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LE LIVRE DU CHEVALIER
DE LA TOUR LANDRY
Paris.
— Impr. Guiraudet
et
Jouaust, 358, rue Saint-Honoré.
n LE LIVRE DU
)E
C
n
E VA L
1
KR
LA TOUR LANDRY Pour renseignement de ses
filles
Publié d'après les manuscrits de Paris et de Londres
M.
ANATOLE DE MONTAIGLON Ancien élève de l'Ecole des Chartes
Membre
Société des Antiquaires
résidant de la
de Franco
K^ A Chez P.
\f
PARIS
Jannet, SIDCCCLIV
Libraire
//Q '0
/r.'
/
J
IfSf
,
PRÉFACE.
e livre [
du chevalier de La Tour a joui d
ne grande vogue au
moyen
u-
âge. Souvent
obtint de il par les copistes bonne heure les honneurs de l'impression. Publié d'abord par le père de la typographie angloitranscrit
3e il
,
le
,
célèbre Caxton
,
qui l'avoit traduit lui-même
fut, neuf ans après, traduit et
gne
,
où
il
est resté
imprimé en Allema-
au nombre des livres populaires.
le livre du chevalier de La Tour n'y eut que deux éditions, de la première moitié du seizième siècle, connues seulement des
Moins heureux en France,
rares amateurs assez
un exemplaire
,
heureux pour en rencontrer pour le payer un prix
assez riches
exorbitant.
En
publiant une nouvelle édition de ce livre, nous
n'avons pas en vue son
utilité
seulement mettre dans
les
des choses du passé un
pratique. Nous voulons
mains des hommes curieux
monument
littéraire
quable, un document précieux pour
remar-
l'histoire
des
,
Préface.
vj
mœurs.
comme
contraste les lettres de Fénelon sur ce sujet
de voir ce qu'étoit au xiv^ cation des
La
en se rappelant
est piquant et instructif,
II
famille
Mais
siècle
un
du chevalier de La Tour Landry.
avant de parler de l'œuvre
,
Tédu-
livre sur
filles.
,
il
convient de
parler de Tauteur, et de rassembler les dates et les faits, si petits et
siépars qu'ils soient, qui se rappor-
tent à sa biographie, à celle de ses ancêtres et de ses fils
car,
:
si
son
nom
existe
encore
,
Ton verra que
sa descendance directe s'est bientôt éteinte
stance qui
,
nous obligeoit par
lui,
,
circon-
en nous fixant une limite rapprochée de
pour ne rien
là
même
d'aller jusqu'à elle
dehors de notre
laisser en
,
sujet. Cette
partie généalogique sera la première de cette préface
;
même
nous aurons à parler ensuite de l'ouvrage lui,
des manuscrits que
l'on
en connoît
,
et enfin
des éditions et des traductions qui en ont été
faites
:
ce seront les objets tout naturels et aussi nécessaires
de
trois autres divisions.
Pour
la
première, deux généalogies manuscrites,
conservées aux Manuscrits de riale', et qui
1.
Toutes deux portent en
différente
,
la
Bibliothèque impé-
nous ont été communiquées parM.La-
mais de laquelle
il
tète
une mention de forme un peu
résulte qu'elles ont été copiées sur
Préface. cabane
généalogique de plusieurs maisons illustres de
toire
Bretagne, Paris,
Laboureur
le
vij
Augustin du Paz, dans son His-
le frère
;
,
Buon, 1621,
Nie.
in-f"
Jean
;
dans son Histoire généalogique de
maison des Eudes, Paris, i656,'m4°, àlasuitede toire
du maréchal de Guébriant;
Dom
Lobineau
leurs
Dom
Père Anselme;
le
les preuves de deux Histoires de Bretagne, contiennent des
et
Morice
renseignements précieux ; mais renvoyer,
il
est nécessaire
de
,
dans
il
ne
suftiroit
Et d'abord,
le lieu
de Latour-Landry,
son château seigneurial et du est
devenu à son tour
existe encore sous ce
Anjou
le
se trouve dans
de Beaupréau
,
la
sis et
nom de nom d'un de ses membres,
l'appellation
patronymique,
nom dans la partie de
l'ancien
qui
,
département de Maine et-Loire. canton de Chemillé
le
,
à 27
kil.
entre Chollet, qui est à 20 kil. de
Beaupréau, et Vezins endroit.
rap-
— siège de
limitrophe du Poitou et de la Bretagne
,
forme maintenant
H
pas d'y les
après avoir dû recevoir son
la famille, et qui,
—
de
les classer et
procher.
en
la
l'his-
Autrefois
,
le
,
éloigné de 26 kil. fief
du
même
de Latour-Landry
étoit
s'étendant sur la paroisse de Saint-Julien de
René de Quatrebarbes communiquée au mois de may 169^2 Hongère son lils. Dans l'une, cette men-
notice manuscrite, dressée par feu messire
seigneur de
par M.
le
la
Rongëre
marquis de
tion est de la
main de
la
,
,
et
,
d'IIozier, qui l'a signée
,
et qui a fait d'évi-
dentes améliorations; elle est paginée lag à i56.
Comme
chacune
decescopieb contient des renseignements particuliers, nous désignerons
la
copie du cabinet d'Hozier,
par Généal.
vis. 1; et l'autre,
comme
étant la plus complète
par Généal. ms. 2. Quand nous citerons sans numéros, le fait se
trouve dans les deux.
,
qui n'est pas copiée jusqu'au bout, c'est
que
Préface.
viij «
Concelles*
Loroux
,
qui est à i5
»,
dans
de Nantes, canton de
kil.
bretonne du département de
la partie
Les restes du donjon des sei-
la Loire-Inférieure.
gneurs subsistent encore maintenant
,
me
dit-on
,
à
Latour-Landry, notamment une grosse tour très ancienne, dont on struction au
fait
,
dans
siècle
xii<=
,
le
pays, remonter la con-
et je regrette
en donner de description
de ne .pouvoir
2.
Les généalogies manuscrites commencent par le Latour-Landry du roman du roi Ponthus, roman sur quel nous aurons à revenir plus tard, et
dant sur Bourdigné
,
elles
comme,
mettent en 49^
la
le-
se fon-
descente
fabuleuse en Bretagne des Sarrazins, contre lesquels
Latour imaginaire se distingua à côté du non
ce
moins imaginaire Ponthus
,
le
généalogiste continue
naïvement en disant que « la chronologie qui souvent sert de preuve pour connoître le degré do
fort »
,
» filiation, fait juger » )i
que ce Landry peut avoir
été le
père de Landry de Latour! vivant en 577, et maire du palais sous Chilpéric La copie de d'Hozier i*-""
ne va pas
si
loin
;
elle se
.
)
contente de le croire son
grand père. Il nest pas difficile maintenant de dire quelque chose de plus historique. Ainsi,
je croirois
tour l'Etienne de
gure
membre de
comme témoin dans une
i.Du Paz, 660. On voit encore
a.
nu Latour Lindry,
la famille
de La-
La Tour, Stefanus de Turre, qui
fi-
pièce de ii()6^, et
aussi à Vezinsles restes d'un hôpital fomlù pa
en ruines. Doni Lobincau, Preuves, in-i», 1707, col. 271; et Dom MoriciMémoires pour servir de preuves â l'histoire de Bretagne in-fol. et aiijourd'liui
A.
,
1-42, col. Gj;.
Préface. dans une pièce de 1182 le titre
'
ix
dans ce dernier cas avec
,
concluant pour notre supposition
,
dudit lieu
de
,
Cornouaille
,
de séné-
En 1200, un Landry de La Tour,
chal d'Anjou.
l'Isle
etc.
,
sire
de Bouin, de Bourmont, de
la
eut procès a raison du tiersage
,
de Mortaigne, à cause de Flsle de Bouin
2.
Vingt ans
on trouve un personnage de ce nom, et déjà avec le prénom de Geoffroy; au mois de mai 1220, le jour de la Trinité, un Geoffroy de La Tour est enaprès
,
tendu à Nantes à propos du ban du
que
sel,
se dispu-
duc de Bretagne et Tévêque de Nantes 3. Trente ans après, un autre Landry de Latour échangea cette terre, déjà nommée, de ITsle de Bouin, avec le sieur de
toient le
Machecou, contre de ce
tour
encore avec
:»
,
de Loroux-Bottereau ;
celle
même
la fin
et,
le
frey de la Tor, escuier », figure avec Olivier de
Bernabes
,
vers
nous retrouvons un autre Laprénom de Geoffroy; car « Geuf-
siècle,
seigneur de Derval
,
Rogé,
Guillaume de Der-
val et autres , dans une convention passée entre le duc de Bretagne Jean 11 et les nobles par laquelle ,
il
consent à changer
le bail et
garde-noble en rachat;
/a pièce est datée de Nantes « »
avant
la feste Saint-Ylaire,
deus cent sessante
» mil
M de janvier
1. I,
Dom
col.
^.
jour du samedi
de Tincarnation
quinze (127G)
meis
,
»
Lobineau
Généal. ms.
3.
Dom
Preuves
,
col.
,
3i6
;
et
Dom
Morice
,
Preuves,
4. Généal.
Dom ,
i.
Lobineau
Morice, Histoire,
Morice
le
l'an
689.
2.
5.
et
en
ms.
I.
,
Histoire
1
,
2i5; Preuves, col. 877; et I,
col.
Dom
847.
1.
Lobineau, Histoire
Histoire,
,
1760, p. i5o; et Preuves,
\,
p.
306
;
,
et
I,
272; Preuves,
Preuves,
l, col.
col.
^ûG;—
loîg.
et
Dom
Préface.
X
seulement que nous arrivons à une filiation reconnue; les deux généalogies manuscrites C'est
ici
donnant pour père à notre auteur un Geoffroy, il faut croire que c'est lui dont il s'agit dans une reconnoissance du
chers que
les
nombre des chevaliers, écuyers et arseigneurs de Bretagne doivent à l'ost
du duc,
faite par eux à Ploermel le jeudi après la mi-août 1294, où l'on trouve cet article parmi ceux compris sous le chef de la Baillie de Nantes « Mon.
:
» seur Geuffroy de La
Tour
e Guillaume Botereau e
» Mathé de la Celle recongneurent qu'ils dévoient » un chevalier d'ost, c'est assavoir » valier, par la raison de leur
le tiers
d'un che-
dou Lorous Bo-
fiez
» tereau. *» Ce Geoffroy est donné comme seigneur de La Tour Landry, de Bourmont, de la Galonière ,
du Loroux-Bottereau, de
la Cornouaille, et
ayant été présent en i3o2, a î>
le
jeudy après
comme
la Saint-
Nicolas d'esté » , au mariage de Jean de Savonnières.
que se doit rapporter ce fait, consigné dans Bourdigné2, qu'en i336, un Geoffroy de La Tour Landry étoit au nombre de ceux qui suivi-
C'est à lui aussi
rent le comte d'Anjou dans sa guerre avec les glois et s'y conduisirent avec le plus
An-
de courage. No-
tre auteur parle deux fois de son père^, mais malheureusement sans autrement le dénommer, et par conséquent sans apporter à l'assertion, très acceptable
1.
Dom
Dom
Lobineau. Hist.,l,
Moricfc
,
a. liystoire
Preuves, col.
p.
582; Prettvcs,
agrégative des annales
et
Jehan de Boiirdigné iSag, in-fol., goth., 3. Pages 27 el 227 de cette édition. ,
col.
^38;
— et
ma. croniques d'Anjou, par f.
cviij r
•.
,
Préface.
xj
d'ailleurs, des généalogies, l'autorité irrécusable
son témoignage de
fils.
On
de
a vu que je n'ai pas osé
attribuer à ce Geoffroy la mention d'un Geoffroy en
1276. C'est par la considération .que de 1276 à i336 y a soixante ans, et qu'en ajoutant
il
cessaires
pour
être partie dans
que
celui
de
tant
la
années né-
les
acte aussi impor-
un
première date, on auroit un âge soi, mais dans
de bien plus de 80 ans, acceptable en lequel
il
est
peu ordinaire de
exploits guerriers.
tout à
fait
me on
le
11
se distinguer
faudroit, de plus
,
par des
qu'il
dans sa vieillesse notre auteur, qui verra, n'étoit pas
fants, et n'est
le
eût eu ,
com-
dernier de ses en-
pas mort avant la
du quatorzième
fin
siècle.
Je ne puis donner
le
nom de
la
femme du père de ici un rap-
notre auteur; mais je dois au moins faire
prochement. Dans son
livre,
il
parle, à
sa tante, M™«' de Languillier, «dont » bien mil
v
livres
de rente »
un endroit
le
',
de
seigneur avoit
puisqu'elle étoit
;
sœur de sa mère ce (\m ne nous paroît pas donner son nom. Il faudroit pour cela que M. de Languillier fût son frèsa tante, elle pouvoit être la
re la ce
;
mais, à voir
douceur de
la
dont noire chevalier loue
la façon
femme et
,
parle
du mari comme étant
à merveille luxurieux », j'avoue avoir peine à croire
qu'il eût cité cet
été,
non pas
mais
le
le
1.
,
si
celui qu'il
propre frère de sa mère
celle ci est la
modèle
exemple
sœur de
d'affection et
Chap.
blâme eût
beau-frère, c'est-à-dire un étranger,
18, p. 3;.
la
;
femme
de bon sens
si si ,
,
au contraire
digne d'être un le
choix est très
Préface.
xij
naturel^
.
Mais, je le répète, cette conclusion, que je
crois la plus probable,
ne nous donne pas
la
mère de notre Geoffroy.
la
généalogie manuscrite place
En
nom de
le
tout cas, celui-ci ne fut pas le seul enfant
comme second
car
:
un Arquade de Rougé en nous apprenant, de plus, qu'il épousa Anne de la Haye Passavant 2, fille de Briand de la Haye et de Mahaud de Rougé, sœur aînée de Jeanne de Rougé, et toutes deux filles de Bonnabes de Rougé. Ceci est pour nous très curieux; fils
,
— comme on
car, cette
verra que notre Geoffroy épousa Jeanne de Rougé, sœur cadette de Mahaud,
Anne de
la
Haye,
—
fille
de Mahaud de Rougé, sœur aî-
née de Jeanne, se trouvoit, en épousant Arquade, avoir sa tante pour belle-sœur. rer aussi que
les
,
deux
On
pourroit en infé-
belles- sœurs étant sans dou-
à la distance dune génération, Arquade étoit beaucoup plus jeune que Geoffroy, son frère aîné. La mention la plus ancienne que nous trouvions de notre auteur nous est donnée par lui-même. Il rate
conte dans son livre la conduite des seigneurs qui se
trouvoient avec
duc de Normandie, depuis
le
le roi
Jean, au siège d'Aguillon, petite viHe d'Agenois
1. J'ajouterai
ces provinces
:
que ce
commencement du
nom
nom
de Languillier est encore un
car je trouve dans siècle,
xvi'
le
il
Chatonay,
le
,
,
,
mais
,
II
je
,
nom
453 A
,
ne prends
de au le
un Guy de Sainte-Flaive.
des baronies de Cigournay,
Puy-Billiard et Languillier.
2. Elle portoit
lettes
et
Anselme
vrai
est
qu'au point de vue topofcraphiquc
seigneur de Sainte-Flaive en Poitou
mss.
Père.
si-
,
deux fasces de gueules,
d'or, à
posées 4 en chef
,
a
en fasce et
3
à
l'orle
de mer-
—
Généal.
en pointe.
Préface. du Lot
tuée au confluent
de
et
.\iij
le
iG avril
au plus tard
fut levé
,
an-
cette
22 août
le
2,
en faut conclure que notre Geoffroy, qui en parle
il
comme un
témoin, étoit déjà en état de porter
mes. Nous sommes après cela long-temps sans
Au premier abord
contrer.
retrouver en i356 dans sart^, et
que
le sire
la bataille
nombre des prisonniers
comme
on
,
les ar-
ren-
le
seroit disposé à le
de La Tour que Frois-
prince Noir dans sa lettre à l'évêque
le
de Worcester sur
de Poitiers^, mettent au par
faits
Anglois
les
mais
;
Froissart, dans son énumération des seigneurs
présents à la bataille, qu'il donne un peu avant
de La Tour parmi
un
sire
est
probable que
I, liv.
i,
Ed, Buchon
Histoire du Languedoc de
t.
;
part.
éd. in-foL,
met
qu'il s'agit
et
^',
il
,
non
V^, p. 212-63.
Dom t.
^,
nobles d'Auvergne
de celui-là
1.
,
les
c'est
2.
vre xxxj, § 18 à 22 p.
qui,
siège,
commencé après Pâques de Tannée i34ô, née
Comme
Garonne.
la
Froissarl* a parlé longuement de ce
Dom
Vie et de
Vaissette
IV, p. 259-62; éd. in-8",
t.
,
li-
VII
,
i6i-3. 3. Froissart,
éd.
Buchon,
liv.
i
,
part,
ij
cliap. xlij,
,
tome
I,
p.
3/1.
/^.Archœologia Britannica, in-i",l, p. 21 3 note.
— Le prince de Galles
aussi le titre
le
met parmi
et
Buchon,
355, à la
I,
bannerets
;
et c'étoit
du nôtre, ce qui rendroit l'erreur encore plus
5. Froissart, Ibid., ch. xl 6. C'est de lui
encore
,
facile.
p. 35o.
qu'il est
question dans
Bertrand Du Guesclin, par ("uveliers, se joignent
;
les
comme
le
grand poème de
étant l'un de ceux qui
au duc de Berry (1372) pour aller faire
le
siège
de
Sainte-Sevère,
Le siyneur de La Tour en Auvergne
fivé.
Plus loin on l'appelle
Le signeur de La Tour {Collect. des
docum. inédits
qu'en Auvergne fut né. ,
Chronique de Du Guesclin publiée ,
Préface.
XIV pas du nôtre,
qu'il auroit
certainement mis parmi les
nobles de Poitou. Mais c'est bien
lui
qui figure
i3
le
juin i363 dans » la monstre de M. Mauvinet, cheva-
des gens de sa compagnie, sous
»
lier, et
«
nement Monsieur Araaury, comte de Craon, lieutenant du roy es pays de Touraine, Anjou et Poi-
))
gouver-
le
On y trouve le nom « Monsieur Gieffroy de La Tour », suivi de la mention relative à l'objet de la montre « cheval brun ix escus ^ ». » tou.
y)
:
»
:
;
comme on
C'est,
composé son rié
des
verra, en 1871 et 1872 qu'il a
le
livre; à cette époque,
il
filles
demandoit
dont l'âge
ma-
étoit déjà
depuis assez long-temps pour avoir des qu'il
fils
et
eût à écrire
pour eux des livres d'éducation. L'époque de son mariage est inconnue; mais on sait très bien le nom de sa femme. C'étoit^ Jeanne de Rougé», dame de fille puinée de Ronabes de Rougé seigneur d'Erval *, vicomte de la Guerche, conseiller et chambellan du roi s, et de Jeanne de Maillé, dame de Clervaux, fille elle-même de Jean de Maillé, seigneur de Clervaux, et de Thomasse de Doué la sœur aînée de Jeanne, c'est-à-dire Mahautde Rougé, eut,
Cornouaille,
,
;
comme on
vu
l'a
par M. Charrière
,
11,
,
une
fille
,
nièce de Jeanne
p. 314 et aai, vers 19,6046119,788.)
nommé page 'îa4. rtans la variante Dom Morice Preuves, I, col. i558.
encore 1.
,
Il
qui
est
mise en note.
,
Son père manqué. Voy. a.
avoit déjà voulu le marier, mais le mariage avoit les
Enseignements, chap.
i3, p. 28-9
édition. 3.
Genéal. mss.;
4.
Voy
5.
Le Laboureur,
,
Du Paz
,
p. 85
sur la terre de Derval p. 80.
;
,
Le Laboureur,
Du Paz,
p. 80.
p. 166.
de cette
Préface.
xv
épousa Arquade de La Tour Landry', beau-frère de
Nous aurons encore quelques mentions à de Jeanne de Rougé , mais nous préférons les
celle-ci.
faire
laisser à leur ordre chronologique.
En 1878, Geoffroy envoya des hommes au siège de Cherbourg mais il n'y fut pas lui-même, car, dans Tacté du « prêt fait à des hommes d'armes de la coropa« gnie du connétable , par deux lettres du roi du 8 » et i3 octobre 1378, pour le fait du siège deChier» bour», on lit à la suite de l'article M. Raoul de ;
Montfort
«
:
Pour M, de La Tour, banneret, un autre escuiers, receus en
» chevalier bachelier et onze
» croissance dudit Montfort, à Valoignes, le i8 nov. » à lui, dccxiv liv. Jl
est
me de
*
;
»
probable qu'en 1379, Jeanne de Rougé, fem-
Geoffroy, a été gravement malade, car, le
octobre de cette année
20
son testament, insti-
^, elle fit
tua ses deux exécutrices testamentaires Jeanne Maillé, sa mère, et
dame de
dame Huette de Rougé,
de
sa sœur,
Roaille, et choisit sa sépulture dans l'église
Notre-Dame-de-Meleray, au diocèse de Nantes, auprès de la sépulture de son père
En i38o, 1.
a.
il
Dom Morice, Preuves, Du Paz
,
».
résulte de la pièce suivante
II, col.
que Geof-
3g i.
167, qui appelle Jeanne de l'Isle la
mère de Jeanne
de Kougé. 3.
Mort deux ans après, en iB;/ (Du Paz, p. 656), Un autre Roug6 est indiqué par Bouchet {Annales
Messire Donnabet de d'Aquitaine
,
Poitiers le 19 Poitiers. F-es
d'argent
;
quarte partie
,
folio xiv
elles se
tué à la bataille
de
trouvent dans l'armoriai de Jean de Bonnier, dit
Berry héraut d'armes de Charles ,
comme
noTcmbre 1 356, et enterré chez les frères mineurs de armes de Uougé sont de gueules, à une croix pattée vij.
(Fond» Colbert, n" ^53.5.5.)
Préface.
xvj
froy prit part à la guerre de Bretagne ))
de Bueil
,
» les personnes ci-dessous
nommez
en nostre compaignie
»
nement de M.
»
mois de février passé.... M.
»
La Tour,
soubs
gouver-
le
nom de
3o
Paris, le
Trois ans
»
*.
le
de
avril,
après, nous
Geoffroy dans « la monstre
» de Monsieur levesque d'Angiers
chevalier banneret
» autre
roy Bre-
Geuffroy, sire
Donné à
banneret....
le
et
le
du pays de
connétable de France, partout
le
» aprez Pasques i38o
trouvons aussi
« Nous, Jean
ont servy
w nostre dit seigneur en ses guerres » tagne,
:
par nostre serment que
certifions à tous
,
banneret, d'un
huyt autres chevaliers
,
» bacheliers et de trente et cinq escuiers de sa com» pagnie
,
reçeus ou
» septembre, l'an
de Carsell
val
i383.
Elle
i>
ij*^
:
jour de « Ledit
Mess. Geuffroy de La
» Mons"" l'evesque, banneret. î)
le
commence
Tour, banneret, etc.^ »
En i383,
femme de Geoffroy de La Tour Lancar, dans cette année même, son
la
dry vivoit encore mari acquit avec
:
que Huet de Coesme,
elle le droit
écuyer, avoit au moulin de Brifont ou de Brefoul, assis à Saint-Denis lui,
car
Roches
il
^,
de Candé ^
;
mais elle mourut avant
épousa en secondes noces Marguerite des
dame de
la
Mothe de Pendu qui avoit le 28 mars 1370, Jean ,
épousé en premières noces,
1. Doîii
Morice, Preuves,
2. Collection
par M. Jérôme Pichon nagier de Paris
3.
Du
l'az
Généal. ms.
,
avoit
,
des Enseignements
d'Augustin
t.
col. 244.
I,
Decamps; Mss. B. qui
,
à qui 4.
).
Cette mention nous a été donnée
dans une note de son excellent
annoncé
c'est à
;
—
,
l'intention de publier
lui aussi
que nous devons l'indication
nous aurions pu ne pas songer.
Généal.
nis.
Mé-
une édition
Pué F ACE. de Clerembaut, chevalier
*
xvij
comme on verra que
;
enfants des premiers mariages de Geoffroy et de guerite des Roches se marièrent entre eux
,
il
les
Marpas
n'est
sans probabilité de penser que ce mariage tardif eut
pour raison le désir de mêler complètement les biens des deux familles, et qu'il précéda les mariages de leurs enfants, ce qui le reporteroit avant Tannée iSSg.
En prenant
comme
cette date
trouvions Geoffroy,
-
et
il
est
la dernière
probable que
où nous
les
ges de ses enfants avec ceux de sa seconde qui sont postérieurs, se firent de son vivant,
—
maria-
femme il
seroit
toujours certain qu'il a vécu sous les règnes de Philippe vi de Valois
Charles vi
;
de
,
J
ean
ij
,
de Charles v
de
et
mais je ne puis dire en quelle année
est mort, car je
ne crois pas
qu'il faille lui
il
rapporter la
mention du ce Geoffroy de La Tour, esc, avec dix-neuf « -autres
», cité*
parmi les capitaines ayant
siège de Parthenay, qui fut
Outre
la qualité
temps Geoffroy
fini
assisté
au
au mois d'août i4i9'
que depuis long-
d'écuyer, tandis
toujours qualifié de chevalier
est
banneret, les dates seroient à elles seules une assez forte raison d'en
prises entre
i4t6
douter ; en et
effet
,
les
années com -
i346, première année où
il
soit
question de Geoffroy, forment un total de 73 ans, et,
comme au pas
lui
siège d'Aiguillon, en i346, on ne peut
supposer moins de vingt ans,
il
faudroit ad-
mettre qu'il se battoit encore à 93 ans, ce qui est à
peu près inadmissible.
1.
et
Anselme, VII, 583
de sable 3.
Dom
,
D.
11
—
faut croire
,
C'est
un de
Clerembaut portoit burelé d'argent
de dix pièces. Généal. mts.
Morice
que
Preuves ,11,
col. <)3i.
Préface.
xviij
ses
On
lils.
n'en indique partout qu'un seul; mais
est certain qu'il en a
dans son
que
terai
nous
livre,
fois ses fils.
la
il»
eu au moins deux, puisque,, verrons mentionner plusieurs
le
Pour terminer ce qui
le
généalogie manuscrite
gneur de Bourmont, de Bremont Bas-Poitou, et que Le Laboureur*
concerne, j'ajoule qualifie
et
de
sei-
de Clervaux en
le qualifie
de ba-
ron de La Tour Landry, de seigneur de Bourmont
Clermont
de fondateur de Notre-Dame-
et Frigné, et
de-Saint-Sauveur, près de Candé, ordre de Saint-Au-
La Croix du Maine, 1, 277, le qualifie de sieur de Notre-Dame de Beaulieu, ce qui est vrai, tirant
gustin.
sans doute ce titre du propre livre de notre auteur*. Nous ne douions pas qu'il ne se trouve plus tard d'autres mentions relatives à Geoffroy. Dans d'autres histoires généalogiques,
mais surtout dans des pièces
conservées aux Archives de l'Empire et aussi dans celles d'Angers,
est impossible qu'il
il
ne s'en trouve
pas incidemment de nouvelles mentions; mais
il
au-
pour avoir tout ce qui peut ce premier essai pourra même servir à
roit fallu trop attendre
exister, et faire
retrouver
le reste.
Nous pourrions arrêter ques; mais
mots de
le
siècle
lesquels Geoffroy avoit
sa descendance mâle s'est éteinte au ,
de
nom, encore
1. Il l'appelle
qu'il lui
ces détails généalogi-
de ne pas dire quelques
mêmes pour
comme
bout d'un
ici
est difficile
ceux-lii
écrit, et,
où
il
l'indiquer
existant,
Georges; mais
il
ne
jusqu'au
s'ajjit
pas d'un autre, puis-
donne Jeanne de Uougé pour femuie
s. Cf. notre édition, p. 79.
moment
La Tour Lan-
de
et
CLarles pour fiU.
Préface.
xix
dry, a été transporté dans une autre famille par un mariage. Sur toute cette descendance, M. Pichon a
trouvé dans des pièces manuscrites
plus curieux
les
notamment toute la procédure de renlèveraent dune La Tour Landry il a et les plus
abondants
détails,
;
tous les éléments d'une étude de très intéressante et qu'il seroit lui voir exécuter.
Pour notre
mœurs
historiques
malheureux de ne pas sujet
,
qui se rapporte
plus particulièrement à Geoffroy et à son œuvre,
quelques indications suffiront. Charles de La Tour Landry se maria deux
d'abord à Jeanne de Soudé
ensuite, le
>,
13892, à Jeanne Clerembault,
fille
de Marguerite des
Roches, seconde femme de Geoffroy, la clause que, ritière
si
fois
24 janvier
cette fois
avec
Jeanne Clerembault demeuroit hé-
de sa maison, Charles
et ses hoirs, issus
mariage, porteroient écartelé de La Tour
et
de ce
de Cle-
rembault, ce qui n'arriva pas, parceque Gilles Cle-
rembault
,
frère
de Jeanne
,
devenu beau-frère de
Charles de La Tour, continua la postérité. La généalogie manuscrite
fait
mourir Charles de La Tour
au mois d'octobre i4i5, à
la bataille d'Azincourt, et,
en effet, nous trouvons « Le seigneur de La Tour » dans « les
noms des
princes, grans maîtres
,
seigneurs et
» chevaliers franchois qui moururent à la bataille
» d'Azincourt », donnés par Jean Lefebvre de Saint-
Remy
à la suite de son récit
^.
Nous avons déjà parlé*
—
1. Généal. ma. 2. a. Génôal. ms. 2. La Gén. 1. ne parle pas du nom de sa première femme. Anselme, VII, 583 D. B. Kd. Buchon dans le Panthéon, ch. Ixiv, p. [^oi. Mon-
—
—
,
strelet le cite aussi; Paris, i6o3, in-fol. I, 3.
Voy.
p. xvij.
a3o v".
Préface.
XX
d'un Geoffroy de La Tour, figurant au siège de Par-
Ihenay en 14^9»
et
probablement
de l'auteur
fils
des Enseignements. Peut-être faut-il encore regarder
comme un
autre de ses
fils
un Hervé de La Tour,
qui servoit comme gendarme en novembre i4i5 dans
compagnie d'Olivier Duchâtel, en décembre de la année dans celle de Jehan du Buch en juin i4i6 dans celle de Jehan Papot*. Cependant nous trouvons à la fin de la traduction de Caxton, dont nous dirons plus tard la scrupuleuse exactitude, cette la
même
;
phrase
:
as hit
is
reherced in the booke of
sonnes^ absente de nos manuscrits
,
my two
mais qui devoit
se trouver dans celui suivi par Caxton, et établiroit
qu'en iSji notre auteur n'avoit que deux
fils.
Quant aux filles, elles doivent avoir été au nombre de trois ; en effet , si aucun des manuscrits que nous avons vus ne paroît avoir appartenu à Geoffroy,
— et ses
il
seroit difficile d'en être sûr, à
armes
et celles
Marguerite Desroches, miniature
moins d'y trouver
même de
de Jeanne de Rougé, ou
—
une
toutes les fois qu'il y a
on y voit toujours trois filles, et il n'est pas à croire que cette ressemblance ne soit pas initiale,
origioairement produite par une première source authentique. Malheureusement je n'en puis
nommer
qu'une, Marie de La Tour Landry, qui épousa en
4391*, de
la
me
le
novembre
4*^^
3,
Gilles
seconde femme de Geoffroy
de Charles,
fils
1.
Dom
Généal. tnss.
Morice
,
de
la Plesse
,
3.
la
et n'eut
Preiivct, II, col. 911, 9i3, gaS.
—
de
fils
fem-
de Geoffroy. Gilles Clerembault
étoit chevalier, seigneur
a.
Clerembault, et frère
Anselme,
ul supra.
pas
Préface. avant i4t>o, puisque,
Jeanne Sauvage, qui
xxj
La Tour, morte évidemment
d'enfants* de Marie de
i5 octobre i4oo,
le
lui
il
épousa
survécut^.
Charles de La Tour Landry eut pour
fils,
N..., qut.
comme
les généalogies manuscrites font figurer,
père, à la bataille d'Azincourt, en disant qu'il
son
mou-
rut peu après de ses blessures, sans laisser d'enfants
Ponthus, qui resta tres
le
Thibaud
fils ^,
Raoulet
,
et
Louis
morts tous
,
trois sans laisser d'enfants. Charles eut aussi
une
fille,
nommée
puisqu'on la cite
deux
été mariée
;
chef de la famille; et trois au-
au moins
Jeanne, peut-être l'aînée de tous,
la première"*. Il se fois
,
peut qu'elle
ait
car c'est peut-être elle qu'il
de La Tour Landry, femme de Jean ou Louis
faut reconnoître dans la Jeanne
dame de Clervaux
,
qui fut
de Rochechouart fut la
^. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle première femme de Bertrand de Beauvau 6,
seigneur de Précigny, Silli-le-Guillaume et Briançon, qui devint conseiller et chambellan du roi, président
en sa chambre des comptes à Paris, grand- maître
de
Sicile et sénéchal d'Anjou.
1.
Génial, mss.
— 2.
2.
Généal, mis.
— Le
Anselme
,
Il
sortit
—
ul supra.
Laboureur,
de ce mariage
3.
Gémial. ms. a.
p. 80.
C. — Leur
3. Anselme IV, 564 ^ et 653 B, fille Isabeau épousa Renaud Chabot qui eut un grand procès contre le seigneur de La Tour Landry au sujet de la justice de Clervaux obtint le 20 juin 1464 pour lui et son fils aîné rémission d'un meurtre commis Anselme ibid, A cette occasion et mourut vers 1476. ,
,
,
—
,
4.
D'argent
,
,
,
,
à quatre lions de gueules
lampassez d'or, à une
étoile d'azur
,
,
en cœur.
cantonnez
—
Quscrit des Ethiques en francois, qui lui a appartenu,
Paris, Manuscrits français
,
t.
IV, 33o-2.
,
armez
e(
Sur un beau macf.
M. Paulin
Préfacé.
xxij
^ , et Jeanne étoit morte vers i436, puisque ce fut par contrat du 2 février i437*
trois fils et trois filles
que Bertrand lement
il
se remaria à Françoise
de Brezé ; non seu-
survécut encore à celle-ci, mais, après avoir
épousé en troisièmes noces Ide du Châtelet,
il
en quatrièmes noces Blanche d'Anjou,
fille
naturelle
armes de toutes ces
alliances
du
roi
René
et « les
,
épousa
» sont remarquées dans les églises des Augustins, Cor» delières, Carmes et Jacobins d'Angers, où
le
coips
» de ladite Jeanne receut sépulture, ce qui est justifié
tombeau 3. » Pour Ponthus, nous savons qu'il fut chevalier, seigneur de La Tour Landry, de Bourmont, du Lo» par son
roux-Bottereau et baron de Bouloir en Vendomois* il
donna en 1424 aux prieur
et
;
couvent de Saint-
Jean l'Evangéliste d'Angers la dixme des grains de sa terre de Cornoailles ^, par acte signé de Jean de
Lahèvew ainsi
qu'il est
remarqué au trésor des
tiltres
» de Chasteaubriant'' », et il possédoit aussi une terre
que
duc de Bretagne lui confisqua, parcequ'il tenoit de Chatillon'. Ce doit être lui qui se rendit otage à Nantes pour répondre de l'exécution du mariage (21 mars i43i) entre le comte de Wontfort et Yoland fille de la reine de Sicile », et qui reçut le
le parti d'Olivier
,
ensuite une coupe dorée, en
1.
Voir
2.
Anselme
ms.\, ms.
a.
le détail
—
,
dans
la
même temps que
Chesnayc des Bois, in-4",
VIII, 270 E.
— —6
Généal. ma.
3.
5. Généal. tns. a.
Généal.
ms
II
sa fem-
3i8.
,
1.
—
i.
— 7.
4.
Génial. Généal.
3.
3. Histoire
1706, p. 588.
de Bretagne
,
par
Uom
Lobineau
,
Paris
,
iu fol.
,
I,
Préfacé. me
xxiij
et sa fille recevoient d'autres présents
C'est aussi
^.
probablement lui que cite l'auteur de l'histoire d'Artus, ducdeBretaigne,dansrénuraéraliondeceuxquisesont trouvés à la bataille de Formigny ^, aussi bien à croire
11 est
écrire par quelque clerc le
que
le
i5 avril i45o. qui a
c'est lui
fait
roman de chevalerie de
fils du roi de Galice, et de la belle Sidoine, du roy de Bretaigne, souvent réimprimé c'étoit un moyen de populariser l'illustration de la famille
Ponthus, fille
;
— Bourdi-
et d'en faire reculer très loin l'ancienneté,
comme on l'a vu,
—
que de romanesque et à demi historique. Les La Tour Landry ont voulu avoir aussi leur roman, comme les Lusignan avoient gné,
la
s'y est laissé
prendre,
mettre au milieu d'une action à la
fois
Mélusine. Nous n'avons pas à entrer dans
le détail
de
ce très pauvre roman, qui se passe en Galice, en Bre-
tagne et en Angleterre, ni à suivre
des
les péripéties
amours de Ponthus et de Sidoine traversées par les fourberies du traître Guennelet et enfin couronnées par un mariage. Ce qu'il nous importe de signaler c'est la certitude de l'origine de ce roman. Le héros ,
*de l'histoire porte le nom fort particulier d'un des
bres de la famille,
et,
parmi
ses
compagnons,
toujours au premier rang Landry de les
noms propres
sont
:
le sire
1.
de
Sillié,
de Doé
,
Guillaume
le sire
et
Benard de
la
col.
1018;
Dom
ce
Roche,
Morice, Preuves,
1232-3.
s. Collection
;
de Laval, d'Ou-
Girard de Chasteau-Gaultier, Jean
Dora Lobineau, Preuves,
II, col.
La Tour. Tous
sont de ce côté de la France
Geoffroy de Lusignan,
celles et
mem-
se voit
Micbaud
et
Poujoulat, i'^ série,
III
,
226.
Préface.
xxiv
Molevrier. Les quelques
concourent aussi à
que se
fait le
la
noms de
localités françoises
même preuve
grand tournois
et
,
,
c'est à Vannes quand l'armée se
réunit, c'est à la tour d'Orbondelle
mont
:
,
près de Talle-
or Talraont est un bourg de Vendée (Poitou)
;
situé à
i3
kil.
des Sables.
Un passage
peut-être la date exacte de la composition c'est lorsque,
pour réunir une armée contre
rasins, on écrit à la comtesse d'Anjou
romancier,
le
donneroit
du roman,
comte
étoit
mort
et
son
:
fils
les
Sar-
car, dit le
n'avoit
que
dix ans. Mais c'est trop long-temps m'arrêter à ce livre, qu'il étoit pourtant nécessaire de signaler*.
L'on ne connoît que deux enfants de Ponthus,
Blanche
et Louis i^^'du nom. Blanche épousa Guillaume d'Avaugour, seigneur de La Roche iMabile, de
Grefneuvilleetde Mesnil Raoulet, bailly de Touraine, veuf de Marie de Coullietes, femme en premières noces de Gilles Quatrebarbes ^ On donne ordinaire-
ment
cette
mais
la
Blanche comme fille de Louis 2* du nom^; remarque de d'Hozier * est formelle sur ce point « Bien que les mémoires de la maison de La » Tour Landry remarquent icelle Blanche de La » Tour estre issue de Louis et de Jeanne Quatrebar:
» bes; néanmoins tous les tiltres que j'ay
» dent
le contraire
» requeste,
,
me
persua-
et particulièrement l'arrest, sur
du Parlement de
Paris,
que
ladite
1. Pour les nombreuses éditions, et les traductions en anglois et en allemand du roman de Ponthus, voyez l'excellent article de M. Bruuet, III, 812-4. a.
Généal. ms.
i.
3.
Généal. ms.
a.
4.
Généal. ms,
i.
— Avaugour, d'argent au chef de gueules. — Le Laboureur, 80. p.
Préface.
xxv
» Quatrebarbes, demeurée veufve, obtint,
le
» jour de décembre i453, contre Blanche de
» aussy veufve
où
il
sœur de
qu'elle estoit
î)
,
dernier
LaTour,
est porté
en termes exprès
feu Louis
de La Tour, mary
de Jeanne Quatrebarbes. » Quant à Louis de La Tour, chevalier, baron dudit lieu et du Boulloir, seii»
gneur de Bourmont, la Gallonnère, de la Cornouaille, de Clervaux Rue d'Indre et Dreux le Pallateau il ,
,
épousa en i43o Jeanne Quatrebarbes, dame de La
Touche Quatrebarbes, etc., fille de Gilles Quatreet de Marie de Coullietes*. Louis étoit mort avant i453, et, le 22 juin i455, sa veuve, en pré-
barbes
sence de son
fils
Christophe
,
ratifie
un
acte fait le
6
juin précédent par son procureur et le procureur de
Blanche de
En i458
la Tour,
elle
veuve de Guillaume d'Avaugour^. nomma pour ses exé-
son testament, et
fit
cuteurs testamentaires René, Christophe et Louis, ses enfants 3.
On vient de voir les noms des trois fils de Louis ; un quatrième, Geoffroy*, paroît être mort de bonne heure, puisqu'il n'a pas laissé de traces. Pour René, il 'se
démit en i438 de ses biens, sauf les seigneuries
de
Gallonnère et de Cornouaille, en faveur de Chris-
la
tophe, son frère puîné, ainsi qu'il est vérifié dans le trésor des titres de Châteaubriant
1.
Généal. ms.
i
,
^,
se
fit
prêtre et
qui donne tous les titres de Jeanne Quatre-
barbes. 3.
Généal. ms.
3.
Des
extraits
i.
de ce testament et de quelques autres pièces
postérieures sont joints à la Généal. ms. 4.
Le Laboureur (page
5.
Généal. ms.
1.
i.
80), qui le cite avant ses frères.
Préface.
xxvj
mourut le 4 "lai 1498 ^ Pour Christophe, Bourdigné* nous apprend qu'en i449 il se trouva au siège de Rouen avec le duc de Calabre , fils du roi René, qui étoit allé secourir son père. En i46o , il transigea pour des terres avec Pierre d'Avaugour, fils et de Blanche de la Tour; en i463, donna procuration audit Pierre de recevoir les terres; en 1469» il foi et hommage dus à ses rend adveu de la terre du Genest au comte de Monfort et la même année fonde dans l'église du
de Guillaume il
,
,
,
Genest des prières à dire grand'messe, pour
avant
la
seurs
^. Il
2«
mourut sans
du nom, qui
jour de la Toussaint,
les
âmes de
ses
prédéces-
enfants, puisque ce fut Louis,
resta chef
sé Catherine Gaudin,
le
de
épou-
la famille. Ilavoit
d'Anceau
fille
,
sieur de Pasée
ou Basée et de Marguerite D'Espinay Lauderoude, maison alliée à celle de Laval ^. ,
C'est en lui
que
s'éteignit la
descendance mâle de
notre Geoffroy, car Louis n'eut que des
vu que Blanche, dont on pas sa
fille,
mais sa tante
et Marguerite, a
le faisoit le ;
filles.
père,
On a
n'étoit
ses filles furent Françoise
femme de René Bourré ^, seigneur de
» Jarzé, dont la postérité est tombée dans la maison »
Du Plessis des Roches Pichemel, de laquelle est M. le
» marquis de Jarzé 6.
«Quant à Françoise,
et principale héritière
de son père Louis,
a le
1.
9.
3o juillet i494> Hardouin de
fille
elle
aînée
épousa,
Maillé, io<=dunora,
Généal. ms.; Le Laboureur, p. 80. Hystoire agrégative d'Anjou, f. cxlix. v"
—
3.
Généal. ms.
4. Généal. ms, i, 5, D'argent à la Ç.
bande fuselée de gueules.
Le Laboureur,
p. 80.
— Généal. ms.
1.
t,
Préface. » né en 1462. »
Il
xxvij
s'obligea de prendre le
nom et les
ar-
mes de La Tour, sous peine de 5o,ooo écus; mais,
» après la mort de ses frères sans hoirs mâles » déclara aîné
de sa maison,
François
et
F»'
,
il
se
releva ses
» descendants de cette obligation, leur permettant de
nom et les armes de Maillé, en y ajounom de La Tour Landry *. » Les armes de
» reprendre le » tant le
Maillé sont bien connues, d'or à trois fasces ondées
de gueules
mais
;
celles
de La Tour Landry
le
sont
bien moins, précisément à cause de l'abandon qui en
Le Laboureur
fut fait.
(p. 80) dit qu'elles sont d'or
à une fasce crénelée de 3 pièces et massonnée de sable
;
Gaignières, qui les a dessinées et blasonnées de sa
main sur un
de papier, passé,
feuillet
comme
toute la
partie héraldique de sa collection, dans les dossiers
du Cabinet des la fasce
,
titres,
nous donne de plus l'émail de
qui étoit de gueules.
La description qui
s'en
trouve en tête des généalogies manuscrites a un détail différent
:
elle
comme
indique la fasce
c'est-à-dire crénelée,
de
trois pièces et
bretessée,
demie.
11
n'est
pas rare de trouver une fasce crénelée de deux piè-
deux demi-pièces dans demie il faudroit , sa place
ces et et
;
,
mettre la demi-pièce à dextre
nous tenir à probable
,
la
;
le
cas de trois pièces
n'étant pas indiquée,
mais nous préférons
première armoirie
,
qui est la plus
puisqu'elle ne sort pas des conditions or-
dinaires.
1.
Anselme, VII, 5o3
;
et
La Chesnaye des Bois, IX
,
3i4.
Préface.
xxviij
II.
Du Dès
les
Enseignements.
livre des
premiers mots de son ouvrage
Geoffroy
,
de La Tour Landry a pris soin de nous apprendre la date de sa composition, par la façon dont il entre en matière « L'an mil :
la
trois cens soixante et onze. » Si
mention du printemps
sible
,
n'est pas,
comme
est
il
pos-
tant elle est dans le goût des écrivains de
poque , une pure forme
commencement de
littéraire, ce seroit
l'année
(Tavril^. Le livre ne fut
même
l'é-
au
puisqu'il parle de l'issue
,
fini
qu'en 1372
,
car nous
y trouvons cette date mentionnée formellement ^, et nous n'aurions pas même besoin de cela pour en être sûr, puisqu'à
un autre endroit il
de Crécy comme ayant eu
comme i346,
elle s'est
donnée, ainsi
les vingt-six
né cette
même
est parlé
de
il
ans nous auroient toujours don-
date de 1372,
y a aussi une remarque curieuse à
Il
cette
préface
,
la bataille
y a xxvj ans r ; qu'on sait, le 26 août
lieu «
c'est qu'elle
faire
sur
a été écrite en vers, et
Geoffroy, sans le vouloir, a pris soin de nous le faire
toucher du doigt, quand
il
dit (v. p. 4) qu'il
ne veut
point mettre ce livre en rime, mais en prose, afin de l'abréger, c'est-à-diie de le faire plus court et plus
1.
Pâques étant
changer
la
cette année-là le 6 avril,
il
n'y a
pas lieu de
date de 1371 en celle de iS/o.
2. « Je vous en diray une merveille que une bonne dame me » compta en cest an qui est l'an mil trois cens Ixxij. » Ch. xlix ,
p. io3.j
Préface.
xxix
rapidement. C'est la preuve la plus complète qu'il a voulu d'abord l'écrire en vers, puisqu'on retrouve
dans tout ce qui précède cette remarque, non seule-
ment une mesure régulière , mais presque toutes les rimes, tant il l'a peu changé en le transcrivant en prose. Pour le montrer, il suffit d'en imprimer une partie de cette façon; avec des changements absolu-
ment
insignifiants
tique
:
,
on retrouve toute
L'an mil trois cens soixante
En un
et
la
phrase poé-
onze,
jardin estoys sous l'ombre,
Comme à l'issue du mois d'avril, Tout morne, dolent et pensif; Mais un peu
je
me
resjouy
Du
son et du chant que je ouy
De
ces gents oysillons sauvaiges
Qui chautoient dans leurs langaiges,
Le merle, mauvis et mésange, Qui au printemps rendoient louange, Qui estoient gais et envoisiez. Ce doulx chant me Et tout
^
Que
mon cueur
lors
fist
envoisier
sy esjoir
nie va souvenir
il
Du temps passé de ma jeunesce Comment Amours en grant destresce M'avoient en celluy temps tenu
En son
service, où je fu
Mainte heure Si
comme
fait
liez,
autre dolant,
à maint amant.
Mes tous mes maulx guerredonna Pour ce que belle me donna, etc.
On pourroit encore continuer pendant plus d'une page; mais ceci
suffît
pleinement à la démonstra-
Préface.
XXX tion.
Du reste, nous savons de Geoffroy lui-mênJe qu'il
avoit écrit en vers
:
nous venons de
,
il
continue
encore la forme des vers primitifs
En
me
elle tout
que
car, quelques lignes après ce
citer
—
je
rétablis
:
deliloye
Car en celluy temps je faisoye Chançons, ballades et rondeaux , Laiz , virelayz et chans nouveaux De tout le mieulx que je savoye. Mais
La
la
mort, qui trestous guerroyé mainte tristeur
,
prist, dont
Ay reccu
mainte douleur.
et
Sans chercher d'exemples plus anciens, ceux de Quènes de Béthune, de Thibault de d'autres,
il
est
trouver à cette écrit
Champagne
et
de tant
moins rare qu'on ne penseroit de époque des grands seigneurs ayant
en vers. Ainsi, l'historien du grand maréchal
de Doucicaut
,
né en i368,
de celui que con-
et fils
nut notre Geoffroy, parle ainsi de
lui
:
« Si preint à
» devenir joyeux, joly, chantant, et gracieux plus
» que oncques mais, » deaux, virelays,
ron-
et se preint à faire balade,
lais et
complaintes d'amoureux sen-
» timent, desquelles choses faire gayementetdoulce»
ment Amour
le
feist
en peu d'heures un
» maistre que nul ne l'en passoit;
si
comme
si
bon
il
ap-
» pert parle livre des cent ballades, duquel faire luy
» etle seneschald'Eufeurentcompaignons au voyage » d'oultre mer... Jà avoit choisy dame... et, quand ))
à danse ou à feste s'esbatoit où
»>
chantoit chansons
):>
avoit
fait le dit,
et
rondeaux
et les disoit
,
elle
feut,
là..
.
dont luy raesme
gracieusement pour
Préface.
xxxj
donuer secrètement à entendre à sa dame en se complaignant en ses rondeaux et chansons comment » l'amour d'elle le deslraignoit*. » Nous ne connais)j
>j
sons aucune pièce de notre Geoffroy sible qu'il siècle, et, le
y en
s'il
nom de
dans
ait
les
s'en trouvoit portant
messire Geoffroy
,
;
mais
il
est pos-
recueils faits au xv*^
comme
suscription
on pourroit
les lui at-
tribuer.
Non seulement mais
,
entiers
lui-même
nous
n'écrivit pas ses
il
il
car dans ce
:
Enseignements
les avoir écrits tout
ne paroît pas
en vers
même
prologue
clercs qu'il avoit à extraire de ses livres, « » Bible
» de
,
il
emploie deux prêtres et deux
dit (p. 4) Qu'il
comme
la
Gestes des Roys et croniques de France et
Grèce
d'Angleterre et de
et
maintes
autres
» estranges terres », les exemples qu'il trouve bons
à prendre pour faire son ouvrage. Dans tous les cas, l'esprit
du temps
nellement des
la Vie des Saints
ployé personne sotf
époque
;
étoit trop porté à se servir éter-
de la Bible de l'Évangile et de pour que Geoffroy n'eût-il era-eût échappé à cette condition de
faits ,
,
mais
,
,
c'est
à l'inspiration toute religieuse
de ces aides que nous devons cellente d'intention
,
la
prédominance
ex-
,
mais littérairement regrettable,
des histoires tirées de
la Bible, qui
ne nous appren-
nent rien. La division en neuf fautes du péché de notre première mère doit être aussi de leur je verrois
1.
Le
cicaut
eb. ix.
,
fait
,
et
encore une trace de leur collaboration dans
livre des faicts
du bon messire Jean le Maingre, dit Bouet gouverneur de Gennes, i'« partie,
maréchal de France
— Collect.
Michaud
et Poujoulat,
i"
série,
t.
11, p.
aii.
Préface.
xxxij la
manière dont
façon régulière
le
car, en plus d'un endroit, l'on trouve
:
qu'il sera parlé
plan annoncé n'est pas suivi d'une
d'abord de
nature d'exemples et
telle
quand
ensuite de telle autre, et,
cela est
fini, le
livre
revient sur ses pas pour reprendre une partie qui avoit paru complète. Quoi qu'il en soit, que la quan-
de ces exemples pieux et leur phraséologie lente,
tité
et tout à fait
analogue à
temps, soient ou non du
du
le
remettre en lumière
donner
l'esprit
du
de cette sorte,
n'ont en elles aucune
du temps
,
livre ne sont
pas
ne serviroit à
il
là.
rien-
car ces histoires pieuses
utilité, ;
même
sermons du
des aides du chevalier ou
sien, la valeur et l'intérêt
Si tout en étoit
de
celle des fait
pas
même
de connu
celle
celui-ci est assez bien
pour qu'on n'ait sur ce point nul besoin d'un nouvel exemple, et le livre n'est pas assez ancien pour être
comme monument de
important
de sa valeur
la langue,
Ce par quoi contemporaines
particulière.
c'est
par
c'est
en nous montrant dans
les histoires
le
,
l'on
si
moderne
et guerriers*,
en dehors
est curieux,
qu'il raconte
monde
se servir de cette expression toute
sonnages historiques
il
comme
;
peut
des per-
,
Boucicaut
Beaumanoir, en les faisant agir et parler c'est en nous entretenant des femmes et des modes de son temps, et, toutes les fois qu'il parle dans ce sens, soit et
;
que ces lier
parties soient les seules écrites par le cheva-
même
son style
,
soit qu'elles lui fussent plus
s'allégit et
du mouvement son intérêt
et
;
si
prend réellement de
même
heureuses la
forme
et.
tout en étoit de cette sorte,
son importance en seroient singulière-
ment augmentés. 11 a, du reste, eu peu de bonheur auprès de quel^
Préface.
xxxiij
ques uns de ses juges. L'auteur de la Lecture des Li-
au
^^ Gudin dans son hisLegrand d'Aussy dans une notice spéciale^, qui, par là même, auroit dû être plus étudiée et plus juste, en portent un jugement à peu près aussi peu intelligent. Pour eux, le livre n'est composé que de capucinades ou d'obscénités. Sans y voir de capucinades, je conviendrai que tout le monde gagneroit à ce que la Bible eût été moins largement
vres français
x'w^ siècle
toire des contes 2, et
mise à contribution
;
mais
il
n'est
pas possible de
trouver
le livre
obscène, non seulement d'intention,
mais de
fait. Ils
se fondent sur les
ceux qui
firent fornication
en
deux
l'église
,
histoires
réflexions et sur quelques conclusions peut-être
simples et
à ce
même
maladroites
qu'ils disent. Il seroit
qu'un
;
mais
d'abord
homme évidemment
bien
il
de
sur quelques
y a
difficile
un peu
loin
de là
d'admettre
élevé et des meil-
leures façons de son temps, versé à la fois dans le
monde de
et
dans
celles à qui
qu'on ne
l'éloit
les livres, et qui, il
s'adresse
autour de
,
lui.
de plus, est le père
eût été moins réservé
De
plus, en dehors de
qu'&iques passages, plutôt naïfs que grossiers
,
il
fait
preuve, au contraire, d'une délicatesse singulière ainsi
il
seroit difficile
même
analyse et une appréciation plus fines et en
temps plus honnêtes des sentiments que
I.
Mélanges
tirés
:
de trouver à cette époque une les raisons
mi-
d'une grande bibliothèque, in-8, toI. D, 1780,
p. 94-6. a. Elle
forme
le
1"
vol.
de ses Contes. Paris, Dabin, 1804, a
vol. in-8, I, 101-8.
3. Notice des manuscrits de la BiblioUjèque
,
in-4",
t.
V, an 7,
p. i58-i66.
3.
Préface.
xxxiv
bouche de sa femme, lorsqu'il a avec conversation qui forme un des plus longs et
ses par lui dans la elle cette
des meilleurs chapitres. Mais, pour dire qu'il y a dans ce livre même des grossièretés , il faut ne pas penser à ce qu'étoit la chaire à cette époque
penser à ce qu'étoient
les fabliaux
ne pas
,
or les femmes
;
entendoient les sermons à l'église, les fabliaux dans leurs châteaux ou dans leurs maisons, où l'on faisoit
venir les jongleurs. Dans ces siècles, les femmes, pour
aucune époque de leur vie, n'ignoroient
ainsi dire à
mots
la chose ni les
;
l'honnêteté
étoit
dans
la con-
duite et n'étoit pas encore arrivée jusqu'aux formes
du langage.
11
seroit plus vrai
la question en connoissance
de dire, en considérant
de cause, que
chevalier témoigne, au contraire
,
le livre
du
d'un sentiment de
réserve qu'il ne seroit, à cette époque, pas étonnant d'en trouver absent. Il
livre
y auroit encore bien d'autres choses à dire sur le même à montrer, comme Caxton et le traduc;
teur allemand l'ont déjà dit, que Geoffroy n'a pas seu-
lement
fait
un
livre
pour de jeunes
filles
,
livre général qui s'applique à toute la vie des Il
et
mais un
femmes.
y auroit à examiner surtout les idées d'éducation de morale qui en ressortent et la forme sous la,
quelle elles sont présentées
de beaucoup
citer, et,
;
mais
comme
il
seroit nécessaire
les conclusions
à tirer
ressortent naturellement de la lecture elle-même
vaut d'autant mieux le
les laisser faire
,
il
au lecteur, que
but d'une préface doit être beaucoup moins de
juger complètement l'ouvrage,
et d'en
rendre
la lec-
ture inutile, que de donner les renseignements et de
résoudre
les
questions de
fait
que
le livre
ne peut
Préface. donner lui-même
et
que
le
xxxv
lecteur ne doit pas avoir
à chercher. Je dirai seulement que l'ouvrage doit moins rester dans la classe des livres si nombreux
—
il y seroit par pour des éducations spéciales du Discours sur l'Histoire universelle et du qu'être joint aux livres si curieux qui Télémaque
écrits
trop loin
—
sont consacrés durant tout le fense
du
ou à
l'attaque des
moyeu-âge à
femmes.
côté honnête et juste
,
Il
dé-
auprès du livre de Chris-
de Pisan, du Ménagier de Paris,
tine
la
y tiendra sa place,
— plus piquant
peut-être parcequ'il est plus varié et s'occupe de la vie matérielle, mais plus bourgeois et moins élevé de
ton et d'idées,
— auprès d'autres
livres encore qu'il est
Tous ceux qui s'occuperont de l'histoire des sentiments ou de celle de l'éducation ne pourront pas ne point en tenir compte et ne pas inutile
d'énumérer
le traiter -
Enfin
,
avec il
ici.
la justice qu'il mérite.
est encore nécessaire d'ajouter
savons à n'en pouvoir douter
de notre Geoffroy,
pour
ses
fils.
Il
,
qu'il avoit écrit
le dit
que nous
car nous l'apprenons
un
livre semblable
positivement au commence-
ment « Et pour ce... ay-je fait deux livres, l'un » pour mes ^Is, et l'autre pour mes filles pour apprendre à roumancier'... » Dans deux autres passages ^ il y fait de nouveau allusion « Par celluy :
,
i->
:
» vice l'en
«
tels,
entre en trestous les autres
comme vous le
vij
vices
mor
trouverez plus à plain ou livre-
» de voz frères, là où
il
parle
comment un hermite
» qui eslutcelluy péchié de gloutonie etlefist ets'en.
I.
a.
Page 4 de cette édition, Pages 175 et 179.
Préface.
xxxvj
B yvra, et parcelluy ilcheist en tous les » mortels
»
vij »
;
,
et plus loin,
tant sa croix
vij
péchiez
cuidié eslire le plus petit des
et avoit
quand
parle
il
du
Christ por-
qui se retourne vers les saintes fem-
,
mes, « et leur monstra le mal qui puis avint au pays, » si comme vous le trouverez ou livre que j'ai fait à » voz frères ». Le meilleur manuscrit de Paris avoit remarqué ce fait , car il met ici en marge cette reNotez qu'il fist ung livre pour ses filz. »11 marque falloit aussi que dans un manuscrit, probablement plus exact ou plus voisin du premier original , il y :
(c
en eût une autre mention
nous trouvons dans la partie
» the booke of
»
précisément à la
fin
car
;
de Caxton
que nous avons déjà eu occasion de citer
cette phrase,
dans
,
la fidèle traduction
généalogique
« as
:
my two sonnes
it is
and also
reherced in
an evvan-
in
»
gill.
Malheureusement nous ne savons ce qu'est devenu ce second livre
même
du
chevalier, écrit sans doute dans le
goût que ses Enseignements à ses
filles
,
qui
devoit être aussi composé de récits pris dans les histoires
et les
chroniques et d'aventures contempo-
peu de
raines. Peut-être devons-nous sa perte et le
succès qu'il paroît avoir eu
trouvé de mention nulle
— car nous
part—
à ce que
bon cheva-
y aura trop laissé faire à ses chapelains et que livre, ainsi presque uniquement rempli par de
lier
le
le
n'en avons
,
trop réelles répétitions, n'a pas eu assez d'intérêt
pour
sortir
est vrai
néral
,
du
cercle
pour lequel
il
avoit été
fait. Il
de dire aussi que, son point de vue étant gé-
— des histoires masculines sont des histoires
de toutes sortes
—
il
se trouvoit avoir à lutter,
pour
Préface. faire
son chemin, contre tous
les-
xxxvij de contes,
recueils
tandis qu'une réunion d'histoires uniquement féminines, étant quelque chose
veau
,
de plus rare
et
de plus nou-
a eu plus de chances pour sortir de la foule et
pour demeurer en lumière. Quoi nuscrit
qu'il ,
en
soit,
mais sans
il
le
existe peut-être encore en
nom de
d'une manière formelle l'introduction
,
soit
son auteur sur le
et le chevalier, qui,
;
titre
ma-
au moins
,
,
soit
dans
comme on l'a vu,
le travail de ses aides avec assez de donner une disposition et une forme
ne révisoit pas soin
pour
lui
générale bien assises, et n'a pas mis de
fin
au livre
pu ne pas écrire de prologue pour le livre de ses fils. Mais l'on auroit deux points de repère qui feroient reconnoître à peu près à coup sûr
de
le
ses filles, a bien
second ouvrage
celle
:
ce sont les
deux
histoires citées,
de l'hermite qui tomba dans tous
les
péchés pour
abandonné à la gourmandise comme au plus petit, et celle du Sauveur portant sa croix, prédisant aux saintes femmes le mal qui devoit arriver au pays, c'est-à-dire la ruine du Temple et la dispersion des
«'être
Juifs. J'ai
parcouru, sans rien trouver qui
me
satisfît,
quelques uns des recueils anonymes d'histoires qui ont été écrits en grand
nombre vers
cette
époque
;
d'autres seront plus heureux que moi.
III.
Manuscrits.
La Bibliothèque impériale possède à ma connoislivre du chevalier de ,
sance, sept manuscrits du
Préface.
xxxviij
La Tour. Je vais les décrire brièvement, en les rangeant , non dans Tordre de leurs numéros mais ,
selon l'époque de leur transcription et selon leur va-
leur relative.
Le plus ancien est le n"^ 74o3 du fonds françois. est en parchemin de format in-folio mediocri et écrit sur deux colonnes de trente lignes. Il a i^o
Il
,
feuillets,
dont
,
premiers sont occupés par la
les trois
128 par
table, les feuillets 5 à
128 à i4o par Thistoire de feuillet est tout
le texte, et les feuillets
Le premier dans sur un banc de gazon,
Griselidis.
encadré d'ornements courants
la miniature, le chevalier, assis est
vêtu d'une jaquette très courte
net
lilas,
la
découpé de
à avoir dans sa
toilette.
Les
à longues manches, sont toutes
d'un bon-
extravagante et
la façon la plus
moins analogue aux conseils du
cité
et coiffé
;
livre sur la simpli-
trois filles,
trois
en robes
debout
;
l'aînée
a seule une ceinture, et la troisième a la tête nue.
Les
sont bleues à dessins rouges.
lettres capitales
Quoique
le
plus ancien
cement du xv^
siècle
,
et
,
certainement du commen-
l'adjonction, toute
de Griselidis
convenable
prouveroit que
manu-
d'ailleurs
,
scrit n'est
qu'une copie et n'a pas été faitpourl'auteur
lui-même
;
noître
malgré cela
,
—
et
le
maintenant pour recon-
sûrement un manuscrit
fait
pour l'auteur
,
il
faudroit y trouver ses armes et celles de l'une de ses
deux femmes
—
celui-ci est excellent et le meilleur
de
tous, avec celui de Londres, dont nous parlerons plus loin.
Le manuscrit qui vient après conou
le
gnières.
dernier, porte 11
est in-folio
celui-là, et
que
j'ai
1009 du fonds de Gaimediocri sur parchemin , à
le n**
Préface.
xxxix
deux colonnes de trente-six Ugnes,-et agi feuillets, dont 82 de texte, 1 de table et 7 pour l'histoire de Grise-
La miniature
lidis.
est très grossière et
peut
même
avoir été ajoutée postérieurement.
Dans pour
7078 Mu fonds françois, La Tour n'est qu'une partie
le n'
valier de
on peut voir,
que M. Paulin Paris en a
ses Manuscrits françois (V, suffise ici
;
ouvrages qui l'accompagnent
l'indication des
la description
1842
faite
dans
p. 71-86). Qu'il
,
de dire que dans ce volume notre texte
occupent, sur deux co-
et la table des chapitres
moyenne
lonnes de 35 lignes en
les feuillets
,
122*. La copie en est très inexacte, et
dû
n'a pas
du che-
le livre
payé à la page
être
pour avoir plus
tôt fini,
il
ne
,
mais à pas
s'est
le
55 à
scribe
car
forfait, fait
faute de
sauter des parties de phrase, dont l'absence n'ajoute
pas à lets
la clarté. 11 doit
de son original
incomplets
;
môme
on trouve deux
,
avoir tourné des feuil-
car, sans
que
fois
ses cahiers soient
dans sa copie une
lacune qui correspond à celle d'un
seconde
fois,
feuillet, et qui, la
porte sur une des histoires les plus inté-
ressantes, celle de M™'' de Delleville, dont
que
scrit
la fin.
Une mention
difier.
garde porte
min
n'a tran-
qu'il
a appartenu à Guillaume
de garde est
un chevron de sable
s'y
mo-
écrite sur la dernière feuille
de Saint-Maclou de Rouen
,
feuille
il
La langue commence déjà à
;
de
du Che-
sur la première
collé l'écu des Bigot, d'argent ,
à
chargé en chef d'un croissant
d'argent et accompagné de trois roses, posées deux
1.
En marge du
bert le
Moyne
feuillet 86
on
lit
les
deux noms
:
« Maislre
» et « Guillaume Saro, escuycr, dem. à Sainct
Ro-
....
»»
Préface.
xl
une en pointe ; on y
nom de
en chef
et
Thomas
Bigot, père d'Emeric, et Técu est répété sur
le
dos de la reliure
volume
ce
;
lit
aussi le
portoit dans leur
bibliothèque le n" 148*. J'oubliois de dire qu'il y a
une miniature
en camaïeu
initiale
,
mais sans impor-
tance.
Le manuscrit de Saint-Victor, n" 853, relié en la der, en maroquin rouge, avec le R. F. de
i852
nière République, est sur parchemin, de format petit in-fo carré
,
à 3g longues lignes par page et d'une
grosse écriture de la
miers
89 chapitres en haut
;
fin
du xv^
premier
le
siècle.
Les deux pre-
occupés par une table divisée en
feuillets sont
du
feuillet
texte, qui porte
1642, a une détesmarge, deux écussons en
la signature Duboiichet,
table miniature
,
sur la
et,
losange, partis, à dextre, d'or à la croix contre-her-
minée
,
et
,
à senestre
de gueules à
,
de
trois fasces
vair à la bordure d'or. Nous ne savons à qui appartiennent ces armes
; nous ferons remarquer seulement que les maisons de Mercœur en Auvergne et de Royère en Limousin portent de gueules à trois fasces de vair*. Les douze derniers feuillets sont occupés par
l'histoire
de Griselidis
lieur a mis sur le dos
Le
n<>
7673*
,
,
pour cela que
et c'est
:
le
re-
Miroir des femmes mariées.
qui porte dans
fonds Delamarre
le
le
n° 233, est sur parchemin et petit in-4" à deux co-
lonnes très étroites et de 3o lignes.
en tête de quelques
de
celle qui
1. Bibliot.
8
feuillets
mangea
Bigoliana
Grandmaison
.
,
,
l'anguille
1710,
in-i-2,
et :
Il
est incomplet
commence au conte u
[Un exemple vous
pars quinta
,
p. 10-11.
Dictionnaire héraldique, i853, in-4". c^L 355.
Préface. » vueil dire sur]
xlj
des feipmes qui mangeoient
le fait
» les bons morceaux en Tabsence de leurs maris. »
Les derniers
même
—
let
du ms. sont
feuillets
incomplet de la le
il
;
du dernier
est
feuil-
verso est collé sur une feuille de papier qui en
soutient les
morceaux
—
de Catonnet. Les
toire
très mutilés
car le recto
fin,
dernier siècle et sans
s'arrête
de
fers
titre
sur
dans la
le
dos
de
fin
la reliure,
l'his-
qui est du
paroissent al-
,
lemands.
Le n» 7668
est sur
parchemin, de format petit in-
4°, et dans sa reliure originale de bois couvert de
velours vert et garni autrefois de fermoirs.
est
Il
écrit à longues lignes d'une écriture très cursive et
négligée, de la fin
du xv«
siècle; les feuillets
sont occupés par notre roman, 126 à tience
de
Griselidis,
4
1
35 à 189 recto par
à 125
1
34 par
la
pa-
l'histoire
du
chevalier Placidas et de son martyre, après lequel fut
nommé
par
le
saint Eustache
Débat en vers du corps
et
dont on trouve une édition dans
de l'âme,
le
le recueil
même
que
j'ai
Muséum et dont la réimpression forme
copié au British les trois
il
i39 verso à i44
enfin
,
premiers volumes de V Ancien Théâtre fran-
A la fin du Débat se trouve la signature Ledru, évidemment celle du copiste. Le volume a fait partie çois.
de
la bibliothèque royale
on
lit
sur
le feuillet
du château de
de garde
:
Bloijs, et
Blois
,
car
au dessous
:
a Des hystoires et livres en françoys. Pul° i"(pulpito
» primo).
Au
— Contre la muraille de devers
xvii"' siècle
on mit sur
,
le
premier
la court.
»
feuillet le n<*
MCCLiiii, et plus tard les n"* io52 et 7668, qui est le
numéro
actuel.
Au commencement,
dans son jardin
,
est peint
le
chevalier, seul
dans la grande
lettre,
et
Préface.
xlij
rencadrement assez délicat de
la
page
formé de rin-
,
ceaux, de fleurs et de fraises, offre deux M, l'un rose, l'autre bleu
et la place
,
,
malheureusement grattée
d'un écu d'armoiries.
Le n" 3189 du Supplément in folio sur papier, d'une très
du
la fin
notre il
et les
roman
Après un
traité
en françois sur Dieu, se trouve
incomplet d'un ou deux
,
ne commence que dans
des deux ces
mots
«
...
la
feuillets
première histoire,
car
,
celle
de l'empereur de Constantinople, par
filles :
petit
commandements de
xv'^ siècle.
péchés
les
un
françois est
mauvaise écriture de
toutes foiz qu'elle s'esveilla, et pria de-
»
votement plus pour
et
ne de-
y
moura guerres que ung grant roy de Grèce
la feist
les
mors que devant
» demander, etc. »
Dans
autres bibliothèques de Paris
les
connois qu'un manuscrit sur vélin siècle et sans
senal
il
;
,
de
je n'en
,
du xv«
la fin
importance, U la bibliothèque de l'Ar-
a été indiqué par Haenel dans
gue des bibliothèques d'Europe
son catalo-
(Lipsiae, i83o, in-4°,
col. 340).
Mais car,
il
n'y en a pas
pendant
mon
de manuscrits qu'en France
séjour à Londres, j'en ai
un excellent aussi bon meilleur que notre manuscrit 74o3. collationner
,
comparaison, et en bli le texte
ciens,
que
me
l'un
de l'autre,
et
même
C'est sur leur
servant des deux, que
je publie; ils sont les
contemporains
pu voir
sinon
,
j'ai
éta-
deux plus et
an-
ne sont pas
dans un autre dialecte, ni môme avec une orthographe sensiblement différente, ce qui m'a permis de prendre toujours la meilleure leçon donnée par
écrits
l'un
ou par l'autre, sans craindre d'encourir
le
repro*
Préface.
xliij
che d'avoir mélangé des forniÊS contraires et mis
ensemble des choses opposées.
Il
se trouve au Bri-
Muséum, dans la collection du roi ', où il porte comme numéro la marque :19 c viii. Ce manuscrit, sur parchemin, est composé de cahiers de huit feuillets avec réclames, à 33 longues lignes à la page, offre i64 feuillets, chiffrés en lettres du temps de son exécution. Le livre de La Tour Landry y occupe les tish
1-121
feuillets
;
le livre
de Melibée, par Christine de
Fisan, les feuillets 122-146, et Tliistoire de Griselidis les feuillets 147-162.
Sur deux derniers
feuillets,
d'abord restés blancs, une main postérieure a ajouté
Le
codicille
M^ Jehan ùe Meung. En
trouve une miniature;
le chevalier,
du
tète
texte se
vêtu d'une robe
'bleue à longues manches et tenant un rouleau de
papier sur ses genoux, est assis sur un banc de ver-
dure qui
faille tour
jardin où
il
du pied d'un arbre
;
la partie
du
se trouve est entourée d'une haie carrée
soigneusement coupée, sage, mais un
treillis
;
et le
fond n'est pas un pay-
quant aux
trois filles, toujours
debout, l'aînée a une robe rouge avec un col ouvert en fraise
et
de très longues manches ouvertes;
les ro-
bes des deux autres sont rouges pour l'une, couleur
de chair pour
l'autre, et leurs
manches
très justes
leur recouvrent presque toute la main. Le manuscrit
a dû appartenir ensuite à quelque artiste du temps, car les feuillets blancs et les gardes sont couverts
de
très légers croquis
més ou d'hommes i. Cf.
appendix
et
au crayon roux d'hommes ar-
de femmes à cheval.
Catalogue of the manuscripls of the King's library, an to Ihe
catalogue of the Cottonian library, by David Cas*
ey, deputy librarian, 1734, in-4", p. 298,
Préface.
xliv
La bibliothèque de Bourgogne
à Bruxelles en possède* deux manuscrits sur parchemin (n"* gSoS et 9542); lun d'eux a été, sous l'empire, à la Bibliothè-
que du roi (Belg. n« qui
le cite
1
15),
où
l'a
vu Legrand d'Aussy,
en tête de sa notice sur le Livre des Ensei-
gnements insérée dans Manuscrits; depuis
il
a
de Bourgogne. Nous ne
le 5^
les
volume des Notices des
retour à la Bibliothèque
fait
connoissons pas
;
mais
le
manuscrit 74o3 et celui de Londres sont trop bons et
en
même temps
trop conformes
,
pour
qu'il
nous
eût été nécessaire d'en consulter encore d'autres.
Enfin La Croix du Maine
^
nous apprend
qu'il avoit
aussi par devers lui le livre écrit à la main, et le
La Vallière en
duc de
possédoit aussi un ms., qui forme le n°
i338 du catalogue en trois volumes (1783, 1, p. 106): Le chevalier de La Tour, in-fol., mar. rouge. Beau
a
» manuscrit sur vélin du
»
» gnes.
11 est
xv*'
siècle
en ancienne bâtarde
feuillets écrits
contenant 98 à longues li-
,
,
décoré d'une miniature, de tourneures
» et d'ornements peints en or et en couleurs. » fut
vendu que 60
très supérieur
me
livres, bien qu'il fût
comme
Il
ne
certainement
texte aux éditions de Guillau-
Eustace, qui se vendoient pourtant bien plus
cher,
comme on
le
verra tout à l'heure
,
car nous
n'avons plus à parler que des éditions et des traductions de notre auteur.
1.
Catalogue des manuscrits de
gogne. Bruxelles, pages 187 8. Edit.
in f
,
et igi.
de 177a,
I,
la Bibl. royale
I, 184-2; Extrait
277.
des ducs de Bour-
de Plnventaire général,
Préface.
xlv
IV.
Traductions J'a
en commençant
dit
i
traductions angloises
L'une ,
la plus
Henri VI
du
ancienne
au British Muséum
Enseignements.
qui remonte au règne de
,
conservée en manuscrit
dans
,
deux
qu'il avoit été fait
livre des
est inédite et est
,
éditions.
et
le
fonds
Harléien
(
n^
1764. 67, C.*). C'est un manuscrit à 2 colonnes de
41 lignes, dune excellente et très correcte écriture, malheureusement incomplet de la fin et qui a beaucoup souffert. Le premier
feuillet
ornée et un entourage courant, et tous ont une lettre peinte.
Au deuxième
a une lettre les chapitres
feuillet,
on
les
lit
signatures de deux de ses anciens propriétaires, Paiilus
Durant
siècle et
trouve
de
même
Kellie
V gland
,
David
et
Kellie
,
:
u
siècle
on
;
au feuillet 87 cette mention, de la main
James by the grâce
of
God King
of
En-
France and Ireland and of Scotlaud and de-
nuscrit a 54 feuillets et
commence:
» incarnacion of our lord hevi and
ail
parles mots
warme
:
le
ma-
was in a
gar-
thought... », et se termine (p.
238 de notre texte),
a withoute ani wisete y clothed myself
», suivi
La traduction
,
« In the yere of the
m ccc Ixxi as y
full of
dans l'histoire des deux sœurs » in
xvi'^
suivant
» fender of the faith. » Dans son état actuel
» den
du
écrites à la fin
au commencement du
du mot
est exacte, la
clothes
comme
réclame.
langue excellente
et cer-
tainement bien moins traînante et embarrassée que 1.
Nares
in-f'>,
,
Catalogue of the mss. of the Harluian library
London, i8o8-i5
;
II, p. 208.
,
4 vol.
Préface.
xlvj celle
Du
de Caxton.
de plus complets
ceux qui voudroient avoir
reste,
détails sur celte traduction
anony-
me
pourront en voir d amples fragments transcrits dans un excellent article de la première Rétrospective
Review, publiée à Londres
il
y a une vingtaine
d'années*. La sévérité angloise paroît avoir
ché Tauteur de citer
empê-
les histoires les plus curieuses
préférablement à celles dont l'honnêteté est la trop
unique valeur; mais ces extraits suffisent pleinement
pour faire juger du mérite de la traduction, pour nous la plus utile partie de leur travail.
La seconde traduction
de Caxton,
est
cien imprimeur de l'Angleterre
voir
le livre
et
,
il
est
et c'est
plus an-
le
curieux de
de notre auteur être une des premières
productions de
la
presse dans un pays étranger.
