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Sciences Humaines

SCIENCES HUMAINES Dyslexie, autisme, anxiété, hyperactivité, précocité, violence, anorexie…

NUMéro spécial

les troubles de l’enfant

entretien

Denis Lacorne : « La France n’est pas le pays de la tolérance » référence

André Gorz S’émanciper du travail Ce document est la propriété exclusive de STELLA AZEVEDO ([email protected]) - 15-04-2019

Science politique

Pouvoir local : une féminisation à petits pas livre du moiS

tzvetan todorov L’artiste et le dictateur

Babylone, rome, égypte, Angkor…

Vie et mort des civilisations M 01866 - 291S - F: 6,50 E - RD

BEL/LUX 7,20 E - SUISSE 11,80 CHF - CANADA 11,50 $CAN - ESP / GR / ITA / PORT (CONT) 7,40 E - ALL 7,80 E - DOM/A 8,50 E - DOM/S 7,20 E - TOM/S 1 000 F CFP

www.scienceshumaines.com - mensuel n° 291 - AVRIl 2017 - 6,50 e

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Université • Paris Nanterre

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5

DU

DU

COMPÉTENCE EN LANGUES ANCIENNES

SAVOIR CONVAINCRE

- ♦-

-♦-

GREC LATIN

ARGUMENTATION, EXPRESSION, ÉLOQUENCE

présentiel

présentiel

à distance

à distance

DU

DU

DU

HUMANITÉS

HUMANITÉS, DROIT, GESTION

SAVOIR ANALYSER LES MYTHES

- ♦-

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-♦ -

HISTOIRE, LITTÉRATURE, PHILOSOPHIE

HISTOIRE, LITTÉRATURE, PHILOSOPHIE, DROIT, GESTION

MYTHES, MYTHOLOGIES, IMAGINAIRES

à distance

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présentiel

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Sommaire

5clENCES HUMAINES 38, rue Rantheaume, BP 256 89004 Auxerre Cedex www.scienceshumaines.com

VENTES ET ABONNEMENTS

03 86 72 07 00

Estelle Dieux - Magaly El Mehdi Mélina Lanvin - Sylvie Rilliot

RÉDACTION RÉDACTRICE EN CHEF Héloïse Lhérété - 03 86 72 17 20 RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Christophe Rymarski - 03 86 72 07 10 CONSEILLÈRES DE LA RÉDACTION Martine Fournier - Martha Zuber RÉDACTEURS Nicolas Journet - 03 86 72 07 03 (chef de rubrique Lire) Jean-François Marmion - 03 86 72 07 09 Maud Navarre - 03 86 72 07 16 (cheffe de rubrique Point sur) Louisa Yousfi - 03 86 72 03 05 SECRÉTARIAT DE RÉDACTION ET RÉVISION Renaud Beauval - 03 86 72 17 27 Brigitte Ourlin DIRECTION ARTISTIQUE Brigitte Devaux - 03 86 72 07 05 ICONOGRAPHIE Laure Teisseyre - 03 86 72 07 12 DOCUMENTATION Alexandre Lepême - 03 86 72 17 23

Science politique - Pouvoir local, une féminisation à petits pas Documentaires - La Fémis face caméra

18 à 23 C OMPRENDRE - Vie et mort des civilisations 24 à 27 E NTRETIEN

AVEC …

Denis Lacorne « La France n’est pas le pays de la tolérance »

28 à 59 DOSSIER Les troubles de l’enfant COORDONNÉ PAR HÉLOÏSE LHÉRÉTÉ

30 L’enfant, l’école et le psy JEAN-FRANÇOIS MARMION

32 Quatre questions clés HÉLOÏSE JUNIER ENTRETIEN AVEC DANIEL MARCELLI

36 Les principaux troubles de l’enfant POINTS DE REPÈRE

MARKETING - COMMUNICATION

42 Quand la timidité devient pathologique

40 Hyperactivité : attention souffrance ! MARIE-FRANCE LE HEUZEY VINCENT TRYBOU RÉBECCA SHANKLAND ET CHRISTELLE PROST-LEHMANN

DIFFUSION • En kiosque : Presstalis Contact diffuseurs : À juste titres Benjamin Boutonnet - 04 88 15 12 40 • En librairie : Pollen/Dif’pop - 01 40 24 21 31

