoit lesquelles

niepces qu'il avoit

ij. il

amoit moult à mer-

Sy leurachepta en son venant de son voyaige

,

DU Chevalier DE La Tour.

2o5

â chascune une bonne robe courte et de bonnes pen-

nes à les cointier. Sy arriva bien tost chiez lune de elles et

hucha

et

demanda

sa niepce

qu'il la venoit veoir. Celle se

et se fist

,

et lui fist dire

bouta en sa chambre

enfermer pour nettoier sa robe

manda qu'elle vendroit

cointoyer, etluy

et

pour soy

tantost à lui.

Le chevalier attendist une pièce, et tant que il li ennoya et dist « Ma niepce ne vendra pas. » Et ilz lui respondirent que elle vendroit tantost et qu'il ne lui :

ennuiast, et ainsi lui

manda dont ;

desdain de quoy elle tardoit tant avoit

si

longtemps que

elle

,

le chevalier

et,

dès ce que

sceust que ce estoit son oncle esté hors

,

celle

il

y

ne Tavoit veu. Sy monta

sur son cheval et s'en ala sans la veoir

son autre niepce,

eust

pour ce que

,

il

et vint veoir

,

hucha

et

que

celle

qui loing temps avoit

par son esbat se estoit prise à faire

pain de fourment et avoit les mains toutes pasteuses

;

mais en Testât où

les bras

tendu z

,

elle estoit saillist

et lui dist

:

«

Mon

au dehors

très chicr sei-

» gneur et oncle, en Testât où je ouy nouvelles

me

» de vous je vous sui venue vous veoir. Si » pardonnez

;

le

car la grant joye que j'ay de vostre

Le chevalier resgarda la et Tama et prisa moult plus que l'autre, et lui donna les ij. robes que il avoit achetées pour elle et pour sa suer. Et ainsi ceste qui vint lieement en Testât où elle estoit au de» venue le m'a

manière

et

fait faire.

»

en eut grant joye,

vant de son oncle, elle gaingna les

ij.

paires de ro-

bes, et l'autre qui tarda pour soy cointier les perdy.

Et pour ce celle qui vint au devant de son oncle

en Testât où elle estoit, quant elle Teust mené en sa chambre, elle s'ala cointoier, et puis lui dist «Mon :

Le Livre

ao6

mon

«seigneur

oncle, je

me

suis alée

cointoief

» pour vous servir plus honnestement. » Et ainsi elle

gaingna

la

grâce ei lamour de son seigneur

oncle et l'autre la ple

comment

l'en

perdist.

Si

a cy bon

exemoù

doit venir lieement en Testât

l'en est en la venue de ses amis et de ses parens pour leur monstrer plus grant amour. Et aussi je vouldroye que vous sceussiez comment une baron-

nesse moult bonne

dame ne

se vouloit vestirpar

chascun jour ne d'atour, ne de bonnes robes. Ses gens lui disoient « Madame , comment ne vous te» nez-vous plus cointe et mieulx parée? » Et elle leur :

respondit

:

me tenoie chascun jour cointe et combien pourroye-je amender es festes,

« Se je

» parée, de

» et aussi quant les grans seigneurs » veoir? car

quant je

me

me

vendroient

vouldroye bien cointier, je

vous semble plus belle qu'à chascun jour. » Sy ne ne se scet amender quant il en est lieu et temps; car chose commune n'est point »

prise riens celle qui

prisée.

Cy parle de pitié.

Chappitre

CVI<^.

que vous sceussiez l'exemple d'un chevalier qui se combaty pour une e vouldroie

pucelle. Il fust en la court d'un grant seigneur un faulx chevalier qui pria de folle amour une pucelle; mais elle n'en voulst riens faire

DU Chevalier de La Tour.

207

pour lui, pour don ne pour promesse, ains voulst garder sa chair nettement. Et quant cellui vit ce, si

que

lui dist

il

luy nuyroit. Si enpoisonna une

et la luy bailla

pour donner au

filz

pomme

de leans, qu elle

donna et en que la pudes hoirs de renfïant pour le

portoit entre ses bras, dont elle la lui

mourut

le filz. Si dist le faulx chevalier

celle avoit

eu salaire

mourir. Sy fust la pucelle mise en la chemise

faire

pour estre geliée au feu à Dieu

toit

comment

si

;

plouroit et se

elle n'y avoit

estoit le faulx chevallier qui la

Mais

lée. le

il

le dcffendit

combatre se voulsist

pomme

et elle

,

offrir

,

lui avoit bail-

ne trouvoit qui pour

tant estoit fort et re-

doublé en armes. Dont

il

ne oublie voulentiers

clameur du juste,

la

guermen^

coulpe et que ce

advint que Dieu

,

qui pas

si

eust pi-

comme il lui pleust, il advint que un chevalier, qui avoit nom Patridcs qui moult estoit franc chevalier et piteux arriva ainsi comme Ton tié

de

elle

,

et,

,

,

vouloit alumcr le feu pour lardoir.

Le chevalier,

qui regarda la pucelle qui plouroit et se doulousoit

à Dieu

,

en eust

fait; et celle

li

pitié et lui

dist

comment

demanda il

en

la vérité

estoit aie

du

de point

en point, et aussi

le plus tesmoingnèrent pour elle. bon chevalier fust esmeu en pitié et gctta son gaige pour la deffendre contre cellui faulx chevalier. Sy fust la bataille forte et moult dure et en la fin

Lors

le

,

le faulx chevalier fut desconfit et la

demoiselle sau-

vée, tant

et fut faicte jus-

tice

de

qu'il

lui. Si

congneustla trayson,

bon chevalier eust v. quant il fust desarme, il en-

advint que

plaies mortelles, et,

voya sa chemise, qui

le

estoit

percée en v. lieux, à la

pucelle, laquelle garda la chemise toute sa vie et

,

Le Livre

2o8

chascun jour pour leur avoit soufferte pour

le chevalier

prioit

elle.

qui

telle

dou-

Et ainsi pour pitié et

franchise se combatist le gentil chevalier, qui en eut

comme

V. plaies mortels, tout aussi

tist

de nous

et

de Tumain lignage

moult cruelle

la bataille

et

en

V. lieux

,

,

il

avoit

de pour ce en souffrist moult pénible ou fust de

le veoir es ténèbres d enffer

l'arbre de la sainte croix

doulx

le

Jhesucrist qui se combatit pour la pitié que

,

qu'il lui faisoit pitié

et

et fust percée sa

ce furent ses v. douleuses plaies

chemise

quH

re-

eeust de son débonnaire plaisir et franc cueur pour

que nous

la pitié

homme

femme

et

sères de ses parons

iout aussi

comme

et en pleurer

dames il

lui faisons.

Et aussi doit tout

avoir pitié des douleurs et des mi,

de ses voysins et des povres

eust le

bon chevalier de

tendrement

,

comme

la pucelle,

firent les

bonnes

qui plorercnt après le doulx Jhesucrist quant

portoit la croix

pour y estre crucefié

et

mis à mort

pour nos péchiez.

Des

iij.

Maries.

Chappitre CV11«. 'autre

exemple

est des

iij.

Maries qui vin-

!drcnt le bien matin de Pasques pour cui'

dier oindre nostre Seigneur. Elles avoient fait faire

grans coustz

,

moult précieux oingnemens et de de servir

et avoient grant devocion

Dieu à vie et à mort, ardans toutes en l'amour de

DU Chevalier de La Tour.

209

Dieu. Et là elles trouvèrent Tange qui leur annonça

moult

et dist qu'il estoit resuscité, dont elles eurent

grantjoye, et de lagrant joye que elles en orent elles

coururent

mes

le dire

oingnements,

aux appostres. Gestes bonnes da-

moult pour

veillèrent

précieux

faire fère les

du jour

et furent levées dès l'aube

pour cuidier venir faire leur service. Et pour ce a cy bon exemple comment toutes bonnes femmes, soyent mariées ou de religion , doivent estre curieuses et diligens, et esveillées ou service de Dieu, celles qui faire le pueent car elles en seront reguerdonnées à cent doubles, comme furent les troix bonnes dames, que Dieux a moult essaucées. L'en list es croniques ;

de

Romme

que, quant l'empereur Néron et autres

ty-

rans de la sainte foy faisoient martirer les sains et les saintes,

que

les

comme

il

est

bonnes dames de

contenu en leurs légendes, la ville

embloient

les sains

corps, et les ensevelissoient et les enterroient, et leur faisoient le plus de bien et

Après

d'amour

le service

messes et de Dieu, dont l'en trouve que à cellui temps

eust moult de charitables et saintes

me

qu'ilz povoient.

celles aloient oïr les matines et les

et ailleurs,

femmes à Rom-

dont je pense que aujourdui

rité et le saint service

la

cha-

des femmes est bien cler se-



en cest monde, et en y a moult qui ont plus le cuer au siècle pour obéir et plaire au monde que à

Dieu

car elles sont bien esveillées pour elles coinpour avoir le plus des regars des musars, dont, se elles meissent aussy grant paine de venir oïr le ;

tier,

.

service de Dieu et dire dévotement, ailleurs,

leurs heures,

comme

elles

sans penser

mettent grant

paine à elles pignier et en leurs coinlises

,

et à es-

U

,,,

Le Livre

210

coûter les jangles des

folz, elles feissentle

meilleur

car l'un service est rendu à cent doubles

Dieu

le dit

de sa sainte bouche

qui est à sa desplaisance, c'est

,

;

comme

et l'autre service

,

le délit

du corps,

est

pugni à cent doubles tout au contraire.

Cy parle du

saige.

Chappitre CVIIP. our ce quant

en un prouverbe que dames furent levées pingnées

dit le saige

les

,

adournées

et mirées, les croix et les

pro

cessions s'en furent alées et les messes

chantées

c'est tout

;

aussy

comme

Dieu parla en

l'eu-

vangille des cinq saintes vierges qui furent curieuses et esveillées et garnies de huille et de lumière

en leurs lampes, et, quant lespoux fust venu, elles entrèrent avecques lui en la grant joye du chastel et trouvèrent les portes ouvertes. Mais les autres cinq vierges

,

qui se estoient endormies et ne s'estoient

point garnies de huille et de luminaire en leurs lam-

pes , quant elles vindrcnt ,

si

trouvèrent les portes

fermées, et quant elles demandèrent de leur dist

1

uille

,

l'en

Nescio vos, c'est-à-dire que elles n'en au-

:

roient point, car elles estoient venues trop tart. Dont je double

que à

cest

exemple

de moult endormies Dieu fayre

et

il

en y a par

le

monde

parcccuses du service de

et oïr, et desgarnies

de ce qui apparlienl

à leur sauvement, c'est de faire bonnes et saintes

DU Chevalier de La Tour.

211

œuvres et de la grâce de Dieu avoir. Et me doubte que se elles se tardent à elles amender devant leur ne scevent leure ne

fin,

de laquelle

que

elles trouveront la porte close.

comme mies

:

l'en fist

fin elles

aux cinq

le jour,

Et l'en leur dira

foies qui se estoient

endor-

Nescio vos. Lors ne sera mie temps de soy re-

pentir, ains seront

moult esbahies quant

elles se ver-

ront départies de Dieu et des bonnes, et mener ou

chemin

d'enffer

en l'ordc compaignie

doleur continuelle

paiiic et

,

et

en

la cruelle

qui jamais n'ara

fin

ne

joye, ne repos, helas! tant seront chier vendues les coiniises l'en

les foies plaisances et les faulx delis

,

aura usé pour plaire à

de. Ainsi et par celle voye yront les

mes,

et les

dont

au monmauvaises fem-

la folle chair et

bonnes au contraire

;

car elles yront avec-

l'espoux, c'est avecques Dieu leur créateur, et trou-

veront

la porte

ouverte pour entrer en lagrant joye,

pour ce que elles auront estez esveillées et curieuses à leurs lampes et à leurs luminaires pour attendre l'eure de l'espoux, c'est-à-dire les saintes

œuvres

l'eure de la

mort,

et

et

que

elles

auront

fait

auront veillé pour attendre

ne se seront pas endormies en

pechié ne en ordure, ainçois se seront tenues nettes et

souvent confessées et gardées de pechié à leur poamé Dieu et craint; car qui l'aime et

voir, et auront

craint,

il

se garde nettement et het pechié à faire;

car pechié est le desplaisir de Dieu. Gestes cy seront les

bonnes de quoy Dieu parla en l'euvangille, com-

me ouy

avez.

Le Livre

212

Cf parle de Nostre Dame.

Chappitre CIXe. prés vous parleray de une qui n'a point de pareille, c'est de la benoiste glorieuse vierge

Marye, mère du sauveur du monde Geste cy .

est sy haulte exemplaire que nul

ne la puest

descripre, tant y a de bien et de bonté, et la haultesse

de son cliier fdz Texaulce et esliéve son bien de jour en jour. Car par la

renommée du

filz

croist la

renommée

mère. Geste doulce vierge honnoura plus et craingnist son filz que nulle autre mère, pour ce que

de

la

dont

elle sçavoit bien

bre

et

les

de

il

estoit

;

elle fust

cham-

faictcs les espousail-

de lumanité qui apporta la vie et sauvement du monde. Dieux voulst que elle

la deité et

le saint

espousast

le saint

preudomme

;

,

homme Joseph,

compaignie à

la il

umbre de

la loy qui lors couroit

eschever les paroles du

Egypte, dont

qui estoit vieulx et

car Dieu voulst naistre soubz

mariage pour obéir à

que que

venu

temple de Dieu où furent

monde

gouverner,

,

et

et

pour luy

pour

la

,

pour

bailler

mener en

avint que, quant Joseph apperceust

elle feust grosse,

il

que ce

la cuida laissier, et lui dist

pas de lui. Mais en envoya son saint ange visiblement qui lui dist que il ne se esmaiast pas et que la groisse estoit du Saint-Esperit, pour le sauveil

savoit bien

n'estoit

celle nuit Nostre Seigneur lui ,

ment du monde

,

et lors

il

en eust grant joye

et se

DU Chevalier de La Tour. pena trop plus de la honnourer que devant que

savoit bien par le dist des prophètes

2i3 ;

car

il

de

le filz

Dieu devoit venir en une vierge qui auroit nom Marie. Sy en mercya Dieu moult humblement de la grant honneur qu'il lui avoit faite de lui avoir daingné donner sa doulce mère à la gouverner et de la veoir à ses yeulx. Et aussy la bonne vierge lui portoit hon-

neur

et obéissance

Après

ou temple

,

dont l'escripture

,

elle est loée

l'en loe

moult.

de ce que Tange la trouva seule

à genoulx en prières et en oroysons

,

et

bonne dame en devocion et ou service de Dieu. Après la loe lescripture dece qu'elle se craignoit, et en ot un pou de paour quant l'ange la ainsi doit estre toute

saluoit, et demanda

conceust enffant

homme que car toit

,

comment cepourroit

estre qu'elle

qui oncques n'avoit congneu

elle

charnellement, et

li

ange l'asseura

et luy dist

pas paour et ne se esmerveillast pas

elle n'eust

;

du Saint-Esperit, et que nulle chose n'esimpossible à Dieu, c'estoit à dire que Dieu povoit

il

seroit

faire

tout à son plaisir

et

;

mesmement

sa cousine

Elizabcth estoit enceinte bien avoit vj. mois, qui estoit

brahaigneet passé aagc. Et

lors,

quant l'ange

eut ce dist, elle se asseura et lui dist » chambrière de Dieu elle voulst

Mais ainsi

:

lui

« Veez-cy la

soit fait selon ta parolle. » Car premièrement sçavoir comment ce seroit. ne fist mie Eve, car elle estoit de trop le-

gier couraige,

;

comme font

femmes qui croyent de

aujourdui maintes simples

legicr les folz

,

dont depuis

elles viennent à la folie. Elles

ne enquièrent mie ne

ne regardent à

en vendront,

fist la

fin

du

la fin



elles

comme

glorieuse vierge Marie, qui enquist à lange la fait

que

il

luy anonçoit, et en fust paoureuse,

Le Livre

2i4

bonnes femmes et les bonnes dames, quant l'en leur parle de juennesse ou de chose qui puisse venir au deshonneur de elles. et ainsi doivent faire les

De

Vumilité Nostre

Dame,

Chappitrk €X% près la loue l'escripture de scn humilité car,

quant l'ange

mère du

filz

roit fin, elle

lui dist

que

;

elle seroit

de Dieu, duquel le règne n'au-

ne s'en orgueillist pas, ainçois

que elle estoit la chamberière de Dieu et que il en feust à son plaisir. Sy pleust moult à Dieu, tant que il se humilia encore plus comme descendre du ciel et daingnier prendre en son ventre virginal humanité dist

et devenir enffant.

Pour ce a cy bon exemple com-

femme

se doit humilier vers Dieu et vers

ment

toute

son seigneur et vers

le

monde. Car Dieu

plus se humiliera et se tendra moindre

,

dist

Qui

:

sera plus

hault essaucié et une foiz honnouré. Et pour certain

Dieu qui

et les

anges ayment plus humilité que vertus

Car humilité se combast contre orgueil, qui

soit.

est le pechiô

que Dieu plus het, dont

anges cheirent du

ciel.

femme soy humilier au

petit

,

et

les

mauvais

Et pour ce doit toute noble

et estre courtoise

prendre exemple à

au grant et

la vierge

Marie

,

qui

s'appella chamberière de Dieu. Après l'escripture la loe de sa courtoisie et de sa

bonne nature , quant vou-

elle ala visiter sa cousine sainte Elizabelh et la

,

DU Chevalier de La Tour. de

loit servir; et l'enfant

2i5

sainte, ce fust saint Je-

lî'

han Baptiste, s'esjoist ou ventre de sa mère tant que, par la grâce du saint esprit, sainte Elisabeth se escria que beneist feust son ventre et que elle eset que ce n'estoit toit benoiste sur toutes femmes pas rayson que la mère du fdz de Dieu vensist veoir ,

si

comme

povre femme

elle.

Ainsi se humilièrent

bonne

l'une cousine envers l'autre. Et pour ce a cy

exemple conment sines

,

unes parentes, cousines et voi-

doivent visiter l'une l'autre en leurs gesines

et leurs maladies

autres,

comme

avez

et

,

les

,

et se humilier les

firent ces

non pas

comme

dire

unes envers les

dames, comme oy

saintes

ij.

font aucunes

je suis la plus noble

grant maistresce

;

,

la

elle

plus gentil

me

vendra

qui

,

leur grant cuer félon et orgueilleux , disent

:

femme ou

la

auront envie d'aler les premières et avoir

de

la vaine gloire

;

tant

de

la plus

première veoir.

Ou

du monde

,

Avoy

le

plus

que plusieurs en

ont tous les cuers enfflés d'envye et d'orgueil par telle

guise que, quant elles ne sont mises les pre-

mières aux festes et aux assemblées , elles en perdent

le

mengier

et le boire

,

tant elles sont envieu-

ses et despiteuses, ha. Dieux! tant elles pensent peu

en la courtoysie et humilité de ces et

en ce que Dieu en

ouy avez, que

les plus

exaulciez. Helas, les

dist

ij.

humbles seront

comme

saintes

en l'Euvangille

,

les plus hault

celles foies envies

premières et de elles prisier

dames

comme de aler

le plus leur seront

une foys reprouchiées et chières vendues , et sy en rendront compte. Dont la bonne royne Hester en parle disant que, de tant comme une femme est de ,

plus grant lieu ou greigneur maistresœ, elle doit

6

,

Le Livre

21

humble

estre plus

et plus courtoise

porte elle plus de aventaige

louenge de touz; car

quant

et

,

les petiz se

de

et

tiennent honorez

grans leur font bonne chière

les

de tant em-

et

,

d'honneur

,

que

et

ilz

parlent bel àeulx, et en rapportent plus grans louen-

ges et s'en louent à tous , et pour ce n'est-il ble ne

si

hum-

sy gracieuse vertus à toute bonne haultc

dame ne jeune femme comme de povres et leur parens

siter les

royne du

humble et humiher et vi-

estre

courtoise au grant et au petit et soy

comme la comme se hu-

et lignaiges,

sa cousine et

ciel ala visiter

milièrent Tun envers l'autre.

De

In pitié et bénignité

de Nostre Dame.

Chappitre CX^.

gj®!^^

près l'escripture la loue en ce qu'elle fut

^Ê^^Ê m^i^j

^^ Galilée en nopces

que

^^!^»Ç©

aussi

vin estoit pitié

failly

le

,

de sa mère,

vin y

comme et le si

et eust pitié

failly, et

filz

en soy complaignant que

le

doulx Jhesucrist eut pitié de

la

mua

l'eaue

en vin. Et pour ce acy

bon exemple comment toute bonne dame

femme

pour ce

requist à son

doit avoir pitié de ses parens et

voisins et leur aidier et secourir de ce

et

bonne

de ses povres

que

elle

pourra

avoir; car c'est une grant charité et une franche nature.

Apres

la

doulce vierge adira son

filz

,

lequel estoit

aie disputer et preschier contre les saiges de la loy.

Sy cuida

la

bonne dame que

il

feust

monté ou

ciel

DU Chevalier de La Tour.

217

que il s'en feust aie. Sy le qucroit partout, et tant quisl que elle le trouva ; et lui dist « Beau filz, voz parens et moy avions grant paours de vous avoir et

:

adiré. » Et

il

respondil que ses parens estoient ceulx

qui faisoient la voulenté de Dieu son père. Sy estoient les juifs et les saiges touz

esbahis du grant sens

queilz trouvoientenlui, qui avoit cette

si petit

aage. Après

douleur qu'elle cuida avoir perdu son

filz,

en eut une autre grant. Car, quant ilz le offrirent au temple, saint Syméon, qui moult l'avoit déelle

siré à veoir et avoit touz jours prié

mourust point jusques à ce que le filz

de Dieu

,

et lors

,

par

la

il

Dieu que

il

ne

eust veu à ses yeulx

grâce du saint Espe-

« Vees cy sauvement du monde », et dist à sa mère que une foiz il lui soroil advis que un glaive lui perceroit l'ame et le cuer c'estoit à dire que elle verroit sa sainte passion souffrir en la croix. Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne dame et bonne femme que quant la royne du ciel et du monde avoit douleur en ce monde, que nulle ne se doitesmarit, il

la

congnust Dieu

lumière et

et dist

à haulte voix

:

le

,

,

yer ne esmerveiller se

il

lui

si elle

sueffre

aucune mesaise,

viennent douleurs et tribulacions

,

et

puisque

si haulte dame en souffry en ce chaistif monde. Et doncqucs en devons bien souffrir et avoir pacience, nous qui sommes povres pécheurs et pécheresses et selon noz mériqui desservons plus mal que bien ,

tes, et

ne devons par rayson estre espargniez d'avoir

aiicunes foiz douleur ettribulacion, quanlilne espar-

gna pas sa doulce mère.

,

Le Livre

2i8

De

la charité Nostre

Dame.