On sait
quel nombre Caxton a publié de traductions du françois, et
il
nous
de
suffit
un
est
in-4'',
dont
cun, sont signés face
les
;
la prière
les cahiers
,
de huit
loin.
feuillets
dit avoir entrepris cet
dame
Voici
le titre
cha-
nom de
ouvra-
qui avoit des
aucun bibliographe anglois n'ayant le
énuméLe livre
commence par une pré-
d'une grande
une supposition sur
1.
rappeler, car une
aii-niiij. Il
du traducteur, qui
ge sur
le
beaucoup trop
ration nous mèneroit
fait
cette protectrice
exact de cette excellente collection
pue malheureusement peu de temps après
le
,
fil-
même du
interrom-
volume où
se trouve
The rétrospective review, an historical and antiquarian magazine, edited by Henry Southern esq M. A. of Trinily collège, Cambridge, and Xicholas Harris esq., F. S. A., of the Inner Temple barrister at law in-8 '. New séries, vol. des Counsels
l'article sur le livre
:
,
,
I,
1897, part.
II, p.
Revue britannique
,
—
177-94. a« série
,
t.
L'article a été analysé
V, i83i,
p.
343-6i.
dans notre
Préfacé.
xlvij
de Caxton nous ne pouvons qu'imiter leur silence nous aurions donné cette préface en appendice, si on ne pouvoit la voir reproduite dans l'éditravail
,
;
Typographical antiquities de Jos. Ames Les caractères employés par donnée par Dibdin Caxton sont ceux dont on peut voir dans Ames le fac-
tion des
^ .
similé d'après les chroniques d'Angleterre
'^.
C'est ce
caractère irrégulier, plein de lettres liées entre elles et
de mêmes
de formes différentes, qui
lettres
apporte plutôt l'idée d'une écriture assez incorrecte
que d'une impression elle est très analogue à un facsimilé donné dans Ames (p. 88) d'une copie manus;
crite
d'Ovide qu'on attribue à Caxton. Après
face, qui tient le
premier
feuillet
tienttrois, vient le texte, qui
,
la pré-
et la table
commence
:
qui en
Hère be-
«
»
gynneththe book whiche the knyght ofthe toure^
»
made and speketh
of
many
fayre eusamples and
» thenseygnements Il
and techyng of his doughters. » se termine par la mention suivante « Hère fy-
»
nysshed the booke which the knyght of the Toure
:
»
made
)>
doughters translated oute of frcnssh
to
the
enseygnement and techyng of in to
our
his
ma-
me William Caxton, which book was ended and fynysshed the first day X» of Juyn the yere of oure lord m.cccc Ixxx iij And » emprynted at Westmynstre the last day of Jan» ternall Englysshe tongue by yj
» yuer, the first yere of the règne of
1.
London 4
s.
N* 4
,
face de la 3.
^'^ I3
vol. in-4", 1810,
t.
1, n''
27 des Caxton, p. 202-8.
planche de Basire portant
page 88.
Caxton ne
sait
pas le
nom
kynge Rychard
de Landry.
le n''
8
,
et
placée en
Préface.
xlviij
» the thyrd.
to
On a
sous la date de i484
quelquefois mis à tort ce livre
Tannée i483 ayant été comprise
;
entre le 3o mars et le i8 avril, et Edouard IV étant
mort
avril
9
le
qui est
i483,
bien cette année i483
c'est
première année du règne de Richard
la
III
•.
Les exemplaires complets en sont, du reste, assez rares.
Ames
(1810) ne cite que trois exemplaires,
de lord Spencer, du marquis de Blandford
et de Sa Majesté ; ce dernier est sans doute l'exemplaire complet que nous avons vu au British Muséum. Il y en auroit encore un dans la Bibliothèque publique de
celui
Cambridge et deux à la Bodléienne, mais imparfaits tous deux d'une feuille. Un exemplaire sur vélin, marqué 5 1. 5 sh., chez M. Edwards, cat. de 1794, n" 1267, étoit en i8io chez M. Douce; mais ce fut un prix bien vite dépassé ; ainsi l'exemplaire de la vente de Y/hite Knightsfut payé 85 livres i shilling, et celui 1
1 1
de
livres
Quant à croyable
vente de Brandt, en 1807, fut acheté
la
6
la traduction
si
on
le
d'une
fidélité et
le
même si
,
et
naïve exactitude , que
il
rencontroit
doutes sur ce point
,
il
ne pourroit pas y avoir de
tant sa phrase est calquée sur
,
son texte, avec un mot à mot
si
fidèle
i.Dibdin, Bibliotheca Spenceriana, n" 857, avoit
fait
*.
est d'une in-
elle
y en a, on pourroit reconnoître manuscrit même suivi par Caxton , et,
par ses méprises, à coup sûr
pour lord Spencer
shillings
remarquer
mais sa preuve en
t.
que
le
la
pureté
ÏV, 1815, p. 967-8,
qu'il falloit s'en tenir à la
étoit
que
commencement de
date
de
i483
;
l'année suivante
n'arriva pas avant le a5 mars, ce qui ne s'accorde pas avec les ta-
bles chronologiques des Bénédictins. a. Cf. Bibl,
Spenceriana.
Préface. de son anglois en souffre
le
xlix
Du reste, on
plus spuvent.
en pourra bientôt juger, car M. Thomas Wright, aux publications de qui notre ancienne littérature doit
autant que l'ancienne littérature de son pays , en va publier une réimpression Club, dont
du
inédite
il
est
British
Muséum
Warton
exacte pour le
un des fondateurs.
Si la traduction
complète,
étoit
il
faudroit
incontestablement la suivre, à cause de sa supériorité
sur celle de Caxton.
On pourroit prendre le
de composer l'édition pour traduction inédite et pour la
dant
les trois fin
avec Caxton. Cepen-
langue des deux traducteurs est
la
parti
quarts avec la
différente,
si
qu'en mettant une partie de l'œuvre de l'un à la suite
de l'œuvre de
l'autre,
onauroit à craindre d'ar-
river à un effet trop disparate,
et,
comme
le
Caxton peut-
est introuvable, les bibliophiles préféreront
être en avoir la reproduction entière.
Enfin j'ajouterai, à propos de l'édition de Caxton, que,
si
siècle
,
rare qu'elle soit maintenant, c'étoit au xvi«
en Angleterre, un livre qui étoit tout à
circulation. J'en donnerai
fait
en
pour preuve ce curieux pas-
sage du Uook qf Ihisbandry, publié en i534 par Sir Anthony Fitz-Herbert, qui avoit la charge importante
de lord chiefjustice
'
.
L'appréciation est trop curieuse
pour que je ne la reproduise pas en entier la fidélité
parlant de
;
qu'une femme et un mari doivent avoir dans
les achats qu'ils
fontau marché,
il
continue
:
« Je pour-
» rois peut-être montrer aux maris diverses façons
1.
Je
tire le
passage
,
non du
livre,
nécessairement inconnu à un
étranger, mais de l'article qui lui est consacré dans la nouvelle
Rétrospective Review,
London
,
Ilussell-Sniith, in-S".
N»
i853, pages 864-73. 4.
3,
May
Préface.
1
T dont leurs »
femmes les trompent, et indiquer de méme comment les maris trompent leurs femmes.
»
Mais
si
je le faisois
j ,
'indiquerois de plus subtiles
» façons de tromperies que l'un ou l'autre n'en saî>
>?
me
chevalier de
» les, î>
A cause de
voit auparavant.
» meilleur de
et,
écrivit
par
un
» mettre à
taire
La Tour, qui
»
un
« une ))
me semble comme le
avoit plusieurs fil-
livre
dans une bonne intention, pour
les
même
d'éviter et de fuir les vices et
de
Il
leur enseigne dans ce livre
comment, si elles étoient courtisées et tentées par un homme, elles devroient s'en défendre. Et, dans
» ce livre, )>
il
faire
l'affection paternelle qu'il leur portoit,
» suivre les vertus. »
cela,
de peur de
,
il
homme
montre tant de façons
naturelles dont
si
peut arriver à son dessein d'amener
femme à mal
à leur but sont
si
,
façons pour en venir
et ces
subtiles
,
si
compliquées
ima-
,
» ginées avec tant d'art, qu'il seroit difficile à aucune
hommes.
» de résister et de s'opposer au désir des
» Par ccdit livre, »
il
a
fait
que
mes connoissent plus de
les
hommes
vices
» tromperies, qu'ils n'en auroient
» livre n'eût pas été fait, et ))
me lui-même
,
de
fem-
et les
subtilités
jamais connu
dans ce livre
il
se
,
de
si le
nom-
chevalier de La Tour. Aussi, pour
le
» moi, je laisse les
femmes
faire leurs affaires
avec
» leur jugement. »
Le jugement de lord Fitz-Herbert ver que Dibdin, pour avoir décrit pas autrement lu
de Ames
(1.
prou-
ne
l'avoit
car, renvoyant, dans les additions
372), à la notice de Legrand d'Aussy, et
faisant allusion C(^lui-ci fait
;
suffiroit à
le livre,
aux passages purement
naïfs
dont
des obscénités, Dibdin ajoutoit qu'il fal-
Préface. loit
Ij
espérer que Caxton avoit sauté de pareils passa-
temps de
ges. Je n'ai pas eu le
vérifier le
Caxton
nous n'en avons pas d'exemplaires en France je répondrois à l'avance
dû
teur, qui n'a pas
se
permettre
le
,
auroit
pu
mais
moindre retran-
chement. Seulement Dibdin, qui avoit disposition
;
de son honnêteté de traduc-
s'assurer
du
le
volume à sa
fait et
ne pas en
rester à cette singulière espérance.
Le
même
livre eut la
Angleterre
allemande
^Comme
:
car
par
faite
Caxton,
il
fortune en Allemagne qu'en
en parut en i493 une traduction
il
le
chevalier Marquard
fut plus exact
que ne
le
vom
Stein.
furent plus
tard les éditeurs françois, et n'ajouta rien au livre des
Enseignements
;
mais
,
plus heureuse que celle de
Caxton, sa traduction fut souvent réimprimée. La pre-
mière édition,
in-folio,
parut a Bâle, chez Michel Fur-
Der Bitter vom Turn, von den « Exempeln der Gotsforcht vn erberkeit », c'est-à-dire Le Chevalier de La Tour, des exemples de la piété et de l'honneur. En tête se trouve une préface du traducteur, mais qui ne contient que des généralités de ter,
sous ce titre
morale
;
:
ce
nous ferons remarquer seulement que, peut-
être par suite d'une faute d'impression ou d'une dif-
férence dans un manuscrit, la date de la composition
du
livre n'est plus iSyi,
mais 1370.
d'une superbe exécution, et dont
Le volume,
le British
Muséum
possède un très bel exemplaire, a fd feuillets et est orné de 45 gravures sur bois, réellement faites pour l'ouvrage, bien dessinées et bien gravées. Le chevalier
y est toujours représenté armé de pied en cap
môme
dans
la
gravure
bizarre, représenté
initiale,
où
il
est
,
idée assez
endormi au pied d'un arbre, pen-
lij
Préface.
dant que ses deux
filles
sont debout à côté de lui
;
mais, à part cette singularité, celte suite dlllustrations est tout à
remarquable. Après cette édi-
fait
tion, nous citerons les suivantes,
d après Ebert
:
une à Augsboarg, chez Schonsperger, 1498, in folio; une à Baie, chez Furter, en i5i3; Ebert di-
—
sant aussi qu'elle a 78 feuillets et des gravures sur bois
,
il
est possible
que ce
soit la
avec une nouvelle date changée, la nouvelle
trouver les
et,
première édition
dans tous
les cas,
en est une réimpression, où Ton doit re-
mêmes bois
une 'a Strasbourg, chez Knob-
louch, en i5i9, in-4''; enfin une autre à Strasbourg,
chez Cammerlànder, en i538, in-folio, avec des gra-
vures sur bois.
11
y en a sans doute eu d'autres édique tout récemment, en 1849,
tions; toujours est-il le
professeur allemand O.-L.-B. Wolff en a
volume^ de
fait le
8"
romans populaires qu'il a publiée à Leipzig chez Otto Wigand. Le prologue sa collection de
y est plus court,
et l'on
nombre, quelques
y voit
,
bien qu'en très petit
histoires nouvelles, celles
nélope et de Lucrèce
,
de Pé-
absentes de l'ouvrage origi-
nal, mais qui prouvent que, dans ses éditions suc-
» miroir de la
deMarquard vom Stein a subi « Un titre y est devenu vertu et de l'honneur des femmes et
» demoiselles
,
écrit
» par le très
renommé
cessives, la traduction
quelques remaniements. Le
n
de belles
1.
pour
l'instruction
chevalier de
de ses
filles
La Tour, avec
et utiles histoires sacrées et profanes. »
AUgemeines bibliographisches Lexikon von Friedrich Adolf
Ebert. Leipzig, iSîi, in-4", a.
:
In-ia de 171 pages.
t.
I,
col. 317,
n» 4078.
Préface. Ce ne
fut
françoise
un
liij
qu'en i5i4que parut
la
première édition
à Paris, chez Guillaume Eustace*. C'est
,
in-folio gothique, à
lets chiffrés,
deux colonnes, de xcv
précédés de 3 feuillets pour
un
table et suivis d
feuillet
séparé
feuil-
le titre et la
au recto duquel
,
une gravure en bois représentant le pape l'empereur et le roi de France et au verso la marque de ,
,
Guillaume Eustace. Otte gravure se trouvoit déjà au verso et la marque sur lui-ci ))
«
:
Régis»,
,
titre,
du roy,
libraire
au bas
et
» neufue nostre
:
qui est ce-
guidon des
Dame,
ou au palais, au troisiesme saint-iacques, à l'enseigne
me
:
«
intitulé le chevalier
» des guerres » quatorze
.
,
le
puillegio la
rue
à lenseigne De agnus dei,
>)
se trouve cette mention
Cum
Hz se vendent en
a
)^
))
du
la tour et le
guerres, Nouvellement imprimé à Paris pour Guil-
w laume Eustace »
recto
le
Le chevalier de
pilier.
Et en la rue
du crescent.
»
A
Cy
fine ce présent
de
la tour et
le
la fin
volu-
guidon
Imprimé à Paris en mil cinq cens et neufiesme iour de novembre. Pour
» Guillaume Eustace, libraire
du roy
et juré
de lu-
demourant en la rue neufve nostre-daV me, à lenseigne de agnus dei, ou au palais, en la » grant salle du troisiesme pillier, près de la chap» pelle où len chante la messe de mes seigneurs les » presidens. Et aie Roy, nostre sire, donné audit » Guillaume lettres de privilège et terme de deux » ans pour vendre et distribuer cedit livre affin des» Diversité
i.
,
La Cruix du Maine {Bibliothèque
françoise, édit. de 1772,
iGi et ijy) ne parle que de cette édition a dit que
le
Guidon des guerres
étoit
,
sur la foi de laquelle
de notre auteur.
I. il
Préface.
]iv
remboursé de
» tre
ses fraiz et mises. Et deffend le-
» dit seigneur à tous libraires, imprimeurs et autres » du royaulme de non limprimer suspainne de con-
damende
» fiscation desditz livres et
arbitraire jus-
» ques après deux ans passez et acomplis à » ter
du iour
comp-
cy dessus mis que ledit livre a
et date
» esté acheué d'imprimer. »
Le
texte des Enseignements,
Guillaume Eustace, occupe
me
on
et
à Ixxii;
i
à Ixxxv sont occupés par
feuillets Ixxiii
Melibée
dans cette édition de
les feuillets
le
de
le livre
de Prudence, que l'éditeur a trouvé, com-
le voit
dans
le
manuscrit de Londres et celui de
Paris (70731), à la suite de celui dont
s'est servi;
il
mais, avec peu de scrupule et pour bien donner au chelier
de La Tour
le livre
n'avons rien à dire
ici,
de Mélibée, sur lequel nous
tant
il
est
maintenant connu,
a écrit un raccordement par lequel la
il
met Mélibée dans
il
bouche du chevalier. Enfin, les feuillets Ixxxv à xcv Guidon des guerres « fait par le chevalier
offrent le ))
de La Tour
»,
ouvrage de stratégie qu'un autre rac-
cordement* de Guillaume Eustace met aussi dans la bouche du chevalier. Il formoit probablement la troisième partie du manuscrit suivi par Guillaume Eusa,9 9tct n'est nullement
1.
Le raccordement
de ses
fils
» frères
,
:
« Affin
quand
ils
du chevalier de
est d'autant
mieux
fait
que tous nobles hommes se trouveront entre vous
,
la
qu'on et
Tour^. le
fait
parler
mesmcment vos
en voyant cestuy
li-
vre y puissent aussi bien que vous prendre quelque doctrine... » J'ay, touchant le fait des armes, cy en la fin mis ung petit
«
» iraicté appelle
le
Guidon des guerres
» par l'ordonnance de
» de France a.
Comme
mon
,
lequel jadis je rédigeai
souverain seigneur
le très
chrétien roy
» le dit
M. P. Paris {Man. français, V, 85-6),
il
est
Préface. Le
Iv
texte est orné de gravures'sur bois, mais,
moins
soigneux que l'éditeur allemand, Eustace a employé
bon nombre de bois tout
faits,
dont quelques uns se
rapportent très peu au sujet qu'ils sont destinés à présenter aux yeux. Dans les exemplaires sur papier le
format est très petit in-folio; dans ceux sur vélin,
la justification a été
réimposée, et
le
volume
est plus
grand. La Bibliothèque en possède un superbe exem-
avec 27 miniatures, que M. Van Praët* dit
plaire,
avoir passé dans les ventes de Pajot, comte d'On-
sembray
(n"
1. 49 s.), de Girardot de Préde Gaignat (n° 2253, 200 1.), de
627, 240
fond (n^ 890,
19.3 1.),
La Vallière(no i339, 3ool,), de Mac Carthy (n» i54g, 61 5
1.).
même
M. Brunet
(I,
649) paroît traiter comme le comme vendu chez Morel
celui qu'il indique
Viodé G3i
Comme
fr., et
texte
,
chez Hibbert, 33 livres, 12 shilings. il
faut reconnoître
,
à la louange de
Guillaume Eustace, que, pour un éditeur du seizième siècle,
il
pourroit avoir
fait
bien plus de modifications.
Le prologue est beaucoup moins en vers, l'orthographe est modernisée mais le texte a certainement été ;
étonnant que
les
bibliographes n'aient pas remarqué
d'attribution de ces
406), cataloguant l'imprimé à la suite d'un ms., avoit l'attribution,
dans 1.
fait
la fausseté
deux ouvrages. Debure (Catal. La Vallière,
remarquer que
le
,
I,
sans nier
Guidon ne se trouvoit pas
celui-ci.
Van Praët, Livres
sur vélin de la bibliothèque du roi,
t.
IV,
no 388,
p. 263-4. Ebert nous apprend qu'il y en avoit aussi un exemplaire sur vélin dans l'ancienne bibliothèque d'Aiigsbourg. Ce
doit être celui que
(Heisen,
I,
M. Van Praët indique comme vu par Gercken
262) et par Hirsching (Reisen,
Veith, à Augsbourg.
dans
la
Un
II,
180) chez les frères
troisième exemplaire dcvroit s'en trouver
bibliothèque de Genève (Van Praët, s64).
Préface.
Ivj
plus respecté qu'il ne Tétoit d'ordinaire a cette épo-
que. La seconde impression, qui doit cependant avoir été faite sur celle-ci, est
grossières, à ce
Ta eue entre
que me
les
au contraire pleine de fautes
dit
un juge très compétent, qui
mains. Elle est in-4° de 208 pages,
y compris 6 pages de table. Elle a un frontispice représentant un chevalier armé, un genou en terre , et a pour titre a S'ensuit le chevalier de La Tour et le :
» )j
Guidon des guerres, avec plusieurs autres belles exemples, imprimés nouvellement par la veuve
» Jehan Trepperel
G
*.
«
M. Brunet, qui
la dit
gothique
nous apprend qu'elle a été vendue, chez ileber,
et
livres i5 shillings, ajoute & et
après
le
nom de
la
Jehan Jehannot» veuve Trepperel. M. Rertin en ,
possédoit un exemplaire qui, à sa vente 123), a été adjugé au prix de
780
(i
853, n"
fr.
Après avoir examiné successivement, comme vois promis, la biographie et l'œuvre ainsi
que
manuscrits et
les
les éditions
je lui laisse enfin la parole,
je
l'a-
du chevalier, de son
en m'excusant de
livre, la lon-
gueur à laquelle ces développements sont arrivés. Mais
si,
dans un travail d'ensemble sur notre an-
cienne littérature, l'ouvrage du chevalier de
peut n'être
ments qui
un
cité
s'y
qu'en passant
,
La Tour
tous les renseigne-
rapportent dévoient être réunis dans
essai qui lui est spécialement consacré et qui se
trouve en tète de son livre.
1. Bulletin
no 1379.
du Bibliophile
,
i""*'
série, n" 14, février i835, p.
Cy commence
du chevalier de pour l'enseignemmt des femmes mariées et à marier. la table
du
Tour, qui fut
la
premier
livre intitulé
fait
chappitre
contient le
gue. .6
prolo1
second chappitre parle de ce que on
6 deux chevaliers qui
doit faire quant on s'esveille.
Le
tiers
chappitre parle de
amoient deux suers. 7 Le quart chappitre parle d'une damoiselle que un seigneur vouloit violer.
Le quint, que on Le VI" ,de deux
doit faire
filles
9 quant on
est levé.
d'un chevalier, dont l'une estoit
devotte et l'autre gourmandoit.
Le
comment
VI1«,
les
femmes
et les filles
femme qui chéy en un puis. i6 d'une bourgeoise qui mouru et n'avoit osé
VIll'^, IX'',
12
doivent jeû-
i4
ner.
Le Le
lO
d'une
folle
confessié son pechié.
Le X«, comment
femmes doivent
elles se
doy vent contenir sans virer
être cour-
22
toises.
Le XK', comment la teste çà
49
toutes
ne
là.
24
Table
Iviij
Le
XII<=,
de
la fille
du roy de Dannemarche, qui per-
dit le roy d'Angleterre
Le
Xllle, de celle
que
par sa
folle
contenance.
pour sa legière manière.
Le
Xllll*^
chappitre parle
d'Arragon par sa
folle
2:5
chevalier de la Tour refusa
le
comment
la fille
manière perdy
28 du roy
le roi
d'Es-
3o
paigne.
Le XV^, de
celles
qui estrivent les unes aux au-
32
tres.
Le XVIe, de celle qui menga Tanguille. Le XVII«, comment nulle femme ne doit
35 eslre ja-
3G
louse.
Le XVlIIe, de
la
bourgeoise qui se
fist ferir
par son
oultraige. 4o Le XIX^, de celle qui sailly sus la table. 4* Le XX
sçavans, et parle de la
dame
qui prist tençon au
5o 5i Le XX11I«, de Bouciquaut et des trois dames. Le XXIlll'^, de trois autres dames qui vouldrent tuer un chevalier. 54 Le XXV'^, de celles qui vont voulenliers aux joustes et aux pelerinaiges. 55 Le XXVl*" chappitre parle de celles qui ne veullent vestir leurs bonnes robes aux festes. 58 61 Le XXVII*' parle de la suer saint Bernart. Le XXVIII^, de celles qui ne font que gengler à 63 Teglise. mareschal de Clermont.
Le XX1X\ de
saint Martin
de Tours
et
de saint Brice
DES Matières.
Ivix
65 et du dyable. 66 Le XXX% de celle qui perdy h ouir la messe. Le XXXI*-', d'une dame qui employoit le quart du jour pour soy appareiller. 70 Le XXXI1% de celles qui oyent voulentiers la •
messe.
Le XXXII^, de
71 la
bonne contesse qui tous
vouloit ouir trois messes.
Le XXXIIll^ chappitre parle de
celles qui
les jours
72 vont eu
pelerinaiges sans devocion.
Le XXXVe, de ceulx qui
78
firent fornication
en
l'é-
80
glise.
Le XXXVI«, du moine qui
^
fist
fornication en Te-
8i
glise.
Le XXXVIP, des mauvais exemplaires et des ma82 lices de ce monde. Le XXXVIII^, des bons exemplaires du monde. 83 Le XXXI X«, de Eve notre première mère et de ses folies. 85 Le XI/ chapitre contient la tierce folie de Eve. 88 Le XLI^ fait mention de la quarte folie de Eve. 89 Le XLII", la quinte folie. 90 Le XLIir-, la \h folie. 91 Le XLII1I% la VI^ folie. 93 Le XLVs la VIII^ folie. 94 Le XLVI% la IX« folie. 96 Le XLVIL', d'un saint preudomme evesque qui prescha sur les cointiscs. 98 Le XLVIII"' de celles qui cheyrent en la boue. 100 Le XLIX", d'une damoyselle qui portoithaulx cuevre chiefs.
Le
L'^
parle d'un chevalier qui eut trois
102
femmes
et
Table
'Ix
comment Le
Lie, de \^ seconde elle fut
Le
Llle,
mens Le
femme fut dampnée. io5 femme du chevalier et comment
sa première
sauvée.
de
femme du
chevalier et des tour-
qu'elle souffry.
Lille, d'une grant baronnesse et des
l'ennemy
Le Le Le Le Le Le Le Le Le Le
107
.
la tierce
109 tourmens que 111
lui Hst.
LlIIIe parle de la
femme Loth.
LV^ chappitre parle des LVI« parle de
la fille
filles
4i3
n5
Loth.
Jacob.
117
n8
femme Honnan.
LVII", de Thomar, la
femme du prince Pharaon. LIX«, des filles deMoab.
LVlIIe, de la
LXe, de
la fille
de Madian.
LXI^, de Thomar, la LXIIe, d'un
126
qui estoit cordier.
126
LXIII^ parle du pechié d'orgueil et de la
Le Le Le Le
123
du roy David.
fille
bonhomme
120 122
Apemena
royne de Surye.
182
LXIIIIe chappitre parle de la royne Vastis.
i34 LXV^, de la femme de Aman. i3G LKYL' chappitre parle de la royne Gesabel. i38 LXVIle, de Athalia, la royne de Jherusalem, etde Bruneheust, la royne de France. i4o
Le LXVIIL" chapitre parle Moyse.
d'envie, etde Marie, la suer
142
Le LXIXe parle des femmes Archaria. i43 Le LXX« parle de convoitise et de Dalida, la femme Sampson. i44 Le LXXI*-' chappitre parle de courroux et d'une damoyselle de Rethleem.
i46
Le LXXII^ chappitre parle d'une dame quinevouloit venir au mandement à son seigneur. i48
DES Matières. Le LXXIII^ chappitre parle de
Ixj
i49
flatterie.
Le [.XXIIII^ chappitre parle de descouvrir
le conseil
i5i
de son seigneur.
Le LXXVc chappitre parle de desdaing,
et
de Michol,
femme David.
la
i53
Le LXXVI" chappitre parle de soy pignier devant
les
i54
gens.
Le LXXVII^ chappitre parle de foie requeste et puis de la mère David, et après de la duchesse d'Aio5
thènes.
Le LXXVIII^ chappitre parle de trayson.
i56
Le LXXIX« chapitre parle de rappine. ^LelIIIxxe chappitre parle de patience,
femme Thobie, Le
Illlxx et
et
1"
et puis
de
la
femme
iSy et
de Anna,
Job.
chappitre parle de laissier son seigneur
de Herodias que
le
roy Ilerodes fortray à son 161
frère.
Le
la
i58
llllxxlle chappitre.
Cy
laisse à parler
des mauvai-
femmes, et parlera des bonnes et de leur bon gouvernement et comment Tescripture les loue et premièrement de Sarra, la femme de Abraham. 162 ses
,
Le
llli^xllle chappitre parle
Le Illh^IIlle
;
de Rebecca.
chappitre parle de
Lia, la
iG5
Jacob.
Le IIIIxxV^ chappitre parle de Rachel.
Le IllhxVI^ chappitre parle de
167
la
royne de Chip-
la
vertu de charité
168
pre.
Le Illh^Vlle chappitre parle de et de la fille du roy Pharaon.
i63
femme
169
Le lin''xVIIh" chappitre parle d'une bonne femme de Jherico, appellée Ràab, et puis de saincte Ana-
TA
Ixij taise, et puis
Le
I,
LE
de saincte Arragonde.
171
IITIxxïX^ chappitre parle d'abstinence et parle
père
Le
et
de
la
mère Sampson.
du
174
IllIxxXe chappitre parle de aprendre sagesce et clergie.
Le Le
176
lllIxxXI^ chappitre parle de Ruth. lIIIxxXII^ chappitre parle
179 de soustenir son sei180
gneur.
Le
IIIIx^XIII^ chappitre parle de adoulcir Tire
de
182
son seigneur.
Le llIhxXllIIe chappitre parle de querre conseil. i83 Le IIIlxxXV^ chappitre parle d'une preude femme. 1 85 Le IllhxXVI® chappitre parle de Sarra, la femme Thobie.
Le IIUxxXVII* chappitre parle de
la
187 royne Res-
189
ter.
Le IIlIxxXVIII^ chappitre parle de Susanne, la femme Joachim.
191
Le IlIIxxXlX' chappitre. Cy commence à parler des femmes du nouvel testament et premièrement de saincte Helizabeth , mère de saint Jehan Rap,
193
tiste.
Le centiesme chappitre parle de
saincte Marie
194
daleine.
Le
CI''
mes
Mag-
chappitre parle de deux bonnes dames, fem-
19G
à mescréans.
Le ClI^ chappitre parle de saincte Marthe, suer à Magdaleine.
Le
CIII' chappitre parle des bonnes
la
197
dames qui plou-
royent après nostre seigneur quant croix.
Le CIIII^ chappitre parle de pechié d'yre
il
portoit la
199 et puis d'une
DES Matières.
Ixiij
bourgoyse qui ne vouloit pardonner ce que une
femme luy
201
avoit meffait.
Le CV^ chappitre parle comment
les
dames doyvent
venir à rencontre de leurs amis quant
ilz les
vien-
2o4 Le CVI^ chappitre parle de l'exemple de pitié et comment un chevalier fist champ de bataille, pour une pucelle délivrer de mort. 206 208 Le CVII'^ chappitre parle des trois Maries. 210 Le CVIIh" chappitre parle du saige. Le CIX* chappitre parle de Nostre-Dame. 212 Le CX"^ chappitre parle de l'umilité Nostre-Dame. 2 14 Le CXI« chappitre parle de la pitié Nostre-Dame. 2 1 Le CXII« chappitre parle de la charité NostreDame. 218 Le CXIII^ chappitre parle de la royne Jehanne de nent veoir à leur hostel.
France. 220 Le CXIIII» chappitre parle de plusieurs dames vefves.
221
Le CXV« chappitre parle d'un simple chevalier qui espousa une grant dame. 224 Le CXVIe chappitre parle de bonne renommée. 225 Le CXVIIe chappitre parle comment on doit croire les anciens. 227 Le CXVIII*' chappitre parle des anciennes coustumes. 229 Le CXIX« chappitre parle comment noslre Seigneur
loue les bonnes femmes 233 Le VIxx chappitre parle de la fille d'un chevalier qui perdy à estre mariée par sa cointise. 236
Le Vlxxie chappitre parle de messire Fouques de Laval qui alla veoir s'amie. 239
Ixiv
Table des Matières.
Le VlxxIIe chappitre parle des
Gallois et des Gal-
241
loises.
Le Vh^Il^ chappitre parle comment on ne
doit pas
croyre trop legierement.
Le
244
VlxxIIIIe chappitre parle
chevalier de Latour et sa
du débat qui
femme sur
fut entre le
le fait
de amer
par amour.
Le
246
VIxxV*' chappitre parle
de
la
dame
qui esprouva
266
Thermite.
Le VIxxYIe chappitre parle d'une dame qui
estoit ri-
che avaricieuse.
271
Le VlxxVIIe chappitre parle d'une dame honnourable.
Le
274
VIxxVIII'^ chappitre
ments que Cathon
parle
dist à
comment Cathon essaya
Cy
fine la table
par
le
de
la
des trois
enseigne-
Cathonnet, son
sa femme.
du
livre
composé
chevalier
Tour.
filz
,
et
277
LE LIVRE DU
CHEVALIER DE LA TOUR Cf commence le Iwre du chevalier de La Tour pour l'enseignement de ses filles. Et premièrement an mil
trois
le
Prologue.
cens soixante et onze
un jardin estoye sous l'ombre à l'issue d'avril, tout siz
:
,
en
,
comme
morne et tout pen-
mais un pou me resjouy du son et du
chant que je ouy de ces oysillons sauvaiges qui chantoyent en leurz langaiges, le merle
mauvis
et la
mésange
,
,
la
qui au printemps rendoient
louanges, qui estoientgaiz et envoisiez. Cedoulz chant
me
lit
envoisier et
mon
cuer sy esjoir que lors
il
me
va souvenir du temps passé de ma jeunesce, comment amours en grant destrcsce m'avoicnt en ycellui temps tenu en son service
,
où
je fu
mainte heure
liez et
tous
au-
comme elle fait à maint amant. Mes mes maulx me guerredonna pour ce que belle
tre dolant, si
1
Le Livre
2
me
bonne
et
donna, qui de honneur et de tout bien
sçavoit et de bel maintien et de
bonnes
En
estoit la meilleur, se
me
elle tout
soye chançons,
bonnes mœurs,
me
et
des
sembloit, el la fleur.
; car en cellui temps je fairondeaux, balades et virelayz,
dclitoye laiz et
chans nouveaux, le mieulx que je savoye. Mais la mort qui tous guerroyé la prist, dont mainte douleur en ay receu et mainte tristour. Si a plus de xx ans que j'en ay esté triste et doulent. Car le vray cuer de loyal amour, jamais à nul temps ne à nul jour, bonne amour ne oubliera et tous diz lui en souet
,
viendra.
Et ainsi
comme en
,
emmy
regarday
cellui
temps
voye, et vy
la
mes
je
pensoye
filles
,
je
venir, des-
quelles je avoye grant désir que à bien et à honneur
tournassent sur toutes riens
nes
et petites et
l'en tout
car elles estoyent jeu-
;
de sens desgarnies.
Si les devoit
au commencement prendre à chasticr cour-
toisement par bonnes exemples et par doctrines ,
comme grie
,
faisoit la
Royne Prines
,
qui bel et doulcement sçavoit chastier ses
comme
et les endoctriner,
si
qui fu royne de Hon-
contenu est en son
filles
livre.
les vy vers mpy venir, il me va du temps que jeune estoye et que aveccompaignons chevauchoie en Poitou et en
Et pour ce
,
quant je
lors souvenir
ques
les
autres lieux. Et
que
ilz
me
les
dames
car
il
il
me
et
ilz
faiz et
des diz
trouvoient avecqucs
ilz prioient d amours ; que dame ou damoiselle
damoysclles que
n'estoit nulz jours
poussent trouver que et,
souvenoit des
recordoient que
le
plus ne voulsissent prier,
sy lune n'y voulsist entendre
sans attendre. Et se
ilz
,
l'autre priassent
eussent ou bonne ou maie
DU Chevalier de La Tour.
3
responce, de tout ce ne faisoyent-ilz compte; car
paour ne honte n'en avoient , tant en estoient duiz et accoustumez tant estoyent beaux langagiers et ,
empariez. Car maintes duit avoir,
et ainsi
bonnes dames les
nouvelles,
çonges
,
villain
diffame
dont
il
foiz
vouloient partout des-
ne faisoient que décevoir les
et demoiselles,
et
unes vraies,
les
compter partout aultres
les
en advint mainte honte
et
menmaint
sanz cause et sanz raison. Et
il
ou monde plus grant trayson que de décevoir aucunes gentilz femmes, ne leur accroistre aucun villain blasme car maintes en sont deceues par les n'est
;
grans scremens dont
usent. Dont je
ilz
maintes foys à eulx et leur disoie
vous
telz
:
«
me
débaty
Comment estes-
qui ainsi souvent vous parjurez? car à nulle,
forz à une, tendre
ne devez. » Mais nulz n'y mettroit
arroy, tant sont plains de desarroy. Et, pour ce que
temps dont je doubte que encore soit pensay que je feroye un livret, où je escrire feroye les bonnes meurs des bonnes dames et leurs biens faiz, à la fin de y prendre bon exemple
je vis celuy
courant, je
me
et belle contenance et bonne manière et comment pour leurs bontés furent honnourées et louées et seront ,
tousjoursmaiz pour leurs bontés et leurs
aussi à
biens faiz, et aussi par celle manière feray-je escrire,
poindre
,
et
mettre en ce livre le mehaing des maul-
vaiscs deshonnestes
eurent blasmes, à pourroit errer
femmes qui de mal usèrent et de s'en garder du mal où l'en ,
fin
comme celles
qui encore en sont blas-
mées, et honteuses et diffamées. Et pour ceslcs causes que j'ay dessus dictes je pensay que à mes filles, que je véoie petites, je leur feroye un livret pour ,
Le Livre
4
à roumancer,
aprendre
affin
que
peussent
elles
et esludier, et veoir et le bien et le
aprendre
mal
qui passé est, pour elles garder de cellui temps qui
à venir
vous
fait
Pour ce
monde
Car le
est.
moult envyeulx
est
et merveilleux
moult dangereux tel vous rit ; car
et et
bel devant qui par derrière s'en va bourdant. forte chose est à congnoistre le
monde
qui à
pour cestes raysons que dict vous ay, du vergier je m'en alay et trouvay enmy ma voye deux prostrés et deux clers que je avoye, et leur diz que je vouloye faire un livre et un exemplaire pour présent est
,
et
mes filles aprandre à roumancier et entendre comment elles se doyvent gouverner et le bien du mal dessevrer. livres et
que
Si
leur
je avoye,
fiz
mettre avant et traire des
comme la Bible
,
Gestes des Roys
croniques de France, et de Grèce, et d'Angle-
terre, et
de maintes autres estranges terres
;
et
chas-
cun livre je fis lire et là où je trouvay bon exemple pour extraire, je le fis prendre pour faire ce livre, que je ne veulx point mettre en rime ainçoys le veulz mettre en prose, pour l'abrégier et mieulx entendre, et aussi pour la grant amour que je ay à mes enfans ,
,
lesquelz je
mon
ayme comme père
cuer auroit
si
les,
doit aimer, et dont
parfaite joye se
ils
tournoyent à
bien et à honneur en Dieu servir et amer, et avoir
l'amour et la grâce de leurs voysins et du monde.
Et pour ce que tout père et mère selon Dieu et nature doit enseignier ses enfans et les destourner de
monstrer le vray et droit chemin sauvemcnt de l'ame et l'onnour du corps terrien, ay-je fait deux livres l'un pour mes filz et l'autre pour mes filles, pour aprendre à rommancier,
maie voye
et leur
tant pour le
,
DU Chevalier de La Tour. et
en aprenant né sera pas que
il
5
ne retiengnent au-
cune bonne exemplaire , ou pour fouir au mal ou pour retenir le bien ; car il sera mie que aucunes foiz il ne leur en souviengne d aucun bon exemple ou d'aucun bon enseignement, selonc ce qu'ilz cherront en
taille
d'aucuns parlans sur celles matières.
Le premier Chappitre. t c'est moult belle chose et moult noble que de soy mirer ou mirouoir des anciens
et des anciennes histoires qui ont été es-
criptes
de nos ancesseurs pour nous mon-
et pour nous advertir comme nous véons le bien fait que ilz firent, ou de eschever le mal comme l'en puet veoir que ilz eschevèrent. Sy parlay ainsy et leur diz Mes chièrcs filles , pour
strer
bons exemples
:
ce que je suiz bien vieulx et que j'ay veu le plus longuement que vous
une partie du
siècle, selon
grant mais la grant ;
,
monde
vous veuil-je monstrer
ma
science qui n'est pas
amour que j'ay à vous,
et le
grant
que j'ay que vous tournez vos cuers et vos pensées à Dieu craindre et servir, pour avoir bien et honneur en ce monde et en l'autre, car pour certain tout le vray bien et honneur, garde et honesteté de homme et de femme vient de luy et de la grâce de son saint esperit, et si donne longue vie et courte es choses mondésir
daines et terriennes, telles
comme il luy plaist,
tout chiet à son plaisir et à son ordonnance
,
car du
etaussy
guerredonne tout le bien et le service que on luy a fait à
Le Livre
6 cent doubles
bon
et
,
pour ce
,
mes
chières
filles
,
fait-il
servir tel seigneur, qui à cent doubles rent et
guerredonne.
Cy parle de
ce qu'on doit faire quand on est
leç'é.
Le second Chappitre. t
pour ce
la première œuvre et labeur que ne femme doit faire si est entrer
homme et dire
,
son service ;
à entendre que,
c'est
dès ce que on s'esveille, alors à seigneur et à créateur,
tre
heures et oroysons, et grâces et louenges
,
,
se
comme
ilz
,
et dire
recongnois-
sont clers, luy rendre
de dire
num omnes gentes benedicamus ,
le
c'est assavoir dire ses
Laudate Domi-
:
patrem
et filium
choses qui rendent grâces et mercis à Dieu
;
car plus haulte et saincte chose est de gracier et
mercier Dieu que le requerre, carrequerre demande don ou guerredon, et rendre grâces et louenges est service et le mestier des
anges
,
qui touzjours
rendent grâces à Dieu, honneur et louanges; car
Dieu
fait
mieulx à gracier et mercier que à requerre,
pour ce que
femme que
il
ils
scet
mieulx
qu'il fault
à
homme
et
ne scevent eulx meismes. Après
à
le
les mors avant que l'en s endormors prient Dieu pour ceulx qui prient pour eulx , et non oublier ladoulce vierge Marie, qui jour et nuit prie pour nous, et soy recomman-
doit l'en prier
me
,
pour
et aussi les
der à ses sains et à ses sainctes , et ce
fait
,
l'on se
DU Chevalier de La Tour. puct bien endormir tes foys
que
;
7
car ainsi Ten le doit faire , tou-
ne doit Ten pas oublier
l'en s'esveille, et
mors. Je vous en diray un exemple comment il est bon de prier Dieu et gracier pour les morts toules
que Ton
tes les foiz
De deux
s'esveille.
chei>aliers qui
amoient deux suers.
Chappitre omme I
contenu es histoires de Con-
est
il
stantinnoble que filles,
111%
un empereur
meurs, et amoit Dieu et foiz qu'elle s'esveilloit
couchoienten un lict lainsnée s'esveilloit
heures ,
elle s'en
que elle ne
avoit
deux
dont la plus juenne estoit de bonnes
,
,
et prioit
elle et sa
et elle
mocquoit
le adouroit, toutes
pour
les
mors.
Si
suer ainsnée, et quant
ou oit à sa suer dire ses
et l'en bourdoit, lui disoit
lalaissoit dormir.
Dont
il
advint que jon-
ncsse et la grant aaise où elles cstoient nourries leurfist
amer deux
moult gens,
chevalliers frères, moult
et tant
beaux
et
durèrent leurs plaisirs et leurs a-
mours qu'elles se descouvrirent Tune à l'autre de leurs et tant qu'elles mistrent aux deux che-
amourettes
,
valliers certaines
heures pour venir à elles par nuit
privècment. Et quant celui qui devoit venir à la plus juenne cuida entrer entre les courtines, lui
sembla quil
veist
plus de mille
il
hommes en
suaires qui estoicnt environ la demoiselle. Si en eut si
grant hideur et
si
grant paour qu'il en fut tous
Le Livre
8
effrayez, dont la fièvre le pristet fut
malades au
Maiz à l'autre chevalier ne avint pas ainsi
,
car
lit.
en-
il
tra entre les courtines et ençainta la fille ainsnée
de
l'Empereur. Et quant l'Empereur sceut quelle fut grosse,
il
noyer par nuit
la fist
et le chevalier fist es-
morurent tous
corchier. Et ainsi par celui faulx délit
deux. Maiz l'autre je
vous ay
disoit
fille
fut
sauvée par ainsi
comme
Quant vint à lendemain chevalier estoit malade au
dit et diray.
par tout que
celle par qui le
le
mal
l'en lit
;
lui fust prins le vint veoir et lui
demanda comment le mal lui estoit prins. Si luy en dist la vérité comment il se cuida bouter es courtines et il vit à merveille grant nombre de gens en ,
,
suaires environ elle, dont, ce dist-il,
hideur
me
print
que a pou que
si
grant paour et
je n'enraigay, et
en-
cores en suis-je tout effrayé. Et quant la damoiselle oyst la vérité
,
si
en fust toute esmerveillée,
Dieu moult humblement, qui sauvée
cia
tre périe et
et loua
mer-
et
l'avoit d'es-
deshonourée, et dès là en avant
elle
aoura
Dieu toutes foiz qu'elle s'esvcilla et pria moult
doucement pour
les
mors plus que devant,
et se tint
chastement et nettement , et ne demeura gaires que un grant roy de Grèce la fist demander à son père, luy donna, et fust depuis bonne
et
il
et
de moult grant renommée. Et
dame et de notte,
ainsi fut sauvée
pour
aourer et gracier Dieu et pour prier pour les deffuncts. Et sa suer ainsnée, qui se
mocquoit ctsebour-
deshounorée
pour ce, mes
doit, elle fut
morte
chières
souviengne vous de cest exemple, toutes
foiz
filles,
que vous
et
esveillerez, et ne
,
et
vous endormez jus-
ques à ce que vous ayez prié pour les deffuns com-
me
faisoit la fille
l'empereur.
DU Chevalier de La Tour.
9
Et encores vouldroye-je que vous sceussiez rexemple d'une damoiselle que
beau ou par
avoir, par
son
un grant seigneur vouloit
laist,
à faire sa voulenté et
fol plaisir.
Cf parle d'une damoiselle que un grant seigneur vouloit violer.
Chappitre ont
il
advint que cellui seigneur
espier en
en un
mors
,
et le
un
fort
la fist
jardin où elle estoit reposte
mucée pour
et
IIII^.
la
paour de
lui. Si estoit
buisson et disoit vigilles des
grant seigneur par ses espies entra ou
jardin et la vist. Si cuida tantost accomplir son fol délit; mais,
quant
il
cuida touchier à
elle,
il
sam-
lui
de x mil hommes ensepveliz qui la gardoyent. Si eut paour et s'en tourna en fuyant et lui manda que, pour certain, jamaiz il ne la
bla qu'il veist plus
poursuivroit de
compaignie à elle et lui
tel
fait, et qu'elle avoit
la garder.
demanda qui
estoit la grant
qui estoit avec elle de gens ensepveliz qu'elle ne savoit, fors elle disoit vigille
trop grant
Et depuis parla avecques
;
compaignie
et elle lui dist
que à ceste heure que
il
vint
des mors. Sy pensa bien que ce fu-
rent ceulx qui la gardoient. Et pour ce est bel ple de prier pour eulx à toutes heures.
exem-
Le Livre
fo
Cy parle de
ce que on doit faire
Chappitre elles filles,
quand on se liève.
V«.
quant vous prendrés à vous
du hault commanciés vos heures.
entrez au service
lever,
si
gneur
et
sei-
Ce
doit estre vostre premier labeur et vostre
premier
fait,
de bon cuer
et, et
quant vous
les dires,
dictes-les
ne pensez point ailleurs que vous
car vous ne pourriez aler deux chemins à un coup, ou vous yrez l'un, ou vous yrez l'autre. Ainsi est-il du service de Dieu. Car, si comme puissiez
;
dit le saige
en sa sapience
oit et riens n'entent
comme
ne prent; et, pour tant,
,
autant vault celui qui
celluy qui chasce et riens
cellui qui
pense es choses
terriennes, et dit paternostres et oroisons qui tou-
chent choses celestielles , c'est un
fait
contraire et
une chose qui riens ne prouftite ce n'est fors que à mocquer Dieu, et pour ce dit la Saincte Escripture que la briefve oroison perce le ciel. Mais c'est à entendre que plus vault une briefve oraison courte dicte de bon cuer et dévotement que unes grandes heures et longues et penser ailleurs , ou que autres ;
qui parlent d'aucunes choses leurs heures disant.
Mais toutes voyes qui plus en dist devottement et plus vault et en a l'en plus de merittes. Et encores dist la Saincte Escripture que
me
la doulce rousée d'avril et
,
de
tout ainsi
may
com-
plaist à la
BU Chevalier de La Tour. terre et Tadoulcist, et la fait
germer
ii
et fructifier, tout
ainsi plaisent les heures et les croisons à Dieu,
vous trouverez
,
dont
en plusieurs lieux et légendes des
sains confesseurs, des vierges et des saintes qu'ilz faisoient leurs litz
dames,
de sermens de vigne
et se
couchoient dessus pour moins dormir et avoir moins
de repos, pour plus souvent et menu eulx esveillicr pour entrer en oroisons, et ou service de Dieu ilz estoient jour et nuit, et pour cellui service et labeur acquièrent la gloire de Dieu, dont il monstre au monde appertement que ilz sont avecques luy en sa sainte joye , pour ce que il fait pour eulx grans miracles et evidens ; car ainsi guerredonne Dieu le service que l'en lui fait
et
comme
à cent doubles
pour ce, belles
filles, dictes
j
ay dit dessus
vos heures de bon
cuer et dévotement sans penser ailleurs
,
et
gardés
que vous ne desjeunés jusques à ce que vous ayés dictes vos heures de bon cuer ; car cuer saoul ne sera jà humble ne dévot. Après gardez que vous oyez toutes les messes que vous pourrez ouir
,
car
grant bien de Dieu vous avenra, et sy est bonne et saincte chose et contenance
exemple sur
celle matière.
,
dont je vous diray un
Le Livre
12
Cjr
parle de deux
filles
d'un chei^alier, dont l'une
estoit devotte et Vautre
gourmandoit,
Chappitre VP. n chevalier
estoit qui avoit deux filles. L'une estoit de sa première femme, et
l'autre
de
mière
étoit
la seconde.
Celle de
à merveilles dévote
la ,
pre-
ne ja-
mais ne mangast jusques à tant qu'elle eust dictes ses heures toutes et ouyes toutes les messes qu'elle
pouvoit
oïr.
Et l'autre
sy couvée que l'on lui
fille estoit
sy chiere tenue et
plus de sa vouque , dès si tost qu'elle avoit ouye une petite messe et dictes deux paternostres ou trois elle s'en
lenté
laissoit faire le
,
,
venoit en la garde robe et là mengoit la souppe au
matin ou aucune lescherie,
et disoit que la teste lui mal à jeûner. Mais ce n'estoit que mauvaise amorson et aussy quant son père et sa mère estoient couchiez il convenoit qu'elle mangast aucun bon morsel d'aucune bonne viande. Si mena ceste vie tant, qu'elle fust mariée à un chevalier saige et malicieux. Dont il advint que au fort son seigneur sceust sa manière, qui estoit mauvayse pour le corps et pour l'ame ; si luy montra moult doulcement et par plusieurs foiz que elle faisoit mal de telle vie mener. Mais oncques ne s'en voult chastier , pour beau parler que l'en luy sceust faire. Dont il advint une fois qu'il avoit dormy un sompne, si tasta delez faisoit
,
,
DU Chevalier de La Tour. lui et
son
ne
lit
la
trouva pas
;
si
en
fut yriés
en un mantel fourré de gris
garde robe, où sa femme estoit, variez;
et
mangoient
hommes
et
i3
et se leva
et entra
de
en une
deux que demenoient et
le clavier et
et rigoloient tellement
Ten n'ouyst pas Dieu tonner, tant jouoient
,
femmes ensemble. Et
le
sei-
gneur, qui regarda tout celluy arroy, en fut durement
un baston pour
yrés
;
iez,
qui tenoit rebrassée une des
si
tenoit
un de ses varfemmes de cham-
ferir
de ce baston qui fust sec une esclice enTueilde sa femme, qui estoit delez luy, en telle manière qu'elle eut l'ueil crevé par celle mésaventure et par celle mescheance. Si luy messéoit trop à estre borgne, et la prist le seibre
et fery sur le varlet
,
duquel en
sailli
gneur en
telle
ailleurs
en
hayne qu'il se avilla et mist son cuer manière que leur mesnagc alla à perdicion du tout. Cest fait leur advint pour la mauvaise ordcnance de sa femme, qui accoustumée s'estoit à vivre dissolucment etdesordonnéementle ma,
telle
Dont
tin et le soir.
elle
,
comme
le
plus de mal sy vint devers
en perdre son
oeil et
lamour de son
seigneur, dont elle en fust en mauvais mesnaige. Et
pour ce
fait-il
bon
dire toutes ses heures et oyr tou-
messes à jeun, et soy acoustumcr à vivre sobrement et honestement, car tout ne chiet que par actes les
coutumance saige dit
et à l'usaigier,
comme
le
prouverbe du
:
Mettez poulain en ambléure, Il
Si
ma
la tendra tant
comme
il
comme
il
dure.
advint à sa sueur. Elle se acoustu-
en sa jonnesse à servir Dieu et l'Église, comme-
dire ses heures devottement et
ouyr toutes
les
mes-
Le Livre
i4
ses à jeun, et pour ce
donna
et lui
il advint que Dieu l'en guerredonna un bon chevalier riche et puis-
sant, etvesqui
avecques luy ayseet honnorablement.
Sy avint que leur père qui moult estoit proudomme, les ala veoir toutes deux si trouva chiez l'une ,
;
grans honneurs et grans richesses et y fut receu moult honnorablement, et chiez l'autre, qui avoit l'eueil trait
il
,
y trouva l'arroy
nice et malostru. Dont, quant hostel
fu revenuz à son
compta tout à sa femme perdue sa fille , tant
il
,
qu'elle avoit
nourrie chierement, et
longue en
lui
gouvernement
et le il
et lui l'avoit
lui avoit laissié la
reproucha
couvée
et
resne trop
laissant faire toute sa voulenté
,
par
quoy elle estoit en dure partie. Et par cest exemple est bon de servir Dieu et ouir toutes les messes que l'on
puet oyr à jeun, et prendre en soy honnesle vie,
de boire prime et
et
de mangier es droicles heures d'entour
tierce, et
de souper à heure convenable, se-
lon le temps; car telle vie, et user
en vostre jonnesce
en vostre
comme vous ,
voudrez tenir
tenir et user la vouldrez
vieillesce.
Cf parle comment
toutes les
femmes doivent
juner.
Chappitre mes
chières
^^0^^^ ^aj^^^
jeûner, tant
j^^^l
trois
^^^wws
douter votre chair
trop
,
Pï'^'S,
VII^. filles,
comme vous
vous devrez
serez à marier
jours en la sepmaine pour mieux
pour vous
tenir plus
,
que
elle
ne s'esgaye
nettement et saintement
DU Chevalier de La Tour. en service de Dieu
i5
qui vous gardera et guerredon-
,
nera au double, et, se vous ne pouvez jeûner les
au moins jeûnez au vendredi en lonneur du précieux sanc et de la passion Jhesucrist que il trois jours,
souffry
pour nous
en yaue
et, se
,
vous ne
le
jeûnez en pain
au moins n y mengiez point de chose qui preingne mort, car c'est moult noble chose, comme et
j'ay
,
ouy racompler à un chevalier qui
taille
de Cresliens
des Sarrasins.
et
11
ala en
une ba-
advint que uns
crestiens ot la teste coupée d'une gisarme toute des-
sevrée du corps confession et lui
,
tant
mais
;
que
demanda par
pouvoit parler sans
la teste
le
sy crioit et demandoit
prestre vint
,
qui la confessa
quelle mérite c'estoit que elle
corps
le
que nul bien
n'estoit fait
grâce, et qu'il
s'estoit
,
et la teste lui repondit
à Dieu qu'il n'empétrast
gardé
le
mercredi de mengicr
de Dieu qui y fut vendu et ne mengoit de chose qui prensist mort,
char en l'onneur du
filz
,
le
vendredy
et
pour ce service Dieu ne vouloit pas
il
dampné ne que il
ne
s'estoit
il
qu'il feust
morust en un pechié mortel
,
dont
pas confessé. Si est bon exemple qu'il
se fait bon garder de mengier chose qui prengne mort au vendredi. Et après, belles filles, fait bon jeûner le samedy en l'onneur de Notre-Dame et de sainte virginité qu'elle
vous veuille empêtrer grâce
à garder nettement voslre virginité teté à la gloire
chas-
et vostrc
de Dieu et à l'onneur de voz âmes, et
que mauvaise tcmptacion ne vous maistroye. Et si est moult bonne chose et moult noble de jeûner l'un des deux jours en pain et en yaue, qui est grant victoire contre la chair et
dy pour
vérité
que
il
moult sainte chose. Et
si
vous
ne chiet que à voslre voulenté
Le Livre
i6
de vous y accoustumer ; car tout ne chiet que par accoutumance de dire ses heures , d oir la messe et et
le service
vres
de Dieu
comme
,
de jeûner
firent les saintes
et
de
œu-
faire saintes
femmes, selon
qu'il est
contenu es légendes et es vies des sains et des saintes
de paradis.
Cf parle d'une femme qui chéy en un puis.
Chappitre
VIII«.
ont je vouldroye que vous eussiez ouy et retenu l'exemple
de
femme qui
la foie
jeunoit le vendredy et le samedy. Si vous
comptcray d'une la ville de
Romme,
folle
femme
qui estoit en
qui tousjours jeunoit le vendredy
en Tonneur de la passion du doulx Jhesucrist, et samedi en Tonneur de la virginité Nostre-Dame ,
le
et
aussy cesij jours elle se tenoit nettement. Si advint que
par une nuit
elle ala à
nuit obscure
,
et
son
amy en
folyc
,
si estoit la
va arriver en un puis de vint
de parfont, ou quel cheoit, elle s escria
elle :
va cheoir, et ainsi
Nostre-Dame !
Si
toises
comme
elle
chcy sur lyaue
et se trouva à dur comme sur une place, et luy vint une voix qui lui dit « Pour ce que tu jeunes le vendredy et le samedy en lonneur de la vierge Marie et de son filz , et que tu gardes ta char nettement , tu es sauvée de ce péril. » Sy vindrent lendemain les gens pour puisier de Teaue, et trouvèrent celle fem:
me
en ce puis
,
duquel
elle fust tantost traite et
mise
DU Chevalier de La Tour. hors. Sy se esmerveillèrent moult toit
sauvée
que
c'estoit
et elle leur dit
,
pour
comme ouy
dy,
et
que une voix
jeunes du vendredy
les
voua que
chastement ,
Dieu et de son Eglise.
lui avoil dit
elle se tendroit nette-
et useroit sa vie
au service de
Si le fist tousjours ainsi,
les torches, les cierges et les
et tenir
nettement
que
vision
me un
l'église. Si
elle traioit d'un
plat d'argent.
Sy
» et nectoye cest plat » tant qu'il il
comme
pour alu-
lampes, et balayer
luy advint une nuit une
com-
fumier ung vaissel
le regardoit et
y véoit plu-
sieurs taiches noires, sy luidisoitune voix
»
du same-
et
celle qui ala jour et nuit servir à l'église
mer
i;
elle es-
avez. Et, pour la grâce que Dieu luy
avoit faite, elle leur
ment
comment
« Frotte
:
et ostes ces taiches noires
,
soit cler et blanc,
comme
il
estoit
quand
mains du maistre. » Et ceste advision advint par trois fois. Si s'esveilla et recorda
parti des
si lui
son advision à Dieu, s'en ala confesser à
advision, et quant le sion,
si lui dit
:
a monstre
il
saint
il
fille,
jour sy
fust hault
homme
preudomme
« Belle
à Dieu servir, car
quant
et
un
et lui deit
vous estes moult tenue
vuelt vostre salvacion, et vous
comment vous vous devez
laver et nec-
toyer par confession vos péchiez. Si vous diray
ment
il
le
son
eut ouy son advi-
com-
vous demonstra par vostre avision. Car
vaissel d'argent trait
ou corps; car l'ame
du fumier, est
le
signifie l'ame qui est
blanche et nette, et se le
corps ne se consentist à faire pechié, elle feust touzjours blanche
,
comme
le
de l'orfèvre blanc et net;
vaissel d'argent qui vient
et aussi est
vient des fons de baptesme. Et ainsi sel
que vous
veistes qui estoit
l'ame quant elle
comme
au fumier
le
vais-
aussi est
,
2
Le Livre
i8
l'ame ou corps, qui n'est que fumier, boue et vers.
Et quant
le chetif
corps a pechié par ses faulx délits,
pour chacun pechié
me
,
avicnt
il
une tache noire à l'aque le corps qui a
et se tient jusques à tant ce
fait le délit et le
pechié,
laidement
la
et
en
l'ait
manière commCjU a
pour ce, belle
satisfacion. Et
,
confessé et regehi aussi fait, et faitte
la voix
fille,
de
l'avi-
sion vous dist que vous la curés et netoyez les taches d'icellui vaissel
ce sont les taches de vos péchiez
,
et le faictes blanc
comme vous
comme
il
vint de l'orfèvre
vous dist que vous
le
meissiés en lieu où
net et que vous le gardissiez d'ordure
que vous vous gardissiez
est,
c'est
bon
est
d'aler
en
,
lieu
il
feust tenu
c'est-à-dire
où
l'on
vous
vous gardés de plus pede soy confesser ; mais mieulx
attraye à faire pechié chier. Car
,
venistes des fons de baptême. Après
,
et
depuis la confession, de soy garder de y recheoir
arrière
quant
,
car le recheoir est pire que le premier
l'on se confesse
retenir, et le dire
ma belle
fille
,
,
en la manière que on
dist le
,
et
l'on doit tout dire sans riens
preudomme
,
un exemple d'une bourgoyse moult
je
l'a fait.
Donc,
vous en diray
puissant.
DU Chevalier de La Tour.
Cf parle de
la bourgoyse qui
19
mourut sans oser
confesser son pechié
Chappitre ne bourgoisc
nommée
etoit
d'estre
IX'.
qui
bonne
avoit
preude femme
re-
et charita-
ble, car elle jeunoit trois jours de la sep-
maine eaue
;
,
dont
les
estoient en pain et en
ij
après elle donnoit moult de grans aumosnes
malades et nourrissoit les orphelins aux messes jusques au midi et disoit merde heures, et faisoit toute la saincte vie que
et visitoit les
,
et estoit
veilles
,
bonne femme peust
faire.
Si advint
que
elle tres-
passa. Si luy voult Nostre Seigneur monstrer pour
exemple comment chié mortel
fumer
;
elle estoit
perdue par un seul pe-
car la fosse où elle fut mise se prist à
et la terre à ardoir, et avoit-on
veu de nuit
trop de tourment sur la fosse. Si s'en esmerveillirent
moult
les
gens du païs que c
estoit à dire
;
car Hz
pensoient qu'elle feust sauvée sur toutes. Si eut un saint et
homme
en la
leaue benoiste
Dieu et en
tit
,
cité
,
qui print la croix, l'cstoUe
et vint là; si la
demonstrer pourquoy celle pueur estoit
;
lors s'escria
je suis telle
,
la
pardurablement tif
conjura de par
requeste à Dieu qu'il lui plcust leur
une voix qui
et ce
disoit
:
«
tourment
Oyez tous
povre pécheresse dampnée ou feu car Dieu demonstre que mon che-
,
corps rend fumée et tourment pour exemple. Si
Le Livre
20 (liray
comment.
char je
me
Il
m'avint que par la gayeté de
couchay avec un moyne.
Si
ma
ne losay onc-
ques regehir ne confesser, pour double d estre accusée et pour la honte
du monde
et craignoic plus le
,
bobant du monde que la vengeance espiritucUe
,
et
pour cuidier effacier mon pechié je jeunoie et donnoye le mien pour Dieu, je ouoye les messes, et disoye moult de heures , et
me
sembloit que les grans
biens et abstinances que je faisoye
estaindroient
bien le peschié que je n'osoie regehir ne confesser
au preslre
,
et
pour ce
j'en suis
deccue
et
perdue.
Car je vous dis à tous que qui meurt en pechié mortel et
ne
le vuelt regehir,
il
est
dampné
perpétuelle-
ment, ainçois doit dire son pechié aussi villainne-
ment comme
il
fut fait et
elle eut tout ce dit
,
moult esbahis; car
par
la
manière. » Et quant
tous ceulx qui là estoient furent il
n'y avoit nul qui ne pensast
qu'elle feust sauvée. Et ainsi dist
exemple à
celle
femme
li
prcudons cest
qu'elle confessast et qu'elle
deist tous ses pechiés ainsi
comme
ce sont les taiches de son
ame
elle les avoit
du vaissel d'argent,
fait, et elle osteroit les taiches ,
et sy confessa celle
femme, et fut depuis de sainte vie, et ainsi son comancement de sauvement ne fut que par les jeunes
comme
le
vendrcdy pour
la sainte passion, et le sa-
medi pour la virginité de Nostre-Dame, dont elle fut sauvée du péril du puis, car il n'est nul bien qui ne soit mery. Sy est une moult sainte chose et, de tant comme le jeûner fait plus de mal à la teste et au ;
corps, de tant est la jeune de plus grant mérite et de
plus grant valeur; car, se la jeune ne
jeûner
,
l'on n'y auroit point
faisoit
mal à
de mérites. Et encore,
DU Chevalier de La Tour. pour monstrer exemple commentjeune mérite, sauvez,
li
si
rois
de Ninyve et luy et sa
comme
il
est contenu
21
de grant
est
en
cité
ou grant
Bible. Car Dieu avoit fait fondre plusieurs villes les
grans pechiés en quoy
Dieu par qu'ils
Lors
le
ilz
se delictoient. Sy
prophète à icelluy roy
seroyent aussi perilz se
le
paour,
roy et et,
le
peuple de
ils
la cité
ne
fut
de
livre
la
pour
manda
et
à celle cité
s
amendoient.
eurent moult grant
pour appaisier Tire de Dieu, tous ceulx qui
avoient aage de jeûner jeûnèrent xl jours et xl nuis, et se mistrent à genoulz
,
sacs sur leurs testes, et
sur leurs sacs mirent cendre en humilicté,
Dieu
vit leur
abaissement
et,
et leur humilité,
mercy d'eulx ; sy furent sauvés
et rappeliez
quant il
de
eut celle
pestilence. Et ainsi par leur humilité et par leurs
jeunes filles
,
ils
furent garentiz. Et pour ce,
mes
belles
jeune est une abstinence et vertu moult con-
venable et qui adoulcist et reffranist la char des mauvaises voulentéz, et humilie le cuer et empêtre grâce
vers Dieu, dont toutes jeunes femmes, et especiaul-
mcnt
me
les pucelles et les
veuves, doivent jeûner, com-
vous ay cy dessus par plusieurs exemples lesquels, se Dieu plaist, vous retendrez bien. dit
Le Livre
22
Cjr
parle comment toutes femmes
doii>ent être
courtoises.
Chappitre près
,
mes
X".
belles filles
soiez courtoises et
nulle plus belle vertu
tes gens,
,
gardez que vous
humbles
,
car
ne qui tant
,
il
n'est
attraite
à avoir la grâce de Dieu et l'amour de touque estre humbles et courtoises ; car courtoi-
sie vaint les félons orguilleux cuers, et à
l'exemple de
l'espervier sauvage, par courtoisie vous le ferez franc, si
que de l'arbre
lui estiez
il vendra sur vostre poing, et se vous en riens rudes ne cruelz, jamais ne vendroit.
Et donc, puisque courtoisie vaint
oisel sauvaige, qui
n'a nulle rayson en soy, doit courtoisie
fraindre tout cuer de
homme
et
mater
de femme
,
et re-
jà tant
fier ne félon courtoisie chemin et l'entrée de toute amistié et amour mondaine, et qui vaint les haulz couraiges et
n'aient le cuer orgueilleux
,
;
est le premier
adoulcist Tire et tout le couroux de toute amistié, et
pour tant
est belle chose d'estre courtoise. Je
con-
gnois un grant seigneur en ce pais qui a plus conquis chevaliers et escuierset autres gens à le servir ou faire
son plaisir par sa grant courtoisie, au temps
se povoit armer,
que autres ne
ne pour autres choses. qui bien
fait
qu'il
faisoient pour argent
C'est messire Pierre
de Craon,
à louer de honneur et de courtoisies sur
tous les autres chevaliers que je congnoys. Après je
DU Chevalier de La Tour.
23
congnoys des grans dames et autres qui sont moult courtoises et qui en ont moult de belles grâces acquises de l'amour des grans et de petits; se vous
monstres vostre courtoisie aux c'est
de leur
faire
ment avec eux
honneur
aux
petits et
petites,
et parler bel et doulce-
et leurs estre de
humbles responses
;
ceulx vous porteront plus grant louange et plus grant
renommée
et
plus grant bien que les grans. Car
l'honneur et la courtoisie qui est portée aux grans
que de leurs droiz
n'est faicte faire.
mes drez et
Mais celle qui est
et ,
aux
telles
faite
petites gentils
honneurs
de doulx cuer, et
,
et
aux
que
femmes
et autres
et courtoisies viennent
li
petiz à qui
on
pour honnouré, et lors il Tessauce par
ou à
loz et gloire à cellui
l'on leur doit
petits genlilz
hommain-
de franc
la fait s'en tient
tout,
en donne
celle qui lui a fait honneur,
honneur bonne renommée, et se croist de jour en jour. Dont il avint que je estoye en une bien grant compaignie de chevaliers et de grans dames, si esta une grant dame son chapperon et se humilia encontre un taillandier. Si y avoit un chevalier et ainsi des petis à qui l'on fait courtoisie et
vient le grant loz et la
qui dist
:
«
Madame vous ,
ron contre un taillandier
amoit mieux à
dame
l'avoir osté contre luy
un bien de tous pour laissié contre
avez osté vostre chappe-
», et la
gentil la
homme.
bonne dame.
respondit que
que à
l'avoir
Si fut tenu à grant
Le Livre
24
Comment
elles se
dowent contenir sans virer
la teste
çà
et là.
Chappitre près
X1«.
la messe ou ne samblés pas à tortue ne â celles semblent à la grue et à la
en disant voz heures à
,
ailleurs,
grue
;
tortue qui tournent le visaige et la leste
par dessus et qui vertillent de la teste
une
belette. Aiez regart et
manière ferme
comme comme
une beste qui regarde devant ne çà ne là. Soiez ferme comme de resgarder devant vous tout droit plainement, et, si vous voulez regarder de costé, virez visaige et corps ensemble ; si entendra l'en vostre estât
le
liniere, qui est
soy sans tourner
la teste
plus seur et plus ferme, car Ton se bourde de celles
qui se ligierement brandellent et virent le visaige çà et là.
DU Chevalier de La Tour.
Cf parle de
celle
qui perdit
par sa
le
25
roy d'Angleterre
foie contenance.
Chappitre
XII®.
ont je vourroye que vous eussiez bien retenu l'exemple des
filles
du roy de Dan-
vous en compteray. Hz sont quatre roys de çà la mer qui anciennement
nemarche.
Si
se marièrent par honnour, sans convoitise de terre
comme des filles
de roys ou dehaulx lieux, qui soient renommée de bonnes meurs,
bien nées ou qui aient
de bel maintien, et fermes, et de bonnes manières, et les convient veoir scelles ont ce
que femmes doivent
avoir et se elles sont tailliées de porter ligniée. Ces iiij
sont
li
roys de France, qui est le plus grans et le
plus nobles
;
lautre est le roy d'Espaigne
roys d'Angleterre
;
le
;
le tiers le
quart est le roy de Hongrie
qui est de sondroictmareschal des crestiens es guer-
que le roy d'Enque le roy de Dannemarche avoit iiij moult belles filles et moult bien nées, et, pour ce que icellui roy estoit preude et la royne moult preude femme et de bonne vie , il envoya certains chevaliers et dames des plus souffires contre les mescréans. Si avint
gleterre estoit à marier
,
et oyt dire
sans du royaume à son povoir, pour veoir icelles les
Et,
;
si
passèrent la
quant
le
mer
et vindrent
fil-
à Dannemarche.
roy et la royne virent les messagiers ,
si
en curent moult grantjoye, et les honnourèrenlctfcs-
Le Livre
26 toyèrent
iiij
jours, et nulz ne savoit la vérité, laquelle
ilz esliroient. Si
au mieulx
ce cointirent les
filles et s affaitèrent
qu'elles porent. Si avoit en la
compaignie
un chevalier et une dame, moult congnôissant et moult soubtilz, et qui bien mectoient l'eueil et Tentente de veoir leurs manières et contenances, et au-
cunez
mettoient en parolles. Si leur sembla
foiz les
que, combien que Vainsnéefeust bien la plus belle, elle n'avoit
menu
mie
et
le
plus seur estât, car elle regardoit
souvent çà et là et tournoit la teste sur
paule et avoit
le resgart
bien vertilleux. Et la
l'es-
ij^ fille,
avoit à merveilles de plait et de parolles, et respon-
doit souvent et
menu
avant qu elle peust tout enten-
dre ce dont on luy parloit
;
la tierce
n estoit pas
la
plus belle à deviser, mais elle estoit bien la plus ag-
gréable et
ferme
,
si
avoit la manière et le maintien seur et
et paroloit assez
pou
et bien
meurement
,
et
son resgart estoit humble et ferme, plus que de nulle des
iiij.
Si
eurent conseil et avis les ambassadeurs
que ilz retourneroient au roy leur seigneur pour dire ce que trouvé avoyent, et lors il prendroit laquelle qui lui plairoit. Et lors vindrent au et messagiers
roy et à
la
royne pour congié prandre de eulx
et les
mercièrent de leur bonne compaignie et de Tonnour
que ilz leuravoient
faite,
etqu
ilz
raporteroient à leur
seigneur ce qu'il leur sembloit de leurs ce
il
feroit
à son
plaisir. Li rois leur
filles, et
sur
donna de beaux
dons. Si s'en partirent et vindrent en Angleterre, et racontèrent à leur seigneur l'onneur que le roy et la
royne leuravoient
faite.
tez des filles et leurs fut assez parlé
Après rapportèrent lesbeau-
manières et leurs maintiens,
et
y
de chascune d'elles, et y eut assés qui
DU Chevalier de La Tour.
27
soustenoient à prandre lainsnée ou la seconde par
honneur ,
et
que ce
lainsnée
et,
quant
,
qui estoit sages
seroit plus belle chose d'avoir
ilz
homs
eurent débatu assez,
li
de bon sens naturel
et
,
roys parla
Mes ancesseurs ne se marièrent oncques par convoitise, fors à honnouretàbonté de femme, ou par plaisance. Mais j'ay ouy plus derrenier, et dit ainsi
souvent et
menu mésavenir de
beauté et plaisance
manière
«
:
et
,
que de
prendre femme par
celle qui est
de meure
de ferme estât, et qui a bel maintieng;
car nulle beauté ne noblesce ne s'apareille , ne passe
bonnes meurs,
et n'est
ou monde grant aaise
de avoir femme seure et ferme d estât
et
comme
de bonne
manière, ne n'est plus belle noblesce. Et pour ce je esliz la tierce fille,
l'envoya querre
,
ne n'auray jà autre. » Lors
si
dont les deux ainsnées furent en
grant despit et grant desdaing. Et ainsi celle quiavoit la meilleure et la plus seure manière, fut
gleterre, et l'ainsnée fut refusée et legiereté
de son visaige
et
royne d'An-
pour le vertillement
pour son resgard qui
un peu perdit pour ce
qu'elle avoit trop à faire et estoit trop
emparlée
prenés, belles
vertilleux
estoit
en ces
;
filles
si
,
ne çà ne et
seur après le
l'autre
filles
,
bons exemples ,
et n'aies
là
;
quant vous vouldrez resgarder ,
virés visaige et corps
ne soies pas trop emparlicrs
parle trop ne
pas
veoir ne vertillous, ne ne tournés
quelle part que ce soit
semble
et
du roy de Dannemarche
trop l'ueil au le visaige
,
,
en-
car qui
puet tousjours dire que saigc. Et
doit-on bien à loisir entendre avant que respondre
mais,
si
vous y
faictes
;
un peu de pause entre deulx,
vous en respondrez mieulx et plus saigement
;
car
Le Livre
28 que
le
proverbe
:
comme
riens n'entant
comme
prent,
dit
autant vault cellui qui
dessus est
Cf parle de
celle
oit et
cellui qui chasse et riens
que
ne
dit.
le
chevalier de
ha Tour
laissa pour sa legière manière,
Chappitre ,
mon là
,
mes belles filles, vous diray-je pour exemple d un fait qui m'en avint sur cesle matière. Il avint que une foiz que l'en me parloit de me marier avecques une belle
ncores,
femme
noble
XIII«.
qui avoit père et
seigneur de père la veoir
l'en
nous
dont
celle
fist
l'on
;
mère et
granl chière et
me
parloit, et la
,
et si
me mena
quant nous fumes liée. Si
resgarday
mis en paroUes de
tout piain de choses, pour savoir de son estre. Si cheismes en paroles de prisonniers. Dont je lui dis : « Madamoiselle, il vaudroitmieulx cheoir a estre vos-
que à tout plain
tre prisonnier
vostre prison ne seroit pas
Angloys». Si
si
d'autres, et pense
que
comme
des
dure
me respondit qu'elle avoytveu
celle
nagaires
cel qu'elle vouldroit bien qu'il feust son prisonnier. Et
lors je luy
demanday
se elle luy feroit
maie prison,
me dit que ncnnil et qu'elle le tandroit ainsi comme son propre corps, et je lui dis que celui
et elle
obier
estoit bien
son.
eureux d'avoir
Que vous
si
doulce et
si
noble pri-
dirai-je? Elle avoit assez de làn gai ge
et lui sambloit bien, selon ses paroUes, qu'elle savoit
DU Chevalier de La Tour. assez, et
de paroles, et , toutes voies elle fust
2g
moult y ot quant vint au départir
avoit l'ueil bien vif etiegier. Et
si
bien apperte
;
,
car elle
me pria
foiz
ij
ou
iij
que je ne demouraisse point à elle venir veoir, comment que ce fust ; si me tins moult acointes d'elle qui en
si
pou de heure
fu si
son accointe que onc-
ques mais ne lavoye veue, et parloit de
fumes
mariage
partis,
samble de
mon
celle
d'elle et
bonne
que je suis,
si
bloit d'elle et et
pour
seigneur de père
que
:
Mon
l'en
me
dist:
Que
te
avis.
me samble
seigneur, elle
maiz je ne luy scray jà plus de près vous plaist si luy dis ce qu'il me sam,
;
de son estre. Et ainsi je ne
la très grant legière
appertise qui
savoit bien
que tu as veue. Dy m'en ton
Si lui dis et respondis
belle et
si
de moy. Et quant nous
me
manière
sembloità veoir en
merciay depuis Dieu moult de
foiz
;
l'eus pas,
et la trop elle
granl
dont je en
;
car ne
demoura
pas an et demi qu'elle fust blasmée, mais je ne sçay se ce fut à tort ou à droit; et depuis mourust. Et pour tant,
mes chières filles et nobles pucelles, toutes femmes de bon lieu venues doivent estre de
gentilz
doulces manières, humbles et fermes d estât et de manières,
poy emparlées, et respondre courtoisement
n'estre pas trop enresnées
,
ne
surseillies
,
et
ne regar-
der trop legierement. Car, pour en faire moins, n'en vient se bien non
;
car maintes en ont perdu leur
mariage pour trop grans semblans, dont par maintes foiz l'en esperoit
pensoient.
en
elles autres
choses qu'elles ne
Le Livre
3o
Comment la
fille
au roy dArragon perdit
d'Espaigne par sa
foie
Chappitre
le
roy
manière.
XlIIIe.
e vouldroye que vous sçussiez l'exemple
comment Il
est
le
roy d'Espaigne par sa foUie.
contenu es gestes d'Espaigne que
roy d'Arragon avoit deux d'Espaigne avoir une
,
et
qui
,
il
li
plairoit
au roy d'Arra-
la fille ainsnée
gon perdit
mieulx
le
Sy en voult le roy pour mieulx eslire celle
filles. ,
se contrefist en guise d'un
servant et ala avec les ambassadeurs, c'est-à-dire ses
messagiers , et ala avec luy un evesque et deux barons. Et ne
honneur
demandés pas
et grant joye.