MICHÈLE MAZEAU

46 Quand le langage défaille

MARC OLANO

52 La dyslexie, un cerveau à remodeler MICHEL HABIB

SERVICES ADMINISTRATIFS

54 La précocité intellectuelle, un handicap ?

COMPTABILITÉ Jocelyne Scotti - 03 86 72 07 02 Sandra Millet - 03 86 72 17 38 PHOTOGRAVURE - PRÉPRESSE Natacha Reverre - 06 01 70 10 76 [email protected] IMPRESSION Corelio PRINTING Origine du papier : Suède Taux de fibres recyclées : 0% Certification : TCF, FSC, PEFC CONCEPTION GRAPHIQUE ET CONCEPTION DE LA COUVERTURE Isabelle Mouton Couverture : esthermm/Fotolia Titres et chapôs sont de la rédaction. Commission paritaire : 0517 K 81596 ISSN : 0996-6994

20 000 encarts ADL Partner sur une partie des abonnés France

Le racisme

48 L’autisme : une affaire de spectres ?

Véronique Bedin - 03 86 72 17 34 Patricia Ballon - 03 86 72 17 28 RESPONSABLE ADMINISTRATIF ET FINANCIER Annick Total - 03 86 72 17 21

Au sommaire du prochain numéro (en kiosques le 13 avril)

44 L’anorexie, de plus en plus précoce

PUBLICITÉ L’Autre Régie 28, rue du Sentier - 75002 Paris Tél. : 01 44 88 28 90

ÉDITIONS SCIENCES HUMAINES

Katarzyna Bialasiewicz/Dreamstime

34 La violence, ça se soigne ?

SITE INTERNET Clément Quintard [email protected] Webmestre : Steve Chevillard [email protected] DIRECTRICE COMMERCIALE ET MARKETING Nadia Latreche - 03 86 72 07 08 PROMOTION - DIFFUSION Patricia Ballon - 03 86 72 17 28

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8 à 17 A CTUALITÉ

OLIVIER REVOL ET JEANNE SIAUD-FACCHIN

56 Phobie scolaire : pourquoi tant d’angoisse ? ENTRETIEN AVEC NICOLE CATHELINE

58 Grandir après la guerre MARIE ROSE MORO

60 à 65 R ÉFÉRENCE

André Gorz - S’émanciper du travail 66 à 77 LIRE Livre du mois, livres, revues

Lebrecht/Leemage

DIRECTEUR DE PUBLICATION Jean-François Dortier

Mensuel – N° 291 – Avril 2017 – 6,50 €

78 A GENDA Avril 2017 SCIENCES HUMAINES N° 291

3

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en portant

Lutter contre l'extrême pauvreté, une attent;on part;cul;ère à la cond;t;on des femmes : c'est le quot;d;en des équ;pes de CARE. Vous souha;tez nous souten;r ? A;dez-nous à fa;re parler de Dorcas, Sum;tra, M;chel;ne et PhHomène.

Facebook:

CARE France

www.carefrance.org

care·

éditorial

Un parfum d’immortalité « Nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles », proclamait

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Paul Valéry en 1919, au lendemain de la Grande Guerre. Les empires européens s’étaient affrontés au point de presque se détruire. Cette histoire ne faisait que confirmer un constat désabusé : l’Occident allait connaître le même destin tragique que les grandioses civilisations qui l’avaient précédé. Rome, Babylone, Égypte, Grecs, Crétois, Hittites, Perses, Mayas, Aztèques, toutes s’étaient crues invincibles, toutes s’étaient pensées immortelles. Toutes avaient disparu. Toutes ? Pas exactement. Certaines ont étrangement résisté au temps. Tel est le cas de la civilisation chinoise ; l’empire du Milieu a plus de deux millénaires et entame son troisième en plein renouveau. L’Inde se modernise aussi à grands pas, tout en gardant son fonds culturel hindouiste ; elle n’a cessé de vivre en se métamorphosant. Même les anciennes « civilisations englouties » ne sont pas tout à fait éteintes.

Certes, la civilisation mésopotamienne

a été ensevelie sous les sables, mais avant de disparaître, elle a légué au monde des inventions majeures : l’écriture, les mathématiques, l’astronomie, la roue et l’araire. C’est aux Mésopotamiens que nous devons notre façon de compter le temps : la division des jours en 24 heures, des heures et des minutes en 60 unités. Les Phéniciens, avant de disparaître, ont légué au monde leur alphabet. La grande civilisation grecque est le berceau de la philosophie, de la démocratie, de la tragédie, de l’histoire, de la géométrie. Aujourd’hui, la Grèce n’est plus ce qu’elle était, mais son héritage antique reste vivant. L’Empire romain s’est écroulé, mais a légué aux générations suivantes le droit et l’idée de République. La civilisation arabo-musulmane, du temps de son âge d’or, avait

redécouvert, traduit et capitalisé les savoirs des Mésopotamiens, Perses, Indiens et Grecs. Ils ont su les faire fructifier.