Chappitre CXII^ dames doivent

près les bonnes

teuses et charitables

comme

estre pi-

la sainte

qui donnoit pour Dieu et pour

dame plus

pitié le

^

de ce qu'elle avoit, et à l'exemple de fist

Luce

elle

Cedames, qui estoient donnoient le plus de leurs

aussi sainte Elizabeth

,

sainte

,

sainte

cîlle et plusieurs aultres sainctes

sy charitables que elles revenues aux povres

et

aux mesaisiez ,

si

comme

est contenu en leurs légendes, dont je vouldroye

voussceussiez un exemple d'une bonne dame de

me

qui estoit à la messe

;

elle

il

que

Rom-

resgarda delez elle

une povre femme qui trembloit de froit par un fort y ver; la bonne dame en eut pitié et se leva de son siège, et appel la privéement la povre

mena en son

femme

et la

donna son peliçon. Sy advint tel miracle que le prestre ne pouvoit sonner motneparlerjusquesàtant que la bonne dame feust revenue , et dès ce que elle feust revenue , la voix lui revint, et vit puis par advision la cause et comment Dieu se louoit à ses anges du don que la bonne dame lui fist. Sy a cy bon exemple â toute bonne dame d'estre charitable et aumosnière et non pas laissier avoir froit , fain ne mesaise à ses povres voysins ne voisines de tout ce qu'elles pourhostel qui estoit près et lui

ront avoir mestier, selon leur povoir. Car c'est grant

DU Chevalier de La Tour. franchise de veilles plaist

noite vierge glorieuse

vous en ay pou parlé tière à parler

celle

,

2^9

bonne nature et une chose qui à merà Dieu. Or vous ay-je parlé de la be-

;

,

à qui nul ne s'appareille car trop seroit longue la

de tous ses

quant en présent

,

dames veuves de Romme,

faiz.

et

Sy vous

,

et

ma-

lairay

de

vous diray des bonnes

lesquelles, quant elles se

tenoienl seintement et nettement en leur vefveté, Ten les couronnoit par

Sy

seroit

honneur en singne de chasteté.

longue chose à vous racompter la bonté et

de elles et de leurs bonnes meurs. Sy vous ay parlé premièrement des bonnes dames qui furent

la charité

avant l'advenement de nostre seigneur Jliesucrist,

comme il a esté trouvé en la Bible. Après je vous ay raconté d'aucunes bonnes dames depuis le nouvel Testament, c'est assavoir depuis que Dieu vint en si

la glorieuse vierge Marie, et aussi

escripture loue les bonnes

comment

dames de

la sainte

cellui

temps.

que nous louons aucunes de ce temps où nous sommes si je vous en diray de chascun estât un ou ij. pour monstrer exemple aux autres; Il

est raisons

;

car l'en ne doit pas celer les biens et l'onneur d'icelles,

ne nulle bonne dame ne doit avoir desdaing, du bien et du bon racompter des

fors soy esjouir

bonnes dames. Premièrement je y mcttray Jehanne de France.

la

royne

,

Le Livre

220

Cf parle de

la

royne Jehanne de France.

Chappitre CXIII'. a bonne royne Jehanne de France, qui n'a gaires qu'elle

sainte vie

,

et

mourut,

devocions et de aumosnes si

net et

,

le

de

plaine de

son estât

tint

racompter. Après mectrons-nous la

duchesse d'Orléans, qui moult a eu à s'est

et

,

noble et de bonne ordenance que grant

si

chose seroit à jours

fust saige et

moult charitable

souffrir, et touz

tenue sainctement et nettement, devant et

après mais c'est longue chose à racompter de ses bonnes meurs et de sa bonne vie. Et ne devons mie oublier la contesse mère au conte, comment elle s'est noblement gouvernée en sa vefvetè et nourri ;

ses enffans et sa terre bien gouverné et usé de bonne vie. Après si vous parleray de chascun estât. Sy vous parleray d'une baronnesse qui demouroit en

nostre pays, qui a resté bien vefve l'espace de vingt-

cinq ans, et estoit juenne et belle quant son seigneur

mourut

,

et fut

son secret que

,

moult requise ; mais elle disoit en pour l'amour de son feu seigneur et

de ses enffans qui estoient jeunes , que jamais ne semariée et a maintenu sa vefvetè nettement

roit

;

sans reproche, dont elle doit estre louée. Et la vous desclaire ray

:

c'est

madame

d'Artus.

DU Chevalier de La Tour.

De plusieurs dames

221

vefres.

Chappitre CXIII^. près je vous diray d une

dame femme ,

à

chevalier compaignon', qui est vefve dès

de Crécy, il y a bonne dame estoit moult belle et juenne et moult a esté demandée de plusieurs lieux. Mais oncques marier ne se voulst, ains a touz jours nourry ses enffans moult honnorablement. Sy doit estre moult louée, et plus encore du temps de son seigneur. Car son seigneur si estoit petit, tort et borgne et moult maugracieux, et elle estoit belle et juenne et grant gentil femme de par elle. Mais la gentille dame lama moult et honnoura autant comme femme puet amer homme , et le craingnoit et servoit si humblement que moult de gent s'en merveilloient. Sy doit estre mise ou compte des bonnes, pour ce que en elle n'a riens que reproucher ne devant ne d'après. Après vous compteray de une dame, femme d'un simple bachelier. La dame estoit belle et juenne et de bon lignage, et son seigneur estoit vieil et ancien et tourné en enffance, et faisoit soubz soy comme un enffant et avoit maladie bien laide; mais non obstant la bonne dame le servoit jour et nuit plus humblement que ne peust faire une pele

tems de

la bataille

xxvj. ans. Celle ,

tite

chamberière ou une petite femme servante

meist à peines la main où celle bonne

dame

la

;

et

met-

Le Livre

222

L'en la venoit querre bien souvent pour la faire

toit.

chanter et dancier es festes

souvent en la

ville



y aloit, ne riens ne la que il feust temps de

elle

,

menu

qui estoient

et

demouroit. Mais trop poy

Teure que elle sçavoit aucun service à son sei-

tensist à faire

gneur. Et, se aucune lui deist

» siez autrement esbatre

:

«

Madame, vous deus-

et estre liée, et laissierdor-

» mir vostre preudomme, qui n'a de riens mais mes» tier que de repos » dire

;

,

sy savoit bien que

elle leur respondoit

saigement que

c'estoit ,

à

de tant

qu'il estoit

plus à malaise, avoit-il plus grant mes-

tier d'ostre

servy, et que elle prenoit assés de joye et

d'esbat à estre entour lui et lui faire chose qui lui

ûue vous

pleust.

lui parloit

de

la

diray-je? Elle trouvoit assez qui

joye et de l'esbatement du siècle;

mais nul n'y povoit venir ne pincier ne mordre, tant estoit loyale et

neur de elle se

elle.

ferme à son seigneur

et à

garder

l'on-

Et après que son seigneur fust mort, se

gouverna bien en son mariage

,

si s'est-elle

bien gouverjiée en sa vefveté, et nourry ses enffans

sans soy vouloir consentir à mariaige

en tous estaz

elle doit estre

des bonnes, combien qu'elle ne tresse

;

mais

exemple taire le

et

le

,

et

par ainsi

louée et mise en compte soit

pas grant mais-

bien et la bonté d'elle doit estre bon

mirouer aux autres,

et

ne doit

l'en point

bien de ceulx qui l'ont desservy. Et pour ce

vous ay-je racompté d'aucunes de nos dames d'aujourduy de chascun estât une ; quar, se je vouloye de toutes racompter, je auroye trop à faire et seroit

matière trop longue

;

ma

car moult en y a de bonnes ou

royaulme de France et ailleurs. Gestes bonnes dames de quoy je vous parle sont sans reproche, et droite-

,

DU Chevalier de La Tour. ment esprouvées de bonté en

22.3

leur mariage et en leur

vefvelé, et en ont moult eschevé les juennesses et

du monde,

les parolles

me

et ont tenu leur

bon

estât fer-

sans ce que l'en se peut jengler d'elles. Elles ne

se sont pas remariées par plaisance à maindres d'es-

que

tat

n'estoient leurs seigneurs

car je pense que

;

celles qui s'abaissent par plaisance, de leur voulenté,

sans le conseil de leurs amis avient aucunefoiz que

,

font contre elles. Et

,

quant un

petit

esté

,

et

quant

plus

grant honneur

si

lors leur yst

Et aucunes n'est pas

amendrist et fault

la plaisance se

revoyent quant les grandes ne leur por-

et elles se

tent

de temps est

comme yver et

passé et que le temps se remue ainssi

du cuer

la

foiz elles chieent

temps ,

et

,

comme

vergoingne

elles souloient,

,

et se

revoyent.

en repentaillcs

quant de

ma

mais

;

semblance

,

il

il

me

semble que ceux qui prengncnt leur grant dame à et font de leur dame leur subgiete , je pense

femme que

c'est

chose et

haultaine

neur, par laquelle

de vaillance

de

;

car,

il

comme

sa grant

noble d'on-

peust venir tant de honneur et

de ce

celle qui souloit estre

espousée

qu'il l'a

dame

,

et

et sera appelle seigneur, et sera faillir et

si

dame

grant pitié de mettre en scrvaige si

il

est sire

à présent est sire

en grant crainte de

désobéir, mais ce sera tantost passé.

11

me

semble que il vueille venir au repos car les grans emprises de venir à honneur pour plaire à sa dame sont passées. Si a moult à dire en cest fait en plu,

sieurs manières

;

car cellui qui

lui

a juré foy et

loyauté de garder son honneur et son estât à son povoir, et depuis faire contre la

l'a

conseillié à soy

abaissier et à

voulenté de ses seigneurs et de ses

^K Livre

224 amis pour

son

faire

plaisir, je

ne sçay

si

c'est

bon

conseil et féal, et de tirer à la mettre la derrenière, qui souloit aler la première. Si est assez à dire et a assez

donné à parler aux gens.

Cf parle d'un simple chei^alier qui espousa une grant dame,

CnAPPITRE CXV^. ont je sçay bien

un exemple d un simple

chevalier qui espousa une grant dame,

mais, toutes les

fois

que Messire de D or-

val le veoit, le premier salut que si estoit lui

subler, et puis lui dit que

rossignol.

Car,

quant

le

il

rossignol a jouy

subie. Sy vous

il

lui fist

ressemble au de ses

dy bien que le chevalier liés de la bourde, quelque chière que il en feist. Si vous laisse atant de cestes dames. Mais, mes chières filles prenez y bon exemple et gardez bien que , si Dieu vous a donnés seigneurs et que vous soyez vefves que vous ne vous remariez ne par plaisance ne par amouretcs, fors par le gré et le bon conseil de voz parens et amis et ainsi garderez vostre honneur sauve et entière sans reproche , et tout bien et honneur vous en vendra, et ne sublera Ten pas de vous ne de vostre mary, et n'en dira l'en pas les gouUées ne les paroles comme l'en fait de maintes, dont je me tais et de ccste matière.

amours, n'est mie

il

,

,

,

,

BU Chevalier de La Tour.

22.5

Cy parle de bonne renommée.

Chappitre

CXVK

si vous sçavés le grajil honneur et le grant bien qui yst de la bonne renommée, qui tant est noble vertus , vous mettrés cuer et peine de y entendre, tout aussi comme fait le bon chevalier d'onneur qui lire avenir à vaillance, qui tant en trait de paine et de grans chaux et de frois, et met son corps en tant d'aventure de mourir ou de vivre pour, avoir honneur et bonne renommée , et en laisse son corps en mains véages, en maintes battailles, et en maints assaulx, et en maintes armées et en maints

es belles filles,

grans perilz. Et quant endurée,

il

et servis, et lui sez. Mais nul l'en

li

est-il

il

a assez souffert paine

est trait avant et

donne

l'en

et.

mis en grans honneurs

grans dons et prouffis as-

ne se apparrage à

la

grant honneur que

porte, ne à la grant rcnomée. Et tout aussi

de

la

bonne femme

et

de

la

bonne dame qui

en tous lieuz est renommée en honneur c'est la

preude femme qui met paine

et

en bien

et travail à te-

nir nettement son corps et son honneur, et refuse sa

juennesce elle

les faulx

delis et folles plaisances

puet recouvrer et recevoir blasme.

Comme

dont j'ay

du bon chevalier qui telle peine sueffre pour estre mis ou nombre des bons, ainsi le doit faire toute bonne femme et bonne dame et y penser, et comme dit

,

Le Livre

226 elle

en acquiert l'amour de Dieu et de son seigneur

du monde et aussy de ses amis , et le sauvement de son ame, qui est le plus digne, dont le monde la loue et Dieu encore plus , car il l'appelle la précieuse margarite, c'est une tine perle, qui est blanche, et

ronde et clère, sans taichc y veoir. Si a cy bonne exemple comment Dieux loua la bonne femme en Teuvangij'e, et

si

doivent toutes gens; car l'en doist

autant faire de bien et d'onneur à la bonne

damoiseDe

comme

dame ou

au bon chevalier ou escuier, et

plus, dont le monde est aujourd'hui bestourné, et hon-

neur

n'est point si

son droit estât

gardée en sa droite règle et en

comme

diray

comment je

en plusieurs cas bonnes femmes. Et vous

elle souloit

et spécialement l'onneur des

l'ouy racompter à

mon

seigneur

bons chevaliers et preud'hommes, comment en son temps on honnouroit les bonnés femmes , et comment les blasmées estoient rusées et séparées des bonnes , et n'a pas encore xl. de père

et à plusieurs

ans que ceste coustume couroit lon ce que

communément

,

se-

temps une femme qui fust blasmée ne feust sy hardie de soy retraire ou renc des bonnes qu'elle n'en feust reboutée. Dont je vous conteray de deux bons chevalliers ilz

disoient. Car en cellui

de cellui temps, dont l'un avoit nom Messire Raoul de Lugre et l'autre Messire Gieffroy, et estoient frères et bons chevaliers d'armes, qui lors couroient es

voiages, es tournoiz et aux autres lieux là où

ilz

po-

Hz estoient renommés honpourés comme Charny, Bouciquautou Saintré, voient trouver honneur.

pour ce avoient leur parler sur touz, ils

feussent escoutés

comme

et

et cl

convenoitque

chevaliers auctorisez.

DU Chevalier de La Tour.

Comment

227

l'en doit croire les anciens.

Chappitre CXVII'. ont

advenoit que, se

il

jeunes

IMÂ

homs de

ilz

veissent à

un à

lignaige faire chose qui

s^" honneur ne feust,

ilz

hiy montrassent

sa faulte devant touz, et pour ce juennes

hommes il

vint à

Dont

les craingnoient moult.

j'oy raconter à

mon

une grant

il

avint:

que

seigneur et père que une foiz feste

où avoit grant foyson de

seigneurs et de dames et de damoyselles. Sy arriva

comme

l'en vouloit aseoir

à table, et avoit vestu une

cote hardie à la guise d'Alemaigne. Sy vint saluer les^

dames

et les seigneurs, et

quant

il

eust

fait

ses reve-

ranccs, cellui Messire Gieffroy le va appeller devant

tous et lui

demanda où

trument, et que

faist

il

estoit sa vielle

» m'en sauroie mesler. » »

pourroye croire

»

comme un

;



« Sire », dit-il, « je ne le

car vous estes contrefait et vestu

ménestrel. Car, en bonne foy, je con-

» gnoys bien vos ancesseurs et les » la Tour dont vous estes i>

vy qui

Lors

il

;

ainsi se contrefist

luy repondist

» ble bon, trel et lui

il

ou son ins-

de son mestier. « Sire, je ne

:

preudhommes de

mais onques mais je ne ne

vestit telles robes.

»

semSy appella un ménes-

« Sire, puisque ne vous

sera amendé. »

donnst sa coste et la lui

fist

vestir, et prist

autre robe. Sy revint en la salle, et lors le bon chevalier lui dist

:

a Vrayement, cestuy-cy ne se forvoye

Le I^ivre

228 » pas, car

croit conseil

il

» touzjuennes

de plus vieulx que

hommes et jeunes femmes

lui.

Car

qui croient

» conseil et ne contrarient mie le dit des anciens ne

peuvent

de venir à honneur. » Et aussi dit pour bien et honneur Tavoit dit. El pour ce a cy bon exemple comment Ten doit croire et 5>

faillir

le preudons, qui

avoir honte et vergoingne de renseignement des sailui. Car ce que ilz dient et que pour bien et honneur ; mais noz juennes hommes et noz juennes femmes de aujourd'hui n'y prennent mie garde, ainçois tiennent à

ges et des plus anciens de

enseignent,

ilz

ne

le font

grant despit de ce que l'en les reprent de leurs folies, et

cuident aujourd'uy estre plus saiges que les

anciens et de ceulx qui ont plus veu que eulx. Si est

grant pitié et grant folie de

telle

descongnoissancc

avoir en eulx; car tout gentil cucr de

bonne nature

doit avoir grant joye quant l'en le reprent de faulte.

Et se

là voit-on

est saige et franc

esprouvée

des juennes villain

il

la

hommes et

bonne

il

lui

et la

sa

merciera, et

franche nature

des juennes femmes; car nul

cuer n'en rendra jà grâces ne mercis, ne jà comment ilz parlè-

gré ne saura. Or vous ay parlé

hommes. Or vous dicomment ilz donnoient bon exemple es bonnes dames et es bonnes damoiselles en icelui temps.

rent et chastièrent les jeunes ray-je

DU Chevalier de La Tour.

229

Des anciennes coustumes.

Chappitre CXVII^. i

e temps de lors estoit en paiz, et tenoient

grans festes et grans reveaulx Et toutes niji.

nières de chevaliers, de

dames et de damoi-

selles s'asambloienl là où ilz aloient et où il/

avoient les festes, qui estoyent

menu et

souvent, et là

venoient par grant honneur les bons chevaliers de cellui

temps. Mais, se il advenist par aucune aventure que

dame ne damoiselle qui

eust mauvais renon ne qui fust

blasmée de son honneur se meist avant une bonne dame ou une bonne damoiselle de bonne renommée,

combien que noble

femme ou eust plus mary, tantost ces bons chevaliers

elle fust plus gentil

et plus riche

de leurs droits n'eussent point de honte de venir à elles,

tre

devant tous

,

et

prendre

bonnes

les

et les

met-

au dessus des blasmées, et leur deyssent devant

ceste dame ou dacombien que elle ne » soit si noble ou si riche comme vous elle n'est » point blasmée , ains est mise ou conte des bonnes

tous

:

«

Dame, ne vous desplaise

» moiselle vail avant vous

;

si

car,

,

» et des nettes. Et ainsi ne dit l'en pas de vous, dont »

me

desplaist, mais l'en fera

honneur à qui

l'a

» desservy, et pour ce ne voz en mcrveillez pas. »

Et ainsi [)arloient les bons chevaliers, et mcttoient les

bonnes

et

de bonne renommée

elles mercioient Dieu

les

premières , dont

en leur cuer de elles eslre te-

Le Livre

23o nues nettement et

,

par quoy elles s'estoient honorées

mises avant , et les autres se prenoient au nez

baissoient les visages

,

et recevoient

et de grans vergoingnes. Et

ple à toute gentil

femme

;

pour ce

et

de grans hontes estoit

bon exem-

car pour la houle que el-

les ouoient dire

aux autres,

gnoient à faire

le

elles doubloient et crain-

mal. Mais, Dieu mercy, aujour-

duy Ton porte aussi bien honneur aux blasmées comaux bonnes, dont maintes y prennent mal ex:emple et disent « Avoy, je voy que Ten porte aussi » grant honneur à telle, qui est blasmée et diffamée, » comme aux bonnes ; il n'i a force de mal faire ; tout » se passe. » Mais toutes voies ce est mal dit et mal pensé, combien qu'il y ait grant vice car, en bonne foy, combien que en leur présence l'en leur face honneur et courtoisie , quant l'en est party de elles l'en s'en bourde, et disent les compaignons et les gengleurs « Vées cy une telle elle est trop bien cour-

me

:

;

:

;

» toise de son corps et la racontent et la ses. Et ainsi tel lui

devant, qui lui

;

tel et tel

seesbat avecques elle »,

nombrent avecques les mauvaifait honneur et belle chière par

trait la

langue par derrière. Mais

les

ne s'en apperçoivent mie , ains se esbaudissent en leur folie, et leur semble que nul ne scet leur honte ne leur faulte. Sy est le temps changé comme folies

il

souloit, et je pense

que

c'est

mal

fait, et

que

il

vaulsist mieulx devant touz monstrer leurs faultes et

leurs folies,

comme ilz faisoient en cellui temps

dont

vousay compté. Et vous diray encoresplus, comme j'ay ouy compter à plusieurs chevaliers qui virent cellui messire Gieffroy de Lugre et autres, que, se il chevauchast par le pays, il demandast « A qui

je

:

DU Chevalier de La Tour. » est cellui herbergement là? », et l'en

il

se torsist

281 deist

:

blasmée de son avant d'un quart de lieue que il

« C'est à telle », se la

honneur,

dame

\m

feust

ne vensist devant la porte, et luy feist un pet, et puis pransist un poy de croye qu'il portoit en son saicbet et escrisist en la porte ou en l'uis « Un pet un pet », et y faisoit un signet et s'en vensist. Et aussi au contraire, se il passast devant l'ostel à dame ou damoiselle de bonne renommée , se il n'eust moult granthaste il la vensist veoiret huchast « Ma bonne » amye, ou bonne dame ou damoyselle , je prie à M Dieu que en cest bien et ceste honneur il vous » vueille maintenir en nombre des bonnes ; car bien » devez estre louée et honnourée. » Et par celle voye les bonnes se craingnoient et se tenoient plus fermes :

,

:

,

et plus closes de ne faire chose dont elles poussent

perdre leur honneur et leur

estât.

Sy vouldroye que

temps fust revenu; car je pense que il n'en feust mie tant de blasmées comme il est à présent. Dont , se femmes pensoient ou temps de devant l'advenement nostre seigneur Jhesucrist , qui dura

cellui

plus de

v.»"

ans

comme

,

par

ij.

les

mauvaises femmes

femme mariée

especialement toute

et

qui feust prouvée

tesmoings avoir eu compaingnie à autre que à

son seigneur, elle feust arse ou lappidée, ne pour or

ne pour argent

elle n'en feust rachetée, tant

feust, selon la loy

de Dieu

et

de Moyses

,

et

noble

encore

ne sçay-jc guières de royaulmes aujourd'uy , fors le royaulme de France et d'Angleterre et en ceste basse dés ce que l'en meurent dès ce que l'en en c'est-à-dire en Rommenic , en Espai-

Alemaigne, de qui

en puet

l'en n'en face justice

savoir, et qui ne

scet la vérité,

Le Livre

232 gne, en Arrag^on

En aucuns

et

en plusieurs autres royaulmes,

lieux l'en leur couppe les gorges, en au-

tres lieux l'en les murtrist à touaillons

emmure. Et pour

,

en autres

bonne exemple à toute bonne femme que, combien que en cest royaume l'en n'en face plus justice comme l'en fait lieux l'en les

ce est

en plusieurs autres lieux , elles n'en laissent pas à en perdre leur honneur et estât, et l'amour de leur seigneur et de ses amis, et l'onneur du monde, comme donner langaige aux gengleurs, qui, au matin et au

soir,

en tiennent leurs esbatemens

lées de moqueries

,

et

gou-

et leurs

en oultre l'amour

et la

grâce

de Dieu, qui est le plus fort; car elle est séparée du Kvre des bonnes et des saintes femmes, si comme il est contenu plus à plain

en

la vie

des Pères. Mais

compte en seroit trop long à racompter, dont diray un moult bel et bon exemple , qui est noble et

le plus hault

sermon

la

le

plus

comme ce dont Dieux si comme le racompte

de tous,

parla de sa propre bouche la sainte escripture,

le

je vous

,

comment Dieu loua en son

bonne preude femme.

saint

DU Chevalier de La Tour.