Les
le
si
filles
roy leur
du roy se
fist
grant
appareillè-
rent et atournèrent au mieulx qu'elles peurent, et
par especial l'ainsnée, qui pensoit que les parolles feusscnt pour elle. Si furent leans trois jours pour
veoir et resgarder leurs contenances
dont
,
que, au matin, le roy d'Espaigne, qui
sié, resgardoit la contenance d'elles.
que quant
l'en salua l'ainsnée,
que
il
estoil
elle
Si
advint
desgui
-
resgarda
ne leur res~
pondist riens que entre ses dens, et estoit fière et de
grant port; maiz sa suer estoit humble et de grant courtoisie plaine, et saluoit le petit.
humblement
Après il resgarda une
fois
que
les
le
grant et
deux suers
jouoicnt ensemble aux tables à deux chevaliers;
maiz l'ainsnée tcnsa à
l'un des chevaliers et
mena
DU Chevalier de La Tour. forte fin
3i
maiz sa suer puisnée, qui aussy avoit per-
;
du, ne faisoit semblant de sa perte, bonne chière comme se elle eust
roy d'Espaigne resgarda tout ce
;
si
ains faisoit aussy
se retraist à côté
gens et ses barons, et leur
et appela ses
Le
tout gaingné.
dit
:
«
Vous
savés que les roys d'Espaigne ne les roys de France
ne se doivent pas marier par convoitise
,
ment
bien nées et
bien
femmes de bonnes meurs
et à
de venir à bien
tailliées
et à
,
fors
noble-
honneur, et à
pour ce j'ay veues ces deux filles et leurs manières et me sembla que la plus jonne est la plus humble et plus courtoise que n'est laulre, et n'est pas de si haultain couraige ni de si haulte maporter fruit
et
,
,
nière et
comme l'ainsnée, comme j ay peu
pour ce prenés
rcspondirent
:
appercevoir,
plus jeune, car je leslis. » Si lui
la
« Sire, lainsnée est la plus belle, et se-
honneur de avoir l'ainsnée que la plus j uenne. » Si respondit que il n'estoit nul honneur ne nul bien terrien qui s'acomparaige à bonté et à bonnes meurs et par especial à l'umilité et à humblesce et ra plus grant
,
,
pour ce que je
humble,
et luy
veue
la vueil avoir.
si
ques l'evesque
gon
l'ay
et les
la plus courtoise et la
Et ainsi
l'esleut.
plus
Et adonc-
barons vindrent au roy d'Arra-
demandèrent sa
fille
plus juenne, dont le
roy et tous ses gens en furent moult csmerveillez qu'ilz
ne prenoient l'ainsnée, qui
moult. Maiz ainsi avint que d'Espaignc, pour estre
au grant
et
au petit,
la
estoit la plus belle
humble etdcdoulccsparolles
et
par sa courtoisie fut esleue.
Dont l'ainsnée eust grant desdaing et
en
ple
fut toute forcennée, et
comment par
de
plus jeune fut royne
et grant despit,
pour ce a cy bon exem-
courtoisie et par humilité l'on ac-
Le Livre
33
en l'amour du monde car
croist
il
:
comme
n'est riens si plai-
humble et courtoise et saluer le grarit et le petit, et non pas faire chière de perte ne degaain, car nulles gentilz femmes ne doivent avoir
sans
estre
nul effroy en elles ; elles doivent avoir gentilz cuers et
de doulces responces
Dieu
dist
plus se humilie saulce ,
et estre
humbles
comme
,
en TEuvangille, que qui plus vault
comme
,
et scet
car qui plus se umilie plus s'es-
fist
ceste
mainsnée
fille
du roy
d'Ar-
ragon, qui, par sa courtoisie et son humilité, conquist à estre royne d'Espaigne et Tosta à sa suer Tainsnée.
Cy parle de
celles
qui estrwent
les
unes
aux autres.
Chappitre
gardez que vous ne prengniez
elles filles, estrif
à
fol
XV'.
,
ne à
ayent maie teste
folle :
,
ne à gens
folz
qui
car c'est grant péril. Je
un exemple que j'en vi. 11 où plusieurs dames et damoiselles demeuroient. Si y avoit une damoisellc, fdle d'un chevalier bien gentilz ; si se va courrouscier à jeu de vous en
avint en
un
dirai
chastel,
tables, elle et
un
gentil
homme,
teste et rioteuse, et n'estoit
qui bien avoit maie
pas trop saige. Si
fut le
débat sur un dit qu'elle disoit qu'il n'estoit pas droit ; tant avint dit
qu
il
que
les parollcs se haulcèrent et qu'elle
estoitcornart et sot.
Hz
tenson. Si dis à la damoiselle
:
laissèrent le jeu par «
Ma
chière cousine,
DU Chevalier de La Tour.
33
ne vous marrissiez de riens qu'il die , car vous savez qu'il est de haultes paroles et de sottes responces. Si vous prie pour vostre honneur que vous ne preignez point de débat avecques luy,
ment,
comme je voulsisse
ne m'en voult
dire à
et le dis féable-
ma suer.
» Maiz elle
croire, ains tença encore plus fort
que
devant, et lui dist qu'il ne valoit riens, et moult d'autres parolles. Et
mieux pour
loit
me. Et
il
respondist,
homme
elle lui dist qu'il
qu'elle
ne
comme ne
disoit
fol
faisoit
mie
,
qu'il
va-
pour fem-
voir, et creu-
rent leurs paroles et surmontèrent tant que
il
deist
que s'elle feust saige, elle ne venist pas par nuit es chambres aux hommes les baisier et accoler en leurs ,
sans chandoille
liz
,
et elle s'en cuida bien venger,
et lui dist qu'il mentoit, et
et
que
tel et tel lui
il
luy dist que non faisoit
avoient veue. Siavoitlà moult de
genz, qui furent esmerveillez, qui riens ne sçavoient
de ce
,
et si
y ot pluisseurs qui dirent que ung bon mieulx , et qu'elle s'estoit batue par
taire lui vaulsist
son baston mcsmes, c'est-à-dire par sa langue
et
son
hatif parler. Et après celles parolles, elle ploura et dist qu'il l'avoit diffamée, et
car
il
l'assaillit
ça tant que
il
il
ne demeura pas
ainsi,
arrière devant tous et estriva et ten-
luy dist encores qu'il y avoit veu pis,
et dist paroles encore plus ordes et plus
honteuses
au déshonneur d'elle que jamais ne luy diierroit pour secourre qu'elle face , et ainsy se ahontaga par son fol couraige et par sa haultesce de cuer. Et pour ,
ce ainsy a cy bon exemple
comment
nulle
femme ne
doit tencier ne estriver à fol, ne à folle, ne avecques
gens qu'elle sache quiaienthaultaincouraige;
ainsi les
doit l'en cschever, et, se l'en voit qu'ilz vueillent par-
3
Le Livre
34
haultement ou grossement,
1er
tous piquiés, leur dire
:
l'en les doit laissier
« Beaulx amis, je vois bien
que vous voulés parler hault ou rioter ; je vous laile champ et m'en yray » et puis soy en aler et départir, si come fist un chevalier que je congnoys bien, à une dame qui avoit maie teste et envyeuse, et disoit moult d'oultraiges au chevallier devant tous.
ray
,
Dame
Si dit le chevallier
:
tant de merveilles
se je
;
nul
me
desplaist. » Mais
tort.
taire,
va
si
prisl
un
petit
devant
et le mist
pour
moy
laissa. Si fut si
l'escheva
et
,
,
et
plaist
à dire
ne vous
je
,
ne
paille
elle, et lui dist si
ne se voult onc-
quand
souffrir
bouchon de
:
«
m'en
iray. » Et fait
et elle fut foie
il
cheval-
le
taire
que
Dame
tencez à ceste paille
tenu pour bien
à qui plus tencer,
,
il
pour trou-
se vous
car je la
s'en ala et la
au chevallier qui ain-
et seulle et
ne trouva
et s'enffrenaisist se elle voult.
ainsi le doit l'en faire, car l'en fol,
vous
celle
fort
ne se vouloit
voulez plus tencier, laisse
pour tant
maiz tença plus
lier vit qu'elle
riens,
il
,
vous escoute
Je voy bien que vous estes marrie, dont
fais
ques
«
ne à gens tenseurs, ne qui ayent maie
les doit-en eschever,
me, comme oy avez.
Et
ne doit mie estriver à
comme ftst
teste.
le chevallier
Ains
à la da-
DU Chevalier de La Tour.
De
celle
qui
menga
35
Venguille
Chappitre XVI*. n exemple vous vueil dire sur le fait des femmes qui manguent les bons morceaulx en l'absence de leurs seigneurs. Si fut une damoiselle qui avoit une pye en caige, qui parloit
de tout ce qu'elle véoit
seigneur de
l'ostel faisoit
faire. Si avint
que
le
garder une grosse anguille
dedans un vaissel ou un vivier, chierement pour
ou de ses amis, la
la
et la gardoit moult donner à aucuns de ses seigneurs
si ilz le
venissent veoir. Si avint que
dame dist à sa clavière que il seroit bon de menger la
grosse anguille, et au
fait ilz
lamengèrentetdistrent
que ilz diroicnt à leur seigneur que le loerre l'avoit mangée. Et quant le seigneur fut venu, la pye lui
commença à
dire
:
«
Mon seigneur, ma dame a man-
gié l'anguille. » Lors le seigneur ala à son vivier et
ne trouva point de son anguille. et
demanda à
le, et elle
femme que
tout certain et
toit
Si vint
à son hostel
devenue se cuida bien excuser, maiz il dit sa
que
estoit
l'anguilqu'il
la pie le lui avoit dit.
es-
Sy
ot
céans assez grand noise et grant tourment. Maiz
quand re
en
si
le
seigneur s'en fut alez, la
dame
et la claviè-
vindrent a la pye et lui plumèrent toute la teste
lui
disant
:
«
Vous nous avez descouvertez de
l'anguille. » Et ainsi fut la
povre pie toute plumée.
Maiz de là en avant, quant
il
venoit nulles gens qui
Le Livre
36
feussent pelez ne qui eussent grant front, la pie leur disoit
:
ce
Vous en
parlâtes de l'anguille. » Et pour ce a
cy bon exemple comment nulle femme ne doit gier nul
bon morsel par
son seigneur, se
elle
men-
sa lescherie sans le sceu de
ne l'employé avec gens d'on-
nour. Car celle damoiselle en fu depuis mocquée et rigolée pour celle anguille, à cause de la pie qui s'en plaignoit.
Comment
nulle
femme ne
doit estre jalouse.
Chappitre XVII^. n exemple vous diray comment c'est maie chose que jalousie. Une damoiselle, qui estoit mariée à un escuier, si amoit tant son seigneur, qu'elle en estoit jalouse de toutes celles
à qui
il
parloit. Si l'en blasmoit
entre les autres elle selle
du
païs, laquelle
Si advint
une
elle disoit
;
estoit
foiz qu'elle
et lui reprouchoit son
par sa foy
son sei-
mais riens n'y valoit , et estoit jalouse d'une damoi-
gneur mainteffoiz par bel
de haultain couraigc.
tença à celle damoiselle
mary
,
et l'autre lui dyt
ne bien ne
que
voir, et l'autre di-
soit qu'elle mentoit. Si s'entreprindrent et destressè-
rent malement, et celle qui estoit accusée tenoit
baston et en lui
rompit
fiert l'autre
l'os et
par
ait
,
nez
tel
coup que
eut toute sa vie le nez
le plus bel et le plus séant
femme
le
comme
tort,
un
elle
qui est
membre que homme ne
cellui qui siet
au milieu du
vi-
DU Chevalier de La Tour. en
saige. Si et
honteuse , et son mary
vent qu'il
87
fut celle damoiselle toute sa vie deffaite
lui eust
lui
reprouchoit bien sou-
mieulx valu de non estre
si
jalouse
que de avoir fait deffaire son visage. Et ainsi par celle laideur et mescheance il ne la peut depuis si parfaictement amer comme il souloit devant, et ala au change. Et ainsi perdit lamour et Tonnour de son seigneur par sa jalousie et par sa follie. Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne femme et à bonne ,
dame comment
ne doivent
elles
faire
semblant de
courtoisement
telz choses, et doivent souffrir bel et
si comme souffrit une mienne tante, qui le me compta plusieurs fois. Celle bonne dame fut dame de Languillier, et avoit un seigneur qui tenoit bien mil et v* livres de rente, et tenoit moult noble estât. Et estoit le chevallier à merveille luxurieux, tant qu'il en avoit tousjours une ou deux à son hostel et bien souvent il se levoit de delèz sa femme et aloit à ses folles femmes. Et,
leur doulour, se point en ont,
,
quant
mée
il
venoit de folie
il
,
trouvoit la chandoille alu-
et l'eaue et le toaillon à laver ses
quant
il
estoit
revenuz
,
elle
ne ly
qu'elle luy prioit qu'il lavast ses
que
il
mon
mains. Et
disoit rien
mains
venoyt de ses chambres aisées
:
,
et
il
,
fors
disoit
«Et pour tant,
seigneur, que vous venés des chambres, avez
vous plus grant mestier de vous laver. » Ne autre ne reprouchoit , maiz que aucune foiz elle luy disoit privéement , à eulx tous deulx seulz « Mon seigneur, lui
:
je sçay bien vostre fait de telle et telle. Maiz jà par
ma
foy, se Dieu plaist,
puisque
c'est vostre plaisir et
que je n'y puis mettre autre remède , je n'enferay ne à vous ne à elles pire chière ne semblant. Car je se-
Le Livre
38 roys bien
denrées
,
ma teste pour l'esbat de voz puisque autrement ne peut estre. Maiz, je
vous prie ,
de tuer
folle
mon seigneur, que au mains vous ne m'en et que je ne perde vostre bon semblant car du seurplus je
faciez point pire chière
amour ne
me
vostre
,
;
deporteray bien et en soufreray bien tout ce
vous en plaira commander. » Et aucunes
qu'il
par ces doulces parolles
le
,
cuer
lui
en
fois
,
pitéoit et s'en
gardoit une grant pièce. Et ainsi toute sa vie
,
par
grant obéissance et par grant courtoisie le vainquoit ; car par autre voie jamaiz ne l'eust vaincu
que au derrenier il s'en repentist et se bon exemple comment par courtoisie ,
sance
,
l'on
,
et tant
chastia. et
Cy a
par obéis-
puet mieulx chastier et desvoyer son
gneur de cclluy
sei-
que par rudesse. Car il en est quant elles leur coule plus de telz couraiges que rent sus, ilz se appunaisissent et en font pis. Pour tant à droit resgarder, ne doit pas savoir le mary faict
,
,
trop
Car
mal gré à
sa
femme
mour,
et je
pense que
il
die voir
droit se aucun, qui riens
n'auroye d'amer, se
mon
se elle est jalouse de luy.
saige dit que la jalousie est grant aspresse d'a-
li
proucbain
,
il
ou de
ne
;
car
me seroit
faisoit
il
ne
bien ou mal
mon amy
,
me
chaul-
ne que jà cause ;
maiz de dou-
je en auroye
il avoit fait aucun grant mal ; pour ce jalousie n'est, point sans grant amour. Maiz il en est de deux manières dont l'une est pire que l'autre ; car il n'en est aucune où il n'a nulle bonne raison, et que il vault trop mieux s'en souffrir pour leur honneur et pour leur estât. Et aussi l'omme ne
leur et dueil au cuer se et
,
doit pas trop
un pou
mal gré savoir à sa femme
jalouse de luy ; car elle monstre
se elle est
comment le
DU Chevalier de La Tour. comme
cuer lui duelt. Ainsi
3g
grant paour que
elle a
aultre ait l'amour qu'elle doit avoir de son droict,
selon Dieu et saincte Eglisse. Maiz la plus saige en fait le
mains de semblant,
et se doit reffraindre bel et
courtoisement et couvertement porter son mal tout ainsi doit faire
l'omme
,
,
et
et soy refraindre saige-
ment au moins de samblant que
il
pourra ; car
c'est
grant sens qui s'en peut garder. Maiz toutesfoiz la
femme
qui voit que son seigneur est
d'elle
se
,
qui ne lui plaisent pas
saigement sanz en
ter
elle
,
la
bonne femme
faire
le
le doit
por-
,
elle le doit dire
à
plus doulcement que elle pourra, en
disant qu'elle scet bien que la grant
avecques
petit jalons
semblant devant nul. Sy
luy en parle par nulle voye
eulx deulx
un
s'apparçoyt d'aucunes follies plaisantes
il
elle lui fait avoir
paour
et
tourne s'amour ailleurs et lui dire
amour
qu'il
a
doubte qu'elle qu'il
n'en ait jà
paour, car, se Dieu plaist , elle gardera l'onneur de eulx deulx. Et ainsi, par belles et doulces parolles,
desmouvoir
le doit
et oster
car, se elle le prent par yre elle
alumera
le feu et
de sa
folle
merencolie ;
ne par haultes paroles
luy fera encores penser pis et
avoir plus grant doubte que devant. Car plusieurs
femmes sont plus
fièrés
en leurs mensçonges que en
parolles de vérité, et pour ce maintes foizfont plus de
dame
doubte. Et aussy vous dis-je que la bonne
combien que
elle ait
un pou de
riote et d'ennuy, elle
n'en doit pas moins avoir chier son seigneur pour un pou de jalousie car elle doit penser que c'est la très ,
grant
amour
doubte
qu'il
et grant
mour que
il
a à elle , et
comment
il
a grant
soussy en son cuer que autre
doit avoir
de son
ait l'a-
droit, selon l'Église et
Le Livre
4o
Dieu, ai penser et regarder se aultre lui fortrait
mour que que
la joie
l'a-
que jamaiz ne l'aymera, et de leur mariage seroit perdue, et leur madoit avoir, et
il
riage tourné à déclin et tournera de jour en jour.
Et une chose, dont maintes se donnent mal, est jalousie et fait grant soussi et estroit penser, et
a cy bon exemple
comme
pour ce
amesurer son
l'en doit
couraige et son penser.
Cf parle de la bourgoise qui se par son oultraige.
fist ferir
Chappitre XVIIIe. près ne doit l'en point à son seigneur estri-
ver ne luy respondre son desplaisir, com-
me
la
bourgoise qui respondoit à chas-
cune parolle que son seigneur luy disoit tant anvieusement, que son seigneur fut fel etcotrrrouscié de soy veoir ainsi ramposner devant la gent ; si en ot honte , et lui dist une foiz ou deux qu'elle se teust, et elle n'en voulsist riens faire. Et son sei-
gneur, qui fut yrié, haulça le poing etl'abbali à terre, et oultre la fery
du pié au
visaige et luy rompit le
nez. Si en fu toute sa vie deffaite, et ainsy par son
ennuy
et
par sa riote elle ot
luy mesadvint.
Il
feust teue et soufferte le
seigneur
honneur à
ait les
la
le
nez
tort,
qui moult
luy eust mieux valu qu'elle se ;
car
il
est raison et droit
haultes paroUes
bonne femme de
,
et n'est
que que
l'escouter et de sov
DU Chevalier de La Tour. tenir
en paix et
laissier le hault parler
gneur, et aussy du contraire, car oïr
femme
tort
,
et
c'est
4i
à son sei-
grant honte de
estriver à son seigneur, soit droit
,
soit
par especial devant les gens. Je ne dis mie
que, quant
trouvera espace seul à seul
elle
,
que par
bel et par courtoisie, elle le puet bien aprendre et luy
monstrer courtoisement
homme
de Dieu
,
doit faire
dame moult lui
la
,
vent
est
est au-
fait que son droit. Car tout ainsy preude femme à l'exemple de la sage
royne Hester, femme du roy de Surie
respondoit riens en son yre
son lieu
,
faire les
;
qui
maiz après, quant
elle faisoit tout ce qu'elle
et c'cstoit grant senz
,
maiz sa bonne dame
estoit colorique et hatif ;
elle véoit loit
s'il
s'il
se n'aura elle
tre le
ne
qu'il avoit tort, et
luy en saura bon gré, et
il
de dames,
et ainsi le
voudoi-
bonnes dames à ceste exemple. Gestes
femmes, qui sont foies de l'obeyssance
comme
et
remponeuses, ne sont pas
fut la
femme d'un marchant,
dont je vous en diray l'exemple.
De
celle
qui
saillit
Chappitrb ne
fois
sur la table,
XIX«.
avint que
trois
marchans ve-
noient de l'emplette de querre draps de
Rouen.
Si
dist
l'un
:
—Par — Vrayement,
lontiers à son seigneur.
m'obeist bien.
bonne vou-
C'est trop
chose que femme, quand
elle obeist
moye moye
foy, fist l'autre, la dist l'autre
,
la
Le Livre
42 si
comme
je pense,
me
obeist plus.
—Voire
dist le
,
mectons une fermaille, laquelle obeyra mieulx et qui mieulx fera au commandement de son mary. tiers,
Je le vueil, firent les autres. Sy fut mise la fermaille,
que nul ne advertiroit sa femme, fors dire Ce que je commanderay soit fait, comment que ce soit. Si vindrent premièrement chez lune. Sy dist le seigneur Ce que je commenderay soit fait, comment que ce soit. Après cela le seigneur et jurèrent tous trois :
:
dist à sa
femme
pondit
A
:
dist-il,
:
en ce bassin.
Sailliez
que
je le vueil.
— Vrayement,
sauray avant pourquoy je fut
mary
le
Après ainsi
ilz
qu'il la
moiilt fel
,
fut
saille. Si si
,
n'en
ce,
dit-elle, je fist
rien
;
si
luy donna une buffe.
que son commandement
dist Tautre,
et puis d'illec
commanda
Pourquoy? Et au en
elle res-
vindrent chiés le second marchant et dist
comme
feust fait
— Et — Pour
quoy, ne à quelle besoingne?
à
ne demeura guères après
saillir
comme l'autre.
batue
marchant. Si
ou bacin. Et
elle dist
:
fort elle n'en voult riens faire, et
estoit la table
Si vindrent
mise et
la
chez
le tiers
viande dessus..
aux autres en l'oreille que après mengier il commanderoit à saillir ou bacin. Et se misrent à table et le seigneur dit devant tous que ce que il commanderoit feust fait, comment qu'il feust. Sa femme , qui le amoit et craignoit oyt bien la paroUe ; sy ne sçcut que penser. Si advint que il mengèrent Si dist
lui
,
,
oeufs moles, et n'y avoit point de sel
fin
sur la table.
Sy va dire le mary Femme saul sur table ; et la bonne femme qui ot paour de luy désobéir, saillit :
,
,
sur table et abati table et viandes , et vin et voirres, et éscuelles
,
tant
que tout
ala par la place.
Com-
^
DU Chevalier de La Tour.
43
manière ? vous ne Sire, sçavés autre jeu fère; estes-vous desvée? dist-elle, j'ay fait vostre commandement; ne aviez
ment ,
dist le seigneur, est-ce 1$
—
dit que vostre commandement feust fait, combien qu'il feust? je Tay faict à mon pouvoir, combien que ce feust vostre dommaige et le mien : car vous m'aviez dit que je saillisse sur la table. En bonne Quoy, dist-il je disoye Sel sur table.
vous pas
entendoye y
foy, dist-elle, je
—
—
:
,
Lors y ot assés
saillir.
deux marchans vont dire qu'il ne falloit jà commander qu'elle saillist ou bacin, et qu'elle en avoit assez fait, et que son seigneur avoit gaaingnié la fermaille et ris et
tout prins à bourde, dont les aultres
,
fut la plus loée
de obéir à son seigneur
mie batue comme
les autres, qui
commandement de
,
et
ne
fut
ne vouloient faire
leurs seigneurs
;
le
car gens voittu-
femmes par signes de cops ; femme de son droit mesmes doit
riers sy chastient leurs
et
aussy toute gentil
l'en chastier et
ment ne til
par bel et par courtoisie
femme monstre
non ,
,
car autre-
leur doit l'en faire. Et, pour ce, toute
c'est assavoir qui lui
courtoisie, de tant
comme
monstre par bel elle
debonnairement
le
et
par
aura plus gentil et
franc cuer, de tant se chastie elle mieulx et fait plus
genou
se elle a franc et gentil cuer
,
et obeist
commandement de
son seigneur, et a plus grant doubte et paour de luy désobéir. Car les bonnes craignent
bonne femme au
tiers
de désobéir à son seigneur, abaty tout
,
comme
marchant , qui
,
la
elle sailly sus la table et
et ainsi doit toute
bonne femme
soit tort, soit droit, se le
fère
comcommande-
craindre et obéir à son seigneur, et faire son
mandement,
fist
pour doubte
Le Livre
44 ment
n'est trop oullrageux, et, se
il y a vice, elle en blasme se blasme y a, à son seigneur. Or vous ay un peu traittié de Tobeissance et de la crainte que l'on doit avoir à son sei-
est desblasmée, et
demeure
le
,
comment l'en ne doit pasrespondre à chascune paroUe de son seigneur ne d'autre, et quel pé-
gneur, et
il y a et comment la fille d'un chevalier en mist son honneur et son estât en grant balence , pour cstriver et respondre au fol escuier, qui pour ce dist
ril
que
fol et
que nice
et sot.
Maiz
il
est
maintes gens
qui sont de sy haultaines paroles et de sy mauvaiz
couraige qu'ilz dient en hastiveté tout ce qu'ils scevent, et que à la bouche leur vient. Pour ce est-ce
grant péril de prendre tenson à telles gens. Car qui l'y
prent
,
il
met son honneur en grant adventure
car maintes gens en leur yre dient plus que
ilz
;
ne
scevent pour eulx mieulx vengier. Si vous laisseray
de ceste matière
et
vous parleray de
celles qui
don-
nent la char aux petiz chiens.
De
celle
qui donnoit la char aux chiens.
Chappitre
XX'.
e vous parleray de celle qui donnoit la chair et les bons morseaulx à ses petiz chiens.
Une dame
estoit qui avoit
deux
petis chiens. Si les avoit sy chiers qu'elle
y prenoit moult grant plaisance
et leur faisoit faire
leur escuielle de souppes, et puis leur donnoit de la
DU Chevalier de La Tour. char. Sy y ot une fois
que ce
n'estoit
un
pas bien
mendiant qui
frère
que
fait
45 lui dist
les chiens fussent
gros et gras là où les povres de Dieu estoient povres et
maigres de faing. Si
dame, la
lui
en sceut moult mal gré la
pour ce ne se voult chastier. Sy advint que dame acoucha au lit malade de la mort, et y avint et
telles merveilles
son ilz
lit
deux
que
appertement sur
l'en vit tout
petiz chiens noirs, et,
bouche
estoient entour sa
quant
elle transit,
et lui lechoient le bec,
quand elle fut transie, l'on lui vit la bouche toute que ilz avoient léchée, comme charbons, dont je Touy compter à une demoiselle qui disoit qu'elle l'avoit veue , et me nomma la dame. Pourquoy a cy bonne exemple à toute bonne dame comment elle et,
noire,
ne doit point avoir
ne donner les
la char
si
grant plaisance en
aux chiens ne
povres de Dieu meurent de faing
sont créatures de Dieu et
fais
telle
chose,
les lescheries,
hors
là
dont ,
qui
à sa semblance, et
et cestes femmes ont pou ouy la parolle que Dieu dist en la sainte euvangille, que qui fait bien à son povre il le faist à luy meismes. Cestes femmes ne resemblent pas à la bonne royne Blanche, qui fut mère saint Loys, qui ne prenoit point desplaisir ains faisoit donner la viande de devant elle aux plus mesaisiéz. Et après,
sont ses serfz et ses sergens
saint Loys, son
povres et
filz, le faisoit
les paissoit
,
ainsy
;
car
de toute bonne femme doit estre à véoir lins et povres et petiz enfanz par pitié, et et les veslir
comme
visitoit les
il
de sa propre main. Le plaisir
faisoit la sainte
les
orphe-
les nourrir
dame
qui estoit
comtesse du Mans, laquelle nourissoit bien xxx orphelins
,
et disoit
que
c'estoit
son esbat
,
et
pour ce
Le Livre
4iî fut
amie de Dieu,
et ot
bonne
vie et
l'en plus grant clarté et planté
bonne
fin, et vit
de petiz enfanz en sa
mort ce ne furent pas les petiz chiens que la mort de l'autre, comme ouy avez. ;
Du
débat qui fut entre et
le sire
l'on vit à
de Beaumanoir
une dame.
Chappitre XXP. es belles filles, je vous prye que vous
ne soyez mie des premières à prendre estas
nouveaulx
,
et
que en
cestui cas
les
vous
soiez les plus tardives et les derrenières et par especial de prandre estât de
pais, sy
comme
je
femmes d'estrange
vous diray d'un débat qui
fut
d'une baronnesse qui demouroit en Guienne et du sire
de Beaumanoir , père de cestuicy qui à présent
est, qui fut
malicieux et saige chevallier. La
arraysonnoit de sa
femme
et lui dist
:
«
dame
le
Beau cousin,
» je vien de Bretaigne, et ay veu belle cousine vostre » femme, qui n'est pas ainsi atournée, ne sa robe es» toffée
comme
» autres lieux
;
les
dames de Guienne
et
de plusieurs
car les pourfiz de ses courses et de
» ses chapperons ne sont pas assez grans ne de la » guise qui queurtà présent.» Le chevalier luy res-
pondi
:
«
Ma dame puisqu'elle comme vous
» vostre guise et
,
,
n'est pas arrayée à et
que ses pourfiz
» vous semblent petiz et que vous m'en blasmés » sachiez que vous ne m'en blasmerés plus
;
ains la
DU Chevalier de La Tour. » feray plus coinle » nobles cointises
et aussy
4?
nouvellement arrayée de
comme vous ne nulles
des autres
;
» car vous et elles n'avez que la moitié de vos corsés
» et de vos chapperons rebuffez de vair et d'ermines » et je feray encores mieulx, car je
;
lui feray ses cor-
» ses et ses chapperons vestir en l'envers, le poil de» hors. Ainsi sera mieulx pourfillée et rcbuffée que
» vous ne les autres. » Après luy dit
«
:
Ma dame
» pensés-vous que je ne vucille qu'elle soit bien ar-
» rayée selon les bonnes dames du paix? mais je ne
mue Testât des preudes femmes et dames de honneur de France et de ce
» veul pas qu'elle » des bonnes
» pais qui n'ont pas prins Testât des amies et des » meschines aux A ngloy s et aux gens des compaignes
;
» car ce furent celles qui premièrement admenérent » cest estât en Bretaingne des grans pourfdz et des » corsés fendus es costez et lés floutans
;
car je suy
du temps et le vy. Sy que , à prendre Testât de » telles femmes le premier , je tiens à petitement » conseillies celles qui le prennent, combien que la »
» princesse et autres
dames d'Angleterre sont après
» long temps venus qui bien le pevent avoir. Mais
» j'ay tousjours oy dire aux saiges que toutes bonnes
» dames doivent tenir Testât de bonnes dames du » royaulme dont elles sont, et que les plus saiges sont
» celles qui derreniôrement prennent » veaultez. Et aussy par renommée Ton »
mes de France
et de cestes basses
telles
nou-
tient les
da-
marches
les
moins blasmées. » Mais en Angleterre en a moult de blasmées , si » comme Ton dist si ne sçay se s'est à tort ou à droit. » meilleurs dames qui soient
et les
;
» Et pour ce
est-il
mieulx de
tenir le fait
aux dames
Le Livre
48
» qui ont meilleur renommée. » Si furent cestes paroles dictes devant plusieurs
pour nice
et
ne sçeut que
,
dont
dont plusieurs se prindrent à
dame
se tint
respondre,
rire et dirent entre
mieulx un bon
qu'il lui vaulsist
la
elle luy deust
taire.
eux
Et pour ce,
bonne exemple de prendre et tedes bonnes dames de son pays et du commun du royaulme dont l'en est c'est assavoir dont les plus des bonnes dames usent communément, et especiaulment les preudes dames, selon ce que chascune le doit faire; car à prandre nouvel estât venu d'esiranges femmes ne d'autruy belles
tilles,
nir lestât
a cy
moyen
et lestât
,
moquée
pays, l'en est plus tost l'estat
de son pays,
et rigolée
comme vous
si
que de
tenir
avez ouy dire que
bon chevalier, qui saiges estoit et de grant goula dame. Et saichiez de certain que celles qui premiers les prennent donnent assez le
vernement, en reprint
à jangler
et à rigoler sur elles.
Mais
,
Dieu mercy,
aujourduy, dès ce que une a ouy dire que aucune a
une nouveaulté de robe ou de atour, aucunes de les qui oyent les nouvelles
cel-
ne finiront jamais jusques
à tant qu'elles en aient la copie, et dient à leurs sei-
gneurs chascun jour
:
« Telle a telle chose qui trop
a bien lui avient, et c'est trop belle chose; je
» prie, lui dist
vous
mon seigneur, que j'en aye.» Et se son seigneur :
«
M'amie
,
se celle en a, les autres, qui sont
—
femmes aussi sages comme elles, n'en ont point. » Quoy sire, se elles ne se scevent arrayer, qu'en ayy>
!
» je à faire? puisque telle en a, j'en puis bien avoir
» et porter aussy bien les trouveront tant
comme elle.
» Si
vous dy qu'el-
de si bonnes raisons à leur dit,
qu'il
conviendra que elles aient leur part de celle nouveauté
DU Chevalier de La Tour. et cointise. Maiz cestes
mie voulentiers tenues
49
manières de femmes ne sont les plus saiges
vans, fors qu elles ont plus
le
ne
les plus sça-
cuer au siècle et à la
playsance du monde. Dont je vous en diray d'une est venue, de quoy les femmes seiTantes femmes dechambres, clavièresetaultres de mendre estât, se sont prinses communément, c'est-à-dire qu'elles fourrent leurs doz et leurs talons autant penne
manière qui et
,
comme que
ilz
drap, dont vous verrez leurs pennes derrière
ont crottées de boue à leurs talons, tout aussy
comme
le Ireu
d'une brebis soilliée derrière. Si ne
priseriés riens celle cointise en esté
en yver, quant
il
fait
grant
froit
,
ne en y ver car, meurent de ;
elles
à leurs ventres et à leurs tétines, qui ont plus
froit
grant mestier d'estre tenues chaudement que les talons
,
et
en esté les puces
ne prise riens
la
s'y
mucent
nouveaulté ne
dames ne sur
parle point sur les
,
et
pour ce
telle cointise.
je
Je ne
les damoiselles
atournées, qui bien le pevent faire à leur plaisir et à leur guise
;
car sur leur estât je ne pense mie à parler
chose qui leur doye desplaire, que je car à
moy
honorer et
ne
affiert
le
puisse sçavoir ;
ne appartient fors
les obéir à
mon
nulles en parler par cest livre, fors que à tilles et
et
à
mes femmes
les servir et
povoir, ne je ne pense sur
mes propres
servantes, à qui je puis dire
monstrer ce que je vueil et
il
me
plaist.
Le Livre
5o
Comment il fait périlleux du
estrii^er à
siècle, et parle de la
gens sçavans
dame qui print
tens-
son au mareschal de Clermont.
Chappitre XXIK elles filles, je
ment
il
fait
vous diray un exemple com-
périlleux parler ne tenir estrif
à gens qui ont
le siècle
à main et ont
nière et sens de parler.
gaaingne pou à leur tenir
l'en
ne de jangles
,
ma-
Car voulentiers
estrif
de bourdes
qui bien ne leur plaisent. Dont
advint à une grand feste
,
où
il
avoit
il
moult de grans
dames
et seigneurs, et là fut le mareschal de Clermont, qui à merveilles avoit le siècle à main , comme de beau parler et beau maintient, et de sçavoir bien son estre entre tous chevaliers et dames. Si y
avoit
une grant dame qui
« Clermont
,
lui
dist
devant tous
:
en bonne foy, vous devez grant guer-
redon à Dieu, car vous estes tenu pour bon chevalier et assez beau, et savez merveilles.
Se feussiez assez
parfaiz, se ne fust vostre jangle et vostre mauvaise
langue qui par
me,
dist-il,
foiz
ne se puet
Je pense que ouil, dist-elle. fait si
:
il
pire
taire.
— Or, ma da-
est-ce donc la pire tache que j'aye?
— Or veons,
dist-il,
en ce
me semble, à droit jugier, que je ne l'ay pas comme vous avez, et vous diray pourquoy;
vous m'avez
dit et
selon vostre ad vis
reprouchié la pire tache que j'aye ,
et
,
se je
me
tais
de dire
la pire
DU Chevalier de La Tour. que vous suis pas
dame
aiez, quel tort
legier
si
escouta et
lesquelles
en parler
,
5i
Madame,
comme vous
ama mieux ne
j
distrent plusieurs
mestier
fais-je?
je
ne
estes. »
La
avoir jà parlé, ne es-
pour plusieurs raisons que je ne dy pas, ay ouy compter qu'il en fust assez parlé,
trivé à lui,
et
vous
et
il
que trop grant appertise n'a
luy vaulsist mieux à soy estre teue.
Et pour ce a cy bon exemple : car il vault mieulx autaire et soy tenir plus humblement
cunes foys soy
que
estre trop apperte
ne commander paroUes à
gens qui ont parolles à main
et qui n'ont nulle
telz
honte
de dire parolles doubles à plusieurs entendemens. Et pour ce regardez bien à qui vous emprendrez à parler, et
ne leurs
dittes point
de leur desplaisir, car
l'estrif
d'eulx est moult périlleux.
Cf parle de Bouciquaut et de iij dames, comment il s'en chei>it.
Chappitre XXIIP. .ncores vous parleray
'
de ceste matière,
comment il avint à Bouciquaut que trois dames lui cuidoient faire honte et com,
ment il
s'en chevit.
Bouciquaut
cstoit saige
etbeaulparlier sur tous les chevaliers, etsiavoitgrant siècle et grant senz entre
grans seigneurs et dames.
Sy advint à une feste que trois grans dames se seoient sur un comptouer et parloient de leurs bonnes ad« Belles ventures , et tant que lune dist aux autres :
Le Livre
52
elle qui ne dira vérité par bonne compaignie , se il y a nulle de vous qui en ceste année feust priée d'amours. Vrayement,distrune, je Fay esté depuis un an. Parmafoy, dist Taulre, siay-
cousines
honnie soit
,
—
je
moy.— Et moy aussi,
plus apperle
:
Honnie
—
se dist la tierce.
soit elle
— Et
qui ne dira le
dist la
nom de
celluy qui derenierement nous pria. Par foy, se vous
vous diray. Sy se vont accordera dire voir.
dictes, je
première, — Vrayement, derrenier qui me Bouciquaut. — Vraiement, distlautre, moy — Et, moy. dist la
le
et
pria fust
aussi.
Vrayement, chevalier
deur
dist la tierce,
distrent les aultres,
si
il
n'est pas si loyal
comme nous cuidions. Ce n'est que un bour-
un trompeur de dames.
et
voyons
fist-il
le
11
est céans;
querrc pour luy mettre au nez ce
en»
fait.
Sy l'envoyèrent querre , et il vint si leur demanda « Mes dames, que vous plaist? Nous avons à parler :
;
—
à vous
;
seez vous cy. » Sy le vouloient faire seoir à
leurs piez, mais
il
leur dist
:
«Puis que je suis venus
à vostre mandement , faictes-moy mettre des quarreaulx ou un siège à
moy
seoir
;
car, se je
me
seoie
rompre mes estaches et vous me pourriez mettre sus que ce seroit aultre chose. » Si convint que il eust son siège , et quant il fust
bas
,
assis
je pourroye
,
icelles
,
,
qui bien furent yrées, sy vont dire
:
Comment, Bouciquaut, nous avons esté deçeues du temps passé car nous cuidions que vous fussiez «
,
et vous n'estes que un trom; un moqueur de dames ; c'est vostre tache. Comment, madame, savez-vous que jay fait? Que vous avez fait? Vous avez prié d'amours belles cousines qui cy sont, et sy avés vous moy, et si
voir disant et loyal
peur
et
— —
DU Chevalier de La Tour.
53
aviez juré à chascune de nous que vous lamiés sur toutes autres. Ce n'est pas voir, ains est
mensconge
;
car vous n'estes pas trois en vault, et ne povez avoir trois cuers
pour en amer
et decevable, et
trois, et
pour ce estes faulx
ne devez pas estre mis ou compte des
bons ne des loyaulx chevaliers.
—
avez-vous tout dit ? vous avez grand
pourquoy
;
car à l'eure
que
Or,
mes dames,
tort, et
je le dis à
vous diray
chacune de
vous, je y avoye ma plaisance et le pensoie ainsy, et pour ce avez tort de moy tenir pour jongleur; maiz à souffrir me convient de vous , car vous avez vos parlers sus moy. » Et quant elles virent qu'il ne s'esbahissoit point, si va dire l'une « Je vous diray que nous ferons. Nous en jouerons au court festu à laquelle il demourra. Vrayement, dist l'autre, d'en:
—
droit
moy je
n'y pense point à jouer, car j'en quitte
— Vrayement, moy. sy — Lors respondit: Mesdames, parle sabre Dieu,
ma
part.
fist l'aultre,
fais-je
je
ne
suis point ainsi à départir ne à laissier
;
car
il
n'y
a cy à qui je demeure. » Si se leva et s'en ala, et elles demourèrent plus esbahies que luy, et pour ce est grant chose de prandre estrif à gens qui scevent du siècle
ne qui ont
si
leur manière et leur maintieng. Et
pour ce a cy bon exemple comment l'on ne doit point entreprendre paroUe ne estriver avecques celles gens ; car il y a bien manière. Car celles qui aucunesfois cui-
dent plus savoir en sont par
fois les
plus deceues
dont je vouldroye que vous sceussiez l'exemple semblable à ceste cy sur cette matière.
Le Livre
54
De
iij
aultres
dames qui accusèrent un
chei^alier,
Chappitrb XXIIIK fut ainsi que trois dames avoient accusé un chevalier dé tel cas et de telle decevance, et Tavoient enfermé dans une chambre tout seul et chascune dame avoit une damoiselle, et au fort le jugièrent-elles à mort, et que jamèz par telle guise ne decevroit dame ne demoi1
,
selle.
Et sy estoient sy courrouciées et sy yrées vers
luy que chascune tenoit
le coustel
pour
le occire
;
ne
nul deblasme ne excusalion ne lui valoit riens. Sy leur va dire
:
«
Mes dames
et damoiselles, puis qu'il
» vous plaist que je meure, sans » avoir, je
» donner
vous pry à toutes
un don.
Sçavez-vous ,
remède ne mercy
qu'il
vous plaise à
moy
» Et au fort elles lui accordèrent.
que vous m'avez octroyé ? » vous ne le dictes. » » Vous m'avez octroyé, dist-il, que la plus pute de » vous toutes me frappera la première. » Lors si fu-
«
—
dist-il
,
—
« Nennil, distrent-elles, se
rent esbahies et s'entreregardèrent l'une l'autre
,
et
pensa chascune endroit soy Se je frappoye la première, je seroye honnie etdeshonnorée. Et, quant il :
les vit ainsi esbahies et
court à
va
l'uis, et le
en esmay
,
il
sailly
en pies et
defferma et s'en yssy et ainsi se sau-
le chevalier. Et elles demourèrent toutes esbahies mocquées. Et pour ce unpoy de pensement vaull moult à besoing, soit à homme ou à femme. Si vous
et
DU Chevalier de La Tour.
55
de ceste matière et revien à celles qui ont moult le cuer au siècle , comme à estre es joustes et
laisse
es festes, et aler voulentiers en pelerinaige, plus pour
esbat que pour dévotion.
De
celles
qui vont ifoulentiers aux joustes et
aux
pellerinaiges.
Chappitre XXV^ e vous diray une exemple d'une bonne
dame
qui recouvra un grant blasme sans
cause à une grant feste d'une table ronde
de joustes. Celle bonne dame et avoit bien le cuer
au
siècle, et
estoit
jeune
chantoyt et dans-
soyt voulentiers, dont les seigneurs et les chevaliers
Tavoient bien chière, et les compaignons aussi. tes
y
voyes son seigneur
aloit si voulentiers.
requise
,
n'cstoit
Mais elle vouloit bien en estre
son seigneur
et
Tou-
pas trop liez dont elle
en donnoit grans eslar-
lui
gissemens que on la requist et priast d'amer, et son seigneur le
pour paour d'acquerre
faisoit
grâce des seigneurs feust jaloux festes et
;
si la
,
et
la
maie en
deist pas qu'il
leur octroyoit-il pour aler à leurs
esbatemens ,
mises pour
que on ne
et
il
mectoit moult de grans
à celles festes pour l'onneur
l'accoinlir
d'eulx. Mais elle povoit bien apparccvoir
que
,
s'il
eust esté au gré et plaisance de son mary, elle n'y alast pas.
Et, si
temps que
comme
l'en veille
il
est
accoustumé en esté
à dances jusques au jour,
il
Le Livre
56
advint, une fois entre les autres
,
que, à une feste où
elle fust la nuit, l'en estaigny les torches et fist l'en
grans huz et grans eris , et quant vint que porta la lumière
,
le frère
du seigneur de
l'en
celle
ap-
dame
que un chevalier tenoit celle dame et l'avoit mise un petit à costé, et, en bonne foy, je pense fermement qu'il n'y eust nul mal ne nulle villenie. Mais toutes fois le frère du chevalier le dist et en parla tant que son seigneur le sceut et en eut si grant dueil que il l'en mescrut toute sa vie, ne depuis n'en eut vers elle si grant amour ne si grant plaisance , com-
vit
me
il
souloit; car
rechîgnèrent
il
en fut
fol et elle folle et s'entre-
en perdirent aussi
et
,
comme
tout leur
bien et leur bon raesnage, et par petit d'achoison.
dame
Je sçay bien une autre belle lentiers estoit et
menée aux grans
mescreue d'un grant seigneur. Dont
fut
malade de
si
longue maladie
deffaicte et n'avoit
que
qui très
,
il
advint qu'elle
qu'elle fut toute
les os, tant estoit
cuidoit transir de la mort, et se
fist
vou-
blasmée
festes. Si fu
malade. Sy
apporter beau sire
Dieux. Lors dist devant tous « Mes seigneurs , :
mes amyes, veez en quel
» amis et
» souloye estre blanche
»
monde me
»
que
je
,
vermeille et grasse, et
louoit de beaulté
ne semble point
» souloye
amer
festes
» temps est passé
;
il
,
;
celle qui souloit estre
convient que je
» terre dont je vins. Et aussi, » amies
,
l'en parle
» recevoir et sur la
me
;
;
je
mais
le
aille
à la
mes chers amis
moult de mal de
moy
et
de
et
mon
mais, par celuy Dieu que je doys dampnacion de mon âme , il ne requisl oncques , ne me fist villennie mais que
» seigneur de Craon
»
le
or povez-vous veoir
joustes et tournoys
me
mes
point je suy. Je
;
DU Chevalier de La Tour. me
Sy-
engendra je ne dy mie qu'il ne » couchast en mon lit , maiz ce fut sans villennie et » sans mal y penser. » Si en furent maintes gens » le père qui
;
, et pour ou temps passé
esbahis, qui cuidoient que aultrement feust tant ne laissa pas à estre blasmée et son
honneur blessié et pour ce a grant dames de trop avoir le cuer au
péril à
,
toutes bonnes
ne
s'en
un
siècle,
d'estre trop désirables d'aler à telles festes, qui
pourroit garder honnourablement
;
car c'est
où moult de bonnes dames reçoivent moult de blasmes sans cause. Et si ne dis-je mie qu'il ne fait
conviengne parfoiz obéir à ses seigneurs
amis
et
vous y
nement
y
aler.
ailliez et ,
Mais , belles
que vous ne
quant vendra
filles
,
se
il
et à
le puissiez refuser
que
la nuit
ses
advient que
l'en sera
bon-
à dan-
que pour le péril et la parleure du que vous ayiez tousjours de costé vous aucun de voz gens ou de voz parens ; car se il advenoit que l'en estaingnist voz torches et la clarté cier et à chanter,
monde vous
faciez
qu'ilz se tenissent près
de vous
,
non pas pour nulle
doubtance de nul mal, maiz pour
le péril
vais yeulx et de mauvaises langues
espient et disent plus de
mal
,
de
mau-
qui tousjours
qu'il n'y
a , et aussy
pour plus seurement garder son honneur contre les jangleure, qui voulentiers disent le bien.
mal
et taisent le
Le Livre
58
De
celles
qui ne veullent vestir leurs bonnes robes
aux festes.
XXVK
Chappitre
n autre exemple vous diray de
celles qui
ne veulent vestir leurs bonnes robes aux
aux dymenches pour l'onneur de
^estes et
Nostre Seigneur. Dont je vouldroye que
vous sceussiez l'exemple de la dame que sa demoiselle reprist. Une dame estoit qui avoit de bonnes robes et
de riches
;
mais
menches ne aux
elle
ne
blés gens d'estat. Et advint à
une
luy va dire sa
«
:
Ma dame, que ne
pour Tonneur de
Dame
et
verrons nulles gens la
damoyselle
doist
car
il
,
si
—
feste
de Nostre-
damoy-
vestés-vous une bonne robe
la feste? car
dymenche.
di-
ne cuidast trouver no
Dame, qui fut à un dimanche, selle
aux
les vouloit vestir
festes, se elle
il
est feste
Quoy!
— Ha
d'estat.
de Nostre-
dist-elle, !
nous ne
ma dame
,
ce dist
Dieu et sa mère sont plus grans et les
Ten plus honnourer que nulle chose mondaine puet donner ou
tollir
de toutes choses à son
honneur vient de lui pour ce doit l'en porter honneur à la feste de luy de sa benoyte chière mère et à leurs sains jours. plaisir, car tout le bien et
Taisiez-vous
,
dist la
,
dame Dieu ,
et et
—
et le prestre et les
me voyentchascun jour mais les gens me voyent pas, et pour ce m'est plus grant honneur de moy parer et cointoier contre eulx.
gens d'esglise d'estat
ne
;
—
DU Chevalier de La Tour. Ma dame,
5g
—
mal dit. Non est, dist la dame, layssiez advenir ce que advenir pourra. » Et tantost, à ce mot, un vent, chault comme feu la ferit par telle guise qu'elle ne se pot bouger ne remuer, ne plus que une pierre et dès là en distla damoiselle,
c-'est
,
,
avant la convenoit porter entre les bras, et devint grosse et enflée
comme une
pipe. Si recognut sa fol-
lour et se voua en plusieurs pèlerinages et porter en une disoit la
litière
,
et
cause comment le mal
vengence de Dieu,
c'estoit la
fist
s'i
à toutes gens d'onneur elle lui estoitprins, et
que bien
et
estoit
que
em-
ployé le mal qu'elle souffroit; car toute sa vie elle
monde que
avoit porté plus d'onneur au
à Dieu, et
avoit plus grant joye et plus grant plaisir à soy cointoier
quant gens
pour leur qu'elle
ne
d'estat venoient
en
lieu
où
elle fust,
pour avoir sa part des regards par devocion es festes de Dieu ne de
plaire et faisoit
ses sains. Et puis disoit aux gentilz et aux juennes
femmes «Mes amies, veez cy
la
:
et
comptoit tout
avoir beau corps bel et gent
pour moy la gloire
plaire, et,
que
je
vengence de Dieu
le fait et leur disoit
pour
la
,
se
me
louange
y prenoye , je
me
:
»"
« Je souloye
disoit
et le
chascun
bobant de
vestoie de fines
robes et de bonnes pennes bien parées, et les faisoie faire
bien justes et estroites ; et aucunesfoiz
estoit
en
moy en
pour en avoir
avoit
ahan
le fruit
qui
et péril, et tout ce faisoie
la gloire et le loz
du monde. Car quant
ouoye dire aux compaignons qui me disoient pour moy plaire « Veez cy un bel corps de femme qui est » bien taillié d'estre amé d'un bon chevalier », lors
je
:
tout le cuer
me
resjouissoit
;
mais or povez veoir
quelle je suis, car je suy plus grosse et plus con-
Le Livre
6o
que une pipe, ne je ne semble point celle qui fut ; ne mes belles robes que je avoye si chières que je ne vouloye vestir aux dymenches ne aux bonnes fes-
strainte
,
tes]pour l'honneur de Dieu, ne
tier.Mes belles
monstre
ma
filles et
folie,
pour avoir
le los
auront jamais mesil
m'a
mes bonnes robes
qui espargnoye
pourmoy
auxfestes
me
amies, amez Dieu, car
cointoier devant les gens d'estat
etleregart des gens. Sy vous prye,
mes amies, que vous prengniez icy bon exemple. » Ainsy se complaignoit la dame malade et fut bien ,
malade et enflée par l'espace de quant Dieu eut veu sa contricion si
ans. Et après
vij
et sa repentance
luy envoya santé et la gary toute saine, et fut dès
lors
en avant moult humble envers Dieu,
plus de ses bonnes robes pour Dieu, et se
ment
ne eut pas
et
souloit. Et
comment
pour
le
cuer au
et
donna le
tint
simple-
monde comme
elle
bon exemple vestir sa bonne pour honneur et
ce, belles filles, a cy
l'on doit plus parer
robe aux dimenches et aux
et
festes',
amour de Dieu, qui tout donne, et pour l'amour de sa doulce mère et de ses sains, que l'on ne doit faire pour les gens terriens, qui ne sont que boue et terre, pour avoir leur grâce et leur los ne les regards d'eulx ; car celles qui le font par telz plaisances qu'il desplaise
gence en cest la
à Dieu, et que
siècle
ou en
,
je pense
en prendra sa ven-
l'autre,
dame comme vous avez ,
il
sy
comme il fist de
ouy, et pour ce y a bon
exemple à toutes bonnes femmes
et
bonnes dames.
DU Chevalier de La Tour.
De
6i
la suer saint Bernart.
XXVIK
Chappitre
n autre vous vueil dire après de ceste matière. Il advint que saint Bernart, qui fut moult saint homme et noble et de hault lignaige, laissa toutes ses possessions et
grans noblesses pour servir Dieu en abbaye sa sainte vie
il
fut esleu
en abbé.
pour
aumosnier
et faisoit grans abstinences et esloit grant
une suer moult grant dame, qui vint veoir à grant foyson de gens et moult noble-
aux povres. le
et
;
Si vestoit la haire
Si avoit
ment adournée de et
son frère qui
homme
vit
tié
estoit, et
,
et
il
quant
le saint
en cest grant arroy sa suer, sy se soigna dos
,
et la
dame
envoya sçavoir pourquoy
elle
en cest estât devant
et vint
preudomme
et luy tourna le lui
riches robes et d'alour de perles
de précieuses pierres,
lui
manda que
de l'avoir veue en
tel
il
eut grant honte et
ne daignoyt parler à
elle lui avoit fait
grand pi-
ourgueil et desguisement et
ainsi deffaite. Et lors elle osta ses riches robes et ri-
ches atours et se arroya moult simplement, et dist: « Belle suer, se je
raison plus qu'il
aime vostre corps,
amer vostre ame; ne
ne desplaise à Dieu
vij
que créature ne
le
il
lui
doy par
cuidicz vous pas
et à ses angelz
bobanl et tel orgueil mettre à parer une gne, qui, après
je
de veoir
telle
tel
charoin-
jours que l'ame en sera hors, purra
pourra sentir ne veoir sans grant
Le Livre
62
horreur et abbominacion. Belle suer, que ne pensezvous une fois de journée comment les povres meurent de froit et de faing là hors, que du x* de vostre cointerie et de voz noblesces feussent plus de xl per-
sonnes ressaisiz
et revestus contre le froit? »
Lors
lui
preudomme tant de bien et lui desclaira sy la folie du monde et les bonbans, et aussi le sauvement de Tame, que la bonne dame ploura et dedist le saint
puis
fist
vendre
le
plus de ses robes et de ses riches
donna pour Dieu, et prist simples vestemens et humbles atours , et mena sy sainte vie que elle eut la grâce de Dieu et du monde, c est-àdire des saiges et des preudes gens , qui vault mieux que celles des folz. Et pour ce, belles filles, a cy bon exemple comment l'en ne doit pas tant avoir le cuerau monde, ne mettre en ses cointises pour plaire aux folz et au monde, que Tenue départe à Dieu, qui tout donne et dont l'en puet acquerre son sauvement car il vault mieulx moins avoir de riches robes et d'atours que les povres gens n'en ayent leur part car qui met tout pour avoir la plaisance du monde je suis certain que c'est folie et temptacion d'ennemy, et se doit l'en mieulx parer pour honneur et amour de Dieu, c'est aux dimanches et aux festes, en reverance et louange de luy et de ses sains, que pour la folle plaisance du monde, qui n'est que umbre et vent au regart de lui qui tout puet et tout donne, et tous atours, et Targent
;
;
diz durera sa gloire.
DU Chevalier de La Tour.
De
celles
63
qui ne font que jengler aux esglises.
Chappitre XXVIII". n autre exemple vous diray de
celle qui
loquençoit et jengloit à Tesglise quant elles
doivent ouir le divin
office. Il est
es gestes de Athènes que
preudons
estoit,
et
de sainte vie.
Si avoit
mitage une chapelle de saint Jehan. chevaliers , les
dames
rinaige, tant
pour
preudomme.
Si
quant
il
et
contenu
un saint hermite en son her-
y vindrent les damoiselles du pais en pele-
la feste
Si
comme pour
la sainteté
du
chanta Termite la grant messe, et,
se tourna après Teuvangille
,
si
regarda les
dames
et damoiselles et plusieurs chevaliers et es-
cuiers,
quibourdoyentetjengloyentàlamesse etcon-
seilloient les
uns aux autres.
Si
regarda leur
contenance, et vit à chascune oreille de
femme un ennemy moult
folle
homme etde
noir et moult orrible qui
aussy se rioyent et jengloyent d'eulx et escripvoient les parolles
que
disoient. Ces
ils
ennemis
sailloient
sur leurs cornes, sur leurs riches atours et sur leurs cointises, aussi
comme
petiz oiselez, qui saillent
branche en branche. Sy se seigna se esmerveilla. Et quant
comme en
la fin
et bourder.
mais aucuns
,
il
les
Sy fery sur et
il
fut à
ouy
li
preudomme
son canon
flater et parler
le livre
pour
,
,
de et
aussy et rire
les faire taire
aucunes y avoit qui se teurent point.
Lors dist : « Beau
sire
Dieux, faictes les taire et faictes
Le Livre
64 congnoistre leurs
Lors tous ceux qui se rioient
folies.
et qui jengloient se prindrent à crier et à braire
hommes
femmes
et
soufroient
si
à ouïr. Et quant
gens demoniacles
,
et
messe fu chantée, le saint hermite il avoit veu les ennemis d enfer
la
comment
leur dit
comme
,
grant doulour que c'estoit piteuse chose
eulx rire des mauvaises contenances quilz faisoient
à
la
messe
,
chié où
ilz
où
et après leur dist le grant péril
cheoyent de parler
et
entroient
,
ilz
de y bourder, et le grant pccomme à la messe et ou ser-
vice de Dieu nulz et nulle n'y doit venir fors pour le
ouïr
humblement
et
dévotement
prier Dieu.'Et après leur dist
nemis
saillir et saulteler
attours de plusieurs
et
pour adourer et
comment
il
veoit les en-
sur leurs cornes et sur les
femmes
,
c'estoit
à celles qui le-
noient parolles et contens aux compaignons et à celles qui pensoient plus
monde que
en amourettes
et
aux
deliz
du
à Dieu, pour plaire et avoir les resgars
des musars. Sur celles y veoit les ennemis espinguer ; maiz sur celles qui disoient leurs heures et estoient en leur devocion
bien que
il
,
il
n'y estoit pas
y en avoit d'assez cointes
et bien
,
com-
parées
;
car il tient le plus au cuer. Et après leur dist que celles
qui se cointissoient pour mieulx estre regardées et y
prenoient plus grans plaisances que au service de Dieu
donnoient grant esbat à l'ennemy. Après
si
advint
que ceulx et celles qui cryoient et estoient tourmentez, que les femmes getterent leurs cornes , leurs atours et leurs cointises
comme
toutes forcennées;
et toutesfoiz firent illecques leur neufvaine, et au chief
de
ix jours, à la prière
du
saint hermite
,
ilz
revin-
drenl en leurs sens, et furent bien chastiez dès là en
DU Chevalier de La Tour.
65
avant de parler ne de jengler ou service de Dieu. Pour
quoyil y a cy bon exemple comment nul ne nulle ne doit parler ne destourber le divin office de Dieu.
D'un exemple qui annt à
la
messe saint Martin»
Chappitre XXIX«.
^^^t
encores vouldroye que vous sceussiez
qu'il advint
à la messe de saint Martin de
Tours. Le saint sy saint Brice
,
lui aidoit
homme
son clerc
et
chantoit la
son
et
quant
luy
la
les
messe
fust chantée, saint
demanda pourquoy
qu'il avoit
messe
;
c'estoit
;
qui après luy fut arcevesque de Tours
lequel se prist à rire, et saint Martin et,
filleul
son apparceut, Martin l'appella
, et il respondy veu l'cnncmy qui mettoit en escript ce que
femmes
et
hommes
il
avoit ris
s'entredisoyent tant
comme
messe dont il advint que le perchemin d'un des anemis fut trop court et petit et il le prist à tirer aux dens pour le esloigner et comme il le tira fort, il lui eschapa telement que il se fery de la teste contre la masière. Et pour ce m'en ris. Et, quant il
disoit la
,
,
,
saint Martin eut il
vit
ouy saint
,
Brice, et qu'il avoit
veu
ce,
homme. Sy prescha sur aux femmes comment c'estoit grant
bien qu'il estoit saint
ccste matière
pcchié de parler ne de conseillier à la messe
,
ne au
service de Dieu, et qu'il vauldroit mieulx la moitié à
n'y estrc pas que y parler ne y conseillier ; et encores sousliennenl les grans clers que l'en n'y doit dire 5
Le L ivre
66 nulles heures, tant cial tant
comme
Et pour ce, belles
comme
la
messe dure
et par espe-
Teuvangille dure ne le per omnia. filles,
comment
a cy bonne exemple
vous devez contenir humblement et dévotement à l'église, ne y tenir parolles ne jangler à nuUuy pour riens qu'il aviengne.
De celle qui perdit à
oïr la messe.
Chappitrb XXX«. n grant exemple vous diray de ceulx qui par leur paresse perdent à ouirla messe et la font perdre aux autres. J'ay ouy compter le compte d'un chevalier et d'une dame qui, dès leur jeunesse, prenoicnt moult grant délit à dormir à haulte heure ; sy le maintindrent par telle guise que bien souvent ilz perdoicnt à oïr la messe et la faisoient perdre à leurs paroissiens
roisse
ne
où
ils
demouroient estoitleur,
les osoit désobéir.
;
car la pa-
etillec
personne
Sy avint que à un dymenche
ilz mandèrent que l'en les attendist, et quant ilz furent venuz il fut midy passé. Sy respondirent plusieurs à la personne ou chappelain de l'esglise que il estoit heure passée et pour ce il ne osa chanter et n'y ot
point de messe celuy dymenche, et fist moult de mal aux bonnes gens mais à souffrir le leur convint. Si ;
avint la nuit ensuivant en avision au chappelain par foiz ou par troix , qu'il lui sembloit qu'il gardoit une grant compaignie de brebis en un champ où n'a-
ij
DU Chevalier de La Tour. voit point
pour paislre
lis
en
de herbe. ,
où
celle entrée avoit
chiez au travers
nuz
;
si
67
en un pas-
Si les vouloit mettre
entrée et il n avoit que une un porc noir et une truye cou,
du chemin. Ces porcs
estoient cor-
avoient sy grant paour lui et les ouailles
qu'ilz n'osoient entrer
ou
pastis et s'en aloicnt tantost
arrière à leur toit, sanz paistre
puis une voix lui disoit
:
obéir pour ces bestes cornues
comme il
la, et tout
aussy
celle nuit
au chevalier
ne sans mengier. Et
Laissiez-tu à entrer ne à ? et
lors
il
s'en esveil-
advint au prestre,
et à la
dame
il
advint
tout en la
ma-
maiz que il leursembloit qu'ilz estoient devenuz porc et la truie, et estoient cornus et ne vouloyent
nière, le
laissier
passer les brebis ou pastis, et après cela ve-
noyt une grant chasse de veneours noirs sur grans
chevaulx noirs, et avoient grant quantité de lévriers et il
de grans chiens noirs ,
et,
de ce
qu'ilz arivoient
leur sembloit qu'ilz descombloient sur eulx et lors
faisoient la chasse sur eulx grant et merveilleux
,
et
cornoientethuchoient, elles chiens glalissoient et les prenoienl es cuisses et es oreilles, et dura la chasse
moult longuement, tant
sambla
qu'il leur
toient prins par force et occis, et sur ce
lèrent tous esmerveillez et effroyez
,
ilz
qu'ilz es-
se esveil-
et cesle advision
leur advint deux foiz. Sy advint que la personne de l'esglise vint chiez le chevalier. Et lors le chevalier et la
dame
lui racontèrent leur advision, et aussi le pres-
tre la sienne.
Sy
en furent tous esmerveillez de
quoy leurs advisions ressembloient ; si dist le prestre au chevalier « Sire, il y a un saint homme hermite :
cy près en celle forest qui bien nous saura
de cesle chose. » Lors y alèrent
et
faire saiges
comptèrent au
Le Livre
68 saint
homme
leurs advisions de point en point, et le
preudomme, qui moult leur déclara tout leur
vous
femme
et vostre
estoit saiges et
fait, et dist
,
:
vie,
« Sire,
estes les porcs noirs qui gar-
du
diez le pertuis et l'entrée
alassent paistre
de sainte
au chevalier
ne que
pastis
que
les brebis n'y
ne mangeassent de
ilz
la
bonne pasture c'est-à-dire que vous qui estes seigneur de la parroisse où vous demeurez , avez destourbé les paroissiens et les bonnes gens de ouir le ,
,
saint service de Dieu
ment de
vie
,
,
qui est pasture et repaisse
especialement de la vie de l'ame
vostre paresse et par vostre repos
jour
comme
porcs
;
et les cornes
,
,
par
qui dormez le
que vous aviez es-
toient les branches de pcchié, cl par cspécial les
grans péchiez que vous truy le bien
fait
faictes à faire
et le service
perdre à aul-
de Dieu, que vous ne
povez amender fors que par grant tourment. Et
pour la vengencc du meffait vous est demonstré que vous en serez chaciez et tourmentez des ennemis d'enfer et pris et matz par pure chace , si comme ,
vous feustes par vostre advision , et sy vous dy certainement qu'il vous vaulsist mieulx cent fois pour une ne ouir point de messe que la tollir aux autres
ne que oster au prestre sa devocion. Car, quant il attendoit trop longuement, il se courouçoit ou pechié d'ire, dont les uns vont en la taverne, les aultrcs s'en vont et les aultres perdent leur devocion, et
parfois le prestre s'enyre et pert sa et chante sur son péril
;
maulx viennent par vous resse
,
bonne devocion,
et tous ces péchiez et ces et
par vostre pechié de pa-
dont vous en rendrez compte
,
et
en serez
chacez, tourmentez, prins et mis à mort, c'est à dire
DU Chevalier de La Tour.
^
en voyed'estre dempné. » Lorâ
69
le chevalier fu
moult
esbahy et demanda conseil comment il en pourroit faire Lors le saint homme lui dist que par trois dimen.
ches
se agenoillast devant les paroissiens et leur
il
mercy que ilz luy voulsissent pardonner le meffait et que ilz voulsissent Dieu prier pour luy et pour sa femme et qu'il leur voulsist pardonner yceulx meffaiz, et que dès là en avant il seroit l'un des criast
,
premiers à Teglise
;
sy le confessa l'ermite
bailla celles penitances et autres
avant
il
nostre Seigneur
loient luy et sa li
si
,
,
et luy
que dès
se chastia, et mercièrent, lui et sa
en
là
femme
de leur avoir demonstré celle de-
monstrance. Si vous dy que dès aussy
,
là
en avant
ilz
es-
femme des premiers au moustier,
preudoms
dist
au prestre
et
la vision et la luy
desclara sur celle matière, et que Dieux devoit estre le le monde, et premier servy Pour quoy , belles filles prennez cy bon exemple à vous garder que par vostre personne vous ne faciez perdre la messe à plusieurs , ne leur devocion par vostre paresse ne par vostre négligence , car mieulx vous vauldroit à n'en oïr point, et je vouldroye que vous sceussiez et eussiez apris l'exemple de la dame
plus craint et doublé que
,
qui mettoit le quart du jour à elle appareillier.
Le Livré
yo
D'une dame qui mettoit
à
quart du jour
le
elle appareillier.
Chappitre XXXIe. ne dînme
son habergement
estoit qui avoit
delezVesglise. Si mettoit longuementà soy appareillier et attourner,
moult à
la
si
que
il
ennuyoit
personne de celle église
aux
et
un dimenche qu'elle estoit moult longue, et tousjours mandoyst qu'elle feust atendue, comment que ce fust. Sy estoit moult haulte parroissiens. Si avint par
heure
et
ennuyoit à tous. Si en ^ y avoyt plusieurs
qui s'entredisoient
mais huy pignée distrent
:
mirée
?
!
ceste
dame ne
pleust à Dieu,
et attendre.» Et
comme pour
si
elle se miroit à celle
sera
» Si en avoit aucuns qui
a Mal mirer lui envoit Dieux
nous fait icy muser
fois
me
Comment
«
:
ni
,
qui tant de si
comme
il
exemplaire, ainsi com-
heure
,
elle vit à
rebours
l'ennem)^ ou mirouer qui lui monstroit son derrière, si lait, si
que
orrible,
dame
la
issy hors
de son sens
comme
demoniacle
et puis
Dieux luy envoya santé, et se chastia
que
elle
sy fut un long temps malade si
bien
ne mist plus grand paine à soy arroyer ne
estre sy longue chastiée. Et
,
mais mercya Dieu de
pour ce cy
ne doit pas estre appareillier faire
;
que
a'
ainsi
l'en
l'en
longue à soy arroyer et se
en perde
perdre à autruy.
l'avoir ainsi
bon exemple comment le saint service
ne
le
DU Chevalier de La Tour.
De
celle
71
qui ouoit ifoulentiers la messe.
Chappitre XXXII». un exembonne dame et de sa sainte vie, qui amoit moult Dieu et son scmce et la journée qu'elle ne ouist messe , elle ne mengasf jà de chair ne de poisson et fust à grant malaise de corps. Sy advint une foiz que son chapellain fust tellement malade qu'il ne povoit chanter ; la bonne dame ala et vint moult à malayse de quoy elle perdoit la messe. Sy ala au dehors en disant
,
:
demanda se OU dame, la bonne dame mercya Dieu si
vcnoient; lors elle ot grant joye et leur ilz
chanteroient messe, et
se Dieux plaist », et
chanta
les trois parties
la
distrent
du
:
«
,
;
plus jeune des frères
le
garda et
ilz
,
et à l'eure qu'il fist
saint sacrement, le viel frère re-
vit saillir l'une
des parties en la bouche de
bonne dame en manière d'une
petite clarté.
Le
jeune frère regardoit partout qu'estoit devenue l'une des parties et trembloit de paour ; et le vieil frère s'en apperceust
paignon et la
;
moult bien de
la tristeur
de son com-
sy vint à lui et lui dist qu'il ne s'esmayast,
que ce que dame pour
il
queroit estoit
sailli
certain. El lors
il
en
la
bouche de
feusl assuré et
il
Le Livre 72 mercya Dieu de ses grans miracles et ainsi en advint à la bonne dame qui tant amoit le saint service de Dieu. Car, pour certain, cy a bon exemple; car, selon la sainte escripture , ceulx qui ayment Dieu et ,
son service
Dieu les ayme
,
,
si
comme
appertement à celle bonne dame qui de
le veoir et
de
l'ouir,
comme ouy
tel
il
monstra
désir avoit
avez.
D'une confesse qui chascun jour vouloit oîr iij
messes.
Chappitrb XXXII^. e vouldroye que vous eussiez bien retenu
l'exemple d une bonne contesse qui tous les jours vouloit ouïr trois messes. Si aloit
en pelerinaige
;
sy va cheoir lun de ses
chappelains d'un cheval à terre et se meshaigna si qu'il
ne peut chanter. Sy
fut la
bonne dame à trop grant
meschief de perdre l'une de ses messes. Si se complaignoit moult
etDieux
lui
humblement à Dieu
et
dévotement
envoya un angeleou un saint en guise d'un
; mais, quand il ot chanté et il fut desvestu, ne sccut qu'il advint , pour serchier que l'en sceusl faire. Sy pensa bien la bonne dame que Dieux le luy avoyt envoyé et l'en mercia moult humblement. Et poui- ce a cy exemple comment Dieux pourvoit
prestre l'en
ceulx qui ont devocion et
amour en son
saint ser-
pou de femmes aujourd'uy qui bien ne se passent à moins de trois
vice et à luy
,
et je
pense
qu'il
y
ait
DU Chevalier de La Tour. messes ouir, tite
amour
73
et leur souffist bien d'une, tant ont
et"
pe-
devocion en Dieu et en son service
;
car ouir son service repute sa propre personne. Car
qui l'aime et craint
,
le vuelt
il
souvent veoir et ouir
sa sainte parole ; et aussy du contraire, qui n'y a bien le
cuer s'en passe ligierement
comme
,
font aujourd'uy, qui ont plus le cuer délit
De
de
au
plusieurs
au
siècle et
char que à Dieu.
la
celles
qui vont voulentiers es pellerinages.
Chappitrk XXXIIlIe. n autre exemple vous vueil dire d'une
dame
qui estoit juenne et avoit le cuer au
un escuier qui
siècle. Si estoit
reux
d'elle
et elle
,
et pour plus avoir d'aise pour bourder ensemble ,
seigneur qu'elle
s'estoit
et
pour ce que
il
estoit
le heoit
amou-
pas aussy,
de lieu pour parler et
son vouée pour aler en pelerielle faisoit accroire à
naige, et son seigneur, qui souffroit,
ne
preudhomme
estoit
,
le
ne luy vouloit pas desplaire.
Sy advint une fois que elle et yceluy escuyer alèrent en un pelerinaige d'une place de nostre Dame. Si
enmy le chemin de parler eny entendoient bien plus que à dire
furent moult aysiez
semble
,
car
ilz
leurs heures et y avoient bien plus grant plaisir et
plws grant
venus
délit,
dont
là et ilz furent
il
advint que, quant
au bon do
la
ilz
furent
messe, l'ennemy,
qui tousjours est en aguet de cnflamber et lemptcr
Le Livre
74
homme
et
femme,
de
les tint si subgiez
celle
temp^
tacion et en celluy fol plaisir, qu'ilz avoientplus leurs
yeulx et leurs plaisances à resgarder Tun l'amre et à d'amours qu'ilz n'avoient au divin
faire petiz signes
ne que à dire dévotement leurs heures. Si il prist si grant mal à la dame soudainement, que celle se estraingnoist et ne sçavoit se elle estoit morte ou vive. Si enfust em-
service
,
advint, par appert miracle, que
portée entre bras en la ville
comme
chose morte, et
fut trois nuiz et trois jours sans boire et sans
men-
ou mort ou vye. Sy fut envoyé querre son seigneur et ses amis qui furent moult doulans de ceste aventure , et la regardoient et si ne sçavoient se elle en mourroit ou vivroit, dont
gier, et n'y congnoissoit l'en
,
il
advint que la
vit
dame
,
qui en grant douleur estoit
une advision moult merveilleuse car
il luy semmère et son père, qui mors esmère luy monstra ses mamelles : ;
bloyt qu'elle veoit sa
toyent pieçà, et la ((
Belle
fille,
veez cy
comme
ton seigneur Tesglise te
l'a
ta
nourreture
tu feiz ceste
; aime et honneure mamelle , puisque
donné. » Et après son père luy disoit:
pourquoy as-tu plus grant plaisance ne plus grant amour à un autre que à ton seigneur? re« Belle
fille
,
garde ce puis qui est de costé toy, et saichiez chiez ou feu de maie chaleur
,
,
se tu
que tu chierras de-
dans. » Et lors elle regardoit et veoit
un
puis plein
de feu delez luy si près que à pou qu'elle n'y cheoit. Si en estoit toute effrayée, et après son père et sa
mère
lui
monstroient bien cent preslres trestous re-
vestus de blanc , et le père et la mère lui disoient
tes
:
nous vousmercions d'avoir revestucesgens cy. » Et après cela il lui sembloit qu elle
« Belle
fille,
DU Chevalier de La Tour.
76
Tymaige de Nostre Dame qui tenoyt une cotte « Geste cotte et ceste et une chemise et lui disoit chemise te gardent de cheoir en ce puis. Tu as ordi ma maison et mocquée. » Et en ycelluy effroy elle s'esveilla et gelta un grant souspir. Si eurent son^ veoit
:
seigneur et ses amis grant joye, et virent bien qu'elle n'estoit
lasse
de
pas morte, et la la vision et
dame
se trouva vaine et
paoureuse du feu et de
la
flambe
du puis où elle estoit deue cheoir. Sy demanda nn prestre, que on luy ala querre, un saint preudomme religieux qui estoit grant clerc, vestoit lahaire et estoit
moult de saincte
vie.
avoyt eue de cheoir ou puis
aussy elle luy dist
et
,
paour que elle
homme
tous ses péchiez et ses jeunesses, et le saint lui
luy
Si la confessa et elle
dist toutes ses advisions et la grant
desclara son avision et lui dit
:
Dame, vous estes moult tenue à Dieu et à sa doulce mie la perdicion et la dampnacion de vostre ame, ains vous desmonstrent vos«
» mère, qui ne vueillent »
» tre péril et vostre saulvement.
» vous ont )i>
fait
Premièrement
dont vostre mère vous disoit
:
Belle fdle, voy les
» mamelles où tu preiz ta nourreture
» neure ton seigneur »
Ma
doulce
ilz
demonstrer vostre père et vostre mère,
amye
,
ayme
;
et
ho-
comme
tu feiz cestes mamelles.
c'est à
entendre que, puisque
» sainte église vous a donné seigneur, que vous le
» devez
doubter et amer tout aussy
» amiez la mamelle de vostre » rissement. Et aussy
» choses pour la
mère
comme
tette et la
femme
comme vous y prenez nou-
l'enfant laisse toutes
doulceur du
» prent croissement et nourreture » bonne
et
,
lait
,
dont
il
aussi doit toute
selon Dieu et selon sainte loy
amer
Le Livre
76
» son seigneur sur tous autres, et laissier toutes au» très
amours pour
celle
;
si
comme
nostre seigneur
» par sa sainte propre bouche dist que l'on laissast et
» deguerpist père et mère
,
suers et frères et toutes
Tamour de son seigneur, et que » ce n'estoient pas deux chars, fors une, que Dieu avoit » conjointe en une et que homme ne povoit séparer, i> c'est-à-dire que homme ne povoit ny ne devoit » autres choses pour
» fourtraire l'amour l'un de l'autre » et l'esglise les avoit
unys
,
puisque Dieus
et conjoins
ensemble. Et
» encores vous dist vostre mère que vous y prenis» siez nourreture comme en ses mamelles , c'est-à» dire et entendre que se que vous amez vostre sei» gneur sus tous
,
que ce
seroit votre nourriture et
» vostre bien, et honneur vous accroistra de jour en » jour »
comme
mère
et
l'enfant croist par la nourriture
de sa mamelle,
c'est la
de
doulceur du
la
lait,
» qui signifie la grant doulceur, la joye et l'amour » qui doit estre en loyal mariaige, et la grâce de Dieu » y habite. Après vostre père vous dist Belle fille » pourquoy as-tu plus grant plaisance et plus grant » amour à aultre que à ton seigneur? regarde ce puis :
» qui est delèz toy, et saches
,
se tu chez au feu de
» maie chaleur, que tu y chierras. C'est-à-dire que » se vous amez plus aultre que vostre seigneur, ne j>
que autres habitent à vous,
fors
que luy, que vous
» charrez ou puis, où vous serez arse et bruslée pour le délit de la maie plaisance et malle chaleur que » vous avez eue ailleurs. Et pour ce vous montra-il » le puis de feu et la vengeance et la punicion qu'il a- convient souffrir pour le délit de celle folle plai» sance. Après ilz vous monstrèreut les prestres
y>
DU Chevalier de La Tour.
77
» blans et vous disoient que vous les aviés revestus
;
» pour ce vous en mercioient ; c'estoit signiffiance que
» vous aviez
revestir les prestres et fait dire des
fait
» messes pour eulx , dont
ilz
vous remercioient car ,
comme vous
» soiez certaine que aussi
» eulx et pour les autres deffuncts
,
faictes
que
ilz
pour
prient
» pour vous et sont marriz quant ilz voyent que ceulx » qui font bien pour eulx sont en voye de perdicion.
» Si
comme vous avez
bien peu apparcevoir que
ilz
» sont très bien marriz de la temptacion que vous » aviez eue et de
la folle
plaisance par laquelle vous
» estiez en voye d'estre perdue
» venoyent secourir pour » messes et des
,
et
pour ce vous en
amour du bien
fait et
aumosnes que vous aviés
des
fait et fait
» faire pour eulx. Après veistes l'image de Nostre»
Dame qui tenoy t une
cotte et
une chemise
et disoit
;
» Geste cotte et ceste chemise te gardent de cheoir » en ce puis, car tu as ordi
ma maison et Tas moquée.
» C'est-à-dire que vous aviez esté en son esglise et
Tamour
» plus pour plaisance d'autruy que pour
» d'elle, et c'estoient les folz regars et les folz plaisirs
» que vous preniez en celluy par qui d'amours vous » emprensistes la voye ei le voyaige T)
vous
dist la
,
voix^ue vous aviez ordy
» sa maison, c'est son église
;
et
pour ce
et
moquée
car tous ceulx et celles
» qui y viennent par autre plaisance que par dévocion T>
du
saint lieu et se couvrent
du service pour trouver
» lieu d'esbat et délit terrien, ceulx moquent l'esglise » et la maison de Dieu. Ainsi fut-il de vous, selon
» vostre
fait et
vostre advision. Après vous l'ordeistes
» et empeschastes
,
comme
» quant vous aviez plus
le
la voix
vous
dist.
cuer à luy et en
Ce
fut
la plai-
Le Livre
78 » sance de »
» » »
que au divin service, et de cellui meffait Dieu vous a voulu monsirer vostre deffaulte et vous fist venir celluy grant mal et celle grant hachie que vous avez senti. Et ceste grâce, qui vous vint par chastiement et demonstrance folie
» fut par le service et bien fait que vous feystes à » deux povres femmes, dont vous donnastes à Tune » une cote et à l'autre une chemise , et vous dist la
» voix que la cotte et la chemise vous avoyent gardée » de cheoir ou puis » l'aumosne
,
c'est-à-dire
que vous aviez
que le bien fait et pour Dieu vous
fait
» avoit gardé de périr et d'estre perdue, se vous fus» siez cheoite en la folie où vostre cuer avoit mis » s'entcnte et sa folle plaisance. Sy devez grant » guerredon à Dieu et grant service de vous avoir » daigné demonstrer vostre erreur. Si vous devez » en avant garder d'encheoir un tel péril comme de » perdre
honneur
» nul tant
comme
et l'ame d'avoir plaisance
de amer
vostre seigneur, à qui vous avez
» promis foy et loyaulté
,
ne
le
changer pour pire
» ne pour meilleur, et celle le change, qui plus aime » autre que son seigneur et ment et parjure sa foy » et sa loy. Si vous est, Dieumercy, beau mirouer.»
Et ainsi
li
demonstra
le
preudomme son
la confessa et l'enseigna le
mieulx
advision et
qu'il pot, et la
da-
me
guerist et mercia Dieu, et laissa toute sa folle plaisance, dont il advint, bien environ demi an ou envi-
ron après, que l'escuier, qui l'amoit par amours, vint d'un voyaige et d'une armée où il avoit esté. Si la vint veoir, cointe et jolis
,
et si
commença
et jangler et lui user d'un tel langaige
,
à bourder
dont autres-
foys luy avoit usé; sy la trouva toute estrange; lors
DU Chevalier de La Tour. fut
«
tout esbahy et esmerveillé
Ma dame
et
à quel jeu ay-je perdu
,
79
luy demanda le
bon temps,
:
la
» joye et l'espérance que j'avoye en vous de vivre
» joyeusement? » Et cellui
temps
la
est passé
;
dame
lui respondit
que
car jamais je ne pense à
tout
amer
ne avoir plaisance à nullui fors en mon seigneur. Et lors elle lui compta Tadventure qui lui advint. Si cuida moult la tourner; maiz il ne peut, et, quant ne pot et qu'elle estoit si ferme, si la il vit qu'il laissa et distà plusieurs la bonté et la fermeté d'elle,
honnoura plus. Et pour ce a cy bon exemple comment l'on ne doit pas aler aux sains voiaiges pour nulle folle plaisance , fors pour le divin service et amour de Dieu , et aussy comment il fait bon faire prier et faire dire messes pour son père et et l'en prisa et la
pour sa mère et pour ses autres amis; car aussy ilz prient et empêtrent grâces pour les vifs qui bien font pour eulx , comme ouy avez et aussy fait l'en ;
bien de donner pour Dieu
,
car
Taumosne
grâce de Dieu à celluy qui la donne,
si
si
acquiert
comme ouy
avez. Sy vous diray un autre exemple qui avint en
une église qui est en de Beaulieu.
ma terre,
et
a
nom Nostre-Dame
Le Livre
8o
De
ceulx qui firent fornication en Vesglise.
Chappitre XXXV'. 1 avint en celle église à une vigilles de Nostre-Dame que un qui avoit nom Perrot
Luart et qui estoit sergent de Cande en la
mer, autel. Si advint
coucha avec une femme sur un
s'i
un miracle
s'entrebessonnèrent
qu'ilz s'entreprindrent et
comme
chiens
,
tellement qu'ilz
furent aussy pris de toute le jour à journée
,
si
ceulx de Tesglise et ceulx du païx eurent assez
de lez venir veoir
;
car
ils
que
loisir
ne se povoient départir, et
convint que Ton venist à procession à prier Dieu pour culx, et au fort sur le soir
ilz
se départirent.
Dont il
convint que Tesglise feust puis dédiée, et convint par pénitence qu'il alast par troix dimenches environ Tesglise et le cymetière, soy bâtant et recordant son
péché. Et pour ce a cy bon exemple
comment
se doit tenir nettement en sainte église
;
et
l'en
encores
vous diray un autre exemple sur ceste matière, com-
ment
il
avint es parties de Poitou n'a pas trois ans,
dont je vous en diray l'exemple.
DU Chevalier de La Tour.
8i
Du moine qui fist fornication en V église.
Chappitre
XXXVK
n Poitou avoit une abbaye qui a nom Chie, dont Tesglise a esté empirée pour les guerres. Le prieur d'icelle abbaye vre Faye
Si avint à
avoit un nepveu qui avoit à nom Pigière. un jour de dymenche que Ton dit matines
messe. Si demandoit l'en partout cellui Pigière, ne povoit estre trouvé. Mais toutefois tant fut quis cerchié qu'il fut trouvé en Tesglise en un coin-
et la
et et
gnet sur une femme, embessonné, et ne se povoient
que tous y povre moigne avoit grant honte et
départir l'un de sus l'autre, et telement
vindrent
,
et le
grant dueil, et si y estoit son oncle et tous les aultres moignes, et toutes voyes au derrain , quant il pleust à Dieu, ils se départirent, et celuy moyne Pigière de dueil et de honte laissa l'abbaye et s'en ala ailleurs.
Se fut moult grant exemple comment l'on se doit garder de faire mal pechié de délit de char en l'église ne d'y parler de chose qui touche celle orde matière, ne s'i entreregarder par amour, fors que par amour de mariaige. Car comme Dieu dit en l'Euvangille, si comme racompte l'un des euvangelistres, que le doulx Jhesucrist entra en une esglise qui lors appe-
Sy y vendoit l'en merceries et quant Dieu vit ce, si les mist hors, et qu« la maison Dieu devoit estre tenue necle6
lée étoit le temple.
marchandise, dist
et,
Le Livre
82
ment
mayson de
et qu'elle dc-voit estre
saintes croi-
sons et de prières, non pas maison de marchandises
ne maison à
faire
nul délit de pechié
;
et,
ceste raison, Nostre Seigneur en a bien
pert miracle,
à conforter
démontré ap-
comme vous avez ouy qu'il a fait nagaires
en ces deux églises ordist sa sainte
,
comment
maison ne son
il
lui desplait
que on
église.
Des maulvais exemplaires du monde.
Chappitre XXXVIL elles filles
Qui
le
A bon
bien voit et
le
mal prent,
droit puis s'en repent.
Je le dy pour ce que nous avons par le
de mauvais exemplaires
monde moult
y a moult de ceulx qui se prennent pi us tost aux mauvaises que aux bonnes, et ceulx qui
le
tent hors
du
de Dieu
et
,
fontfoloycnt, et se desnalurent et se metdroit
le père,
chemin
,
c'est
des
commandemens
qui tout bien et sauvement enseigne
et le baille par escript par loy, laquelle
petitement. Car nous veons que
gouverne selon gloire
le délit
de
du monde, comme
sent pour leur beauté gentillesce
;
,
le
nous tenons
plus de
monde se
la
char et selon la vainne
les
uns qui se ourgucillis-
pour leur richesse, pour leur
aultres y a qui sont envieux des biens et
des honnours que
ils
voient à autruy plus que à eulx
;
autres y a qui sont yrcuxet gardent leur mal cuer et
DU Chevalier de La Tour. félon en rencune
,
83
autres qui sont sus la lecherie de
luxure espris et enflambez plus ordement que buefs
ne bestes sauvaiges autres qui sont lecheurs ,
et frians
sur leurs gueulles de bons vins et délicieuses vian-
des
autres sont avers et convoyteux d'avoir lautruy
;
bien, autres qui sont hoqueleurs, larrons
rapineux
parjures, traittres et mesdisans
,
manières de gens monstrent bien que de
la doctrine à leur maistre
ilz
usuriers,
,
,
que ilz ressemblent; par
sa doctrine et temptacion et par son conseil
ilz
font
maulx c'est l'ennemy de ténèbres qui les atet les esmeut à faire yceulx péchiez et les y
iceulx tise
et cestes
sont enffans
;
tient bien
jusques à
par laquelle
de gens est
le
la desliance
sont délivrez
ilz
plus du
monde
,
de vraye confession, et
de ceste manière
entechiez et surpris.
Des bons exemplaires du monde.
Chappitre XXXVIII'. prez
,
y a d aultres qui sont plus saiges cuer et l'espérance en
et qui ont plus le
Dieu,
et,
pour l'amour de
ont envers luy,
ment
et nettement, et se
ilz
se
la crainte
que
ilz
tiennent chaste-
combattent contre
les ten-
brandons du feu de luxure , et aussi se tiennent plus soubrement de viandes délicieuses, par quoy la char est tcmptée, car la délicieuse tations des
viande et les bons vins et les deliz du corps sont alumail et tison du feu de luxure. Et autres qui ont
Le Livre
84
grâce d'avoir souffisance contre convoitise , et autres qui ont franc cuer et piteux
aux povres
,
et sont
loyaulx et justes vers leurs prouchains et voisins sont paisibles, et, pour ce pais et paisiblement;
quiert,
le
mal
le voit l'en
et la
advenir.
Dieux
,
,
mal
car qui le
et
en
les fait vivre
et la riote
douleur trouve; voulentiers
Car aucunes gens par leur
grant yre et convoitise se bastent de leurs basions
mesmes et
les
gille
débonnaires de cuer et les paisibles; et
toutes cestes gens
en
de jour en jour peine
et se pourchassent
ennuy. Et pour ce, Dieux beneist en l'Euvan-
la crainte et
sins
,
,
qui ainsi se tiennent nettement
en l'amour de Dieu et de leurs voi-
monstrent bien
maistre
,
c'est-à-dire à
ressemblent à leur bon
qu'ilz
Dieu
le
père
,
de qui
ilz
tien-
nent ses sains commandemens , si comme sainte Eglise leur enseigne , car ilz ont eu franc cuer à les
au bon
retenir, et aussi ressemblent
filz
de Dieu, qui
bon exemplaire de vie et de joie pardurable, et fontaine où l'on puet tout bien et sauvement puiser. Et pour ce , belles filles , ayés jour et nuit le cuer ou lui et l'amez et le craigniez , et il vous sauvera de est
,
tous perilz et de toutes temptacions mauvaises
pour
ce,
mes
belles
filles,
desclairerpar ce livre les
dames que Dieux loue en
,
et
vous vueil monstrer et preudes femmes et bonnes je
sa Bible
,
qui
,
par leurs
bonnes meurs, furent et seront à tousjours mais louées, pour quoy vous y prengniez bon exemple à vivre à tousjours mais honnestesaintes euvres et
ment
et nettement
vous monstreray
comme
celles firent.
qui furent diverses et crueuses
Et aussy
aucunes mauvaises
et desclareray ,
lesquelles finèrenl
DU Chevalier de La Tour.
85
mal , afin de y prendre bon exemple de vous garder du mal et de la perdicion où elles cheyrent.
DeEi^ej nostre première mère.
Chappitre XXXIX«. exemple de mal et de pechié, par mort est entrée en cestuy monde, vint par Eve, nostre première mère, qui
e premier
quoy
I
'si
la
petitement
Dieu et Tonneur où
dame de ciel, et
il
garda l'avoit
commandement de
le
mise
car
;
il
Tavoit faitte
toutes choses vivans qui estoyent soubz le
que tous lui obeyssoient et feissent sa voulenté.
Et se elle ne feust cheute en pechié de desobeyssance terre
il
,
,
ne
n'y eust poisson en la mer, ne beste sur oisel
obeyssance pleust
,
,
en Tair que tous ne feussent à son
à en prendre et à en deviser là où
sans nul desdit
,
et
sans doulour et sans péril
faimg ne tristesse
ne tre
la
soif, froit
,
ne chaut,
aussy
elle eust
il
ne jamais ne eust travail
luy
enfans
ne maladie
l'en ,
ne
de cuer, ne mort terrienne nulle. Nulle eauc
peust noyer, ne feu ardoir, ne glaive
,
ne aul-
chose blescier; nulle chose ne luy peust nuire,
ne fayre couroucier. Doncques pensons
comment un honneur
pechié
et gloire si
,
sans plus
bas et en
,
la
tel
regardons
servage
perdit toute l'onneur et la richesse et toute
et
mist de
,
;
si
grant
car elle
laissa la gloire
l'obeyssance pour le pechié de désobéis-
sance. Or resgardons doncques en quoy pécha la
Le Livre
S6 première femme
, mes chières filles , de vous Dieu plaist, par la bonne doctrine que vous prendrés en bons exemples. Sy vous dy que le
en garder,
,
affin
si
premier pechié de nostre mère vint par mauvaise accointance , pour ce qu'elle tint parlement au serpent, qui avoit, ce dit lescripture, visaige de
moult bel
et
moult humble
ment et cointement; véement, dont elle
,
lequel parloit
femme
humble-
l'escouta voulentiers et pri-
si
que folle; car seau commencenrient elle ne l'eust voulu escouter et s'en estre fist
venue à son seigneur, honte. Et ainsi
Et pour ce
,
le fol
elle l'eust desconfit à sa
escoutement
belles filles
n'est
,
pas bonne chose d'es-
couter gens qui langaigent et qui ont parler, ne
vertes
;
grant
dommaige.
lui fist
de bel
l'art
que escouter doulces parolles
et
cou-
car par fois elles sont decevables et veni-
meuses,
et
en puet
l'en
acquerre blasme. Après
cel-
serpent advisa son point et la trouva seule et loing de son seigneur, et pour ce lui monstra à lui
loysir son faulx langaige
et dont il n'est pas bon de demeurer seul à seul à nuUuy, se il n'est de ses prochains. Et je ne dis mie que l'on ne doye faire honneur et courtoisie à chascun selon ce qu'il vault; mais l'on met trop plus son honneur en balance de trop respondre que de pou car l'une parolle attrait ,
;
l'autre et à
chacunes foys convient
d'aucunes dont der, et
ilz
pour ce
dame. La seconde
est
folie
qu'il
en
soit dit
se pueent après jangler ou
bon exemplaire à
bour-
toute droite
de Eve nostre première mère est
à ce qu'elle respondy trop legièrement, sans y penser, quant l'ennemi Lucifer lui eust demandé pour quoy
DU Chevalier de La Tour. son mary ne mangoienfdu
elle et
comme
vie,
ilz
fruit
Ce
faisoient des autres.
de
1
fut celle qui
respondit sans le conseil de son mary, et lui y parolle
,
dont
elle
fit
que
folle, et
87
arbre de
tint
luy en meschey
;
car la responce ne lui avenoit mie, ains appartenoit
à son seigneur à en respondre; car Dieu avoit baillé la
garde
quel
d'elle et
fruit ilz
du
fruit
à son seigneur, et divisé de
mangeroient. Et pour ce peust avoir res-
pondu que il en parlast à son seigneur, non pas à et se feust couverte et deschargée. filles,
elle,
Et pour ce, belles
devez prendre en ce bon exemple que, se au-
cuns vous requiert de
folie
ou de chose qui touche
contre vostre honneur, vous vous pouvez bien couvrir et dire
que vous en parlerez à vostre seigneur
;
vous les vaincrez et ne ferés pas comme la seconde folie de Eve, qui fist la responce, sans ce que ainsi
elle s'en couvrist
ne sans
Et pour ce, belles
filles,
le conseil
retenissiez l'exemple d'une
que
que vous bonne dame de Acquillée,
le prince d'Acquillée prioit
quant
il
quant
de
folles
amours. Et,
l'eust assez priée et assez parlé, elle lui res-
pondit que elle en demanderoit et
de son seigneur.
je vouldroye bien
le
prince vit ce
si la
l'avis
à son seigneur ;
laissa ester et
oncquos
plus ne lui en parla, et disoit à plusieurs que c'estoit
une des parfaittes dames de son païx, et ainsi la bonne dame en receut grand pris et grant honneur. Et ainsy le doit faire toute bonne dame , non pas respondre de soy meismes, comme fist Eve.
Le Livre
La
iij^
faulte de Eve.
Châppitre ^
a tierce
Ij^^pas à faicte
folie
XL«.
de Eve
ne recorda que Dieu avoit
fut qu'elle
la deffense
droit
à elle et à son seigneur; ainçois y
mist division. Car Dieu leur avoit se
ilz
mangeoient de
et
pour
ne
dist
cellui fruit qu'ilz
dit
que
en mourroient,
ce, quant elle fist la responce au serpens, elle mie plainnement la vérité, ainçois dist « Se nous en mangions, nous en morrions par adventure. » :
Ainsi mist condicion en la response, tes folles
femmes
font
quant
1
si
comme main-
on leur parle de
folie.
Mais Nostre Seigneur ne leur avoit pas mis de par aventure. Car la simple response de par aventure,
que l'ennemi trouva en
elle
lui
,
donna pié de par-
ler plus
largement et de plus
comme
celles qui escoutent et respondent legière-
ment à ceulx qui
les requièrent
par les simples responses
nent voye et il
lieu
la tempter, tout
et
de
fol
aussy
amour. Car, ilz don-
par l'esCouter,
de parler plus avant,
comme
ainsi
mère, qui escouta respondit sans le conseil de son
avint à Eve, nostre première
l'ennemi jangler et
seigneur. Et pour ce l'ennemi la tempta et lui dist «
Vous en pourrez bien mangier,
mie, ains serez aussi bcaulx
comme
Dieu et
rez bien et mal. Et sçavez-vous pourquoy
:
mourrez
et si n'en
si
il
sçau-
a dcf-
fendu que vous ne mangiez point de ce fruit? Pour
DU Chevalier de La Tour.
89
ce que, se vous en mengiez, vous seriez aussy beaux et aussi clers et aussi puissans
comme
lui. »
Ainsi
la folle cuida qu'il dist vray, et le creut
par convoitise
comme
font les folles
et par
beau
femmes qui
parler, tout aussi
croient de legier les belles parolles des
jangleurs qui les conseilloient à foloier contre leur
honneur
et leur estât par flatteries et folles
et leur jurent assez
mie. Aucunes
de choses
qu'ilz
fois les folles les
viennent et se consentent au
promesses,
ne leur tiennent
croyent tant qu'elles
fol délit
dont elles se
,
trouvent depuis deceues et moquées. Car, quant
ont
fait
leur fol délit,
ilz
les laissent
comme
ilz
diffa-
mées honteusement.
De
la quarte folie de Eve.
Chappitre XLP. la I
quarte
quant
folie
elle
de Eve
si fut
du
regarda l'arbre et
fol
regart
le fruit
que Dieux leur avoyt deffendu. luy sembla trop bel et dehtable, dont vie
désira par le regart et en fut temptée fol
;
de Si le
ainsy par le
regart cheit en folle plaisance. Et pour ce a grant
péril à regarder legierement. Car le saige dit
pire
ennemi
est l'ueil, dont maintes ont esté
par faulx regars. Car
il
est
que
le
deceues
maintes gens qui de leur
grant art font un faulx semblant et un faulx regart
comme
maintes gens qui regardent affichecmcnt et
font le débonnaire et le gracieux, et font le pensis en
Le Livre
90 leurs faux regars
dont maintes
,
deceues, car elles cuident
fois
maintes en sont
qu'ilz le facent
par des-
ne le font que par faux semblans pour les décevoir. Et pour ce a cy bon exemple pour soy gaittier de faux regardeurs. Car maintes foiz l'on tresse d'amours, etilz
y
quant l'ennemi
est deceu. Car,
fols regars et delix,
il
temptacion , par quoy
du
fol délit les fait
les trouve
les point et il
les tient liez
cheoir en Tort
en telx
enflambe de foie
fait,
du
fol délit
,
et
dont elles per-
ame doncques tout vient par fol regart. Dont je vouldroye que vous sceussiez l'exemple du roy David que par un fol regart de regarder la femme Urie, il cheyt en fornication d'avoultire, puis en omicide, comme de faire tuer son chevalier Urie, dont Dieu en prinst plus grant vengence sur luy et
dent corps et
;
,
,
sur son pueple et regart, si
,
dont l'achoyson avint par
comme
mère, qui par son dont tout
ment
le
il
fol plaisir et
monde et
fol plaisir
advint à Eve, nostre première regart chey ou
fol fait,
l'umain lignaige l'acheta chiere-
et à grant douleur.
Car par celluy regart
et cel-
mort vint au monde. Et pour ce est cy bon exemple de non regarder folement ne afficheement.
luy
fait la
De
la quinte folie
Chappitre I
dont il vaulsist mieux eu nulles mains. Car moult est périlleux le touchier après le regard deux vices se consentent de mauvaise vohabita
les
XLII*.
a quinte folie fut de touchier, quant elle
que
quand
de Eve.
au
fruit,
elle n'eust
BU Chevalier de La Tour. pour ce
lente. Et
l'en se doit
et
en
91
que
la sapience
garder de touchier à délit dont le cuer soit
Tâme
blescié ne
dist le saigë
enflambe
;
car fol atouchementeschauffele cuer
le corps. Et,
quant raison est aveuglée
qui doit le cueur et la fenestre gouverner, l'en chiet
en pechié
et
en
fol deliz
;
et
veultseurement gouverner
deux
ou
fois
fol fait
encore et
dit le saige, qui se
nettement garder, doit
avant ses mains regarder que à nul
trois
atouchier, c'est à dire, avant que le faire et
entreprendre
,
deux foyz ou
trois
y penser. Car
le
touchier et le bayser esmeuvent le sanc et la char
telement que ils font entroblier la crainte de Dieu et honneur de cest monde. Ainsi moult de mal se esmeut et avient par fols baisiers et atouchemens, tout ainsi
comme
il
avint à
De
Eve qui atoucha au
la vj^ folie
Chappitre
Mu
du
fruit
péril
de
la
XLIIP.
deffendu
dolereux
fait.
Lnous et tout le
mort d'enfer
,
;
Car
,
et estrangez
pomme
l'en assavoir
comme Dieux
fait
livrez
de
la
au
joye
comment par
soyent devenus
tant de douleurs et de maulx. Hé, Dieux,
pense
men-
par celluy
monde fusmes
trespassement d'une petite
elle
ce fut le plus fort
pardurable. Si avons cy grant exemple le
de vye.
Ei^e.
pour ce que
|a vj' faulte si fut
tga
de
fruit
comment ne
pugnira ceulx qui
Le Livre
92
font telx forfaix de viandes et qui se delittent en
morseauls de quoy
ilz
bons
nourrissent leurs ventres et
leurs charongnes, qui par celui délit la font es-
mouvoir en fol délit de luxure et d'autres péchiez. Pourquoy ne regardent-ilz aux povres familleux qui meurent de froit et de faing et de soif, dont Dieux leur demandera compte au grant jour espoventable ? Et saichiez que pechié n'est pas du tout à trop mengier, mais au délit de la saveur de la viande; dont le saige dit que la mort gist dessoubz les délices, aussi comme le poisson qui prent Taim par la viande qui y
est atachée
,
et c'est la
mort. Et aussi
comme
poisons et le venin est mis ou bon morcel
Tomme
muert, et aussi
la
saveur du délit
,
les
dont
,
que
l'on
prent es délicieuses viandes, occient l'ame et la périssent par le délit du corps
de la
pomme
occist
quelle vint au pechié, ilz
baisier au fait
savoura la
,
et
comme
le delist
folie, et
délit,
,
la-
font maintes gens; car
puis aux regars et
du touchier au
du faulx
pomme
et aussi
comme
viennent à escouter la
puis au touchier
,
Eve nostre première mère
comme
baisier fit
,
et
du
Eve, qui as-
après le regart et le touchier.
hv Chevalier de La Tour.
De
gS
la vij^ folie de jE^e.
Chappitre XLIIII«. vij^
folie
de Eve
;reut pas ce 'elle
fut
pour ce qu
que Dieu
mourroit se
Mais Dieux ne
elle
lui
elle
avoit dit
mengoyt du
lui avoit
pas
ne
que
fruit.
dit qu'elle
mourust si tost de la mort du corps, mais simplement luy dist que elle mourroit. Si fist-elle première ce feust ce que elle eut desobéy à Dieu et cheoitte en son yre et en son indignacion. Après elle mourust de la mort du corps ce fut quant elle ;
,
du monde et soufmain tes doulours, peines et mesaises,si comme Dieu lui avoit dit et prommis, etau derrenier, après la mort, elle descendy en la prison qui es toit commune, dont nul ne eschappoit, c'estoit le porche d'enfer ; or eust esté une grant pièce au labour
fertes
elle fut
en prison ,
son mary et leur lignée,
elle et
jusques à tant que Dieu vint en la croix ; ce fut pace de
V"
ans
et
plus,
et
adonc
Dieux
l'es-
les
délivra et ceulx qui l'avoient servy et obey en la vieille loy, et les
mauvais
lessa-il la paille ardoir .
laissa;
il
print le grain et
Helas que ne pensons, nous et !
ceulx qui sont endormis et nourris en péchié jusques
au jourd'uy,de nous amender, et non mie d'estriver tousjours à la folle espérance de cuidier tousjours vivre ne de attendre à soy nier jour, et
ilz
admender sur son derrela mort qui se aprouche
ne voient pas
Le Livre
94
d'eulx de jour en jour et vient soudainement,
entre par
le larron qui
derrière et
l'uis
biens, coppe les gorges, et ne scet Ten quant et après celluy larron luy embelist
comme
emble il
les
vient,
de jour en jour
à embler et persévère tant que il est prins et le destruit Ten Et ainsi est-il des pécheurs qui pèchent de jour en jour tant que la mort les prent et ne sa!
,
,
vent lors,
mal
comme
faire qu'il
le larron,
à qui tant embellist de
ne se peut tenir d aler
et
de venir et
soy delicter en ses larrecins tant qu'il est prins et mis à mort, et aussi est-il du pécheur qui tant vait et vient à sa foie plaisance et à son fol delict que l'on s'en apparçoit, et est sceu tant q^aelle est diffamée et
deshonnourée du monde ethaye de Dieu
De
de Eue.
la viij^ folie
Chappitre
et des anges.
XLV*'*
la viij'' folie fut qu'elle
quist compaignie à
donna la il en imcngast avec elle et il ne lui vouloit mie desobéir comme fol, et pour ce furent tous deux prisonniers du pechié et de nostre grant mal ; dont a cy bon exemple que, se femme conseille mal à son seigneur, il doit penser se elle lui dit bien ou mal et à quelle fm la chose puet venir. Car l'en ne doit mie estre si enclin à sa femme ne si obéissant que l'en ne [faire
son péchié, et ce fut que
Jpomme
à son
mary
et
elle
luy pria que
,
pense se
elle dit
bien ou mal
;
car
ilz
sont maintes
DU Chevalier de La Tour. femmes auxquelles ne
leur chault
96
mais que leur
,
voulenté soit faicte et accomplie. Dont je congneux
un baron qui conseil
il
vaulsit
mieux
et aussi,
tant crut sa
mort
prist
,
femme que par son
dont ce fut dommage.
qu'il l'eut
Il
fol lui
moins crainte ne congneue, creut sa femme,
comme Adam, qui folement
à sa grant doulour et à la nostre. Et aussy, toute
bonne femme doit bien penser quel conseil elle veult donner à son seigneur et qu'elle ne luy conseille mie à faire chose dont il ait honte ne dommaige pour acomplir sa foie voulenté. Car, se elle est saige, elle doit penser et mesurer à quelle fin ou bien ou mal la chose puet venir car elle y partira et ou bien et ou mal. Et, pour ce y doit bien penser avant qu'elle riens lui conseille, ne ottroye ne pour amour ne pour hayne d'autruy. Et aussi comme Eve ne vouloit bien faire, elle ne devoit mie conseillier à faire mal car il y eust assez eu d'elle. Et pour ce est cy bon exemple, se l'on ne veult faire bien , que Ion ne doit pas conseillicr à aulruy à faire mal. ,
;
,
,
;
Et aussy, se
l'on
ne vuelt jeûner et bien
doit pas autre dcsconseillier
faire, l'en ne ne destourber à aultruy;
ains dist le saige que l'on a sa part
à dire cculx qui
lui estent
seillent à desjeuner et
à faire pechié. Et
qui n'a voulenté de bien faire, faire aux autres, et
ame,
car
ilz
ou pechié
,
c'est
sa devocion et qui le con-
si
le
,
pour ce
laisse l'on bien
ne leur conscillier riens contre leur
participeroient au pechié.
Le Livre
96
La
ix^ folie
de Eve.
Chappitre XLVI«. ix*'
ire
folie et la
car,
;
fquoy •
ment
greigneur fut la derreniè-
quant Dieu
la
mist à raison pour-
elle avoyt trespassé
et
fait
son commande-
pechier son seigneur, lors
excusa et
dist que le serpent lui avoit fait faire Dont elle cuida allegier son pechié pour chargier autruy. Dont il sembla que Dieu s'en courrouça plus que devant , pour ce que Dieux lui respondist que dont de là en avant en seroit la bataille entre elle et Tennemy, pour ce quelle crut contre luy et qu'elle vouloit estre. pareille à Dieu , et pour ce qu'elle passa son commandement, et pour ce qu'elle creut plus l'ennemy que lui qui l'avoit faicte, et pour
elle
et conseillié.
ce qu'elle deceut son seigneur par son fol conseil et
que
de excuser son meffaict et son pepour cestes causes Dieu ordonna la bataille entre homme et femme et l'ennemy. Car moult il elle s'esforça
chié, et
desplut à Dieu l'excusacion
,
comme
il
fait
aujour-
d'uy de telz qui viennent à confession devant leur prestre
,
qui est en lieu de Dieu
,
si
se excusent en
leur confession devant leur prestre, et pollicent leur meffait, c'est-à-dire qu'ilz ne dient pas leurs pechiés
sy vilment
comme ilz
le dire;
maiz
pour ce
ilz
ilz
ont meffait, et en ont honte de
n'avoient pas honte de le faire. Et
ressamblent à nostre première mère Eve
DU Chevalier de La Tolr.
97
qui se excusoit. Maiz saint Pol dit que qui veult estre
bien nettoyé et lavé, tre luy et plus
il
doit dire aussy laidement con-
comment
il
n'est point nettoyé. Car, si
tout aussi
le fait
,
comme
ou autrement
il
dist saint Père,
comme demeure voulentiers le larron
là
où
où l'en muce son larrecin, et ne va pas voulentiers là où l'en Tescrie et hue, tout aussy estil de l'ennemy qui emble les âmes par ses temptaTen
le celle et là
cions il
et se
,
muce
n'est pas escrié
sion
;
et reboute es corps et es lieux ,
ne hué
,
menu
Tes-
soit qu'il plus
het
car celui qui se confesse souvent et
crie et le hue, et est la et craint.
mère Eve rer. Si
Sy vous et
où
ne descovert par confes-
chose qui
laisse à parler
comment l'ennemy
de nostre première la fist pechier et er-
vous parleray comment nulle saige femme ne
doit estre trop hastive de prendre les nouveautéz
ne
les
premières cointises
,
comment un
sains
homs
en prescha nagaires, et après ycelle matière vous parleray de l'exemple d'un chevalier qui ot trois
femmes, sur celle matière, et puis je retourneray au compte et à la matière des mauvaises femmes, comme il est contenu ou livre de la Bible, et comment il leur prist mal, et pour estre exemplaire de vous en garder. Après la matière des mauvaises femmes,, je vous compteray des bonnes, et comment l'Escripture les loue.
Le Livre
9^
D'un evesqiie qui prescha sur
Chappitrk e vous diray
les cointises.
XLVIK
comment un
evesque prescha nagaires
,
saint
les estoit grant clerc, et estoit
mon où
homme
qui à merveil-
en un ser-
dames
avoit grant foyson de
et
y en avoil d'attournées à la nouvelle guise quicouroit, et estoient bien branchues de damoyselles
,
dont
il
Dont
et avoient grans cornes.
mença à
les
exemples, comment
pour
le saint
homme com-
reprendre et à leur baillier moult de
déluge ou temps de Noë fut
le
l'orgueil et desguiseures des
hommes
,
et espé-
cialement des femmes, qui se contrefaisoientde atours et
de robbes. Dont Tennemy
desguiseures, et les chié
de luxure,
fist
vit leur orgueil et leurs
cheoir en Tordure du vil pe-
pour ceulx pechiés,
et,
plust tant à Dieu qu'il
fist
il
en des-
plouvoir xl. jours et xl.
nuis sans cesser, tant que les yaues surmontèrent la terre
de
x.
coudées sur
et lors tout le
monde
meura que Noë les, et tout
fut
et sa
la plus
nayé et
femme
haute montaigne, perillié.
Et ne de-
et troiz filz et troiz
fil-
advint par celui pechié. Et après, quant
Tevesque leur eust monstre cet exemple et plusieurs autres, il dist que les femmes qui estoient ainsy cornues et branchues ressamblent les limas cornus et les licornes, et
hommes
que
elles faisoient les cornes
aux
cours vestus, qui monstroient leurs culz et
DU Chevalier de La Tour.
99
leurs brayes et ce qui leur bôce devant, c'est leur vergoigne, et que ainsi se mocquoient et bourdoient l'un
de
l'autre
Et encore
court vestu de la cornue.
c'est le
,
plus fort, que elles ressamblent
dist-il
les cerfs
branchus qui baissent
boys ,
aussy
et
,
regardés les moy,
si l'en
au
la teste
elles viennent
quant
menu
à l'esglise
donne de Teaue be-
leur
noyste, elles baisseront les testes et leurs branches.
Je doute, dist l'evesque, que l'ennemy soit assis entre leurs branches et leurs cornes il
;
et
pour ce
baisser les têtes et les cornes, car
l'eaue benoyste. Si vous
dy
il
les
fait'-
n'a cure
qu'il leur dist
d
moult
merveilles et ne leur cela rien de leurs espingles ou
de leurs atours, tant qu'il les fist mornes et pensives, et eurent sy grant honte qu'elles bessoient les testes en
terre, et se tenoient
pour moquées
et
pour nices.
Et y en a de celles qui ont depuis laissées celles branches et celles cornes et se tiennent plus simple-
ment aujourd'huy
;
quar
il
disoit
et telles contrefaictures et telles
bloyent à l'iraingne qui
mousches
;
tout aussy
que
fait les raiz
fait
telles cointises
mignotises ressam-
pour prendre
les
l'ennemy par sa temptacion
aux hommes et aux femmes, pour ennamourer les uns des autres et pour prendre lesmusars aux deliz des folz regars, et, par les mignotises des
la desguiseure
foies plaisances qu'ilz croyent et ceulx folz regars et folles
plaisances, l'ennemy
les prent et lie,
mousches en ses
comme rais et
fait
les
tempte
et point,
et
l'yraingne qui prent les
en ses tentes. Car
telles
con-
trefaictures et desguiseures sont les raiz et les lentes
de l'ennemy comme l'yraingne les mousches, si comme racompte un saint hermite en la vie des pères, à qui
Le Livre
100 il
fui
demonlré par Fange,
si
comme vous
pourriez
trouver escript plus à plain. Après ce leur dist que le plus du blasme du pechié estoit en celles qui premièrement prennent telles desguiseures , et que
les plus folles estoient les plus hardies, et
bonne dame
et saige doit
entreprendre jusqu'à ce que toutes les ayent entreprinses et
que toute
bien soy craindre de les
communément
que l'on ne puisse plus
fouir
selon le monde. Car, selon Dieu, les premières se-
ront plus blasmées, et mises es haulx sièges les derrenières. L'evesque,
bon exemple, sur
qui
le fait
prudomme
estoit, dist
prendre les premières nouvelletez et cointises, ainsy
un
de celles qui se hastoient de et dist
:
De
celles
qui cheirent en la houe.
Chappitre KLYUI". 1
advint que plusieurs
selles furent conviées à
dames et damoyune nopccs. Si fu-
rent à la beneyçon et s'en vindrent tout à pié par esbat là où on devoit faire le Sy avoit un bien petit maroiz entre deux, et bien mauvaiz chemin. Sy distrent les plus juennes femmes : Nous yrons bien par ces marois ; car le chemin y est plus droit. Les autres, qui estoient les
disner.
plus
meures
et
les
plus saiges, distrent qu'elles
yroient le grant chemin, car
il
estoit le plus sec et le
plus seur. Les juennes, qui estoient plainnes de leurs
DU Chevalier de La Tour, voulentez, n'en
vouldrent rien
loi
et Guidèrent
faire,
aler au devant et prindrent le chemin des marois, où il avoit vieilles cloyes pourris, et, quantelles furent
sur les cloyes, les cloyes fondirent et elles cheyrent
en
la
boue
et
en
la fange
jusques aux genoulx, et
furent toutes souilliées, et convint quelles retournas-
sent arrières à l'autre chemin, après les autres, et el~ les se ratissèrent à coustaulx leurs chausses et leurs
robes, et furent crotées et souillées et ne demandez mie comment, et on les demanda bien partout, et tant queTonentmengié le premier mes avant qu'elles ve,
nissent. Et quant elles vindrent sy comptèrent com-
ment elles estoientchaitez en la boue. Hé! dist une bonne dame et saige qui estoit venue le grant chemin vous nous cuidiez eslre au devant pour estre les premierez à l'ostel, et ne nous vouliez suivre. Il est bien employé ; car je vous dy pour vray que telle se cuide avancié qui se desavance la
première qui se trouve
,
et telle
la dernière.
cuide venir
Sy
ces deux parolles doublement et couvertes
lon ce que dist le saint
ce siècle
;
,
car, se-
ainsi est-il
de
car celles qui premières prennent les
nouveaultéz
monde,
preudomme
lui bailla ;
et
les jolivetéz
elles cuident
qui viennent
moult bien
faire
aultres pour avoir les plus de regars
;
par
le
desavancer les mais, pour un
y en a x. quy le tiennent a mauvays et s'en moquent et bourdenl ; car telz les en louent qui le tient àbien,
il
par devant qui en trayent la langue par derrière
et
se mocquent d'elles et en tiennent leurs parlemens
mais nulle ne
croit
en sa
folie.
;
Le Livre
^02
Cf parle de
tenir
moyen
estât.
Chappitre XLIX®. elle se tient à la mieulx venue qui preimierement se cointoye; mais celles qui premièrement prennent telles nouveautés,
ce dit le preudomme , ressemblent aux juennes femmes qui se souillèrent en la boue, dont l'en se bourde d'elles et de leur chemin nouvel. Et celles qui se tiennent plus
meurementet simplement,
ce sont les saiges qui alèrent le grant chemin seur
;
car l'on ne se puet bourder de celles qui se tiennent
meurement. Je ne dy mie, puisque Testât et la nouque toutes s'y pren-
velleté est courant par tout et
nent,
convient qu'elles suyvent le siècle et facent
il
comme
Mais les saiges y doivent reculer le plus qu'elles peuvent, et au fort en prendre sur elles les autres.
avant moins que plus, et elles ne se hastcront pas tant de venir au devant la
comme celles
boue pour cuidier venir
qui cheyrenten
les premières, et elles fu-
rent les derrenières, et furent souilliées et honnyes.
Pour
ce,
meschières
point et de tenir le
sur
filles, est-il
moyen
bon de ne se haster en faire plus
estât, c'est à
moins que sur le plus. Maiz il est aujourd'huy meschant siècle ; car se aucune jolie ou aucune nice prent aucune nouveaulté et aucun nouvel estât,
un
le
si
tantost chacune dira à son seigneur
:
« Sire, l'en
me
» dist que telle a telle chose qui trop bel est et trop
BU Chevalier de La Tour. » bien
lui siet.
Je vous prye que j'en aye
;
io3
car je suis
vous aussi gentil homme, el » aussy puissant comme elle et son seigneur, et avons » aussi gentil
4>
femme
et
comme
aussy de quoy bien paier
ou
la noise et le
il
n'y aura paix jusques à ce
aussi
comme
eulx. » Et trou-
convendra qu'elle en ait, meschief sera en l'ostel , no jamais
vera raysons par quoy
l'autre
gardera pas que
que
elle
telles
et tenues
nouveaultez
premières
comme
;
;
ait sa part
elle
ne re-
plus de ses voisines en ayent
le
avant, ne ne enquerra se les bonnes
renommées
en
soit droit, soit tort
,
dames qui sont
pour saiges en ont encore prins convient que elles aillent les
il
firent celles qui
cheyrent en la
fange. Si est grant merveilles de telles cointises et
de
telles
les
hommes et femmes
que fist
ilz
nouveaultez, dont les grans clercs dient que se desguisent en telle manière
monde
ont double que le
ou temps de Noé, que
les
périsse,
femmes
comme
il
se desguisè-
hommes; maiz il despleut femmes que des hommes, pour ce
rent et aussy firent les
plus à Dieu des
Dont je
qu'elles se doivent tenir plus simplement.
vous en diray une merveille que une bonne dame me compta en cest an , qui est l'an mil trois cens Ixxij.
Elle
me
deist
que
elle et
tout plein de da-
moiselles estoient venues à une feste de Sainte-Mar-
où tous les ans avoit grant assemblée et là une damoisele moult cointe et moult jolye, et cstoit plus diversement arroyée que nulles des autres, et, pour son estrange atour, toutes la vinrent regarguerite,
,
vint
der
comme une
beste sauvaige
;
car son atlour ne
sambloit à nul des autres, et pour ce eut-elle sa part
des regars. Si luy demanda
la
bonne dame
:
« M'a-
Le Livre
io4
mie, comment appellez-vous cesl atlour? » Et lui
«
respondi que Ton l'appelloit
Du
gibet!
dist la
y)
» n'est pas bel
amont
et aval
atour l'atour
,
ne
1
attour
du
elle
gibet.
dame. « En nom Dieu,
le
—
nom
l'atour plaisant. » Si ala la voix
que celle damoiselle avoit nommé son du gibet, et chacun s'en jengla, et la
comme petis enfans. Si demanday à bonne dame la manière de cellui atour sy le me devisa; maiz en bonne foy je le retins petitement, venoient veoir la
;
maiz que, tant
qu'il
estoit hault levé sus
me
semble, qu'elle
me
dist qu'il
longues espingles d'argent plus
comme un
d'un doy sur la teste
gibet pour estre
estrangement. Si n'estoit pas tenue celle damoiselle à trop sage , et estoit moult bourdce
;
et ainsi
chas-
cune nyce amainne sa nouveaulté et sa desguiseure. Sy vous laisseray à parler de cestes desguisures et atours; je vous ay dit tioyt et soutenoit et
que, quant les
comment
prouvoytpar
hommes
et
l'evesque les chasla sainte cscripture
par especial les femmes se
cointissoîent et desguisoient, que c'estoit contre mal temps de mortalité ou de grans guerres, comme anciennement est advenu et comme encore on le puet veoir chascun jour et le appercevoir, et que c'est un pechié d'orgueil, par quel les angels cheyrent du ciel, ,
par qui
le
déluge vint quant
le
monde
fut noyé,
par
lequel la luxure y est conceue par la racine de celluv orgueil.
DU Chevalier de La Tour,
Du
chevalier qui eut
iij
Chappitre elles filles
,
je
loa
femmes.
L*.
vouldroye que vous sceus-
siez et eussiez bien retenu l'exemple d'un
[^^ chevalier qui vie qui avoit
femmes.
ot troys
preudomme
chevalier moult
un oncle hermite,
et
fut
11
liomme
saint
ama
de
à merveilles. Si va advenir que la mort,
qui tout prent,la print, dont le chevalier fut
que a peu Si
et
femme
religieuse vie. Ce chevalier eut sa première qu'il
un
de bonne
mourut de
qu'il n'en
si
dolent
dueil et de couroux.
ne savoit son confort prendre fors que aler soy
complaindre à l'ermite son oncle, que
homme.
Si vint a lui plourant et
grettant sa
femme,
et le saint
il
savoit saint
doulousant et re-
hermite
le confortoit le
plus bel qu'il povoyt, et au fort le chevalier le pria à jointes mains que
il
voulsist Dieu prier
se elle esloit perdue ou sauvée. pitié
Dieu
de son neveu et requist
,
elle cstoit, et
son
,
il
et ala
que
quant
s'endormi et
lui
il il
sceust
eut
chappelle et adoura
plcust lui demonstrer où
saint Michiel et
en une balance
et
povre
Tennemy son bien
avec elle et d'autre partie Tcnncmy avec les
maulx la
il
homme
lui fut advis qu'il vcoit la
l'autre part, et estoit
fait
la
que
saint
eut esté grant pièce en oroi-
ame devant monseigneur de
en
Le
qu'elle avoit faits, et, entre les autres choses,
chose qui plus pesoit et qui plus lagrevoit, c'es-
Le Livre
io6 loient ses robes qui
de vair crioit
de gris
et
moult estoient fines et fourrées de hermines. Si se es-
et letticées
Fennemi etdisoit:
femme
« Ha, saint Michiel,
sire,
avoit dix paires de robes,
»
que longues, que courtes, que costes hardies, et vous savez bien qu'elle en eust assez de la moitié moins, c'est d'une robe longue et de deux courtes et de deux cottes hardies, pour bien se y passer selon une simple dame, et encore elle s'en deust bien passer à moins selon Dieu elle en a trop de plus de moi-
»
tié,
» ceste
» » » » »
;
et
de
la
valeur d'une de ses robes
» gens en eussent
» souffert
1.
tel froit et
1.
povres
bonnes cottes de burel, qui ont tel mesaise en cest yver environ
» elle, ne Oncques pitié n'en eust, et du
forfait
de
» ses robes ces povres en fuissent revestuz et garentiz
» de
Sy apportoit l'ennemi les robes qui par mist en la balance, et les anpetits joyaux qu'elle avoit rcceuz des com-
froit ».
forfait estoient, et les
neaulx et
pagnons par amourettes, et grant foyson de nuies et de mauvaises parollcs que elle avoit dictes en diffa-
mant autruy par envie
mée
;
elle n'avoit riens fait
porté
,
bonne renom-
ne que tout ne feust illecques rap;
et toutes ses robes et celles chosctes furent pe-
sez en la balance
bien
et toulir leur
car moult avoit esté envieuse et mesdisant
fait et
,
tant
que ses maulx passèrent son
l'emporta l'ennemy, et lui vesty ses robes
toutes ardantes et plainncs de feu et de flambe, et la
povre ame plouroit et se doulousoit moult piteusement. Et puis l'ermite s'esveilla et racompta ce fait au chevalier son neveu
,
et
commanda que
toutes ses
robes fcussent données pour Dieu et toutes départies
aux povres.
DU Chevalier de La Tour,
De
la seconde
femme du
Chapitre
lor
chei^alier.
LI'.
près le chevalier se remaria, et furent bien v. ans ensemble, et puis elle morust et le chevallier, se
mière
conde dueil qu'il
et vint à
,
sceult
où
de
ou plus de
fut bien autant
;
pre-
la
la se-
son oncle pleurant et menant grant
et luy pria
,
luy le
il
,
fut dolent
il
comment il femme,
,
estoit sa
preudomme
se mist
avoit autrefois fait,
pour
et
en oroyson.
la
pitié
de
Si vist et
lui fut revellé et
demonstré qu'elle seroit sauvée
maiz
ans ou feu de purgatoire pour cer-
elle seroit c.
;
taines faultes qu'elle avoyt faittes en son mariaige,
ce fu que un escuier s'estoit couchié avecques elle, et
pour autres
pctitz péchiez
et toutesfois si s'en es-
,
confessée plusieurs fois
toit-elle
;
feust bien confessée, elle eust esté le
homme
saint
sauvée, dont
un pechié si
comme
il
car, s'elle
ne s'en
dampnée.
Si dist
au chevalier que sa femme
estoit
eut grant joye. Si regardez que pour
celle fut tant dit le saint
en feu ; mais bien puet estre,
homs que
ce délit environ x. ou
,
xij. foiz;
ilz
avoient
commis
car pour chascun
fait
ou feu de purgatoire, non obconfession, car le feu de vij ans n'est que
et délit l'en est vij. ans
stant la
.
pour cspurgier délit. Si
à prestre
ne ,
et purifier l'ame
l'avoit- elle
pas
fait
à
de chascun faulx
homme
marié
,
ne
ne à moine , ne engendré enffant ; mais
Le Livre
io8 pour
mortel
pour chacune
f oiz que en flambe en purgatoire, non obstant la confession. Sy prenez icy, belles filles , exemple comment celluy faulx délit est
cellui pechié
Ten
l'en le fait,
comment
chier acheté, et
comparoir,
et
,
est vij. ans
ou
il
l'eu
et
convient une foiz le
aussy de celles qui ont tant de robes et
qui mestent tant du leur pour elles parer pour avoir
du monde
les regars
un grant
et la plaisance des gens. C'est
alumail, dont l'en chietvoulentiersau pechié
d'orgueil, et de cellui d'orgueil
en
cellui
de luxure
et que , Dieux plus het. Et or regardez comment il en prist à la première femme du chevalier, qui en fut dampnée et perdue, et toutesfois en a-il maintes par le
qui sont les deux pires pechiés qui soient
monde, qui ont bien de
Ix.
ou de
iiiixx
le
cuer à
faire acheter
une robe
francs; mais elles tendroient à
grant chose se elles avoient donné pour Dieu un seul franc ou une cote d'un franc à
me;
or
regardez
comment
sieurs corsés
et robes,
bien de moins,
comment
tement une
fois.
celles
un povre homqui
ont plu-
dont elles se passeroient elles
en respondront estroic-
Et pour ce, toute bonne femme,
selon ce qu'elle est et selon sa puissance, s'en doit
passer au mains qu'elle puct, et donner pour Dieu le
seurplus pour
comme firent ges, comme
estre
veslue
les saintes
en
dames
l'autre
siècle,
si
et les saintes vier-
racontent leurs légendes,
comme de
sainte Elisabeth, de sainte Katherine et de sainte
Agathe
et
de plusieurs, qui donnèrent leurs robes pour l'amour de Dieu. Et
et leurs biens aus povres
à cestes exemple le doivent faire toutes bonnes femmes. Or vous ay parlé des deux premières femmes
BU Chevalier de La Tour. du chevalier;
De
vous parleray de
si
la tierce
femme du
ïoq
femme.
la tierce
che^f aller.
Chapitre LU*. près le
morut à
foiz elle
que regret
,
et
,
le chevalier
quant
son oncle, et
elle fut
lui pria
femme. Toutesfoiz
ensemble
la parfin
troit le
tourment que
quoy
car
il
dont advint
,
morte
qu'il
le chevalier vint
,
pria tant qu'il
le signoit et
l'en la faisoit souffrir,
veoit appertenant
mons-
ne pour
que un enncmy cheveux et par
tenoit d'une de ses griffes par les
tresse
,
comme un
lion tient sa proie
,
toit
et la
povre ame
s'escryoit, à
boutoit l'alesne ardent. Sy
la
ne met-
alesnes et aiguilles ardans par les sourcilz le front
la
qu'elle
si
povoit la teste remuer ne çà ne là , et puis lui
par les temples, et par
à
pour sa
voulsit prier
preudomme en
le
et toutes-
;
deut morir dedueil et de
luy vint en advision (Jue un ange
;
femme
chevalier eut la tierce
et furent grant pièce
,
et
jusques à la cervelle,
chascune
foiz qu'il lui
demanda pourquoy on
luy faisoit cette grant douleur, et l'ange lui respon-
doyt que
c'estoit
pour ce qu'elle avoit
sourciz et ses temples
,
et
affaitié
son front creu
,
ses
et arra-
chié son peil pour soy cuidier embellir et pour plaire
au monde, et
qu'il
convenoyt que en chascune
place et pertuis dont chascun poil avoit esté osté
que chascun jour continuellement y poignist
l'a-
no
Le Livre
lesne ardant. frir
Et après , quant
il
luy ot
souf-
l'ait
ce martire, qui moult longuement dure,
autre
annemy moult hideux
ses et aiguës
la
,
un
vint à grans dens hideu-
prendre au visaige et luy broyer et
maschier, et après cela vint avecques grans bran-
dons de feu ardant luy enflamber saige
si
et
bouter en vi-
effrayement et douleureusement que Ter-
mite en avoit tout,
telle paour et hideur qu'il trambloit mais l'ange l'asseura et luy dist qu'elle l'avoyt
bien desservy
dy
:
Pour ce
si
;
demanda pourquoy
et
il
respon;-
qu'elle s'estoit fardée et peinte le vi-
saige pour plaire au
monde
,
et
que
c'estoit
un des
pires péchiez qui feust et qui plus desplaisoit à Dieu
car c'estoit pechié d'orgueil, par lequel l'en attrait le
pechié de luxure et tous aultres péchiez mortelx
dont
le
monde
périt par le
déluge
depuis plu-
et
sieurs citez en sont arses et fondues en abisme
sur toute rien
ma, dont l'en
il
,
car
desplait au créateur, qui tout four-
se veult donner plus grant beaulté
nature ne luy apporte
,
et si
ne
souffist
pas à
que
homme
ne à femme estre fait et compassé à sa saincte ymaige où les sains angels tant se délitent; car si Dieu eust voulu, de sa sainte pourvcance, elles n'eussent pas esté
femmes,
ainsçois les eust faictes bestes
mues ou
serpens. Et donc pourquoy regardent-elles à la grani
beauté que Dieu leur a
faictes, et pourquoy mestentou à leurs chiefs aultre chose que Dieux leur a donné. Et pour ce n'est-il mie de merr
elles à leur visaige
veilles se elles
dist l'angel et
,
l'a
vous verres
endurent ceste pénitence , car ceste bien deservy, et alez veoir le corps le visaige
moult effrayé
Sire, dit l'ermite, sera-elle guères
en
et hideux.
cellui tour-
m
DU Chevalier de La Tour, ment? Et lange
dist
mil ans,
:
descouvrir. Maiz quant
don de feu ou visaige
,
et. plus
Tennemy la
ne
lui
en voult
lui mettoit le
bran-
povre ame se escrioit
,
et
doulousoit et maudissoit Teure qu'elle avoit onc-
ques esté engendrée, Et de la paour que
et esloit foible et douloureuse.
le saint
veilla tout effrayé, et vint
son advision, et dont et ala veoir le corps
Mais
le visaige
en
hermite en eust
il
se es-
au chevallier et lui compta
moult esbahy, que Ton vouloit ensepvelir.
le chevalier fut
estoit si noir, si let et si orrible
veoir que c'estoit grant affliction.
Adonc
à
creut-il bien
que c'estoit voir ce que son oncle l'ermite luy avoit dit. en ot grant horreur et abhominacion et pitié ensemble, et tant que il laissa le siècle, et vestoit le vendredy et le meccredy la haire, et donna le tiers de toute sa revenue pour Dieu, et usa de saincte vie de là en avant, et ne luy chailloit des boubans du monde, tant fust effrayé de ce qu'il avoit veu de sa femme derrenière et de ce que le preudomme lui avoit dit Si
qu'il avoit
veu.
D'une princesse.
Chappitre t
,
LIII<^.
pour affermer cest exemple, comment
peut bien estre vraye, je vous en compteray d'un autre, lequel n'a gaires advint. Je vy une baronnesse bien grant elle
dame
,
laquelle l'en disoit qu'elle se fardoit, et
vy
LE LIVRE
112
celluy qui luy bailloit chascun an telle chose, el
bonne pension par chascun an, si comme fut un temps moult honnourée et moult puissante. Sy morust son seigneur et vint en abaissant de son honneur et estât et fut un temps que elle avoit plus de Ix. paires de robes, sy comme Ton disoit. Mais depuis, à la parfm, elle s'en passa bien à moins et en ot bien petitement dont j'ay oy raconter à plusieurs que quant elle fut morte, son visaige devint tel que Ton ne sçavoit que c'estoit ne quelle contrefaiture ; car ce ne sambloil point visaige de femme, ne nul ne le prist pour visaige de femme, tant estoit hideux et orrible à veoir. Sy pense bien que le fardemcnt de la painture, qu elle avoit d'elle il
disoit
en son privé. La dame
,
,
,
vouloit faire et mettre en elle , estoit l'achoyson de cellui fait.
Pourquoy, mes belles
prenez cy bon exemple et
filles,
le retenez
je
vous pry,
en vos cuers,
et
ne adjoustez à vos faces que Dieux a faictes à sa sainte ymaige, fors ce que luy et nature y ont mis; ne rapetissiez voz sourcilz ne fronts, etaussyàvos cheveux ne mettez que lessive car vous trouverez, de divin miracle, en l'esglisede Nostre Dame de Roche ,
:
madour les qui
que en
plusieurs tresces de s estoient lavées
piires lessives,
dames
en vin et
et
pour ce
rent entrer en l'esglise jusques à
eurent
Ce fait que ce
et
de damoisel-
en autres choses elles
tant
ne peu-
que
elles
copper leurs tresses, qui encore y sont. est chose vraye et esprouvée. Et sy vous dy
fait
fut très grant
qui elle les monstra
:
amour à monstrer à
celles à
car la glorieuse vierge Marie
ne vouloyt pas qu'elles perdeissent leurs pas, leur travail ne leurs pellerinages ne que elles fcussent ,
h3
DU Chevalier de La Tour. perdues pardurablement leurs folies et les
moult bel exemple
sy leur voult monstrer
;
ramener de perdicion. Sy est cy et mirouer, et moult évident à
ouïr, et à concevoir, et à veoir à toutes
manières de
femmes pour le temps à venir, et pensez comment de Taagedu temps de Noë, que tout le monde noya et perist par les orgueilleuses deffaictures
et les des-
,
femmes
guisures, et par les fardemens des folles
dont
les lecheries
quoy
ilz
viij.
et viles
luxures yssirent
furent tous et toutes perilz et noyez
par
,
,
fors
personnes sans plus.
De
la
femme
Chappitre
'
Loth» LIIII*.
n exemple vous diray de la femme Loth que Dieux avoit gettée de Gomorre elle ,
I
et
son seigneur, et troix de ses
filles
,
et
Dieu luy avoyt deffendu qu'elle ne regardast point derrière elle
;
mais
elle
n en
fist
riens
,
ainçoys y regarda, et pour ce devint comme une pierre , tout aussy comme Saint Martin de Verto,
quant
il
fist
fondre la cité de Erbanges
,
qui estoit
en Teveschié de Nantes, laquelle fondy par de luxure et d'orgueil, aussy comme fist la
Loth fut sauvé, cités que Dieu
en abysme,
c'est fist
le
pechié
cité
dont
de Gomorre, Sodomc,etautres v.
ardoir par feu de souffre jusques
et devindrent lac et
perilz, et la cause fut tout
pour
eau
,
le vil
et furent tous
pechié de lu-
Le Livre
ii4 xure, queja ne
fait
à nommer, qui put tant ordement
pueur en va au ciel et beslourne tout le ciel de nature. Sy en furent vij. cités arses de fouldres puans pour ce que ilz usoienl de Torde ardeur du feu de luxure. Car qui le povoit faire si le
que
la
et toute l'ordre
faisoit et s'en efforçoyt
ne raison de nature,
de
le faire,
et tout aussy
sans y garder loy leurs cuers
comme
estoient ars et espris de celluy vil pechié et feu de
luxure
,
nostre Seigneur les ardy eulx et tous leurs
biens par fouldres de feu et de souffre horrible et puant. Et ainsi l'autre, et ce fut la
vengence et
feu de luxure fors
du
qui tant est
,
Tune chaleur la
fait
attrait
pugnicion de Dieu le
comment l'en
père. Si est bel exemple
du
,
se doit garder
de mariage
,
qui est
commandement de Dieu et de sainte Eglise. Après ce que la femme Loth regarda derrières elle pour veoir le
tourment des pécheurs qui perissoient par celluy si fist contre le commandement de
feu de fouldre, et
Dieu
et la deffense qui luy avoit esté faite, et fust si-
gnifiance à ceulx
par
fois
que Dieux délivre de
de pechié mortel,
c'est
péril et oste
à ceulx à qui
il
donna
grâce de eulx confesser et de repentir, et quant
ilz
sont nettoiez et confessez, et que l'en leur a deffenduqu'ilz ne regardent point derrière eulx, c'est à dire
que
ilz
ne retournent plus en pechié
dent nettement dorénavant, arrière à leur pechié
,
ou en
et
que ilz se gar-
et puis ilz fait
ou en
retournent
dit, et
mettent arrières au péril et en l'ordure où
ilz
se re-
estoient,
tant que ilz dcvendront pierre et néant et plus que néant, si comme elle fist. Je vouldroye que vous ,
,
sceussiez l'exemple de la dame qui laissa son seigneur,
qui estoit moult bel chevallier, et s'en alaavecques un
DU Chevalier de La Tour. moigne
et les frères d'elle la
,
ii5
ppursuyvoient
et la
,
quistrent tant qu'ilz la trouvèrent la nuit couchiée
avecques
moigne
le
moigne.
coppèrent les choses du
Si
au visaige de leur suer, et
et les jettèrent
puis les mistrent tous deux en
un grantsac,
et grant
foyson de pierres dedens, et les jettèrent en un estanc, et ainsi furent tous
vaise vie mauvaise fin
vient
que une
:
fois soit
Des
deux
perilz
car c'est
;
mau-
car de
un pechié qui con-
sceu ou pugny.
filles
Lotk.
Chappitre
LV*.
ncore vous diray-je un exemple des Loth,
comment l'ennemi
les
tempta
filles
vilain-
ncment. Elles virent leur père tout nu sans braies
de sa compagnie,
;
si
furent toutes
vont entreprendre à eny vrer leur père rent et le firent tant boire que se couchièrent et
deux temptées
et s'entredescouvrirent leur fait, et
si
il
;
si le
festoyè-
fut yvre, et lors elles
se mistrent delez lui et l'esmurent
à fornication, et tant
qu'il les
despucella toutes deux,
que ce feussent autres qu'elles, et ainsi feut deceu par vin. Si est moult périlleux pechié de gloutonnic que de vin, et en avient moult de maulx ; car
il
cuidoit
et toutesfoiz elles engrossèrent toutes
deux
fils,
dont
les
dont l'un eut
nom Moab
deux
et
et l'autre
eurent
Amon
païens et la mauvaise loy descendit d'eulx.
Et moult en vint de maulx par celluy pechié. Et dist
1
Le Livre
16
que
l'en
elles se cointièrent et s'enourguillèrent, et
pour ce l'ennemi
tempta plus ligierement à
les
faire
celluy vil pechié, et dist l'en que l'une en atiza l'autre
par mauvaiz conseil. Et pour ce que vous sceussiez l'exemple de la foie damoiselle, qui, pour un chapperon que un chevalier et ainsi l'autre le fist
je vouldroye
luy donna, elle
que sa dame
tant et bargigna
fist
sa volenté et que elle la
avint tel meschief que
gneur avoit nourry
,
deshonnourer
fist
au
fort
,
un
varlet
;
fist
dont
que
il
le sei-
s'en apperceust et le dist à
son
seigneur, et le seigneur s'en mist en espie, tant que il
trouva
le fait. Si occist le chevallier
avecques sa femme,
que
estoil
;
le
si
que
il
trouva
mist en chartre
il
mourut doulereusement. Sy ad-
perpétuelle, où elle vint
femme
et sa
seigneur passât devant la chartre où elle
l'escouta et elle se doulousoit en soy et
maudissoit qui lui avoit ce
fait faire
neconseillié. Et
envoya sçavoir qui esloit celle qui le conseil luy avoit donné, et elle descouvry sa damoiselle. Et alors
il
lors le chevalier la
manda
fist
venir devant luy et luy
qu'elle deist vérité, et
vérité et qu'elle en avoyt eu
gneur luy envoya querre vist,
sy lui dist
:
«
Ma
» chapperon et pour
le
au
com-
fort elle luy dist la
un chapperon,
chapperon,
et,
damoiselle, mal
et le sei-
quant il
le veistes
le
ce
pou de chose vous estes deffaicte ma tristesse, et je juge que le
» et avez esté cause de
» col et le chapperon soit couppé tout ensemble. » Si
luy
fist
vestir et
ensemble,
coupper
le col et le
et ainsy fut fait ce
chapperon tout
jugement. Sy regardez
comment il fait bon prendre bonne compaignie et femmes de service nettes qui n'ayent eu nul blasme car ceste damoy selle n'avoit pas esté trop saige, com;
h;
DU Chevalier de La Tour, me
Et pour ce est bonne chose de prendre
l'en dit.
bonnes femmes
et
conseillent trop de folle
suer des
filles
nettes; car mauvaises femmes mal à juenne dame, comme fist la
Lolh
comme
et
fist
celle folle da-
moyselle, qui en eut son guerredon et sa desserte.
De
la fille Jacob.
Cbappitre
un autre exemple de
e vous diray
Jacob l'ostel
qui
,
,
de son père
il
la fille
par sa joliveté de cuer, laissa
veoir Tatour des
autre pays. Dont
LVI*.
avint
et
de ses frères pour
femmes
et Tarroy d'un
que Sichem,
le filz
de Amon,
qui estoit grans sires, la regarda et vist qu'elle estoit belle, et si la pria cella. Et,
quant
drent là et
et le
amour, tant
qu'il la
despu-
luy et le plus de son lignaige
du pays, pour
de leur suer, qui
mal
folle
le occistrent,
et de ses gens
resgardez
de
les xij . frères d'elle le sceurent, si vin-
la
honte que
ilz
eurent
ainsi avoit esté despucellée.
comment par
foie
femme
Or
vient le grant
dommaige, car par sa juennesce
et
par son
legier couraige advint celle grant occision, toutaussy
comme fiole
il
fut
amour
et
de
la fille
au roy de Grèce, qui, par sa
par folz semblans, elle accointa le
d'un conte, qui l'engroissa list
guerre au conte,
et
,
dont
le
filz
roy son père en
en morut plus de mil person-
nes, et eust la guerre cncores plus duré quant le frère
du
roy, qui saiges estoit, vint au roy son frère et lui
iiS dist
« Sire, je
:
Le Livre me merveille moult
» et le délit de vostre
» chevalier »
Il
fille
que pour
l'esbat
a esté perdu maint
bon
maint bon preudomme par sa joliveté. vous vaulsist trop mieulx que elle n'eustoneques et
» esté née. » Et lors dist
donc si la
prendre sa
il fist
le
fille
roy qu'il disoit voir. A-
par qui
le
mal
avoit esté,
fistdespecier d'espées par menues pièces, et
de-
puis dist devant tous qu'il esloit bien raison qu'elle feust ainsi despeciée
par qui tant de bonnes gens
,
avoient esté mors et occis.
De Thamar, qui fust femme Honain.
Chappitre LVIK que vous oyez l'exemple de Thamar, qui fut femme Honain, qui estoit filz e vueil
Juda,
filz
de Jacob
et frère
de Joseph.
Cestui Ho;iain fut trop pervers et félon et
de mauvaise
vie, laquelle je
dont Dieux voulst
qu'il
piteusement. Et quant
dont
elle n'avoit
pensa que
le
ne vueil pas toute dire,
en morut soudainement et
Thamar
se vit sans seigneur,
oncques eu lignée ne enfant
,
se
père de son seigneur engendroit bien
et qu'il n'estoit pas
brehaing
,
pour ce convoita à
et
avoir sa compaignie folement et contre la loy. Et tant
fist
et le
une nuit avec luy, engendra deux enffans, dont l'autre Amon dont moult de
qu'elle vint couchier par
deceut tant
qu'il
l'un et
nom
mal en
vint et mainte tribulacion
Phares
et
,
;
car les enfans qui
DU Chevalier de La Tour,
119
sont mal engendrez et qui ne sont de loyal mariage ce sont ceulx par qui sont les guerres et par qui les
ancesseurs sont perduz. Parquoy je vouldroye que
vous sceussiez l'exemple du roy de Napples. Il est contenu es croniques de Napples qu'il y ot une foie royne qui ne garda pas son corps nettement ne loyal-
ment à son seigneur,
un
filz
Si advint
que
et tant qu'elle conçut
d'ung autre que du roy son seigneur.
mort du roy,
icelluy fut roy après la
en eage
ne ses chevaliers noit
amendes
,
ainçoys leur fut dur et
il
fust
,
pre-
fel, et
femmes et usoit tellement que il encommença guer-
et tailles
de mauvaise vie
,
et efforçoit
res à ses voisins et à ses barons, et tant
me
quant
et
fut fel et aigres, et n'amoit point ses barons
il
que le royaul-
en povreté par moult long temps. Si avoit un baron moult preudhomme et moult bon fut
en
essil et
chevalier, qui ala à
un hermitaige où
avoit
un
saint
hermite moult religieux et qui moult sçavoit de choses. Si lui
comment
ilz
demanda
le chevalier
pourquoy ne
avoient tant de guerre au pais, et se elle
dureroit gaire. Et le saint hermite respondy »
il
convient que le temps
» voir, tant !>
comme
ait
son cours
cest roy durera et
,
un
:
« Sire,
c'est
sien
assa-
filz,
la
tribulacion ne cessera, et vous diray pourquoy. Il
» est ainsi
que cest roy
n'est
pas droit hoir, ains est
pour ce ne puet-il jouir » de son royaume ne de l'amour de son pueple, et » convient que lui et son royaume ayent douleur et )) tribulacion tant comme faulx hoir y soit mais son » advoultre et emprunté
,
et
;
»
filz
n'aura ja hoir, et là fauldra la faulce lignée
» et reviendra le royaulme » fauldra la pestillence et
aux drois hoirs vendra paix
,
et lors
et toute
ha-
Le Livre
120
» bondance de biens ou royaulme. » Et, ainsi le
preudomme
plus
,
seroit
que
car
il
le dist
ainsi avint
,
et
comme
encore
dist-il
parla de la faulce royne sa mère, laquelle
pugnie en ce siècle et en
la
;
femme du roy son
l'autre
filz
,
c'est assavoir
lencuseroit vers son
seigneur que elle se coucheroit avecques un de ses prebstres
semble
et
,
que son
filz
et les feroit tous
naise. Et ainsi
comme
le roy les trouvcroit endeux ardoir en une four-
homme
saint
le
le
dist
il
exemple à toutes femmes de soy tenir nettement en son mariage car pour faire un faulx hoir il advient tant de mal et de tribulacion au paix où il a seigneurie ; car par les faulx hoirs se perdent les seigneuries, et les mères en sont dampnées perpétuellement en enfer, tant comme lesenfans en tiendront point de la terre de leur parrastre, advint, et pour ce est bel
:
c'est-à-dire
du mary de leur mère.
Cfparle de la femme du roy Pharaon et de Joseph le filz
Jacob.
Chappitre elles filles
,
LVIII*.
je vous
diray
un exemple
d'un grant mal qui vint par regart et
par
folle
à Joseph
vendu par
plaisance, le
filz
si
comme
Jacob
,
celui
il
advint
qui fut
ses frères au roy Pharaon. Cellui Joseph
estoità merveilles beau
son bon service
le
filz,
saigeet humble, et pour
roy l'amoit moult et lui ha-
DU Chevalier de La Tour. bandonna touz
Tama mer-
regarda, qui le vit bel et juenne; sy
le
veilleusement de folle amour, et
de
signes d'amours
folz
folz
121
de son royaulme. La royne
les biens
semblans, et quant
lui
monstra moult
par regars et par autres elle vit
que
n'y vouloit
il
entendre ni se consentir à sa mauvaise volenté , elle
en
fut toute forsenée, et tant qu'elle l'appella
chambre et le pria de foie amour. Maiz preudomme, luy respondi que jà il ne envers son seigneur. Et quant elle
courrouça
aux poins par
et le prist
qu'il la vouloit efforcier, et lors le
en
ce
,
Dieu
,
le
roy
en sa
qui estoit
seroit traistre
vit cela
,
elle se
mantel et s'es-
que tous vindrent ,
cria à la force tant
et mettre
lui,
et elle dist
le fist
prandre
ety fust longtemps. Et après
la chartre,
qui ne l'oublia pas pour sa bonté
,
le fist
grand maistre que par avant ou plus amé et plus honnouré. Et pour ce
délivrer, et fust plus
royaume et est cy bon exemple que Dieux ,
justes et ceulx où
royne
il
punye; car morut mauvaisement fut
reliève tousjours les
treuve loyaullé il
,
et la faulce
ne demeura gaires qu'elle
et
souddainement de maie
mort. Et ainsi Dieu guerredonne à chascun son mérite.
Et pour ce est cy bon exemple de bien faire
car oncques de bien faire ne vint que bien et
;
hon-
neur ; ainsi, comme dit l'Euvangille, il n'est bien qui ne soit mery et mal qui ne soit puny. Car de faire faulx hoirs ne viendra que maulx et tribulacions es lieux
poesté
où ,
ilz
et les
seigneuriront et dont
ilz
auront la
doulereuses mères seront livrées à la
grant mort d'enfer, ne jamais n'en istront tant comme les advoultres qu'eles ont fais tendront terres ne biens
du mary leurs mères. Et c'est chose vraye,
si
comme
122
Le Livre
.
plusieurs qui sont resuscitez le tesmoignent, et la sainte Escripture
d autre
part.
Cy parle des
filles
Moab.
Chappitre LIX^. n autre exemple
vous
vueil
malvaises femmes de jadiz,
dire
des
comme des fd-
Moab. Vous avez ouy comment Moab faulsement engendré contre la loy, et voulentiers de mauvais arbre ist mauvais fruit. Car les fut
ses fdles furent folles et plaines de pechié de luxure.
Dont
il
advint que Balaam
grever lost des folles fdles l'ost
de
filz
Israël
,
,
qui estoit payen
fist
très riches draps, et puis les
des Ebrieux
,
les faire pechier et
pour
envoya en afin de
pueple de Dieu
c'estoit le
,
cointir et parer celles
,
de mettre Dieu contre eulx en
si vindrent moult ceintes et moult jolives en Sy en y ot moult qui furent temptez et en firent leur fol delict , dont les princes de l'ost n'en firent point semblant et Dieu s'en courrouça et manda
yre
;
l'ost.
,
par Moyse que les princes qui celle iniquité avoient faiste
et
soustenue
mort, dont Moyse
commandé,
fit
feussent crier le
penduz et mis à ban que Dieu avoit
et ainsi fut fait, et plusieurs furent occis
pour celluy fait et vil pechié de luxure. cy grant exemple aux chevetaines des ostz
et deslruiz Si est
qui sueffrent à faire force et qui sueffrent les grans ribaulderics, et pueentveoir
comment il endesplaistà
DU Chevalier de La Tour. Dieu
le père, et la
commandement
pugnicion qui en fut
et
,
en ad viennent,
comme
,
et
comme ouy
le
i23 par son
puet len bien veoir comment
pechié desplait à Dieu
rez, si
faitte
compte
comment avez et
tant
tel
de maulx
comme vous
or-
la Bible et la sainte Escrip-
ture.
Cy parle de
la fille
Chappitre |i
Madiam. LX*'.
comme
vous diray un autre exemple
tre foys
en advint en Tost des
fîlz
|c'estoient les Juifs, qui estoient
au-
Ysrael,
peuple de
Dieu et tenoyent sa loy. Sy avint que la fille
Madiam, qui païen
loy, celle
gay que
fille,
estoit, et
elle se cointit et vint
ce sont les
fils
d'Israël. Elle fut
richement parée le harnoiz, c'est délit, et tant
,
et
si
joly et si
en Tost des Ebrieux, cointeetjolie et moult
ne venoit que pour
le
cheval et
à dire pour soy faire acomplir son
advint que un chevallier de
lequel en fut legierement tempté fit
des nobles d'icelle
qui fut templée, ot le cuer
,
l'ost la vit,
et tant
que
il
la
venir en son logiz et fit son délit avecque elle. Et
comme
il pleust à Dieu il envoya Finées qui esun des meilleurs chevalliers de l'ost et l'un des plus grans chcvctaines, et estoit nepveu Aaron. Cellui oyt dire que telle iniquité se faisoit en leur ost, comme avecque une payenne qui n'cstoit pas de leur
si
,
toit
loy. Si vint
courant Tespée nue et les trouva ou
fait;
Le Livre
124 si les
va tous deux percier l'un sur
l'autre, et
rent villainement et ordement. Si avoit
nom
moru-
le
che-
Zambry, du lignage Syprinces de la loy. Mais pour
vallier qui faisoit la follie
meon, qui ce ne
des
estoit
fust-il
xij.
pas espargnié; car les princes et les che-
vetaines de l'ost
,
qui veoient
comment Dieu
ouvroit
pour eulx qui combattoient à dix tant de gens que ilz n'estoient, et que toute la victoire et le sauvement que ilz avoient leur venoit de la grâce de Dieu et de appert miracle
et
,
en lyre de Dieu, justice
,
car
il
pour ce avoient paour de cheoir en ceste cause tenoient-ilz bonne ,
et
n'estoit
pas rayson que leurs gens se
couchassent avecques gens d'autre loy,
comme
les
Crestiens avecque les Juifz et Sarrasins. Et aussy
ilz
se tenoient nettement et loyaument en la crainte et
en l'amour de Dieu,
et
les garantissoit des
grans perilz, ne ja n'eussent à
faire à si grant
mes que
ilz
Dieu leur donnoit victoires
nombre de pueple ne de gens
et
d'ar-
ne venissent au dessus. Et pour certain,
ce que Dieu veult garder nulle chose ne lui peut nuyre, et povez bien veoir comment Dieux het le pechié de luxure et
comment
il
veult qu'il en soit
puny, laquelle chose convient que cle ou en l'autre.
soit
ou en
<;e siè-
DU Chevalier de La Tour.