Comment Nostre Seigneur

233

loue les bonnes

femmes.

Chappitre GXIX'. ieux loue la bonne

comme

pure,

c'est

femme

,

la nette et la

noble chose et sainte

que de bonne femme car, quant Dieu de bouche la loue, dont par ;

sa propre sainte

bonne raison

amer

le

monde

et toutes

et louer et chier tenir.

vangile des vierges que

11

gens

la

doivent bien,

est contenu

en l'eu-

doulx Ihesucrist preschoit

le

et enseignoit le peuple. Sy parla sur la matière des bonnes et des nettes femmes, là où il dist Vna preciosa margarita comparavit eam. Je vous dy, dist :

que femme qui est bonne et nette comparée à la précieuse marguerite. Et ce à merveilles dist car une marguerite est une

nostre seigneur

,

doit estre fust

;

grosse perle réonde d'oriant, clère, blanche et nette. Et,

y

quant

elle est clère et nette, sans nulle tache

veoir, celle précieuse pierre est appelée précieuse

margarite. Et ainsi montra Dieux la valeur et la

bonté de

la

bonne

et nette

nette et sans taiche

mariée

,

femme. Car

celle qui est

c'est-à-dire celle qui n'est pas

et se tient vierge

ou chaste

,

et

aussi celle

qui est mariée et se tient nettement ou saint sacre-

ment de mariaige, sans souffrir estre avillée que de son époux que Dieu lui a destiné et donné et aussy ,

celle f[ui

nettement

lient

son vefvage, cestes-cy sont

Le Livre

234 celles, si

comme

dit la glose,

sainte Euvangile.

Ce sont

de qui Dieu parla en sa

celles qui

en ces iij. estas sontcom-

se tiennent nettement et chastement. Elles

paragiées,

si

comme

disl nostre seigneur Jhesucrist,

à la précieuse marguerite, qui est clère et nette, sans nulle taiche. Car,

si

comme

Nulle chose n'est

si

noble que de bonne

dit la sainte escripture

:

femme et plus que Tom,

aux angels en partie de mérite, selon rayson, pour elles sont de plus foible et legier couraige que neslThomme, c est-à-dire que la femme feust traitte de l'omme, et, de tant comme elle feust plus foible et elle puet bien résister aux tamptacions de l'enneplayst à Dieu et

me, et ce que

my

doit avoir plus

et de la chair, et,

en Taventure, de tant doit-elle que Tomme. Et pour ce la com-

avoir plus grant mérite

paraige Dieu à la noble précieuse marguerite, qui est clère. Et aussi dit la glose

aussy

comme

délié cueuvrechief à

en un autre lieu que,

baillier un blanc et un grant seigneur ouquel en lui

c'est laide

chose à

baillant l'en espendroit grosses gouttes d'encre noi-

aussy celles gouttes noires les espandre sur

re, et

une esculée de

lait

qui est blanc, tout ainsi celle qui

doit estre pucelle, et baille son pucellaige à autre

que à son espoux, et aussy grant mauvaistié chair,

ment,

,

la

mariée qui, par sa

sa leiche et sa fausse lecherie de

rompt et casse son mariaige et son saint sacreet ment sa foy et sa loy vers Dieu et Tesglise,

et vers

son seigneur

,

et aussi celle qui se doit tenir

nettement en sa vefveté, cestes manières de femmes resemblent les taiches laides qui sur le blanc lait et sur

le

rent

;

cueuvrechief de grosses goûtes noires appèelles

ne sont de riens aux précieuses m^irgue-

,

DU Chevalier de La Tour. rites

235

car en la précieuse marguerite n'a nulles tai-

;

ches ne goûtes noires. Hélas

!

femme

tant la

se doit

bien haïr et maudire sa mauvaise vie, quant elle n'est

plus ou

nombre des bonnes dont Dieu

parla ainsi

à

ses appostres et au pueple. Dont, se elles pensoient

bien à

choses, l'une,

iij.

comme

rier perdent leur mariaige

celles qui sont à

du monde,

rent la honte et hayne de leurs amis et



comme comme

chascun

Dieu

de son seigneur et de tous ses amis

et

elles

tous autres

chevance

en

;

,

les

ma-

leur honneur et acquiè-

,

monstre au doy

;

les

mariées

perdent toute honneur et l'amour de et puis

Dieu

lui nuist à avoir

et

de

bien et

car des diffameures et laidures que l'en

dit seroit trop

long à raconter. Car

telz leur feront

belle chière par devant qui puis leur traira la langue

par derrière , et en tendront leurs comptes et leurs

moqueries, et en feront chacun jour leur parlement; mais après jamais elles n'aymeront de bon cuer leurs seigneurs,

comme j'ay

en

dit

l'autre livre

;

Tannemi

leur fera plus trouver de ardeur et ardant délit en

dampnable que en l'euvre de saint mariage car, en l'euvre de mariage, qui est ouvre commandée de Dieu, n'a point de pechié mortel, et pour ce n'a Tannemy que y veoir ne leurs ribauderies et en pechié mortel ;

que y regarder

mais en ribauderies et en pechié

;

l'ennemy povoir, et y est en sa personne et eschauffe et atise le pécheur et la pécheresse au

mortel

là a

faulx délit ; aussi

comme

et souffle en la fournaize

le fèvre qui ,

met le charbon

ainsi le fait

l'ennemy en

celluy mestier, et les y tient liés et cnflambez de cel-

luy ardent délit en pechié mortel, car sa gaaingnc, et

s'il

les

puet

faire

il

le fait

pour

mourir en pechié

Le Livre

ï3G mortel, et

emporte Tame en

il

en a aussi grant joye

comme

il

prent sa beste et

l'ennemy de

et

femmes

telles

et c'est bien rayson, si rè,

apayé

chasseur qui a toute jour chassé

le

puis au soir fait

douleur d'cnffer,

la

et se tient aussi bien

comma

que ceulx qui euvrent de

1

et

emporte de

;

telles

,

et

aussi

gens;

dit la sainte escriptu-

telles

chaleurs de luxure

y ont prins leur puant délit de la char soyent mis

et portez

en

chaleur et en la flambe du feu d'enffer.

la

Et c est bien rayson

,

dit

un

saint hermite en la viç

des Pères, que lune chaleur soit mise avecques lau-

que tout se poursuive en cest monde

tre, et l'autre

ne

soit

De

comme

car, si

;

Dieu

dit,

mery ne nul mal qui ne

il

soit

ChAPPITRE r

en

pugni.

la fille d'un dkei^alier qui perdy

mariée par sa

et

n'est nul bien qu'il

à

estre

folie.

Vlxxe.

vous diray un autre exemple de la tille à estre mariée , qui perdy

d'un chevalier I

à

un

chevalier pour sa cointise. Et vous

diray comment filles,

dont l'ainsnée

chevalier

un de

fist

un chevalier avoit plusieurs mariée. Sy advint que un

estoit

demander la seconde fille, et furent à du mariage, et tant que le cheva-

la terre et

pour la veoir et pour la tiancier, se elle lui oncques mais ne Tavoit veue. Et celle damoiselle, qui sceust bien que il devoit venir, se

lier vint

plaisoit, car

DU Chevalier DE La Tour.

287

acesma et se cointy le mieulz que elle pot, et, pour sembler à avoir plus beau corps et plus gresle , elle ne vesty que une cotte hardie, delfourée, bien bien jointe. Si

et

estroilte

bien simplement vestue froit

eust

,

grant

fist

vent de bise et avoit fort gelé

,

si

froil et fort

et celle

qui feust

,

parfaitement grant

tellement que elle feust toute noire de

Sy que

froit.

arriva le chevalier qui la venoit veoir, et regarda

sa couleur fust morte et pale et ternie

garda avoit toit

l'autre scur, plus

bonne couleur fresche si

brief estre mariée.

da assez lune pella

ij.

et l'autre, tant

,

comme

car elle es-

celle qui

ne

Le chevalier regar-

que après disner

ap-

il

venuz estoientavecques lui, et « Beaulx seigneurs nous sommes venuz ,

:

» veoir les

que

aussy re-

ses parens, qui

leur dist

»

et vermeille

bien vestue et chaudement,

pensoit pas

et

,

juenne que celle, laquelle

filles

au se^neur de céans

je auray laquelle

» avisé la tierce

amis de

lui

,

fille.

»

que



«

,

et sçay bien

je vouldray

Avoy,

;

mais j'ay

sire », distrent les

« ce n'est pas bien dit

;

car plus grant

honneur vous sera de sa suer ainsnée. »— « Beaulx » amis » , dist le chevalier, « je n'y voy point d'a-

y>

» vantaige que trop

pou ; vous sçavez qu'elles ont une

» suer ainsnée de elles qui est mariée et dont sonl» elles toutes puisnées, et je voy la tierce

fille

plus

» belle et fresche et de meilleur couleur que la se» conde

,

dont

l'en

me

parloit

;

» sance. » Sy luy respondirent

que son roit. fille,

plaisir si feust

lui fut

est telle

que

il

fist

ma

c'estoit

acompli et ce que

Et ainsi advint; car qui

si

demander

il

plai-

rayson

pense-

la tierce

octroyée, et en furent moult de gens

esmerveillez, et par especial celle qai

si

bien

s'i

at-

Le Livre

238

comme ouy

tendoit et qui ainsi s'estoit cointie Si advint que, après

un pou de temps,

avez.

celle suer se-

conde, qui perdu avoit le chevalier pour le grant qui Tavoit elle fust

que

faite ternir et pallir,

mieulx vestue

couleur

la

et

que le

prise, et tant

et

li

dist

,

lui revinst, elle fust

fresche d'assés que sa suer

que

,

que

plus belle et plus le chevalier avoit

le chevalier s'en

esmerveilla tout

« Belle suer, quant je vins pour vous veoir

:

» et vostre suer, vous ne estiés point

comme vous estes

» pars

froit

que quant vint que temps fust eschauffé,

;

si

belle de vij.

car vous estes maintenant

» blanche et vermeille , et lors vous estiez noire et » palle

» vous

et estoit lors vostre

,

;

suer plus belle que

mais maintenant vous la passez, je

» grant merveille. » Lors respondit

me du

chevalier

comment

» ray

Mon

«

:

en

il

,

fem-

seigneur, je vous conte-

fust, et

ne

fust autrement.

» suer, que vous veés cy, pensoit, et » tous

me donne

la mariée,

que vous venissiez pour

Ma

nous Sy se

si faisions-

la fiancer.

» cointy pour avoir plus bel corps et plus gresle, et ne » vestit que une cote deffourée, et le »

que

lui

permua

la couleur, et je

» à tant d'onneur et

,

grant,

de bien avoir comme de vous

» avoir à seigneur, ne

me

cointiay point, ainsçois es-

chaudement vestue si avoye meilleur couleur, dont je mercy Dieu de quoy je

» toie bien fourrée et »

froit fust

qui ne pensoye

;

a chey en vostre plaisance, et benoist soit Dieu dont

»

ma

suer se vesty

si

simplement; car je sçay bien,

» se ne feust celle aventure, que vous ne m'eussiés

» pas prise pour mariée de

la laissier. »

la suer, et toutes '

Et ainsi se gogoya la

voyes

elle disoit voir,

car ainsi perdit celle damoiselle le chevalier par sa

BU Chevalier de La Tour. cointise,

comme oy

289

avés. Car par telle cointise elle

devint palle et descoulouréc. Sy est cy bon exemple

comment

l'en

ne se doit mie

si

lingement ne

si

jo-

liettement vestir, pour soy greslir et faire le beau

corps ou temps d yver, que l'on en perde sa manière

comme il advint à Messire Foulques comme il me dit que advenu lui estoil

et sa couleur, si

de Laval sur le

,

fait

si

de cesle exemple

dont je

,

vous comp-

le

teray.

De messire Fouques de La^al, qui

ala veoir

sa mie.

Chappitre essire

VIxxlc,

Fouques de Laval

estoit

moult beaux

chevalier et moult net entre tous autres chevaliers et il

,

me compta, que une

dame par amours. Sy il

et si savoit

son maintieng. foiz

estoit

moult sa manière

Si lui il

comme

advint,

estoit aie veoir sa

en ung temps d'iver que

avoit fort gelé et faisoit moult grant

froit.

Si

se estoit au matin cointy et vestu d'une cosle d'es-

un chappcron

carlate bien brodée, et avoit

glé sans penne, et n'avoit que la chemise et

un chapperon

perles

,

vent et estroit toit

tout san,

sa coste

tout sanglé et bien brodé de

et n'avoit

bonnes

mantel ne ganz ne moufles. Le

le froit fut grant, et

il

estoit bien joint et bien

en celle cote, et enduroit

le

grant

froit et

es-

tout noir et tout palle et toutentoussé. Et là vint

Le Livre

2^0

un autre chevalier, qui

dame mais ;

estoit

il

ne

aussi estoit

chaudement vestu

et avoit

ron doublé, et estoit rouge

bonne couleur et

il

eust

fait le

amoureux de

celle

pas ainsi gayement arrayé, âins

fust

Quant

et vive.

mantel et chappe-

comme un

coq

,

et avoit

le chevalier fust arrivé

bien veignant, la

dame

lui' fisl

bonne

chière et liée et meilleur que à messire Fouques, ce lui

sembloit, et lui tenoit plus grant compaignie, et

dit la

dame

Fouques

à Messire

:

« Trayez-vous près

» du feu. Je double que vous estes

mal saing; vous

» avez trop fade couleur. » Et il respondyque

il

n'a-

voit nul mal. Et touteffoiz l'autre chevalier eust meil-

leure chière d assez. Sy se passa la chose ainsi, et ne

demoura pas plus d un mois que messire Fouques espia que le chevalier devoit venir sur les parties

où il

estoit celle

dame,

à la journée qu'il sceust que dame, il vint d'autre part et se Mes messire Fouques se arroya et,

arriva pour veoir la

retrouvèrent leans.

bien autrement qu'il n'estoit à l'autre foiz vesty bien et chaudement,

;

car

il

se

que il ne perdy pas sa couleur comme à l'autre foiz pour esprouver comment la chose yroit ne à quoy il tenoit; mais pour si

,

eust la meilleure chière et la plus privée

certain

il

à celle

foiz.

tenir

Dont

chaudement,

il

me

et

que

dist il

que amours se doivent

l'avoitesprouvé. Et pour

ce est grant folie de soy cointir pour faire

le

bel corps

pour estre gresle tant que l'en en perde sa couleur ne sa manière , ne que l'en en soit enroué ne en-

et

toussé ; car l'en en est moins prisé, selon ce que ouy avez, dont sur ceste matière je vous en conteray une

grant merveille

de pur

froit.

,

comment

Ce furent

plusieurs en moururent

les Galois et les Galoises.

,

DU Chevalier de La Tour.

Cf parle des

241

Galois et des Galoises.

ChAPPITRE VlxxIIe. elles filles et

son art en

comme d'amours

et

,

vous compteray des Galois

je

des Galoises fist

,

comme lennemy

si

par la flambe de Venus

de luxure.

Il

par

plusieurs mourir de froit la

,

déesse

advint, es parties de Poi-

tou et es autres pays, que Venus, la

dame des amou-

reux, qui a grantart et grant povoir en juenncsce, c est en juennes gens, dont elle fait aucuns amer

d'amours raysonnable et honnourable et autres de dont aucunes en perdent foie amour desmesurée ,

,

honneur et les autres ame et corps. Dont il advint que elle fist entreamer plusieurs chevaliers et escuicrs dames et damoiselles et leur fist faire une ordonnance moult sauvaige et desguisée contre la nature du temps, dont lune de leurs ordonnances estoit que, le temps d'esté, ilz scroient bien vestuz et chaudement à bons manteaulx et chapperons doublés, et auroient du feu en leurs cheminées. Jà ne ,

,

grant chaut, ilz se gouvcrnoient parle temps d esté comme l'en deust faire le temps du fort yver en toutes choses, et en yvcr se gouvcrnoient comme et vous diray comment. En yver, l'en doit en esté par le plus fort temps, le Galois et la Galoise ne ves-

feisl si

,

toient riens

du monde que une

petite cote

,

simple,

sans penne ne sans estre lingée, et n'avoient point de

Le Livre

242

mantel ne housse , ne chapperon doublé glé

,

fors san-

qui avoit une cornete longue et gresie , sans

,

avoir chappeau

,

vent que

feist.

en

il

ne gans

,

ne moufles , pour gelée ne

Et, en oultre, en ycelluy fort

yver leurs chambres et leurs places estoient bien nettes

et qui trouvast

;

aucunes

feuilles vertes, elles

feussent jonchées par Tostel, et la cheminée cstoit

houssée

,

comme

en esté

chose verte ; en leurs sans plus

,

litz

de

,

ou de aucune que une sarge ligièrc

fraillon

n'avoit

ne plus n'en povoient avoir par

celle or-

denance. Et, en oultre, estoit ordené entre eulxque dés ce que un des Galois venist la où feust la Galoise, se elle eust mary,

que

alast faire

il

venus

il

convenist par celle ordenance

penser des chevaux au Galoys qui

feust, et puis s'en partit

de son hostel sans re-

venir tant que le Galoys feust avecques sa cellui

mari

femme

estoit aussi Galois et alast veoir s'amie,

autre Galoise, et l'autre feust avecques sa feust tenu à grant honte et

demourast en son hostel denast riens depuis que

,

;

et

une

femme,

el

deshonneur se le mary ne commandast ne or-

le Galois feust

venu el n'y Cy dura ,

avoit plus de povoir par celle ordenance.

cesle vie de cestes amouretes grant pièce, jusqucs

à tant que froit

;

le

plus de eulx en furent mors et péris de

car plusieurs transsissoient de pur froit et en

moururent tous roydes delez leurs amies et aussi leurs amies delèz eulx, et en parlant de leurs amouretes et en eulx moquant et bourdant de ceulx qui que il convenoit de estoient bien vestus ; d'autres ,

leur desserer les dens de cousteaux et les tostoier et fréter

car

au feu

ilz

comme un

poussin engelé et mouillié

cuidoient contrefaire les autres et

muer

;

le

,

DU Chevalier de La Tour.

^43

t'Cmps et saison qui ordonnée esty pour nourrir corps

de femme autrement que Dieu n avoit double moult que ces Galois et Galoises qui moururent en cest estât et en cestes amouretes furent martirs d amours, et que, aussi comme ilz morurent de froit, que ilz ont grant chaut par delà

d'omme

et

ordonné.

Si

et ardent; car se

de

la

eussent soufferte la

ils

Dieu, qui tantsouffry pour eulx, té et

partie

vij«

peine et de la douleur pour l'amour du ilz

filz

de

en eussent méri-

grant guerredon et gloire en l'autre siècle. Mais

Tennemy, qui touzjours tant à faire désobéir homme et femme, leur faisoit avoir plus grant plaisance et délit en foies amours désespérées et sauvaiges, que à nul service de Dieu , et les aveugloit par telle manière que il les faisoit mourir et languir de pur froit. Et pour ceste raison , qui est évident, est bien ,

chose esprouvée comment Tannemy lempte et eschauffe et

amc

homme et

,

et femme et soustient à périr corps comment il donne et fait avoir foies plai,

sances et plusieurs mauvaises manières les

uns par convoitise,

et le détenir

;

comme de

tirer

,

c'est-à-dire

à soy lautrui

autres par orgueil, soy trop prisicr et les

autres deprisier ; les autres par envie de bien que autrui a plus

que

lui

;

corps se délite, qui

de yvresse, qui la chair fait

;

toit

entreamer de

Galoises,

foie

luxure

amour

comme

où il mist

esmouvoir

raison et le

les autres par

les fait déliter,

par gloulonnie où

les autres fait

il

,

le pechié,

fait

venir au délit de

comme Tennemy les

et foies plaisances

fist

le

comme

où il

iceulx faulx Galois et

tant de foie plaisance

plusieurs mourir de diverse mort ,

que

il

comme de

amis et amies. Pour ce ne dis-je mie que

il

en fist froit

ne

soit

Le Livre

244

de bonnes amours sans deshonneur et dont moult d'onneur vient. Celles sont loyalles, qui ne requièrent chose dont deshonneur ne abaissement viengne ; car cellui

n'ayme pas loyaulment qui pense à deshon-

nourer sa dame et s'amie , ne abaissier son honneur

ne son estât semblant et

car ce n'est mie amour, ains est faulx

;

tricherie

;

ne l'en ne puet

faire trop

grant

manière de gens. Mais tant vous en dy-je bien que il en court d uns et d'autres, c'est as-

justice de telle

savoir de loyaulx et faulx et de decevables, de telz qui se faignent et jurent et parjurent leurs fois et ser-

mons,

et

ne leur chault

,

mais que

ils

aient partout

leurs deliz, et usent de faulx semblant et font les pensis,

les

trompez

débonnaires et les gracieux. Si en y a de de trompées assez par le monde. Et pour

et

ce est le siècle moult fort à congnoistre et moult

merveilleux

et

;

de

telz et

de

telles le

congnoistre qui en sont deceus

et si

cuident bien

congnoissent

ne cuident.

moins que

ilz

Que

femme ne

nulle

,

doit point croire trop legie-

rement ce qu'on

ChAPPITRE

lui dit.

Vl^XlIIe.

pour ce est noble chose à toute femme de bien et d'onneur y prendre garde et soy garder, et non mie croire trop de legier ce t

que l'en leur dist,

et se

prendre de garde de

ceulx qui usent de telles faulcetez et qui font de pe-

DU Chevalier de La Tour. liz

signes et des faulx semblans,

gars ions et pensis

,

et

comme

^45

de faulx fe-

de petis souspirs , et de mer-

veilleuses contenances affectées, et ont plus de paroles à

main que autres gens. Sy

garder de

telles

est

bon de soy

manières de gens qui veulent user

de avoir tel siècle car la bonne femme qui bien se scet garder de telx gens doit estre moult louée et honnourée. Car c'est grant honneur et grant victoire ;

avoit

fait

de eschiver

le

mal langaige du monde

,

et

qui se puet tenir nettement et hors de leurs folles parleures, sans ce que celles folles langues puissent dire ne racompter

que

ilz l'aient

trouvée en nulle

foi-

blesse ne molesté de cuer, ne qui se puissent bour-

der ne gangler de elles

,

et cestes

bonnes femmes

qui ainsi se tiennent fermes, et qui ainsi se rusent

de leurs faulces malices doivent estre bien louées entre les bonnes, tout ainsi comme l'en loue les bons ,

chevaliers et les bons escuiers qui passent par vail-

lance et par honneur trait

;

par la paine que

ilz

tous autres pour le grant labour que

souffert

pour venir à honneur, sont

ilz

ilz

y ont y ont

plus prisiez

honnourez que gens du monde. Tout aussy et par meilleur raison doit estre la bonne dame qui bien a et

rescoux son honneur contre

telles

manières de gens

vous dy bien que mon entente n'est point par cest livre à blasmer bonne amour et ceulx qui usent de loyaulté car moult de grans biens qui ainsi usent. Et

si

;

honneurs en sont advenus. Mais la bonne dame de Villon qui tant fut belle et prcude femme dont par et

,

,

sa bonté et sa bcaullé moult de bons chevaliers furent et

amoureux de

elle, et clic, qui

de grant gouvernement, leur

moult

disoit

fut saige

que toutç

,

Le Livre

246 saige

femme

qui bien vouloit nettement garder son

honneur doit avant essaier son amy, c'est celui qui la pr^e ou qui lui fait semblant d'amour. Et quant elle l'aura esprouvé vij. ans, adonc elle sera certaine se il l'ayme de cuer ou de bouche. Et lors le pourra accoler pour singne d'amour, sans plus. Mais de ceste

bonne dame dur.