De Thamar,
du roy David.
la fille
Chappitre mes
ncores,
comme
si
Amon
loy, et
advint de Thamar,
,
Amon
pour acomplir sa mauvaise voulenté ,
regardoit de faulx regart et puis
despucella. Et quant Absalon ,
le sceut,
fine ire et
il
en
que ,
il
la
baisoit et
Teschauffa et la
son frère de père et , de
fut tout forsenné et yré, et
courroux
il
occist
son frère
Amon
celle deloyaulté avoit faicte à sa suer, et
moult de mal,
ment
toute
honneur
et
et
se
il
à sa suer, et
faisoit servir
acoloit, et tant fist petit à petit
mère
despucella.
tempté contre Dieu et contre la
fut
faingny estre malade et se la
il
au roy David, que son frère
Celluy
un
doit pas
tant soient ses parens ne ses pro-
chains ne autres, fille
comment Ton ne
demourer seul à seul avecques
estre ne ,
LX!**.
chières filles, vous diray
autre exemple
nul
126
qui
,
en vint
pour ce a cy bon exemple comqui veult nettement garder son
femme
son estât ne doit point demeurer seul à homme vivant, fors avecques son
seul avecques nul
seigneur ou avecques son père ou avecques son et
non avecques
aultrcs
,
car trop de
maulx
fils
et
de
tentations en sont avenues, dont, se jevouloye, je en
raconteroie moult de telles de qui Ten dist qu'il leur est
mal
pris et de leurs prouchains parens.
grant péril de se
fier
en nul
;
Sy
est
car l'ennemi est trop
Le Livre
126
soubtilz, et la char qui est
juenne
à tempter,
doit l'en garder
pour ce se
et
gaye
est aisiée
en toutes gardes et prendre le plus seur chemin, dont je vouldroye que vous sceussiez comment il en prist à une mauvaise femme qui estoit femme d'un cordier qui et
faisoit cables et
une bonne
mer en
cordes à gros vaisseaulx de
ville.
D'un bon homme qui estoit cordier.
Chappitrk homs
ns bons Si avoit
LXII*^.
estoit qui
une femme qui
saige ne qui ne gardoit
estoit cordier.
n'estoit
pas trop
pas sa loyaulté
vers luy, ains par une faulse houlière qui pour un bien pou d'argent la iist folaier, et s'accorda à un prieur qui estoit riches grans maistres et ,
luxurieux petiz
joyaux
saige que foiz
;
car la convoitise d'un petit don et de la fist venir
femme
que celluy prieur
estoit
avecques
elle, et, ainsi
chambre,
le feu
mary veu si
yssir gent.
en
se
le vit yssir
c'estoit
fait, et
venus couchier par nuit il s'en yssoit de la
comme
;
si
tant
que
le
s'effroya et dit qu'il avoit
La femme en
en grant
pour ce dist le Sy advint une
print à alumer, et
hors
l'ennemy ou
fut
au
qui prcnt se vent.
fist l'effraiée
le luitin.
Iristesce et
Dont
le
et dist
bon
que
homme
en grant merencoUie.
La femme, qui fut malicieuse, alla à sa houlière et à sa commère et leur dist son fait. La houlière, qui es-
DU Chevalier de La Tour. toit faulse,
cordons à
regarda
qu'il aloit et-venoit,
Sy vint
faire la corde.
127
portant ses
commança
et
à tiler
à une quenouille de layne noire. Et puis, à l'autre retour que le
bonhomme
faisoit
,
elle
en prenoit une
homme, Ma commère, il me semble
autre de laine blanche. Sy luy va dire li bons
qui estoit plain et loyal
que vous elle,
mon
:
a
—
Ha, distmaintenant laine noire. compère, vrayement non faisoye. » Après
filliez
revint l'autrefoiz, et elle avoit prins l'autre
il
nouille et
il
regarda et va dire
:
«
Comment
,
quebelle
commère, vous aviez maintenant blanche quenouille. biaux compère, dist-elle, que avez-vous? en bonne foy il n'en est riens. Je voys que vous estes tout mourne et bestourné ; car vrayement il a esté anuyt jour et nuit, et, en vérité, l'en cuide veoir ce que l'en ne voit pas, et je vous voy moult pensif. Vous avez
— Ha,
,
aucune chose.» Et dist voir, lui
bonhomme,
le
va dire
« Par Dieu
:
j'ay anuit cuidié veoir je tre
chambre.
qui pensa qu'elle ,
belle
ne sçay quoy
— Ha mon doulx amy
en bonne foy ce n'est que
,
commère
issir
de nos-
dist la vielle
la nuit et le
jour qui se
bestournent. » Si le va tourner de tous poins et appaisier par sa faulceté.
Après une aultre foiz lui avint que il cuida prendre une poche aux piez de son lit pour aler au marchié à iij leues d'illec, et il prist les brayes du prieur, et les troussa à son eisselle. Et quant il fut au marchié et .
il
cuida prendre sa poche
il
fut trop dolent et couroucié.
cachié en la ruelle du
brayes, toit
il
lit,
,
il
,
dont
Le prieur, qui
estoit
prist les
quant
il
brayes
cuida trouver ses
n'en trouva nulles, fors la poche qui es-
de costé. Et lors
il
sceut bien que le
mary
les
Le Livre
128
femme à grant commère de rechief et luy compta
avoil prinses et emportées. Si fut la
meschief,
son
fait,
dist
et ala à sa
et
pour Dieu que
y meist remède.
elle
Si lui
« Vous prendrès unes brayeset je en prendray
:
unes autres
,
et je lui diray
que nous avons toutes
preudomme
braves, et ainsi le firent. Et quant le
fut
revenu moult dolent et moult courouciez, sy vint la
commère le
faulse il
faisoit
demanda quelle chière
veoir, et lui
mon compère,
Car,
:
me
dist-elle, je
double
que vous n ayez trouvé aucun mauvais encontre ou Vrayemcnt,dist que vousn'aiez perdu du vostre.
—
le
bonhomme,
je n'ay riens
perdu
autre pensée. Et au fort elle
comment Touy,
il
avoit trouvé unes brayes
commença
elle
mais je ay bien
;
tant qu'il luy dist
fist
,
quant
et,
à rire et à lui dire
Ha
:
elle
mon
,
chier compère, or voy-je bien que vous estes deceu et
en voye d'estre tempté
femme vostre
que
plus preudc ,
;
car , par
femme en
ma
foy
ceste ville
,
ny a
il
que
est la
ne qui se garde plus nettement envers vous
elle fait.
Vrayment
,
elle et
moy
et aultres
de
ceste ville avons prises brayes pour nous garder de
ces faulx ribaulx qui parfoiz prennent ces bonnes da-
mes a
cop,
et, afin
que vous sachiez que
c'est vérité,
regardez se je les ay. Et lors elle haulsa sa robe et luy monstra
comment elle avoit
brayes, et
il
regarda
et vit qu'elle avoit brayes et qu'elle disoit voir
crut, et ainsi la faulce
Mais au car le
fort
il
bonhomme
commère
la
sauva par
;
si la
ij.
foiz.
convient que le mal s'espreuve
;
se prist garde qu'elle aloit moult
souvent chiez cellui prieur et s'en donna mal cour-
roux sur
;
si
l'ueil
luy va deffendre qu'elle ne fust sy hardie
de la
teste
que plus
elle n'y alast.
Sy ne
DU Chevalier de La Tour.
129
poingnoit.
comme Tennemy et la temptacion la Si advint que le bon homme fist semblant
d'aler hors
;
s'en peut tenir,
mussa
se
si
cacha en un lieu secret
et
femme
et tantost la foie
ala chiez le prieur, et son
seigneur ala après et la ramena et luy distque male-
ment
commandement. Sy ala en marchié à un cirurgien de renouer
avoit tenu son
ville et fist
jambes cassées,
quant
il
eut
vint à son hostel. Si prist
un
et
fait
la ij.
son marchié il re-
pestail et rompist les
deux jambes à sa femme et luy dist «Au moins tendras-tu une pièce mon commandement, et ne yras :
plus où il
il
eust ce
me
voya querre derrenier
ma deffencc.» Et
desplaist oultre
fait,
il
le
la prist et la mist
la
moqua
s'en voulst chastier, ains,
;
car
et fist
toutesfoiz
il
;
quant
sy en-
quant
il
lui
fist
elle fust aussi
semblant de dormir
escouta tant que
il
tant
pechié qu'elle ne
fol
guerie,le prieur vint à elle, et le
doubta
lit
mire, et fust là une grant pièce. Et au
Tennemy
trouver de foie plaisance en son
me
en un
et
ouyt
com-
homme
bon
de ronffler
faire
à sa
s'en ,
et
femme
que le fait estoit que il perdit toute mémoire et tira tout bellement un long coustel à pointe et jetta hastivement de la paille ou feu et, ce fait, quant il le vit , si fiert à coup, et va coudre et percier tous deux ensemble jusques à la couste et les occist en cellui vil pechié. Et, quant il eust ce fait, il le villain fait, et
vray. Et lors
il
il
tasta, et trouva
fust si forsené
,
,
appella ses gens et ses voisins et leur monstra
envoya querre
le fait
Sy en fut tenu pour excusé, et se mcrveillèrent moult les voisins pour ce qu elle s'estoit tournée à amer cellui prieur, qui estoit gros, gras, noir et lait et mal gracieux et son et
la justice.
,
Le Livre
i3o
et bon homme , saige et preumaiz aucunes femmes ressemblent à la louve, qui eslit son amy le plus failly et le plus
mary
domme
lait
;
juenne
estoit
et riche
;
ainsi le fait la folle
femme
par
pechié et la
le
temptacion de Tennemy, qui tousjours
attire le
cheur
,
et la
comme
le
pécheresse à pechié mortel
pechié est plus grant,
plus grant puis-
a-il
sance sur les pécheurs. Et pour ce
qu'il estoit
me
,
de religion et
femme mariée
la
pé-
de tant
et
hom-
estoit le pechié
greigneur; car pour certain, selon l'escripture et selon ce que Ten en puet veoir partout visiblement, se
une femme sanc
,
à son parent ou à son compère, de
le fait
comme
tant
parent lui sera plus près de chair et de
le
de tant sera-elle plus
plus ardante laiz et à
mie. Et
et
,
fort
temptée
et
en sera
aussy à gens d'esglise que à gens
gens mariez plus que à autres qui ne ainsi,
comme
de tant
lain et plus horrible
le
de tant est
,
le
sont
pechié est plus villa
temptacion plus
ardente, et y a plus de foie et de mauvaise plaisance,
pource que Tennemy y a plus de povoir en un grant petit. Et pource est bien dit
pechié mortel que ou
que
tant
Car
celle foie
va
la
cruche à leaue que
femme
le cul
y demeure.
avoit son seigneur qui estoit x.
fois
plus bel et plus gracieux que le moyne, et
toit
eschappée de
me
sa
vée
et garentie
commère ,
telz perilx,
comme
et sa houlière Tavoitij.
foiz
si
es-
femsau-
y estoit alée sur la defde rechief depuis la grant
et depuis
fensc de son seigneur, et douleur qu'elle avoit soufferte,
bes avoir rompues, tier.
la fausse
et
comme
des
ij.
jam-
encore ne s'en vouloit chas-
Et dont est-ce une chose vraie et esprouvée
que ce
n'est
que temptacion de l'ennemi qui
ainsi
DU Chevalier de La Tour. tient les ceurs
enflamblez de ceulx
ter et faire cheoir
en ces laz
et
qu'il
en celluy
luxure et aux autres péchiez mortels,
à celle foie pécheresse et à cellui
i3i
puet temp-
vil
pechié de
comme
fol prieur,
il iist
lesquelz
il fist mourir ordement et villement. Or vous ay monstre par pluseurs exemples de la Bible et de
gestes des
Roys
et d'autres escriptures
comment
le
pechié de luxure put à Dieu et les desguiseures des et comment le déluge en vint, et en fut monde pery fors que viij. personnes, et comment Gomorre et Sodome et cinq autres cités en foies
femmes,
tout le
furent arses de feu de souffre jusques en abisme, et
comment
et
de tribulacions en sont venues moult souvent par
le
monde
et à
en
Dieu
la
,
,
tant de
et
et
maulx
et
de guerres, d'occisions
comment la pueur en put aux angels comment les saintes vierges qui sont
grant joye au ciel se laissièrent de leur pure
voulenté marlirer avant que eulx y consentir ne faire pour dons ne pour promesse, si comme il est conte-
nu en leur légendes , comme do sainte Katherine de sainte Marguerite , de sainte Cristine de sainte Luce, et des unze milles vierges et de tant d'autres saintes vierges dont ce seroit grand chose à racon,
ter la
x**
partie de leur bonté et fermeté
de courage de
la
,
char et de l'ennemi
royaume de
de cuer
et
qui vainquirent toutes les temptacions ,
dont elles conquistrent
le
où elles sont en la grant joye pardurable. Or vousdy, mes belles filles, qu'il n'y a que faire qui se vieult garder nettement c'est amer Dieu et craindre de bon cuer et penser quel mal gloire
,
xiuelle honte, quelle doleur et
J)ieu et au
monde,
et
aviltance en vient à
comment on y pert l'amour de
Le Livre
i32 DieU) et l'ame
et
,
l'amour de ses parens et lamour
du monde. Sy vous pry moult doulcement comme très chières filles que vous y pensez jour et nuit
mes
quant mauvaises temptacions vous assauldront, et que soies vaillans et seures et résistez fort encontre, et regardez du lieu dont vous estes e quel mal et deshonneur vous en pourroil venir.
Cy parle sur
le fait d'orgueil.
Chappitre r vueil touchier
mes
LXUI*.
sur le
fait
d'aucunes fem-
qui se orguillirent des honneurs et
des biens que Dieu leur avoit donné et
ne povoient contenu en
souffrir à aise, si
la Bible. Il
d'un chevalier simple qui avoit
Apemena
fust belle et
comme
il
racompte de Apamena,
juenne
nom
et tant
,
est
fille
Béjart. Celle
que
le
Roy de
Surye, qui estoit moult puissant roy, la prist en amour, tellement que par sa sotize il la prinst à
femme, et fust royne, et quant elle se vit en sy grant puissance et sy honnourée elle ne prisa riens ses parens, et avoit honte et desdaing de les veoir ne encontrer, et devint foie et orgueilleuse sur toute riens,
mesmement ne
daingnoit-elle porter au
honneur comme simple
si
grant
et
,
parens du roy, tant fust orguilleuse et fièEt tant fist que toutes manières de gens la prin-
nourer re.
homme
Roy
pour ce qu'elle le veoît débonnaire et ne daignoit hon-
elle devoit,
les
DU Chevalier de. La Tour.
133
drent en hayne et tant qu'elle fust courroucée vers
ou adroit, par telle manière qu'elle envoyée par l'endictement des parens du roy. Et ainsy par son desespoir et par son orgueil elle perdit le grant honneur où elle estoit ; le roy, fust à tort
fust chassée et
car maintes gens et maintes frir
honnour ne
querre buchetes
aise et
,
et
souf-
ne finent d'ac-
langaiges d'orgueil et d'envie, et
tant qu'elles se mettent
ceste foie reyne
femmes ne pevent
ensemble,
du hault en bas comme
qui estoit venue
de
fist
petit lieu à
grant honneur, et ne le povoit souffrir; car toute
femme
qui voit son seigneur doulz et simple
grant malice, de tant
neur
;
lui doit-elle
,
sans
porter plustost hon-
mesmes
car elle s'en honneure luy
et
en a
plus de louenge et de honneur de ceulxqui la voient, et se doit plus tenir close et plus
simplement,
et
spy efforcier de garder et de tenir s'amour et sa paix, car les cuers ne sont pas tousjours en
un
vire et cheval chiet. L'on cuide par foiz
estât
que
;
pierre
tel soit
bien simple et sot, qui a malicieux cuer et dange-
reux
,
et
pour ce ne puct femme trop honnorer ne
obéir à son seigneur quel qu'il soit, puis que Dieu le lui a
donné. Je vous vueil dire l'exemple de
femme du roy Herodcs
la
une femme que il amoit moult merveilleusement. Sy ala à Rome, et advint que les gens de son ostel luy firent nuysance par devers son seigneur; car ilz ne l'amoient point, pource que elle estoit trop fiôre, et luy le grant. 11 avoit
rapportèrent qu'elle avoit un privé amy. Sy la des-
honnourèrent, dont Herodcs
fut
moult courroucié
et le luy reprocha, et elle luy respondit trop fière-
ment
et
orgueilleusement, et ne prist pas son sei-
Le Livre
i34
gneur par bel ne par courtoisie ne
comme
elle devoit.
si
humblement
Et son seigneur fust
fol et
des-
piteux de la ouïr parler ainsi orguilleusément
un coustel
;
sy
Sy en morut, dont il fust depuis moult courroucié, car il ne trouva pas la chose vraye ; et ainsi par son haullain langaige se fist occire. Et pour ce est bon exemple à toute bonne femme de estre humble et courtoyse et de respondre humblement et doulcement encontre Tire et corroux de son seigneur. Et ponr ce le saige Salemon dit que par courtoisie et doulces paroles doiprist
et la feryt.
vent les bonnes femmes abatre Tire et corroz de leurs seigneurs. Car le seigneur de son droit doit
avoir sur sa
femme le hault parler,
et especialment
en son yre devant
soit tort
yre passée, elle luy puet bien monstrer tort, et ainsi tendra la paix et l'amour
gneur
et
de son hostel
ne bastre , ne occire
me
,
,
ou droit, son
les gens, et, qu'il
avoit
de son sei-
ne ne se fera pas blasmer,
comme
fist
la
première fem-
au roy Herodes.
Cf parle de
la royne Va^tis,
Chappitre
LXHIK
e vous diray un autre exemple de la royne Vastis, qui fust
femme au roy
Assuère.
II
advint que le roy tint une feste avecques ses
barons, et là furent touz les grans barons
de sa terre. Sy mengièrent en une sale
et la
royne
BU Chevalier de La Tour.
i35
quant vint après disner, les barons distrent au roy qu'il lui pleust qu'ilz veyssent la royne, qui merveilleusement estoit belle ; le roy
en une audtre ,
la
manda une
et,
foiz,
ij.
daigna venir. Sy eust
demanda
foiz, le
iij.
foiz, et
oncques n'y
roy moult grant honte, et
que il feroit, et le que il la chaçasl vij ans hors de avecques luy, pour donner es autres exemple de mieulx obéir à leurs seigneurs. Et ainsi le fist le roy, et en fit une conseil à ses barons
conseil fust
.
loy que dès là en avant toute femme qui escondiroit son seigneur de riens qu'il lui conmandast et que ce feust chose raysonnable, qu'elle seroit vij. ans
en
mue
deffaulte
à petit ,
et
de viande pour
lui
monstrer sa
encore tiennent-ilz celle coustume en
celluy royaulme.
Sy eust honte
la
royne qui se
bouter en mue, et ploura et se doulousa n'estoit
;
mais
vit il
pas temps; car par son orgueil elle fust
mise en mue vij. ans. Sy devez ycy prendre bon exemple ; car, par especial devant les gens vous ,
conmandement de vostre seigneur et luy obéir et porter honnour et luy monstrer semblant d'onneur, se vous voulez avoir l'amour du monde. Mais je ne dy mie que, quant vous serez devez
faire le
priveement seul à seul largir
de dire ou
,
vous vous povez bien es-
faire plus vostre volenlé, selon ce
que vous saurez sa manière. Je vous diray l'exemet de sa propriété; quant la lyonnesce lui a aucun despit fait , il ne retournera plus à elle de tout le jour ne la nuit, pour chose qu'il aviengne.Sy lui monstre ainsi sa seignourie, et est bon exemple à toute bonne femme quant une beste sauvaige, qui nulle rayson ne scet fors que nature qui lui esmeut,
du lyon
,
Le Livre
i36
se fait craindre et doubter à sa compaingne.
Or rebonne femme ne doyt desne désobéir à son seigneur que Dieux 11 a
gardez dont plaire
comment
donné par son
la
saint sacrement.
Cf parle de
la
femme à Aman.
COAPPITRE it
LXV*'.
encores vous diray un autre exemple sur
cesle matière.
qui fust
Ce
de la femme à Aman,
fust
femme du
seneschal du roy, et
vint de néant et de petites gens; sy devint
riche par son service et acquist terres et possessions, et
gouverna aussy
quant
il
comme
le
si s'en orguillist et fust fier et
loit
que
luy
feist
plus
devint sy riche et que
il
du royaume. Et
eust tant de bien
presumpcicux, et vou-
lui et que chascun une grant révérence. Sy advint que Mardo-
l'en se agenoillast
cius, qui estoit
Ester, qui fut
devant
noubles homs et avoit nourry
bonne dame
la
et juste, et à cellui
roync
Mar-
docius desplaisoit sur tous l'orgueil el la presump-
homme,
qui estoit venu de néant. Si ne honneur ne soy lever contre lui ne nulle révérence, dont cellui Aaman en fust et s'en plaigny à sa femme. El sa femme,
cion d'icellui
lui daignoit faire
lui faire
bien
fel
qui fut d'aussy grant couraige et orgueilleuse lui, ly conseilla
que
hostel et que
le feist
il
il
aucun cas à sus. Et
feist
comme
lever un gibet devant son
pendre illecques,
le fol creust sa
y
et lui meist
femme à son
DU Chevalier DE La Tour. grant meschief, et quant
il
187
fust pris et le gibet fut
levé les amis de luy alèrent à la royne courant el
Aaman
lui
comptèrent comment
lui
qui l'avoit nourye. Et la royne y envoya tantost
pour celluy
fait et
vouloit faire à cel-
envoya querre
cellui
Aaman
si
;
vint devant le roy, et fust la chose bien enquise et
diligemment, tant
donc
qu'il fut
que
voit coulpe, et
trouvé que Mardocius n'a-
l'autre le faisoit
par envie. A-
royne Ester se agenouilla devant
la
seigneur, et requist que l'en
Aaman
le
roy son
feist autelle justice
de
pendu devant sa porte et ses vij enffans, pour monstrer exemple que faulsement et par envie l'avoit jugié. Et ainsi comme la bonne royne le requist il fust fait, et lui avec ses vij. enffans fut pendu devant sa porte par le
seneschal
,
et qu'il feust
.
,
son orgueil et par son oultrecuidance conseil de sa
homme
femme. Dont
c'est
et
grant
par
folie
le fol
à
un
qui est venu de petit lieu et de néant de soy
ne se oultrecuidier pour nul bien terrien amassé, ne mesprisicr autrui; ainçois, se il
orgueillir qu'il ait
est sage,
il
se doit à tous humilier, aflin de cheoir eii
et affin que l'en ne ait envie sur lui. Car len a plus souvent envie et despit sur gens qui viennent de petit lieu que sur ceulx qui sont de bon la grâce
de tous
lieu et d'ancesserie. Et
aussy la
femme ne
fut pas
saigo, quant elle vit l'ire et le courroux de son sei-
gneur, de le soustenir en sa
femme
folie.
Car toute saige
doit bel et courtoisement ostcr l'ire de son
seigneur par doulces paroles, et espéciaulment quant elle le voit
csmcu de
faire
aucun mal ou aucun
vil-
lain fait
dont deshonneur ne blasme leur en pcusl
venir,
comme
si
fist
la
femme
à
Aaman
,
qui ne rc-
Le Livre
i38
prist pas son seigneur
H donna
fol conseil,
de sa
folie
pourquoyil
,
ainçois Tatisa et
moumt
vilement et ordement. Sy a cy bon exemple comment l'en ne doit point soustenir son seigneur en son yre ne en sa maie colle, ainçois le doit l'en courtoisement re-
prendre
et monstrer les raysons petit à petit, et comment il en pourroit avenir mal ou dommaige à lame ou au corps. Et ainsi le doit faire toute saige femme
vers son seigneur. Pourquoy, belles
exemple
et
la sotize
de sa femme.
filles
regardez quel mal en avint à
Cy parle de
,
prenez y par
Aaman
la royne Gezahel.
Chappitre
LXVK
près vous comptcray l'exemple d'une maie
royne diverse
et trop cruelle, et
comment
Ce fut la royne Gezabel, qui avoit moult de maies taches. Premièreil
ment
elle
lui prist.
haioit les povres et tout
peust chevir, dont les hcrmites et les
elle
il
les
qui se
elle haioit
gens d'esglise et tous ceulx qui
enseignoienl la foy, et les
que
homme
ne peut amander ; faisoit
rober et batre , sy
enconvenoit fouir du royaulme. Elle n'a-
voit merci
de nul
et pour ce estoit maudite et haye du pueple. Ung bon homme estoit qui avoit nom Naboth , qui avoit une pièce de vingne moult bonne, et le roy la vouloit moult bien avoir par achat ou autrement. Mais le bon homme ne s'i
de Dieu
et
,
DU Chevalier de La Tour.
189
bon cuer. Si dist le roy Acas à dame sa femme que il estoit bien marry et que
vouloit consentir de celle il
ne povoit avoir celle vingne,
et celle lui dit qu'elle
la lui feroit bien avoir, et si fist-elle, car par trayson elle fist
murdrir
bon homme,
le
et fist venir faulx
bon homme
temoings qui recordèrent que
le
avoit la vingne donnée
en despleut à Dieu,
et envoia l6 roy
,
dont
Jozu pour
le
il
guerroyer, tant que
cellui roy prist le roy
Acas et bien
grans que petiz, que
avoit à nourir chiez ses
mes,
il
lui
que
Ix. enffans,
et leur fist à tous les testes coupper.
Ce
hom-
fust la
punicion et la vengence de Dieu. Et quant est de la
maie royne Gezabel,
elle se
mist en un portail par où
de draps d'or et de hermines à grans pierres précieuses, toute desguisée en autre manière que les autres femmes n estoient, le
roy Jozu passoit
,
et se coinlit
tant estoit désespérée et orgueilleuse, et, dès qu'elle
commença à maudire
vit le roy, elle le
toutes les villenies qu'elle povoit
mença à regarder,
,
et à
li
et le roy la
et la cointise et la desguiseure
dire
comde sa
robe, et escouter la malice et l'orgueil de sa langue; lors
il
commanda
à ses gens que
ilz
qu'ils la feissent cheoir la teste toute
vant tout il
fut fait
le ,
peuple, et ainsi
car
ilz la
comme
il
y alassent
et
première dele
commanda
prindrent et firent cheoir la teste
première, tellement qu'elle fut morte laidement. Sy
commanda maulx
le
roy que par sa cruaulté et les grans
qu'elle avoit fais faire
qu
elle n'eus t point
de
sépulcre, et non eust-elle, ne de sépulture, ains fust
mengée des chiens
et
grant orgueil et sa
fierté, et
Dieux maintes
de ceulx qui n'ont
foiz
devourée. Et ainsi cheist son par
telle
voye se venge pitié
des po-
Le Livre
i4o
vres et du povre peuple et des serviteurs de sainte église, et qui par cruaulté et par convoitise font faire
murtresetfaulxtesmoingnages, ce royne, qui ainsi le
en
folie,
dont mal
comme fist celle
et qui soustint
fist
lui prist.
Sy
est cy
faul-
son seigneur
bon exemple
comment Ten
doit estre piteuse des povres et des
serviteurs
non
,
et
donner mal conseil à
entiser ne
son seigneur, et aussi non de soy desguiser, mais
bonnes dames de son pays, et aussi non tencer ne dire grosses paroles à plus grans et à plus fors de soy. tenir Testât des
Cf parle de
la royne Atalia et de la royne
BruTieheust.
Chappitre LXVII». c Atalia vous vueil dire
un autre exem-
ple, laquelle fust royne de Jhérusalem,
maie
et fust
et diverse et sans pitié
quant Ozias son qui en traison
fist
qui avoit
nom
Joadis
,
tailles et
de subsides,
mal
et
estoit
pitié
fist
car,
filz
nourrir secrètement.
du royaume
,
si
et
comme quant
et
celle qui cstoit sanz
elle eust assez fait
de cruaulté au royaulme
celeement
;
ce fust celle
et de touz moult de diversitez au pueple, de
les biens
rayson et sans
,
seulement ung que uns preu-
Celle royne se mist en saisine et fist
mort
occire tous les enfans de son
et tous les hoirs, fors
doms
fut
filz
,
de
lenffant qui norry
nourry l'avoit mourir de malle mort el
cellui Joadis qui
la prindrenl et la firent
honteuse. Et ainsi eust guerrcdon de sa mérite en
la
parfin
DU Chevalier de La Tour. i4i car Dieu rent tousjours sa déserte à homme
;
et à femme, ou à vie ou à mort. Car il n'est mal que une foyz ne soit pugni ou au loing ou au près. Je vouldroye que vous sceussiez l'exemple et le compte ,
d'une royne de France qui avoit
Ce
fust la
et dist
:
femme dont
nom
Breneheust.
Sebille parla en prophétisant
« Brune vendra de vers Espaigne ou
de Gaule,
c'est
tez et puis sera detraicle. » Et ainsi elle fist occire
royaume
France, qui fera merveilles de cruaul-
de ses enffans
et
en advint; car
des enffans de ses
enffans très grant nombre, ne ne vous en pourroit-
on racompter
la moitié
de
la
cruaulté d'elle ne des
meurtres ne traisons et occisions qu'elle fort elle fusl
payée
si
comme
un enffant qui eschappa, qui
il
fust
fist,
et
pleust à Dieu filz
de son
,
filz,
au car
qui
maulx etcruaultez qu'elle avoit faiz, lors mist le fait en jugement devant ses barons, et fust jugée à destraire àqueuez de chevaulx. Et ainsi fust fait, et mourut mauvaisement tout aussi comme mauvaisement avoit fait murtrir le sang royal innocent. Et pour ce dit le saige que dès vij. ans vient eaue à fin, c'est-à-dire que tant va le pot à l'eaue que le cul en demeure. sceust les grans
Le Livre
i4si
Cf parle du
fait d'em^ie.
Chappitrk LXVIIK un exemple sur
e vous diray
le fait d'en-
vie de Marie, la suer de Moyses
,
qui dist
par envie qu'elle estoit aussi bien de Dieu
comme Moyses son frère, et que Dieu ouoit comme celles de Moyses,
aussi bien ses resquestes et ce dit-elle
pour soy moquer
Dieu s'en corrouça et la
et
par envie
,
dont
devenir meselle , tant
fist
qu'elle fust ostée et séparée d'entre les autres gens, et toutes
voyes Moyses
et
Aaron en eurent grant
tié
et firent requeste à Dieu qu'il luy pleust la
rir
;
et à leur requeste
exemple comment et
Dieu
la gueryt.
Si
pi-
gué-
prenez
mal avoir envie sur autruy, comment Dieu punist cesle-cy, qui estoit une des il
fait
nobles damoyselles qui fust en celui temps, tant qu'il la
sépara d'entre les autres gens par celle mesellerie.
Car maintes
foiz
Dieu punist
ainsi les
mesdisans. Et pour ce, belles
exemple, car trop est aultruy abaissier.
filles,
villain vice
envieux
et les
prenez y bon
de soy louer pour
DU Chevalier de La Tour.
i43
Cy parle d'une des femmes Acharia.
Cbappitre LXIX* ont je vouldroye que vous sceussiez
ua
autre exemple sur ceste matière de une
des femmes à ung grant seigneur qui avoit
nom Archaria. Sy avoit ij. femmes senom Phenomia et l'autre
lon la loy, dont Tune avoit
avoit nom Anna, qui moult estoit preude femme et bonne dame , mais nulz enffans ne povoit avoir. Sy estoienl alors plus prisées et honnourées celles qui enifans portoient que celles qui n'en portoient nulz, dont l'autre femme en estoit moult de grant orgueil, pour ce que elle en avoit moult de beaulx enffans, et pour ce avoit l'autre femme en despit et avoit envie et desdaing sur elle, et se mocquoit d'elle en disant villenies, et qu'elle estoit
brehaingne et terre morte,
menu
dont l'autre avoit grant honte et ploroit
et
souvent, et se complaignoit à Dieu, et Dieux qui l'umilité et la pacience de l'une vit, et l'envie
gier et le despit de l'autre
miséricorde
,
car
fans de l'autre il
il
fist
femme,
,
et
si
mourir touz et
,
den-
les autres
enf-
à celle qui nulz n'en avoit
en donna plantivement, dont son seigneur
en grant amour, et
le
regarda selon sa
l'avoit plus chière
que
la prinst
l'autre à
qui ses enffans estoient mors. Et pour ce sont les ju-
gemens de Dieu moult merveilleux manière d'envie,
et les chastie
;
quant
car il
il
het toute
lui plest, et
Le Livre
i44
essauce lumble qui mercy requiert, et pour ce est
bon exemple que nulle femme ne se doit orgueillir des biens et des grâces que Dieux lui donne, ne avoir despit ne envie sur autres, si comme eust Phenomia, qui avoit enffans et avoit envie et despit sur
Anna
qui n'en avoit nulz, et pour ce Dieu la punist sur ses enffans, qui tous moururent, et en
donna à
l'autre qui
tous vescurent. Sy sont ainsi les jugemens de Dieu.
Et pour ce y doit l'en prendre bon exemple et se humilier envers luy et n'avoir envie ne despit sur nulluy. Sy vous laisseray ceste matière et vous parleray d'une autre sur le
fait
Cf parle de
de convoitise.
convoitise.
Chappitre LXX®. e vous diray
un autre exemple sus
le fait
femme qui eust nom Dalida, femme Samson fortin lequel Ta-
d'une faulce qui fut
,
moit à merveilles, et tant qu'il ne feist pas aucune chose que elle ne sceust. Et pour le grant
amour que il
avoit en elle,
il
fust sy fol
que
il li
des-
couvrit que toute sa force estoit en ses chevculx. Et
quant
la faulce
femme
le sceust elle fist dire
aux
paiens, qui estoient ennemis de son seigneur, que, se ilz
luy vouloient donner bon loyer, elle le leur fe-
roit prendre.
Et les paiens luy promistrent que
elle le povoit faire, ilz luy
donroient certaine
,
se
somme
d'or et de robes. Et celle, qui fust deceue par con -
DU Chevalier de La Tour. voitise
puis lui
paiens qui estoient embuschez et le
quant
i45
endormir son seigneur en son giron et tondit ses cheveulx , et envoya querre les
fist
,
il
fu esveillié
se combatoit bien à
,
iij.
prendre,
fist
et,
trouva sa force perdue, qui
il
mille personnes,
le tindrent, ilz le lièrent et puis lui
et,
quant
ils
crevèrent les
un moulin comme à ung cheval aveugle. Or regardés comment convoitise deceust celle folle femme, qui, pour un pou d'or,
yeulx, et le faisoient tourner à
traïst
son seigneur, qui
doubté
homme
estoit le plus fort et le plus
qui oncques feust ne jamais sera. Et
pour certain cuer convoiteux oze bien treprendre tout mal et tirans sur leurs
symoniaulx en
:
car
gens
il
fait les
faire
et les clers et les religieux
,
tirant lautry par faulces
et fait les bourgeois et autres usuriers
larrons et murtriers
,
les pucelles et les
tains, les enffans desirans la
leur
mère pour
,
semonces, les
povres
mariées pu-
mort de leur père
par convoitise d'argent
,
le
de
trahy nostre Seigneur, et
uy
les
advocads
et plaideurs, qui vendent et beslournenl vérité
alongent
et
avoir le leur seulement. Judas,
aussi par convoitise le font aujourd
ilz
en-
et
nobles rapineux
bon
droit
du bon homme pour
,
car
tirer
à avoir plus de l'argent , et y a plusieurs qui prennent de ij. costés, et aussy vendent par convoitise leur parole que Dieu leur a donné pour prouffiter au bien
commun. Et pour
ce est convoitise moult decevable,
femme Samson,
qui
fist
toit
bel et fort et puissant. Et pour ce a cy
foloieret périr la
qui tantes-
bon exem-
ple pour soy garder de ccst vice. Et depuis Dieu ren-
car elle espousa à celle femme son guerredon un des payens, et firent une nopcc. Si le sceut Sam-
dit
:
50
Le Livre
i46
son, à qui ses cheveux estoient revenus et sa force
revenue. Si sefist mener en la maison où ilz estoient au disner, près du maistre pillierde la sale, et, quant il
fut
au
pillier,
que
il
le prist
à sesij. mains et
le
escoust
maison sur eux , et là fut mort le mary et la mariée et le plus de gens qui estoient aux nopces. Et ainsi se venga de sa faulce femme , laquelle morut mauvaisement car Dieu si très fort
il
abatit la
,
voulst qu'elle fust pugnie de sa mauvaistié, et c'estoit
bien raison que de mal faire ly vensist mal.
Cy parle de courroux.
Chappitre LXXI«. e
vous vueil dire comment par un
de courroux
preudomme
homme
il
petit
advint grans maulx.
estoit qui
et qui estoit
moult
estoit
Un
noble
de mont d'Effraim,
et
se maria à une damoiselle de Bethléem. Sy advint
que pour pou de chose elle se courrouça et s'en vint chiez son père. Le preudomme en fust moult dolent et la vint querre , et son père la blasma et la rebailla à son seigneur, qui l'emmena et se anuita en la ville de Gabal, où avoil foies juennes gens et espris de luxure. Sy vindrent à l'hostel où estoit celle
femme
et
son seigneur,
prindrent à force la
et
rompirent
les huis; si
femme du preudomme
et l'en-
moult villainement et horriblement, ne oncques ne la lessiérent pour l'oste, qui moult en
forcièrent
DU Chevalier de La Tour. fust dolent,
ses
tilles
comme
pour
celui qui vouloit baillier
la garantir.
Mes oncques
i47 une de
n'en voul-
quant se vint au matin, celle qui se vit ainsi honnye et deshonnorée eust telle honte et tel dueil qu'elle mourut es pies de son seigneur, dont le preudomme en deust mourir de dueil et de drent riens
faire, et,
honte, et l'emporta toute morte à son hostel pensa, puis que morte estoit xii.
,
que
;
et se
la mettroit
il
en
pièces avec certaines lettres et l'envoieroit à ses
affin qu'ilz en eussent vergoingne que ilz en voulsissent prendre vengeance. Dont il avint que ses amis et les amis d'elle en eurent tel dueil et tel yre que ils se assemblèrent ensemble et vindrent à Gabal et occirent bien xxxiij mille per-? sonnes, que hommes que femmes. Sy fut prins pour
prouchains amis, et
ung
tel fait telle
avoit
que faire.
ne doit point
vengence, et
Si
tel le
compara qui n'en
a cy bon exemple comment
femme
ne guerpir son seigneur, pour yre ne pour courroux qu'ilz ayent ensemble, et
comment
laissier
saige
courtoisement
femme doit entendre et
le
souffrir bel et
courroux de son seigneur
sier rappaisier, et le
et le lais-
prendre par bel, non pas le laissier
comme fistcestedamoiselle, qui laissa son seigneur, et convint qu'il la vcnsist querre chiez son père, par
morut piteusement
la-
comme
en vint tant tant de pueple en
estre mort. Car, se elle ne se fust
bougée d'avecques
quelle alée elle
de maulx
de douleur,
et
et
son seigneur, jà celluy mal ne fust advenu, et pour ce est-il bon de adoulcir son cuer, et c'est le droit de saige
femme
qui vieult vivre paisiblement et
reusement en
la paix
de son seigneur.
amou-
Le Livre
i48
Cf parle d'une femme qui ne çfoloit i^enir au mandement de son seigneur,
Chappitre LXXIl^ e vouidroie que vous sceussiez le compte et
Texemple de
la
dame qui ne daignoit mandement que son
venir mengier, pour
seigneur
feist,
li
tant estoit foie et depiteu-
pour pou de chose. Et quant son seigneur vit que pour mandement qu'il lui feist elle ne vouloit se, et
envoya querre son porchier, qui fit apporter la touaille de la cuidresser une table devant elle et mettre
venir mengier,
il
estoit vils et let, et
sine
,
et
fit
celle orde touaille, et
fit
asseoir le porchier,'et puis lui
Dame, puis que vous ne voulez venir à mon » mandement ne mangier en ma compagnie, je vous
dist
))
:
«
baille cest porchier et ceste touaille. »
fust encore plus
Et celle
courroucée que devant, et au fort
que son seigneur se bourdoit d'elle; si se folie, et pour ce nulle femme escondire ne reffuser le mandement de son
elle vit bien
reffrenaetcongnust sa
ne
doit
seigneur se elle vieult s'amour et sa paix garder. Car, par bonne raison
ment venir de devers
,
humblesce
doit première-
elle.
j
DU Chevalier de La Tour.
i49
Cf parle de flatterie,
Chappitrb LXXIII«. Une
e vous diray sur l'exemple de grerie.
grant
dame
avoit
un
filz
qui avoit
nom
Cissana , qui estoit moult grant seigneur,
en une bataille où il morut. mère à grant esmay et douleur de sçavoir de ses nouvelles. Sy avoit un flateur en sa compaignie qui ly disoit « Ma dame, ne vous esmaet estoit aie
Sy
estoit sa
:
yez, car monseigneur vostre
filz a eu victoire et a pris moult de prisonniers. Si lui convient demourer une pièce pour ordonner de son fait. » Et ainsy de telles flateries paissoit sa dame et lui disoit joye de néant. Car cellui greeur ne deist jamais à sa dame chose
qu'il sceust qu'il lui
deust desplaire
,
aussi
comme
sont flatteurs et flatteresses,.qui jà ne diront à leur seigneur ne à leur dame chose qui leur desplaise, et taysent la vérité, et leur disent tout leur bon, et leur font joie de néant,
si
comme
à Jouel, la bonne dame
,
fist le
faulx flatteur qui
faisoit accroire
que son
avoit eu victoire et en amenoit ses prisonniers
c estoit bien le contraire
depuis
,
quant
la
,
car
il
bonne damme
estoit le
mort
,
filz ;
et
dont
sceut, elle en
deust mourir de dueil. Sy est mauvaise chose d'avoir flateurs entour luy rité
car ilz n'osent dire la vé; ne donner loyal conseil, ainsi font souvent for-
voicr leur seigneur et leur
dame de
droit chemin.
Le Livre
45o Il
semble
semblant d'un
les enchanteurs, qui font
rharbon que ce soit une belle chose ; car ilz loent la chose par devant et plus la blasment par derrière.
Sy ne doit Ten point croire en leurs los ; car ilz ne vous font que decepvoir pour vous plaire et pour avoir du vostre
car vous les devez mieulz cognoisne vous congnoissent si vous estes saiges. Mais vous devez amer ceulx qui vous diront tre
que
;
ils
,
vostre bien et ne vous cèleront point vérité pour nulle doubte; et ceulx seront voz amis. Car les greeurs
semblent
mal fist un le
le
faulxmire, qui prent l'argent sans veoir
tieulx flateurs déçoivent les riches,
;
comme
si
une venderesse de fromaiges, qui à merveilles estoit laide, et il luy faisoit acroire que elle estoit belle et doulce. Et la femme estoit si foie que elle cuidoit qu'il deist voir, et à chacune foiz lui donnoit un fromaige, et puis, quant il Tavoit eu il se moquoit d'elle par derrière. Je vouldroie que vous sceussiez un exemple que je vy en Angoulesme quant le duc de Normandie vint devant Aguillon. Sy avoit chevaliers qui flateur à
,
tray oient par esbat encontre leurs chappcrons. Si
comme
le
manda
à un des chevaliers un arc pour traire
quant
il
duc vint en
ot trait,
il
y en eut
comme
il
a
trait
le
ou
par esbat
armé
et
il
de,
et
fist
je
fist l'autre,
:
un,
ne
m'eust fcru. » Sy
moult louer de son
à dire vérité, ce n'estoit que
si
qui distrent
iij.
trait.
,
» voulsisse pas estre
conmencièrent à
ij.
,
— Sainte-Marie, royde. — Ha
» Monseigneur a bien
»
cellui parc
flatterie
,
trait
car
il
,
mais,
tray le
pour ce est grant men'eille conment chascun flate et grée aux seigneurs et aux dames du
pire de touz, et
DU Chevalier de La Tour. jour d'hui, et leur font acroire que et plus saiges
que
ne sont,
ils
ilz
i5i
sont plus grans.
et par leurs flateries
les font oultrecuidier.
Cy parle de
descoui^rir le conseil de son seigneur.
Chappitre LXXIllK c vueil que vous oyez l'exemple de la
femme Samson fortin, qui descouvry son seigneur. U advint que Samson fortin avoit fait
une fermaille à xxx. robes de
saye avecques certains gens qu'ilz ne pourroient pas
deviner certaine devinaille. Sy advint que sa
ne
li
tant qu'il
,
quant elle
perdre la fermaille de xxx. robes de saye
lui fist
quant son seigneur sy la
femme
de parler qu'elle sceut que c'estoit et lui descouvry le fait de la devinaille et, le sceut, elle en descouvrit son seigneur, et
fina tant
sceUvSt qu'elle l'eust
;
et
découvert,
commença à
hair et la mist hors de avecques aux payens qui avoient gaingnée la fer^ maille sy en prist xxx, lesquelz il despouilla pour despit de sa femme. Et pour ce acy bonne exemple conment femme ne doit descouvrir pour nulle chose lui, et ala ,
le secret
chiée en
ne
le conseil
l'ire
et
de son seigneur, atfm qu'elle ne
en corroux de luy ne en sa hayne,
comme
fist la femme Samson fortin, qui en perdy l'amourde son seigneur. Car c'est trayson quantl'en se fie en sa femme et elle descueuvre ce qu'elle doit celer.
Je vouldroie que vous sceussiez le compte de
Le Livre
i52
Tescuier qui essaya sa femme, que ly va dire
vit
il
juenne. Sy
M'amie je vous diray un grant con» seil , mais que vous ne m'en descouvriés pas pour » riens. Je vous dy que j ay pont ij. oeufz, mais pour » Dieu ne le dictes mie. » Et elle respondit que par :
«
,
sa foy non feroit-elle. Sy
li
fust bien tart
ne venoit pour laler dire à sa commère,
que le jour quant vint
et,
qu'elle peut trouver sa voisine, elle lui dist
»
ma
très
» seil
,
Ha,
«
:
doulce amie, je vous deisse un grant con-
mais que vous ne
promist que non
le déistes
pas »
et elle lui
,
Se Dieu m'aist
feroit-elle. «
il
,
est
une grant merveille à mon seigneur, car » pour certain, ma doulce amie il a pont iij. oeufz. » advenu
,
»
— Saincte Marie
fist
,
l'autre
,
comment puet
ce es-
» tre? c'est grant chose. » Si s'en party celle à qui le conseil avoit esté dit
dire à
pont
que
une autre
iiij. il
,
et
ne se peut tenir de
et lui dist
,
que
tel
eufz. Et puis celle le dit à
un
en avoit pont v, et ainsi creust
en autre, que
les
ij.
autre, qui dit
la
chose d'une
eufz vindrent à cent, et tant
tout le pays en fust plain de
renomée
,
et
cuier le sceust par plusieurs gens. Et lors
sa «
l'aler
escuier si avoit
femme et plusieurs de ses parens Dame vous m'avez moult bien creu
,
,
que il
que
l'es-
appella
et lui dist la
:
chose que
» je vous avoie dit en conseil, car je vous avoye dit »
que je avoye pontij. eufz; mais, Dieu mercy, le car l'en dit que il y en a cent. Sy
» conte est creu
,
» avez descouvert tint
pour honteuse
rcspondre. toute
mon et
conseil. » Et ainsi celle se
pour nice
bonne femme de descouvrir
gneur.
,
et
ne sceust que
Et par ceste exemple se doit garder le secret de
son
sei-
DU Chevalier de La Tour.
i53
Cf parle de desdaing.
Chappitre LXXV'. elles filles, je vueil
que vous oyezrexem-
ple de Michel
femme David
fille
au roy
homme
la
,
aimoit Dieu
estoit,
,
qui fut
Le roy David, qui
Saiil.
saint
et Tesglise
sur toute rien. Sy avint que, à une grant feste qu'ilz
devant
faisoient
manne siez
arche
et les tables
,
avoit
1
qui vint du ciel
partir la
fait
de
,
,
la loy et
roy
et faisoit l'église.
despit
,
,
joye
Sa femme le regarda
bourda
et la verge
dont Moyse
,
les prestres
la plus grant
et s'en
de la
pour honnourer Dieu , le compaignie pour chanter et
mer,
s estoit mis en la pour harper avecques
estoit le saint pain
où
dont les pères furent rassa-
qu'il ,
si
et lui dist
,
et se
desmenoit
povoit à Dieu et à
en eust desdaing et
que
sembloit un
il
ménestrel et un jongleur, en se mocquant de luy. Et
bon roy respondit que l'on ne se puet trop humienvers Dieu, ne le trop servir, ne honnourer son esglise ; car de Dieu vient tout le bien et honneur que homme et femme pevent avoir. Sy en despleust le
lier
à Dieu dont elle en avoit parlé
sy fust de lors bromalade , et aussy comme toute séparée de lui, parce que Dieu luy voulst monstrer sa folie; car toute bonne femme doit esmouvoir son seigneur à servir et honnorer Dieu et l'osglise ne ne doit
haingne
;
et
,
point son seigneur mespriser de ce que
il
cuide bien
LeLivre
i54
ne bourder, ne avoir despit sur luy, ne especialment le reprendre devant les gens pour riens qui faire,
aviengne
lui
privé, quant
,
soit tort
,
soit droit
fors qu'en son
,
que eulx deux. Car, selon ce que dit le saige en la sapience, quant homme se voit lesdangier ne reprendre, devant les gens, de sa femme ne de sa mesgnie , aucunefoiz le cuer luy enfle ou en fait pis , ou en respont oultragieusement en fait ou en dit , et pour ce est bonne chose de reprendre doulcement et priveement son seigneur. il
n'y a
Cy parle de soy pingnier devant les gens.
ChappitreLXXVI^. n autre exemple vous diray de Bersabée la femme Uries qui demouroit devant le ,
du roy David. Si se lavoit et pingnoit à une fenestre dont le roy la povoit palais
bien veoir
par cela
que
tant
délit,
il
;
le
sy avoit moult beau chief et blont. Et
roy en fut tempté et la
manda
,
et fist
pécha avecques elle, et, par le faulx commanda à Jacob, qui etoit chevetoine il
de son ost
que il meist Uries en tel lieu de la ba, que il fust occis. Sy porta Uries les lectres de sa mort , car ainsy fust faict. Et ainsi pécha le roy David doublement, en luxure et en homicide dont taille
,
Dieu s'en corroça moult à
maulx à luy roit
et à
lui
,
et
en vint moult de
son royaume , dont
le
compte se-
long à escouter. Et tout ce pechié vint pour soy
DU Chevalier de La Tour.
i55
pingnier et soy orguillir de son beau chief , dont
maint mal en vint. Sy se doit toute femme cachier et et s'atourner , ne ne se doit
céleement soy pingner
pas orguillir, ne monstrer, pour plaire au monde, son bel chef, ne sa gorge, ne sa poitrine
,
ne riens qui
se doit tenir couvert.
Cf parle de
folle requeste,
Chappitre :
LXXVIK
mère au roy Salomon requist à son lilz que il donnast la mère sa femme, qui moult bonne dame estoit , à Donno, qui cstoit païen et enncmy. Sy respondit le
a
roy que jà son annemy n'auroit la femme de son seigneur de père, et si se tint sa mère pour nice et pour honteuse d'avoir esté escondite, et pour ce doit toute
femme penser se elle requiert chose rayson-
nable avant qu'elle requière son seigneur
;
car celle
requeste estoit bien diverse. Je vouldroye que vous sceussiez la foie requeste que la duchesse d'Athènes
au duc son seigneur. Elle avoit un frère bastart. Sy requist au duc que il donnast sa propre suer à femme; et le duc, qui vit sa simplesce, s'en fist
soubrisl et lui dissimula le leroit
fait, et dist qu'il
en par-
à ses amis. Et l'autre pourchassa touz les
jours le
fait
,
et
au
fort
il
lui dist qu'il
n'en seroit
rien jà fait, dont elle s'en corrouça et s'en mist au
malade de yre
et
de corroz
,
et se fist prier
lit
de venir
Le Livre
i56 au duc
et
de couchier avec
lui
,
et
au
duc se
fort le
corrouça, et s'enfla le duc tellement que par grant yre il
jura que jamais elle ne coucheroit en son
l'envoya en un chastel bien loing de
bonne exemple que femme
lui.
lit
,
et
Dont ycy a
se doit bien garder de
requerre à son seigneur de chose qui n'est honneste, et après
comment elle ne
doit
pour nul corroux dés-
obéir à son seigneur, par quoy
ment contre
elle
il
se corrouce aspre-
ne tenir son cuer
,
comme fist celle
duchesce, que le duc chassa d'avecques luy par sa folie et
par son
fol
couraige.
Cf parle de
trayson.
COAPPITRE LXXVIII l'exemple de une faulse ;
.
femme
deux femmes estoient qui
fut
que
estoient logées
en un hostel, lesquelles avoient deux enffans maies d'un temps. Sy advint à l'une
que son mort , si
enffant estaingnit,
comme
et,
quant
le vit
elle
femme, embler l'enffant vif qui estoit à sa compaigne et y mist le mort au lieu. Et quant celle à qui estoit le vif vit cellui mort au lieu sy le regarda et congnust que ce n'estoit pas le sien. Sy en fust bien grans contens, et en vint le ala,
faulse
,
cas et le
fait
devers
oz leur débat
il
roy Salemon. Et quant
le
dist
:
il
eut
a Baillez-moy une espée et
» en bailleray à chacune la moitié. » Celle à qui l'enffant
n'estoit
pas respondist qu'elle
le
vouloit
DU Chevalier de La Tour.
167
bien ; mais l'autre dist que l'enffant ne fust pas occis,
Adonc le roy juga que l'enffant feust baillé à celle (jui ne vouloit pas que l'enffant fust occis , et que et qu'elle vouloit bien qu'elle l'eust tout quitte.
le
cuer et la chair d'elle en avoit
tre,
pitié
,
et
que l'au-
qui vouloit qu'il fust departy, n'y avoit riens. Et
ainsi fust la trayson de la
mauvaise femme esprou-
vée. Et pour ce a grant péril de couchier petit enffant delès soy
y chiet grant
,
car bien souvent
ilz
estaingnent; sy
péril.
Cf parle de rappine.
Chappitre LXXIX«. n autre exemple feust de la femme au roy Jéroboam. Hz avoient un enffant malade. Sy envoya le roy la royne à un saint homme prophète lui prier que il empetrastguérison à leur enffant. Si se déguisa la royne et vint
au saint homme, qui point ne veoit. Mais, par
du
Saint-Esprit
voix
:
c<
,
le saint
prophète
la
grâce
lui escria à haulle
Royne, femme Jéroboam, vostre filz mourra maiz tous voz autres enf,
» anuit de bonne mort
» fans mourront de maie mort , sans sépulture , tout » par le pechié de leur père w
menu
Si s'en retourna la dist le fait à il
,
qui est tyrant sur son
pueple, et de maie conscience et luxurieux. »
amender,
royne et trouva son
filz
mort. Si
son seigneur. Mais pour ce ne s'en voultet
pour ce périrent tous ses cnffans. Et
Le Livre
i58
pour ce est bon exemple de mener et user de bonne vie, et de amer son menu peuple et ne leur faire nulz griefz et nul tort; car le pechié
nuist saint
aux enffans
homme
du père
et
de
la
mère
comme
vous avez ouy que dist à la royne de son seigneur.
le
,
si
le
Cf parle de pacience.
ChAPPITRE e vous diray
Anna
,
la
IlIIXXe,
un autre exemple
femme Thobie,
son seigneur, qui estoit saint
homme,
un roy Sarrazin
faisoit occire
nom
en despit de Dieu
Thobie, et en fut long-temps aveugle par grant despit que
ensevelissoit les
et
mors que et
de
Sennacherip. Si advint que les
preudhomme
arrondelles chièrent sur les yeulx du
lui dist
comment
prcudhomme
et ensevelissoit les
sa loy, et avoit
me
,
parla folement à
mors ne
le
,
dont sa fem-
Dieu pour qui
lui rendroit
mie
la
il
veue.
Le prudhomme en eut en luy pacience, et lui responque tout seroit à son plaisir, dont il advint que elle en fust bien pugnye de maladies, et, quant il pleust à Dieu , il rendit au bon homme sa veue et veoit tout cler. Et, par cest exemple, toute bonne dit
,
femme ne
doit point laidengier son seigneur,
ne
mespriser de chose ne de maladie que Dieu luy envoyé. Car le baston est aussi bien levé sur
comme
sur le malade,
Thobie qui
fut
comme vous
guéry, et sa
femme
le
saing
avez ouy de
qui parla mal fut
DU Chevalier de La Tour.
169
malade. Dont je veul que vous saichez l'exemple de la clavière Sarra, femme au petit Thobie. Geste
moult preude femme et fust fille Raguel ; seigneurs, que Tennemy occist tous, pour ce qu'ilz vouloient user d'un trop villain fait, que jà ne fait à nommer. Celle bonne dame reprist une fois sa clavière d'un meffaitque elle avoit fait mais celle, Sarra
fut
elle ot vij
.
;
qui fust fière et orgueilleuse, lui reproucha ses sei-
gneurs, en elle avilant. Mais la bonne pondist riens
,
dame ne
res-
ains ot pacience et ploura à Dieu
disant qu'elle n'en povoit mais et que Dieux
,
fist
en
du
tout à son plaisir. Et, quant Dieux vit son humilité,
il
luy donna cellui Thobie à seigneur, et eurent de beaux enffans et moult de biens et d'onneur ensemble. Et
reproucha ainsi
celle qui tença à elle et lui
,
si
fina
mauvaisement et eut depuis assez moult de hontes, et la bonne dame beaucoup d'onneur. Et pour ce est bon exemple comment nul ne doit reprouchier le mal ne le meshaing d'autruy. Car nul ne se doit point esmerveillier des vengences ne des jugemens
de Dieu l'a
;
car
tel
reprouche
mehaing d'autruy qui
le
après pire et plus honteux
comme
si
,
il
plaist
au
créateur à faire ses vengences et ses punitions. Si
vous diray encore un autre exemple sur
le fait
de pacience. Vous avez bien ouy, selon ce que raconte la Bible
Job
,
,
comment Dieux voult et souffry que homme, feust tempté et trebuschié
qui fut saint
de ses grans honneurs en bas estoit saint
homme
,
si
comme cellui qui comme un
et riche et puissant
roy, premièrement quant
il
perdit ses sept
filz
et
troix filles, et puis toutes ses bestes vivans et toutes
ses richesses et tous ses habergemens, qu'il vist tous
Le Livre
i6o
que riens ne lui demeura fors les corps de luy et de sa femme et fut si pauvre qu'il luy convint gésir en un fumier, où les vers lui avoient ardoir, et tant
,
tout rungié la teste et estoient par ses cheveulx. Et
du relief et luy soustenoit la une fois elle se courrouça, si comme elle fusttemptée, et lui dist « Sire, mourrezvous en ce fumier, puis que autrement ne vous povez sa
femme
vie.
Dont
lui apportoit
il
avint que
:
avoir. » Et toutefois, elle
ne
le vouloit
combien
pas
qu'elle estoit. Mais le riens, fors fust
que tout
qu'elle le deist paryre,
comme bonne
preude femme
preudhomme ne
luy respondist
,
feust au plaisir de Dieu, et qu'il
mercié de tout. Ne oncques
leur qu'il lui avenist ,
il
,
pour mal ne dou-
n'en dist autrement fors que
mercier Dieu de tout. Et quand Dieu sayé et bien esprouvé
,
l'eut
bien es-
le redressa et lui
si
autant de bien et d'onneur
comme
donna
eut oncques.
il
comme ce fait advint au viel testament estavenu au nouvel , dont vous en trouverez l'exemple en la légende saint Eustace qui perdist terres et biens et femme et enffans bien par l'espace de xiij Et aussi il
,
,
ans, et puis Dieux le releva et lui rendy sa ses enffans et plus la moitié de terres
,
femme
et
richesses et
honneurs terriennes que ilz n'avoient oncques maiz euz. Pour ce avons-nous cy bon exemple comment nul ne doit despire le mehaing ne le mal d'autruy, car nul ne scet qui à
l'ueil lui
pent , ne nul ne se doit
esmerveiilier ne esmaier des fortunes ne des tribulacions à soy ne à ses voysins, et doit l'en
mercier Dieu et avoir et
,
comme
firent
Job
bonne espérance en Dieu
du
tout
et saint Eustace, et soy humilier,
penser que Dieu est aussy puissant de rendre
le
DU Chevalier de La Tour. bien au double
comme
cience et humilité
le toult, et avoir
il
et de tout mercier Dieu en luy bonne espérance. ,
Cf parle de
laissier
Chappitre
i6i
en soy paet avoir
,
son seigneur.
Illlxxle.
n autre exemple vous diray des [mauvaises
femmes.
Si fut
de Herodias, que Herodes
tollist et fortraist
à son frère, prophète,
qui estoit simples homs, et son frère Herodes estoitdivers, malicieux et convoiteux. fist
dont Testoille
faisoit
paour que cellui roy ce
fist-il
dcmonstrance. Car Herodes avoit lui tollist
son royaulme
occire les innocens;
loyal à son frère tre
Ce fut celluy qui
occire les innocens pourcuider occire legrant roy
,
Dieu et contre
le reprenoit. Et
car
il
et
pour
fut Iraistre et
des-
luy fortraist sa
la loy,
pour ce
il
,
femme con-
dont saint Jehan Baptiste
fust-il
en hayne de Herodes,
car celle fausse femme Herodias haioit saint Jehan, et
par celle hayne empctra-elle sa mort vers Herodes, et fut
moult diverse femme
et
fma mauvaisement,
comme cellui qui fust occis par comme il avoit fait occire les pe-
et son seigneur aussi,
cirons tis
;
tout aussi
innocens, tout aussi voulst notre seigneur que par
les plus petites choses
comme par
il
feust occis en langueur,
cirons, qui sont les plus petites choses et
"bestes qui soyent.
Or vous ay compté des maies femmes,
comme 11
il
Le Livre
i62
qui firent moult de maulx , de diversitez , pour estre exemplaire aux autres pour soy garder de faire mal. Si vous diray et trait-
est contenu
en
la Bible
et
teray des bonnes, que la sainte Escripture loue moult.
Et pour ce est bon de ramentevoir leurs bonnes taches, pour y prendre bon exemple et bonnes meurs car les biens faiz et les bonnes taches des bonnes qui ont esté sont mirouer et exemple à celles qui sont et qui ;
à venir sont
que
,
dont la première exemple est de Sara,
la sainte Escripture loe.
Cfinisse à parler des mauvaises femmes et parle des bonnes et de leur bon gouvernement^
comme la saincte escripture les loe. Et premièrement de Sarra^ femme Abraham.
Chapitre ^ara
fut
dame
femme Abraham, moult bonne
et saige
|de perilz; prist,
IIIlxxllc
et
,
Dieu
lui
Dieu
la
garda de moult
roy Pharaon la donna moult de maulx , de
quant
car,
le
douleurs et de maladies , et tant qu'il convint la rendit
qu'il
nectemcnt à son seigneur. Ainsi Dieux
sauva par sa sainteté
,
si
comme
il
la
a gardé plu-
sieurs sains et saintes de feu et de eaue et de glai-
ves et de tourmens
,
si
comme
vie et en la légende des sains et
il
est contenu
en la
saintes. Car ainsi
sauve Dieux ses amis et ses amies. Ceste Sara souf-
DU Chevalier de La Tour. frit
moult de hontes
cent ans brehaigne la
;
et
mais pour sa sainte foy
ferme loyaulté et amour qu
à son seigneur,
un xij.
filz
et
homme
;
ce fut Isaac
lignées yssirent, et Dieu le lui
grant bonté
et
pour
elle portoit touzjours
pour son humilité, Dieu
qui fut saint
,
i63
de douleurs. Elle fust bien
lui ,
donna
dont les
donna pour
la
d'elle.
Cf parle de Rebeca.
Chapitre IlIIxxlHe. n autre exemple vous diray de Rebeca qui à merveilles fust belle et bonne et plaine de bonnes est
sur toutes, Elle fust
mœurs. Geste Rebeca
moult louée en
comme
femme
Isaac et
tesmoingne qu'elle ama
Sainte escripture
la
d estre doulce
femme
et
humble.
mère Jacob. L escripture et
honnoura son seigneur
sur toutes, et se tenoit devant luy sy humble et sy doulces responses donnoit, que elle
ne deisl
et
ne
dont
feist cliose
pour mourir elle le cuidast
elle sembloit mieux dame. Elle fut moult longuement brehaingne ; mais Dieu qui aime saint et net mariage et humilité, li donna ij. enffans en une ventrée. Ce fut Esau et Jacob, duquel Jacob yssirent
corrocier, et
servante de
pour son humilité
l'ostel
que
la
,
les xij. enffans qui furent princes des xij. lignées l'cspitre le
de
la
Toussains parle,
raeompte que
il
vit
quant
il
si
comme
fut
saint
ravy au
ciel.
dont
Jehan Ceste
Le Livre
i64 Rebecâ aima lui fist si
le
plus Jacob
,
qui estoit le puisné
,
et
par son sens avoir la beneyçon de son père
comme un
leçon le racompte. Elle aimoit le plus
mieulx se savoit chevir et qui
cellui qui le
estoit
de
plus grant pourveance. Elle sembloit à la leonnesse et à la louve
,
qui ayment plus celui de leurs faons
qui le mieulx se scet pourchacier ; car Jacob estoit
de grant pourveance
et
Esaû avoit son cuer en chas-
en boys et en venoysons. Et ainsi ne sont pas les enffans d un père et d'une mère d une manière ; car les uns aiment un mestier et une manière de oeuses
,
vre et les autres une autre.
Je vous diray l'exemple d'un bon et d'une
preudomme
preude femme qui furent long- temps en-
semble sans avoir enffans et à leur prière nostre Seigneur leur en donna un bel à merveilles. Or avoient-ilz promis que le premier seroit mis et donné à l'église pour à Dieu servir. Après cellui ilz en ,
eurent un autre qui ne fust pas
si
bel
,
changier leur propos et vont dire que
à
l'église le
plus
let et
et lors ilz ilz
vont
mettroient
retendroient le plus bel pour
estre leur héritier, et Dieu s'en courrouça et les prinsl
tous deux, et ne leur
fist
nul
tort,
car l'un après l'au-
tre si
furentdonnés,ne onques puis n'eurent lingnéc,
dont
ilz
furent à grant douleur. Mais Dieu leur
fist
assavoir par le prophète la cause et l'achoison. Et
pour ce a cy bonne exemple que nul ne doit proqu'il ne vueille tenir, car nul ne
mettre à Dieu chose peut moquer Dieu,
moquer à
comme
bailler le plus let
ceulx cy qui lecuidoient ,
et le plus bel retenir.
Sy n'en verres jà nul bien venir à ceulx qui ainsi le font, ne qui ostent leurs filz ne leurs filles de reli-
DU Chevalier de La Tour. gion fois
,
comme
moygnes ou nonnains
i65
puis que une
,
ont esté baillez et donnez. Dont j'ay veu maint
exemple de mes yeulx
comme
cheoienl ,
moururent
,
,
comme
pour
esté traiz des abbaies
plusieurs qui ont
les terres qui leur es-
de leurs frères ou seurs qui se
dont la terre leur avenoit , et puis par
convoitise l'en les ostoil.Mais, pour certain, de x. je
un devenir à bien fors à meschiez ou honte comme des hommes vivre et finer mal et des nonnains que l'on ostoit tout aussi, car au derrenier elles tournoyent à mal et estoient blasmées, ou mouroient d'enffant ou finoient mallement. Et
n'en vi onques
,
,
pour ce ne doit l'en oster à Dieu ce que promis donné luy est une foiz.
Cy parle de
Alia
première femme Jacob.
la
,
et
Chapitre IIIIxxHUc e vous diray
femme de
comme gneur pourtoit
,
et
un autre exemple de
Alia, la
Jacob. La Bible la loue moult
elle
amoit chiorement son sei-
et la grant
comment
honneur que
elle se humiliet
,
et
elle lui
quant
avoit eu effant elle en rendoit à Dieu grâces et
elle
mcrcis moult humblement et dévotement. Et pour ce Dieu lui donna les xij. princes qui furent les douze patriarches dont les douze lingnées yssirent, qui tant furent preudommes et aymèrent Dieu et le craingnirent sur tous autres, et leur père et mère prioient ,
Le Livre
466
chascun jour Dieu pour eulx dès ce que petis, et
et
que Dieu
de sa grâce;
et
les voulsist il
estoient
ilz
pourveoir de s'amour
ouy bien leurs prières, car
ilz
furent saintes gens et honnourez sur tous. Et pour
ce est bon exemple que tout père et mère doit chas-
cun jour prier Dieu pour ses enfans comme firent si vous dy que jamaiz, pour nulle ,
Jacob et Alia. Et faulte ne riote
que
ilz feissent,
nullement leurs enffans
,
ilz^ne
maudissoient
ainçois les blasmoient par
autre manière ou les batoienl
;
car
il
vauldroit mieulx
cent foiz batre ses enffans que les mauldire une seule foiz, tant y a grant péril.
Dont de
gier, et ilz
vous en diray une exemple d'une femme estoit maie et se courrouçoit de leaussy faisoit son mary, et par leur grant yre
je
ville. Elle
s'entrerechignoient et arguoient souvent et
Sy avoient ung
cune
faulte
;
sy le commencièrent touz deux à maul-
dire, et l'enffant, qui
ment
,
et le
père et
en la
fut yré, leur respondit folle-
mère, qui en furent yrés,
vont donner à l'ennemy par leur courroux
Tenncmy le
menu.
d'enfant qui leur avoit faite au-
filz
,
le
et lors
vient qui le saisy et le prist par les bras et
haussa tout de terre , et par là où
le feu se prinst, et perdit la
main
il
mist
la
et le bras, par
main quoy
fut pery toute sa vie. Et pour ce est grant péril de maudire ses enffans ne de leur destiner mal et pis encore de les donnera l'ennemy, par courroux ne par il
,
yre que l'en
ait
bonne exemple
avecques eulx. Et pour ce prenez cy ,
et
vous en souviengne,
devez destiner tout bien à vos enffans,
Dieu
faisoit
Jacob et sa femme à leurs
que Dieu monta
et exaulça sur toutes les
pour eulx, enffans,
comme
comme vous et prier
DU Chevalier de La Tour. lingnées et generacions , et non pas faire fol
homme
et la foie
femme
maudissoient leur enffant
,
,
167
comme
le
qui par leur grant yre
et depuis le
donnèrent à
l'ennemy, de quoy lenffant fut pery toute sa vie.
Cf parle de Rachel,
la seconde
ChAPPITRE
femme de
Jacob.
ïlIIxxVe.
n autre exemple vous diray de Rachel, la seconde femme de Jacob, qui fut mère de Joseph, que ses frères vendirent en Egipte. D'icelle parole moult la sainte escripture, et la loue
comment
elle
amoit à merveilles son sei-
gneur, et la grant obéissance que elle lui
faisoit.
eust celluy Joseph, dont tant de bien yssy, et en rut en gésine, et dit-len
que ce
fut
Sy mo-
pour ce qu'elle
s'enorgueilly de la joye quelle en eut, et n'en rendit
pas grâces à Dieu
comme
faisoit Alia.
ce a cy bonne exemple que toute bonne
Et pour
femme
doit
touzjours rendre grâces et mercis à Dieu dès ce qu'elle
a eu enffant,
si
comme
faisoit Alia et
comme
faisoit
au roy de Hongrie et femme à Londegume. Celle bonne dame, quant elle avoit eu enffant, elle faisoit venir ses prcslres et ses
sainte Elizabel
,
qui fut
clers, et leur faisoit faisoit faire
fille
rendre grâces et mercier Dieu, et
simples levailles, sans grans arrois, mais
à ses levailles elle faysoit donner à mangicr aux povres qui prioient pour son enffant, et aussi la bonne
dame
prenoit son enfant entre ses mains et loffroi
Le Livre
i68
à l'autel en rendant grâces à Dieu, et lui prioit
hum-
blement pour lui que il le voulsist moulteplier en sa grâce et en s amour, et en celle du monde. Et pour ce Dieux essaulça ses enffans lesquelz vindrent à grant honneur. Et pour certain tout le bien et hon,
neur vient de Dieu, car celluy saulce vers luy et vers le vient par humilité,
monde
comme
qu'il ,
aime
il
et tout cest
Tesbien
par humilité de ces bon-
nes dames advint bien à leurs enffans
; car pour vray que Dieu prise etayme tant comme humilité car pour certain il ne fust pas descendu du ciel ou ventre de la benoiste vierge Marie se ne feust ce que elle se humilia tant que elle respondist à l'ange Gabriel que elle estoit chamberière de Dieu
il
n'est riens ,
et qu'il feyst aussy
comme
il
lui plairoit. Elle
povoit plus humilier que de soy appeler
ne se
chambe-
rière.
Cf parle de
la royne de Chippre.
Chappitre ont
je
IIIIxxVI'.
vouldroye que
vous
sceussiez
l'exemple d'une royne de Chippre. Elle ne povoit avoir enffant et estoit de dur aagc, et toutesfois, et d'elle,
dont
la
par la bonté de son seigneur
à leur prière Dieu leur donna un beau
lilz,
joye fut moult grant ou royaume. Et de la
grant joie que et joustes
,
et
ilz
en curent
ilz
firent crier festcs
envoyèrent querre touz
les
grans sel-
DU Chevalier de La Tour. gneurs et dames que
moult grant
et les
ils
i6g
purent avoir. La feste fut
paremens de draps
d'or et de soie
;
tout retentissoit de joye et de soûlas et de sons de
menestriers. Les joustes furent grans et la feste bien telz boubans Sy advint que, quant ilz furent au disner, lenfant morut, et disoit l'en que
renvoysée. Sy despleut à Dieu de faire et telle
il
mise pour
telle chose.
avoit esté trop couvert et abrié de grans chaleurs.
Toutes voies
,
quant l'en sceut
la
mort de renffant,la
court, qui estoit en grant joye et en grant liesse, fust taniost tournée en douleur et en Iristece
partirent chascuns
mornes
et se
,
et pensiz. Et
dé-
pour ce a
cy bon exemple comment l'on ne se doit mie trop
que Dieu donne ne en faire telle ne telx boubans car aucunefois il en dcsplaist
esjouir d'enffant feste
,
;
à Dieu, qui aussitost
comme
le toit
Cf parle de
il
donne.
le
charité.
Chappitre IIIIxxVII" e vous diray charité.
Ce
un exemple sur
fust d'une fille
raon, qui nourist Moïse diray. Les Juifs
Dieu
,
estoient en
,
,
si
vit
servaige
que le peuple des
en dcspleust et
de
comme je vous
qui estoient pueple de
comme
prisonniers en
Egiptc, dont le roy Pharaon, qui estoit roy
que il
le fait
au roy Pha-
,
pour ce
Juifs craissoit trop,
commanda que
enffans d'un an. Et quant la
il
luy
l'en occist louz les
mère Moyse
vit
que
il
Le Livre
170 convenoit que son
filz
feut
mis à mort, sy
le mist
en
un
vaissel et l'envoia sur Teaue, et alast ^ laventure
où
il
plairoit à
Dieu
,
comme
celle qui grant pitié
et grant douleur avoit de veoir occire son
vant
elle.
Sy
avinl,
comme
il
filz
de-
pleust à Dieu, que le
vessel va arriver devant la chambre de la fille au roy Pharaon delez un prael, laquelle estoit en l'cs-
bat en ce vergier avecques ses damoiselles. Sy virent celluy vessel arriver delès elles. Sy ala elle et ses
damoiselles dedens le vaissel, et trouvèrent Tenffant
enveloppé, qui à merveilles
da
la fille et
en eut
estoit bel.
pitié, et le fist
Sy
le
regar-
nourir en sa gar-
de-robe moult chièrement, et Tappeloit son
bourdes , duquel enffant vint tant de bien
filz
par
car Dieu
;
Teslust et estably maistre et gouverneur de tout son
pueple
,
bailla la clost, et
et lui
monstra moult de ses secrez,
verge de quoy de laquelle
il
de la pierre. Et aussy et
il
fist
departy
la
mer
ystre eaue vive et doulce
il
lui
Et de celle nourriture et cellui scrvaigc pas
de
lui bailla les tables
moult d'autres grans amistiez
selle
et lui
et la re-
la loy,
demonstra.
damoy-
la
en feust bien gucrredonnée, car Dieu ne oublie
le service
que
l'on lui faist
pour charité
comme
nourrir les orphelins, car c'est un oeuvre de miséri-
corde que Dieux
en
ayme moult,
si
comme il est contenu
la vie sainte Elisabeth, qui norrissoit les
orphe-
lins et les faisoit
aprendre aucun mestier. Dont une
bonne dame qui
n'avoit enffant
ala baingnier; sy chey en
jours entiers, et sa sainte Elisabeth la
;
mère
dont
il
une
que ung, lequel fosse et
s'en
y
fust viij.
estoit charitable à
Dieu et à
avint que, à l'uitième jour,
mère songea que son
fils
estoit
en une fosse
DU Chevalier de La Tour.
171
que sainte Elisabeth le gardoit et lui disoit « Pour ce que vous avez tousjours nourry et » soustenu les orphelins, nostre seigneur ne veult » pas que vostreenffantmuire ne ne périsse. Sy le fai» tes peschier. » Et lors la mère se leva et ala d'eaiie
,
et
:
faire peschier
son
filz et
le
trouva tout sain et vif,
que une moult belle dame lavoit tousjours gardé et lui avoit dit « Dieu vieult que » tu soyes sauvé pour la charité et miséricorde de ta
dont
î'enffant dist
:
» mère, qui voulen tiers nourist et soutient lesorphc» lins et les petis enffans. » Et pour ce a cy
exemple comment Ten petis enffans qui les
en ont meslier car ,
c'est
à merveil-
grant aumosne et grant charité, et qui moult
plaist à Dieu. Et
che
bon
doit norrir les orphelins et les
de ce nous monstre exemple
et plusieurs autres bestes, qui,
quant
l'en
la bis-
a occis
leur mère et leurs faons, demeurent sans nourreture, elles les norrissent
ques à tant que
ils
de leurs bonnes natures jus-
se puissent vivre tout par eulx.
Cf parle d'une bonne dame de
Jerico appelée
Raab.
Chappitre I11IxxVI1I« n autre exemple vous diray sur cest '
11
fait.
advint que en la ville de Jerico avoit
une femme qui avoit nom Raab, laquelle cstoit blasmée, mais charitable estoit.