Il

je

me

tais, car elle

avoit le cuer trop

mestier que celles de aujourd'uy

est bien

aient le cuer plus piteulx,

et, se Dieux plaist, sy auront elles, car trop long temps a en vij. ans. Le

plus d'elles n'attendront pas que elles n'en ayent plus brief mercy, se Dieu plaist. Mes belles filles , je vous laisseray un peu de cest fait et de cestes Galoises, et vous compteray un débat qui est entre voslre

mère

me

et

moy, sur

le fait qu'elle

ne doit amer par amours

et je soustiens le contraire

d'entre elle et de

fist

débat que nulle fem-

en certains cas pour ce est le débat

fors

et

moy, sur lequel

Cf parle du débat qui qui

,

,

je vueil racompter.

ai^int entre le chef^alier

ce livre et sa

femme, sur

le fait

damer par amours. Le chevalier parle, la femme respont après.

Chappitre

Yl^xiiiie.

filles , quant à amer par amours, je vous en diray le desbatde voslre mère et de moy. Je vouloye soustenir

es chiures

que une dame ou damoiselle peut bien a-

mer en

certains cas de honneur,

comme

en esperan-

DU Chevalier de La Tour. ce de mariage; car en

amour

que bien

n'a

el

247 hon-

neur, qui mal n y pense. Car en celles où l'on pense ou mal ou engin, n'est pas amour, ains est mal

pensé et mauvaislié. Si vueillicz ouïr

le

grant con-

moy. Je dy ainsi à vostre mère « Dame, pour quoy ne aymeront les dames et les damoisselles par amours ? Car il me semble que en bonne amour n'a que bien, et, aussy comme l'amant en vault mieux et s'en tient plus gay et plus joli et mieulx acesmé, et en hante plus souvent les armes et les honneurs, et en prent en lui meilleure manière et meilleur maintieng en tous estaz pour plaire à sa dame et à sa mie tout ainsi fait celle qui de lui est amce pour lui plaire, puis que elle l'ayme. Et aussy vous dy-je que c'est grant aumosne quant une dame ou damoiselle fait un bon chevalier ou un bon escuier. Cestes-cy sont mes raisons, » Cy parle la dame et respoiit au chevalier Sy me respont vostre mère et dit « Sire, je ne me tens et le débat de elle et de :

,

:

:

merveille pas se entre vous raison que toutes

hommes

soustenez ceste

femmes doivent amer par amours.

Mais, puis que ccst

devant noz propres

fait et cest filles

,

débat vient en clarté

je vucil débattre contre

vous le mien advis, et feablement, selon mon entendement ; car à nos enffans nous ne devons riens celer. Vous dictes, etsifonttous les autres hommes, que toutes dames et damoiselles valent mieulx se elles amenl par amours et qu'elles s'en tendront plus gaies et plus renvoysiées et en sauront trop mieulx leurs

manières et leur maintieng faire

,

et feront

un bon chevalier ou un bon

tes paroles

aumosne de

escuier valoir. Ges-

sontcsbatements de seigneurs et de com-

,

Le Livre

248

un langaige moult commun. Car ceulx qui disent que le bien et honneur qu'ilz font, que ce soit par elles qui les font valoir et venir à honneur et souvent eulx armer étaler es voiagcs, etmoultd'auIres choses que ilz dient qu'ilz font pour leurs amies, paignons

et

,

il ne leur couste guères à le dire pour leur plaire et pour cuidier avoir leur gré; car assez de telles paroles et d'autres bien merveilleux aucuns usent

bien souvent. Mais facenl pour elles

meismes,

monde.

Si

et

pour

vous

combien

,

qu'ilz disent

en bonne foy

,

tirer

di

,

à avoir

mes

la

chières

ilz le

font

que ilz le pour eulx

grâce et l'onneur du filles

,

que vous ne

croiez pas vostre père en ce cas, et vous pry,

si

chière

comme vous m'avez, pour vostre honneur garder netet sans parlement du monde que vous ne soyez point amoureuses, pour plusieurs raisons que je vous diray. Premièrement, je ne dy mie que toute gentil femme ne doye mieulx amer les uns plus que les autres , c'est assavoir les gens de

tement sans blasme

bien et d'onneur et ceulx qui leur conseilleront leur

honneur

et leur

bien

car l'en puet bien faire meil-

;

leure chière aux uns que aux autres en moult de cas. Mais, quant à estre la

maistroye

,

si

amoureuses que telle amour

atout le plaisir et le vouloir de son

cuer, aucunes fois

il advient souvent que telle ardeur d'amour et cellui fol plaisir les maistroye et les maine à avoir aucun villain blasme , aucunes fois à

droit, et aucunes

a voulentiers sur

fois tel

à tort, par l'aguet que l'en

lait,

dont l'on puet parfois

cevoir grans blasmes et deshonneur, et

tel

ne chiet pas delegier, parlcsfaulx aguetteurs les mesdisans, qui jà

re-

cry qu'il et

par

ne seront saoulx ne assouviz

,

DU Chevalier de La Tour. de

agaitier, parler et rapporter plus tost le

le bien.

Dont, parleurs faulx langaiges,

249

mal que

diffament

ilz

bonne renommée de mainte dame etdamoiselle , et pour ce, toute femme à marier se puet bien depporter de celluy fait. Dont Tune rayson est que juenne femme amoureuse ne puet jamais servir Dieu de fin cuer ne de si et tollent la

vray

comme

devant; car j'ay ouy dire à plusieurs,

qui avoient esté amoureuses en leur juenesce

quant

elles estoient à Teglise

merencolie leur

que

la

,

que

pensée

et la

plus souvent penser à ces es-

faisoit

de leurs amours que ou servi-

trois pensiers et deliz

ce de Dieu

,

d'amours de telle nature que, quant Ten est plus au divin office , c'est tant comme ,

et est Tart

le prestre tient nostre

venoit plus de

seigneur sur l'autel

menus

pensiers;

c'est

,

lors leur

l'art

d'une

nom Venus, qui eut le nom d'une plasi comme je l'ay ouy dire à un preudhomme

déesse, qui a nette

,

prescheur, qui disoit que

femme dampnée amoureuse ,

et se

dont les payons

déesse et la honnouroient

donna

voyassent Paris,

comme

la tindrent

,

à

aux Troyens qu'ilz endu roy Priant, en Grèce lui feroit avoir, et seroit

dame du royaume de Grèce,

roy Menelaux

et

fai-

Dieu. Celle Venus

voir, car Paris avoit la belle Helaine,

xl.

une

femme

le conseil

le filz

querre femme, laquelle elle la plus belle

se mist en

mist l'ennemy dedans elle et

soit faulx miracles,

fut celle qui

Tennemy

qui à mervelle fust jolie

dont par celluy

fait

la

et elle dit

femme au

morurent plus de

roys et plus de cent mille personnes, dont la

cause fust par rattiscmcnt de celle déesse Venus. Si fust

une mauvaise déesse,

et est bien apparissant

que

Le Livre

25o

mauvaise temptacion de Tennemy. C'est la déesse d'amours qui ainsi attise les amoureulxet fait penser et merencolierjour et nuit en yceulxdelis et en c'estoit

yceulx estrois pensiers , et par especial plus à la messe et au service de Dieu que en autre part

,

c'est

pour

troubler la foy et le service et la devocioiï que l'en a

vers Dieu. Et sachiez, belles ja

femme

filles,

pour

certain,

cuer en Dieu , ne à dire ses heures devottement le

cuor

si

,

ne

ouvert à ouïr le saint service de Dieu. Dont

je vous diray conter,

que

bien amoureuse n'aura ja parfaitement le

que

il

un exemple, que j'ay toujours ouy rafut deux roynes par deçà la mer qui

leurs faulx delis de luxure faisoient aux ténèbres le

jeudy absolu

et le saint

vendredy aouré, quant

l'en

estaingnoit les chandelles, et en leurs oratoires, dont il

en desplust

tant à

Dieu que leur

vil

pechié feust sceu

morurcnten chappes de plong. Et les deux chevahers leurs ribauxen morurent de si cruelle mort, comme ceulx qui en furent escorchiez tous vifs. Or povez bien veoir comment leurs fausses amours estoient bien desvoyées et dampnables, et comment la tentation de Venus , la déesse d'amours et la dame de luxure , les temptoit si folement, comme le saint vendredi benoist, que toute créature doit plourer et gémir et estre en devocion. Et par cest exemple est bien veu que toute femme amoureuse est plus temptée à l'église et au service de Dieu ouïr que ailleurs. Et l'en y doit dire ses heures plus que en autre lieu. Sy est ceste cy une des premières raisons' par quoy juenne femme sepuei déporter d'estre amoureuse. L'autre rayson est que plusieurs , qui sont tous et desclairé, tellement qu'elles en

DU Chevalier de La Tour. que

ilz

261

femmes

duiz de requerre et prier toutes les gentilz

treuvent, et jurent et parurent leur foy et

serement que

ilz les

aimeront loyaulment sans de-

cevance, etqu'ilz ameroyent mieulx estremors que

ilz

pensassentvillennie ne deshonneur, et quilzenvaul-

dront mieulx pour Tamour bien ne honneur ,

qu'il

d'elles, et

que, se

ont

ilz

leur viendra par elles

,

et

leur demonstreront et diront tant de raysons et de

abusions que

c'est

une grant merveille à

les

ouïr

parler. El en oultre gémissent

,

et souspirent, et font

merencolieux

,

et

les pensis et les

faulx regart et font le débonnaire

en oultre font ung ,

tant

que qui

les

que ilz fussent esprins d'amours vrayes et loyaulx mais telles manières de gens, qui ainsi usent de faire telx faulx semblans, ne sont que verroit

il

cuideroit ;

deceveurs de dames et de damoiselles. Si vous dy qu'ilz ont paroles sy à

mains

ceulx qui souvent en usent

,

et

sy forgées

que il

,

comme

n'est dame

ne da-

moiselle, qui bien les vouldroit escouter, qu'ils ne

deceussent bien par leurs faulses raysons que elles ne lesdeussent bien amer. Et il en est bien pou,

si

elles

ne

sont moult saiges, qui bien tost n'en feussent deceues, tant ont paroles à

main

et tant font le gracieux et

usent de faulx semblant. Ceulx cy sont au contraire

du

loyal amant. Car l'on dit

,

et je pense qu'il soit

que le loyal amant qui est espris de loyal amour, que, dès ce que il vient devant sa dame , il est si espris et paoureux et doubteux de dire ou faire chose qui lui déplaise, que il n'est mie si hardi de dire ne descouvrir un seul mot, et , se il ayme bien je pense qu'il sera iij. ans ou iiij. avant que il lui ose dire ne descouvrir. Ainsi ne font pas les faulx, qui vray

,

,

Le Livre

252

prient toutes celles que

ilz

treuvent,

comme

dessus

vous ay dit car ilz ne sont en crainte ne en paours de dire tout ce qui à la bouche leur vient, ne honte ne vergoingne n'en ont. Car, se ilz n en ont bonne res,

ponce d une

penseront à l'avoir meilleure d une que ilz pevent traire d'elles ilz rapportent tout et en font leurs parlements des unes et des autres, et s'en donnent de bons jours et de grans gogues et de bons csbatcmens. Et par celles ,

ilz

autre, et tout ce

,

voyes s'en vont genglant et bourdant des dames et des damoyselles , et acroissent plusieurs paroles de

quoy

ne parlèrent onques. Car ceulx à qui ilz y remettent du leur et y adjoustent plus de mal que de bien , et ainsi de parole en parole et elles

les disent

par

telle frivole

sont maintes bonnes

dames

et

da-

moyselles diffamées.

Et pour ce, mes belles

filles, gardez-vous bien escouter,et, se vous veez ne appercevez qu'ilz vous veullent user de telles paroles ne de

de

les

telx faulx regars

quez

,

,

si les

laissiez

illecques tous pi-

aucun ou aucune en disant « Vecscouter cest chevalier ou escuicr, comme

et appelez

nez oïr et

:

esbat sa jeunesse et se gengle.» Et ainsi par telles paroles ou par autre manière lui romperés ses paroil

Et sachiez que, quant vous lui aurez fait une foiz ou deux, que plus ne vous en parleront ; car en bonne foy ou derrenier ilz vous en priseront et doubleront les.

plus

et diront

Geste cy est seure et ferme. Et par ne vous pourront mettre en leurs paroles ne en leurs gangleries, ne ne pourrez avoir nul diffamement ne blasme du monde. » Le chevalier respont. Lors je lui respondy aDame, ,

ceste voye

:

ilz

:

,,

DU Chevalier de La Tour. vous estes bien maie souffrir

que voz

tes

vous que se

soit

homme

lon elles

,

et

merveilleuse

253

qui ne voulez

,

ayment par amours. Me ditaucun bon cheyalier ou autre, qui

filles

de bien et d'onneur et puissant assez seamer en entencion de

qui les vueillent

mariage, pourquoy ne les aymeront-elles

?

»

La dame respont « Sire, à ce je vous respons me semble que toute femme à marier, soit pucelle :

:

Il

ou vefve, se puet bien batre de son bâton mesmes. Car tous les hommes ne sont mie d une manière ne d'une autre et ce qui plaist aux uns ne plaist pas aux autres. Car il en est d aucuns à qui il plaist moult le bon semblant et bonne chière que l'on leur faist et n'y pensent que bien, et aucunes fois en sont plus ardans de les demander à leurs amis pour les avoir à femmes. Et autres y a plusieurs qui d'autres ma,

nières sont et tout au contraire

;

car

ilz

les

en pri-

sent moins et doubtent en leurs cours que, quant les auroient,

que

elles feussent

lentez et couraiges et trop

de trop

amoureuses

ilz

voupour ce

ligière ,

et

demander et aussy par trop estre ouvertes en leur faire beaux semblant plusieurs en les laissent à

,

,

perdent leurs mariaiges. Car pour certain, pour soy tenir

simplement

et

meurement

et

non

faire

guères

plus grant semblant es uns mieulx que aux autres elles

en sont mieulx prisées et sont celles qui plus

Dont une fois vous me déistes une exemple qui vous cstoit advenue que je n'ay pas oublié. Vous souvient-il que vous me déistes une fois que l'on vous parloit de marier avecques la fille tost sont mariées.

,

d'un seigneur que je ne veoir

,

et si savoit bien

nomme que

l'en

pas?

Si la voulsistes

parloit d'elle el

de

Le Livre

254

vous. Et lors elle vous

fist si

grant chière

comme

se

vouz eust veu tous les jours de sa vie , et tant que vous la touchastes sur le fait d'amourettes et que elle ne tist mie trop le sauvaige de bien vousescouter. Et les responses ne furent par trop sauvaiges, mais assez courtoises et bien legierettes, et pour le elle

,

,

grant semblant qu'elle vous tes

de

demander,

la

fist

,

vous vous retrays-

et se elle se fust tenue

un peu

plus couverte et plus simplement vous Teussiés prise si

,

dont j'ay ouy depuis dire qu'elle

ne sçay se ce

ou à

fut à tort

fut

blasmée ;

droit. Si n'estes

pas

premier à qui j'ay ouy dire et parler qu'ilz en ont maintes laissiéesà prendre sur leur legicr couraige et attrait et pour leurs grans scmblans. Si est moult le

noble chose

,

et

bonne

et

honneste à toute femme à

marier, que soy tenir simplement et meuremcnt, et

especialement devant ceulx dont elles pensent que l'en parle

de les marier ; je ne dy mie que

doive faire honneur et bonne chière

l'en

commune,

ne

selon

ce qu'ilz sont.»

Le chevalier parle: «Comment, dame,

les voulez-

vous tenir si courtes qu'elles n'aient aucune plaisance plus aux uns que aux autres ? » La dame respont : « Sire, tout premièrement, je ne vueil

point qu'elles ayent nulle plaisance à nulx

mendres d'elles, c'est assavoir que toute femme à marier n'ayme nul qui soit mendre que elle ; car, si elle lavoitprins, ses amis l'en tiendroient pour abaissiée, et celles qui telles gens

est contre leur

neur;

c'est

honneur

ayment,

et estât et

un grain de, fol

telle

amour

de grant deshon-

et legier couraige et

de

grant mauvaistié de cuer. Car l'on ne doit rien tant

DU Chevalier de La Tour. convoittier et

comme honneur en

acquerre Tamistié

amis

,

monde amour du monde

et

ccst

255

et avoir

,

et

de ses

qui par celle foie et legierc voulenté est per-

due; dès lors qu'elle se met hors du conseil et du gouvernement de eulx , elle est deshonnourée moult

comme,

vilment,

vouloie, j'en diroye bien

se je

l'exemple de plusieurs qui en sont diffamés et hayes

de leurs prouchains amis. Et pour ce je leur deffans,

comme mère

doit faire à ses filles

nulles plaisances ne nulle telle

dres d'elles, ne en nuls

si

,

qu'elles n'aient

amour en nuls men -

grans qu'elles ne puissent

avoir à seigneur ; car les grans ne les aymeront pas

pour les prendre à femmes, ains ne leur feront nul semblant d'amour, forz pour le cheval et pour le harnoiz , c'est assavoir pour le pechié et délit du corps et

pour

les

mettre à la

folie

du monde.

Après, celles qui aymeront

trois

manières de

comme gens mariez, gens d'esglise, prostrés, moynes et comme valiez et gens de néant cestes gens,

,

,

manières de femmes qui

ayment pour néant et folement je ne les met à nul compte , fors qu'elles sont semblables et plus putes d'assez que femmes communes du bourdel. Car maintes femmes de^ bourdel ne font leur pechié fors que par povreté, ou pour ce qu elles furent deceues par mauvais conseil de houlières et de mauvaises femmes. Mais toutes gentilz femmes et autres qui ont de quoy vivre honnestement ou du leur, ou par service ou autrement, il fault, se elles ayment telle manière de gens, que les

,

,

,

ce soit pour la grant ayse où elles sont par la lescherie do leur chair et qu'elles

mauvaistié

de leur cuer,

ne daingnent maistrier. Moult de gens

les

Le

2o6

IVRE

l.

trouvent plus putes, à tout regarder, que les

munes

riez n'est pas

gens d église n'est pas ville et

com-

car elles sçavent bien que l'amour des

;

ma-

pour les avoir à seigneur, ne aussi ,

et aussi les

les

gens de néant ; ceste amour

pour recouvrer honneur, mais pour toute

honte recevoir,

comme

si

il

me

semble. »

Le chevalier parle « Au moins dame puisque vous ne vous voulez accorder que voz filles ayment par amours tant comme elles seront à marier, plaise vous souffrir que, quant elles seront mariées, que, se elles prennent aucune plaisance d'amour pour elles tenir plus gay es et plus envoy siées, et pour mieulx sça,

:

,

voir leur manière et leur maintieng entre les gens

d'honneur, car, aussi

comme

autreffois

ce leur seroit grant bien de faire un

vous ay

homme

dit,

de néant

valoir et estre bon. »

La dame rcspond

« Sire, à ce je vous répons Je que elles facent bonnes chières et liées à toutes manières de gens d'onneur, et plus aux uns que aux autres, c'est assavoir comme ils seront plus

me

:

:

attens bien

grans et plus gentilz et meilleurs de leurs personnes, et

,

selon ce qu'ilz seront

neur

,

qu'elles leur portent

et courtoisie et chière liée

devant tous

,

hon-

et

que

honnoubon visaige.

elles chantent et danssent, et se esbattent

rablement, et leur faire bonne chière et

amer par amours, puisque elles sont commune, comme l'en à gens d'honneur, si comme les amer et

Mais, quant à

mariées

,

doit faire

se ce n'est d'amour

honnourer ceulx qui plus

le

valent, et qui ont plus

mis peine et travail à \enir à honneur par armes ou par bonté de corps ceulx doit-on plus amer, servir ,

et honnourer, sans y avoir plaisance, fors par la bonté

DU Chevalier de La Tour.

267

que une femme mariée doie amer par amour, d'amour qui la maistroie, ne prendre lafoy ne le serement denul que ils soient d'eulx. Mais soustenir

amant ne leur subgiet , ne aussi que elles bailne serement que elles les aymeront sur tous je pense que dame ne damoyselle mariée ne autre femme d estât ne mettra jà son honneur ne

leur

lent bien leur foy ,

son estât en

tel

party ne en telle balance, par plusieurs

me semble. ayjàdit, heures

Dont lune raison

c'est assavoir

sera jamais

si

si comme il comme dessus vous

vous declareray,

raisons, lesquelles je

devotte

est

que femme amoureuse ne à prier Dieu ne à dire ses

dévotement ne ouïr le saint service

si

,

comme

devant. Car en amours a trop de merencolies,

comme

si

en y a maintes amoureuses qui, se elles osassent et elles ouyssent sonner la messe ou à veoir Dieu et que leur amant leur dist : « Venez l'en dit, et

çà », ou qu elles peussent faire chose qui luipleust, elles laisseroyenl à veoir Dieu et à ouïr son service pour obéir à leur amant. Et si n'est-ce pas jeu-party mais ainsi est la tentacion à Venus la déesse de luxure. L'autre rayson est que lé mercier, qui poise ,

lasoye, puel bien mettre tant de

emporte

le poix

,

c'est

fillettes

à dire que la

que lasoye

femme

se puet

bien tant admourouser qu'elle en aimera moins son seigneur, et que l'amour et la chière qu'il devra a-

voirdesondroict, que autre certain,

amer de

la lui touldra. Car,

une femme ne puet

l'un et l'autre; car ce qui

l'autre

:

tout ainsi

comme un

courre à deux bestes ensemble elle

pour

avoir deux cuers à

,

va en

l'un décline

lévrier qui

ne puet

tout ainsi

ne puet-

amer fcablement son seigneur

et

son

amy

17

qu'il

Le Livre

258

n'y ait faulte et decevance. Mais Dieux et raison na-

de

turelle la contraint et deffenl

me disent les

l'autre

;

clers et les prescheurs

car, si

com-

Dieu dès

,

le

commencemant du monde assembla homme et femme par mariaige et dès lors commanda compaignie ,

de mariage, et, après ce, quant il fut venu ou monde, il en parla en plain sermon, devant tous, en disant que mariaige est une chose

que

une seule amour

chair et

doivent

mère

si

jointe de Dieu

ne sont mie deux chars, mais une seule

ilz

et fragilité

,

et quïlz

se

entr'amer qu'ilz en doivent laissier père et

si

et toute autre créature.

assemblez

,

homme

Et puisque Dieu les a

mortel ne les doit séparer,

c'est-

lun de lautre. Ainsi le dit Dieu de sa sainte bouche et pour ce à la porte de Teglise l'en les fait jurer d eulx amer et d'eulx à-dire ne oster point l'amour

,

entregarder, sains et malades, et ne guerpir pas l'un l'autre

pour pires ne pour meilleurs. Et dont je

,

dy, puis que le créateur le dist, que ce n'est que une

mesme pour

chose et que l'on doit toute amour guerpir

celle

;

et le

grant serement que l'en en a

fait

en sainte église, que l'amour ne le service de l'un et de l'autre ne se doit changier pour pire ne pour meilleur, c'est-à-dire ne changier ne mettre autre en son

lieu.