Dont
il
avintque certains preudes
hommes qui
y es-
Le Livre
172 tôient
venus pour enseigner
gens de
les
respondre et cachier chiez celle
qu'ils s'en alèrent
femme,
le pueple sy trouvèrent moult maulx et crueulx, tant
la ville
et les
mussa dessoubz trousseaulx de
lin et
de chanvre, et ne les peurent trouver pour cercbement que ils feissent, et puis la nuit les avala par
une corde
et les sauva.
bien guerredonnée
hommes gnie,
et
femmes
que Dieu
Dont
il
avint qu'elle en fust
car la ville fut depuis prise
,
tous mors, fors
Raab
et sa
,
et
mes-
sauver pour ce qu'elle avoit sauvé
fist
ses sergens. Et pour ce dit bien la sainte Euvangille,
où Dieu
dit que le bien et le service que l'on lui ou à ses serfs pour lui, que il le rendra à cent doubles. Dont est-ce bon exemple de faire bien qui
là
fera,
depuis est rendu et meri à cent doubles. Dont je vueil
que vous saichiez l'exemple de
sainte Annastaise, qui
fust
mise en chartre
fist
assavoir qu'elle estoit délivrée pour ce qu'elle
du
soustenoit
les enchartrez toit
mais Dieu
;
la fist délivrer et lui
sien propre les povres prisonniers et ,
et là
mis sans cause
et
où à
elle sçavoit
tort,
que aucun y es-
par envie ou par aucune
debte, elle y mist tant du sien et de sa peine qu'il feust délivré. Et pour ce Dieu l'en guerredonna au
mesmement
doux Jhesucrist dit eu l'Euil aura mercy de ceulxqui auront visité les enchartrez et les madouble. Et
le
vangille que augrant jour du jugement
lades et les povres
jour espovantable
il
femmes en gesines. Car à celluy en demandera compte et en con-
vendra rendre raison tes
,
dont je pense bien que main-
en seront reprinses de en
Et pour ce, belles
comme
fist
filles,
faire
bonnes responces.
pensez- en à présent,
si
sainte Arragonde, qui fust royne de Fran-
DU Chevalier de La Tour,
i;^
ce, qui les povres enchartrez visitoit, repaissoït et nourrissoit les orphelins, et visitoit les malades. Et
au
fort,
quant
elle vit qu'elle n'y pourroit
entendre
à sa voulenté, pour double de desobéir à son sei-
gneur , gloire
son seigneur et tout Tonneur et la
elle laissa
du royaulme
et la
joye mondaine, et s'en fouy
en tapinaige de Paris jusques à dist
en Tabbaye
et se fist
Poitiers, et là se ren-
nonnain, et laissa
le siècle
pour mieulx servir à nostre Seigneur sans crainte de nuUuy dont depuis Dieu fist tel miracle pour l'amour d'elle que ung arbre qui donnoil umbre au millieu de leur cloistre, lequel estoit devenu sec tant estoit vieulx mais nostre Seigneur à sa prière ,
,
le reverdist tellement
nouvelle, contre
le
que
il
geta escorce et fueille
cours de nature. Mais riens n'est
impossible quant à Dieu, et maintes autres grans mifist nostre seigneur pour elle. Et pour ce est bon exemple de faire charité comme ouy avez de ces ij. bonnes dames et de celle bonne dame Raab,
racles
,
comment les
elles firent et comment Dieu en guerredonna de leurs bons services.
la parfin
Le Livre
^74
De
abstinence.
Chappitrk
IIIIvxIX*.
e vous diray autre exemple du père et
de
mère de Sampson
la
fortin
qui es-
,
gens en leur mariage , mais nuls enffans ne povoient avoir. Sy en futoient saintes
rent-ils envers Dieu
Un
jour la bonne
estoit appelle le
en mainte clameur et oroison.
dame
temple
si
comme
seigneur en plorant, Dieux ot vola un ange qui seroit le plus fort
pour lors
fut à Tesglise, qui ;
elle prioit nostre
pitié d'elle et lui
un
lui dist qu'elle auroit
homme
filz
enqui
qui onques fust, et lequel
debastroit et essauceroit par sa force la loy de Dieu.
La bonne dame
vint à son seigneur et le
li
dist.
Son
seigneur se getta en oroison et pria Dieu qu'il
lui
pleust à lui demonstrer son ange, et lors Dieu leur
envoia son ange qui leur dist celles paroles, et qu'ilz jeûnassent et qu'ilz feissent abstinences, et aussi que ilz
gourmangourmander et le
se gardassent de trop boire et de trop
der. « Car «, dist l'ange, « le trop
» trop mengier, fors es heures deues, » boire guerroyé
leur eut ce dist
dement de
si
et aussi le trop
corps et l'âme. » Et quant
se party, et
ilz firent le
il
comman-
l'ange et jeûnèrent et firent abstinences.
Et puis eurent
l'enffant,
de Dieu encontre cisions et
le
qui maintint moult bien la loy
les paiens
,
et
en
fist
moult de grant merveilles,
si
moult de oc-
comme Dieux
DU Chevalier de La Tour. le soustenoit;
car
il
desconfisl par son corps
iij.
ijS mille
personnes. Et pour ce est bon de jeûner et faire abstinence, qui vieult riens requerre à Dieu
;
car confes-
sion et jeunes empêtrent vers Dieu sa requeste, com-
me
l'ange leur dist, et après leur dist
que
ils le
gar-
dassent de trop mengier fors à ses heures, par espécial
de trop boire, dont, quant
scet, leur deffendit cesij.
homme
que tout
et
femme
le saint
ange, qui tout
vices, c'est
bon exemple
si
s'en doit garder sur
tousautres vices, car par cellui vice l'en entre en trèstous les autres
vij.
vices mortelx,
comme vous
le
trouverez plus à plain ou livre de voz frères, là où il
parle
comment un hermite
de gloutonie,
qui eslut cellui pechié
et le fist et s'enyvra, et
par cellui
il
cheist en touz les vij. péchez mortelx, et avoit cuidié eslire le plus petit des vij, dont je vous diray que Salemon en dist ou livre des enseignemens ; premièrement il dist que vin trouble et rougist les yeulx et affaiblist la veue et fait le chief dodiner et croller, et empesche l'ouye et eslouppe les narilles, et fait le visaige pruneller et rougir, et fait les mains trambler et corrompt le bon sanc, et affaiblit les ners et les vainnes, et mine le corps et lui hasle la mort, et lui trouble le senz et la mémoire. Dont Salemon dist que de XX. femmes une qui seroit yvrongne ne pourroit mie eslre preude femme au long aler, ne amée de Dieu ne de ses amis, et qu'il li vauldroit mieulx estre larronnessc ou avoir d'autres mauvaises taiches que celle car par celle elle entrera en toutes les autres mauvaises. Pourquoy, meschières filiez, gardésvous de cellui mauvais vice de trop boire, ne gourmender, ne mengier fors aux droites heures, comme ,
Le Livre
17^
à disner et à soupper. Car une foiz mengier est vie d'ange, et
ij.
d'omme
foiz est droite vie
mengier
et plusieurs fois
est vie
et
de feme,
de beste,
et tout
coustume et par usaige, car de teUe vie, soit de boire ou de mengier, comme vous vouldrés acoustumer en vostre jeunesse, vous le vouldrez maintenir en vostre viellesse, et pour ce ne chiet que en vostre voulenté à y mettre remède à heure. Sy devez cy prendre bonne exemple au saint ange
chiet par
Sampson
qui en avisa le père et la mère de l'ange ne dist pas
comme il
que sa femme auroit un
fist
filz
à Zacaries ; car
qui auroit
fortin il li
;
dist
nom Jehan
qui ne buvroit point de vin ne de cervoise
;
car
Tun
enffant fust estably de Dieu pour garder la foy par
espée contre les païens, ce fust Sampson, et S. Jehan fut estably teté,
pour prescher
de jeunes
et estre
et
et estre
de abstinences,
mirouoir de chaset
de user
la haire
mirouoir de toute sainte vie. Si vous laisse
de ceste matière et vous diray d'un autre exemple.
De aprendre saigesce
Chappitre e vous
dame
et clergie.
IIIIx:xX^
diray une autre exemple d'une
qui avoit une
fille
qui eust à
nom
Delbora, laquelle elle mist à l'escole de saigesse et Celle Delbora apprist
du
saint esprit et de sapience.
si
bien qu'elle sceust la sainte
escripture, et usa de sy sainte vie qu'elle sceust des
DU Chevalier de La Tour.
177
secrez de Dieu et parla moult des choses à venir, et
par son grant senz touz seil
lui
venoient demander con-
des choses du royaume et de leurs affaires. Son
homs
seigneur estoit maulx
et crueulx
son sens et par son bel acqueil
elle le
mais par
;
savoit bien
avoir; car elle lostoit desafrenaisieetle faisoit paisible et juste à son pueple. Et
ple que len doit mettre ses
clergie et la sainte escripture elles
pour ce a cy bon exem-
filles
pour apprendre
en verront mieulx leur saulvement
mieux
noistront
mal du bien
le
bonne dame Delbora et comme
fist
recog-
et
comme
si
,
tist
la
sainte Katherine,
qui par son sens et par son clergie
grâce du
la
car pour en sçavoir
;
avecques
,
la
Saint-Esprit, elle scurmonta et vainqui
les plus saiges
hommes de
par sa
toute Gresce, et
sainte clergie et ferme foy elle congnust Dieu, et Dieu lui
donna
de martire
victoire
corps par ses anges
et
en
porter le
fist
journées loing,
xiiij,
c'est as-
mont de Sinay, et son saint corps rendit Et le commencement et fondement de Dieu
savoir ou huille.
congnoistre fust par sa clergie, où elle congnust la
sauvement de la foy. Encore un autre exemple vous diray-je d'un enffant de l'aage de ix. ans
vérité et le
qui avoit esté
Dieu
,
que il
il
iiij
.
ans à l'escole
les vaincquit touz, et
qu'ilz le prisdrent
subjecion
ilz le
,
et
au
il
et
,
de
la
grâce de
quant
si
fort
fort ils l'espièrent tant ilz le
tindrent en
menacièrcnt à occire ou
Dieu. Mais, pour tourment que re,
,
desputoit de la foy contre les paicns
ilz
il
leur
renieroit
luy peussent fai-
n'en voult riens faire. Sy lui demandèrent où
estoit Dieu, et
il
leur dit:
cuer. » Lors de depil
«Au
ils le
ciel et adjoint
en
mon
occirent et lui fendirent le
12
Le Livre
178
cousté pour voir son cuer, se
disoit voir
il
que Dieu
y feust. Et, quant il fut fendu et ouvert , ilz virent de son cuer yssir un coulon blanc, dont il y eut aucuns d'eulx pour celui exemple se convertirent en Dieu. Et pour cest exemple et les autres est bonne
chose de mettre ses enffans juennes à les faire
l'escolle et
apprendre es livres de sapience,
c'est-à-dire
où Ton sauvement du corps et de Tame, et en la vie des pères et des sains non pas les faire apprendre es livres de lecheries et des fables du mon-
es livres des saiges et des bonsenseignemens, voit les biens et le
,
de
car meilleure chose est et plus noble à ouïr et
;
du bien
parler
et
des bons enseignemens, quipueent
valoir et prouffiter,
que
lire et estudier
des fables et
des mensonges dont nul bien ne prouffit ne puet estre
;
et
pour ce que aucuns gens dient que ilz ne voul-
droient pas que leurs
femmes ne
leurs
filles
sceus-
sent bien de clergie ne d'escripture, je dy ainsi que,
quant d'escripre, n'y a force que femme en saiche riens; mais, quant à lire,
mieulx de périls
le sçavoir, et
de Tame
et
toute
la
vault
foy et les
son saulvement, et n'en est pas de
cent une qui n'en vaille mieulz
prouvée.
femme en
cognoist mieulx
;
car c'est chose es-
DU Chevalier de La Tour.
De
la
179
dame nommée Rutk.
Chappitre
IlIIxxXIe.
n autre exemple vous diray d'une bonne dame appelée Ruth dont descendi le roy David. Celle bonne dame est moult louée ,
en
la sainte escripture
amaDieuetobey àson seigneur,
,
et,
car à merveilles
pour lamour de
honoroit et amoit ses amis et leur portoit
lui, elle
plus de honneur et de priveté que es siens devers elle
;
dont
il
advint que, quant son seigneur fust
mort , que le filz de son seigneur d'une autre femme ne li vouloit riens laissier, en terre, ne meuble, pour ce qu'elle estoit de loingtain pays et loing de ses amis, pour ce la cuida esbahir mais les amis de son ;
feu seigneur, qui l'amoient pour la grant doulceur et la priveté et le grant
semblant d'amour
qu'elle avoit toujours porté
,
les mist
et
devers
service elle, et
furent contre leur parent, tellement que ilz firent avoir
à la dame son bon droit et toute sa partie selon la coustume. Et ainsi la bonne dame sauva le sien pour l'amistié et la
bonne compaignie qu'elle avoit
parens de son seigneur quand
il
vivoit. Et
fait
aux
pour ce
a cy bon exemple comment toute bonne femme doit servir et
honnourer
les
parens de son seigneur
plus grant semblant d'amour ne et
en ce
comme
lui
il fist
li
;
car
pourroit-elle faire,
en puet tout bien et honneur venir, à la bonne
dame Ruth,
qui,
si
pour amer
Le Livre
i8o et
honnourer
parens de son seigneur,
les
vra sa juste partie des heritaiges gneur,
Que
comme ouy
toute
elle recou-
des biens son sei-
avez.
femme
doit soustenir son seigneur,
Chappitre e vous diray
me
et
IIIIxxXII«.
un exemple d'une bonne da-
qui bien doit estre louée. Celle bonne
dame
avoit
gneur qui
nom
estoit
Abigail
;
elle avoit
un
sei-
homs
à merveille maulx
et divers et rioteux à tous ses voisins, et mesdisans.
Sy avoit trop
forfait
fist desfier, et le
Mais la bonne roy
au roy David, dont
dame
,
roy le
qui sage estoit, vint devers le
se humilia tant par
et
le
vouloit destruire et mettre à mort.
ses
doulces paroles
de son seigneur. Sy le garda celle foiz et plusieurs autres de maints perilz où il se mettoit par sa mauvaise langue et par ses foies sotises. Mais tousjours la bonne dame amendoit ses sotties et ses folies, dont elle doit bien estre louée, et aussi de ce qu'elle souffroit moult humblement de lui la qu'elle
fist
la paix
paine et la doulleur ce a cy bon exemple
Et pour bonne femme
qu'il lui faisoit traire.
comment
toute
doit souffrir de son seigneur et le doit supporter, et
par tout
combien
le
sauver et garder
qu'il soit fol
a donné. Car tant
comme
son seigneur,
ou divers , puisque Dieux
comme
et elle le portera plus
elle
y aura plus à
humblement
et
le lui
souffrir
couverra la
DU Chevalier de La Tour. folie
de
lui
et l'onneur
i8i
de tant aura-elle plus l'amour de Dieu
,
du monde.
Je vouldroye que vous sceussiez l'exemple d'u-
ne bonne dame, femme d'un sénateur de
me,
comme
si
Rom-
contenu es croniques des Ro-
est
il
mains. Cellui sénateur estoit moult jaloux sans cause, et estoit
moult divers homs
moult maulx et
et
crueulx à sa femme. Sy advint que
il
eust à faire
ung
gaige de bataille encontre un autre. Or estoit -il trop couart et
failli
;
le
jour de la bataille son champion
qui devoitjouster pour
lui estoit
malade,
et
ne trouva
dont mais sa femme, qui regarda le grant deshonneur que son seigneur y auroit , ala en
lors il
aucun qui pour
eust esté débouté
sa chambre et se mist
la
voulust combattre
,
;
fist
en champ,
nul ne
lui se
armer
et avoit
cogneust, et toutes
;
sy
monta à cheval
son visaige foiz,
deffait
et se
que
pour ce que Dieu vit
sa bonté et que elle faisoit selon Dieu son devoir, et rendoit à son seigneur bien pour mal
Dieu lui donna telle grâce que elle gaigna la querelle de son seigneur honnourablement. Et quant vint que tout le traictié
fust
,
accomply, Tempereur voult veoir
et
champion du sénateur. Si fust trouvé que c'estoit sa femme , dont
sçâvoir qui estoit le
desarmée
et fust
l'empereur et toute
la ville lui
portèrent dès cellui
jour en avant plus grant honneur qu'ilz n'avoient fait, et fust
comme
à merveilles honorée, tant pour ceste cause
pour ce que
elle se portoit bel et
des maulx que son seigneur ly
faisoit
doulcement
bien souvent
traire. Et pour ce a cy bonne exemple comment toute bonne femme doit humblement souffrir de son seigneur ce que elle ne puet amender ; car celle qui
Le Livre
i82 plus en seuffre X. foiz plus
de honneur que celle qui n'a cause de en son seigneur bien entachié, sy
et qui a
souffrir,
comme
sans en faire chière en recouvre
dit
Salemon
qui bien parle des
,
femmes en
louant les unes et blasmant les autres.
De
adoulcir
de son seigneur.
l'ire
Chappitre IIIIxxXIII» n autre exemple vous diray d'une des
femmes au roy David, comment elle apaisoit l'ire de son seigneur. Vous avez bien ouy comment Amon le filz David despucella sa suer, et comment Absalon leur frère vengea celle honte et le fist mettre à mort dont Absalon s'en fouy hors du pays car le roy le vouloit faire occire. Mais celle bonne dame lui fist s paix ,
,
car elle monstra tant de bonnes raysons à son sei-
gneur que il lui pardonna. Sy n'estoit-elle pas sa mère fors femme de son seigneur. Mais elle tenoit en amour son seigneur et ses enffans comme bonne dame. Et ainsi le doit faire toute bonne dame car ,
;
plus grant semblant d'amour ne puet-elle monstrer à son seigneur que et
amer
ses enffans d'autre
femme,
y conquiert honneur au double, et plus les doit
soustenir
que
les siens
;
car au derrenier
que tout bien et honneur, à celle bonne dame que, quant
fors
lui vouloit toUir
son
droit,
il
n'en vient
si
comme
le
roy fut mort, l'en
mais Absalon ne
il
advint
le voulst
DU Chev^alier dé La Tour. souffrir et dist
que
feust sa mère,
i83
devant touz que, combien que elle ne elle lui avoit porté
honneur
et pri-
veté et amour, et par maintesfois desblasmé vers
mon
seigneur
père
mon
car elle ne perdra jà riens de
;
son droit. Et pour ce a cy bon exemple comment toute
bonne femme
femme
amer
doit
qui est de son seigneur,
honnourer tout ce ses enffans d'autre
aussy ses prouchains et ses parens. Car
et
voulentiers nul bien n'est
mery,
soit
et
comme
si
comme ouy
comme
il
fait
que communément ne
advint à ceste bonne
dame
avez.
De querre
conseil.
Chappitre IllIxxXIIIIe. e vous diray
un autre exemple de laroyne estoit bonne dame et
de Sabba, qui moult '
saige, laquelle vint de vers Orient en Jheru-
salcm pour demander conseil d'un grant fait
au roy Salomon
,
lequel la conseilla feablement,
et bien lui prist de son conseil, et elle ne perdy pas
son travail ne ses pas. Et pour ce a cy bon exemple
que toute bonne dame doit
cslire
un bon preudomme en
et saige de son lignaige ou d'autre et le tenir
amour le
et
soy conseiller à lui de ses besoingnes
bon conseil fait
amour à sans
la bonne
œuvre,
et fait tenir
;
car
bonne
ses voisins et garder le sien sans parler et
rioter, et, se
aucun
bon preudomme et
plait
ou contens
se met, le
le saige conseil si le oste et
amo-
i84 dère
Livre
I^E
la chose, et fait avoir le sien
sans grans coustz et
sans grans mises, et tousjours en vient grant bien,
comme
il
vint à la
bonne royne de Sabba, qui de sy
loing vint querre conseil au saige roy Salemon. Et
encores vouldroye-je que vous sceussiez l'exemple
Romme. L'empereur
d'un empereur de
au
lit
de
la
estoit
malade
mort. Chascun des seigneurs et des séna-
teurs et autres pour lui plaire disoient que
seroit
il
que il eust sué. Mais amy que il eust ne lui parloit du prouffit de l'ame. Sy avoit avecques lui un chambellan qui lavoit nourry, letantost guery, mais
quel
le servoit d'enffance. Cellui
veoit bien que
il
ne
pouvoiteschapper, et que tous ne le conseilloienlfors
que pour bellan
:
lui plaire
seulement. Sy lui va dire
comment
« Sire,
le
cham-
sentez-voz vostre cuer? »
Et l'empereur luy dist que bien petitement. Lors
commença à
dire
moult humblement
» vous a donné en cest
monde
toutes honneurs et les
» biens terriens et la joye mondaine » gnoissez et merciez
,
lui
Dieux
a Sire,
:
si l'en
,
et départez à ses
recon-
povres des
» biens que Dieu vous a donnez, tellement que
il
n'ait
» que reprouchier sur vous. » L'empereur escouta et dist
deux motz
:
Plus vault
flatteur qui oint. Et fust
amy
qui point que
pour ce que ses amis ne
lui
avoient parlé que de l'espérance de la santé du corps
pour
lui plaire
ment de l'ame
mais cestuy-cy lui parloit du sauve-
;
;
car qui
ayme
le
corps
l'ame, et ne doit l'en riens celler à son
il
doit
qui lui porte prouffit et honneur, ne, pour
pour hayne, ne le
amour ne
laisse à conseillier loyaulment,
me preudomme et bon amy,
et
ne
amer
amy de chose
le flatte
com-
pas ne faire
lep/ace5o comme firent tous les amis de l'empereur,
DU Chevalier de La Tour. qui veoient bien qu'il
ne fist
lui osoient
i85
ne povoit eschapper de mort et
pas dire le prouffit de son
son povre chambellain
,
ame comme
qui le mist à la voie
sauvement. Et l'empereur le creust, car départi du sien largement pour Dieu.
D'une preude femme qui amoît
les
il
du
donna
et
sergens
de Dieu.
Chappitre IIIIxxXV». n autre exemple vous diray de une moult preude femme qui avoit un simples homs à mary. La bonne dame estoit moult charitable et aymoit moult les sergens de Dieu Sy avoit, vers les parties de Jherusalem, un saint .
preudomme prophète qui avoit nom Elizeus. Celle bonne dame avoit grant devocion au saint homme, et le pria
de venir herbergier chiez son seigneur et
chiez elle saint
,
et lui firent
homs, qui
une chambre
solitaire
où
le
vestoit la haire, faisoit ses afflictions.
Si ne povoit là bonne dame avoir enffant de son seigneur ne lignée. Sivont prier le saint homme que il priast Dieu qu'il leur donnast enffans et lingnée, et le saint prophète
en pria Dieu tant que ilz eurent un
à merveilles bel,
morut, dont dueil.
du
Sy
fist
le
filz
qui vcsquit bien xv. ans et puis
père et
la
mère endeurent mourir de
mettre la mère l'enffant en la chambre
saint prophète
,
et ala
par le pays tant qu'elle
trouva le saint preudomme, et quant elle l'eust trouvé
Le Livre
i86 elle î
;
.
ramena en
sa
qui estoit mort et
chambre
lui dist
:
et lui
monstra Tenffant
« Ha, saint
homme, veez-
me donna par ta prière qui estoit toute ma joye et ma soustenance. Je te prie que tu vueilles Dieu prier que il le me rende ou qu'il me preingne, car je ne vueil point demourer
» cy Tenffant que Dieu »
» »
» après la
lui. »
Et Elizeus
,
le saint
prophète eut
bonne dame; sy adouraDieu,
et
Dieu
le
pitié
de
revesquit
àjsa prière, et vesqui renffant longuement et fust saint homme. Pourquoy, mes chières filles, ycy a bonne exemple comment il fait bon se accointier des sains hommes et les amer, et qui usent de bonne vie et de sainte, comme ceste bonne dame, qui ne povoit avoir enffans et en eust à la prière du saint homme, et depuis que l'enffant fut mort. Dieux le ressuscita à
sa prière, et pour certain Dieu:x est aujourd'uy aussy puissant et aussy débonnaire .
ceulx qui
le serviront. Si
painne et humble cuer à
ne
comme fault
il
estoit lors à
que mettre bonne
le desservir, et tenir la
com-
paignie des saintes gens qui usent de saincte vie, et les croire
;
car tout bien en puet venir,
à la bonne dame.
comme il
fist
DU Chevalier de La Tour.
De Sarra, femme du petit
187
Thobie.
Chappitre IIIIxxXVK e vous diray un autre exemple de une bonne dame, qui avoit nom Sara. Vous avez bien ouy comment elle eust vij. seigneurs , que Tenemi occist pour ce qu'ilz
ne vouloient pas user de loyal mariaige
me
bonne dame, qui
voit arrester. Et la
foie vouloit tencier à elle
moult humblement
,
si lui
dist
« Belle amie
:
et
,
mary ne
sa clavière lui reprocha que
,
compo-
lui
que
celle
comme
saige
vit
à toy ne à
moy
» ne appartientmie à parler des jugements de Dieu », et plus
ne
lui dist. Elle
que
elle tançoit
que
montèrent
elle n'estoit
celle parole
mariaige grant
,
folie
,
la fille
qui avoit le cuer
si
d'un félon
en plainne rue avecques sa voisine,
et tant crurent et lui dist
ne sembla pas à
Romme,
des sénateurs de
les paroles
que lautre
pas nette du corps
,
dont par
qui ala tant avant , elle en perdy son
feust vérité
à toute
ou mençonge. Et pour ce
femme de
est
tencier ne respondre à
tenceurs ne à gens qui sont félons et cruelz et qui
ont maie teste, dont je vous diray un
fait que je vy d une bien gentilz femme qui tençoit à un homme qui avoit maie teste. Sy lui dis « Ma damoyselle, je :
» vous loue et conseille que vous ne respondiez » point à ce fol
»
;
car
mal que de bien
».
il
est assez fol
Mais elle ne
de dire plus de
me voult croire
,
si
Le Litre
i88
tença plus forl en lui disant qu'il ne valoit riens. Et il
il valoit autant pour homme comme pour femme. Et tant montèrent leurs paque il dist que pour certain il sçavoit bien un
respondit que
elle faisoit
rolles
homme
qui la baisoit de jour et de nuit quant
il
adonc je l'appellay à costé et lui dis que folie de prendre à fol paroles ne tençons. Si
vouloit. Et c'estoit
furent les paroles laides et devant moult de gens
,
et
fust diffamée par son attayne et par son fol tencier, et fist sçavoir à plusieurs
gens ce que
ilz
ne sçavoient
pas. Elle ne sembla pas la sage Sarra, qui ne
grans responces à sa
folle clavière
fist
pas
car aucunes foiz
;
met bien de son bon droit en son tort , et si moult meschante chose et honteuse à gentilz femmes et autres de tencier nullement. Dont je vous diray l'exemple de la propriété de certaines bestes. Regardez- moy ces chiens et ces mastins; de leur nature ilz rechignent et abbayent, mais un genl'en se
est
til
levryer ne le fera pas. Ainsi
hommes
doit-il estre
des gentilz
des gentilz femmes. Et aussi je vous di-
et
ray l'exemple de l'empereur de Constentinoble. estoit
homme
moult
çast à nul, dont
tançant; mais
il
il
les
fier et félon
advint que
Il
mais jamais ne ten-
,
trouva ses
il
ij. filz
eustbatus, qui ne se feustmis
entre deux. Et puis dist que nul gentil cuer ne devoit tencier
ne dire
villenie.
Car au tencier
gnoist les gentilz de avecques les villains est villain qui de sa
bouche
,
l'en
con-
car cellui
dist villenie, et
pour ce
de cuer à humilité en eulx,
est grant gentillescc et grant noblesce
ceulx qui pueent avoir pascience et et
ne respondre point à toutes
folz
ne des
foies.
les foies paroles
Car pour certain
il
des
advient souvent
DU Chevalier de La Tour. que une
foie parole
engendre
telle foie
puis porte honte et deshonneur filles
,
est
et la foie
189
responce qui
et pour ce belles bon de y prendre bon exemple. Car le fol
de félon
leur tient pié
,
ilz
,
;
et haultain couraige
,
quant
l'en
dient de leurs malices et de leurs
yres aucunesfoiz villenies et choses qui oncques ne furent pensées, pour vengier leur grantyre.Et ainsi se doit garder toute
bonne femme de
riens respondre
à son seigneur devant les gens pour plusieurs causes; car à soy taire elle ne peut avoir que toute hon-
neur lui
et tout bien
de touz ceulx qui
respondre son desplaisir ne
honte
et desplaisir et
De
li
le
verront
,
et à
peust venir fors
deshonneur.
la royne Rester
Chapitre IIIIxxXVII«. vn autre exemple de
e vous diray
la
royne Hester, femme au grant roy de Surye. Celle fut à merveilles bonne da-
me
et saige
seigneur. Sur toutes
,
amoit et craingnoit son
et
dames
la sainte escripture la
loue moult de sainte vie et de ses bonnes mœurs. Car le
roy son seigneur cstoit mal et divers, et
lui disoit
moult d'oultraigeuses paroles
et vilain-
aucunes nies
;
foiz
mais pour riens que
il
pondoit aucune parole dont
vant les gens seul
et
;
mais après
veoit son lieu
,
lui dcist elle il
,
elle
ne
lui res-
se deustcorrouccr de-
quand
elle le trouvoit
se desblamoit et lui
,
Le Livre
igo
monstroit bel et courtoisement sa faulte
pour ce
et
,
roy Tamoit à merveilles et disoit en son secret qu'il
le
ne se povoit courroucier à sa femme
tant le prenoit
,
par bel et par doulces paroles. Certes
c'est une des bonnes taches que femme puist avoir, quenerespondre point en l'ire ne en courroux de son seigneur. ,
Car cuer gentil est cremeteux et a touz jours paours de faire ou dire chose qui desplaise à cellui qu'il doit honnorer et craindre dont l'en conte es livres des ,
femme d'un grant seigneur qui et sa femme estoit moult douce
roys de la et divers
souffroit et estoit
humble. Sy
estoit
»
me que
vous estes?» Et
,
« Madame comme juenne da:
elle respondit
que
venoit que elle se doubtast et se demenast elle sçavoit
pour avoir
que la
estoit la
mal
moult
et
un jour moult
pensive, et ses damoiselles lui disoient
» pourquoy ne vous esbatez-vous
estoit ,
il
con-
comme
voulenté de son seigneur,
joye de luy et la paix de son hostel. Et
puis disoit que la paour de trois prisons la destreignoit de estre trop joyeuse et trop gaye estoit iij
.
amours,
l'autre
vertus la maistrioient
;
la destraingnoit
faire pechié, fors le
lui faire
son desplaisir
;
de perdre son honneur et de
moins qu'elle povoit honte d'avoir ;
villain reproche. Et ainsi la
damoiselles. Pour quoy, prie
dont lune
car l'amour qu'elle avoit
à son seigneur la gardoit de
paour
,
paours, et la tierce honte. Ces
bonne dame
mes
dit
à ses
chières filles, je vous
que vous ayez ces exemples en voz cuers,
ne
et
respondez nulle grosse parole ne envieuse à vostre
comme faisoit celle comme ouy avez et
seigneur, fors doulce et humble,
bonne dame ,
comme
ceste
la
royne Hester,
bonne dame qui
dist
,
à ses damoiselles
,
DU Chevalier de La Tour, que son cuer estoit en Tamour et en seigneur, et pour ce ne povoit-elle
la prison faire fors
igi de son
que à
tout son plaisir et vivre en sa paix.
De Suzanne,
la
femme Joachim.
Chappitre IIIIxxXVII^. n aullre exemple vous diray de Susanne
femme Joachim qui estoit grant seigneur en la chetivoison de Babilonie. Celle Susanne estoit à merveille belle da-
la
me
,
de saincte
et
vie. Si avoit
qui disoient leurs heures en
dame de.
ij.
prestres de leur loy
un verger,
et la
bonne
peignoit son chief , qui estoit blanche et blon-
Sy arrivèrent ces
belle et seule. Lors
que se
elle
ne vouloit
moigneroient
ij.
qu'ilz
prestres sur elle et la virent
furent temptez, et
si
faire leur
vou lente
li
,
vont dire qu'ilz tes-
l'auroient trouvée en fait
de
luxure avec un homme, et pource que elle auroit enffraint
son mariage, elle seroit lapidée ou arse, selon
la loy qui lors couroit. Celle
esbahie
,
bonne dame
fust
moult
qui par faulx lesmoings veoit sa mort
deux tesmoings estoient
lors creus.
Sy pensa
car
;
et re-
garda en son cuer que
elle aymoit mieulx mourir de mort mondaine que de la mort pardurable et mist son fait en la voulentô de Dieu auquel elle se
la
,
,
fioit
du
tout, et lors respondit à brief qu'elle n'en
feroit rien, et qu'elle
cer
sa.
amoit mieulx à mourir qu'à faul-
loy ne son saint sacrement de mariage.
Adonc
,
Le Livre
192 les
faulx prestres alèrent es juges et tesmoignèrent
ij.
Tavoient trouvée en avoultrie, que à son seigneur. L'on remmejugiée à mort, mais elle s'escria à
contre elle qu'ilz c'est à dire à autre
na tantost et
fust
Dieu , qui tout savoit
,
de son
et la loyaulté d'elle et
mariaige. Et Dieu, qui n'oublie point voulentiers son serf, lui envoia secours et
phète
fist
venir Daniel le pro-
qui n'avoit d'âge que entour cinq ans
,
s'escria et dist les juges d'Israël
pie de Dieu
«
:
» cent de cest
Ne
fait
,
,
c'est
le
lequel
occiez pas le sanc juste et innoet
enquerrez chacun par soy, et
» leur demandés soubz quel arbre
Lors
,
à dire du pue-
ilz la
pueple fust esbay de veoir
trouvèrent,
si
o
petit enffant
que c'estoit appert miracle de Dieu. Sy firent TenqUeste à chascun par soy, dont l'un dist que il les avoit trouvez soubz un figuier, et l'autre dist desoubz un prunier, et ainsi fuainsi parler. Si virent bien
rent en
quant
faiz
ilz
contraires;
si
furent jugiez à mort, et
virent qu'il n'y avoit point de
remède
,
ilz
recogneurent la vérité du faitetdistrentqu'ilzavoient bien deservy la morf , et non pas
elle.
Et pour ce a
cy bon exemple comment Dieux garde ceulx qui ont et qui mettent leur fait en sa main bonne dame qui mieulx vouloit se mettre en adventure de mourir que parjurer sa loy
en luy fiance
comme
,
fist la
,
c'est assavoir enffraindre
loyal mariaige
,
son saint sacrement
et
et si doubtoit plus la perdicion
son
de
Vame et la mort pardurable que la povre vie de cest monde, dont par sa bonté Dieux lui sauva le corps et l'ame,
comme ouy
avez. Et pour ce toute
bonne
femme doit tousjours espérer en Dieu et pour l'amour de lui et l'amour de son mariage soy gar,
,
,
DU Chevalier de La Tour.
193
grandement ne si vilment comme enffraindre son-seremenletsa bonne der de perilz
ne de pechicr
et
si
loy.
De
Elizabeth , mère saint Jehan Baptiste.
Chappitre IIIIxxXIX^ e
vous diray un autre exemple du nouvel
Testament. C'est de sainte Elisabeth, mère saint
Jehan Baptiste. Geste servoit premiè-
rement Dieu
et puis
son seigneur. Elle
doubtoit sur toutes femmes, et, se et
il
lui feust riens
mesavenu en
il
lostel, elle le celast
et le feit celer jusques à ce qu'elle veist bien
point, et puis lui deyst
si
bel et
le
vensist de hors
si
son
atrempeement à
son seigneur que jamais ne s'en deust corroucier. Elle convoitoit touz jours la paiz et la joie de son
seigneur, et ainsi le doit toute bonne
Geste sainte
dame amoit
et craingnoit
femme
faire.
Dieu et por-
bonne foy à son seigneur. Et pour ce Dieu lui donna saint Jehan Baptiste. Et ce fust bon guerredon car femme qui ayme et craint Dieu et se garde toit
;
de péchiez et se
donne à il fist
tient nettement.
Dieu
le lui
guerre-
mort à cent doubles, comme dame à qui il donna biens ce-
vie, et après la
à ceste sainte
lestieulx et biens terriens à puissance,
comme
riaige et qui ont
sainte Susanne,
bonne espérance en
comme vous
lui
avez oy.
,
si
il
fait
macomme
à ses amis qui se tiennent nettement en leur
Le Livre
«94
Cf commence à parler des exemples du
Noui^el
Testament depuis que Dieu vint ou ventre de la Yierge Marie.
Et premiers de
Magdelaine.
la
Chappitrk
C^.
autre exemple est de la Magdelaine
mes
,
quant
qui
elle lava les pies à Jhesucrist
de ses lermes
et puis les
dame
cheveulx. Celle bonne
essuya de ses
plouroit ses péchiez et
requeroit pardon de ses péchiez. Ce estoit
de Dieu
et crainte
exemple
le
de son meffait. Et
devons nous
faire.
goingne de
amour
ainsi par celluy
Car nous devons plou-
rer nos meffaitz et noz péchiez
blement,
,
espurja et nectoya ses péchiez par ses 1er-
i
,
et avoir pitié et ver-
les avoir faiz, et venir
à confession hum-
et les regehir, et les dire et les
aussi villainement et ordement
comme
racompter l'en
les a
sans rien polir ne celer. Car la crainte de Dieu et le liardement que Ten emprant de dire son meffaiz,
fait et
son péchié
que len a de et allegance
,
vergoingne et celle honte une grant partie du pardon
celle
le dire est
du mesfait, et Dieu, qui esmuet en pitié et
la reppentance, se
séricorde et pardonne,
comme
voit lumilité et
eslargist sa mi-
à saincte Marie Magdelaine, à qui il pardonna ses péchiez pour la grant contriccion et repentance qu'elle en eust. il fist
DU Chevalier de La Tour. Une auUre rayson
est
pour quoy
delaine doit estre louée
;
igS
la benoiste
Mag-
ce fust pour ce que elle
amoit Dieu et craingnoit merveilleusement ardam-
ment. Car pour
que
les
grans miracles qu'elle veoit
qu'il
avoit resuscité son propre frère
faisoit,
et
le ladre,
qui bien lui avoit dist merveilles de par de-
il
que il esconvenoitquelle
là, et les paines, et elle veoit
mourist et qu'elle fust par delà punye de ses pechiés.
Quant
elle pensoit
en
telle
chose
csperdue et paoureusc. Et pour ce
,
elle estoit toute
fust elle plus
ans en un désert, en boys et en buissons, elle cust tant
jeune qu'elle ne
le
e(,
de xx. quant
povoit plus souffrir
selon nature, lors nostre seigneur la regarda en pitié et li envoioit chascun jour par un ange le pain du ciel, dont elle fust rassasiée jusqucs en la fin. Et pour ce a cy bon exemple conmcnt il fait bon plou-
rer les pechiés et soy confesser souvent et faire
jeunes et abstinences, et amer Dieu et craindre,
comme
fist
Dieu
ploura ses péchiez sur ses piez et des peulx
et
celle
bonne Magdalaine, qui ama
les essuya, et souffry tant
de mal
desers et es buissons, que Dieux
son ange
du
ciel.
,
qui
El aussi
chascun jour fera-il
li
et
tant
de malaise es
si la
conforta par
apporloit
du pain
à toutes bonnes femmes, et à
touz ceulx qui de vray cuer ploureront leurs pé-
aymeront Dieu et feront bonnes jeunes bonnes abstinences, comme il fist à ceste bonne
chiez, et qui et
femme.
Le Livre
igG
De
ij.
bonnes dames à mescreans.
Chappitre
CI'.
n autre exemple je vous diray de
ij.
nes dames qui estoient femmes de
bonmes-
femme au
senes-
chal du roy Herodes. Celles bonnes
dames
creans
,
dont lune esloit
suivoyent nostre seigneur et
lui
administroient son
bon exemple que toute bonne femme, ait divers ou mauvais seigneur ne doit
vivre. Si est
bien qu'elle
,
pas pour tant laissier à servir Dieu doit estre trop plus
humble
et
et lui obéir, ainçois
dévote pour empêtrer
grâce de Dieu pour elle et pour son mary. Car
que
elle fait
de Dieu le
amendrist
et leur
bien que elle
est
le
mal de
le
bien
lui et adoulcist Tire
garde leur bien et leurchevance. Car fait
soubzporte son mal
,
si
comme
contenu ou livre de la vie des pères, là où
il
il
parle
d un mal homme et tirant, qui par iij foiz fust sauvé de villaine mort pour la bonté de sa femme dont il .
,
advint que
,
quant
elle fut
morte
,
il
n'avoit plus qui
priast Dieu pour lui et par ses grans péchiez, le roy du pays le fist mourir de maie mort. Et pour ce est bonne chose et nécessaire à mauvais homme d'avoir bonne femme et de sainte vie, et, de tant comme la femme sent son seigneur plus divers ou pécheur ou de maie conscience , de tant a-elle plus grant mestier de faire plus grans abstinences et plus de biens pour Dieu. Car, se l'un ne portoit l'autre, c'est-à-dire
DU Chevalier de La Tour. le
197
mal, loutbesilleroitouyroit àperdicion.
bien le
Et encoresvous dis-je que Tobeyssance de Dieu et la crainte fut premier establie doit premier obéir
que mariaige
au créateur
,
;
qui les a
car l'en faiz
a sa
ymaige et qui leur puet donner grâce d'estre sauvés ou perdus. Et ainsi la loy commande que l'en ne doit pas tant obéir au corps ne estre en lobeyssance de son seigneur que l'en ne obéisse premier sainte
au
prouffit
de l'ame, qui est un bien pardurable. Et
dit la glose
ment
tirer
service
que toute bonne femme doit première-
au bien de l'ame de son seigneur et puis au
du corps. Car
le
bien de l'ame n'a pareil,
et,
se l'ame a bien, elle et ses enffans jouyront paisible-
ment
et
beneurement des biens du mort,
et,
se l'ame
a tribulacion, aussi au contraire. Et ceste chose est vraye
et
esprouvée
,
comme
il
est
contenu en plu-
sieurs lieus en la sainte escripture, et pour ce
fait bien
adviser son seigneur de faire bien et le destourber faire mal à son povoir. Car ainsi bonne femme.
de
le doit faire toute
Cy parle de sainte Marthe, suer à la Magdelaine.
Chappitre 'autre
exemple
est
CII«.
de Marthe
Magdelaine. Celle bonne
la suer à la
dame
estoit louz
'jours coustumière de herbcrgier les pra»-
phètes et les sergcns de Dieu qui preschoient et cnscignoient la loy
,
et estoit
moult grant
,
Le Livre
19^
aurnosnière es povrcs,
et,
pour
la sainte vie d'elle,
vint le doulx Jhesucrist soy herbergier chiez elle.
que sa suer
Celle fust qui se plaigny à Jhesucrist
Marie ne
lui venoit point aydier à faire et appareiller
à mengier; mais noslre seigneur
humblement etdistque Marie Ce
lui
respondit moult
avoit esleu le meilleur
pour ce que elle plouroit ses pémercy en son cuer humblement. Et le doulz roy lui dist vérité, car il n'est service que Dieu ayme tant comme crier mercy et soy repentir de son
service.
estoit
chiez et cryoit
pechié et se retourner de son meffait. Ceste sainte
Marthe
fist
bon service à
osteller Jhesucrist et ses
appostres et les repestre de viandes, de
vocion et de franc cuer
Dieu
fit
comme
moult de miracles pour
en son trespassement
elle
la conforter et
amc d'elle. Ce fust bon guerredon. femme y prendre bonne exemple, bon herbergier
les
si
grant de-
elle le faisoit
en sa vie
car
querrelasaincte
Si doit toute
comment
et
sergens de Dieu
;
et vint
,
les
et ceulx qui enseignent la foy et le bien
bonne fait
il
prescheurs
du mal
,
et
aussi herbergier les pèlerins et les povres de Dieu si
comme Dieu
le
tesmoingne en
k sainte euvangille,
qui dist qu'il demandera au grant jour espoventable,
au jour du jugement , comment l'en aura visité malades et reçeu et herbergié ses povres au nom de lui et conviendra rendre compte des habondances des biens terriens que il aura donnez et commenl l'en les aura employés et départis du plus au moins, c'est
les
,
aux povres souffreteux. Et pour ce est moult nobles vertus de herbergier les pèlerins les povres et les sergens de Dieu car tout biensienpuet venir, car Dieu paye le grand escot et rentà cenl c'est-à-dire
,
;
BU Chevalier de La Tour. doubles, dont
dist
il
en Teuvangille
prophètes et les prescheurs et les povres jûieu
lui-mesme
199
Qui reçoit les
:
,
il
reçoit
car ce sont les messagiers qui por*-
;
tent et ennuncent vérité.
Cf parle
des bonnes dames qui plour oient aprè^
Nostre Seigneur quant
il
Chappitre exemple
l'autre
portoit la croix.
CII1«
est des
bonnes dames qui
plouroient après nostre seigneur quant
il
portoit la croiz sur ses épaules pour y transir la
mort de sa voulenté pour nos pécheurs
raimbre. Celles bonnes dames estoient de bonne vie et avoient les cuers
na devers
doulx
et piteux, et
elle et les conforta en disant
:
Dieu se tour-
«Mes
filles,
ne
plourez pas sur moy, mais pleurez sur les douleurs qui à venir sont », et leur monstra le mal qui puis avint au pays ,
que j'ay curent
fait
pitié
si
comme
vous
le
trouverez en livre
à voz frères. Celles bonnes dames, qui
de
la
douleur que les en
faisoit souffrir
k
nostre seigneur, ne servirent par leurs lermes ne leurs pleurs. Car depuis Dieu les en guerredonna
haultement. Et pour ce a cy bon exemple
moult
comment
bonne femme doit avoir pitié du mal que Ven aux povres gens qui sont servans et ouailles de Dieu et representans sa personne, si comme il dit en Teuvangile Qui a pitié du povre il a pitié de toute
fait
:
lui,
et le bien
que len
lui fait
il
est fait à lui. El
,
Le Livre
200 encore
plus
dist
que
c'est assavoir
dit
que
,
il
les piteables auront
mercy,
aura mercy d eulx, dont
le saige
que femme de sa nature
plus piteuse que
dur
et
doit estre plus doulce et
Tomme. Car Tomme
doit estre plus
de plus hault couraige. Et pour ce celles qui
n'ont le
hommaux, c'est-àTomme. Encore le saige dist en que femme de bonne nature ne doit
cuerdoux
et piteux sont
dire qu'il y a trop de la
sapience
point estre chiche de ce de quoy elle a grant marchié pitié
,
c'est assavoir
de lerme de humble cuer qui a
de ses povres parens à qui
soing et de ses povres voisins
bonne dame qui
fust
elle voit avoir si
,
comme
avoit
comtesse d'Anjou,
fonda l'abbaye de Bourgueil
et
y
beune
laquelle
est enterrée
,
et dit
que elle est cncores en sanc et en char. Celle bonne dame, là où elle savoit de ses povres parens qui ne povoient honestement avoir leur estât
l'en
elle leur
donnoit ,
et marioit ses
povres parentes et
leur faisoit moult de bien. Après, là où elle savoit
povres gentilz femmes pucelles qui estoient de bonne
renommée soit
,
elle les avançoit et les marioit
enquerre
les
et leur donnoit
en gésines et
;
elle fai-
povres mesnaigers par les paroisses, elle avoit pitié
;
des povres femmes
les aloit veoir et repestre
ses fisiciens et cirurgiens à guérir
manière de gens
,
et
;
elle avoit
pour Dieu loute
par espécial les povres qui ne
avoient de quoi payer. Elle avoit pitié du mchaing
du povre,dont l'en dit que, quant l'en li bailloit son livre ou ses gans, que aucune foiz ilz se tenoient en Tair tout par eux et moult d'autres signes que Dieu demonstroit pour elle. Et pour ce loute bonne femme y doit prendre bon exemple et ainsi avoir pitié l'un de
DU Chevalier de La Tour.
201
l'autre , et penser que Dieu donne les biens pour l'en recongnoistre et avoir pitié des povres. Sy vous laisse de ces bonnes dames et de cette matière ; car
y reviendray arrière exemple.
je
et
vous parlcray d'un autre
Du pechié de yre.
es
Chappitre
CIIII'.
chières
gardez-vous bien que
Dieux doit et meffait
prouchain il
dit
en
la sainte
euvangille que l'en
pardonner à ceulx qui ont mesprins
c'est
,
,
humblement que
si
,
filles
péchié de yre ne vous preigne; car
le
,
se on est féru de son
de son frère creslien, sur une joe,
doit tendre l'autre joe
pour soy
laissier rcferir,
avant que soy laissier revengier ; car prendre ven-
gence
n'est nulle mérite,
mais est
le contraire
de la
viedel'ame. Encoresdist nostre seigneur que, se
l'en
a nulle rancune à nuUui et l'en viengnc offrir à son autel,
que
retourne et s'accorde à son prou-
l'en se
chain et lui pardonner, car après
le pardon puet venir seurement faire son offrande, et Dieu le recevra car il ne vieult avoir offrande ne ouir oroyson de homme ;
ne de femme qui
soit
en péchié de
roux, comment Dieu, qui
fist
ire
ne en cour-
la paternostre, qui
en adourant Dieu le père on entcncion du pucple que Dieu pardonnast comme il pardonnoit, c'est
dist
quand pu dit
:
« El
dimiUe nobis débita nostra^
etc. »,
Le Livre
202 dont
il
advient,
si
comme
dient les grans clers
ceulx qui haientautruy etsonten rancune et la patcrnostre
,
ilz
,
que
dient
que vous diray un exemple
la '.dient plus contre eulx
ilz
pour eulx. Et sur ce
fait
d'une grant bourgoise
,
,
je
comme
oy raconter à
j'ay
Celle bourgoise estoit moult riche,
un prescliement.
prisée et charitable, et avoit moult de grans signes d'estre
au
lit
bonne crestienne. Et tant advint que elle fut la mort sy vint son curé, qui à merveilles
de
;
estoit saint
homme
quant vint sur
6t,
et
le
preudomme,
et si la confessa,
péchié de yre,
il
lui dist
quelle
pardonnast de bon cuer à tous ceulz qui meffait avoyent,
et,
quant à cellui
une femme sa voisine
article,
lui
ellerespondy que
lui avoit tant meffait
ne lui pourroit pardonner de bon cuer. Lors
que
elle
le sainct
homme
la commença à traire de belles paroles et de beaux exemples, comment Jhesucrist avoit pardonné sa mort moult humblement, et aussi lui compta com-
ment
le filz
d'un chevalier, à qui l'en avoit occis son
père, que un saint hermite confessoit,
à cellui de yre ,
donner à
il
dist
comment
il
et,
son père et le preumonstra comment Dieu avoit pardonné et
cellui qui avoit occis
domme lui
quant vint
ne pourroit par,
moult d'autres exemples moult bons
et nottables, et
que cellui enfïant pardonna la mort de son père de bon cuer, tellement que, quant Tenffant revint s'agenouUier devant le crucetant lui dist et monstra
le crucefiz s'inclina vers lui et dist une voiz Pour ce que tu as pardonné humblement et pour » l'amour de moy, je te pardonne tous tes meffaiz
fiz
,
:
,
«
» et auras grâce de parvenir à
moy
en
la celestielle
» joye. » Et ainsi monstra cellui curé ceste exemple
,
DU Chevalier de La Toun. et piuseurs autres à la
,
2o3
bourgoise ; mais oncques, pour
exemple ne pour admonestement que il lui deist cucr, ains elle n6t lui voult pardonner de bon morut en cellui estât dont il advint que en celle ,
nuittée,
,
sembloit par advision à cellui chapellain^
il
toit
il véoit Tennemi qui emporlame, etvéoitungroscrapautsurle cuer d'elle.
Et,
quant vint au matin
qui confessé Tavoit, que
morte lui
,
l'en lui dist qu^elle estoit
,
et vindrent ses enffans
et ses
parons pouï*
parler de son enterrement , et qu'elle fcust mise
en Teglise. Mais seroit point
le
chappelain respondit qu elle n'y
mise ne enterrée en terre benoiste, pour
ce qu'elle n'avoit oncqucs voulu pardonner à sa voi-
sine, et qu'elle estoit morte en pechié mortel, dont les
amis
d'elle estrivèrent
rent , et lors
il
leur dit
:
«
moult à
lui et le
menaciè-
Beaulx seigneurs
,
faites-
» la ouvrir et vous trouverez un gros crapaut dedens » son cuer, et, se
il
n'est ainsi
comme je
dy, je vueil
» que elle soit mise en terre benoiste. » Lors
ils
par-
lèrent ensemble et ne s'en firent
que bourdcr et dirent que ce ne povoit estre et que hardicment elle fust ouverte pour eulx mieulx mocquier de lui et pour le approuver mençongier. Lors ils la firent ouvrir et trouvèrent un gros crapaut sur son cuer moult ,
hideux. Lors
le saint
chappellain prinst l'estole et la
croiz et conjura cellui crapaut, et lui
quoy
il
estoit là et qui
pondist que «
il
estoit
il
estoit.
demanda pour-
Et cellui crapaut res-
un ennemy qui par
l'espace
» de XXV ans l'avoit temptée, et par especial un pe-
» chié où »
c'estoit
»
cellui
il
avoit trop plus trouvé son avantaige
un pechié de yre et de courroux temps avoit si grant jalousie et
;
car dés
si
grant
Le Livre
2o4
courroux avecques une sienne voisine que jamais
•»
» à nul jour
ne
pardonnast
lui
car je y mis telle yre
;
» que jamais ne la regardas! de bon oeil, et l'autre » jour, quant tu la confessoies
» à ï>,
piez et le tenoie
iiij
si
,
je estoie sur son cuer
enclavé et escliauffé du
pechié de yre qu'elle ne povoit avoir nulle vou-
de pardonner, et toutevoies
«"^lenté
» je eus
paour que tu ne
la
me
fut-il
tollisses
,
heure que
et
que
tu la
» convertisses par tes preschements, et toutesfoiz je
» en euz la victoire tellement qu'elle est nostre et en » nostre seignourie à touz jours mais. » Et,
quant
tous ouirent dire ces parolles, sy furent moult esmerveillez et n'osèrent plus parler
de
la
mettre en terre
benoiste, et n y fust point mise. Sy a cy moult belle
exemple comment
l'en doit
pardonner l'un à l'autre;
car qui ne pardonne de bon cuer, Dieu à paines le et en pourroit bien prendre comme àlabourgoise dont ouy avez.
pardonra,
Comment
toutes
amis en
femmes donnent l'estat
ou
i'eni'r
il
print
à leurs
elles sont.
CnAPPITRB
CV«.
vous diray un exemple. Il fust un bon homme et preudomqui aloit aux voyages oultre mer et
*S) ont je
chevalier moult
me
ailleurs.
nouries et mariés veilles.
,
Sy avoit lesquelles
niepces qu'il avoit
ij. il
amoit moult à mer-
Sy leurachepta en son venant de son voyaige
,
DU Chevalier DE La Tour.
2o5
â chascune une bonne robe courte et de bonnes pen-
nes à les cointier. Sy arriva bien tost chiez lune de elles et
hucha
et
demanda
sa niepce
qu'il la venoit veoir. Celle se
et se fist
,
et lui fist dire
bouta en sa chambre
enfermer pour nettoier sa robe
manda qu'elle vendroit
cointoyer, etluy
et
pour soy
tantost à lui.
Le chevalier attendist une pièce, et tant que il li ennoya et dist « Ma niepce ne vendra pas. » Et ilz lui respondirent que elle vendroit tantost et qu'il ne lui :
ennuiast, et ainsi lui
manda dont ;
desdain de quoy elle tardoit tant avoit
si
longtemps que
elle
,
le chevalier
et,
dès ce que
sceust que ce estoit son oncle esté hors
,
celle
il
y
ne Tavoit veu. Sy monta
sur son cheval et s'en ala sans la veoir
son autre niepce,
eust
pour ce que
,
il
et vint veoir
,
hucha
et
que
celle
qui loing temps avoit
par son esbat se estoit prise à faire
pain de fourment et avoit les mains toutes pasteuses
;
mais en Testât où
les bras
tendu z
,
elle estoit saillist
et lui dist
:
«
Mon
au dehors
très chicr sei-
» gneur et oncle, en Testât où je ouy nouvelles
me
» de vous je vous sui venue vous veoir. Si » pardonnez
;
le
car la grant joye que j'ay de vostre
Le chevalier resgarda la et Tama et prisa moult plus que l'autre, et lui donna les ij. robes que il avoit achetées pour elle et pour sa suer. Et ainsi ceste qui vint lieement en Testât où elle estoit au de» venue le m'a
manière
et
fait faire.
»
en eut grant joye,
vant de son oncle, elle gaingna les
ij.
paires de ro-
bes, et l'autre qui tarda pour soy cointier les perdy.
Et pour ce celle qui vint au devant de son oncle
en Testât où elle estoit, quant elle Teust mené en sa chambre, elle s'ala cointoier, et puis lui dist «Mon :
Le Livre
ao6
mon
«seigneur
oncle, je
me
suis alée
cointoief
» pour vous servir plus honnestement. » Et ainsi elle
gaingna
la
grâce ei lamour de son seigneur
oncle et l'autre la ple
comment
l'en
perdist.
Si
a cy bon
exemoù
doit venir lieement en Testât
l'en est en la venue de ses amis et de ses parens pour leur monstrer plus grant amour. Et aussi je vouldroye que vous sceussiez comment une baron-
nesse moult bonne
dame ne
se vouloit vestirpar
chascun jour ne d'atour, ne de bonnes robes. Ses gens lui disoient « Madame , comment ne vous te» nez-vous plus cointe et mieulx parée? » Et elle leur :
respondit
:
me tenoie chascun jour cointe et combien pourroye-je amender es festes,
« Se je
» parée, de
» et aussi quant les grans seigneurs » veoir? car
quant je
me
me
vendroient
vouldroye bien cointier, je
vous semble plus belle qu'à chascun jour. » Sy ne ne se scet amender quant il en est lieu et temps; car chose commune n'est point »
prise riens celle qui
prisée.
Cy parle de pitié.
Chappitre
CVI<^.
que vous sceussiez l'exemple d'un chevalier qui se combaty pour une e vouldroie
pucelle. Il fust en la court d'un grant seigneur un faulx chevalier qui pria de folle amour une pucelle; mais elle n'en voulst riens faire
DU Chevalier de La Tour.
207
pour lui, pour don ne pour promesse, ains voulst garder sa chair nettement. Et quant cellui vit ce, si
que
lui dist
il
luy nuyroit. Si enpoisonna une
et la luy bailla
pour donner au
filz
pomme
de leans, qu elle
donna et en que la pudes hoirs de renfïant pour le
portoit entre ses bras, dont elle la lui
mourut
le filz. Si dist le faulx chevalier
celle avoit
eu salaire
mourir. Sy fust la pucelle mise en la chemise
faire
pour estre geliée au feu à Dieu
toit
comment
si
;
plouroit et se
elle n'y avoit
estoit le faulx chevallier qui la
Mais
lée. le
il
le dcffendit
combatre se voulsist
pomme
et elle
,
offrir
,
lui avoit bail-
ne trouvoit qui pour
tant estoit fort et re-
doublé en armes. Dont
il
ne oublie voulentiers
clameur du juste,
la
guermen^
coulpe et que ce
advint que Dieu
,
qui pas
si
eust pi-
comme il lui pleust, il advint que un chevalier, qui avoit nom Patridcs qui moult estoit franc chevalier et piteux arriva ainsi comme Ton tié
de
elle
,
et,
,
,
vouloit alumcr le feu pour lardoir.
Le chevalier,
qui regarda la pucelle qui plouroit et se doulousoit
à Dieu
,
en eust
fait; et celle
li
pitié et lui
dist
comment
demanda il
en
la vérité
estoit aie
du
de point
en point, et aussi
le plus tesmoingnèrent pour elle. bon chevalier fust esmeu en pitié et gctta son gaige pour la deffendre contre cellui faulx chevalier. Sy fust la bataille forte et moult dure et en la fin
Lors
le
,
le faulx chevalier fut desconfit et la
demoiselle sau-
vée, tant
et fut faicte jus-
tice
de
qu'il
lui. Si
congneustla trayson,
bon chevalier eust v. quant il fust desarme, il en-
advint que
plaies mortelles, et,
voya sa chemise, qui
le
estoit
percée en v. lieux, à la
pucelle, laquelle garda la chemise toute sa vie et
,
Le Livre
2o8
chascun jour pour leur avoit soufferte pour
le chevalier
prioit
elle.
qui
telle
dou-
Et ainsi pour pitié et
franchise se combatist le gentil chevalier, qui en eut
comme
V. plaies mortels, tout aussi
tist
de nous
et
de Tumain lignage
moult cruelle
la bataille
et
en
V. lieux
,
,
il
avoit
de pour ce en souffrist moult pénible ou fust de
le veoir es ténèbres d enffer
l'arbre de la sainte croix
doulx
le
Jhesucrist qui se combatit pour la pitié que
,
qu'il lui faisoit pitié
et
et fust percée sa
ce furent ses v. douleuses plaies
chemise
quH
re-
eeust de son débonnaire plaisir et franc cueur pour
que nous
la pitié
homme
femme
et
sères de ses parons
iout aussi
comme
et en pleurer
dames il
lui faisons.
Et aussi doit tout
avoir pitié des douleurs et des mi,
de ses voysins et des povres
eust le
bon chevalier de
tendrement
,
comme
la pucelle,
firent les
bonnes
qui plorercnt après le doulx Jhesucrist quant
portoit la croix
pour y estre crucefié
et
mis à mort
pour nos péchiez.
Des
iij.
Maries.
Chappitre CV11«. 'autre
exemple
est des
iij.
Maries qui vin-
!drcnt le bien matin de Pasques pour cui'
dier oindre nostre Seigneur. Elles avoient fait faire
grans coustz
,
moult précieux oingnemens et de de servir
et avoient grant devocion
Dieu à vie et à mort, ardans toutes en l'amour de
DU Chevalier de La Tour.
209
Dieu. Et là elles trouvèrent Tange qui leur annonça
moult
et dist qu'il estoit resuscité, dont elles eurent
grantjoye, et de lagrant joye que elles en orent elles
coururent
mes
le dire
oingnements,
aux appostres. Gestes bonnes da-
moult pour
veillèrent
précieux
faire fère les
du jour
et furent levées dès l'aube
pour cuidier venir faire leur service. Et pour ce a cy bon exemple comment toutes bonnes femmes, soyent mariées ou de religion , doivent estre curieuses et diligens, et esveillées ou service de Dieu, celles qui faire le pueent car elles en seront reguerdonnées à cent doubles, comme furent les troix bonnes dames, que Dieux a moult essaucées. L'en list es croniques ;
de
Romme
que, quant l'empereur Néron et autres
ty-
rans de la sainte foy faisoient martirer les sains et les saintes,
que
les
comme
il
est
bonnes dames de
contenu en leurs légendes, la ville
embloient
les sains
corps, et les ensevelissoient et les enterroient, et leur faisoient le plus de bien et
Après
d'amour
le service
messes et de Dieu, dont l'en trouve que à cellui temps
eust moult de charitables et saintes
me
qu'ilz povoient.
celles aloient oïr les matines et les
et ailleurs,
femmes à Rom-
dont je pense que aujourdui
rité et le saint service
la
cha-
des femmes est bien cler se-
mé
en cest monde, et en y a moult qui ont plus le cuer au siècle pour obéir et plaire au monde que à
Dieu
car elles sont bien esveillées pour elles coinpour avoir le plus des regars des musars, dont, se elles meissent aussy grant paine de venir oïr le ;
tier,
.
service de Dieu et dire dévotement, ailleurs,
leurs heures,
comme
elles
sans penser
mettent grant
paine à elles pignier et en leurs coinlises
,
et à es-
U
,,,
Le Livre
210
coûter les jangles des
folz, elles feissentle
meilleur
car l'un service est rendu à cent doubles
Dieu
le dit
de sa sainte bouche
qui est à sa desplaisance, c'est
,
;
comme
et l'autre service
,
le délit
du corps,
est
pugni à cent doubles tout au contraire.
Cy parle du
saige.
Chappitre CVIIP. our ce quant
en un prouverbe que dames furent levées pingnées
dit le saige
les
,
adournées
et mirées, les croix et les
pro
cessions s'en furent alées et les messes
chantées
c'est tout
;
aussy
comme
Dieu parla en
l'eu-
vangille des cinq saintes vierges qui furent curieuses et esveillées et garnies de huille et de lumière
en leurs lampes, et, quant lespoux fust venu, elles entrèrent avecques lui en la grant joye du chastel et trouvèrent les portes ouvertes. Mais les autres cinq vierges
,
qui se estoient endormies et ne s'estoient
point garnies de huille et de luminaire en leurs lam-
pes , quant elles vindrcnt ,
si
trouvèrent les portes
fermées, et quant elles demandèrent de leur dist
1
uille
,
l'en
Nescio vos, c'est-à-dire que elles n'en au-
:
roient point, car elles estoient venues trop tart. Dont je double
que à
cest
exemple
de moult endormies Dieu fayre
et
il
en y a par
le
monde
parcccuses du service de
et oïr, et desgarnies
de ce qui apparlienl
à leur sauvement, c'est de faire bonnes et saintes
DU Chevalier de La Tour.
211
œuvres et de la grâce de Dieu avoir. Et me doubte que se elles se tardent à elles amender devant leur ne scevent leure ne
fin,
de laquelle
que
elles trouveront la porte close.
comme mies
:
l'en fist
fin elles
aux cinq
le jour,
Et l'en leur dira
foies qui se estoient
endor-
Nescio vos. Lors ne sera mie temps de soy re-
pentir, ains seront
moult esbahies quant
elles se ver-
ront départies de Dieu et des bonnes, et mener ou
chemin
d'enffer
en l'ordc compaignie
doleur continuelle
paiiic et
,
et
en
la cruelle
qui jamais n'ara
fin
ne
joye, ne repos, helas! tant seront chier vendues les coiniises l'en
les foies plaisances et les faulx delis
,
aura usé pour plaire à
de. Ainsi et par celle voye yront les
mes,
et les
dont
au monmauvaises fem-
la folle chair et
bonnes au contraire
;
car elles yront avec-
l'espoux, c'est avecques Dieu leur créateur, et trou-
veront
la porte
ouverte pour entrer en lagrant joye,
pour ce que elles auront estez esveillées et curieuses à leurs lampes et à leurs luminaires pour attendre l'eure de l'espoux, c'est-à-dire les saintes
œuvres
l'eure de la
mort,
et
et
que
elles
auront
fait
auront veillé pour attendre
ne se seront pas endormies en
pechié ne en ordure, ainçois se seront tenues nettes et
souvent confessées et gardées de pechié à leur poamé Dieu et craint; car qui l'aime et
voir, et auront
craint,
il
se garde nettement et het pechié à faire;
car pechié est le desplaisir de Dieu. Gestes cy seront les
bonnes de quoy Dieu parla en l'euvangille, com-
me ouy
avez.
Le Livre
212
Cf parle de Nostre Dame.
Chappitre CIXe. prés vous parleray de une qui n'a point de pareille, c'est de la benoiste glorieuse vierge
Marye, mère du sauveur du monde Geste cy .
est sy haulte exemplaire que nul
ne la puest
descripre, tant y a de bien et de bonté, et la haultesse
de son cliier fdz Texaulce et esliéve son bien de jour en jour. Car par la
renommée du
filz
croist la
renommée
mère. Geste doulce vierge honnoura plus et craingnist son filz que nulle autre mère, pour ce que
de
la
dont
elle sçavoit bien
bre
et
les
de
il
estoit
;
elle fust
cham-
faictcs les espousail-
de lumanité qui apporta la vie et sauvement du monde. Dieux voulst que elle
la deité et
le saint
espousast
le saint
preudomme
;
,
homme Joseph,
compaignie à
la il
umbre de
la loy qui lors couroit
eschever les paroles du
Egypte, dont
qui estoit vieulx et
car Dieu voulst naistre soubz
mariage pour obéir à
que que
venu
temple de Dieu où furent
monde
gouverner,
,
et
et
pour luy
pour
la
,
pour
bailler
mener en
avint que, quant Joseph apperceust
elle feust grosse,
il
que ce
la cuida laissier, et lui dist
pas de lui. Mais en envoya son saint ange visiblement qui lui dist que il ne se esmaiast pas et que la groisse estoit du Saint-Esperit, pour le sauveil
savoit bien
n'estoit
celle nuit Nostre Seigneur lui ,
ment du monde
,
et lors
il
en eust grant joye
et se
DU Chevalier de La Tour. pena trop plus de la honnourer que devant que
savoit bien par le dist des prophètes
2i3 ;
car
il
de
le filz
Dieu devoit venir en une vierge qui auroit nom Marie. Sy en mercya Dieu moult humblement de la grant honneur qu'il lui avoit faite de lui avoir daingné donner sa doulce mère à la gouverner et de la veoir à ses yeulx. Et aussy la bonne vierge lui portoit hon-
neur
et obéissance
Après
ou temple
,
dont l'escripture
,
elle est loée
l'en loe
moult.
de ce que Tange la trouva seule
à genoulx en prières et en oroysons
,
et
bonne dame en devocion et ou service de Dieu. Après la loe lescripture dece qu'elle se craignoit, et en ot un pou de paour quant l'ange la ainsi doit estre toute
saluoit, et demanda
conceust enffant
homme que car toit
,
comment cepourroit
estre qu'elle
qui oncques n'avoit congneu
elle
charnellement, et
li
ange l'asseura
et luy dist
pas paour et ne se esmerveillast pas
elle n'eust
;
du Saint-Esperit, et que nulle chose n'esimpossible à Dieu, c'estoit à dire que Dieu povoit
il
seroit
faire
tout à son plaisir
et
;
mesmement
sa cousine
Elizabcth estoit enceinte bien avoit vj. mois, qui estoit
brahaigneet passé aagc. Et
lors,
quant l'ange
eut ce dist, elle se asseura et lui dist » chambrière de Dieu elle voulst
Mais ainsi
:
lui
« Veez-cy la
soit fait selon ta parolle. » Car premièrement sçavoir comment ce seroit. ne fist mie Eve, car elle estoit de trop le-
gier couraige,
;
comme font
femmes qui croyent de
aujourdui maintes simples
legicr les folz
,
dont depuis
elles viennent à la folie. Elles
ne enquièrent mie ne
ne regardent à
en vendront,
fist la
fin
du
la fin
où
elles
comme
glorieuse vierge Marie, qui enquist à lange la fait
que
il
luy anonçoit, et en fust paoureuse,
Le Livre
2i4
bonnes femmes et les bonnes dames, quant l'en leur parle de juennesse ou de chose qui puisse venir au deshonneur de elles. et ainsi doivent faire les
De
Vumilité Nostre
Dame,
Chappitrk €X% près la loue l'escripture de scn humilité car,
quant l'ange
mère du
filz
roit fin, elle
lui dist
que
;
elle seroit
de Dieu, duquel le règne n'au-
ne s'en orgueillist pas, ainçois
que elle estoit la chamberière de Dieu et que il en feust à son plaisir. Sy pleust moult à Dieu, tant que il se humilia encore plus comme descendre du ciel et daingnier prendre en son ventre virginal humanité dist
et devenir enffant.
Pour ce a cy bon exemple com-
femme
se doit humilier vers Dieu et vers
ment
toute
son seigneur et vers
le
monde. Car Dieu
plus se humiliera et se tendra moindre
,
dist
Qui
:
sera plus
hault essaucié et une foiz honnouré. Et pour certain
Dieu qui
et les
anges ayment plus humilité que vertus
Car humilité se combast contre orgueil, qui
soit.
est le pechiô
que Dieu plus het, dont
anges cheirent du
ciel.
femme soy humilier au
petit
,
et
les
mauvais
Et pour ce doit toute noble
et estre courtoise
prendre exemple à
au grant et
la vierge
Marie
,
qui
s'appella chamberière de Dieu. Après l'escripture la loe de sa courtoisie et de sa
bonne nature , quant vou-
elle ala visiter sa cousine sainte Elizabelh et la
,
DU Chevalier de La Tour. de
loit servir; et l'enfant
2i5
sainte, ce fust saint Je-
lî'
han Baptiste, s'esjoist ou ventre de sa mère tant que, par la grâce du saint esprit, sainte Elisabeth se escria que beneist feust son ventre et que elle eset que ce n'estoit toit benoiste sur toutes femmes pas rayson que la mère du fdz de Dieu vensist veoir ,
si
comme
povre femme
elle.
Ainsi se humilièrent
bonne
l'une cousine envers l'autre. Et pour ce a cy
exemple conment sines
,
unes parentes, cousines et voi-
doivent visiter l'une l'autre en leurs gesines
et leurs maladies
autres,
comme
avez
et
,
les
,
et se humilier les
firent ces
non pas
comme
dire
unes envers les
dames, comme oy
saintes
ij.
font aucunes
je suis la plus noble
grant maistresce
;
,
la
elle
plus gentil
me
vendra
qui
,
leur grant cuer félon et orgueilleux , disent
:
femme ou
la
auront envie d'aler les premières et avoir
de
la vaine gloire
;
tant
de
la plus
première veoir.
Ou
du monde
,
Avoy
le
plus
que plusieurs en
ont tous les cuers enfflés d'envye et d'orgueil par telle
guise que, quant elles ne sont mises les pre-
mières aux festes et aux assemblées , elles en perdent
le
mengier
et le boire
,
tant elles sont envieu-
ses et despiteuses, ha. Dieux! tant elles pensent peu
en la courtoysie et humilité de ces et
en ce que Dieu en
ouy avez, que
les plus
exaulciez. Helas, les
dist
ij.
humbles seront
comme
saintes
en l'Euvangille
,
les plus hault
celles foies envies
premières et de elles prisier
dames
comme de aler
le plus leur seront
une foys reprouchiées et chières vendues , et sy en rendront compte. Dont la bonne royne Hester en parle disant que, de tant comme une femme est de ,
plus grant lieu ou greigneur maistresœ, elle doit
6
,
Le Livre
21
humble
estre plus
et plus courtoise
porte elle plus de aventaige
louenge de touz; car
quant
et
,
les petiz se
de
et
tiennent honorez
grans leur font bonne chière
les
de tant em-
et
,
d'honneur
,
que
et
ilz
parlent bel àeulx, et en rapportent plus grans louen-
ges et s'en louent à tous , et pour ce n'est-il ble ne
si
hum-
sy gracieuse vertus à toute bonne haultc
dame ne jeune femme comme de povres et leur parens
siter les
royne du
humble et humiher et vi-
estre
courtoise au grant et au petit et soy
comme la comme se hu-
et lignaiges,
sa cousine et
ciel ala visiter
milièrent Tun envers l'autre.
De
In pitié et bénignité
de Nostre Dame.
Chappitre CX^.
gj®!^^
près l'escripture la loue en ce qu'elle fut
^Ê^^Ê m^i^j
^^ Galilée en nopces
que
^^!^»Ç©
aussi
vin estoit pitié
failly
le
,
de sa mère,
vin y
comme et le si
et eust pitié
failly, et
filz
en soy complaignant que
le
doulx Jhesucrist eut pitié de
la
mua
l'eaue
en vin. Et pour ce acy
bon exemple comment toute bonne dame
femme
pour ce
requist à son
doit avoir pitié de ses parens et
voisins et leur aidier et secourir de ce
et
bonne
de ses povres
que
elle
pourra
avoir; car c'est une grant charité et une franche nature.
Apres
la
doulce vierge adira son
filz
,
lequel estoit
aie disputer et preschier contre les saiges de la loy.
Sy cuida
la
bonne dame que
il
feust
monté ou
ciel
DU Chevalier de La Tour.
217
que il s'en feust aie. Sy le qucroit partout, et tant quisl que elle le trouva ; et lui dist « Beau filz, voz parens et moy avions grant paours de vous avoir et
:
adiré. » Et
il
respondil que ses parens estoient ceulx
qui faisoient la voulenté de Dieu son père. Sy estoient les juifs et les saiges touz
esbahis du grant sens
queilz trouvoientenlui, qui avoit cette
si petit
aage. Après
douleur qu'elle cuida avoir perdu son
filz,
en eut une autre grant. Car, quant ilz le offrirent au temple, saint Syméon, qui moult l'avoit déelle
siré à veoir et avoit touz jours prié
mourust point jusques à ce que le filz
de Dieu
,
et lors
,
par
la
il
Dieu que
il
ne
eust veu à ses yeulx
grâce du saint Espe-
« Vees cy sauvement du monde », et dist à sa mère que une foiz il lui soroil advis que un glaive lui perceroit l'ame et le cuer c'estoit à dire que elle verroit sa sainte passion souffrir en la croix. Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne dame et bonne femme que quant la royne du ciel et du monde avoit douleur en ce monde, que nulle ne se doitesmarit, il
la
congnust Dieu
lumière et
et dist
à haulte voix
:
le
,
,
yer ne esmerveiller se
il
lui
si elle
sueffre
aucune mesaise,
viennent douleurs et tribulacions
,
et
puisque
si haulte dame en souffry en ce chaistif monde. Et doncqucs en devons bien souffrir et avoir pacience, nous qui sommes povres pécheurs et pécheresses et selon noz mériqui desservons plus mal que bien ,
tes, et
ne devons par rayson estre espargniez d'avoir
aiicunes foiz douleur ettribulacion, quanlilne espar-
gna pas sa doulce mère.
,
Le Livre
2i8
De
la charité Nostre
Dame.
Chappitre CXII^ dames doivent
près les bonnes
teuses et charitables
comme
estre pi-
la sainte
qui donnoit pour Dieu et pour
dame plus
pitié le
^
de ce qu'elle avoit, et à l'exemple de fist
Luce
elle
Cedames, qui estoient donnoient le plus de leurs
aussi sainte Elizabeth
,
sainte
,
sainte
cîlle et plusieurs aultres sainctes
sy charitables que elles revenues aux povres
et
aux mesaisiez ,
si
comme
est contenu en leurs légendes, dont je vouldroye
voussceussiez un exemple d'une bonne dame de
me
qui estoit à la messe
;
elle
il
que
Rom-
resgarda delez elle
une povre femme qui trembloit de froit par un fort y ver; la bonne dame en eut pitié et se leva de son siège, et appel la privéement la povre
mena en son
femme
et la
donna son peliçon. Sy advint tel miracle que le prestre ne pouvoit sonner motneparlerjusquesàtant que la bonne dame feust revenue , et dès ce que elle feust revenue , la voix lui revint, et vit puis par advision la cause et comment Dieu se louoit à ses anges du don que la bonne dame lui fist. Sy a cy bon exemple â toute bonne dame d'estre charitable et aumosnière et non pas laissier avoir froit , fain ne mesaise à ses povres voysins ne voisines de tout ce qu'elles pourhostel qui estoit près et lui
ront avoir mestier, selon leur povoir. Car c'est grant
DU Chevalier de La Tour. franchise de veilles plaist
noite vierge glorieuse
vous en ay pou parlé tière à parler
celle
,
2^9
bonne nature et une chose qui à merà Dieu. Or vous ay-je parlé de la be-
;
,
à qui nul ne s'appareille car trop seroit longue la
de tous ses
quant en présent
,
dames veuves de Romme,
faiz.
et
Sy vous
,
et
ma-
lairay
de
vous diray des bonnes
lesquelles, quant elles se
tenoienl seintement et nettement en leur vefveté, Ten les couronnoit par
Sy
seroit
honneur en singne de chasteté.
longue chose à vous racompter la bonté et
de elles et de leurs bonnes meurs. Sy vous ay parlé premièrement des bonnes dames qui furent
la charité
avant l'advenement de nostre seigneur Jliesucrist,
comme il a esté trouvé en la Bible. Après je vous ay raconté d'aucunes bonnes dames depuis le nouvel Testament, c'est assavoir depuis que Dieu vint en si
la glorieuse vierge Marie, et aussi
escripture loue les bonnes
comment
dames de
la sainte
cellui
temps.
que nous louons aucunes de ce temps où nous sommes si je vous en diray de chascun estât un ou ij. pour monstrer exemple aux autres; Il
est raisons
;
car l'en ne doit pas celer les biens et l'onneur d'icelles,
ne nulle bonne dame ne doit avoir desdaing, du bien et du bon racompter des
fors soy esjouir
bonnes dames. Premièrement je y mcttray Jehanne de France.
la
royne
,
Le Livre
220
Cf parle de
la
royne Jehanne de France.