Et dont

donner s'amour ne

comment faire

gré de son seigneur le saint

faire té

ou

?

pourroit

femme mariée

serement à d'autre, sans

le

Je pense, selon Dieu et selon

sacrement de sainte église, que ce ne se puet

deuement que d'autre. Et

il

n'y aitfoy brisée

ou d'un cous-

maint autre orrible cas

et let

,

qui

tout vouldroit mesurer, a en celles qui baillent la

foy et le serement, c'est l'amour, qu'elles doivent

DU Chevalier de La Tour.

269

de leur propre droit à leur seigneur, la baillier à autruy. Car, en bonne foy, je double que celles qui sont amoureuses et baillent leurs foys en ayment

moins leurs seigneurs ; car pende de Tun costé ou de

comme

lamour

convient que

il

l'autre, selon raison, aussi

poix de la balance.

le

L'autre raison de la dame. Après y a autre raison. Qui bien vieult garder Famour de son seigneur net-

tement, sans dangieret sans péril, tre

con-

c'est assavoir

envieux et maies bouches qui font lez faulx rap-

aucun semblant soient de ses servans ou servantes ou autres de eulx quant ilz sont départis d'elle ilz en parleront aucuns mos , et ceulx à qui ilz en parleront en reparleront à d'autres et ainsi de parole en parole, avec ce que chacun ports, c'est-à-dire que, se elle

d'amours

et

aucun

fait

s'en apparçoive,

,

,

y mettra du sien

un pou davantaige

et acroistra

,

et

que ilz diront que le fait y sera, et ainsi sera une bonne dame ou damoiselle, ou autre femme, diffamée et deshonnourée. Et se il adtant yront les paroles

vient par aucune adventure que son

oye aucune parole

,

lors

il

la

seigneur en

prendra en hayne

,

ne

jamais de bon cuer ne l'aymera, et la rudayera et laidangera et lui sera plus

rude,

et elle lui.

ainsi

veez l'amour de leur mariage perdue

mais

parfaitte

,

Et

ne ja-

amour ne bien ne joye n'auront enfemme

semble. Et pour ce est grant péril à toute

mariée de mettre son honneur et le bien

de son mariaige en

advanture. Et pour ce

je

son estât et

et

telle

la

joye

balance et en

telle

ne loue point à nulle femme

mariée amer par amours ne estre amoureuse d'a-

mours qui

les

maistroye

,

dont elles soient subjettes

Le Livre

26o

à d'autres qu'à leurs seigneurs

;

bien qui en est venu

de bons

-car trop

mariaiges en ont esté deffais et péris

,

et contre

un

en est venus cent maulx.

il

Dont je vous en diray aucuns exemples de ceulx qui dame de Coucy et son amy en morurent et sy firent le chevallier el la chatellainne de Vergy, et puis la duchesse tous sont morz et peritz par amours. La ,

;

ceulx cy et plusieurs autres en morurent pour amours, le

plus sans confession. Si ne sçay

en va en lautre siècle joyes et les delis que

ilz

;

si

me

comment

il

leur

doubte bien que les

en curent en cest monde ne

leur soyent chières vendues en l'autre. Et pour ce les delis des ilz

amoureux, pour une joye

qu'ilz

en ont,

en reçoivent cent douleurs, et pour une honneur

cent hontes. Et ce advient souvent de par le monde,

ay tousjours ouy dire que femme amoureuse n'aymerajapuis son seigneur de bon cuer, ne, tant comet

me

elle le sera, n'aura parfaicte

c'est-à-dire

colie et

joye de mariaige,

avecques son seigneur, fors que meran-

menus

pensiers. »

Le chevalier parle : a Ha, dame, vous me faictes esmerveillier de ce que ainsi deslouez à amer par amours. Me cuidiez-vous faire acroire que vous soiez si crueuse que vous n'ayez aucunes foiz amé et oy la complainte d'aucun que vous ne me déistes mie ? » La dame respont : « Sire, en bonne foy je pense que vous ne m'en croiriez mie de en dire la vérité. Mais quant d'estre priée , se j'eusse voulu par maintes foys j'ay bien apperceu que aucuns m'en vouloient touchier. Mais je leurs rompoye leurs parolles, ou ,

appelloye aucun, par qui je despeçoye leur fait

de leur emprise. Dont

il

fait et le

advint une fois que tout

DU Chevalier de La Tour.

261

dames jouoient au Roy qui vérité du nom s amie si me dist

plain de chevaliers et de

ne ment pour dire un , et me jura trop fort que c'estoit moy et qu'il m amoit plus que dame du monde. Et je lui dem.an;

,

day

y avoit guères qu'il lui estoit pris , et il dist y avoit bien deux ans , et oncques mais ne me l'avoit osé dire. Et je lui respondy que ce n'estoit s'il

qu'il

riens de estre

si tost

pou de temptacion , de l'caue benoiste

espris, et

que ce

n'estoit

que un

et qu'il alast à l'église et preist

son /lue Maria

et deist

et sa

Pater

amours estoient trop nouvelles. Et il me demanda comment, et je lui deis que nul amoureux ne le doit dire à sa mie jusques à la fin de vij. ans et demy, et pour ce n'estoit que un pou de temptacion. Lors il me cuida nostre, et

il

luy seroit tantost passé

,

car ces

quant je lui dis bien Veez que dist cest chevallier 11 dit que il n'a que deux ans que il ayme une darne. Et lors il me pria que je m'en teusse, et en bonne foy onquespuis ne m'en parla. » arguer et trouver ses raysons hault

,

!

:

Le chevalier parle : Lors je lui dis «Madame de La Tour, vous estes moult maie et estrange etorguilleuse en amours selon voz paroles. Si fais double se vous avez toujours esté si sauvaige. Vous ressemblez madame de La Jaille qui m'a aussy dit qu'elle ne voult oncques riens ouir ne entendre la note de nul fors une fois que un chevallier le lui disoit et elle aguigna un sien oncle qui vint derrière escou:

,

,

,

,

,

ter le chevallier pitié

de

,

dont ce

fut

grant trayson et grant

faire espier le chevallier

,

qui moult estoit

bien advisié et cuidoit bien dire sa raison soit

mie que

l'en l'escoutast.

Vraiement

,

,

et

ne pen-

entre vous

,

Le Livre

2fi2 et elle

a poy que je ne die que vous estes grans

,

bourcleresses et peu piteuses de ceulx qui

mercy quiè-

rent. Et aussi je la tiens à aussy malle ou plus

vous

,

car elle soustient voz oppinions, que

comme

dame ne

damoiselle qui est mariée se puet bien déporter d a-

mer autre que son seigneur, par

m yconsentiray.

nejane

les raisons

my

avez dites dessus. Si je ne

que vous

pourroyc consentir,

Mais quant à voz

filles,

vous

leur povez dire et eschargier ce qu'il vous plaist, et

après du

fait

sera

fait droit.

La dame respond : et à

»

« Sire, je prie à

Dieu que à bien

honneur puissent leurs cuers tourner,

je le désire

;

car

mon

si

comme

enlencion n'est point de en or-

donner ne deviser sur nulle dame ne damoiselle

mes propres

fors sur et

mon

filles

,

sur qui j'ay

mon

parler

chastiement. Car toutes autres dames et da-

moiselles se sauront bien gouverner, se Dieu plaist,

à leur guise et à leur honneur

doye entremettre

d'elles

,

moy

,

sans ce que je

me

qui suis moult pou

savant. »

Le chevalier parle : « Au moins, madame, me vueilun pou débattre à vous que, scelles pevent faire valoir et venir à honneur aucun que jamais n'y tendroit ne n'auroit le hardement ne le cuer de l'entre -

je

prendre

,

se ne feust le plaisir qu'il pourroit prendre

bonne espérance de tendre à estre bon, entre les bons pour tirer à avoir honneur et pour mieulx cheoir en sa grâce et plaisance ; et ainsi pour un poy de bonne chière puel faire un homme de néant bon , dont de lui n'estoit

en sa mie

et d'estre

et la

nommé

,

compte ne parole , ne de sa renommée et à présent pour l'amour d'elle a tant fait qu'il sera nommé en,

DU Chevalier de La Tour. tre les

263

bons, et doncques regardez et amesurez se

ce n est mie convenable. »

La dame

respond

« Sire,

:

il

m'est advis qu'ilz sont

amours se comme Ten dit, et en y a des unes meilleures que les autres. Mais se un chevallier ou escuier ayme une dame ou damoyselle par honneur, tant seulement pour Tonneur d'elle garder, et pour le bien, la courtoisie et la bonne sans autre chièrc qu'elle fera à lui et aux autres chose lui requerre , ceste amour est bonne, qui €st plusieurs manières d

,

,

,

sans requeste. w

Le chevalier parle

«

:

Avoy, dame

et, se

,

il

la re-

quiert d'acoler et de baisier, ce n'est mie grant chose

;

car autant en porte le vent. »

La dame respond : « Sire, de ce je vous respons quant à mes filles de autre je ne parle point; il me semble bien et m'y consens qu'elles leurs pueent bien faire bonne chière et liée, et encore qu'elles les accolent devant tous et que par faulte de bonne chière devant tous plainement que ilz ne perdent pas ,

,

à valoir, se voulenté en ont. Mais quant à qui cy sont tels

,

manières d'esbatemens. Car

becca

,

mes

filles,

je leur deffens le baisier, le poetriner et la

sage

dame Re-

qui fut très gentille etpreude femme, dist que

germain du villain fait. Et la royne de que le signe d'amours est le regart et

le baisier est

Sabba

dist

,

après le regart amoureux on vient à l'accoler, et puis au baisier, et puis au

fait

neur

du monde

et l'amour

de Dieu

et

,

lequel ,

fait toult

lon-

et ainsi vien-

nent voulontiers de degré en degré. Et vucilliez sçavoir qu'il

me

semble que, dès ce qu'elles se laissent

baisier, elles se mettent

en

la subjection

de l'enne-

,,

Le Livre

264

my, qui est trop subtil. Car mencement tenir ferme qu'il sirs et

par

telle se

comme

telz baisiers. Car, ainsi

attrait l'autre, et

paille et puis se

comme

lit

et

du

lit

en

et puis elle art toute, tout ainsi est-il

amouretes; car premièrement

l'un boire

prent de paille en

le feu se

mest au

cuide au com-

desçoipt par telz plai-

ilz

la

maison

de maintes

demanderont

le

acoler et puis le baisier, et tout plain d'autres folz

de celle ardeur d'amour aucunes

delis, et

en plus

fol fait

foiz

chéeni

dont mains maulx en sont avenus et

,

maintes fois encoresadviennent, dont maintes en sont

deshonnourées

Et encores je dy que aucun les trouve seul à seul eulx entrebaisant en bonne foy si ne puet-elle faillir à estre diffamée ; car cellui ou celle qui l'aura veu le dira et adjoustera plus de mal que de bien , et par se le

fait

et diffamées.

n'y est et

,

ceste raison et plusieurs aultres

qui trop seroient

,

longues à toutes les dire , toutes femmes qui telz signes font et qui ainsi se laissent baisier à homme à qui elles ne le doivent faire , elles mettent leur honneur et leur estât en grant balance d'estre diffamées. Si vueil que mes filles se gardent que elles ne baisent nuUui

,

se

il

n'est

de leur linaige ou que leur le leur commancommandement n'a nul

seigneur ou leurs propres parens

dent

;

car en chose faicte par

mal. Et

si

vous dy

,

belles filles

,

que vous ne soyez

jà grans jouaresses de tables. Car c'est

un

fait

qui

en y a aucuns qui se laissent perdre, tout à leur escient et de leur gré, certaines fermailles et de petis joyaulx, comme annelès d'or et autres choses. Car c'est une chose qui donne trop attrait de folz altrais

voye

et attrait d'avoir

,

et

aucune

fois

blasme. J'ay ouy

DU Chevalier de La Tour. raconter d'une

dame de

265

Baniére, moult belle, et di-

len qu'elle avoitxx. subgiez qui tous Faymoient, de semblant d'amour, et si

soit

et à tous donnoit attrais

gaingnoit souvent à eulx à cellui jeu corssés , draps, pennes de ver, perles et grans joyaulx , et en avoit moult de grans prouffis ; mais pour certain elle ne les si bien garder que en la fin elle n'en feust moult blasmée et diffamée, et mieulx lui vaulsist pour son honneur avoir acheté ce qu'elle en avoit eu le denier xij. Si est moult grant péril à toute dame et damoiselle et à toute autre femme de user de celle

pot onques

vie

;

car les plus appertes et les plus saiges s'en tien-

le derrenier pour moquées et diffamées. Et pour ce , belles filles prenez y bon exemple, et ne jouez pas trop envieusement , et n'aiez mie le cuer

nent sur

,

trop ardant de gaingner petites fermailles, et

mie trop

le cuer.

prendre dons ne

Car qui a

telz fermailles

jeux , maintes en sont deceues es dons

mière

,

.et

car l'un vault l'autre

telles fermailles

maintes

Si est

aiez

,

gaingnez par et sont

,

tels

semblables

et qui est accoustu-

ardante de trop souvent prendre dons ne

celles qui trop et

n'i

cuer trop ardant de

le

fois

gaingnez par

tels

jeux

,

aucunes

fois

en prennent se mettent en subgicion, advient qu'elles s'en trouvent deceues.

bon de toutes

avisier avant le coup. »

Le Livre

166

De

dame qui esprouve

la

l'ermite.

Chappitre VlxxVe. elles filles

,

je

vous diray une des derrebonne dame qui

nières exemples d une

moult

fait

à louer;

il

est contenu

en

la vie

comment la femme au prevost esprouva un hermite par sa bonté. Il fut

des Pères d'Acquillée

un

saint hermite qui bien avoit esté xxv. ans

en hermengoit pain gros, herbes et racines, et buvoit eaue et jeunoit et estoit de moult sainte « Beau sire vie. Et une fois il commença à dire mitaige, où

il

:

Dieux

en cest siècle riens fait dont je doye » avoir nulle mérite, ne fait chose qui te plaise? » Sy i)

lui vint soit

:

«

une advision

Tu

lée et sa

sion,

il

ay-je

,

qu'il lui

sembloit que on

lui di-

es bien de la mérite au prevost d'Acquil-

femme. » Lors

se pensa que

il

,

quant

il

ot

ouy son advi-

yroit en Acquillée et verroit

meurs

et de leur vie , et de quelle pour sçavoir se ilz avoient nul bien deservy envers Dieu, si se mist à chemin et, comme Dieu le voult, par la grâce du saint Esperit,

et requerroit des

mérite

ilz

estoient. Et

,

femme

le prevost d'Acquillée et sa

venue de

me

l'ermite

pourquoy

il

sceurent bien la

venoit. Si advint,

com-

l'ermite arrivoit vers la ville d'Acquillée, le pre-

vost yssoit de la ville à moult grant foyson de gens,

un auun grant cours-

et aloit faire justice d'un escuier qui avoit occis tre escuier. Et estoit le prevost sur

,

DU Chevalier de La Tour. sier, vestu de draps de soye

rnines

moult noblement

,

comme

tantost

bien

le

richement aeesmé. Et

et

prevost vit Termite,

par la volonté de Dieu

,

267

fourré de vair et d'er-

,

;

si

congnut

le

il

l'appelle à costé et

Beau preudomme allez à mon hostel et femme, et lui dittes qu'elle » vous face comme à moy. » Si lui demanda Termite

lui dist

:

«

,

» bailliez cest annel à ma

qui

estoit

il

,

et

il

prevost d'A-

lui dit qu'il estoit le

noblement

quillée. Lors Termite, qui ainsi le vit

richement appareillié,

pource

lié

savoit

un homme

que penser

et

moult esbahi et esmerveil-

en

le vit

qu'il

faisoit deffaire

fut

si

grant cointise

et le faisoit

,

et qu'il

pendre. Si ne

et estoit tout troublé

sem-

et lui

,

bloit qu'il n'avoit riens desservy devers Dieu. Et toutes fois

à qui

il

il

alla à Tostel

mandoit qu'elle lui le receust à fist

du

prevost, et trouva la

grant joye

,

si fist

mettre les tables et le

bonnes viandes

seoir delès elle et servir de

chaudes

et

de bons vins

et Termite

,

pas apris ne acoustumé à avoir tesfois

mengea

derrenier les

et

dame

que son seigneur lui feist comme à lui. La bonne dame

bailla Tannel, et lui dist

il

lui

et bust et

en

sembla que

dame

elle et

et

de

qui ne avoit

viandes

fust bien aise.

la

mèz des viandes devant

mengoit pain gros

telles

,

faisoit

tou-

,

Et sur

le

despecier

mettre ou relief,

et boulie et buvoit

eaue

dame

,

et si

mena

faisoit ainsi. Et,

quant vint au

en sa chambre

qui fut bien parée de couvertures

,

soir, la

le

fourrées de vair et de gris et bien encourtiné

,

et lui

Beau preudomme, vous coucherez ou lict de mon seigneur et en sa chambre. » Si le cuida refuser, mais elle lui dist que si feroit et qu'elle feroit le commandement de son seigneur et qu'il y couche-

dist

:

«

Le Livre

i6S Lors

roit.

venir bons vins cl espices, et y trouva

fist

bonne saveur et

et

beust bien à tant qull fut bien yvrc

joyeulx et eniparlé

fiit

deccu. pouroe

Après ce

boire.

couchié

la

,

avecquos

il

car le vin leust lanlosl

;

navoit mie apris à point en

qu'il

s'en ala couchier, et

,

quant

il

lui, et le

commença à acoler et le taster, mengé de bonnes viandes

l'ermite, qui bien avoil

de chaudes ,

et n'avoit

se eslova et s'esmeut

,

la

,

dame

et et

mie oublié à boire sa chair et tant que il vouloil taire la ,

chose à la dame. El, quant loit faire

fut

danie se despouilla et se vint couchier

la

lui dist

:

dame

vit qu'il le

vou-

<x

Doulx amis

il

se va avant laver et

,

quant

»

mon

T)

baingnier en celle cuve d'exmeque vous veez, pour

seigneur

le

veull faire,

» estre plus net. » Lors l'ermite, qui n'entendoit fors

à sa foie voulenté,

gna

et

fust tanlost transi et

il

dedans

saillisl

de froid

,

glace, et

dame

l'appella

et lui estoil bien la

mauvaise voulenté. Et lors

Fabria et puis eschauffa lui esleva et

,

,

et tant

voult faire son

que

il

allast

tre fois

elle

la chair arrière

Et quant elle

fol délit.

^ist qu'il feust bien entalenté, elle le pria

res

et se bain-

comme

et lors la

vint tremblant et sublant

clialeur passée et la

cuve

la

lava en l'eaue, qui fut froide

qnc enco •

pour amour de elle soy baingnier une au-

pour estre plus net

,

et

cdlui

,

qui encores

dormy, ains estoit tout chaut du vin el avoit perdue sa mémoire, SiùUist du lit et alla arriére n'avoit point

soy baingnier. Et lors l'eaue froide

de

froii

,

et lors la

dame

l'apjxila

,

le

transist tout

et

il

vint ti^ani-

blant el daguetant les dents, et lui estoit bien la chaleur passée. Et lors la bonne

\T\ très bien

dame

el s'en parti et laissa

si l'idjria et

cou-

reposer très bien

DU Chevalier de La Tour. fut

un pou eschauffé

my moult pesanlement,

et ne se resveilla

l'ermite.

matin

Et quant

qu'il

il

2G9 endor-

jusques au

feusthaulte heure, et Tui douloitla teste du

vin qu'il avoit beu

,

boire. Lors

un

vint

il

car

n'en avoit point apris à

il

vielx chappellain à son lever,

demanda comment

qu'il lui

s

il

s'apperceut que lui estoit ainsi

advenu,

esmerveillié dont qu'ilz estoient

avoit

il

il

il

fut

quant

lui estoit. Et,

il

geu en

noble

si

lit

moult honteux

estoit ainsi

cheu

et

moult

et vist bien

,

de plus grant mérite que

demanda au chappellain de céans de

il

et qu'il

lui.

Lors

il

de la

l'estre et

du prevost et de la dame. Et le chappelain lui que ilz vestoient la haire le plus de jours et l'estamine, et, quant les bonnes viandes estoient devant eulx, ilz les mettoient en relief et en aumosnes el mengeoient le gros pain et les viandes de pou de

vie

dist

saveur, etbuvoient de leaue, et jeunoient le plus de jours. Lors

demanda pourquoy

il

cuve d eaue froide delez leur lit, estoit là

mise pour ce que

,

el

il

estoit illec celle

respondist qu elle

quant

la

char d'aucun

d'eulx s esmouvoit au délit de la chair, afin qu'ils ne

cheyssent en pechié de luxure, fors à un jour de la

sepmaine, cellui d eulx à qui

elle

esmouvoit se

aloit

mettre en celle cuve d'eaue froide pour reffraindre leur fol délit. Et, quant Termite eut ainsi enquis, se pensa que le prevost

,

richement arrayé dehors mine,

et

devant

en oultre

lui, et

combien ,

il

qu'il feust

moult

ou

l'esta-

vestoit la haire

qu'il tenoit justice et la faisoit faire

aussi

comment

lui et sa

femme veoient

à leur table les bons morceaux et les bonnes viandes délicieuses

,

et

ne

les vouloienl

mengier, ains les

donnoienl pour Dieu et mengoient pain gros

et

bu-

,

Le Livre

270

voient eaue , et considéra que vraiement

avoienl

ilz

plus de mérite que lui, qui ne veoit à son hermitaige nulle chose dont il lui prist envie, et que vij. fois

c'estoit plus

grant abstinence et en dévoient avoir

plus grant mérite que il

ne

tint

dame,

mie en

et

lui, et

ne

lui qu'il

comment

comment

puis se pensa feist la folie

elle Tessaia et

à la bonne

esprouva. Si ot

moult grant deul et grant vergoingne, et mauldisoit en son cuer Feure que oncques il estoit parti de son hermitaige, et que, en vérité,

de et -D

il n estoit pas digne mussant et pleurant « Beau à haultc voix

les descbausser, et s'en ala

moult honteux sire Dieulx,

il

et disoit

,

n'est plus

:

noble trésor ne plus pre-

» cicuse chose terrienne que la M essaya et a veu

ma

folie et

bonne dame qui

esprouvé

ma

me

faillance

;

» et vrayement, Sire, elle est bien digne d'estre nom»

mée

» vous »

et appellée la précieuse le déistes. Sire,

bonne femme devoit

marguerite

,

comme

en la sainte euvangille, que

la

comparée à la précieuse ceste bonne dame est une

estre

» marguerite. Mais, Sire,

» de celles pour qui vous le déistes de votre sainte

» bouche. » Ainsi parloit à soy-mesmes le saint her-

mite et se repcntoit moult humblement en cryant

mercy à Dieu et en louant la bonne dame qui de si bonne vie estoit. Et pour ce a cy bon exemple comment noble chose est de bonne dame qui bien s'espreuve

et qui se

de l'ennemy

qui tous jours fol délit, et fait, l'en

puet contenir contre les temptacions

et contre la foyblesse frit et

puis

,

quant

en ploure

de

la chetive chair

désire la folle voulenté en son le fol délit est

et s'en

car l'ennemy, qui cest

repcnt l'en

fait

;

eschappé et

mais

c'est tart,

a pourchassié, dès ce

DU Chevalier de La Tour. a peu faire acomplir la

qu'il il

les tient

pour ses

folie et le

271

mauvais

délit,

pour ses subgiez , et les que à pâinne ilz s'en pevent

serfs et

assemble et

les lie tant

deslier, tant

y met grant plaisance par son art, le pechié est plus grant , de tant

de tant

comme

la folle

lemptacion greigneur.

Cf parle d'une dame qui

et>

est

estait riche

et avaricieuse.

Chappitre

VIx>^VI<=.

n autre exemple vous diray d une grant dame qui fust femme à un grant baron ; celle fust

voit

moult long temps vefve,

que une

et n'a-

mariée à un grant sei-

fille,

gneur. Sy advint qu'elle fust malade au lit de la mort ; sy list faire son lit devant l'uis d'une tour où estoit sa chevance et son or, et

fist

mettre la clef de cette

un drapel soubz ses reins et, quant mort s'aprocha, elle avoit tousjours les

tour scellée en

que

vint

la

yeulx devers

,

la porte

y aprouchoient

,

de celle tour, et quant aucuns main et monstroit si-

elle levoit la

l'en n'y aproschat, et s'escrioit et tourmentoit toute que nul n'y habitast vers l'uis , et là avoit le plus de son entente , tant comme elle pcust

gne que

faire fille

,

se sa

nul signe

,

qui grant

mère

son arroy;

et

au

dame

fort elle trépassa. Si arriva la

estoit

,

et

demanda aux gens

avoit point de chevance pour lui faire ils

respondirent qu'ilz

ne savoient,

,

Le Livre

272

que

fors qu'ilz se pensoient bien qu'elle feust

se point en avoit,

,

en celle tour devant son

lit.

Et comptè-

rent comment elle ne vouloit souffrir que l'en n y atouchast, et lui distrent comment la clef en çstoit scellée

soubz ses rains. Lors XXX. à

xl.

vaisselle

;

mais lors

laine et en se,

la lille ouvrit la tour et

trouva de

mille, tant en or que en argent, que en

en linceulx de fil et de en merveilleuses cho-

fut trouvé

poupées de

et

lin

que tous en estoient esbahis d'en veoir

nière.

Adonc sa

fille

se seigna et dist

ma-

la

que en bonne

foy elle ne cuidoit mie qu'elle eust le xxx^ de ce qu'elle avoit trouvé, et

en

moult esbahie,

estoit

et

encores disoient qu elle et son seigneur l'estoient

venue

veoir, n'avoit gaires

et lui avoient requis

,

de

leurprester deux cens livres, jusques à certain temps, et qu'elle leuravoît juré fort sairement qu'elle n'avoit

point d'argent, fors sa vaisselle d'argent de chascun

jour, et pour ce estoit elle moult esmerveillée de trouver ce qu'elle trouvoit. Si

lui distrent ses

qui avoient esté avecqucs elle

«

i)

esmerveilliez mie

,

:

gens

Ma dame,

ne vous

sommes

plu? es-

car nous en

» merveillicz encore que vous; car, se elle voulsist » envoyer un messaige hors , ou aucune chose faire,

» elle empruntoit

iij.

solz

ou

iiij

» qu'elle n'avoit point d'argent

,

,

et deist

et

si

par sa foy

estoit

moult

ri-

» che et ne vouloit riens despendre. Et, quant ses x>

gensmangeoient,

elle leur reprouchoit

» serez-vous tout huy à table

?

:

vous ne

» gaster et despendre tout le nostre. » Et

Comment faictes si

bien que l'en la tenoit moult escharse et chiche toutes foiz elle laissa tout. Si n'a pas long temps je fus là



elle est enterrée

;

si

que

vous dy ;

et

que

demandoitaux frères

,,

DU Chevalier de La Tour, de labbaye où

elle gisoit et à

quoy

il

273

tenoit qu'elle

n avoit une tombe ou aucune congnoissance d'elle en leur église. Et ilz me respondirent que oncques fait amy qu elle eust n'en messe ne matines ne faire nul bien pour elle néant plus que pour une povre femme de villaige, forz que tant seulement à son enterraige où elle ot

puis que l'enterraige fut

fist

,

dire ne

,

,

beauservice

mais ce

fut tout, car je le

vy

et y fus. Si a cy bon exemple comment l'ennemi est subtil pour ;

comment en

décevoir, et telz

,



il

morfemme

l'un des vij . péchiez

puet mieulx tempter

homme

et

en cellui il met son entente et lie les pécheurs tellement que à painne s'en puevent-ils deslier, et se ce n'est par vraye confession

pechié

,

comme

il

fist

,

celle

et les fait estre serfz

grande dame

;

car

il

au fist

tant qu'elle fut serve et servante à son or et à son

argent, tellement qu'elle ne s'en osa bien faire ne au-

du monde ne pour l'onneur. , a cy bon exemple que , se il advenoit que Dieu vous donnast aucune chose et chevance terrienne départez lui en largement et en truy, ne pour l'amour

Et pour ce , belles

,

filles

,

faictes bien

,

pour honneur de vous

parens

et voisins.

comme

fist

celle

chanté ne balle

,

,

à vos povres

Et n'attendez pas à le départir

dame pour ,

ne

fait

qui oncques puis ne fut

nul bien pour elle

,

ouy avez dessus.

iS

comme

Le Livre

274

D'aune

dame

honnourable.

Chappitre VIxxVII*. n autre exemple vous vudl dire au conde cestui devant

qui fut longtemps veufve. Si fut

moult de sainte vie ble,

comme

fait

que

la

et

,

c'est

;

moult honnoura-

chascun an tenoit feste à Noël les envoioit querre près et loin ,

celle qui

Je ses voisins, et tant

d'une bonne

traire

dame

en

salle

bien plainne. Et ne

estoit

se elle les servoitethonnouroit

mie à demander

bien, chascun selon soy, et à merveilles portoit

grant honneur et priveté aux preudes femmes et aux

gens qui avoient deservi honneur,

et là estoient les

menestralx et plusieurs instrumens , à qui

moult grant chières

ment

,

elle faisoit

donnoit du sien large-

et leur

tant qu'ilz l'amoient à grant merveilles

lement que, quand

chanson de regret

elle fut

d'elle

,

morte,



il

y a au

,

tel-

en firent une

ilz

reffrain

:

Helas? k la Galonnière

N'avons nous plus bel aler,

Comme

endroit

ma dame

chière.

Qui tant nous souloit amer.

Et ainsi la regretoient. Et après ce elle avoit

coustume que, se

elle sceut

femme qui

feust

et arroiast

de joyaulx

mnrièe près et

telle

aucune povre gentil-

d'elle

,

elle l'ordonnast

de mantel et

lui faisoit tant

DU Chevalier DE La Tour. de biens

qu'elle povoit, et

276

se elle n'y allast, elle y

,

envoiast de ses damoyselles l'arroyer et lui faire hon-

neur

aux enterremens des povres gentilz femmes et leurdonnoitlacireou

et aloit

,

hommes

et gentilz

ce qui leur

faisoit mestier, et puis se

man-

revenoit

que gens qu'elle nul coust. Son ordonnance de chascun

gier en sonhostel, et ne souffrist pas

eust leur

fist

jour estoit qu elle se levoit assés matin et avoit tousjours deux frères et deux ou autres messes

,

et,

quant

iij

et là disoit ses

,

chappelains qui lui les

elle estoit levée, elle

ve-

noit tout droit à sa chappelle toire

.

messe à notle, sans

disoient matines à nolte et

heures

et entroit en son ora-

,

comme

tant

,

l'en disoit

matines et une messe. Et après elle se aloit arraier et attourner, et après cela elle s'aloit esbattre es ver-

giers ou à l'environ son hostel

,

en disant ses heures,

puis venoit faire aucunes petites messes dire et la

grant messe s'elle

,

et puis aloit disner, et, après disner,

sceut aucun malade ou

femme en

gésine

les aloit veoir et visiter et leur feist porter

meilleure viande et du vin aler, elle tramettoit tit

cheval

toient

,

un

et là

,



elle

ne povoit

varlct tout propre sur

qui aloit veoir les malades là où

un

pe-

ilz

es-

et leur portoit vin et viandes. Et après

,

elle

,

de sa

ves-

pres elle aloit soupper, se elle ne junast, selon le

temps d'ostel

main

,

et la saison, et faisoit

et vouloit savoir

,

et ordonnoit

vivoit par

au soir venir son maistre

que

l'en

mengeroit lende-

de ses choses qui

bonne ordenance

,

et

failloient, et

vouloit que l'en

se pourveist de loing des choses qui estoient nécessaires

pour son hostel.

Elle faisoit

moult de abstinen-

ces, et entre les autres choses elle vestoit la hairc le

Le Livre

276 mercredi

le

,

vendredi et

le

samedi.

Comment

je le

La bonne dame morut en un lieu qu'elle tenoit en douaire qui estoit de monseigneur mon père, et, quant elle fust morte, nous y venismes demeurer, mes suers et moi qui estions encore petis. Et fut depecié le lit où elle morut; si fut trouvée dedans une haire. Si avoit leans une damoiselle moult bonne femme , qui avoit demeuré sais

je

,

vous

le diray.

,

,

avecques et

nous

la

dame

dist

que

;

prist la haire et la mist

si

estoit la haire à sa feue

qu'elle la vestoit troix jours de la

compta

la

Dieu

,

sepmaine,

,

et

nous

et

bonne vie et les meurs d'elle , et comment chacune nuit iij fois du moins et s'age-

elle se levoit

en

nouilloit

en sauf,

dame

.

la venelle

et prioit

pour

de son

les

lit

mors et

et rendoit grâces à

faisoit

moult

d'absti-

nences, et estoit piteable es povres et moult charitable et de

bien

fait

Ville, xviij.

à

moult sainte

nommer,

eut

vie.

La bonne dame

nom madame

,

qui

Olive de Belle

oy dire que son frère tenoit bien mais pour ce elle estoit

et je lui

mil livres de rente

dame

;

humble que je vy moins se prisoit et moins estoit envieuse, ne jamais ne voulsist que l'en mesdeist de nulz ne ne voulsist oir parler maulx de la plus courtoise

oncques

,

selon

mon

et la plus

avis

,

et qui

nulz, et que l'enparlast devant elle, et quant aucuns

en parloient

,

elle les

desblasmoit et disoit que,

si

que nulz ne savoit qui lui estoit à venir, et que nulz ne devoit juger d'autruy, et que les vengences et les jugemens de Dieu estoient moult merveilleux , et ainsi reprenoit ceulx qui le mahain et les maux parloient d'autruy, et les faisoit taire, sans les esbaïr de ce que elle Dieuplaist,

ilz

se amenderont, et

,

DU Chevalier de La Tour. les reprenoit ainsi. Et ainsi doit faire tout

et toute

bonne femme à lexemple de

chiez que c'est une noble vertu que

bon

277

homme

ceste. Et sai-

non

estre en-

vieux ne joieux du mal d'autrui recorder, selon Dieu

honneur. Et, pour certain, la bonne dame que ceulx qui se ventoicnt et reprouchoient les maulx et les vices d autruy et qui voulenliers se bourdoient de leurs voisins et d'aulruy, que Dieux et selon son

disoit

de telz vices ou eulx ou les prouchains de ceulx, dont ilz avoient puis honte. Et ce ay-je sou-

les punissoit

vent veu avenir,

comme

disoit la

bonne dame

;

car

nul n'a que faire de jugier ni reprouchier ne enquerre le

mal de son

voisin ne d'autruy. Et toutcsfois

il

me

souvient bien de beaucoup de bons dis de la bonne

dame

que environ ix. ans quant elle que se elle eust bonne vie elle ot bonne fin , si belle que ce seroit belle chose à le raconter. Mais long seroit et dist len communément que de bonne vie bonne fin , et pour ce est bel exemple de faire comme elle fist. ;

morut.

si

n'avois-je

Si

vous

di bien

,

,

Cj" parle

des trois enseignemens que Cathon dist

d Cathonnet , son

filz.

Chappitrk VIxxVIII«. n autre exemple vous vueil dire comment

Cathon, qui

fut

toute la cité de d'auctoritcz

moires de

lui

,

cellui

,

si

saige qu'il gouverna

Romme,

et fist

moult

qui encore sont grans

Cathon ot un

filz

,

et

,

mé-

quant

il

Le Livre

278 fut

ou

nom

lit

de la mort

,

il

appella son

Cathonnet, et lui dit

» moult longuement, et

» monde, lequel est

fort

filz

,

qui avoit

Beau lilz j'ay vesqu est tamps que je laisse cest à congnoistre et moult mer«

:

,

» veilleux, et toujours empirera, » Mais toutesfois , beaux chier

filz

comme je

pense.

je aroye

moult

,

» chier que vostre gouvernement fusl bon, à l'amour » de Dieu et à Tonneur de vous et de tous vos voi-

» sins

et

vos amys. Si vous ay

» moult d'enseignemens qui » prouffiter,

par escript

vous voulez mettre cuer à

si

» tenir. Et toutesfois

» vous en dire

baillié

moult vous pourront

me

re-

les

de

suis-je pensé encore

trois autres

avant

ma

mort. Si vous

» prie de les bien retenir et les garder. »

Du premier

enseignement. Le premier des trois

» enseignemens est que vous ne prengniez office de » vostre seigneur souverain

,

en cas que vous aurez

» assez chevance et bonne souffisance. Car qui a son » estât

bon

» tant selon

et souffisant

comme

,

il

a toute souffisance

,

roy et empereur peut avoir

au,

et

» ne doit plus demander à Dieu. Et pour ce ne vous

» devez pas mettre à subjection de perdre par une » mauvaise parole ou par un mal raport tout ce que » vous avez »

le

;

car,

monde de

beaux

fils, il

des seigneurs par

est

plusieurs manières

,

comme

de hastis

» et qui croient de Icgier. Et, pour ce, qui a souffi» sance doit bien doubler de soy mettre en nul péril »

de avanturer son estât et honneur pour servir gens

» de Icgière voulenlé.

»

» Le second enseignement. Le second enseignement est que vous ne respitez homme qui a mort

» desservie, et par espacial qui est couslumicr

de

,

DU Chevalikr de La Tour. 5)

mal

faire

mal

car ou

;

maulx

» riez participant et en tous les

279

après vous se-

qu'il feroit

qu'il feroit, et

» à bon droit.

i)

» Encore de Cathonnet. Le tiers enseignement est que vous essaiez vostre femme, pour savoir se elle

î>

saura bien celler et garder vostre secret qui tou-

» chera Tonneur de vostre personne

;

car

il

en

est

de

» moult saiges et de bonnes qui scevcnt bien celer » et qui donnent de bons advisemens » telles qui ne se i)

et si

,

pou rroient tenir de dire

l'en leur dit, aussi bien contre elles

en est de

tout ce

que

comme pour

» elles. » Et ainsi le saige Chaton bailla ces trois en-

seignemens à son filz au le

preudomme morut

pour saige,

tenu

toit

Romme

lit

et

,

lui bailla

son

de

son

la

et tant

filz

à

le

mort. Si advint que

filz

demeura qui ,

garder et à l'appren-

dre et endoctriner. Et après cela,

il

lui fist parler d'es-

avec lui et de gouverner les grans faizde

tre

et lui fist

,

il

se conscntist

lui fist

convoic-

oublier l'enseignement de son père. Et quant

tise

en

cellui office et

Rome

rue de voient

,

si

il

à grant compaignie de gens qui le sui-

dre, qui estoit moult bel juenne lui

» piler cest

homme que

qu'il disoit voir; et, il

homme.

va dire

» nouvelleté de vostre office

,

il

chevauchoit par la maistre

encontra un larron que l'on menoit pen-

de sa compaignie qui

fait

Romme

promettre de grans prouffis , et tant que

pour la convoitise des grans prouffiz à prendre l'office et s'en charga , et fut

es-

que Tempereur de

l'on

,

:

Si

« Sire

,

avoitun

pour

la

vous povez bien res-

va

deffaire.

» Si dist

sans demander ne enqucrre du

le respita et le fist délier et l'en

envoier, pour

essaucier la nouveaulté de son office. Si fut bien hastiz

,.

Le Livre

28o

ne lui souvint pas à l'eure du commandement que son père luy avoit fait. et

De

my

mesmes. Et quant vint

ce

le

premier

somme

sur cette matière avoit enfraint

ne

et qu'il

,

la nuit, qu'il eut dor-

avoit

si

veu moult d'avisions va souvenir qu'il

et tant qu'il lui

,

deux des commandemens de son père, plus que le tiers. Si fut moult pen-

failloit

sis, et toutesfois

il

dit à

tiers, c'est-à-dire que il

soy mesmes

qu'il essaieroit

essayeroil de sa

ce

femme si elle le

sauroit bien celler d'un grant conseil si il le disoi t à elle

que sa femme s'esveilla, et lors il lui dist : je vous deisse un très grant conseil qu'il » touche ma personne , si je cuidasse que vous le te-

Si attendi

« M'amie

,

B nissiez secret

que vous ne le deissioz à riens Ha, mon seigneur » , dist- elle » par ma bonne foy, jeameroye mieulxà estre morte » que vous descouvrir de conseil que vous me deis» siez. » «Ha, m'amie », dist-il, dont le vousdi» qu'il

soit.

»

et

,

—«



» ray-je

;

car je ne vous sauroie riens celler.

» ainsi que devant hier, » hostel » garde

»

,

,

j'aloie

Il

est

en nostre

fist

courroucié et

me

dist

mon

desplai-

avoie bien beu et estoie courroucié d'autre

sir. Si

» chose

comme

de l'empereur, que nous avions en

le filz

me

si

;

si

me

marry

Et encore

tant avecques lui

»

cis.

•»

cuer de son ventre, et le

fis-je

que je

l'oc-

plus fort, car je arrachay le fis

confire

en bonne

» dragée et l'envoyay à l'empereur son père et à sa » mère, lequel

ilz

ontmengié,

et ainsi

me

suis je

» vengié de lui. Mais je sçay bien » faict et

que c'est moult mal m'en repens; mais c'estàlart. Je vous prie

» de bien celler ce conseil, car je ne le diroie à nul »

du monde que à vous.

» Et celle

commença à

— DU Chevalier de La Tour. souspirer et à jurer que

,

advenue , que jamais ne le quant vint quil

ainsi

281

puis que radvanture estoit

passa

diroit. Si se

envoya querre une damoiselle qui demouroit en la ainsi la nuit, et,

ville

,

fut jour, celle

qui à merveilles estoit s'amie et sa privée

,

et

à qui elle disoittous ses grans conseilz. Etquant elle fut

venue, elle commença à souspirer et à gémir, et

demanda « Ma dame, que avez-vous? Vous avez aucune grant tristesse en vostre cuer. » « Vrayement, m'amie je Tay moult grant mais

l'autre lui

w

:



,

» je ne l'ose dire à nul

,

» estre dit-elle

;

car je vouldroie mieulx

morte que il feust sceu. » ,



ma dame »,

a Ha,

« par sa foy, celle seroit bien hors

du sens

un tel conseil se vous le disiez. » Et, quant est de moy, se vous le m'aviez dist, je » me laisseroie avant les dens traire que le dire.» » qui descouvreroit

a Voire », dist la » roie-je dire et »

ma bonne

,

femme Cathonnet

moy

foy », dist-elle

foy et le serement

et

,

comment son seigneur

,

en vous? »

fier

au

;

« le vous pour-



fort elle

« Ouil

descouvry

avoit occis le

,

par

en prist

et l'autre

filz

la

tout,

de l'empe-

reur, et envoyé le cuer en espices au père et à la

mère, qui fist

bien. Mais

que

l'avoient

la merveilleuse

,

il

quant

,

mcngié. Et

l'autre se soigna et

et dist qu'elle le celeroit

luy fut moult tard de le dire elle fut départie

de liens

,

,

moult et tant

elle ala tout

droit à la court de l'empereur, et vint à l'emperière, et s'agenouilla

«

Ma dame,

pour

» grant conseil. »

bienvenant

— Et

lors

,

et lui dist

:

vous secrètement d'un Temperiôre fist ruser

femmes de sa chambre. Lors celle lui va dire Ma dame, le grant amour que j'ay à vous et le

ses a

faire le

je vueil parler à

:

Le Livre

282

» grant bien que vous m'avez » que vous

me

encore

faciez

» dire un grant conseil

lequel

,

» fors à vostre personne »

frir

»

fait à

ne diroie à nuUuy

si

car je ne pourroye souf-

,

vostre deshonneur pour riens.

De

ce

mesmes. Madame,

» monseigneur l'empereur » nul

que j espère vous venir

fait et

me

,

y appert

et bien

» verneur de la cité de

,

que vous

est ainsi

il

et

amez plus Calhonnet que

car vous l'avez

Romme

fait

et encores,

,

tout gou-

pour

lui

» monstrer plus grant amour, vous lui aviez baillié à » gouverner vostre

» paignie qu'il

l'a

filz.

» son ventre et le vous a



Si

vous en a

fait telle

comde

occis et en a arrachié le cuer fait

mengier en espices. »

« Qu'est-ce que vous dictes? »

Ma dame,

ma

dist

l'cmpe-

vous dy voir » pour certain ; car je le sçay si bien comme de la qui le m'a dit en » bouche de sa femme propre

rière. «

par

foy, je

,

bonne dame moult à » malaise de cuer, comme celle que j'en ay oy plou» grant conseil

,

en est

et

la

» rer. » Et, quant l'emperièrel'entendy ainsi, à certes

sy s'escria à haulte voix

mença à

faire si

:

« Las

!

lasse

!

» et

com-

grant dueil que c'estoit merveilles à

veoir , et tant que les nouvelles en vindrent à l'em-

pereur comment l'emperièrefaisoit si grant dueil. Lors il

fut moult esbahis et vint là, et lui

elle faisoit tel dueil

pondre

,

et

au

;

demanda pourquoy

et celle à paine lui povoit rcs-

fort elle lui

compta tout ce que

la

da-

moiselle lui avoit dit de leur enffant. Et quant l'em-

pereur

oit les

nouvelles

qu'ilz

avoient mengié le

moult doulantet courroucié, ne fait mie demander comment, et erraument commanda que Cathonnet fut pendu haultement decuer de leur enffant,

si

fut

DU Chevalier de La Tour. vant tous et

qu'il n'y eust point

de

faulte.