Chappitre CXIII'. a bonne royne Jehanne de France, qui n'a gaires qu'elle
sainte vie
,
et
mourut,
devocions et de aumosnes si
net et
,
le
de
plaine de
son estât
tint
racompter. Après mectrons-nous la
duchesse d'Orléans, qui moult a eu à s'est
et
,
noble et de bonne ordenance que grant
si
chose seroit à jours
fust saige et
moult charitable
souffrir, et touz
tenue sainctement et nettement, devant et
après mais c'est longue chose à racompter de ses bonnes meurs et de sa bonne vie. Et ne devons mie oublier la contesse mère au conte, comment elle s'est noblement gouvernée en sa vefvetè et nourri ;
ses enffans et sa terre bien gouverné et usé de bonne vie. Après si vous parleray de chascun estât. Sy vous parleray d'une baronnesse qui demouroit en
nostre pays, qui a resté bien vefve l'espace de vingt-
cinq ans, et estoit juenne et belle quant son seigneur
mourut
,
et fut
son secret que
,
moult requise ; mais elle disoit en pour l'amour de son feu seigneur et
de ses enffans qui estoient jeunes , que jamais ne semariée et a maintenu sa vefvetè nettement
roit
;
sans reproche, dont elle doit estre louée. Et la vous desclaire ray
:
c'est
madame
d'Artus.
DU Chevalier de La Tour.
De plusieurs dames
221
vefres.
Chappitre CXIII^. près je vous diray d une
dame femme ,
à
chevalier compaignon', qui est vefve dès
de Crécy, il y a bonne dame estoit moult belle et juenne et moult a esté demandée de plusieurs lieux. Mais oncques marier ne se voulst, ains a touz jours nourry ses enffans moult honnorablement. Sy doit estre moult louée, et plus encore du temps de son seigneur. Car son seigneur si estoit petit, tort et borgne et moult maugracieux, et elle estoit belle et juenne et grant gentil femme de par elle. Mais la gentille dame lama moult et honnoura autant comme femme puet amer homme , et le craingnoit et servoit si humblement que moult de gent s'en merveilloient. Sy doit estre mise ou compte des bonnes, pour ce que en elle n'a riens que reproucher ne devant ne d'après. Après vous compteray de une dame, femme d'un simple bachelier. La dame estoit belle et juenne et de bon lignage, et son seigneur estoit vieil et ancien et tourné en enffance, et faisoit soubz soy comme un enffant et avoit maladie bien laide; mais non obstant la bonne dame le servoit jour et nuit plus humblement que ne peust faire une pele
tems de
la bataille
xxvj. ans. Celle ,
tite
chamberière ou une petite femme servante
meist à peines la main où celle bonne
dame
la
;
et
met-
Le Livre
222
L'en la venoit querre bien souvent pour la faire
toit.
chanter et dancier es festes
souvent en la
ville
où
y aloit, ne riens ne la que il feust temps de
elle
,
menu
qui estoient
et
demouroit. Mais trop poy
Teure que elle sçavoit aucun service à son sei-
tensist à faire
gneur. Et, se aucune lui deist
» siez autrement esbatre
:
«
Madame, vous deus-
et estre liée, et laissierdor-
» mir vostre preudomme, qui n'a de riens mais mes» tier que de repos » dire
;
,
sy savoit bien que
elle leur respondoit
saigement que
c'estoit ,
à
de tant
qu'il estoit
plus à malaise, avoit-il plus grant mes-
tier d'ostre
servy, et que elle prenoit assés de joye et
d'esbat à estre entour lui et lui faire chose qui lui
ûue vous
pleust.
lui parloit
de
la
diray-je? Elle trouvoit assez qui
joye et de l'esbatement du siècle;
mais nul n'y povoit venir ne pincier ne mordre, tant estoit loyale et
neur de elle se
elle.
ferme à son seigneur
et à
garder
l'on-
Et après que son seigneur fust mort, se
gouverna bien en son mariage
,
si s'est-elle
bien gouverjiée en sa vefveté, et nourry ses enffans
sans soy vouloir consentir à mariaige
en tous estaz
elle doit estre
des bonnes, combien qu'elle ne tresse
;
mais
exemple taire le
et
le
,
et
par ainsi
louée et mise en compte soit
pas grant mais-
bien et la bonté d'elle doit estre bon
mirouer aux autres,
et
ne doit
l'en point
bien de ceulx qui l'ont desservy. Et pour ce
vous ay-je racompté d'aucunes de nos dames d'aujourduy de chascun estât une ; quar, se je vouloye de toutes racompter, je auroye trop à faire et seroit
matière trop longue
;
ma
car moult en y a de bonnes ou
royaulme de France et ailleurs. Gestes bonnes dames de quoy je vous parle sont sans reproche, et droite-
,
DU Chevalier de La Tour. ment esprouvées de bonté en
22.3
leur mariage et en leur
vefvelé, et en ont moult eschevé les juennesses et
du monde,
les parolles
me
et ont tenu leur
bon
estât fer-
sans ce que l'en se peut jengler d'elles. Elles ne
se sont pas remariées par plaisance à maindres d'es-
que
tat
n'estoient leurs seigneurs
car je pense que
;
celles qui s'abaissent par plaisance, de leur voulenté,
sans le conseil de leurs amis avient aucunefoiz que
,
font contre elles. Et
,
quant un
petit
esté
,
et
quant
plus
grant honneur
si
lors leur yst
Et aucunes n'est pas
amendrist et fault
la plaisance se
revoyent quant les grandes ne leur por-
et elles se
tent
de temps est
comme yver et
passé et que le temps se remue ainssi
du cuer
la
foiz elles chieent
temps ,
et
,
comme
vergoingne
elles souloient,
,
et se
revoyent.
en repentaillcs
quant de
ma
mais
;
semblance
,
il
il
me
semble que ceux qui prengncnt leur grant dame à et font de leur dame leur subgiete , je pense
femme que
c'est
chose et
haultaine
neur, par laquelle
de vaillance
de
;
car,
il
comme
sa grant
noble d'on-
peust venir tant de honneur et
de ce
celle qui souloit estre
espousée
qu'il l'a
dame
,
et
et sera appelle seigneur, et sera faillir et
si
dame
grant pitié de mettre en scrvaige si
il
est sire
à présent est sire
en grant crainte de
désobéir, mais ce sera tantost passé.
11
me
semble que il vueille venir au repos car les grans emprises de venir à honneur pour plaire à sa dame sont passées. Si a moult à dire en cest fait en plu,
sieurs manières
;
car cellui qui
lui
a juré foy et
loyauté de garder son honneur et son estât à son povoir, et depuis faire contre la
l'a
conseillié à soy
abaissier et à
voulenté de ses seigneurs et de ses
^K Livre
224 amis pour
son
faire
plaisir, je
ne sçay
si
c'est
bon
conseil et féal, et de tirer à la mettre la derrenière, qui souloit aler la première. Si est assez à dire et a assez
donné à parler aux gens.
Cf parle d'un simple chei^alier qui espousa une grant dame,
CnAPPITRE CXV^. ont je sçay bien
un exemple d un simple
chevalier qui espousa une grant dame,
mais, toutes les
fois
que Messire de D or-
val le veoit, le premier salut que si estoit lui
subler, et puis lui dit que
rossignol.
Car,
quant
le
il
rossignol a jouy
subie. Sy vous
il
lui fist
ressemble au de ses
dy bien que le chevalier liés de la bourde, quelque chière que il en feist. Si vous laisse atant de cestes dames. Mais, mes chières filles prenez y bon exemple et gardez bien que , si Dieu vous a donnés seigneurs et que vous soyez vefves que vous ne vous remariez ne par plaisance ne par amouretcs, fors par le gré et le bon conseil de voz parens et amis et ainsi garderez vostre honneur sauve et entière sans reproche , et tout bien et honneur vous en vendra, et ne sublera Ten pas de vous ne de vostre mary, et n'en dira l'en pas les gouUées ne les paroles comme l'en fait de maintes, dont je me tais et de ccste matière.
amours, n'est mie
il
,
,
,
,
BU Chevalier de La Tour.
22.5
Cy parle de bonne renommée.
Chappitre
CXVK
si vous sçavés le grajil honneur et le grant bien qui yst de la bonne renommée, qui tant est noble vertus , vous mettrés cuer et peine de y entendre, tout aussi comme fait le bon chevalier d'onneur qui lire avenir à vaillance, qui tant en trait de paine et de grans chaux et de frois, et met son corps en tant d'aventure de mourir ou de vivre pour, avoir honneur et bonne renommée , et en laisse son corps en mains véages, en maintes battailles, et en maints assaulx, et en maintes armées et en maints
es belles filles,
grans perilz. Et quant endurée,
il
et servis, et lui sez. Mais nul l'en
li
est-il
il
a assez souffert paine
est trait avant et
donne
l'en
et.
mis en grans honneurs
grans dons et prouffis as-
ne se apparrage à
la
grant honneur que
porte, ne à la grant rcnomée. Et tout aussi
de
la
bonne femme
et
de
la
bonne dame qui
en tous lieuz est renommée en honneur c'est la
preude femme qui met paine
et
en bien
et travail à te-
nir nettement son corps et son honneur, et refuse sa
juennesce elle
les faulx
delis et folles plaisances
puet recouvrer et recevoir blasme.
Comme
dont j'ay
du bon chevalier qui telle peine sueffre pour estre mis ou nombre des bons, ainsi le doit faire toute bonne femme et bonne dame et y penser, et comme dit
,
Le Livre
226 elle
en acquiert l'amour de Dieu et de son seigneur
du monde et aussy de ses amis , et le sauvement de son ame, qui est le plus digne, dont le monde la loue et Dieu encore plus , car il l'appelle la précieuse margarite, c'est une tine perle, qui est blanche, et
ronde et clère, sans taichc y veoir. Si a cy bonne exemple comment Dieux loua la bonne femme en Teuvangij'e, et
si
doivent toutes gens; car l'en doist
autant faire de bien et d'onneur à la bonne
damoiseDe
comme
dame ou
au bon chevalier ou escuier, et
plus, dont le monde est aujourd'hui bestourné, et hon-
neur
n'est point si
son droit estât
gardée en sa droite règle et en
comme
diray
comment je
en plusieurs cas bonnes femmes. Et vous
elle souloit
et spécialement l'onneur des
l'ouy racompter à
mon
seigneur
bons chevaliers et preud'hommes, comment en son temps on honnouroit les bonnés femmes , et comment les blasmées estoient rusées et séparées des bonnes , et n'a pas encore xl. de père
et à plusieurs
ans que ceste coustume couroit lon ce que
communément
,
se-
temps une femme qui fust blasmée ne feust sy hardie de soy retraire ou renc des bonnes qu'elle n'en feust reboutée. Dont je vous conteray de deux bons chevalliers ilz
disoient. Car en cellui
de cellui temps, dont l'un avoit nom Messire Raoul de Lugre et l'autre Messire Gieffroy, et estoient frères et bons chevaliers d'armes, qui lors couroient es
voiages, es tournoiz et aux autres lieux là où
ilz
po-
Hz estoient renommés honpourés comme Charny, Bouciquautou Saintré, voient trouver honneur.
pour ce avoient leur parler sur touz, ils
feussent escoutés
comme
et
et cl
convenoitque
chevaliers auctorisez.
DU Chevalier de La Tour.
Comment
227
l'en doit croire les anciens.
Chappitre CXVII'. ont
advenoit que, se
il
jeunes
IMÂ
homs de
ilz
veissent à
un à
lignaige faire chose qui
s^" honneur ne feust,
ilz
hiy montrassent
sa faulte devant touz, et pour ce juennes
hommes il
vint à
Dont
les craingnoient moult.
j'oy raconter à
mon
une grant
il
avint:
que
seigneur et père que une foiz feste
où avoit grant foyson de
seigneurs et de dames et de damoyselles. Sy arriva
comme
l'en vouloit aseoir
à table, et avoit vestu une
cote hardie à la guise d'Alemaigne. Sy vint saluer les^
dames
et les seigneurs, et
quant
il
eust
fait
ses reve-
ranccs, cellui Messire Gieffroy le va appeller devant
tous et lui
demanda où
trument, et que
faist
il
estoit sa vielle
» m'en sauroie mesler. » »
pourroye croire
»
comme un
;
—
« Sire », dit-il, « je ne le
car vous estes contrefait et vestu
ménestrel. Car, en bonne foy, je con-
» gnoys bien vos ancesseurs et les » la Tour dont vous estes i>
vy qui
Lors
il
;
ainsi se contrefist
luy repondist
» ble bon, trel et lui
il
ou son ins-
de son mestier. « Sire, je ne
:
preudhommes de
mais onques mais je ne ne
vestit telles robes.
»
semSy appella un ménes-
« Sire, puisque ne vous
sera amendé. »
donnst sa coste et la lui
fist
vestir, et prist
autre robe. Sy revint en la salle, et lors le bon chevalier lui dist
:
a Vrayement, cestuy-cy ne se forvoye
Le I^ivre
228 » pas, car
croit conseil
il
» touzjuennes
de plus vieulx que
hommes et jeunes femmes
lui.
Car
qui croient
» conseil et ne contrarient mie le dit des anciens ne
peuvent
de venir à honneur. » Et aussi dit pour bien et honneur Tavoit dit. El pour ce a cy bon exemple comment Ten doit croire et 5>
faillir
le preudons, qui
avoir honte et vergoingne de renseignement des sailui. Car ce que ilz dient et que pour bien et honneur ; mais noz juennes hommes et noz juennes femmes de aujourd'hui n'y prennent mie garde, ainçois tiennent à
ges et des plus anciens de
enseignent,
ilz
ne
le font
grant despit de ce que l'en les reprent de leurs folies, et
cuident aujourd'uy estre plus saiges que les
anciens et de ceulx qui ont plus veu que eulx. Si est
grant pitié et grant folie de
telle
descongnoissancc
avoir en eulx; car tout gentil cucr de
bonne nature
doit avoir grant joye quant l'en le reprent de faulte.
Et se
là voit-on
est saige et franc
esprouvée
des juennes villain
il
la
hommes et
bonne
il
lui
et la
sa
merciera, et
franche nature
des juennes femmes; car nul
cuer n'en rendra jà grâces ne mercis, ne jà comment ilz parlè-
gré ne saura. Or vous ay parlé
hommes. Or vous dicomment ilz donnoient bon exemple es bonnes dames et es bonnes damoiselles en icelui temps.
rent et chastièrent les jeunes ray-je
DU Chevalier de La Tour.
229
Des anciennes coustumes.
Chappitre CXVII^. i
e temps de lors estoit en paiz, et tenoient
grans festes et grans reveaulx Et toutes niji.
nières de chevaliers, de
dames et de damoi-
selles s'asambloienl là où ilz aloient et où il/
avoient les festes, qui estoyent
menu et
souvent, et là
venoient par grant honneur les bons chevaliers de cellui
temps. Mais, se il advenist par aucune aventure que
dame ne damoiselle qui
eust mauvais renon ne qui fust
blasmée de son honneur se meist avant une bonne dame ou une bonne damoiselle de bonne renommée,
combien que noble
femme ou eust plus mary, tantost ces bons chevaliers
elle fust plus gentil
et plus riche
de leurs droits n'eussent point de honte de venir à elles,
tre
devant tous
,
et
prendre
bonnes
les
et les
met-
au dessus des blasmées, et leur deyssent devant
ceste dame ou dacombien que elle ne » soit si noble ou si riche comme vous elle n'est » point blasmée , ains est mise ou conte des bonnes
tous
:
«
Dame, ne vous desplaise
» moiselle vail avant vous
;
si
car,
,
» et des nettes. Et ainsi ne dit l'en pas de vous, dont »
me
desplaist, mais l'en fera
honneur à qui
l'a
» desservy, et pour ce ne voz en mcrveillez pas. »
Et ainsi [)arloient les bons chevaliers, et mcttoient les
bonnes
et
de bonne renommée
elles mercioient Dieu
les
premières , dont
en leur cuer de elles eslre te-
Le Livre
23o nues nettement et
,
par quoy elles s'estoient honorées
mises avant , et les autres se prenoient au nez
baissoient les visages
,
et recevoient
et de grans vergoingnes. Et
ple à toute gentil
femme
;
pour ce
et
de grans hontes estoit
bon exem-
car pour la houle que el-
les ouoient dire
aux autres,
gnoient à faire
le
elles doubloient et crain-
mal. Mais, Dieu mercy, aujour-
duy Ton porte aussi bien honneur aux blasmées comaux bonnes, dont maintes y prennent mal ex:emple et disent « Avoy, je voy que Ten porte aussi » grant honneur à telle, qui est blasmée et diffamée, » comme aux bonnes ; il n'i a force de mal faire ; tout » se passe. » Mais toutes voies ce est mal dit et mal pensé, combien qu'il y ait grant vice car, en bonne foy, combien que en leur présence l'en leur face honneur et courtoisie , quant l'en est party de elles l'en s'en bourde, et disent les compaignons et les gengleurs « Vées cy une telle elle est trop bien cour-
me
:
;
:
;
» toise de son corps et la racontent et la ses. Et ainsi tel lui
devant, qui lui
;
tel et tel
seesbat avecques elle »,
nombrent avecques les mauvaifait honneur et belle chière par
trait la
langue par derrière. Mais
les
ne s'en apperçoivent mie , ains se esbaudissent en leur folie, et leur semble que nul ne scet leur honte ne leur faulte. Sy est le temps changé comme folies
il
souloit, et je pense
que
c'est
mal
fait, et
que
il
vaulsist mieulx devant touz monstrer leurs faultes et
leurs folies,
comme ilz faisoient en cellui temps
dont
vousay compté. Et vous diray encoresplus, comme j'ay ouy compter à plusieurs chevaliers qui virent cellui messire Gieffroy de Lugre et autres, que, se il chevauchast par le pays, il demandast « A qui
je
:
DU Chevalier de La Tour. » est cellui herbergement là? », et l'en
il
se torsist
281 deist
:
blasmée de son avant d'un quart de lieue que il
« C'est à telle », se la
honneur,
dame
\m
feust
ne vensist devant la porte, et luy feist un pet, et puis pransist un poy de croye qu'il portoit en son saicbet et escrisist en la porte ou en l'uis « Un pet un pet », et y faisoit un signet et s'en vensist. Et aussi au contraire, se il passast devant l'ostel à dame ou damoiselle de bonne renommée , se il n'eust moult granthaste il la vensist veoiret huchast « Ma bonne » amye, ou bonne dame ou damoyselle , je prie à M Dieu que en cest bien et ceste honneur il vous » vueille maintenir en nombre des bonnes ; car bien » devez estre louée et honnourée. » Et par celle voye les bonnes se craingnoient et se tenoient plus fermes :
,
:
,
et plus closes de ne faire chose dont elles poussent
perdre leur honneur et leur
estât.
Sy vouldroye que
temps fust revenu; car je pense que il n'en feust mie tant de blasmées comme il est à présent. Dont , se femmes pensoient ou temps de devant l'advenement nostre seigneur Jhesucrist , qui dura
cellui
plus de
v.»"
ans
comme
,
par
ij.
les
mauvaises femmes
femme mariée
especialement toute
et
qui feust prouvée
tesmoings avoir eu compaingnie à autre que à
son seigneur, elle feust arse ou lappidée, ne pour or
ne pour argent
elle n'en feust rachetée, tant
feust, selon la loy
de Dieu
et
de Moyses
,
et
noble
encore
ne sçay-jc guières de royaulmes aujourd'uy , fors le royaulme de France et d'Angleterre et en ceste basse dés ce que l'en meurent dès ce que l'en en c'est-à-dire en Rommenic , en Espai-
Alemaigne, de qui
en puet
l'en n'en face justice
savoir, et qui ne
scet la vérité,
Le Livre
232 gne, en Arrag^on
En aucuns
et
en plusieurs autres royaulmes,
lieux l'en leur couppe les gorges, en au-
tres lieux l'en les murtrist à touaillons
emmure. Et pour
,
en autres
bonne exemple à toute bonne femme que, combien que en cest royaume l'en n'en face plus justice comme l'en fait lieux l'en les
ce est
en plusieurs autres lieux , elles n'en laissent pas à en perdre leur honneur et estât, et l'amour de leur seigneur et de ses amis, et l'onneur du monde, comme donner langaige aux gengleurs, qui, au matin et au
soir,
en tiennent leurs esbatemens
lées de moqueries
,
et
gou-
et leurs
en oultre l'amour
et la
grâce
de Dieu, qui est le plus fort; car elle est séparée du Kvre des bonnes et des saintes femmes, si comme il est contenu plus à plain
en
la vie
des Pères. Mais
compte en seroit trop long à racompter, dont diray un moult bel et bon exemple , qui est noble et
le plus hault
sermon
la
le
plus
comme ce dont Dieux si comme le racompte
de tous,
parla de sa propre bouche la sainte escripture,
le
je vous
,
comment Dieu loua en son
bonne preude femme.
saint
DU Chevalier de La Tour.
Comment Nostre Seigneur
233
loue les bonnes
femmes.
Chappitre GXIX'. ieux loue la bonne
comme
pure,
c'est
femme
,
la nette et la
noble chose et sainte
que de bonne femme car, quant Dieu de bouche la loue, dont par ;
sa propre sainte
bonne raison
amer
le
monde
et toutes
et louer et chier tenir.
vangile des vierges que
11
gens
la
doivent bien,
est contenu
en l'eu-
doulx Ihesucrist preschoit
le
et enseignoit le peuple. Sy parla sur la matière des bonnes et des nettes femmes, là où il dist Vna preciosa margarita comparavit eam. Je vous dy, dist :
que femme qui est bonne et nette comparée à la précieuse marguerite. Et ce à merveilles dist car une marguerite est une
nostre seigneur
,
doit estre fust
;
grosse perle réonde d'oriant, clère, blanche et nette. Et,
y
quant
elle est clère et nette, sans nulle tache
veoir, celle précieuse pierre est appelée précieuse
margarite. Et ainsi montra Dieux la valeur et la
bonté de
la
bonne
et nette
nette et sans taiche
mariée
,
femme. Car
celle qui est
c'est-à-dire celle qui n'est pas
et se tient vierge
ou chaste
,
et
aussi celle
qui est mariée et se tient nettement ou saint sacre-
ment de mariaige, sans souffrir estre avillée que de son époux que Dieu lui a destiné et donné et aussy ,
celle f[ui
nettement
lient
son vefvage, cestes-cy sont
Le Livre
234 celles, si
comme
dit la glose,
sainte Euvangile.
Ce sont
de qui Dieu parla en sa
celles qui
en ces iij. estas sontcom-
se tiennent nettement et chastement. Elles
paragiées,
si
comme
disl nostre seigneur Jhesucrist,
à la précieuse marguerite, qui est clère et nette, sans nulle taiche. Car,
si
comme
Nulle chose n'est
si
noble que de bonne
dit la sainte escripture
:
femme et plus que Tom,
aux angels en partie de mérite, selon rayson, pour elles sont de plus foible et legier couraige que neslThomme, c est-à-dire que la femme feust traitte de l'omme, et, de tant comme elle feust plus foible et elle puet bien résister aux tamptacions de l'enneplayst à Dieu et
me, et ce que
my
doit avoir plus
et de la chair, et,
en Taventure, de tant doit-elle que Tomme. Et pour ce la com-
avoir plus grant mérite
paraige Dieu à la noble précieuse marguerite, qui est clère. Et aussi dit la glose
aussy
comme
délié cueuvrechief à
en un autre lieu que,
baillier un blanc et un grant seigneur ouquel en lui
c'est laide
chose à
baillant l'en espendroit grosses gouttes d'encre noi-
aussy celles gouttes noires les espandre sur
re, et
une esculée de
lait
qui est blanc, tout ainsi celle qui
doit estre pucelle, et baille son pucellaige à autre
que à son espoux, et aussy grant mauvaistié chair,
ment,
,
la
mariée qui, par sa
sa leiche et sa fausse lecherie de
rompt et casse son mariaige et son saint sacreet ment sa foy et sa loy vers Dieu et Tesglise,
et vers
son seigneur
,
et aussi celle qui se doit tenir
nettement en sa vefveté, cestes manières de femmes resemblent les taiches laides qui sur le blanc lait et sur
le
rent
;
cueuvrechief de grosses goûtes noires appèelles
ne sont de riens aux précieuses m^irgue-
,
DU Chevalier de La Tour. rites
235
car en la précieuse marguerite n'a nulles tai-
;
ches ne goûtes noires. Hélas
!
femme
tant la
se doit
bien haïr et maudire sa mauvaise vie, quant elle n'est
plus ou
nombre des bonnes dont Dieu
parla ainsi
à
ses appostres et au pueple. Dont, se elles pensoient
bien à
choses, l'une,
iij.
comme
rier perdent leur mariaige
celles qui sont à
du monde,
rent la honte et hayne de leurs amis et
•
comme comme
chascun
Dieu
de son seigneur et de tous ses amis
et
elles
tous autres
chevance
en
;
,
les
ma-
leur honneur et acquiè-
,
monstre au doy
;
les
mariées
perdent toute honneur et l'amour de et puis
Dieu
lui nuist à avoir
et
de
bien et
car des diffameures et laidures que l'en
dit seroit trop
long à raconter. Car
telz leur feront
belle chière par devant qui puis leur traira la langue
par derrière , et en tendront leurs comptes et leurs
moqueries, et en feront chacun jour leur parlement; mais après jamais elles n'aymeront de bon cuer leurs seigneurs,
comme j'ay
en
dit
l'autre livre
;
Tannemi
leur fera plus trouver de ardeur et ardant délit en
dampnable que en l'euvre de saint mariage car, en l'euvre de mariage, qui est ouvre commandée de Dieu, n'a point de pechié mortel, et pour ce n'a Tannemy que y veoir ne leurs ribauderies et en pechié mortel ;
que y regarder
mais en ribauderies et en pechié
;
l'ennemy povoir, et y est en sa personne et eschauffe et atise le pécheur et la pécheresse au
mortel
là a
faulx délit ; aussi
comme
et souffle en la fournaize
le fèvre qui ,
met le charbon
ainsi le fait
l'ennemy en
celluy mestier, et les y tient liés et cnflambez de cel-
luy ardent délit en pechié mortel, car sa gaaingnc, et
s'il
les
puet
faire
il
le fait
pour
mourir en pechié
Le Livre
ï3G mortel, et
emporte Tame en
il
en a aussi grant joye
comme
il
prent sa beste et
l'ennemy de
et
femmes
telles
et c'est bien rayson, si rè,
apayé
chasseur qui a toute jour chassé
le
puis au soir fait
douleur d'cnffer,
la
et se tient aussi bien
comma
que ceulx qui euvrent de
1
et
emporte de
;
telles
,
et
aussi
gens;
dit la sainte escriptu-
telles
chaleurs de luxure
y ont prins leur puant délit de la char soyent mis
et portez
en
chaleur et en la flambe du feu d'enffer.
la
Et c est bien rayson
,
dit
un
saint hermite en la viç
des Pères, que lune chaleur soit mise avecques lau-
que tout se poursuive en cest monde
tre, et l'autre
ne
soit
De
comme
car, si
;
Dieu
dit,
mery ne nul mal qui ne
il
soit
ChAPPITRE r
en
pugni.
la fille d'un dkei^alier qui perdy
mariée par sa
et
n'est nul bien qu'il
à
estre
folie.
Vlxxe.
vous diray un autre exemple de la tille à estre mariée , qui perdy
d'un chevalier I
à
un
chevalier pour sa cointise. Et vous
diray comment filles,
dont l'ainsnée
chevalier
un de
fist
un chevalier avoit plusieurs mariée. Sy advint que un
estoit
demander la seconde fille, et furent à du mariage, et tant que le cheva-
la terre et
pour la veoir et pour la tiancier, se elle lui oncques mais ne Tavoit veue. Et celle damoiselle, qui sceust bien que il devoit venir, se
lier vint
plaisoit, car
DU Chevalier DE La Tour.
287
acesma et se cointy le mieulz que elle pot, et, pour sembler à avoir plus beau corps et plus gresle , elle ne vesty que une cotte hardie, delfourée, bien bien jointe. Si
et
estroilte
bien simplement vestue froit
eust
,
grant
fist
vent de bise et avoit fort gelé
,
si
froil et fort
et celle
qui feust
,
parfaitement grant
tellement que elle feust toute noire de
Sy que
froit.
arriva le chevalier qui la venoit veoir, et regarda
sa couleur fust morte et pale et ternie
garda avoit toit
l'autre scur, plus
bonne couleur fresche si
brief estre mariée.
da assez lune pella
ij.
et l'autre, tant
,
comme
car elle es-
celle qui
ne
Le chevalier regar-
que après disner
ap-
il
venuz estoientavecques lui, et « Beaulx seigneurs nous sommes venuz ,
:
» veoir les
que
aussy re-
ses parens, qui
leur dist
»
et vermeille
bien vestue et chaudement,
pensoit pas
et
,
juenne que celle, laquelle
filles
au se^neur de céans
je auray laquelle
» avisé la tierce
amis de
lui
,
fille.
»
que
—
«
,
et sçay bien
je vouldray
Avoy,
;
mais j'ay
sire », distrent les
« ce n'est pas bien dit
;
car plus grant
honneur vous sera de sa suer ainsnée. »— « Beaulx » amis » , dist le chevalier, « je n'y voy point d'a-
y>
» vantaige que trop
pou ; vous sçavez qu'elles ont une
» suer ainsnée de elles qui est mariée et dont sonl» elles toutes puisnées, et je voy la tierce
fille
plus
» belle et fresche et de meilleur couleur que la se» conde
,
dont
l'en
me
parloit
;
» sance. » Sy luy respondirent
que son roit. fille,
plaisir si feust
lui fut
est telle
que
il
fist
ma
c'estoit
acompli et ce que
Et ainsi advint; car qui
si
demander
il
plai-
rayson
pense-
la tierce
octroyée, et en furent moult de gens
esmerveillez, et par especial celle qai
si
bien
s'i
at-
Le Livre
238
comme ouy
tendoit et qui ainsi s'estoit cointie Si advint que, après
un pou de temps,
avez.
celle suer se-
conde, qui perdu avoit le chevalier pour le grant qui Tavoit elle fust
que
faite ternir et pallir,
mieulx vestue
couleur
la
et
que le
prise, et tant
et
li
dist
,
lui revinst, elle fust
fresche d'assés que sa suer
que
,
que
plus belle et plus le chevalier avoit
le chevalier s'en
esmerveilla tout
« Belle suer, quant je vins pour vous veoir
:
» et vostre suer, vous ne estiés point
comme vous estes
» pars
froit
que quant vint que temps fust eschauffé,
;
si
belle de vij.
car vous estes maintenant
» blanche et vermeille , et lors vous estiez noire et » palle
» vous
et estoit lors vostre
,
;
suer plus belle que
mais maintenant vous la passez, je
» grant merveille. » Lors respondit
me du
chevalier
comment
» ray
Mon
«
:
en
il
,
fem-
seigneur, je vous conte-
fust, et
ne
fust autrement.
» suer, que vous veés cy, pensoit, et » tous
me donne
la mariée,
que vous venissiez pour
Ma
nous Sy se
si faisions-
la fiancer.
» cointy pour avoir plus bel corps et plus gresle, et ne » vestit que une cote deffourée, et le »
que
lui
permua
la couleur, et je
» à tant d'onneur et
,
grant,
de bien avoir comme de vous
» avoir à seigneur, ne
me
cointiay point, ainsçois es-
chaudement vestue si avoye meilleur couleur, dont je mercy Dieu de quoy je
» toie bien fourrée et »
froit fust
qui ne pensoye
;
a chey en vostre plaisance, et benoist soit Dieu dont
»
ma
suer se vesty
si
simplement; car je sçay bien,
» se ne feust celle aventure, que vous ne m'eussiés
» pas prise pour mariée de
la laissier. »
la suer, et toutes '
Et ainsi se gogoya la
voyes
elle disoit voir,
car ainsi perdit celle damoiselle le chevalier par sa
BU Chevalier de La Tour. cointise,
comme oy
289
avés. Car par telle cointise elle
devint palle et descoulouréc. Sy est cy bon exemple
comment
l'en
ne se doit mie
si
lingement ne
si
jo-
liettement vestir, pour soy greslir et faire le beau
corps ou temps d yver, que l'on en perde sa manière
comme il advint à Messire Foulques comme il me dit que advenu lui estoil
et sa couleur, si
de Laval sur le
,
fait
si
de cesle exemple
dont je
,
vous comp-
le
teray.
De messire Fouques de La^al, qui
ala veoir
sa mie.
Chappitre essire
VIxxlc,
Fouques de Laval
estoit
moult beaux
chevalier et moult net entre tous autres chevaliers et il
,
me compta, que une
dame par amours. Sy il
et si savoit
son maintieng. foiz
estoit
moult sa manière
Si lui il
comme
advint,
estoit aie veoir sa
en ung temps d'iver que
avoit fort gelé et faisoit moult grant
froit.
Si
se estoit au matin cointy et vestu d'une cosle d'es-
un chappcron
carlate bien brodée, et avoit
glé sans penne, et n'avoit que la chemise et
un chapperon
perles
,
vent et estroit toit
tout san,
sa coste
tout sanglé et bien brodé de
et n'avoit
bonnes
mantel ne ganz ne moufles. Le
le froit fut grant, et
il
estoit bien joint et bien
en celle cote, et enduroit
le
grant
froit et
es-
tout noir et tout palle et toutentoussé. Et là vint
Le Livre
2^0
un autre chevalier, qui
dame mais ;
estoit
il
ne
aussi estoit
chaudement vestu
et avoit
ron doublé, et estoit rouge
bonne couleur et
il
eust
fait le
amoureux de
celle
pas ainsi gayement arrayé, âins
fust
Quant
et vive.
mantel et chappe-
comme un
coq
,
et avoit
le chevalier fust arrivé
bien veignant, la
dame
lui' fisl
bonne
chière et liée et meilleur que à messire Fouques, ce lui
sembloit, et lui tenoit plus grant compaignie, et
dit la
dame
Fouques
à Messire
:
« Trayez-vous près
» du feu. Je double que vous estes
mal saing; vous
» avez trop fade couleur. » Et il respondyque
il
n'a-
voit nul mal. Et touteffoiz l'autre chevalier eust meil-
leure chière d assez. Sy se passa la chose ainsi, et ne
demoura pas plus d un mois que messire Fouques espia que le chevalier devoit venir sur les parties
où il
estoit celle
dame,
à la journée qu'il sceust que dame, il vint d'autre part et se Mes messire Fouques se arroya et,
arriva pour veoir la
retrouvèrent leans.
bien autrement qu'il n'estoit à l'autre foiz vesty bien et chaudement,
;
car
il
se
que il ne perdy pas sa couleur comme à l'autre foiz pour esprouver comment la chose yroit ne à quoy il tenoit; mais pour si
,
eust la meilleure chière et la plus privée
certain
il
à celle
foiz.
tenir
Dont
chaudement,
il
me
et
que
dist il
que amours se doivent
l'avoitesprouvé. Et pour
ce est grant folie de soy cointir pour faire
le
bel corps
pour estre gresle tant que l'en en perde sa couleur ne sa manière , ne que l'en en soit enroué ne en-
et
toussé ; car l'en en est moins prisé, selon ce que ouy avez, dont sur ceste matière je vous en conteray une
grant merveille
de pur
froit.
,
comment
Ce furent
plusieurs en moururent
les Galois et les Galoises.
,
DU Chevalier de La Tour.
Cf parle des
241
Galois et des Galoises.
ChAPPITRE VlxxIIe. elles filles et
son art en
comme d'amours
et
,
vous compteray des Galois
je
des Galoises fist
,
comme lennemy
si
par la flambe de Venus
de luxure.
Il
par
plusieurs mourir de froit la
,
déesse
advint, es parties de Poi-
tou et es autres pays, que Venus, la
dame des amou-
reux, qui a grantart et grant povoir en juenncsce, c est en juennes gens, dont elle fait aucuns amer
d'amours raysonnable et honnourable et autres de dont aucunes en perdent foie amour desmesurée ,
,
honneur et les autres ame et corps. Dont il advint que elle fist entreamer plusieurs chevaliers et escuicrs dames et damoiselles et leur fist faire une ordonnance moult sauvaige et desguisée contre la nature du temps, dont lune de leurs ordonnances estoit que, le temps d'esté, ilz scroient bien vestuz et chaudement à bons manteaulx et chapperons doublés, et auroient du feu en leurs cheminées. Jà ne ,
,
grant chaut, ilz se gouvcrnoient parle temps d esté comme l'en deust faire le temps du fort yver en toutes choses, et en yvcr se gouvcrnoient comme et vous diray comment. En yver, l'en doit en esté par le plus fort temps, le Galois et la Galoise ne ves-
feisl si
,
toient riens
du monde que une
petite cote
,
simple,
sans penne ne sans estre lingée, et n'avoient point de
Le Livre
242
mantel ne housse , ne chapperon doublé glé
,
fors san-
qui avoit une cornete longue et gresie , sans
,
avoir chappeau
,
vent que
feist.
en
il
ne gans
,
ne moufles , pour gelée ne
Et, en oultre, en ycelluy fort
yver leurs chambres et leurs places estoient bien nettes
et qui trouvast
;
aucunes
feuilles vertes, elles
feussent jonchées par Tostel, et la cheminée cstoit
houssée
,
comme
en esté
chose verte ; en leurs sans plus
,
litz
de
,
ou de aucune que une sarge ligièrc
fraillon
n'avoit
ne plus n'en povoient avoir par
celle or-
denance. Et, en oultre, estoit ordené entre eulxque dés ce que un des Galois venist la où feust la Galoise, se elle eust mary,
que
alast faire
il
venus
il
convenist par celle ordenance
penser des chevaux au Galoys qui
feust, et puis s'en partit
de son hostel sans re-
venir tant que le Galoys feust avecques sa cellui
mari
femme
estoit aussi Galois et alast veoir s'amie,
autre Galoise, et l'autre feust avecques sa feust tenu à grant honte et
demourast en son hostel denast riens depuis que
,
;
et
une
femme,
el
deshonneur se le mary ne commandast ne or-
le Galois feust
venu el n'y Cy dura ,
avoit plus de povoir par celle ordenance.
cesle vie de cestes amouretes grant pièce, jusqucs
à tant que froit
;
le
plus de eulx en furent mors et péris de
car plusieurs transsissoient de pur froit et en
moururent tous roydes delez leurs amies et aussi leurs amies delèz eulx, et en parlant de leurs amouretes et en eulx moquant et bourdant de ceulx qui que il convenoit de estoient bien vestus ; d'autres ,
leur desserer les dens de cousteaux et les tostoier et fréter
car
au feu
ilz
comme un
poussin engelé et mouillié
cuidoient contrefaire les autres et
muer
;
le
,
DU Chevalier de La Tour.
^43
t'Cmps et saison qui ordonnée esty pour nourrir corps
de femme autrement que Dieu n avoit double moult que ces Galois et Galoises qui moururent en cest estât et en cestes amouretes furent martirs d amours, et que, aussi comme ilz morurent de froit, que ilz ont grant chaut par delà
d'omme
et
ordonné.
Si
et ardent; car se
de
la
eussent soufferte la
ils
Dieu, qui tantsouffry pour eulx, té et
partie
vij«
peine et de la douleur pour l'amour du ilz
filz
de
en eussent méri-
grant guerredon et gloire en l'autre siècle. Mais
Tennemy, qui touzjours tant à faire désobéir homme et femme, leur faisoit avoir plus grant plaisance et délit en foies amours désespérées et sauvaiges, que à nul service de Dieu , et les aveugloit par telle manière que il les faisoit mourir et languir de pur froit. Et pour ceste raison , qui est évident, est bien ,
chose esprouvée comment Tannemy lempte et eschauffe et
amc
homme et
,
et femme et soustient à périr corps comment il donne et fait avoir foies plai,
sances et plusieurs mauvaises manières les
uns par convoitise,
et le détenir
;
comme de
tirer
,
c'est-à-dire
à soy lautrui
autres par orgueil, soy trop prisicr et les
autres deprisier ; les autres par envie de bien que autrui a plus
que
lui
;
corps se délite, qui
de yvresse, qui la chair fait
;
toit
entreamer de
Galoises,
foie
luxure
amour
comme
où il mist
esmouvoir
raison et le
les autres par
les fait déliter,
par gloulonnie où
les autres fait
il
,
le pechié,
fait
venir au délit de
comme Tennemy les
et foies plaisances
fist
le
comme
où il
iceulx faulx Galois et
tant de foie plaisance
plusieurs mourir de diverse mort ,
que
il
comme de
amis et amies. Pour ce ne dis-je mie que
il
en fist froit
ne
soit
Le Livre
244
de bonnes amours sans deshonneur et dont moult d'onneur vient. Celles sont loyalles, qui ne requièrent chose dont deshonneur ne abaissement viengne ; car cellui
n'ayme pas loyaulment qui pense à deshon-
nourer sa dame et s'amie , ne abaissier son honneur
ne son estât semblant et
car ce n'est mie amour, ains est faulx
;
tricherie
;
ne l'en ne puet
faire trop
grant
manière de gens. Mais tant vous en dy-je bien que il en court d uns et d'autres, c'est as-
justice de telle
savoir de loyaulx et faulx et de decevables, de telz qui se faignent et jurent et parjurent leurs fois et ser-
mons,
et
ne leur chault
,
mais que
ils
aient partout
leurs deliz, et usent de faulx semblant et font les pensis,
les
trompez
débonnaires et les gracieux. Si en y a de de trompées assez par le monde. Et pour
et
ce est le siècle moult fort à congnoistre et moult
merveilleux
et
;
de
telz et
de
telles le
congnoistre qui en sont deceus
et si
cuident bien
congnoissent
ne cuident.
moins que
ilz
Que
femme ne
nulle
,
doit point croire trop legie-
rement ce qu'on
ChAPPITRE
lui dit.
Vl^XlIIe.
pour ce est noble chose à toute femme de bien et d'onneur y prendre garde et soy garder, et non mie croire trop de legier ce t
que l'en leur dist,
et se
prendre de garde de
ceulx qui usent de telles faulcetez et qui font de pe-
DU Chevalier de La Tour. liz
signes et des faulx semblans,
gars ions et pensis
,
et
comme
^45
de faulx fe-
de petis souspirs , et de mer-
veilleuses contenances affectées, et ont plus de paroles à
main que autres gens. Sy
garder de
telles
est
bon de soy
manières de gens qui veulent user
de avoir tel siècle car la bonne femme qui bien se scet garder de telx gens doit estre moult louée et honnourée. Car c'est grant honneur et grant victoire ;
avoit
fait
de eschiver
le
mal langaige du monde
,
et
qui se puet tenir nettement et hors de leurs folles parleures, sans ce que celles folles langues puissent dire ne racompter
que
ilz l'aient
trouvée en nulle
foi-
blesse ne molesté de cuer, ne qui se puissent bour-
der ne gangler de elles
,
et cestes
bonnes femmes
qui ainsi se tiennent fermes, et qui ainsi se rusent
de leurs faulces malices doivent estre bien louées entre les bonnes, tout ainsi comme l'en loue les bons ,
chevaliers et les bons escuiers qui passent par vail-
lance et par honneur trait
;
par la paine que
ilz
tous autres pour le grant labour que
souffert
pour venir à honneur, sont
ilz
ilz
y ont y ont
plus prisiez
honnourez que gens du monde. Tout aussy et par meilleur raison doit estre la bonne dame qui bien a et
rescoux son honneur contre
telles
manières de gens
vous dy bien que mon entente n'est point par cest livre à blasmer bonne amour et ceulx qui usent de loyaulté car moult de grans biens qui ainsi usent. Et
si
;
honneurs en sont advenus. Mais la bonne dame de Villon qui tant fut belle et prcude femme dont par et
,
,
sa bonté et sa bcaullé moult de bons chevaliers furent et
amoureux de
elle, et clic, qui
de grant gouvernement, leur
moult
disoit
fut saige
que toutç
,
Le Livre
246 saige
femme
qui bien vouloit nettement garder son
honneur doit avant essaier son amy, c'est celui qui la pr^e ou qui lui fait semblant d'amour. Et quant elle l'aura esprouvé vij. ans, adonc elle sera certaine se il l'ayme de cuer ou de bouche. Et lors le pourra accoler pour singne d'amour, sans plus. Mais de ceste
bonne dame dur.
Il
je
me
tais, car elle
avoit le cuer trop
mestier que celles de aujourd'uy
est bien
aient le cuer plus piteulx,
et, se Dieux plaist, sy auront elles, car trop long temps a en vij. ans. Le
plus d'elles n'attendront pas que elles n'en ayent plus brief mercy, se Dieu plaist. Mes belles filles , je vous laisseray un peu de cest fait et de cestes Galoises, et vous compteray un débat qui est entre voslre
mère
me
et
moy, sur
le fait qu'elle
ne doit amer par amours
et je soustiens le contraire
d'entre elle et de
fist
débat que nulle fem-
en certains cas pour ce est le débat
fors
et
moy, sur lequel
Cf parle du débat qui qui
,
,
je vueil racompter.
ai^int entre le chef^alier
ce livre et sa
femme, sur
le fait
damer par amours. Le chevalier parle, la femme respont après.
Chappitre
Yl^xiiiie.
filles , quant à amer par amours, je vous en diray le desbatde voslre mère et de moy. Je vouloye soustenir
es chiures
que une dame ou damoiselle peut bien a-
mer en
certains cas de honneur,
comme
en esperan-
DU Chevalier de La Tour. ce de mariage; car en
amour
que bien
n'a
el
247 hon-
neur, qui mal n y pense. Car en celles où l'on pense ou mal ou engin, n'est pas amour, ains est mal
pensé et mauvaislié. Si vueillicz ouïr
le
grant con-
moy. Je dy ainsi à vostre mère « Dame, pour quoy ne aymeront les dames et les damoisselles par amours ? Car il me semble que en bonne amour n'a que bien, et, aussy comme l'amant en vault mieux et s'en tient plus gay et plus joli et mieulx acesmé, et en hante plus souvent les armes et les honneurs, et en prent en lui meilleure manière et meilleur maintieng en tous estaz pour plaire à sa dame et à sa mie tout ainsi fait celle qui de lui est amce pour lui plaire, puis que elle l'ayme. Et aussy vous dy-je que c'est grant aumosne quant une dame ou damoiselle fait un bon chevalier ou un bon escuier. Cestes-cy sont mes raisons, » Cy parle la dame et respoiit au chevalier Sy me respont vostre mère et dit « Sire, je ne me tens et le débat de elle et de :
,
:
:
merveille pas se entre vous raison que toutes
hommes
soustenez ceste
femmes doivent amer par amours.
Mais, puis que ccst
devant noz propres
fait et cest filles
,
débat vient en clarté
je vucil débattre contre
vous le mien advis, et feablement, selon mon entendement ; car à nos enffans nous ne devons riens celer. Vous dictes, etsifonttous les autres hommes, que toutes dames et damoiselles valent mieulx se elles amenl par amours et qu'elles s'en tendront plus gaies et plus renvoysiées et en sauront trop mieulx leurs
manières et leur maintieng faire
,
et feront
un bon chevalier ou un bon
tes paroles
aumosne de
escuier valoir. Ges-
sontcsbatements de seigneurs et de com-
,
Le Livre
248
un langaige moult commun. Car ceulx qui disent que le bien et honneur qu'ilz font, que ce soit par elles qui les font valoir et venir à honneur et souvent eulx armer étaler es voiagcs, etmoultd'auIres choses que ilz dient qu'ilz font pour leurs amies, paignons
et
,
il ne leur couste guères à le dire pour leur plaire et pour cuidier avoir leur gré; car assez de telles paroles et d'autres bien merveilleux aucuns usent
bien souvent. Mais facenl pour elles
meismes,
monde.
Si
et
pour
vous
combien
,
qu'ilz disent
en bonne foy
,
tirer
di
,
à avoir
mes
la
chières
ilz le
font
que ilz le pour eulx
grâce et l'onneur du filles
,
que vous ne
croiez pas vostre père en ce cas, et vous pry,
si
chière
comme vous m'avez, pour vostre honneur garder netet sans parlement du monde que vous ne soyez point amoureuses, pour plusieurs raisons que je vous diray. Premièrement, je ne dy mie que toute gentil femme ne doye mieulx amer les uns plus que les autres , c'est assavoir les gens de
tement sans blasme
bien et d'onneur et ceulx qui leur conseilleront leur
honneur
et leur
bien
car l'en puet bien faire meil-
;
leure chière aux uns que aux autres en moult de cas. Mais, quant à estre la
maistroye
,
si
amoureuses que telle amour
atout le plaisir et le vouloir de son
cuer, aucunes fois
il advient souvent que telle ardeur d'amour et cellui fol plaisir les maistroye et les maine à avoir aucun villain blasme , aucunes fois à
droit, et aucunes
a voulentiers sur
fois tel
à tort, par l'aguet que l'en
lait,
dont l'on puet parfois
cevoir grans blasmes et deshonneur, et
tel
ne chiet pas delegier, parlcsfaulx aguetteurs les mesdisans, qui jà
re-
cry qu'il et
par
ne seront saoulx ne assouviz
,
DU Chevalier de La Tour. de
agaitier, parler et rapporter plus tost le
le bien.
Dont, parleurs faulx langaiges,
249
mal que
diffament
ilz
bonne renommée de mainte dame etdamoiselle , et pour ce, toute femme à marier se puet bien depporter de celluy fait. Dont Tune rayson est que juenne femme amoureuse ne puet jamais servir Dieu de fin cuer ne de si et tollent la
vray
comme
devant; car j'ay ouy dire à plusieurs,
qui avoient esté amoureuses en leur juenesce
quant
elles estoient à Teglise
merencolie leur
que
la
,
que
pensée
et la
plus souvent penser à ces es-
faisoit
de leurs amours que ou servi-
trois pensiers et deliz
ce de Dieu
,
d'amours de telle nature que, quant Ten est plus au divin office , c'est tant comme ,
et est Tart
le prestre tient nostre
venoit plus de
seigneur sur l'autel
menus
pensiers;
c'est
,
lors leur
l'art
d'une
nom Venus, qui eut le nom d'une plasi comme je l'ay ouy dire à un preudhomme
déesse, qui a nette
,
prescheur, qui disoit que
femme dampnée amoureuse ,
et se
dont les payons
déesse et la honnouroient
donna
voyassent Paris,
comme
la tindrent
,
à
aux Troyens qu'ilz endu roy Priant, en Grèce lui feroit avoir, et seroit
dame du royaume de Grèce,
roy Menelaux
et
fai-
Dieu. Celle Venus
voir, car Paris avoit la belle Helaine,
xl.
une
femme
le conseil
le filz
querre femme, laquelle elle la plus belle
se mist en
mist l'ennemy dedans elle et
soit faulx miracles,
fut celle qui
Tennemy
qui à mervelle fust jolie
dont par celluy
fait
la
et elle dit
femme au
morurent plus de
roys et plus de cent mille personnes, dont la
cause fust par rattiscmcnt de celle déesse Venus. Si fust
une mauvaise déesse,
et est bien apparissant
que
Le Livre
25o
mauvaise temptacion de Tennemy. C'est la déesse d'amours qui ainsi attise les amoureulxet fait penser et merencolierjour et nuit en yceulxdelis et en c'estoit
yceulx estrois pensiers , et par especial plus à la messe et au service de Dieu que en autre part
,
c'est
pour
troubler la foy et le service et la devocioiï que l'en a
vers Dieu. Et sachiez, belles ja
femme
filles,
pour
certain,
cuer en Dieu , ne à dire ses heures devottement le
cuor
si
,
ne
ouvert à ouïr le saint service de Dieu. Dont
je vous diray conter,
que
bien amoureuse n'aura ja parfaitement le
que
il
un exemple, que j'ay toujours ouy rafut deux roynes par deçà la mer qui
leurs faulx delis de luxure faisoient aux ténèbres le
jeudy absolu
et le saint
vendredy aouré, quant
l'en
estaingnoit les chandelles, et en leurs oratoires, dont il
en desplust
tant à
Dieu que leur
vil
pechié feust sceu
morurcnten chappes de plong. Et les deux chevahers leurs ribauxen morurent de si cruelle mort, comme ceulx qui en furent escorchiez tous vifs. Or povez bien veoir comment leurs fausses amours estoient bien desvoyées et dampnables, et comment la tentation de Venus , la déesse d'amours et la dame de luxure , les temptoit si folement, comme le saint vendredi benoist, que toute créature doit plourer et gémir et estre en devocion. Et par cest exemple est bien veu que toute femme amoureuse est plus temptée à l'église et au service de Dieu ouïr que ailleurs. Et l'en y doit dire ses heures plus que en autre lieu. Sy est ceste cy une des premières raisons' par quoy juenne femme sepuei déporter d'estre amoureuse. L'autre rayson est que plusieurs , qui sont tous et desclairé, tellement qu'elles en
DU Chevalier de La Tour. que
ilz
261
femmes
duiz de requerre et prier toutes les gentilz
treuvent, et jurent et parurent leur foy et
serement que
ilz les
aimeront loyaulment sans de-
cevance, etqu'ilz ameroyent mieulx estremors que
ilz
pensassentvillennie ne deshonneur, et quilzenvaul-
dront mieulx pour Tamour bien ne honneur ,
qu'il
d'elles, et
que, se
ont
ilz
leur viendra par elles
,
et
leur demonstreront et diront tant de raysons et de
abusions que
c'est
une grant merveille à
les
ouïr
parler. El en oultre gémissent
,
et souspirent, et font
merencolieux
,
et
les pensis et les
faulx regart et font le débonnaire
en oultre font ung ,
tant
que qui
les
que ilz fussent esprins d'amours vrayes et loyaulx mais telles manières de gens, qui ainsi usent de faire telx faulx semblans, ne sont que verroit
il
cuideroit ;
deceveurs de dames et de damoiselles. Si vous dy qu'ilz ont paroles sy à
mains
ceulx qui souvent en usent
,
et
sy forgées
que il
,
comme
n'est dame
ne da-
moiselle, qui bien les vouldroit escouter, qu'ils ne
deceussent bien par leurs faulses raysons que elles ne lesdeussent bien amer. Et il en est bien pou,
si
elles
ne
sont moult saiges, qui bien tost n'en feussent deceues, tant ont paroles à
main
et tant font le gracieux et
usent de faulx semblant. Ceulx cy sont au contraire
du
loyal amant. Car l'on dit
,
et je pense qu'il soit
que le loyal amant qui est espris de loyal amour, que, dès ce que il vient devant sa dame , il est si espris et paoureux et doubteux de dire ou faire chose qui lui déplaise, que il n'est mie si hardi de dire ne descouvrir un seul mot, et , se il ayme bien je pense qu'il sera iij. ans ou iiij. avant que il lui ose dire ne descouvrir. Ainsi ne font pas les faulx, qui vray
,
,
Le Livre
252
prient toutes celles que
ilz
treuvent,
comme
dessus
vous ay dit car ilz ne sont en crainte ne en paours de dire tout ce qui à la bouche leur vient, ne honte ne vergoingne n'en ont. Car, se ilz n en ont bonne res,
ponce d une
penseront à l'avoir meilleure d une que ilz pevent traire d'elles ilz rapportent tout et en font leurs parlements des unes et des autres, et s'en donnent de bons jours et de grans gogues et de bons csbatcmens. Et par celles ,
ilz
autre, et tout ce
,
voyes s'en vont genglant et bourdant des dames et des damoyselles , et acroissent plusieurs paroles de
quoy
ne parlèrent onques. Car ceulx à qui ilz y remettent du leur et y adjoustent plus de mal que de bien , et ainsi de parole en parole et elles
les disent
par
telle frivole
sont maintes bonnes
dames
et
da-
moyselles diffamées.
Et pour ce, mes belles
filles, gardez-vous bien escouter,et, se vous veez ne appercevez qu'ilz vous veullent user de telles paroles ne de
de
les
telx faulx regars
quez
,
,
si les
laissiez
illecques tous pi-
aucun ou aucune en disant « Vecscouter cest chevalier ou escuicr, comme
et appelez
nez oïr et
:
esbat sa jeunesse et se gengle.» Et ainsi par telles paroles ou par autre manière lui romperés ses paroil
Et sachiez que, quant vous lui aurez fait une foiz ou deux, que plus ne vous en parleront ; car en bonne foy ou derrenier ilz vous en priseront et doubleront les.
plus
et diront
Geste cy est seure et ferme. Et par ne vous pourront mettre en leurs paroles ne en leurs gangleries, ne ne pourrez avoir nul diffamement ne blasme du monde. » Le chevalier respont. Lors je lui respondy aDame, ,
ceste voye
:
ilz
:
,,
DU Chevalier de La Tour. vous estes bien maie souffrir
que voz
tes
vous que se
soit
homme
lon elles
,
et
merveilleuse
253
qui ne voulez
,
ayment par amours. Me ditaucun bon cheyalier ou autre, qui
filles
de bien et d'onneur et puissant assez seamer en entencion de
qui les vueillent
mariage, pourquoy ne les aymeront-elles
?
»
La dame respont « Sire, à ce je vous respons me semble que toute femme à marier, soit pucelle :
:
Il
ou vefve, se puet bien batre de son bâton mesmes. Car tous les hommes ne sont mie d une manière ne d'une autre et ce qui plaist aux uns ne plaist pas aux autres. Car il en est d aucuns à qui il plaist moult le bon semblant et bonne chière que l'on leur faist et n'y pensent que bien, et aucunes fois en sont plus ardans de les demander à leurs amis pour les avoir à femmes. Et autres y a plusieurs qui d'autres ma,
nières sont et tout au contraire
;
car
ilz
les
en pri-
sent moins et doubtent en leurs cours que, quant les auroient,
que
elles feussent
lentez et couraiges et trop
de trop
amoureuses
ilz
voupour ce
ligière ,
et
demander et aussy par trop estre ouvertes en leur faire beaux semblant plusieurs en les laissent à
,
,
perdent leurs mariaiges. Car pour certain, pour soy tenir
simplement
et
meurement
et
non
faire
guères
plus grant semblant es uns mieulx que aux autres elles
en sont mieulx prisées et sont celles qui plus
Dont une fois vous me déistes une exemple qui vous cstoit advenue que je n'ay pas oublié. Vous souvient-il que vous me déistes une fois que l'on vous parloit de marier avecques la fille tost sont mariées.
,
d'un seigneur que je ne veoir
,
et si savoit bien
nomme que
l'en
pas?
Si la voulsistes
parloit d'elle el
de
Le Livre
254
vous. Et lors elle vous
fist si
grant chière
comme
se
vouz eust veu tous les jours de sa vie , et tant que vous la touchastes sur le fait d'amourettes et que elle ne tist mie trop le sauvaige de bien vousescouter. Et les responses ne furent par trop sauvaiges, mais assez courtoises et bien legierettes, et pour le elle
,
,
grant semblant qu'elle vous tes
de
demander,
la
fist
,
vous vous retrays-
et se elle se fust tenue
un peu
plus couverte et plus simplement vous Teussiés prise si
,
dont j'ay ouy depuis dire qu'elle
ne sçay se ce
ou à
fut à tort
fut
blasmée ;
droit. Si n'estes
pas
premier à qui j'ay ouy dire et parler qu'ilz en ont maintes laissiéesà prendre sur leur legicr couraige et attrait et pour leurs grans scmblans. Si est moult le
noble chose
,
et
bonne
et
honneste à toute femme à
marier, que soy tenir simplement et meuremcnt, et
especialement devant ceulx dont elles pensent que l'en parle
de les marier ; je ne dy mie que
doive faire honneur et bonne chière
l'en
commune,
ne
selon
ce qu'ilz sont.»
Le chevalier parle: «Comment, dame,
les voulez-
vous tenir si courtes qu'elles n'aient aucune plaisance plus aux uns que aux autres ? » La dame respont : « Sire, tout premièrement, je ne vueil
point qu'elles ayent nulle plaisance à nulx
mendres d'elles, c'est assavoir que toute femme à marier n'ayme nul qui soit mendre que elle ; car, si elle lavoitprins, ses amis l'en tiendroient pour abaissiée, et celles qui telles gens
est contre leur
neur;
c'est
honneur
ayment,
et estât et
un grain de, fol
telle
amour
de grant deshon-
et legier couraige et
de
grant mauvaistié de cuer. Car l'on ne doit rien tant
DU Chevalier de La Tour. convoittier et
comme honneur en
acquerre Tamistié
amis
,
monde amour du monde
et
ccst
255
et avoir
,
et
de ses
qui par celle foie et legierc voulenté est per-
due; dès lors qu'elle se met hors du conseil et du gouvernement de eulx , elle est deshonnourée moult
comme,
vilment,
vouloie, j'en diroye bien
se je
l'exemple de plusieurs qui en sont diffamés et hayes
de leurs prouchains amis. Et pour ce je leur deffans,
comme mère
doit faire à ses filles
nulles plaisances ne nulle telle
dres d'elles, ne en nuls
si
,
qu'elles n'aient
amour en nuls men -
grans qu'elles ne puissent
avoir à seigneur ; car les grans ne les aymeront pas
pour les prendre à femmes, ains ne leur feront nul semblant d'amour, forz pour le cheval et pour le harnoiz , c'est assavoir pour le pechié et délit du corps et
pour
les
mettre à la
folie
du monde.
Après, celles qui aymeront
trois
manières de
comme gens mariez, gens d'esglise, prostrés, moynes et comme valiez et gens de néant cestes gens,
,
,
manières de femmes qui
ayment pour néant et folement je ne les met à nul compte , fors qu'elles sont semblables et plus putes d'assez que femmes communes du bourdel. Car maintes femmes de^ bourdel ne font leur pechié fors que par povreté, ou pour ce qu elles furent deceues par mauvais conseil de houlières et de mauvaises femmes. Mais toutes gentilz femmes et autres qui ont de quoy vivre honnestement ou du leur, ou par service ou autrement, il fault, se elles ayment telle manière de gens, que les
,
,
,
ce soit pour la grant ayse où elles sont par la lescherie do leur chair et qu'elles
mauvaistié
de leur cuer,
ne daingnent maistrier. Moult de gens
les
Le
2o6
IVRE
l.
trouvent plus putes, à tout regarder, que les
munes
riez n'est pas
gens d église n'est pas ville et
com-
car elles sçavent bien que l'amour des
;
ma-
pour les avoir à seigneur, ne aussi ,
et aussi les
les
gens de néant ; ceste amour
pour recouvrer honneur, mais pour toute
honte recevoir,
comme
si
il
me
semble. »
Le chevalier parle « Au moins dame puisque vous ne vous voulez accorder que voz filles ayment par amours tant comme elles seront à marier, plaise vous souffrir que, quant elles seront mariées, que, se elles prennent aucune plaisance d'amour pour elles tenir plus gay es et plus envoy siées, et pour mieulx sça,
:
,
voir leur manière et leur maintieng entre les gens
d'honneur, car, aussi
comme
autreffois
ce leur seroit grant bien de faire un
vous ay
homme
dit,
de néant
valoir et estre bon. »
La dame rcspond
« Sire, à ce je vous répons Je que elles facent bonnes chières et liées à toutes manières de gens d'onneur, et plus aux uns que aux autres, c'est assavoir comme ils seront plus
me
:
:
attens bien
grans et plus gentilz et meilleurs de leurs personnes, et
,
selon ce qu'ilz seront
neur
,
qu'elles leur portent
et courtoisie et chière liée
devant tous
,
hon-
et
que
honnoubon visaige.
elles chantent et danssent, et se esbattent
rablement, et leur faire bonne chière et
amer par amours, puisque elles sont commune, comme l'en à gens d'honneur, si comme les amer et
Mais, quant à
mariées
,
doit faire
se ce n'est d'amour
honnourer ceulx qui plus
le
valent, et qui ont plus
mis peine et travail à \enir à honneur par armes ou par bonté de corps ceulx doit-on plus amer, servir ,
et honnourer, sans y avoir plaisance, fors par la bonté
DU Chevalier de La Tour.
267
que une femme mariée doie amer par amour, d'amour qui la maistroie, ne prendre lafoy ne le serement denul que ils soient d'eulx. Mais soustenir
amant ne leur subgiet , ne aussi que elles bailne serement que elles les aymeront sur tous je pense que dame ne damoyselle mariée ne autre femme d estât ne mettra jà son honneur ne
leur
lent bien leur foy ,
son estât en
tel
party ne en telle balance, par plusieurs
me semble. ayjàdit, heures
Dont lune raison
c'est assavoir
sera jamais
si
si comme il comme dessus vous
vous declareray,
raisons, lesquelles je
devotte
est
que femme amoureuse ne à prier Dieu ne à dire ses
dévotement ne ouïr le saint service
si
,
comme
devant. Car en amours a trop de merencolies,
comme
si
en y a maintes amoureuses qui, se elles osassent et elles ouyssent sonner la messe ou à veoir Dieu et que leur amant leur dist : « Venez l'en dit, et
çà », ou qu elles peussent faire chose qui luipleust, elles laisseroyenl à veoir Dieu et à ouïr son service pour obéir à leur amant. Et si n'est-ce pas jeu-party mais ainsi est la tentacion à Venus la déesse de luxure. L'autre rayson est que lé mercier, qui poise ,
lasoye, puel bien mettre tant de
emporte
le poix
,
c'est
fillettes
à dire que la
que lasoye
femme
se puet
bien tant admourouser qu'elle en aimera moins son seigneur, et que l'amour et la chière qu'il devra a-
voirdesondroict, que autre certain,
amer de
la lui touldra. Car,
une femme ne puet
l'un et l'autre; car ce qui
l'autre
:
tout ainsi
comme un
courre à deux bestes ensemble elle
pour
avoir deux cuers à
,
va en
l'un décline
lévrier qui
ne puet
tout ainsi
ne puet-
amer fcablement son seigneur
et
son
amy
17
qu'il
Le Livre
258
n'y ait faulte et decevance. Mais Dieux et raison na-
de
turelle la contraint et deffenl
me disent les
l'autre
;
clers et les prescheurs
car, si
com-
Dieu dès
,
le
commencemant du monde assembla homme et femme par mariaige et dès lors commanda compaignie ,
de mariage, et, après ce, quant il fut venu ou monde, il en parla en plain sermon, devant tous, en disant que mariaige est une chose
que
une seule amour
chair et
doivent
mère
si
jointe de Dieu
ne sont mie deux chars, mais une seule
ilz
et fragilité
,
et quïlz
se
entr'amer qu'ilz en doivent laissier père et
si
et toute autre créature.
assemblez
,
homme
Et puisque Dieu les a
mortel ne les doit séparer,
c'est-
lun de lautre. Ainsi le dit Dieu de sa sainte bouche et pour ce à la porte de Teglise l'en les fait jurer d eulx amer et d'eulx à-dire ne oster point l'amour
,
entregarder, sains et malades, et ne guerpir pas l'un l'autre
pour pires ne pour meilleurs. Et dont je
,
dy, puis que le créateur le dist, que ce n'est que une
mesme pour
chose et que l'on doit toute amour guerpir
celle
;
et le
grant serement que l'en en a
fait
en sainte église, que l'amour ne le service de l'un et de l'autre ne se doit changier pour pire ne pour meilleur, c'est-à-dire ne changier ne mettre autre en son
lieu.
Et dont
donner s'amour ne
comment faire
gré de son seigneur le saint
faire té
ou
?
pourroit
femme mariée
serement à d'autre, sans
le
Je pense, selon Dieu et selon
sacrement de sainte église, que ce ne se puet
deuement que d'autre. Et
il
n'y aitfoy brisée
ou d'un cous-
maint autre orrible cas
et let
,
qui
tout vouldroit mesurer, a en celles qui baillent la
foy et le serement, c'est l'amour, qu'elles doivent
DU Chevalier de La Tour.
269
de leur propre droit à leur seigneur, la baillier à autruy. Car, en bonne foy, je double que celles qui sont amoureuses et baillent leurs foys en ayment
moins leurs seigneurs ; car pende de Tun costé ou de
comme
lamour
convient que
il
l'autre, selon raison, aussi
poix de la balance.
le
L'autre raison de la dame. Après y a autre raison. Qui bien vieult garder Famour de son seigneur net-
tement, sans dangieret sans péril, tre
con-
c'est assavoir
envieux et maies bouches qui font lez faulx rap-
aucun semblant soient de ses servans ou servantes ou autres de eulx quant ilz sont départis d'elle ilz en parleront aucuns mos , et ceulx à qui ilz en parleront en reparleront à d'autres et ainsi de parole en parole, avec ce que chacun ports, c'est-à-dire que, se elle
d'amours
et
aucun
fait
s'en apparçoive,
,
,
y mettra du sien
un pou davantaige
et acroistra
,
et
que ilz diront que le fait y sera, et ainsi sera une bonne dame ou damoiselle, ou autre femme, diffamée et deshonnourée. Et se il adtant yront les paroles
vient par aucune adventure que son
oye aucune parole
,
lors
il
la
seigneur en
prendra en hayne
,
ne
jamais de bon cuer ne l'aymera, et la rudayera et laidangera et lui sera plus
rude,
et elle lui.
ainsi
veez l'amour de leur mariage perdue
mais
parfaitte
,
Et
ne ja-
amour ne bien ne joye n'auront enfemme
semble. Et pour ce est grant péril à toute
mariée de mettre son honneur et le bien
de son mariaige en
advanture. Et pour ce
je
son estât et
et
telle
la
joye
balance et en
telle
ne loue point à nulle femme
mariée amer par amours ne estre amoureuse d'a-
mours qui
les
maistroye
,
dont elles soient subjettes
Le Livre
26o
à d'autres qu'à leurs seigneurs
;
bien qui en est venu
de bons
-car trop
mariaiges en ont esté deffais et péris
,
et contre
un
en est venus cent maulx.
il
Dont je vous en diray aucuns exemples de ceulx qui dame de Coucy et son amy en morurent et sy firent le chevallier el la chatellainne de Vergy, et puis la duchesse tous sont morz et peritz par amours. La ,
;
ceulx cy et plusieurs autres en morurent pour amours, le
plus sans confession. Si ne sçay
en va en lautre siècle joyes et les delis que
ilz
;
si
me
comment
il
leur
doubte bien que les
en curent en cest monde ne
leur soyent chières vendues en l'autre. Et pour ce les delis des ilz
amoureux, pour une joye
qu'ilz
en ont,
en reçoivent cent douleurs, et pour une honneur
cent hontes. Et ce advient souvent de par le monde,
ay tousjours ouy dire que femme amoureuse n'aymerajapuis son seigneur de bon cuer, ne, tant comet
me
elle le sera, n'aura parfaicte
c'est-à-dire
colie et
joye de mariaige,
avecques son seigneur, fors que meran-
menus
pensiers. »
Le chevalier parle : a Ha, dame, vous me faictes esmerveillier de ce que ainsi deslouez à amer par amours. Me cuidiez-vous faire acroire que vous soiez si crueuse que vous n'ayez aucunes foiz amé et oy la complainte d'aucun que vous ne me déistes mie ? » La dame respont : « Sire, en bonne foy je pense que vous ne m'en croiriez mie de en dire la vérité. Mais quant d'estre priée , se j'eusse voulu par maintes foys j'ay bien apperceu que aucuns m'en vouloient touchier. Mais je leurs rompoye leurs parolles, ou ,
appelloye aucun, par qui je despeçoye leur fait
de leur emprise. Dont
il
fait et le
advint une fois que tout
DU Chevalier de La Tour.
261
dames jouoient au Roy qui vérité du nom s amie si me dist
plain de chevaliers et de
ne ment pour dire un , et me jura trop fort que c'estoit moy et qu'il m amoit plus que dame du monde. Et je lui dem.an;
,
day
y avoit guères qu'il lui estoit pris , et il dist y avoit bien deux ans , et oncques mais ne me l'avoit osé dire. Et je lui respondy que ce n'estoit s'il
qu'il
riens de estre
si tost
pou de temptacion , de l'caue benoiste
espris, et
que ce
n'estoit
que un
et qu'il alast à l'église et preist
son /lue Maria
et deist
et sa
Pater
amours estoient trop nouvelles. Et il me demanda comment, et je lui deis que nul amoureux ne le doit dire à sa mie jusques à la fin de vij. ans et demy, et pour ce n'estoit que un pou de temptacion. Lors il me cuida nostre, et
il
luy seroit tantost passé
,
car ces
quant je lui dis bien Veez que dist cest chevallier 11 dit que il n'a que deux ans que il ayme une darne. Et lors il me pria que je m'en teusse, et en bonne foy onquespuis ne m'en parla. » arguer et trouver ses raysons hault
,
!
:
Le chevalier parle : Lors je lui dis «Madame de La Tour, vous estes moult maie et estrange etorguilleuse en amours selon voz paroles. Si fais double se vous avez toujours esté si sauvaige. Vous ressemblez madame de La Jaille qui m'a aussy dit qu'elle ne voult oncques riens ouir ne entendre la note de nul fors une fois que un chevallier le lui disoit et elle aguigna un sien oncle qui vint derrière escou:
,
,
,
,
,
ter le chevallier pitié
de
,
dont ce
fut
grant trayson et grant
faire espier le chevallier
,
qui moult estoit
bien advisié et cuidoit bien dire sa raison soit
mie que
l'en l'escoutast.
Vraiement
,
,
et
ne pen-
entre vous
,
Le Livre
2fi2 et elle
a poy que je ne die que vous estes grans
,
bourcleresses et peu piteuses de ceulx qui
mercy quiè-
rent. Et aussi je la tiens à aussy malle ou plus
vous
,
car elle soustient voz oppinions, que
comme
dame ne
damoiselle qui est mariée se puet bien déporter d a-
mer autre que son seigneur, par
m yconsentiray.
nejane
les raisons
my
avez dites dessus. Si je ne
que vous
pourroyc consentir,
Mais quant à voz
filles,
vous
leur povez dire et eschargier ce qu'il vous plaist, et
après du
fait
sera
fait droit.
La dame respond : et à
»
« Sire, je prie à
Dieu que à bien
honneur puissent leurs cuers tourner,
je le désire
;
car
mon
si
comme
enlencion n'est point de en or-
donner ne deviser sur nulle dame ne damoiselle
mes propres
fors sur et
mon
filles
,
sur qui j'ay
mon
parler
chastiement. Car toutes autres dames et da-
moiselles se sauront bien gouverner, se Dieu plaist,
à leur guise et à leur honneur
doye entremettre
d'elles
,
moy
,
sans ce que je
me
qui suis moult pou
savant. »
Le chevalier parle : « Au moins, madame, me vueilun pou débattre à vous que, scelles pevent faire valoir et venir à honneur aucun que jamais n'y tendroit ne n'auroit le hardement ne le cuer de l'entre -
je
prendre
,
se ne feust le plaisir qu'il pourroit prendre
bonne espérance de tendre à estre bon, entre les bons pour tirer à avoir honneur et pour mieulx cheoir en sa grâce et plaisance ; et ainsi pour un poy de bonne chière puel faire un homme de néant bon , dont de lui n'estoit
en sa mie
et d'estre
et la
nommé
,
compte ne parole , ne de sa renommée et à présent pour l'amour d'elle a tant fait qu'il sera nommé en,
DU Chevalier de La Tour. tre les
263
bons, et doncques regardez et amesurez se
ce n est mie convenable. »
La dame
respond
« Sire,
:
il
m'est advis qu'ilz sont
amours se comme Ten dit, et en y a des unes meilleures que les autres. Mais se un chevallier ou escuier ayme une dame ou damoyselle par honneur, tant seulement pour Tonneur d'elle garder, et pour le bien, la courtoisie et la bonne sans autre chièrc qu'elle fera à lui et aux autres chose lui requerre , ceste amour est bonne, qui €st plusieurs manières d
,
,
,
sans requeste. w
Le chevalier parle
«
:
Avoy, dame
et, se
,
il
la re-
quiert d'acoler et de baisier, ce n'est mie grant chose
;
car autant en porte le vent. »
La dame respond : « Sire, de ce je vous respons quant à mes filles de autre je ne parle point; il me semble bien et m'y consens qu'elles leurs pueent bien faire bonne chière et liée, et encore qu'elles les accolent devant tous et que par faulte de bonne chière devant tous plainement que ilz ne perdent pas ,
,
à valoir, se voulenté en ont. Mais quant à qui cy sont tels
,
manières d'esbatemens. Car
becca
,
mes
filles,
je leur deffens le baisier, le poetriner et la
sage
dame Re-
qui fut très gentille etpreude femme, dist que
germain du villain fait. Et la royne de que le signe d'amours est le regart et
le baisier est
Sabba
dist
,
après le regart amoureux on vient à l'accoler, et puis au baisier, et puis au
fait
neur
du monde
et l'amour
de Dieu
et
,
lequel ,
fait toult
lon-
et ainsi vien-
nent voulontiers de degré en degré. Et vucilliez sçavoir qu'il
me
semble que, dès ce qu'elles se laissent
baisier, elles se mettent
en
la subjection
de l'enne-
,,
Le Livre
264
my, qui est trop subtil. Car mencement tenir ferme qu'il sirs et
par
telle se
comme
telz baisiers. Car, ainsi
attrait l'autre, et
paille et puis se
comme
lit
et
du
lit
en
et puis elle art toute, tout ainsi est-il
amouretes; car premièrement
l'un boire
prent de paille en
le feu se
mest au
cuide au com-
desçoipt par telz plai-
ilz
la
maison
de maintes
demanderont
le
acoler et puis le baisier, et tout plain d'autres folz
de celle ardeur d'amour aucunes
delis, et
en plus
fol fait
foiz
chéeni
dont mains maulx en sont avenus et
,
maintes fois encoresadviennent, dont maintes en sont
deshonnourées
Et encores je dy que aucun les trouve seul à seul eulx entrebaisant en bonne foy si ne puet-elle faillir à estre diffamée ; car cellui ou celle qui l'aura veu le dira et adjoustera plus de mal que de bien , et par se le
fait
et diffamées.
n'y est et
,
ceste raison et plusieurs aultres
qui trop seroient
,
longues à toutes les dire , toutes femmes qui telz signes font et qui ainsi se laissent baisier à homme à qui elles ne le doivent faire , elles mettent leur honneur et leur estât en grant balance d'estre diffamées. Si vueil que mes filles se gardent que elles ne baisent nuUui
,
se
il
n'est
de leur linaige ou que leur le leur commancommandement n'a nul
seigneur ou leurs propres parens
dent
;
car en chose faicte par
mal. Et
si
vous dy
,
belles filles
,
que vous ne soyez
jà grans jouaresses de tables. Car c'est
un
fait
qui
en y a aucuns qui se laissent perdre, tout à leur escient et de leur gré, certaines fermailles et de petis joyaulx, comme annelès d'or et autres choses. Car c'est une chose qui donne trop attrait de folz altrais
voye
et attrait d'avoir
,
et
aucune
fois
blasme. J'ay ouy
DU Chevalier de La Tour. raconter d'une
dame de
265
Baniére, moult belle, et di-
len qu'elle avoitxx. subgiez qui tous Faymoient, de semblant d'amour, et si
soit
et à tous donnoit attrais
gaingnoit souvent à eulx à cellui jeu corssés , draps, pennes de ver, perles et grans joyaulx , et en avoit moult de grans prouffis ; mais pour certain elle ne les si bien garder que en la fin elle n'en feust moult blasmée et diffamée, et mieulx lui vaulsist pour son honneur avoir acheté ce qu'elle en avoit eu le denier xij. Si est moult grant péril à toute dame et damoiselle et à toute autre femme de user de celle
pot onques
vie
;
car les plus appertes et les plus saiges s'en tien-
le derrenier pour moquées et diffamées. Et pour ce , belles filles prenez y bon exemple, et ne jouez pas trop envieusement , et n'aiez mie le cuer
nent sur
,
trop ardant de gaingner petites fermailles, et
mie trop
le cuer.
prendre dons ne
Car qui a
telz fermailles
jeux , maintes en sont deceues es dons
mière
,
.et
car l'un vault l'autre
telles fermailles
maintes
Si est
aiez
,
gaingnez par et sont
,
tels
semblables
et qui est accoustu-
ardante de trop souvent prendre dons ne
celles qui trop et
n'i
cuer trop ardant de
le
fois
gaingnez par
tels
jeux
,
aucunes
fois
en prennent se mettent en subgicion, advient qu'elles s'en trouvent deceues.
bon de toutes
avisier avant le coup. »
Le Livre
166
De
dame qui esprouve
la
l'ermite.