283

Lors ses

gens le alèrent quérir et lui distrent le commandement de leur seigneur et que c'estoit pour son filz qu'il ,

avoit occis. Si va dire Cathonnet

« Seigneurs

:

,

il

» n'est pas mestier que tout ce que l'en dit soit vray.

me

» Vous

mcllrez en prison et direz qu'il est trop

» tart et que demain, quant le ban sera

» pueple, sera mieulx

moult toutes manières de gens ,

comme

il

fait

faite la justice. » Si

devant

le

l'amoyeni

et le firent ainsi

à l'empereur que ce

le requist, et fut dist

seroit plus grant solempnité et le

mieulx d'en

faire

justice landemain, et qu'il estoit trop tart, et l'empe-

reur

l'ottroia,

Et toutesfois chartre,

il

,

qui grant dueil demenoit de son

comme

l'en

appela un de ses escuiers et

» t'en à tel baron », et lui

filz.

menoit Cathonnet en

nomma,

lui dist

la

Vacom-

«

:

« et lui dis

ment l'empereur cuide que j'aye occis son filz, et » que je lui mande que demain dedans heure de »

,

» prime,

il

amaine cy

l'enffant,

ou autrement

je sc-

» rois en grant péril de mort villaine. » Cellui es-

cuier s'en parti et chevaucha à nuitée, et, entour mienuit

,

il

arriva en l'ostel

du baron à qui Cathonnet

avoit baillé l'enffant en garde

amy

et voisin

,

,

comme

lequel baron estoit

à son grant

preud'omme

saige, et à merveilles s'entr'amoient. Et,

quant

et

l'es-

il hucha à haulte voix, et tant fist qu'il du baron à qui Cathonnet avoit baillé le filz de l'empereur, et lui compta le fait, comment l'en avoit donné à entendre à l'empereur que Ca-

cuier arriva vint au

,

lit

thonnet avoit occis son toit

mis en prison, el

Quant

cellui

baron

le

fils,

et tellement qu'il

en es-

dcvoit-on landemain pandre.

l'entendit, si fut

moult esmerveil-

,

Le Livre

284

de ceste adventure

liez

,

et lors

se leva courant

il

au

et list arroier ses gens, et vint

lit

du

de lem-

filz

pereur, et lui compta celle merveille. Et, quant Tenffant Tentendit,

grant dueil,

il

ne

fait

pas à demander se

comme cellui

esveiller tous

en ot

il

qui se hasta de lever etfist

les autres, car à merveilles

amoit

son bon maistre Cathonnet. Si vous laisse à parler

de renffant de Tempère ur

et

du baron

,

et reviens

à

Cathonnet, qui estoit prisonnier.

Comment Cathonnet fu prisonnier. Cathonnet esà merveilles amé à Romme de toutes manières

toit

de gens,

comme

humamy

cellui qui estoit saige, doulx,

ble et courtoys. Si dist au matin à

un

sien grant

que à l'avanture il feist secrètement cachier les pcndars de la ville jusques à heure de tierce, et l'autre le fist ainsi et

eut son gré jusque à ceste heure. Si fut

environ prime amené au gibet Cathonnet avec toute la

commune

gent de

Romme.

de toutes gens qui là estoient, esté;

mais

ils

cuidcrent qu'il cust

estoit accusé.

Mais de cela

merveilles et disoient »

homme

Et là ot moult plouré et

:

«

encores Icust-il plus

commis le fait dont

il

se donnoient grans

ilz

Comment a esté si comme d'avoir

saige

tempté de l'ennemy

fait si

» grant cruaulté d'avoir occis le fdz de l'empereur » et leur en avoir

fait

mangier

le

cucr?

Comment

» puet-ce estre? » Si y en avoit grans paroles entr'eulx,

dont les uns

le creoient et les autres

povoient croire. Et toutesfois et

demandoit



l'en

il

fust

mené au

respité

de mort

;

le

estoit le pendart, et le fist l'en

huchier partout et nul ne respondoit, dont grant merveille

ne

gibet,

il

advint

car cellui lequel Cathonnet avoit

et

sauvé

la vie

quant

l'en le

menoit

,

DU Chevalier de La Tour. pendre » a

avant et dist

saillist

fait est villain

m offre

» je

à

,

et,

285

« Seigneur, le fait qu'il

:

pour honneur de Tempereur,

faire Toftice,

s'il

n'y a autre qui le fa-

» ce. » Et chascunsile regarda, et distrent

:

a N'est-

» ce pas cellui que Cathonnet respita de mort? »

« Par

se commencièrent tous à seigner et distrent

»

ment

:

» bien appert

mais

tant

ils

« Vraie-

cellui est bien fol à droit qui respite larron

,

» de mort. » Et Cathonnet le regarde et lui dist

i)



foy », dirent-ils, « c'est cellui sans autre. » Si

ainsi est

:

«

Tu es

souvient pou du temps passé

te

il

;

des merveilles du monde. »

En

;

entre-

regardèrent une grant pouldre de chevaulx et

ouirent grans cris qui crioient à haulte voix

» occiez pas le

preudhomme.

» Et

chevaulx venir courans, et virent reur qui venoit sur un coursier

pouvoit

en disant

,

«

:

Ne

» Cathonnet, car je suis tout

vif. ,

«

Ne

regardèrent

le filz

de l'empe-

,

comme il mon maistre

tost

si

louchiez à

esmervcilliez de ceste chose

:

ils

» Lors furent tous

et l'enffant

descendy

va deslier son maistre et le baisier en plourant moult doulcement et en disant a Ha, mon

du cheval

et

,

:

amy

» doulx

» ne

si

et maistre

,

qui vous a ce pourchacié

grant mençonge trouvée, et

» seigneur disant cela,

mon il

père

si

comment

le rebaisa et

de

l'enffant plourant pitié

ment de

mon-

acola, et le peuple, qui

bonne nature

estoit esmerveillé, voiant la pitié et la

de

a

legiôrement creu? » Et en

tendrement, de

qu'ils avoient ilz

la

grant joye et

mercioient Dieu grande-

celle délivrance, et estoient tous esbahis

celle merveille. Et toutesfois l'enffant

fit

de

monter Ca-

thonnet sur un cheval et l'emmena au long des rues de Romme par les resnes du cheval jusques au pa-

,

Le Livre

286

de l'empereur. Et quant l'empereur et sa femme oyrent la nouvelle de leur enfant ilz saillirent enlais

,

contre

lui faisant

grant joye.

Et quant

ilz virent leur enffant qui amenoit Cathonnet par la resne du ,

cheval et tout

le pueple, si furent moult esmerveilliez de cette adventure, et si se tenoient moult honteux devers Cathonnet, et vindrent à lui et le accolèrent

et baisèrent, et lui tirent la plus grant feste

, la plus grant joye et le plus grant honneur qu'ilz peurent,

et se excusèrent devers lui

leur dit

:

« Ha,

mon

de

seigneur,

cellui fait, et leur fils

comment vouliez-vous

» faire sihastive justice sans avoir avant bien enquis »

du donneur à entendre?Car hauls homs comme vous

» en seroit plus tost blasmé que un autre ; car, se vous » l'eussiez

fait

destruire sans cause, regardez quel do-

» maige et quelle pitié, et certes je n'eusse jamais eu

» joye au cuer ; car, se je sçay nul bien, c'est par

Et l'empereur lui respondist »

fait

:

«

Beaux fils,

» rance que tu vailles et que tu » bien

,

nous

» sens. »

sant ainsi

tolist

faces

,

en espe-

aucun grant

toute rayson et nous troubla le

Adonc Cathonnet parla devant tous en :

di-

« Sire, ne vous esmerveilliez pas de ceste

» chose, car je vous diray

» est vray que j'ay eu »

»

mal

à nous, et y avons eu grant honte et grant vi-

» ce. Mais l'amour que nous avions à toy

•»

lui.

c'estoit

comme

l'en disoit,

pais. Si

me

le

comment plus saige

il

est avenu.

homme

Il

à père

qui feust en son temps en cest

monslra moult de bons enseignemens,

» sej'eussc esté saige à les retenir. Ettoutesfois, quant

»

il

fut

au

lit

de

la

mort

,

il

me

hucha,

comme

cellui

» qui grant désir avoit que je eusse aucun bien. »

me

pria de retenir

iij.

enseignemens entre

les

Sy au-

,

DU Chevalier de La Tour. » très. Et pour ce 3»

,

comme

exemplaire ou temps à venir,

» sont avenus et qui a »

287

pour estre

je les vueil recorder

cellui à qui ilz

contraire.

fait le

Le premier enseignement que il me dist fut me donnoit bonne chevance, que j'en ,

» que, se Dieux

» dévoie Dieu mercier et avoir en

moy

souffisance

» et que je ne devoye convoittier ne demander plus à » Dieu et au

monde

» fisance, que je ne

,

et,

me

pour ce que j'avoie souf-

misse en nulle manière en

» subjection d'avoir office de

mon souverain seigneur,

» par espoir de convoitise de m'y mettre pour avoir » des biens plus, car aucun envieulx ou aucun faulx » rappors me feroient perdre

moy elle mien. Car grant

» chose est de grant seigneur qui est de legière et » hastive voulenté ; car aucunes fois aucuns ne en» quièrent pas les veritez des choses données à en» tendre, et pour ce font moult d'estrange et de has» tifz commandement et pour ce en avez tous veu » cest exemple qui m'a deu estre si grief et si vil,

» lain. Car

si

j'eusse creule conseil de

mon

père, je

j'ai esté.

Car, Dieux

avoye des biens terriens assez

et trop plus

» n'eusse

mie

» mercis,

j

esté

ou party où

» que je n'avoye deservy envers Dieu , et me povoie bien

» déporter de prendre

office.

Le secont enseignement homme qui eust mort

» fut que je ne rachetasse point » desservie

» autre

fois

,

et par especial larron

en a ouvré, et que,

si

maulx que

» roye participant en tous les

» là en avant, et que jamais ne » lui

commandement

» lui qui aujourd'huy

ne homicide qui

je le faisoie, je se-

me

il

feroit

dès

aimeroit. Et cel-

comme de celmoy pendre, le-

je l'ay enfraint s'est offert

» quel j'avoie respité de mort

;

si

de

m'a offert

petit

guer-

Le Livre

288

» don, et toutefois vous en avez veu Texemple. Le

ma femne descouvrir nul grant con» seil car il y avoit trop de péril. Car il en est assez » qui scevent trop bien celler et en qui Ten trouve de » tiers enseignement estoit que je essaiasse »

me

avant que

lui dire

,

» bons conseils et de bons confors, et en est d autres » qui ne sauroient riens celler. Je pensay l'autre nuit » en

»

mon

lit

que

mens de mon

» esveillay

ma femme

» j'avoie occis le

» pices

le

j'avoie enfraint

que donné en es-

la essayer

et

cuer à l'empereur et à l'emperière, et que,

» elle povoit envers si

pour

et lui dis

de l'empereur

fils

» sur l'amour qu'elle avoit à

»

deux des enseigne-

père, et que je essayeroye le tiers. Si

moy

moy

meffaire

et sur

quanques

qu'elle le celast

,

bien que jamais n'en feust riens sceu. Si ay bien

» esprouvé

comment

elle

m'a bien celé

,

comment

» chascun puet bien veoir. Mais je ne m'en donne pas » trop grant merveille, car ce n'est pas nouvelle chose » que

femme

saiche bien tousjours celler les choses

» que l'en lui dit. Car

» res,

comme

il

en est de plusieurs maniè-

nature leur apporte

,

et

en est d'unes,

» et d'autres de bien saiges et de soubtil engin

,

et

» que jamais ne descouvreroient le conseil de leurs T)

seigneurs et des autres aussy.

Encore parle Cathojinet. « Si avez ouy comest prins, et que je n'ay autrement il m'en » creu le conseil de mon père qui tant fust saige » homme, si ce m'en est deu moult mal prendre. » »

ment

,

Et toutes foys

il

dist à

l'empereur

descharge de vostre

office. » Si

grant peine, et toutes

fois fust-il

Ire

du conseil de Romme,

et

en

:

« Sire

,

je

me

fut deschargié à

retenu à estre mais-

especialement des grans

DU Chevalier de La Tour. fais.

de et

Et

l'empereur grans prouffis et

lui fist

289

lui

donna

graris dons et l'ayma moult instans et régna bien moult saintement en l'amour de Dieu et du pue,

pie.

Et pour ce mes belles filles a cy bon exemple comment vous devez celler les conseils de voz seigneurs et ne les dire à nully de monde car par ,

,

,

maintes

fois

il

en advient moult de mal

,

telles fois

donne garde Car à bien celler, et par especial ce que Ten deffault ne puet venir se bien non. Et aussy comme la sayette part de l'arc

que Ten ne

s'en

.

,

cordé ,

et,

quand

elle est partie

,

il

convient qu'elle

preingne son bruit, ne jamais ne reviendra à

la cor-

de jusques à tant qu'elle

que ce

soit,

ait

féru quelle chose

tout aussi est-il de la parole qui

ist

de

la

bou-

che, car puis qu'elle en est yssue elle n'y puet rentrer qu'elle

ne soyt ouye

et

entendue

mal. Et pour ce est-ce belle chose,

ge Salemon trois la

dit,

que

l'on

comme

doit penser

chose avant que la dire,

et

elle pourroit tourner, et ainsi le

saiges femmes. Car trop de

soit bien, soit

,

si

deux

le sa-

fois

ou

penser à quelle fin

doivent faire toutes

maulx en ont

engendrez, de descouvrir conseil

et

esté fais et

choses qui ont

esté dictes en conseil. Sy vous pry, belles filles, qu'il vous vueille souvenir decest exemple car tout bien et tout honneur vous en puet venir, et si est une ver,

tu qui cschiève

moult de haynes

et

de maulx. Car moult perdu

je sçais et cognois plusieurs qui ont

cl ont souffert moult de mal et de très grans haynes pour trop Icgierement parler d'autruy et pour recor-

der les maulx qu'ils oyent dire d'autruy, dont n'ont

que

faire.

Car nul ne scet que luy

ilz

est à venir,

Le Livre du Chev. de la Tour.

290

Et cellui et celles sont saiges de sens naturel qui ne sont mie nouveliers

,

c'est à dire

qui se gardent de

recorder la faulte ne le mespris dautrui. Car Dieux

aime

celui qui

à tort

desblasme ceux que Ton blasme ,

soit à droit

,

soit

car à taire le mal d'autrui ne puet

,

venir que tout bien ,

si

comme il

est

contenu ou livre

des saiges, et aussi en une evangille.

€/

fine le Livre

du Chevalier de La Tour.

Deo gratias.

NOTES ET VARIANTES ag. 2, lig. ao. Ce qu'il faut entendre par cette reine Prines ou Prives de Hongrie et par son livre me paroît fort douteux. Legrand d'Aussy I

propose d'y voir

Elisabeth de Bosnie,

«

surnommé

femme

Grand, et mère de trois filles, dont Catherine , l'aînée, fut accordée en 1374 à Louis de France, comte de Valois » mais il n'a pas vu que son explication étoit inadmissible dès le point de départ , puisqu'il est certain que le livre de notre auteur n'est pas postérieur a 1372, date antérieure à cet accord. A prendre une reine contemporaine, il vaudroit mieux y voir Jeanne de Bohême, première femme du roi de France Jean II , dont il est question dans le commencement de Saintré, et qui mourut en 1349, avant l'avènement de son mari a la couronne. Mais il est plus juste de croire que , jusqu'à nouvel ordre , l'allusion de ce passage reste inexpliquée. Pag. i3, lig. 5, dcmenoicnt L., espinoicnt ; P. 2, espi'de Louis

I^'",

le

;

:

goient.

Pag. 22, vier sauvaige



lig. 9, félons :

L.,

:

L., foulons.

ramage; P.

Lig. 25, Messire Pierre

1,

— Lig.

ramaige; P.

de Cruon

:

P.

1

16

,

espre-

2, privage.

,

messire de

Craon; P. 2, monseigneur de Craon. Le prénom de Pierre, qui se trouve dans le seul ms. de L. , montre qu'il s'agit de Pierre de (^raon , seigneur de la Susc, de Chantoce,de Briolé et d'Ingrande, 5«^tils d'Amaury 3* du nom, mort le i3 septembre 1576. Cf. P. Anselme, VIII, 673,

c.

1. L. signifie le manuscrit de Londres; Paris, 74o3 et 7078.

Pi,

Pi,

les inss.

du

Notes

292 Pag. 24,

de

lig- 8, verliller, et

plus loin radjcctif, viennent

vertere, tourner.

Pag. 29,

lig.

20

:

P.

1

est le seul ins. qui ait le

mot de

pucelles.

Pag. 35, lig. 8, faisoil garder une anguille en un vaissel : P. 2 a le terme technique en un bouteron. Pag. 37, lig. 1/4, Dame de Languillier : P. 2, Langallier. Voyez sur ce nom l'introduction, p.xi-xij. Il est remarquable que, dans la 07^ nouvelle de sou Heptaméron , Marguerite de Navarre raconte précisément le même fait, sans nom et comme une chose contemporaine, et en mettant aussi la scène dans l'Anjou. Pag. 4o, lig. 16, arivieusement P. i, ataineuscment. Pag, 4i, lig. 8, homme de Dieu : P. a, homme de bien. Pag. 42, lig. 29, saul sur table P. 1, sal sur table. Pag. 44) Jig» 17-19 Celle phrase manque à L. et a P. i. Pag. 46, lig. i5 Ce Beaumanoir, « le père de cestuicy qui de présent est », a été bien désigné par M. Paris (V, 3o) comme étant Jean III chevafier, maréchal de Bretagne , celui qui combattit avec les trente Bretons. Il eut deux femmes Tiphainc de Chemillé en Anjou, celle sans doute dont il s'agit ici, et 3Iarguerite de Rohan. Celui « qui est de présent » est Jean Iv, mort en i385 , et mari delà fille de Duguesclin. Cf. P. Anselme, VII, 38o-i. Pag. 4?! 'ig' i4' ^^^ 9^ns des compaignesii faut peutêtre entendre les grandes compagnies. Lig. 20, la princesse et antres dames d'' Angleterre: « sans doute la princesse de Galles, Jeanne de Kent , femme du Prince Noir. » P. Paris, V, 81. Pag. 5o, lig. 3. Jean de Clermont, seigneur de Chantilly, maréchal de France, et tué à la bataille de Poitiers. (Anselme, VI, 750-1. j Lig. i4 , beau maintieng : P. 1 et P. 2, bien mentir. Pag. 5i, lig. 19. Il ne s'agit pas ici du fameux Jean le Maingrede Boucicaut, maréchal de France et gouverneur de Gennes, qui naquit à Tours en i568, mais de son père, qui mourut le i5 mars 1367 à Dijon , où il avoit été envoyé vers le duc de Bourgogne par Charles V. Cf. Anselme, VI, 753-4. Pag. 54, chap. 24. L'aventure et la réponse du chevalier sont les mêmes que celle qu'on prête au poète Jeau de Meung. Pag. 55, lig. 17, son seigneur lui donnait grans eslargissemens : h , grans belles (P. i et 2, elles, et eslargissement. '

:

:

:

:

,

:





ET Variantes.

298

Malgré la bizarrerie du fait , couchast est bien la leçon des deux bons ms., et il ne me paroît pas aussi impossible de l'expliquer que Tonl trouvé quelques personnes. 11 est possible de penser que, dans une circonstance ou de fête ou de guerre, la dame, pour donner à coucher au sire de Craon, ait eu à lui donner un asile dans son lit, ce qui se seroit d'autant mieux su qu'elle ne s'en seroit pas cachée. Je ne vois pas l'avantage qu'il y auroit à lire je ne dis pas qu'Une me touchât en mon lit ; car là il y auroit déjà complaisance et bonne volonté. Pag 58, lig i4, sa damoyselle : L et P. 2, chamberière. Pag. 59, lig. i5, gens d'eslat: L. et P. 1 , gens dehors Pag. 57,

lig. 2.

:

d'estat.



Lig. i6, regars : P. 1, rcgrez. lig. 19, espinguer : P. 1, pignier

Pag. 64, gnier.

;

P. 2, ein-



Lig. Pag. 65 , lig. 18, esloingner : P. 2 , alanguir 20, la masière : P. 2, le mur. Pag. 66, lig. 2, ne le per omnia P. 2, ne la préfasse. Lig. 17, perLig. 16, paroissiens : P. 2, prouchains. sonne : L., le curé. Lig 25 , au ckapelain : P. i et 2 , à la personne. Lig 29, sur son Pag. 68, lig. 20, 7nalz, : P. 2, morts. :









péril

:

P. 2, sans pais.

Pag. 69, lig. 19, 'jostre personne P. 2,prestre.*Quoiquc dans tout ce chapitre personne soit toujours le prêtre , je ne crois pas qu'il faille y voir uu sens analogue à celui de l'anglais parson; cela veut dire l'homme qui est au Seigneur, et par suite seulement le prêtre qui est au Sei:

gneur. Pag. 70, lig. i8, à rebours P. 2, au bort. Pag. 71, lig. 8, de corps L. et P. 1, de cuer. Pag. 73, lig. 26, au bon de la messe P 2, au bout. Pag. 75, lig. 5, souspir P. 1, effroy. Pag. 78, lig. 4, haschie L., douleur. Pag. 79, lig. 22, l'église de Sosire-Dame de Beanlieu peut être à Beaulieu près Loches, ou plutôt à Beaulieu près du Mans. (Cf. Sainte-Marthe, Gallia chrisliana, IV, 149 et i54.) Pag. 80, lig. 3. Les mots " ii une vigilles » manquent L., au ms. de L. Lig. 4, sergent de Cande en la mer sergent de Cande; P. 1, sergent de garde en l'année. Pag. 81, lig. 3. Chievreiaye, abbaye de Poitou. Lig. L., Pigerée Lig. 22. Pour P. 2 , Pigère. 6, Pigière comprendre la réflexion du chevaiier, que dans l'église il lie faut pas « s'cntreregarc'cr par amour, fors par amour :

:

:

:

:



:

:

;





Notes

294 de mariage

faut se rappeler que', depuis les temps barbares, l'église servoit de refuge dans les guerres; et, comme ou y vivoil comme dans une maison, fégliseavoit »,

il

accordé aux gens mariés une permission qui auroit été trop enfreinte si elle eût été refusée. Pag. ga, lig. i3, comme les poisons et le venin L., poissons; P. 1, prisons. Pag. 93, lig. ai. Après les mauvais laissa, P. 2 ajoute : :

« et encore y sont. » Pag. 94, lig. i4, angels

:

L.et P.

«2,

angles.

Pag. 96, lig. 23, pollicenl L. et P. 2, polissent. Pag. 97, lig. 6, où l'en muce L., où l'en le cuite. Lig. L., se cuite et repout. 9, se muce et reboute Pag. 98, lig. n, au temps de A'oë L. et P. 2, Noël. Noê et Noël se sont prononcés de la même façon; qu'on se :



:

:

:

rappelle le refrain des Noëls

:

I

Chantons tous Noë, N06.