Chappitre VlxxVe. elles filles
,
je
vous diray une des derrebonne dame qui
nières exemples d une
moult
fait
à louer;
il
est contenu
en
la vie
comment la femme au prevost esprouva un hermite par sa bonté. Il fut
des Pères d'Acquillée
un
saint hermite qui bien avoit esté xxv. ans
en hermengoit pain gros, herbes et racines, et buvoit eaue et jeunoit et estoit de moult sainte « Beau sire vie. Et une fois il commença à dire mitaige, où
il
:
Dieux
en cest siècle riens fait dont je doye » avoir nulle mérite, ne fait chose qui te plaise? » Sy i)
lui vint soit
:
«
une advision
Tu
lée et sa
sion,
il
ay-je
,
qu'il lui
sembloit que on
lui di-
es bien de la mérite au prevost d'Acquil-
femme. » Lors
se pensa que
il
,
quant
il
ot
ouy son advi-
yroit en Acquillée et verroit
meurs
et de leur vie , et de quelle pour sçavoir se ilz avoient nul bien deservy envers Dieu, si se mist à chemin et, comme Dieu le voult, par la grâce du saint Esperit,
et requerroit des
mérite
ilz
estoient. Et
,
femme
le prevost d'Acquillée et sa
venue de
me
l'ermite
pourquoy
il
sceurent bien la
venoit. Si advint,
com-
l'ermite arrivoit vers la ville d'Acquillée, le pre-
vost yssoit de la ville à moult grant foyson de gens,
un auun grant cours-
et aloit faire justice d'un escuier qui avoit occis tre escuier. Et estoit le prevost sur
,
DU Chevalier de La Tour. sier, vestu de draps de soye
rnines
moult noblement
,
comme
tantost
bien
le
richement aeesmé. Et
et
prevost vit Termite,
par la volonté de Dieu
,
267
fourré de vair et d'er-
,
;
si
congnut
le
il
l'appelle à costé et
Beau preudomme allez à mon hostel et femme, et lui dittes qu'elle » vous face comme à moy. » Si lui demanda Termite
lui dist
:
«
,
» bailliez cest annel à ma
qui
estoit
il
,
et
il
prevost d'A-
lui dit qu'il estoit le
noblement
quillée. Lors Termite, qui ainsi le vit
richement appareillié,
pource
lié
savoit
un homme
que penser
et
moult esbahi et esmerveil-
en
le vit
qu'il
faisoit deffaire
fut
si
grant cointise
et le faisoit
,
et qu'il
pendre. Si ne
et estoit tout troublé
sem-
et lui
,
bloit qu'il n'avoit riens desservy devers Dieu. Et toutes fois
à qui
il
il
alla à Tostel
mandoit qu'elle lui le receust à fist
du
prevost, et trouva la
grant joye
,
si fist
mettre les tables et le
bonnes viandes
seoir delès elle et servir de
chaudes
et
de bons vins
et Termite
,
pas apris ne acoustumé à avoir tesfois
mengea
derrenier les
et
dame
que son seigneur lui feist comme à lui. La bonne dame
bailla Tannel, et lui dist
il
lui
et bust et
en
sembla que
dame
elle et
et
de
qui ne avoit
viandes
fust bien aise.
la
mèz des viandes devant
mengoit pain gros
telles
,
faisoit
tou-
,
Et sur
le
despecier
mettre ou relief,
et boulie et buvoit
eaue
dame
,
et si
mena
faisoit ainsi. Et,
quant vint au
en sa chambre
qui fut bien parée de couvertures
,
soir, la
le
fourrées de vair et de gris et bien encourtiné
,
et lui
Beau preudomme, vous coucherez ou lict de mon seigneur et en sa chambre. » Si le cuida refuser, mais elle lui dist que si feroit et qu'elle feroit le commandement de son seigneur et qu'il y couche-
dist
:
«
Le Livre
i6S Lors
roit.
venir bons vins cl espices, et y trouva
fist
bonne saveur et
et
beust bien à tant qull fut bien yvrc
joyeulx et eniparlé
fiit
deccu. pouroe
Après ce
boire.
couchié
la
,
avecquos
il
car le vin leust lanlosl
;
navoit mie apris à point en
qu'il
s'en ala couchier, et
,
quant
il
lui, et le
commença à acoler et le taster, mengé de bonnes viandes
l'ermite, qui bien avoil
de chaudes ,
et n'avoit
se eslova et s'esmeut
,
la
,
dame
et et
mie oublié à boire sa chair et tant que il vouloil taire la ,
chose à la dame. El, quant loit faire
fut
danie se despouilla et se vint couchier
la
lui dist
:
dame
vit qu'il le
vou-
<x
Doulx amis
il
se va avant laver et
,
quant
»
mon
T)
baingnier en celle cuve d'exmeque vous veez, pour
seigneur
le
veull faire,
» estre plus net. » Lors l'ermite, qui n'entendoit fors
à sa foie voulenté,
gna
et
fust tanlost transi et
il
dedans
saillisl
de froid
,
glace, et
dame
l'appella
et lui estoil bien la
mauvaise voulenté. Et lors
Fabria et puis eschauffa lui esleva et
,
,
et tant
voult faire son
que
il
allast
tre fois
elle
la chair arrière
Et quant elle
fol délit.
^ist qu'il feust bien entalenté, elle le pria
res
et se bain-
comme
et lors la
vint tremblant et sublant
clialeur passée et la
cuve
la
lava en l'eaue, qui fut froide
qnc enco •
pour amour de elle soy baingnier une au-
pour estre plus net
,
et
cdlui
,
qui encores
dormy, ains estoit tout chaut du vin el avoit perdue sa mémoire, SiùUist du lit et alla arriére n'avoit point
soy baingnier. Et lors l'eaue froide
de
froii
,
et lors la
dame
l'apjxila
,
le
transist tout
et
il
vint ti^ani-
blant el daguetant les dents, et lui estoit bien la chaleur passée. Et lors la bonne
\T\ très bien
dame
el s'en parti et laissa
si l'idjria et
cou-
reposer très bien
DU Chevalier de La Tour. fut
un pou eschauffé
my moult pesanlement,
et ne se resveilla
l'ermite.
matin
Et quant
qu'il
il
2G9 endor-
jusques au
feusthaulte heure, et Tui douloitla teste du
vin qu'il avoit beu
,
boire. Lors
un
vint
il
car
n'en avoit point apris à
il
vielx chappellain à son lever,
demanda comment
qu'il lui
s
il
s'apperceut que lui estoit ainsi
advenu,
esmerveillié dont qu'ilz estoient
avoit
il
il
il
fut
quant
lui estoit. Et,
il
geu en
noble
si
lit
moult honteux
estoit ainsi
cheu
et
moult
et vist bien
,
de plus grant mérite que
demanda au chappellain de céans de
il
et qu'il
lui.
Lors
il
de la
l'estre et
du prevost et de la dame. Et le chappelain lui que ilz vestoient la haire le plus de jours et l'estamine, et, quant les bonnes viandes estoient devant eulx, ilz les mettoient en relief et en aumosnes el mengeoient le gros pain et les viandes de pou de
vie
dist
saveur, etbuvoient de leaue, et jeunoient le plus de jours. Lors
demanda pourquoy
il
cuve d eaue froide delez leur lit, estoit là
mise pour ce que
,
el
il
estoit illec celle
respondist qu elle
quant
la
char d'aucun
d'eulx s esmouvoit au délit de la chair, afin qu'ils ne
cheyssent en pechié de luxure, fors à un jour de la
sepmaine, cellui d eulx à qui
elle
esmouvoit se
aloit
mettre en celle cuve d'eaue froide pour reffraindre leur fol délit. Et, quant Termite eut ainsi enquis, se pensa que le prevost
,
richement arrayé dehors mine,
et
devant
en oultre
lui, et
combien ,
il
qu'il feust
moult
ou
l'esta-
vestoit la haire
qu'il tenoit justice et la faisoit faire
aussi
comment
lui et sa
femme veoient
à leur table les bons morceaux et les bonnes viandes délicieuses
,
et
ne
les vouloienl
mengier, ains les
donnoienl pour Dieu et mengoient pain gros
et
bu-
,
Le Livre
270
voient eaue , et considéra que vraiement
avoienl
ilz
plus de mérite que lui, qui ne veoit à son hermitaige nulle chose dont il lui prist envie, et que vij. fois
c'estoit plus
grant abstinence et en dévoient avoir
plus grant mérite que il
ne
tint
dame,
mie en
et
lui, et
ne
lui qu'il
comment
comment
puis se pensa feist la folie
elle Tessaia et
à la bonne
esprouva. Si ot
moult grant deul et grant vergoingne, et mauldisoit en son cuer Feure que oncques il estoit parti de son hermitaige, et que, en vérité,
de et -D
il n estoit pas digne mussant et pleurant « Beau à haultc voix
les descbausser, et s'en ala
moult honteux sire Dieulx,
il
et disoit
,
n'est plus
:
noble trésor ne plus pre-
» cicuse chose terrienne que la M essaya et a veu
ma
folie et
bonne dame qui
esprouvé
ma
me
faillance
;
» et vrayement, Sire, elle est bien digne d'estre nom»
mée
» vous »
et appellée la précieuse le déistes. Sire,
bonne femme devoit
marguerite
,
comme
en la sainte euvangille, que
la
comparée à la précieuse ceste bonne dame est une
estre
» marguerite. Mais, Sire,
» de celles pour qui vous le déistes de votre sainte
» bouche. » Ainsi parloit à soy-mesmes le saint her-
mite et se repcntoit moult humblement en cryant
mercy à Dieu et en louant la bonne dame qui de si bonne vie estoit. Et pour ce a cy bon exemple comment noble chose est de bonne dame qui bien s'espreuve
et qui se
de l'ennemy
qui tous jours fol délit, et fait, l'en
puet contenir contre les temptacions
et contre la foyblesse frit et
puis
,
quant
en ploure
de
la chetive chair
désire la folle voulenté en son le fol délit est
et s'en
car l'ennemy, qui cest
repcnt l'en
fait
;
eschappé et
mais
c'est tart,
a pourchassié, dès ce
DU Chevalier de La Tour. a peu faire acomplir la
qu'il il
les tient
pour ses
folie et le
271
mauvais
délit,
pour ses subgiez , et les que à pâinne ilz s'en pevent
serfs et
assemble et
les lie tant
deslier, tant
y met grant plaisance par son art, le pechié est plus grant , de tant
de tant
comme
la folle
lemptacion greigneur.
Cf parle d'une dame qui
et>
est
estait riche
et avaricieuse.
Chappitre
VIx>^VI<=.
n autre exemple vous diray d une grant dame qui fust femme à un grant baron ; celle fust
voit
moult long temps vefve,
que une
et n'a-
mariée à un grant sei-
fille,
gneur. Sy advint qu'elle fust malade au lit de la mort ; sy list faire son lit devant l'uis d'une tour où estoit sa chevance et son or, et
fist
mettre la clef de cette
un drapel soubz ses reins et, quant mort s'aprocha, elle avoit tousjours les
tour scellée en
que
vint
la
yeulx devers
,
la porte
y aprouchoient
,
de celle tour, et quant aucuns main et monstroit si-
elle levoit la
l'en n'y aproschat, et s'escrioit et tourmentoit toute que nul n'y habitast vers l'uis , et là avoit le plus de son entente , tant comme elle pcust
gne que
faire fille
,
se sa
nul signe
,
qui grant
mère
son arroy;
et
au
dame
fort elle trépassa. Si arriva la
estoit
,
et
demanda aux gens
avoit point de chevance pour lui faire ils
respondirent qu'ilz
ne savoient,
,
Le Livre
272
que
fors qu'ilz se pensoient bien qu'elle feust
se point en avoit,
,
en celle tour devant son
lit.
Et comptè-
rent comment elle ne vouloit souffrir que l'en n y atouchast, et lui distrent comment la clef en çstoit scellée
soubz ses rains. Lors XXX. à
xl.
vaisselle
;
mais lors
laine et en se,
la lille ouvrit la tour et
trouva de
mille, tant en or que en argent, que en
en linceulx de fil et de en merveilleuses cho-
fut trouvé
poupées de
et
lin
que tous en estoient esbahis d'en veoir
nière.
Adonc sa
fille
se seigna et dist
ma-
la
que en bonne
foy elle ne cuidoit mie qu'elle eust le xxx^ de ce qu'elle avoit trouvé, et
en
moult esbahie,
estoit
et
encores disoient qu elle et son seigneur l'estoient
venue
veoir, n'avoit gaires
et lui avoient requis
,
de
leurprester deux cens livres, jusques à certain temps, et qu'elle leuravoît juré fort sairement qu'elle n'avoit
point d'argent, fors sa vaisselle d'argent de chascun
jour, et pour ce estoit elle moult esmerveillée de trouver ce qu'elle trouvoit. Si
lui distrent ses
qui avoient esté avecqucs elle
«
i)
esmerveilliez mie
,
:
gens
Ma dame,
ne vous
sommes
plu? es-
car nous en
» merveillicz encore que vous; car, se elle voulsist » envoyer un messaige hors , ou aucune chose faire,
» elle empruntoit
iij.
solz
ou
iiij
» qu'elle n'avoit point d'argent
,
,
et deist
et
si
par sa foy
estoit
moult
ri-
» che et ne vouloit riens despendre. Et, quant ses x>
gensmangeoient,
elle leur reprouchoit
» serez-vous tout huy à table
?
:
vous ne
» gaster et despendre tout le nostre. » Et
Comment faictes si
bien que l'en la tenoit moult escharse et chiche toutes foiz elle laissa tout. Si n'a pas long temps je fus là
où
elle est enterrée
;
si
que
vous dy ;
et
que
demandoitaux frères
,,
DU Chevalier de La Tour, de labbaye où
elle gisoit et à
quoy
il
273
tenoit qu'elle
n avoit une tombe ou aucune congnoissance d'elle en leur église. Et ilz me respondirent que oncques fait amy qu elle eust n'en messe ne matines ne faire nul bien pour elle néant plus que pour une povre femme de villaige, forz que tant seulement à son enterraige où elle ot
puis que l'enterraige fut
fist
,
dire ne
,
,
beauservice
mais ce
fut tout, car je le
vy
et y fus. Si a cy bon exemple comment l'ennemi est subtil pour ;
comment en
décevoir, et telz
,
où
il
morfemme
l'un des vij . péchiez
puet mieulx tempter
homme
et
en cellui il met son entente et lie les pécheurs tellement que à painne s'en puevent-ils deslier, et se ce n'est par vraye confession
pechié
,
comme
il
fist
,
celle
et les fait estre serfz
grande dame
;
car
il
au fist
tant qu'elle fut serve et servante à son or et à son
argent, tellement qu'elle ne s'en osa bien faire ne au-
du monde ne pour l'onneur. , a cy bon exemple que , se il advenoit que Dieu vous donnast aucune chose et chevance terrienne départez lui en largement et en truy, ne pour l'amour
Et pour ce , belles
,
filles
,
faictes bien
,
pour honneur de vous
parens
et voisins.
comme
fist
celle
chanté ne balle
,
,
à vos povres
Et n'attendez pas à le départir
dame pour ,
ne
fait
qui oncques puis ne fut
nul bien pour elle
,
ouy avez dessus.
iS
comme
Le Livre
274
D'aune
dame
honnourable.
Chappitre VIxxVII*. n autre exemple vous vudl dire au conde cestui devant
qui fut longtemps veufve. Si fut
moult de sainte vie ble,
comme
fait
que
la
et
,
c'est
;
moult honnoura-
chascun an tenoit feste à Noël les envoioit querre près et loin ,
celle qui
Je ses voisins, et tant
d'une bonne
traire
dame
en
salle
bien plainne. Et ne
estoit
se elle les servoitethonnouroit
mie à demander
bien, chascun selon soy, et à merveilles portoit
grant honneur et priveté aux preudes femmes et aux
gens qui avoient deservi honneur,
et là estoient les
menestralx et plusieurs instrumens , à qui
moult grant chières
ment
,
elle faisoit
donnoit du sien large-
et leur
tant qu'ilz l'amoient à grant merveilles
lement que, quand
chanson de regret
elle fut
d'elle
,
morte,
où
il
y a au
,
tel-
en firent une
ilz
reffrain
:
Helas? k la Galonnière
N'avons nous plus bel aler,
Comme
endroit
ma dame
chière.
Qui tant nous souloit amer.
Et ainsi la regretoient. Et après ce elle avoit
coustume que, se
elle sceut
femme qui
feust
et arroiast
de joyaulx
mnrièe près et
telle
aucune povre gentil-
d'elle
,
elle l'ordonnast
de mantel et
lui faisoit tant
DU Chevalier DE La Tour. de biens
qu'elle povoit, et
276
se elle n'y allast, elle y
,
envoiast de ses damoyselles l'arroyer et lui faire hon-
neur
aux enterremens des povres gentilz femmes et leurdonnoitlacireou
et aloit
,
hommes
et gentilz
ce qui leur
faisoit mestier, et puis se
man-
revenoit
que gens qu'elle nul coust. Son ordonnance de chascun
gier en sonhostel, et ne souffrist pas
eust leur
fist
jour estoit qu elle se levoit assés matin et avoit tousjours deux frères et deux ou autres messes
,
et,
quant
iij
et là disoit ses
,
chappelains qui lui les
elle estoit levée, elle
ve-
noit tout droit à sa chappelle toire
.
messe à notle, sans
disoient matines à nolte et
heures
et entroit en son ora-
,
comme
tant
,
l'en disoit
matines et une messe. Et après elle se aloit arraier et attourner, et après cela elle s'aloit esbattre es ver-
giers ou à l'environ son hostel
,
en disant ses heures,
puis venoit faire aucunes petites messes dire et la
grant messe s'elle
,
et puis aloit disner, et, après disner,
sceut aucun malade ou
femme en
gésine
les aloit veoir et visiter et leur feist porter
meilleure viande et du vin aler, elle tramettoit tit
cheval
toient
,
un
et là
,
où
elle
ne povoit
varlct tout propre sur
qui aloit veoir les malades là où
un
pe-
ilz
es-
et leur portoit vin et viandes. Et après
,
elle
,
de sa
ves-
pres elle aloit soupper, se elle ne junast, selon le
temps d'ostel
main
,
et la saison, et faisoit
et vouloit savoir
,
et ordonnoit
vivoit par
au soir venir son maistre
que
l'en
mengeroit lende-
de ses choses qui
bonne ordenance
,
et
failloient, et
vouloit que l'en
se pourveist de loing des choses qui estoient nécessaires
pour son hostel.
Elle faisoit
moult de abstinen-
ces, et entre les autres choses elle vestoit la hairc le
Le Livre
276 mercredi
le
,
vendredi et
le
samedi.
Comment
je le
La bonne dame morut en un lieu qu'elle tenoit en douaire qui estoit de monseigneur mon père, et, quant elle fust morte, nous y venismes demeurer, mes suers et moi qui estions encore petis. Et fut depecié le lit où elle morut; si fut trouvée dedans une haire. Si avoit leans une damoiselle moult bonne femme , qui avoit demeuré sais
je
,
vous
le diray.
,
,
avecques et
nous
la
dame
dist
que
;
prist la haire et la mist
si
estoit la haire à sa feue
qu'elle la vestoit troix jours de la
compta
la
Dieu
,
sepmaine,
,
et
nous
et
bonne vie et les meurs d'elle , et comment chacune nuit iij fois du moins et s'age-
elle se levoit
en
nouilloit
en sauf,
dame
.
la venelle
et prioit
pour
de son
les
lit
mors et
et rendoit grâces à
faisoit
moult
d'absti-
nences, et estoit piteable es povres et moult charitable et de
bien
fait
Ville, xviij.
à
moult sainte
nommer,
eut
vie.
La bonne dame
nom madame
,
qui
Olive de Belle
oy dire que son frère tenoit bien mais pour ce elle estoit
et je lui
mil livres de rente
dame
;
humble que je vy moins se prisoit et moins estoit envieuse, ne jamais ne voulsist que l'en mesdeist de nulz ne ne voulsist oir parler maulx de la plus courtoise
oncques
,
selon
mon
et la plus
avis
,
et qui
nulz, et que l'enparlast devant elle, et quant aucuns
en parloient
,
elle les
desblasmoit et disoit que,
si
que nulz ne savoit qui lui estoit à venir, et que nulz ne devoit juger d'autruy, et que les vengences et les jugemens de Dieu estoient moult merveilleux , et ainsi reprenoit ceulx qui le mahain et les maux parloient d'autruy, et les faisoit taire, sans les esbaïr de ce que elle Dieuplaist,
ilz
se amenderont, et
,
DU Chevalier de La Tour. les reprenoit ainsi. Et ainsi doit faire tout
et toute
bonne femme à lexemple de
chiez que c'est une noble vertu que
bon
277
homme
ceste. Et sai-
non
estre en-
vieux ne joieux du mal d'autrui recorder, selon Dieu
honneur. Et, pour certain, la bonne dame que ceulx qui se ventoicnt et reprouchoient les maulx et les vices d autruy et qui voulenliers se bourdoient de leurs voisins et d'aulruy, que Dieux et selon son
disoit
de telz vices ou eulx ou les prouchains de ceulx, dont ilz avoient puis honte. Et ce ay-je sou-
les punissoit
vent veu avenir,
comme
disoit la
bonne dame
;
car
nul n'a que faire de jugier ni reprouchier ne enquerre le
mal de son
voisin ne d'autruy. Et toutcsfois
il
me
souvient bien de beaucoup de bons dis de la bonne
dame
que environ ix. ans quant elle que se elle eust bonne vie elle ot bonne fin , si belle que ce seroit belle chose à le raconter. Mais long seroit et dist len communément que de bonne vie bonne fin , et pour ce est bel exemple de faire comme elle fist. ;
morut.
si
n'avois-je
Si
vous
di bien
,
,
Cj" parle
des trois enseignemens que Cathon dist
d Cathonnet , son
filz.
Chappitrk VIxxVIII«. n autre exemple vous vueil dire comment
Cathon, qui
fut
toute la cité de d'auctoritcz
moires de
lui
,
cellui
,
si
saige qu'il gouverna
Romme,
et fist
moult
qui encore sont grans
Cathon ot un
filz
,
et
,
mé-
quant
il
Le Livre
278 fut
ou
nom
lit
de la mort
,
il
appella son
Cathonnet, et lui dit
» moult longuement, et
» monde, lequel est
fort
filz
,
qui avoit
Beau lilz j'ay vesqu est tamps que je laisse cest à congnoistre et moult mer«
:
,
» veilleux, et toujours empirera, » Mais toutesfois , beaux chier
filz
comme je
pense.
je aroye
moult
,
» chier que vostre gouvernement fusl bon, à l'amour » de Dieu et à Tonneur de vous et de tous vos voi-
» sins
et
vos amys. Si vous ay
» moult d'enseignemens qui » prouffiter,
par escript
vous voulez mettre cuer à
si
» tenir. Et toutesfois
» vous en dire
baillié
moult vous pourront
me
re-
les
de
suis-je pensé encore
trois autres
avant
ma
mort. Si vous
» prie de les bien retenir et les garder. »
Du premier
enseignement. Le premier des trois
» enseignemens est que vous ne prengniez office de » vostre seigneur souverain
,
en cas que vous aurez
» assez chevance et bonne souffisance. Car qui a son » estât
bon
» tant selon
et souffisant
comme
,
il
a toute souffisance
,
roy et empereur peut avoir
au,
et
» ne doit plus demander à Dieu. Et pour ce ne vous
» devez pas mettre à subjection de perdre par une » mauvaise parole ou par un mal raport tout ce que » vous avez »
le
;
car,
monde de
beaux
fils, il
des seigneurs par
est
plusieurs manières
,
comme
de hastis
» et qui croient de Icgier. Et, pour ce, qui a souffi» sance doit bien doubler de soy mettre en nul péril »
de avanturer son estât et honneur pour servir gens
» de Icgière voulenlé.
»
» Le second enseignement. Le second enseignement est que vous ne respitez homme qui a mort
» desservie, et par espacial qui est couslumicr
de
,
DU Chevalikr de La Tour. 5)
mal
faire
mal
car ou
;
maulx
» riez participant et en tous les
279
après vous se-
qu'il feroit
qu'il feroit, et
» à bon droit.
i)
» Encore de Cathonnet. Le tiers enseignement est que vous essaiez vostre femme, pour savoir se elle
î>
saura bien celler et garder vostre secret qui tou-
» chera Tonneur de vostre personne
;
car
il
en
est
de
» moult saiges et de bonnes qui scevcnt bien celer » et qui donnent de bons advisemens » telles qui ne se i)
et si
,
pou rroient tenir de dire
l'en leur dit, aussi bien contre elles
en est de
tout ce
que
comme pour
» elles. » Et ainsi le saige Chaton bailla ces trois en-
seignemens à son filz au le
preudomme morut
pour saige,
tenu
toit
Romme
lit
et
,
lui bailla
son
de
son
la
et tant
filz
à
le
mort. Si advint que
filz
demeura qui ,
garder et à l'appren-
dre et endoctriner. Et après cela,
il
lui fist parler d'es-
avec lui et de gouverner les grans faizde
tre
et lui fist
,
il
se conscntist
lui fist
convoic-
oublier l'enseignement de son père. Et quant
tise
en
cellui office et
Rome
rue de voient
,
si
il
à grant compaignie de gens qui le sui-
dre, qui estoit moult bel juenne lui
» piler cest
homme que
qu'il disoit voir; et, il
homme.
va dire
» nouvelleté de vostre office
,
il
chevauchoit par la maistre
encontra un larron que l'on menoit pen-
de sa compaignie qui
fait
Romme
promettre de grans prouffis , et tant que
pour la convoitise des grans prouffiz à prendre l'office et s'en charga , et fut
es-
que Tempereur de
l'on
,
:
Si
« Sire
,
avoitun
pour
la
vous povez bien res-
va
deffaire.
» Si dist
sans demander ne enqucrre du
le respita et le fist délier et l'en
envoier, pour
essaucier la nouveaulté de son office. Si fut bien hastiz
,.
Le Livre
28o
ne lui souvint pas à l'eure du commandement que son père luy avoit fait. et
De
my
mesmes. Et quant vint
ce
le
premier
somme
sur cette matière avoit enfraint
ne
et qu'il
,
la nuit, qu'il eut dor-
avoit
si
veu moult d'avisions va souvenir qu'il
et tant qu'il lui
,
deux des commandemens de son père, plus que le tiers. Si fut moult pen-
failloit
sis, et toutesfois
il
dit à
tiers, c'est-à-dire que il
soy mesmes
qu'il essaieroit
essayeroil de sa
ce
femme si elle le
sauroit bien celler d'un grant conseil si il le disoi t à elle
que sa femme s'esveilla, et lors il lui dist : je vous deisse un très grant conseil qu'il » touche ma personne , si je cuidasse que vous le te-
Si attendi
« M'amie
,
B nissiez secret
que vous ne le deissioz à riens Ha, mon seigneur » , dist- elle » par ma bonne foy, jeameroye mieulxà estre morte » que vous descouvrir de conseil que vous me deis» siez. » «Ha, m'amie », dist-il, dont le vousdi» qu'il
soit.
»
et
,
—«
—
» ray-je
;
car je ne vous sauroie riens celler.
» ainsi que devant hier, » hostel » garde
»
,
,
j'aloie
Il
est
en nostre
fist
courroucié et
me
dist
mon
desplai-
avoie bien beu et estoie courroucié d'autre
sir. Si
» chose
comme
de l'empereur, que nous avions en
le filz
me
si
;
si
me
marry
Et encore
tant avecques lui
»
cis.
•»
cuer de son ventre, et le
fis-je
que je
l'oc-
plus fort, car je arrachay le fis
confire
en bonne
» dragée et l'envoyay à l'empereur son père et à sa » mère, lequel
ilz
ontmengié,
et ainsi
me
suis je
» vengié de lui. Mais je sçay bien » faict et
que c'est moult mal m'en repens; mais c'estàlart. Je vous prie
» de bien celler ce conseil, car je ne le diroie à nul »
du monde que à vous.
» Et celle
commença à
— DU Chevalier de La Tour. souspirer et à jurer que
,
advenue , que jamais ne le quant vint quil
ainsi
281
puis que radvanture estoit
passa
diroit. Si se
envoya querre une damoiselle qui demouroit en la ainsi la nuit, et,
ville
,
fut jour, celle
qui à merveilles estoit s'amie et sa privée
,
et
à qui elle disoittous ses grans conseilz. Etquant elle fut
venue, elle commença à souspirer et à gémir, et
demanda « Ma dame, que avez-vous? Vous avez aucune grant tristesse en vostre cuer. » « Vrayement, m'amie je Tay moult grant mais
l'autre lui
w
:
—
,
» je ne l'ose dire à nul
,
» estre dit-elle
;
car je vouldroie mieulx
morte que il feust sceu. » ,
—
ma dame »,
a Ha,
« par sa foy, celle seroit bien hors
du sens
un tel conseil se vous le disiez. » Et, quant est de moy, se vous le m'aviez dist, je » me laisseroie avant les dens traire que le dire.» » qui descouvreroit
a Voire », dist la » roie-je dire et »
ma bonne
,
femme Cathonnet
moy
foy », dist-elle
foy et le serement
et
,
comment son seigneur
,
en vous? »
fier
au
;
« le vous pour-
—
fort elle
« Ouil
descouvry
avoit occis le
,
par
en prist
et l'autre
filz
la
tout,
de l'empe-
reur, et envoyé le cuer en espices au père et à la
mère, qui fist
bien. Mais
que
l'avoient
la merveilleuse
,
il
quant
,
mcngié. Et
l'autre se soigna et
et dist qu'elle le celeroit
luy fut moult tard de le dire elle fut départie
de liens
,
,
moult et tant
elle ala tout
droit à la court de l'empereur, et vint à l'emperière, et s'agenouilla
«
Ma dame,
pour
» grant conseil. »
bienvenant
— Et
lors
,
et lui dist
:
vous secrètement d'un Temperiôre fist ruser
femmes de sa chambre. Lors celle lui va dire Ma dame, le grant amour que j'ay à vous et le
ses a
faire le
je vueil parler à
:
Le Livre
282
» grant bien que vous m'avez » que vous
me
encore
faciez
» dire un grant conseil
lequel
,
» fors à vostre personne »
frir
»
fait à
ne diroie à nuUuy
si
car je ne pourroye souf-
,
vostre deshonneur pour riens.
De
ce
mesmes. Madame,
» monseigneur l'empereur » nul
que j espère vous venir
fait et
me
,
y appert
et bien
» verneur de la cité de
,
que vous
est ainsi
il
et
amez plus Calhonnet que
car vous l'avez
Romme
fait
et encores,
,
tout gou-
pour
lui
» monstrer plus grant amour, vous lui aviez baillié à » gouverner vostre
» paignie qu'il
l'a
filz.
» son ventre et le vous a
—
Si
vous en a
fait telle
comde
occis et en a arrachié le cuer fait
mengier en espices. »
« Qu'est-ce que vous dictes? »
Ma dame,
ma
dist
l'cmpe-
vous dy voir » pour certain ; car je le sçay si bien comme de la qui le m'a dit en » bouche de sa femme propre
rière. «
par
foy, je
,
bonne dame moult à » malaise de cuer, comme celle que j'en ay oy plou» grant conseil
,
en est
et
la
» rer. » Et, quant l'emperièrel'entendy ainsi, à certes
sy s'escria à haulte voix
mença à
faire si
:
« Las
!
lasse
!
» et
com-
grant dueil que c'estoit merveilles à
veoir , et tant que les nouvelles en vindrent à l'em-
pereur comment l'emperièrefaisoit si grant dueil. Lors il
fut moult esbahis et vint là, et lui
elle faisoit tel dueil
pondre
,
et
au
;
demanda pourquoy
et celle à paine lui povoit rcs-
fort elle lui
compta tout ce que
la
da-
moiselle lui avoit dit de leur enffant. Et quant l'em-
pereur
oit les
nouvelles
qu'ilz
avoient mengié le
moult doulantet courroucié, ne fait mie demander comment, et erraument commanda que Cathonnet fut pendu haultement decuer de leur enffant,
si
fut
DU Chevalier de La Tour. vant tous et
qu'il n'y eust point
de
faulte.
283
Lors ses
gens le alèrent quérir et lui distrent le commandement de leur seigneur et que c'estoit pour son filz qu'il ,
avoit occis. Si va dire Cathonnet
« Seigneurs
:
,
il
» n'est pas mestier que tout ce que l'en dit soit vray.
me
» Vous
mcllrez en prison et direz qu'il est trop
» tart et que demain, quant le ban sera
» pueple, sera mieulx
moult toutes manières de gens ,
comme
il
fait
faite la justice. » Si
devant
le
l'amoyeni
et le firent ainsi
à l'empereur que ce
le requist, et fut dist
seroit plus grant solempnité et le
mieulx d'en
faire
justice landemain, et qu'il estoit trop tart, et l'empe-
reur
l'ottroia,
Et toutesfois chartre,
il
,
qui grant dueil demenoit de son
comme
l'en
appela un de ses escuiers et
» t'en à tel baron », et lui
filz.
menoit Cathonnet en
nomma,
lui dist
la
Vacom-
«
:
« et lui dis
ment l'empereur cuide que j'aye occis son filz, et » que je lui mande que demain dedans heure de »
,
» prime,
il
amaine cy
l'enffant,
ou autrement
je sc-
» rois en grant péril de mort villaine. » Cellui es-
cuier s'en parti et chevaucha à nuitée, et, entour mienuit
,
il
arriva en l'ostel
du baron à qui Cathonnet
avoit baillé l'enffant en garde
amy
et voisin
,
,
comme
lequel baron estoit
à son grant
preud'omme
saige, et à merveilles s'entr'amoient. Et,
quant
et
l'es-
il hucha à haulte voix, et tant fist qu'il du baron à qui Cathonnet avoit baillé le filz de l'empereur, et lui compta le fait, comment l'en avoit donné à entendre à l'empereur que Ca-
cuier arriva vint au
,
lit
thonnet avoit occis son toit
mis en prison, el
Quant
cellui
baron
le
fils,
et tellement qu'il
en es-
dcvoit-on landemain pandre.
l'entendit, si fut
moult esmerveil-
,
Le Livre
284
de ceste adventure
liez
,
et lors
se leva courant
il
au
et list arroier ses gens, et vint
lit
du
de lem-
filz
pereur, et lui compta celle merveille. Et, quant Tenffant Tentendit,
grant dueil,
il
ne
fait
pas à demander se
comme cellui
esveiller tous
en ot
il
qui se hasta de lever etfist
les autres, car à merveilles
amoit
son bon maistre Cathonnet. Si vous laisse à parler
de renffant de Tempère ur
et
du baron
,
et reviens
à
Cathonnet, qui estoit prisonnier.
Comment Cathonnet fu prisonnier. Cathonnet esà merveilles amé à Romme de toutes manières
toit
de gens,
comme
humamy
cellui qui estoit saige, doulx,
ble et courtoys. Si dist au matin à
un
sien grant
que à l'avanture il feist secrètement cachier les pcndars de la ville jusques à heure de tierce, et l'autre le fist ainsi et
eut son gré jusque à ceste heure. Si fut
environ prime amené au gibet Cathonnet avec toute la
commune
gent de
Romme.
de toutes gens qui là estoient, esté;
mais
ils
cuidcrent qu'il cust
estoit accusé.
Mais de cela
merveilles et disoient »
homme
Et là ot moult plouré et
:
«
encores Icust-il plus
commis le fait dont
il
se donnoient grans
ilz
Comment a esté si comme d'avoir
saige
tempté de l'ennemy
fait si
» grant cruaulté d'avoir occis le fdz de l'empereur » et leur en avoir
fait
mangier
le
cucr?
Comment
» puet-ce estre? » Si y en avoit grans paroles entr'eulx,
dont les uns
le creoient et les autres
povoient croire. Et toutesfois et
demandoit
où
l'en
il
fust
mené au
respité
de mort
;
le
estoit le pendart, et le fist l'en
huchier partout et nul ne respondoit, dont grant merveille
ne
gibet,
il
advint
car cellui lequel Cathonnet avoit
et
sauvé
la vie
quant
l'en le
menoit
,
DU Chevalier de La Tour. pendre » a
avant et dist
saillist
fait est villain
m offre
» je
à
,
et,
285
« Seigneur, le fait qu'il
:
pour honneur de Tempereur,
faire Toftice,
s'il
n'y a autre qui le fa-
» ce. » Et chascunsile regarda, et distrent
:
a N'est-
» ce pas cellui que Cathonnet respita de mort? »
« Par
se commencièrent tous à seigner et distrent
»
ment
:
» bien appert
mais
tant
ils
« Vraie-
cellui est bien fol à droit qui respite larron
,
» de mort. » Et Cathonnet le regarde et lui dist
i)
—
foy », dirent-ils, « c'est cellui sans autre. » Si
ainsi est
:
«
Tu es
souvient pou du temps passé
te
il
;
des merveilles du monde. »
En
;
entre-
regardèrent une grant pouldre de chevaulx et
ouirent grans cris qui crioient à haulte voix
» occiez pas le
preudhomme.
» Et
chevaulx venir courans, et virent reur qui venoit sur un coursier
pouvoit
en disant
,
«
:
Ne
» Cathonnet, car je suis tout
vif. ,
«
Ne
regardèrent
le filz
de l'empe-
,
comme il mon maistre
tost
si
louchiez à
esmervcilliez de ceste chose
:
ils
» Lors furent tous
et l'enffant
descendy
va deslier son maistre et le baisier en plourant moult doulcement et en disant a Ha, mon
du cheval
et
,
:
amy
» doulx
» ne
si
et maistre
,
qui vous a ce pourchacié
grant mençonge trouvée, et
» seigneur disant cela,
mon il
père
si
comment
le rebaisa et
de
l'enffant plourant pitié
ment de
mon-
acola, et le peuple, qui
bonne nature
estoit esmerveillé, voiant la pitié et la
de
a
legiôrement creu? » Et en
tendrement, de
qu'ils avoient ilz
la
grant joye et
mercioient Dieu grande-
celle délivrance, et estoient tous esbahis
celle merveille. Et toutesfois l'enffant
fit
de
monter Ca-
thonnet sur un cheval et l'emmena au long des rues de Romme par les resnes du cheval jusques au pa-
,
Le Livre
286
de l'empereur. Et quant l'empereur et sa femme oyrent la nouvelle de leur enfant ilz saillirent enlais
,
contre
lui faisant
grant joye.
Et quant
ilz virent leur enffant qui amenoit Cathonnet par la resne du ,
cheval et tout
le pueple, si furent moult esmerveilliez de cette adventure, et si se tenoient moult honteux devers Cathonnet, et vindrent à lui et le accolèrent
et baisèrent, et lui tirent la plus grant feste
, la plus grant joye et le plus grant honneur qu'ilz peurent,
et se excusèrent devers lui
leur dit
:
« Ha,
mon
de
seigneur,
cellui fait, et leur fils
comment vouliez-vous
» faire sihastive justice sans avoir avant bien enquis »
du donneur à entendre?Car hauls homs comme vous
» en seroit plus tost blasmé que un autre ; car, se vous » l'eussiez
fait
destruire sans cause, regardez quel do-
» maige et quelle pitié, et certes je n'eusse jamais eu
» joye au cuer ; car, se je sçay nul bien, c'est par
Et l'empereur lui respondist »
fait
:
«
Beaux fils,
» rance que tu vailles et que tu » bien
,
nous
» sens. »
sant ainsi
tolist
faces
,
en espe-
aucun grant
toute rayson et nous troubla le
Adonc Cathonnet parla devant tous en :
di-
« Sire, ne vous esmerveilliez pas de ceste
» chose, car je vous diray
» est vray que j'ay eu »
»
mal
à nous, et y avons eu grant honte et grant vi-
» ce. Mais l'amour que nous avions à toy
•»
lui.
c'estoit
comme
l'en disoit,
pais. Si
me
le
comment plus saige
il
est avenu.
homme
Il
à père
qui feust en son temps en cest
monslra moult de bons enseignemens,
» sej'eussc esté saige à les retenir. Ettoutesfois, quant
»
il
fut
au
lit
de
la
mort
,
il
me
hucha,
comme
cellui
» qui grant désir avoit que je eusse aucun bien. »
me
pria de retenir
iij.
enseignemens entre
les
Sy au-
,
DU Chevalier de La Tour. » très. Et pour ce 3»
,
comme
exemplaire ou temps à venir,
» sont avenus et qui a »
287
pour estre
je les vueil recorder
cellui à qui ilz
contraire.
fait le
Le premier enseignement que il me dist fut me donnoit bonne chevance, que j'en ,
» que, se Dieux
» dévoie Dieu mercier et avoir en
moy
souffisance
» et que je ne devoye convoittier ne demander plus à » Dieu et au
monde
» fisance, que je ne
,
et,
me
pour ce que j'avoie souf-
misse en nulle manière en
» subjection d'avoir office de
mon souverain seigneur,
» par espoir de convoitise de m'y mettre pour avoir » des biens plus, car aucun envieulx ou aucun faulx » rappors me feroient perdre
moy elle mien. Car grant
» chose est de grant seigneur qui est de legière et » hastive voulenté ; car aucunes fois aucuns ne en» quièrent pas les veritez des choses données à en» tendre, et pour ce font moult d'estrange et de has» tifz commandement et pour ce en avez tous veu » cest exemple qui m'a deu estre si grief et si vil,
» lain. Car
si
j'eusse creule conseil de
mon
père, je
j'ai esté.
Car, Dieux
avoye des biens terriens assez
et trop plus
» n'eusse
mie
» mercis,
j
esté
ou party où
» que je n'avoye deservy envers Dieu , et me povoie bien
» déporter de prendre
office.
Le secont enseignement homme qui eust mort
» fut que je ne rachetasse point » desservie
» autre
fois
,
et par especial larron
en a ouvré, et que,
si
maulx que
» roye participant en tous les
» là en avant, et que jamais ne » lui
commandement
» lui qui aujourd'huy
ne homicide qui
je le faisoie, je se-
me
il
feroit
dès
aimeroit. Et cel-
comme de celmoy pendre, le-
je l'ay enfraint s'est offert
» quel j'avoie respité de mort
;
si
de
m'a offert
petit
guer-
Le Livre
288
» don, et toutefois vous en avez veu Texemple. Le
ma femne descouvrir nul grant con» seil car il y avoit trop de péril. Car il en est assez » qui scevent trop bien celler et en qui Ten trouve de » tiers enseignement estoit que je essaiasse »
me
avant que
lui dire
,
» bons conseils et de bons confors, et en est d autres » qui ne sauroient riens celler. Je pensay l'autre nuit » en
»
mon
lit
que
mens de mon
» esveillay
ma femme
» j'avoie occis le
» pices
le
j'avoie enfraint
que donné en es-
la essayer
et
cuer à l'empereur et à l'emperière, et que,
» elle povoit envers si
pour
et lui dis
de l'empereur
fils
» sur l'amour qu'elle avoit à
»
deux des enseigne-
père, et que je essayeroye le tiers. Si
moy
moy
meffaire
et sur
quanques
qu'elle le celast
,
bien que jamais n'en feust riens sceu. Si ay bien
» esprouvé
comment
elle
m'a bien celé
,
comment
» chascun puet bien veoir. Mais je ne m'en donne pas » trop grant merveille, car ce n'est pas nouvelle chose » que
femme
saiche bien tousjours celler les choses
» que l'en lui dit. Car
» res,
comme
il
en est de plusieurs maniè-
nature leur apporte
,
et
en est d'unes,
» et d'autres de bien saiges et de soubtil engin
,
et
» que jamais ne descouvreroient le conseil de leurs T)
seigneurs et des autres aussy.
Encore parle Cathojinet. « Si avez ouy comest prins, et que je n'ay autrement il m'en » creu le conseil de mon père qui tant fust saige » homme, si ce m'en est deu moult mal prendre. » »
ment
,
Et toutes foys
il
dist à
l'empereur
descharge de vostre
office. » Si
grant peine, et toutes
fois fust-il
Ire
du conseil de Romme,
et
en
:
« Sire
,
je
me
fut deschargié à
retenu à estre mais-
especialement des grans
DU Chevalier de La Tour. fais.
de et
Et
l'empereur grans prouffis et
lui fist
289
lui
donna
graris dons et l'ayma moult instans et régna bien moult saintement en l'amour de Dieu et du pue,
pie.
Et pour ce mes belles filles a cy bon exemple comment vous devez celler les conseils de voz seigneurs et ne les dire à nully de monde car par ,
,
,
maintes
fois
il
en advient moult de mal
,
telles fois
donne garde Car à bien celler, et par especial ce que Ten deffault ne puet venir se bien non. Et aussy comme la sayette part de l'arc
que Ten ne
s'en
.
,
cordé ,
et,
quand
elle est partie
,
il
convient qu'elle
preingne son bruit, ne jamais ne reviendra à
la cor-
de jusques à tant qu'elle
que ce
soit,
ait
féru quelle chose
tout aussi est-il de la parole qui
ist
de
la
bou-
che, car puis qu'elle en est yssue elle n'y puet rentrer qu'elle
ne soyt ouye
et
entendue
mal. Et pour ce est-ce belle chose,
ge Salemon trois la
dit,
que
l'on
comme
doit penser
chose avant que la dire,
et
elle pourroit tourner, et ainsi le
saiges femmes. Car trop de
soit bien, soit
,
si
deux
le sa-
fois
ou
penser à quelle fin
doivent faire toutes
maulx en ont
engendrez, de descouvrir conseil
et
esté fais et
choses qui ont
esté dictes en conseil. Sy vous pry, belles filles, qu'il vous vueille souvenir decest exemple car tout bien et tout honneur vous en puet venir, et si est une ver,
tu qui cschiève
moult de haynes
et
de maulx. Car moult perdu
je sçais et cognois plusieurs qui ont
cl ont souffert moult de mal et de très grans haynes pour trop Icgierement parler d'autruy et pour recor-
der les maulx qu'ils oyent dire d'autruy, dont n'ont
que
faire.
Car nul ne scet que luy
ilz
est à venir,
Le Livre du Chev. de la Tour.
290
Et cellui et celles sont saiges de sens naturel qui ne sont mie nouveliers
,
c'est à dire
qui se gardent de
recorder la faulte ne le mespris dautrui. Car Dieux
aime
celui qui
à tort
desblasme ceux que Ton blasme ,
soit à droit
,
soit
car à taire le mal d'autrui ne puet
,
venir que tout bien ,
si
comme il
est
contenu ou livre
des saiges, et aussi en une evangille.
€/
fine le Livre
du Chevalier de La Tour.
Deo gratias.
NOTES ET VARIANTES ag. 2, lig. ao. Ce qu'il faut entendre par cette reine Prines ou Prives de Hongrie et par son livre me paroît fort douteux. Legrand d'Aussy I
propose d'y voir
Elisabeth de Bosnie,
«
surnommé
femme
Grand, et mère de trois filles, dont Catherine , l'aînée, fut accordée en 1374 à Louis de France, comte de Valois » mais il n'a pas vu que son explication étoit inadmissible dès le point de départ , puisqu'il est certain que le livre de notre auteur n'est pas postérieur a 1372, date antérieure à cet accord. A prendre une reine contemporaine, il vaudroit mieux y voir Jeanne de Bohême, première femme du roi de France Jean II , dont il est question dans le commencement de Saintré, et qui mourut en 1349, avant l'avènement de son mari a la couronne. Mais il est plus juste de croire que , jusqu'à nouvel ordre , l'allusion de ce passage reste inexpliquée. Pag. i3, lig. 5, dcmenoicnt L., espinoicnt ; P. 2, espi'de Louis
I^'",
le
;
:
goient.
Pag. 22, vier sauvaige
—
lig. 9, félons :
L.,
:
L., foulons.
ramage; P.
Lig. 25, Messire Pierre
1,
— Lig.
ramaige; P.
de Cruon
:
P.
1
16
,
espre-
2, privage.
,
messire de
Craon; P. 2, monseigneur de Craon. Le prénom de Pierre, qui se trouve dans le seul ms. de L. , montre qu'il s'agit de Pierre de (^raon , seigneur de la Susc, de Chantoce,de Briolé et d'Ingrande, 5«^tils d'Amaury 3* du nom, mort le i3 septembre 1576. Cf. P. Anselme, VIII, 673,
c.
1. L. signifie le manuscrit de Londres; Paris, 74o3 et 7078.
Pi,
Pi,
les inss.
du
Notes
292 Pag. 24,
de
lig- 8, verliller, et
plus loin radjcctif, viennent
vertere, tourner.
Pag. 29,
lig.
20
:
P.
1
est le seul ins. qui ait le
mot de
pucelles.
Pag. 35, lig. 8, faisoil garder une anguille en un vaissel : P. 2 a le terme technique en un bouteron. Pag. 37, lig. 1/4, Dame de Languillier : P. 2, Langallier. Voyez sur ce nom l'introduction, p.xi-xij. Il est remarquable que, dans la 07^ nouvelle de sou Heptaméron , Marguerite de Navarre raconte précisément le même fait, sans nom et comme une chose contemporaine, et en mettant aussi la scène dans l'Anjou. Pag. 4o, lig. 16, arivieusement P. i, ataineuscment. Pag, 4i, lig. 8, homme de Dieu : P. a, homme de bien. Pag. 42, lig. 29, saul sur table P. 1, sal sur table. Pag. 44) Jig» 17-19 Celle phrase manque à L. et a P. i. Pag. 46, lig. i5 Ce Beaumanoir, « le père de cestuicy qui de présent est », a été bien désigné par M. Paris (V, 3o) comme étant Jean III chevafier, maréchal de Bretagne , celui qui combattit avec les trente Bretons. Il eut deux femmes Tiphainc de Chemillé en Anjou, celle sans doute dont il s'agit ici, et 3Iarguerite de Rohan. Celui « qui est de présent » est Jean Iv, mort en i385 , et mari delà fille de Duguesclin. Cf. P. Anselme, VII, 38o-i. Pag. 4?! 'ig' i4' ^^^ 9^ns des compaignesii faut peutêtre entendre les grandes compagnies. Lig. 20, la princesse et antres dames d'' Angleterre: « sans doute la princesse de Galles, Jeanne de Kent , femme du Prince Noir. » P. Paris, V, 81. Pag. 5o, lig. 3. Jean de Clermont, seigneur de Chantilly, maréchal de France, et tué à la bataille de Poitiers. (Anselme, VI, 750-1. j Lig. i4 , beau maintieng : P. 1 et P. 2, bien mentir. Pag. 5i, lig. 19. Il ne s'agit pas ici du fameux Jean le Maingrede Boucicaut, maréchal de France et gouverneur de Gennes, qui naquit à Tours en i568, mais de son père, qui mourut le i5 mars 1367 à Dijon , où il avoit été envoyé vers le duc de Bourgogne par Charles V. Cf. Anselme, VI, 753-4. Pag. 54, chap. 24. L'aventure et la réponse du chevalier sont les mêmes que celle qu'on prête au poète Jeau de Meung. Pag. 55, lig. 17, son seigneur lui donnait grans eslargissemens : h , grans belles (P. i et 2, elles, et eslargissement. '
:
:
:
:
,
:
—
—
ET Variantes.
298
Malgré la bizarrerie du fait , couchast est bien la leçon des deux bons ms., et il ne me paroît pas aussi impossible de l'expliquer que Tonl trouvé quelques personnes. 11 est possible de penser que, dans une circonstance ou de fête ou de guerre, la dame, pour donner à coucher au sire de Craon, ait eu à lui donner un asile dans son lit, ce qui se seroit d'autant mieux su qu'elle ne s'en seroit pas cachée. Je ne vois pas l'avantage qu'il y auroit à lire je ne dis pas qu'Une me touchât en mon lit ; car là il y auroit déjà complaisance et bonne volonté. Pag 58, lig i4, sa damoyselle : L et P. 2, chamberière. Pag. 59, lig. i5, gens d'eslat: L. et P. 1 , gens dehors Pag. 57,
lig. 2.
:
d'estat.
—
Lig. i6, regars : P. 1, rcgrez. lig. 19, espinguer : P. 1, pignier
Pag. 64, gnier.
;
P. 2, ein-
—
Lig. Pag. 65 , lig. 18, esloingner : P. 2 , alanguir 20, la masière : P. 2, le mur. Pag. 66, lig. 2, ne le per omnia P. 2, ne la préfasse. Lig. 17, perLig. 16, paroissiens : P. 2, prouchains. sonne : L., le curé. Lig 25 , au ckapelain : P. i et 2 , à la personne. Lig 29, sur son Pag. 68, lig. 20, 7nalz, : P. 2, morts. :
—
—
—
—
péril
:
P. 2, sans pais.
Pag. 69, lig. 19, 'jostre personne P. 2,prestre.*Quoiquc dans tout ce chapitre personne soit toujours le prêtre , je ne crois pas qu'il faille y voir uu sens analogue à celui de l'anglais parson; cela veut dire l'homme qui est au Seigneur, et par suite seulement le prêtre qui est au Sei:
gneur. Pag. 70, lig. i8, à rebours P. 2, au bort. Pag. 71, lig. 8, de corps L. et P. 1, de cuer. Pag. 73, lig. 26, au bon de la messe P 2, au bout. Pag. 75, lig. 5, souspir P. 1, effroy. Pag. 78, lig. 4, haschie L., douleur. Pag. 79, lig. 22, l'église de Sosire-Dame de Beanlieu peut être à Beaulieu près Loches, ou plutôt à Beaulieu près du Mans. (Cf. Sainte-Marthe, Gallia chrisliana, IV, 149 et i54.) Pag. 80, lig. 3. Les mots " ii une vigilles » manquent L., au ms. de L. Lig. 4, sergent de Cande en la mer sergent de Cande; P. 1, sergent de garde en l'année. Pag. 81, lig. 3. Chievreiaye, abbaye de Poitou. Lig. L., Pigerée Lig. 22. Pour P. 2 , Pigère. 6, Pigière comprendre la réflexion du chevaiier, que dans l'église il lie faut pas « s'cntreregarc'cr par amour, fors par amour :
:
:
:
:
—
:
:
;
—
—
Notes
294 de mariage
faut se rappeler que', depuis les temps barbares, l'église servoit de refuge dans les guerres; et, comme ou y vivoil comme dans une maison, fégliseavoit »,
il
accordé aux gens mariés une permission qui auroit été trop enfreinte si elle eût été refusée. Pag. ga, lig. i3, comme les poisons et le venin L., poissons; P. 1, prisons. Pag. 93, lig. ai. Après les mauvais laissa, P. 2 ajoute : :
« et encore y sont. » Pag. 94, lig. i4, angels
:
L.et P.
«2,
angles.
Pag. 96, lig. 23, pollicenl L. et P. 2, polissent. Pag. 97, lig. 6, où l'en muce L., où l'en le cuite. Lig. L., se cuite et repout. 9, se muce et reboute Pag. 98, lig. n, au temps de A'oë L. et P. 2, Noël. Noê et Noël se sont prononcés de la même façon; qu'on se :
—
:
:
:
rappelle le refrain des Noëls
:
I
Chantons tous Noë, N06.
—
Lig. 19, coudées : P. 1, coûtes; P. a, cordes. Lig. 20, P. 2, par Helye. Nous pourrions citer souvent du ms. P. 2 des fautes aussi grossières, mais il suffit d'en
perillié
:
indiquer la nature par quelques exemples. Pag. 99 , lig. 2. La phrase feroit penser qu'il s'agit de la braguette mais elle n'étoil pas encore en usage. Lig. P. 2, amoureuscr. 23, énamourer Pag. 101, lig. 8, ratissèrent a cousteaulx L., esrachirent de cousteaulx. Cette histoire est la 16^ de la Disciplina clericalis et du Castoiement en vers fraiiçois. Lig. 32 , lisez mais nulle ne voit en sa folie sens. L. unit à tort la première phrase du chapitre suivant en disant nulle ne voit en sa folie fors celle, etc. Ces non-sens ne se rencontrent pour ainsi dire jamais dans ce ms. Pag. 102, lig. 24, jolie P. 1, jolive. Pag. io3, lig. 23, en cest an qui est l'an mil trois cens Ixxij L. , en cest an de l'an mil, etc. ; P. 2, l'an mil iijc iiijxx et xij. Ce qui, de la grâce du copiste , feroit croire que le chevalier de la Tour-Landry auroit été vingt ans à travaillera son livre! Lig 26. La fête de SainteMarguerite est le 20 juillet. Pag. 104, lig 4> "^ l'atour plaisant L. , mais l'atour
—
;
:
:
—
:
:
:
:
—
:
lui plaisoit; P. 2, et l'estonr lui plaisoit bien. la venaient veoir
comme
pctis enfans
:
P.
1
et 2,
—
Lig. 7
comme
,
les
petis oyseaulx.
Pag. io5.
Cette scène du pèsenicnt de l'âme et de ses
,,,
ET Variantes.
295
bonnes actions dans un plateau de la balance pendant que l'autre plateau est chargé du diable , des méchantes actions , et surtout des belles robes , auroit été bonne à citer dans le très excellent et très complet travail sur la Psychostasie publié par M. Maury dans la Revue archéolo,
gique.
Pag. 106, lig. 2, fourrées de voir et de gris et lelticées de hermines L., et de letisses et de hermines. Lig. 3 que longues^ que courtes., que cotes hardies : L., que longues, que corses, etc. Lig. la, cottes : P. 2, robes. Lig. i4, du forfait de ses robes : Lisez « du surfait », donné ])ar L. Lig. 19, de nuies et de muulvaises parolles : P. 2,
—
:
—
—
—
de menues
,
etc.
Pag. 107,
lig.
21
commis ce
,
délit
:
L. et P. 2
,
fait le
fait.
Pag. 109, lig. i4 » mffes : L., graffes ; P. 2, gaffes ; ce seroii alors une perche garnie d'un croc. Lig. 23, arrachié son peil : L., muchié sespertuis; P. 1, arrachiez ses
—
p( ulz.
Pag.
—
no,
Pag. 111,
lig. 5,
maschier
Lig, i5, meccredy
:
:
P. 2, deffouler.
P. 2, flebe, plaintive, deflebilis, L., mardi; P. 2, samedy.
lig. 3, foible
:
Pag. 112, lig. 22, Nostre-Dame-de-Rochemadour ^ dans le Qucrcy, près de Cahors. Sur ce pèlerinage fameux voyez le livre du père Odo de Gissey, imprimé pour la première fois en i63i , et celui tout récent de Tabbé Caillau, chanoine du Mans, intitulé Histoire critique et reli(jieuse de Noire-Dame de /
J
:
,
Notes
296 p. ii3,
lig.
20, Sainct Martin de Yerto
P. a, Verto. Voir, sur Martin de Verto
,
:
P.
1,
Vertus;
sa vie dans Annales sanclo-
rum ordinis sancti Benedicti ^ soecul. I, une première vie, 375-8, et une seconde plus complète, p. 681-92. Dans celle-ci , ce qui se rapporte à la ville d'Herbanges (dans Tanonyme latin Herbadilla) occupe les paragraphes 5 à 11. Dans la prose pour la fête de ce saint, qui se célébroii le 24 octobre, on n'a pas manqué de rappeler
la vie de
ce fait
:
Dura non crédit, casum
detlit
Herbadilla fundilus.
Le
récit vient d'autant mieux dans Tliistoire de la femme de Loth, que, dans la légende, la femme de l'hôte de Saint-Martin fut de même changée en pierre. Ligne 21, Herbanges...: L. Arbanges;P. a.Berbanges. Pag. 116 , lig. 11 , en espie ; P. a esgart. Lig. 26
—
—
,
avez esté cause de
maquerelle. Pag. 118,
Amon
:
ma
tristesse
:
P.
16 j pervers: P. P. i, Zazam.
Pag. 119,
lig.
—
lig. 3, successeurs
:
1
,
1
,
ma
traîtresse
punais.
;
P. a
— Lig.
,
26,
L., successions, qui est
excellent. Lig. 25, Hoir : L., air; c'est une façon d'écrire différente , mais arrivant au même son.
Pag. 121, chap 58^. Une main un peu postérieure a, dans le ms. P. 1 , rétabli, par quelques petits changements, la vérité de l'histoire. Toutes les fois qu'il y a. le roy Pharaon , elle a corrigé en le prince du roy Pharaon , changé reine en princesse^ et remplacé tous les biens de son royaume par tous ses biens. Quelque juste que fût la correction , nous avons laissé leur erreur aux chapelains d» chevalier.
Pag. 121,
25, l'Envengile: P. 2, saint Jehan l'Evanpoesté; de potestas. lig. 22, Finées : L., Furies. Pag. 124, lig. 3, Zambry : L., Janbry; P. 2, Jambri. Pag. 126, lig. 6, qui faisait cables et cordes à gros vaisseaulxdemer P. 1, cables et fuseaulx etgrans vaisseaux geliste.
lig.
— Lig. 29
:
Pag. 123,
:
sur
mer P.
— Lig. 24,
agucs et agus vaisseaulx. P. 1, luton; P. 2, luisoon.
2, cables et fuisiaux
;
le luitin
:
Pag. 129 lig. 26, couste : P. 2 , coesle. On dit encore dans certaines^provinces coitte ou couette pour dire un /// de plumes. ,
ET Variantes.
297
—
Pag. i3o, ligne 22, cruche P. x, buire ; P. 2, bue. Lig. 26, houlière P. 2, maqucrelle. Pag. i3i, lig. 21, sainte Justine P. 2, sainte Cristinc. Pag. i32, lig. i5, Béjart L., Bérut; P. 2, Baries. Pag. i33, lig. 3, l'endictement L., l'ennoiiement ; P. 2 , rulissement. Lig, 8, buchetes Lig. L., branchettes. :
:
:
:
:
—
i8, pierre vire
—
:
P.
pierre vierre. Pag. i36, lig i3, il eust tant de bien L., il eust la court empoigné; P. 2, il eust beaucoup empoigné. Lig. 16, Mardocius : L., Emardachin : P. 2 , Mardochin. Pag. 139, lig. 6, faulx temoings P. 1, faulx tesmoiu:
i,
:
—
:
guages. Pag. i4o, Pag. i4i,
lig. 8.
P. 2 ajoute de Dieu
Si]irès
des serviteurs.
Nous n'avons trouvé ces vers delà sibylle ni dans l'ancienne édition d'Opsopœus , ni dans la nouvelle de M. Alexandre, ni dans la publication du carlig. 7.
dinal Mai. I! est certain que notre chevalier n'a pas eu affaire à d'anciens textes , mais à des remanîments laou françois qu'il seroit difficile de retrouver. Pag. 143, lig. 6, Phenomia P. 2, Pheronna. Pag. 147, lig. 29, adoulcir P. 1, advenir. Pag. i48, lig. 7, depitcuse L. 1, engoffée; P. 2, agoffée. Pag. 149, lig. 3, de grerie L., de flateurs; P. 2 , de grieux. Lig. 20. Le nom de Jouel manque dans P. 1. Pag. i5o, lig. 20. Sur l'époque du siège d'Aiguillon, voyez la préface, pagexiij. Lig. 32, grée aux seigneurs : L. et P. 2, graye les seigneurs. Pag. i52. Dans l'histoire du mari qui a pondu des œufs, que, depuis La Fontaine, il faut appeler les Femmes et le Secret, et qui se retrouve dans le Ménagier de Paris et ail-, leurs (Cf. La Fontaine, éd. de Robert, II, 127', le ms. de L. met h tort cinq au lieu de cent. Pag. i53, lig. 12, en la compaignie L., à rencontre. Pag. i55. Cf. le livre des Juges ^ L., cap. II, pour comprendre le commencement du chapitre. Pag. 157, lig. 16. L. ms. P. 2 a ici une lacune d'un feuillet qui commence au mot empetrast , et ne reprend que page 162, lig. 6, au moibon exemple. Pag. i58, lig. i3, Sennacherip L , Seiinachcrim. Pag. 162, lig. 20, convint P. 1 et 2, esconvint. Pag. 164, lig. 1, puisné L , mainsné ; P. 2, pesné. Pag. i65, lig. 17. La correction d'Alia en Lia est si évidente que j'ai préféré respecter le texte du chevatins
:
:
:
:
—
—
:
:
:
:
lier.
Notes
298 Pag. 167, fiulel
,
lisez
:
pery : L., pire. au roy de Hongrie
lig. 5,
qui fut
fille
femme
à lendegrave.
Son mari
landgrave de Thuringe.
effet,
— Lig et ,
21, sainte Eli-
femme à Londegume^
— Lig.
Louis IV, étoit, en 38, l'effroi ^ lisez :
l'offt'oit,
Pag. 168 , chap. 168. Ce chapitre a été extrait du ms. 74o3, par M. de Mas Latrie, pour son Histoire de, l'île de Chypre sous le régne des princes de la maison de Lusignan^ t. II, documents, partie I, Paris, i85a, in-S», p. i3a. Il met le fait vers Tannée 1324, et ajoute cette note « Constance H d'Aragon, femme de Henri II de Lusignan , morte sans enfants , est la seule reine de Chypre à qui je puisse » rapporter cette anecdote , qui n'a laissé aucune trace » dans les chroniques cypriotes. » Pag. 169, lig. 5, renvoysée L,, ordonnée. Lig. 8, :
))
—
:
uhrié
P. 1, plain. Pag. 171 , lig. 4 , mvire P. 2 , meurge. Lig. 24, la ville de Jerico L , la ville de la Charité ; P. 2, la ville de Charité. Pag. 172, lig. 3o, d'en faire : L., et n'en feront mie. Lig. 32 sainte Arragonde est sainte Radegonde, sur laquelle on peut voir le recueil desBollandistes, au i3 août (Augusti, t. III, p. 46-96), et, pour les renvois bibliographiques, la Bibliothèque de la France, du père Lelong , :
—
:
:
—
:
25,008-19. Pag. 173, lig. 4, double : P. 1 , paour. Pag. 175, lig. Il, les autres vij vices morlclz L. et P. 2, les autres vij vices de vij pochez mortelz. Lig 18, l'in P. 1, un. Lig. 20, narilles P. i, narines. Pag. 176, lig. 10, en avisa P. 1 et 2, en encointa. Pag. 177, lig. 15, paijens P. 2, péans. Pag. 181, lig. 5. P. 1 et 2 ne donnent pas des Romains après des croniques. C'est à peu près la traduction du titre des Gesta Romanornm. Pag. i85, lig. 25, se met L., souri. Pag. 189, lig. 4, félon L., fer P. 2, fel. Pag. 190, lig. 7, cremeteux L , cremilleux; P. 2, creII
,
:
:
—
—
:
:
:
:
:
;
:
meilieur.
Pag. 191, lig. 8, Chetivoison ^onv Chevetoison ^ capigouvernement. Lig i^^saloy P. 1, lafoy. Pag. 192, lig. 2, soubs quel arbre L., ombre. Pag. 195, lig. 23, des peulx les essuya. Le copiste du ms. de L., ne comprenant peut-être pas bien a écrit et depuis les essuya. P. 2, et depuis juua. tainerie,
—
:
:
—
,
:
ET Variantes. Pag. 196, lig. i5, soubzporle L., supporte. Pag. 196, lig. 24, sent P. 2, soit pour sait Pag. 197, lig. 1, bciUleroH L., exilleroit.
299
:
:
:
tribnlacion
:
Pag. 199, P.
ajoute SCS fils. » 1,
P.
1
lig.
ici
— L.
i5,
et 2, Iribouil.
i6, en livre, lisez: on livre, et Le Ms. en marge « No. qu'il fisl ung livre pour :
—
Pag. 200, lig. 6, hommeaux : P. 1, hommasses. Lig. i3 La comtesse d'Anjou qui fonda Tabbaye de Bourgueil est Emma, femme de Guillaume duc d'Aquitaine et comte de Poitiers; elle fonda ce monastère en 990. (Cf. le Gallia Christiana de Sainte-Marthe, in-fol , ÎV, 201-7.) Pag. 201, lig. 91, preigne : L. surprengne ; P. 2, subzprengne. Pag. 2o3, lig. 17, crapoul : L., crepoust. Pag. 207, lig. 7, salaire : P. 1, loier; P. 2, louer. Pag. 210, lig. 10, processions: L. et P. 2, professions. Pag. 216, lig. 25, adira : L., esdira. Pag. 217, lig. ii, adiré: L., ésgarc. Il est inutile de remarquer que le bon chevalier se trompe en mettant les noces de Cana avant la scène de Jésus-Christ parmi les docteurs. Pag. 218, lig. 7, Cerille: P. 2, Sezille. Pag. 219, lig. 3, s'appareille: L., s'acomparaige. Pag. 220. La reine Jeanne de France n'est pas la femme de Charles V, mariée en 1349 et morte en 1377, cinq ans après la (omposition du livre des Enseignements; ni
Jeanne , fille du comte de Boulogne seconde femme de Jean II, mariée en 1349 et morte en i36i, dix ans avant que le chevalier écrivît; mais Jeanne, fille de Louis, comte d'Evreux, troisième femme du roi de France Charles IV dit le Bel, mariée en i325 veuve en 1328, et morte en 1370, après avoir passé la fin de sa vie dans la plus fervente pratique des bonnes œuvres; le mot du chevalier de La Tour morle n'a gaires prouve qu'il n'a pu ,
,
,
ponscr qu'à celle-là. Si la phrase relative à la duchesse d'Orléans, « qui moult a eu à souffrir et s'est toujours tenue sainctement devant et après », étoit une interpolation, on la rapporteroit naturellement à la belle et touchante Valentme de Milan. Si elle est bien du chevalier de La Tour Landry, cela est impossible, car Valentinc n'épousa le duc Louis d'Orléans qu'en 1389. Avant elle il y a eu une autre duchesse d'Orléans, Blanche, fille de Charles IV le Bel et de
Notes
3oo
la reine Jeanne dont nous venons de parler, née en 1027 et morte le 7 février 1392, après avoir épousé, le 18 janvier 1344 Philippe duc d'Orléans, dernier fils de Phi.
lippe VI de Valois, et mort le i^"" septembre 1375 sans enfants légitimes. Ce qui me paroît supporter cette interprétation, c'est que le ms. de L. est le seul qui dise la duchesse d'Orléans , et les autres la duchesse derrenière de ceste royne, ce qui ne peut se comprendre que dernière fille de la reine Jeanne, et cette première duchesse d'Orléans est en réalité sa dernière fille. Sur ce Philippe d'Orléans, on peut voir un article de Polluche dans le Mereure de France, numéro de juillet 1749, P' 3-9. Pag, 221, lig 5, il y a xxvj ans: L., et n'a environ. Lig. ao, bachelier: L. et P. 2, chevalier. Mais bachelier ne s'appliquoit pas seulement aux degrés littéraires, et est le vrai terme. Voyez la Préface, xvj. Lig. 24, maladie
—
—
—
P. 1, encheoite; P. 2, enchoate. Pag. 222, lig. n, à malaise : P. i, mésaisié. Pag. 224, lig. 10, Messire de Dorval lisez Derval. Dans l'armoriai de Gillt-s le Bouvier, dit Berry, premier hérault d'armes de Charles VII (fonds Colbert, n" 9,653.5. 5 , je vois dans le Poitou, au nom de sire de Derval, qu'il portoit d'argent à deux fasces de gueules. Dans L. et P. 2, Lig. i5, de la toute cette phrase du texte est au présent. bourde: P. 1, d'estre ainsi bourde; P. 2, la bourdais. Pag. 226, lig. 5, perle : L., pelle. Lig. 3o. Le Charny dont il est question ici doit être Geoffroy de Charny, seigneur de Lirey, qu'on voit dans les guerres depuis 133;, et qui mourut à la bataille de Poitiers. Son fils, qui fut porte-oriflamme de France, mourut le 22 mai 1398. (Cf. Anselme, VIII, 200-2. 1 C'est de l'un des deux que doivent être les manuscrits indiqués dans le catalogue de la bibliothèque de Bourgogne. Inventaire de Viglius, n054î, ung petit traité de Charny, en rime, dont le numéro actuel est 10,549. Les autres sont en prose et avec le nom de Godefroi n» 11,124, le Livre de chevalerie; n» 11,125, les Demandes pour jousles et tournois; n° 11,126, l'Etat des gens d'armes. Lig. 3o, Saintré : P. 1, Caintré ; L., Sainl-Tref. Pag. 227, lig. 10, Sy arriva : P. a ajoute stupidement: un écuyer. Lig. 24, w/i ménestrel : L., un menastercl. Lig. 27, forvoye P. 2, forsvaye. Pag. 200, lig. 3i, Giefl'roy de Lugre : L. a seulement Gieffroy ; P. 1 écrit Lugne, et P. a, Luge.
bien laide
:
:
—
:
—
—
—
:
ET Variantes.
3oi
—
Lig. Pag. 23i, lig. 6, escrisist : L., P. 2, escripsit. 32, Rcnimenie P. 2, Piomanie. Pag. 235, lig. 19, comme j'ai dit en l'autre livre Il veut dire dans le commencement de son ouvrage, qu'il vouloit diviser en livres, division qui n'a pas subsisté ou qui n'a pas été faite. Pag 238 lig. 11, pars : L., fois. Pag. 239, chap. 12 1. Messirc Foulques de Laval étoit le fils de Guy IX de Montmorency Laval, l'époux de Jeanne Chabot, dame de Rais, et le chef delà branche de Laval-Rais; il mourut on i36o. (Cf. Paris, V. 85.) Pag. 242, lig. 3, chappeau : P. 1, chappel P. 2, taLig 22, plus quoer. Lig. 8, fraillon P. 2, frallon. Lig. 3o, lostoier : (le povoir P. 1, plus point de povoir. :
:
—
:
—
:
P. 2, toustaier. Pag. 243, lig. 7, soufferte soustient : L., en subtillant. Pag. 244, lig- 9, court : P.
P.
:
1,
;
—
i, trait.
—
Lig. 18, et
cueurt.
Pag, 246, lig. 19, le chevalier qui fist ce livre : P. 1, le chevalier de La Tour. La femme qu'il fait ainsi parler avec tant de sens et de finesse est sa première femme, Jeanne de Rougé, puisqu'on a vu (préface, p.xiv) qu'elle vivoit encore en i383. Lig. 28, Comme en espérance de mariage ne se trouve que dans le manuscrit P. 1, qui l'a-
—
joute en marge.
Pag. 249, xl roys
:
Pag. 25o, Pag. 252, 23,
il
lig. 1, agaitier
:
L., caquetier.
— Lig.
3o
,
L., Ix roys. lig.
21, desvoyées
:
L., desvées.
lig. 9, de grans goguès : P. 1, gogais. eshat sa jeunesse P. i, il s'esbat.
— Lig.
:
Pag. 255,
lig.
dame respond.
Le ms. de L. repète
17.
— Lig. 26, houlières
:
ici
à tort
L., bouliers.
La
:
'
Pag. 259, lig. 22, oye ; P. 1, aye Pag. 260 , lig. 5. On connoît les histoires de la dame de Coucy et de la châtelaine de Vergy; il n'est pas aussi simple de savoir ce qu'est l'histoire de la duchesse. J'avois pensé au roman de Parise la Duchesse ; mais il ne convient nullement Pag. 261, lig. i^jouoienl au Roy qui ne ment : P. 2, qui ne peut. Lig. 28. Seroit ce Marguerite , dame de la Jaillc, femme de Ilardouin de la Porte , seigneur de Vezins en Anjou, des enfants de qui le père Anselme indique deux mariages dont l'un est du 9 juillet i388. (Cf. II, 448, D;et VI, 766, A.)
—
,
— Notes
3o2 Pag. 261, Pag. 262, vous
la
:
lig
28, aguigna
:
L., fist signe a.
lig. 3, je la tiens à
L., à aussy malle et plus
Pag. 263, lig. 23, le poetriner : P. 1, patiner. royne de Sabba : P. a, la royne Sebille.
Pag. 264,
comme
aussy malle ou plus que vous.
lig. 4, de paille en paille
;
— Lig. 26,
P. 2, de paillaz en
paillaz.
Pag 265. On pourroit
aussi bien lire Bavière; mais ce un nom françois, et Banière paroît meilleur que Bavière. Le nis. de Gaignières a Bevière et P. 2 , Bessière; L. dit simplement une dame baronnesse. doit être
,
:
Pag. 265, lig 5, gratis joyaulx : L., Ions joyaulx. Lig. 12, le denier xij : P. 2, à double. Lig. i5, envicitsement ; P. 1, envoiseement.
—
Pag. 266, chap. 125^, Cf. la même histoire en vers et plus ancienne, publiée par Méon, supplément à ses fabliaux, II.
Pag 2G8,
lig.
Pag. 269.
lig. 6
19, svhlant ,
— Lig i3, — Lig. 3o. Le ms. P.
le faisoit.
:
comment
P. 2, friblant. il
lui estait
:
L,,
comment
il
Vestamine : L., de la sepmaine. 2 a ici une nouvelle lacune d"un
et
commence au mot bonnes, et reprend dans seconde histoire. Pag. 271, lig. Il, P. 1, à un baron double ; P. 2, à un grant baron. Pag. 272, lig. 32, si demandoit aux gens. Lisez si de-
feuillet qui
:
la
:
manday aux
gens.
Pag. 273, dans P. 1.
lig. 8, car je le
Pag 276, damoiselle.
lig. 8,
vy
et y fus,
ne se trouve que
moult bonne femme : P. 2, moult belle Lig. 18, 14, venelle : P. 1, ruelle. Madame Olive de Belle Ville : P. 2 , l'appelle Aline; dans la traduction angloise du temps de Henry VI ( Cf. Retrosp. Review, p. 193), elle est appelée «Cecyle of Ballevylle. » Dans ce passage il y a une faute de lecture ou d'impression ; il ne falloit pas she held in Dowaye], mais she held in dowage. Dans rarmorial déjà cité de Gilles le Bouvier, on trouve, dans la partie consacrée au Poitou, Técu du seigneur de Belleville, quatre de gueules et quatre vairés d'azur et d'argent. Elle étoit peut-être de la famille de Jean de Harpedenne, 3^ du nom, seigneur de Belleville, en Poitou, que Charles VU maria à Margue-
— Lig.
—
—
—
I
ET Variais' TES. rite, sa
sœur
naturelle,
fille
3o3
de Charles VI et d'Odette de
Champdivers, la petite reine. Pag. 277, chap. 1-28^. L'histoire de Calhonnet. L. le
nom
Pag. 281, Pag. 284, Pag. 286, P.
— Dans
est toujours écrit Chatonnet. lig.
lig.
27, l'emperiére 29, le pendart
lig. i3,
:
P. 1,
l'empereis.
L. , le pendant. du donneur à CK/CKt/re, seulement dans :
1.
Pag. 287, lig 11, par espoir qui ne donne aucun sens. Pag. 289, lig. ijprouffis : ce que l'en deffauU
:
:
L., P. 1, P. 2, car espoir,
L..
promesses.
L. ce que l'on deffent.
— Lig.
10,
^
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1201 1-3 ^
La Tour-Landry, Geoffroy Le livre du chevalier La Tour Landry
185^
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DO NOT REMOVE
SLIPS
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FROM
THIS
OF TORONTO
POCKET
LIBRARY
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