Lig. 19, coudées : P. 1, coûtes; P. a, cordes. Lig. 20, P. 2, par Helye. Nous pourrions citer souvent du ms. P. 2 des fautes aussi grossières, mais il suffit d'en

perillié

:

indiquer la nature par quelques exemples. Pag. 99 , lig. 2. La phrase feroit penser qu'il s'agit de la braguette mais elle n'étoil pas encore en usage. Lig. P. 2, amoureuscr. 23, énamourer Pag. 101, lig. 8, ratissèrent a cousteaulx L., esrachirent de cousteaulx. Cette histoire est la 16^ de la Disciplina clericalis et du Castoiement en vers fraiiçois. Lig. 32 , lisez mais nulle ne voit en sa folie sens. L. unit à tort la première phrase du chapitre suivant en disant nulle ne voit en sa folie fors celle, etc. Ces non-sens ne se rencontrent pour ainsi dire jamais dans ce ms. Pag. 102, lig. 24, jolie P. 1, jolive. Pag. io3, lig. 23, en cest an qui est l'an mil trois cens Ixxij L. , en cest an de l'an mil, etc. ; P. 2, l'an mil iijc iiijxx et xij. Ce qui, de la grâce du copiste , feroit croire que le chevalier de la Tour-Landry auroit été vingt ans à travaillera son livre! Lig 26. La fête de SainteMarguerite est le 20 juillet. Pag. 104, lig 4> "^ l'atour plaisant L. , mais l'atour



;

:

:



:

:

:

:



:

lui plaisoit; P. 2, et l'estonr lui plaisoit bien. la venaient veoir

comme

pctis enfans

:

P.

1

et 2,



Lig. 7

comme

,

les

petis oyseaulx.

Pag. io5.

Cette scène du pèsenicnt de l'âme et de ses

,,,

ET Variantes.

295

bonnes actions dans un plateau de la balance pendant que l'autre plateau est chargé du diable , des méchantes actions , et surtout des belles robes , auroit été bonne à citer dans le très excellent et très complet travail sur la Psychostasie publié par M. Maury dans la Revue archéolo,

gique.

Pag. 106, lig. 2, fourrées de voir et de gris et lelticées de hermines L., et de letisses et de hermines. Lig. 3 que longues^ que courtes., que cotes hardies : L., que longues, que corses, etc. Lig. la, cottes : P. 2, robes. Lig. i4, du forfait de ses robes : Lisez « du surfait », donné ])ar L. Lig. 19, de nuies et de muulvaises parolles : P. 2,



:







de menues

,

etc.

Pag. 107,

lig.

21

commis ce

,

délit

:

L. et P. 2

,

fait le

fait.

Pag. 109, lig. i4 » mffes : L., graffes ; P. 2, gaffes ; ce seroii alors une perche garnie d'un croc. Lig. 23, arrachié son peil : L., muchié sespertuis; P. 1, arrachiez ses



p( ulz.

Pag.



no,

Pag. 111,

lig. 5,

maschier

Lig, i5, meccredy

:

:

P. 2, deffouler.

P. 2, flebe, plaintive, deflebilis, L., mardi; P. 2, samedy.

lig. 3, foible

:

Pag. 112, lig. 22, Nostre-Dame-de-Rochemadour ^ dans le Qucrcy, près de Cahors. Sur ce pèlerinage fameux voyez le livre du père Odo de Gissey, imprimé pour la première fois en i63i , et celui tout récent de Tabbé Caillau, chanoine du Mans, intitulé Histoire critique et reli(jieuse de Noire-Dame de /
J

:

,

Notes

296 p. ii3,

lig.

20, Sainct Martin de Yerto

P. a, Verto. Voir, sur Martin de Verto

,

:

P.

1,

Vertus;

sa vie dans Annales sanclo-

rum ordinis sancti Benedicti ^ soecul. I, une première vie, 375-8, et une seconde plus complète, p. 681-92. Dans celle-ci , ce qui se rapporte à la ville d'Herbanges (dans Tanonyme latin Herbadilla) occupe les paragraphes 5 à 11. Dans la prose pour la fête de ce saint, qui se célébroii le 24 octobre, on n'a pas manqué de rappeler

la vie de

ce fait

:

Dura non crédit, casum

detlit

Herbadilla fundilus.

Le

récit vient d'autant mieux dans Tliistoire de la femme de Loth, que, dans la légende, la femme de l'hôte de Saint-Martin fut de même changée en pierre. Ligne 21, Herbanges...: L. Arbanges;P. a.Berbanges. Pag. 116 , lig. 11 , en espie ; P. a esgart. Lig. 26





,

avez esté cause de

maquerelle. Pag. 118,

Amon

:

ma

tristesse

:

P.

16 j pervers: P. P. i, Zazam.

Pag. 119,

lig.



lig. 3, successeurs

:

1

,

1

,

ma

traîtresse

punais.

;

P. a

— Lig.

,

26,

L., successions, qui est

excellent. Lig. 25, Hoir : L., air; c'est une façon d'écrire différente , mais arrivant au même son.

Pag. 121, chap 58^. Une main un peu postérieure a, dans le ms. P. 1 , rétabli, par quelques petits changements, la vérité de l'histoire. Toutes les fois qu'il y a. le roy Pharaon , elle a corrigé en le prince du roy Pharaon , changé reine en princesse^ et remplacé tous les biens de son royaume par tous ses biens. Quelque juste que fût la correction , nous avons laissé leur erreur aux chapelains d» chevalier.

Pag. 121,

25, l'Envengile: P. 2, saint Jehan l'Evanpoesté; de potestas. lig. 22, Finées : L., Furies. Pag. 124, lig. 3, Zambry : L., Janbry; P. 2, Jambri. Pag. 126, lig. 6, qui faisait cables et cordes à gros vaisseaulxdemer P. 1, cables et fuseaulx etgrans vaisseaux geliste.

lig.

— Lig. 29

:

Pag. 123,

:

sur

mer P.

— Lig. 24,

agucs et agus vaisseaulx. P. 1, luton; P. 2, luisoon.

2, cables et fuisiaux

;

le luitin

:

Pag. 129 lig. 26, couste : P. 2 , coesle. On dit encore dans certaines^provinces coitte ou couette pour dire un /// de plumes. ,

ET Variantes.

297



Pag. i3o, ligne 22, cruche P. x, buire ; P. 2, bue. Lig. 26, houlière P. 2, maqucrelle. Pag. i3i, lig. 21, sainte Justine P. 2, sainte Cristinc. Pag. i32, lig. i5, Béjart L., Bérut; P. 2, Baries. Pag. i33, lig. 3, l'endictement L., l'ennoiiement ; P. 2 , rulissement. Lig, 8, buchetes Lig. L., branchettes. :

:

:

:

:



i8, pierre vire



:

P.

pierre vierre. Pag. i36, lig i3, il eust tant de bien L., il eust la court empoigné; P. 2, il eust beaucoup empoigné. Lig. 16, Mardocius : L., Emardachin : P. 2 , Mardochin. Pag. 139, lig. 6, faulx temoings P. 1, faulx tesmoiu:

i,

:



:

guages. Pag. i4o, Pag. i4i,

lig. 8.

P. 2 ajoute de Dieu

Si]irès

des serviteurs.

Nous n'avons trouvé ces vers delà sibylle ni dans l'ancienne édition d'Opsopœus , ni dans la nouvelle de M. Alexandre, ni dans la publication du carlig. 7.

dinal Mai. I! est certain que notre chevalier n'a pas eu affaire à d'anciens textes , mais à des remanîments laou françois qu'il seroit difficile de retrouver. Pag. 143, lig. 6, Phenomia P. 2, Pheronna. Pag. 147, lig. 29, adoulcir P. 1, advenir. Pag. i48, lig. 7, depitcuse L. 1, engoffée; P. 2, agoffée. Pag. 149, lig. 3, de grerie L., de flateurs; P. 2 , de grieux. Lig. 20. Le nom de Jouel manque dans P. 1. Pag. i5o, lig. 20. Sur l'époque du siège d'Aiguillon, voyez la préface, pagexiij. Lig. 32, grée aux seigneurs : L. et P. 2, graye les seigneurs. Pag. i52. Dans l'histoire du mari qui a pondu des œufs, que, depuis La Fontaine, il faut appeler les Femmes et le Secret, et qui se retrouve dans le Ménagier de Paris et ail-, leurs (Cf. La Fontaine, éd. de Robert, II, 127', le ms. de L. met h tort cinq au lieu de cent. Pag. i53, lig. 12, en la compaignie L., à rencontre. Pag. i55. Cf. le livre des Juges ^ L., cap. II, pour comprendre le commencement du chapitre. Pag. 157, lig. 16. L. ms. P. 2 a ici une lacune d'un feuillet qui commence au mot empetrast , et ne reprend que page 162, lig. 6, au moibon exemple. Pag. i58, lig. i3, Sennacherip L , Seiinachcrim. Pag. 162, lig. 20, convint P. 1 et 2, esconvint. Pag. 164, lig. 1, puisné L , mainsné ; P. 2, pesné. Pag. i65, lig. 17. La correction d'Alia en Lia est si évidente que j'ai préféré respecter le texte du chevatins

:

:

:

:





:

:

:

:

lier.

Notes

298 Pag. 167, fiulel

,

lisez

:

pery : L., pire. au roy de Hongrie

lig. 5,

qui fut

fille

femme

à lendegrave.

Son mari

landgrave de Thuringe.

effet,

— Lig et ,

21, sainte Eli-

femme à Londegume^

— Lig.

Louis IV, étoit, en 38, l'effroi ^ lisez :

l'offt'oit,

Pag. 168 , chap. 168. Ce chapitre a été extrait du ms. 74o3, par M. de Mas Latrie, pour son Histoire de, l'île de Chypre sous le régne des princes de la maison de Lusignan^ t. II, documents, partie I, Paris, i85a, in-S», p. i3a. Il met le fait vers Tannée 1324, et ajoute cette note « Constance H d'Aragon, femme de Henri II de Lusignan , morte sans enfants , est la seule reine de Chypre à qui je puisse » rapporter cette anecdote , qui n'a laissé aucune trace » dans les chroniques cypriotes. » Pag. 169, lig. 5, renvoysée L,, ordonnée. Lig. 8, :

))



:

uhrié

P. 1, plain. Pag. 171 , lig. 4 , mvire P. 2 , meurge. Lig. 24, la ville de Jerico L , la ville de la Charité ; P. 2, la ville de Charité. Pag. 172, lig. 3o, d'en faire : L., et n'en feront mie. Lig. 32 sainte Arragonde est sainte Radegonde, sur laquelle on peut voir le recueil desBollandistes, au i3 août (Augusti, t. III, p. 46-96), et, pour les renvois bibliographiques, la Bibliothèque de la France, du père Lelong , :



:

:



:

25,008-19. Pag. 173, lig. 4, double : P. 1 , paour. Pag. 175, lig. Il, les autres vij vices morlclz L. et P. 2, les autres vij vices de vij pochez mortelz. Lig 18, l'in P. 1, un. Lig. 20, narilles P. i, narines. Pag. 176, lig. 10, en avisa P. 1 et 2, en encointa. Pag. 177, lig. 15, paijens P. 2, péans. Pag. 181, lig. 5. P. 1 et 2 ne donnent pas des Romains après des croniques. C'est à peu près la traduction du titre des Gesta Romanornm. Pag. i85, lig. 25, se met L., souri. Pag. 189, lig. 4, félon L., fer P. 2, fel. Pag. 190, lig. 7, cremeteux L , cremilleux; P. 2, creII

,

:

:





:

:

:

:

:

;

:

meilieur.

Pag. 191, lig. 8, Chetivoison ^onv Chevetoison ^ capigouvernement. Lig i^^saloy P. 1, lafoy. Pag. 192, lig. 2, soubs quel arbre L., ombre. Pag. 195, lig. 23, des peulx les essuya. Le copiste du ms. de L., ne comprenant peut-être pas bien a écrit et depuis les essuya. P. 2, et depuis juua. tainerie,



:

:



,

:

ET Variantes. Pag. 196, lig. i5, soubzporle L., supporte. Pag. 196, lig. 24, sent P. 2, soit pour sait Pag. 197, lig. 1, bciUleroH L., exilleroit.

299

:

:

:

tribnlacion

:

Pag. 199, P.

ajoute SCS fils. » 1,

P.

1

lig.

ici

— L.

i5,

et 2, Iribouil.

i6, en livre, lisez: on livre, et Le Ms. en marge « No. qu'il fisl ung livre pour :



Pag. 200, lig. 6, hommeaux : P. 1, hommasses. Lig. i3 La comtesse d'Anjou qui fonda Tabbaye de Bourgueil est Emma, femme de Guillaume duc d'Aquitaine et comte de Poitiers; elle fonda ce monastère en 990. (Cf. le Gallia Christiana de Sainte-Marthe, in-fol , ÎV, 201-7.) Pag. 201, lig. 91, preigne : L. surprengne ; P. 2, subzprengne. Pag. 2o3, lig. 17, crapoul : L., crepoust. Pag. 207, lig. 7, salaire : P. 1, loier; P. 2, louer. Pag. 210, lig. 10, processions: L. et P. 2, professions. Pag. 216, lig. 25, adira : L., esdira. Pag. 217, lig. ii, adiré: L., ésgarc. Il est inutile de remarquer que le bon chevalier se trompe en mettant les noces de Cana avant la scène de Jésus-Christ parmi les docteurs. Pag. 218, lig. 7, Cerille: P. 2, Sezille. Pag. 219, lig. 3, s'appareille: L., s'acomparaige. Pag. 220. La reine Jeanne de France n'est pas la femme de Charles V, mariée en 1349 et morte en 1377, cinq ans après la (omposition du livre des Enseignements; ni

Jeanne , fille du comte de Boulogne seconde femme de Jean II, mariée en 1349 et morte en i36i, dix ans avant que le chevalier écrivît; mais Jeanne, fille de Louis, comte d'Evreux, troisième femme du roi de France Charles IV dit le Bel, mariée en i325 veuve en 1328, et morte en 1370, après avoir passé la fin de sa vie dans la plus fervente pratique des bonnes œuvres; le mot du chevalier de La Tour morle n'a gaires prouve qu'il n'a pu ,

,

,

ponscr qu'à celle-là. Si la phrase relative à la duchesse d'Orléans, « qui moult a eu à souffrir et s'est toujours tenue sainctement devant et après », étoit une interpolation, on la rapporteroit naturellement à la belle et touchante Valentme de Milan. Si elle est bien du chevalier de La Tour Landry, cela est impossible, car Valentinc n'épousa le duc Louis d'Orléans qu'en 1389. Avant elle il y a eu une autre duchesse d'Orléans, Blanche, fille de Charles IV le Bel et de

Notes

3oo

la reine Jeanne dont nous venons de parler, née en 1027 et morte le 7 février 1392, après avoir épousé, le 18 janvier 1344 Philippe duc d'Orléans, dernier fils de Phi.

lippe VI de Valois, et mort le i^"" septembre 1375 sans enfants légitimes. Ce qui me paroît supporter cette interprétation, c'est que le ms. de L. est le seul qui dise la duchesse d'Orléans , et les autres la duchesse derrenière de ceste royne, ce qui ne peut se comprendre que dernière fille de la reine Jeanne, et cette première duchesse d'Orléans est en réalité sa dernière fille. Sur ce Philippe d'Orléans, on peut voir un article de Polluche dans le Mereure de France, numéro de juillet 1749, P' 3-9. Pag, 221, lig 5, il y a xxvj ans: L., et n'a environ. Lig. ao, bachelier: L. et P. 2, chevalier. Mais bachelier ne s'appliquoit pas seulement aux degrés littéraires, et est le vrai terme. Voyez la Préface, xvj. Lig. 24, maladie







P. 1, encheoite; P. 2, enchoate. Pag. 222, lig. n, à malaise : P. i, mésaisié. Pag. 224, lig. 10, Messire de Dorval lisez Derval. Dans l'armoriai de Gillt-s le Bouvier, dit Berry, premier hérault d'armes de Charles VII (fonds Colbert, n" 9,653.5. 5 , je vois dans le Poitou, au nom de sire de Derval, qu'il portoit d'argent à deux fasces de gueules. Dans L. et P. 2, Lig. i5, de la toute cette phrase du texte est au présent. bourde: P. 1, d'estre ainsi bourde; P. 2, la bourdais. Pag. 226, lig. 5, perle : L., pelle. Lig. 3o. Le Charny dont il est question ici doit être Geoffroy de Charny, seigneur de Lirey, qu'on voit dans les guerres depuis 133;, et qui mourut à la bataille de Poitiers. Son fils, qui fut porte-oriflamme de France, mourut le 22 mai 1398. (Cf. Anselme, VIII, 200-2. 1 C'est de l'un des deux que doivent être les manuscrits indiqués dans le catalogue de la bibliothèque de Bourgogne. Inventaire de Viglius, n054î, ung petit traité de Charny, en rime, dont le numéro actuel est 10,549. Les autres sont en prose et avec le nom de Godefroi n» 11,124, le Livre de chevalerie; n» 11,125, les Demandes pour jousles et tournois; n° 11,126, l'Etat des gens d'armes. Lig. 3o, Saintré : P. 1, Caintré ; L., Sainl-Tref. Pag. 227, lig. 10, Sy arriva : P. a ajoute stupidement: un écuyer. Lig. 24, w/i ménestrel : L., un menastercl. Lig. 27, forvoye P. 2, forsvaye. Pag. 200, lig. 3i, Giefl'roy de Lugre : L. a seulement Gieffroy ; P. 1 écrit Lugne, et P. a, Luge.

bien laide

:

:



:







:

ET Variantes.

3oi



Lig. Pag. 23i, lig. 6, escrisist : L., P. 2, escripsit. 32, Rcnimenie P. 2, Piomanie. Pag. 235, lig. 19, comme j'ai dit en l'autre livre Il veut dire dans le commencement de son ouvrage, qu'il vouloit diviser en livres, division qui n'a pas subsisté ou qui n'a pas été faite. Pag 238 lig. 11, pars : L., fois. Pag. 239, chap. 12 1. Messirc Foulques de Laval étoit le fils de Guy IX de Montmorency Laval, l'époux de Jeanne Chabot, dame de Rais, et le chef delà branche de Laval-Rais; il mourut on i36o. (Cf. Paris, V. 85.) Pag. 242, lig. 3, chappeau : P. 1, chappel P. 2, taLig 22, plus quoer. Lig. 8, fraillon P. 2, frallon. Lig. 3o, lostoier : (le povoir P. 1, plus point de povoir. :

:



:



:

P. 2, toustaier. Pag. 243, lig. 7, soufferte soustient : L., en subtillant. Pag. 244, lig- 9, court : P.

P.

:

1,

;



i, trait.



Lig. 18, et

cueurt.

Pag, 246, lig. 19, le chevalier qui fist ce livre : P. 1, le chevalier de La Tour. La femme qu'il fait ainsi parler avec tant de sens et de finesse est sa première femme, Jeanne de Rougé, puisqu'on a vu (préface, p.xiv) qu'elle vivoit encore en i383. Lig. 28, Comme en espérance de mariage ne se trouve que dans le manuscrit P. 1, qui l'a-



joute en marge.

Pag. 249, xl roys

:

Pag. 25o, Pag. 252, 23,

il

lig. 1, agaitier

:

L., caquetier.

— Lig.

3o

,

L., Ix roys. lig.

21, desvoyées

:

L., desvées.

lig. 9, de grans goguès : P. 1, gogais. eshat sa jeunesse P. i, il s'esbat.

— Lig.

:

Pag. 255,

lig.

dame respond.

Le ms. de L. repète

17.

— Lig. 26, houlières

:

ici

à tort

L., bouliers.

La

:

'

Pag. 259, lig. 22, oye ; P. 1, aye Pag. 260 , lig. 5. On connoît les histoires de la dame de Coucy et de la châtelaine de Vergy; il n'est pas aussi simple de savoir ce qu'est l'histoire de la duchesse. J'avois pensé au roman de Parise la Duchesse ; mais il ne convient nullement Pag. 261, lig. i^jouoienl au Roy qui ne ment : P. 2, qui ne peut. Lig. 28. Seroit ce Marguerite , dame de la Jaillc, femme de Ilardouin de la Porte , seigneur de Vezins en Anjou, des enfants de qui le père Anselme indique deux mariages dont l'un est du 9 juillet i388. (Cf. II, 448, D;et VI, 766, A.)



,

— Notes

3o2 Pag. 261, Pag. 262, vous

la

:

lig

28, aguigna

:

L., fist signe a.

lig. 3, je la tiens à

L., à aussy malle et plus

Pag. 263, lig. 23, le poetriner : P. 1, patiner. royne de Sabba : P. a, la royne Sebille.

Pag. 264,

comme

aussy malle ou plus que vous.

lig. 4, de paille en paille

;

— Lig. 26,

P. 2, de paillaz en

paillaz.

Pag 265. On pourroit

aussi bien lire Bavière; mais ce un nom françois, et Banière paroît meilleur que Bavière. Le nis. de Gaignières a Bevière et P. 2 , Bessière; L. dit simplement une dame baronnesse. doit être

,

:

Pag. 265, lig 5, gratis joyaulx : L., Ions joyaulx. Lig. 12, le denier xij : P. 2, à double. Lig. i5, envicitsement ; P. 1, envoiseement.



Pag. 266, chap. 125^, Cf. la même histoire en vers et plus ancienne, publiée par Méon, supplément à ses fabliaux, II.

Pag 2G8,

lig.

Pag. 269.

lig. 6

19, svhlant ,

— Lig i3, — Lig. 3o. Le ms. P.

le faisoit.

:

comment

P. 2, friblant. il

lui estait

:

L,,

comment

il

Vestamine : L., de la sepmaine. 2 a ici une nouvelle lacune d"un

et

commence au mot bonnes, et reprend dans seconde histoire. Pag. 271, lig. Il, P. 1, à un baron double ; P. 2, à un grant baron. Pag. 272, lig. 32, si demandoit aux gens. Lisez si de-

feuillet qui

:

la

:

manday aux

gens.

Pag. 273, dans P. 1.

lig. 8, car je le

Pag 276, damoiselle.

lig. 8,

vy

et y fus,

ne se trouve que

moult bonne femme : P. 2, moult belle Lig. 18, 14, venelle : P. 1, ruelle. Madame Olive de Belle Ville : P. 2 , l'appelle Aline; dans la traduction angloise du temps de Henry VI ( Cf. Retrosp. Review, p. 193), elle est appelée «Cecyle of Ballevylle. » Dans ce passage il y a une faute de lecture ou d'impression ; il ne falloit pas she held in Dowaye], mais she held in dowage. Dans rarmorial déjà cité de Gilles le Bouvier, on trouve, dans la partie consacrée au Poitou, Técu du seigneur de Belleville, quatre de gueules et quatre vairés d'azur et d'argent. Elle étoit peut-être de la famille de Jean de Harpedenne, 3^ du nom, seigneur de Belleville, en Poitou, que Charles VU maria à Margue-

— Lig.







I

ET Variais' TES. rite, sa

sœur

naturelle,

fille

3o3

de Charles VI et d'Odette de

Champdivers, la petite reine. Pag. 277, chap. 1-28^. L'histoire de Calhonnet. L. le

nom

Pag. 281, Pag. 284, Pag. 286, P.

— Dans

est toujours écrit Chatonnet. lig.

lig.

27, l'emperiére 29, le pendart

lig. i3,

:

P. 1,

l'empereis.

L. , le pendant. du donneur à CK/CKt/re, seulement dans :

1.

Pag. 287, lig 11, par espoir qui ne donne aucun sens. Pag. 289, lig. ijprouffis : ce que l'en deffauU

:

:

L., P. 1, P. 2, car espoir,

L..

promesses.

L. ce que l'on deffent.

— Lig.

10,

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La Tour-Landry, Geoffroy Le livre du chevalier La Tour Landry

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