C’est par le truchement des savants arabes que l’Inde nous a transmis les bases de

notre calcul (le zéro et les chiffres dits « arabes »). L’apport de la science arabe sera déterminant pour le développement de l’algèbre, de l’astronomie, de la chimie en Occident. La Chine, très en avance sur les autres civilisations en matière de technique, transmettra à l’Occident des innovations majeures : la boussole qui a révolutionné la navigation, la poudre à canon qui a révolutionné la guerre, le papier qui a révolutionné la culture. N’oublions pas les anciennes civilisations précolombiennes : les Aztèques et Incas ont été pulvérisés par le fer et les chocs microbiens. Nous en avons rapporté non seulement des tonnes d’or, mais aussi la tomate, le maïs, la pomme de terre, des épices, qui ont bouleversé notre alimentation. Et que dire des sociétés de la préhistoire qui nous ont transmis le feu, l’agriculture et la métallurgie ? Si les empires disparaissent toujours, leurs savoirs leur survivent parfois. Et se transmettent à travers le temps à d’autres mondes qui les propagent à leur tour. Il en va des civilisations comme des êtres vivants : ils meurent toujours, mais certains laissent des traces – des gènes, des techniques et des idées – dont la durée de vie excède leur existence propre. Si nous savons que les civilisations sont mortelles, comme l’affirme P. Valéry, nous savons aussi qu’elles acquièrent par la traversée des époques une forme d’immortalité, et par la traversée des frontières une certaine forme d’universalité. n Jean-François Dortier

Avril 2017 ScienceS HumaineS N° 291

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Courrier DeS LeCTeurS

Nicolas JourNet

Les dessous troublants du numérique à l’école

À propos de l’interview de Philippe Cottier dans notre mensuel numéro 290 (mars 2017), « Les lycéens n’ont pas le sens inné du numérique », par Sophie Viguier-Vinson, nous avons reçu de Pierre Chalier les remarques suivantes :

P

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ronote est une application commercialisée par une société privée, qui ne peut être utilisée de manière générique. La citer, c’est faire une publicité (non voulue peut-être) à la société Index-Éducation, alors qu’il existe une autre compagnie, la société OMT, sans compter la mise à disposition par l’Éducation nationale elle-même d’une application, pour le même objectif et le même service. Par ailleurs, la « fracture numérique » est un fait et l’on sait pourquoi : la recherche et l’utilisation de l’information sont d’autant mieux maîtrisées qu’elles s’appuient sur une idéologie scolaire bien intégrée par l’élève (voir Pierre Chalier, « Le décrochage », Les Cahiers pédagogiques, avril 2012). Enfin, les espaces numériques de travail (ENT) ont été une aubaine pour IBM, qui les a portés sur les fonts baptismaux, créant des filiales qui se sont enrichies sur les fonds publics des collectivités territoriales. Que ne l’a-t-on pas dénoncé ? À l’origine, IBM soutirait environ 1 400 euros aux établissements publics d’enseignement pour leur participation à l’expérimentation. La connectivité, l’utilisation du numérique, est d’abord un marché avant d’être une pratique dite « pédagogique » pour que les riches (puis les pauvres plus tard) s’équipent d’ordinateurs (portables si possible, car ça rapporte davantage), de tablettes et de smartphones dernier cri. On devrait s’intéresser à la manière dont le ministère de l’Éducation nationale collabore avec Microsoft pour mettre son Suite Office entre les mains des établissements, de leurs administrations, de leurs enseignants et des élèves, au détriment des logiciels libres ! Pourtant, ces propos ne font pas de moi un farouche opposant au numérique. J’ai créé en 1996 la « salle multimédia » pour les lycées de la Région Nord-Pas-deCalais, alors que j’étais chargé de mission en expertise sur les équipements et les réseaux. Cet outil piloté par un enseignant pouvait créer des contenus pédagogiques (texte/voix/image) et piloter 18 postes, en individuel, en groupes, dans toutes les disciplines, y compris la philosophie. Les machines, mais aussi le mobilier, et surtout la formation des enseignants était alors assurés

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ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

par l’université par convention avec la collectivité locale. Aujourd’hui, cette formation des praticiens n’est plus assurée. Je suis sorti de cette mission avec une réelle expertise, et aussi une pratique. Une fois revenu à l’Éducation nationale (j’en suis sorti cinq années), on ne m’a jamais proposé d’exploiter ces compétences. Pourquoi ? Question sans réponse. Ou plutôt, trop évidente : la compétence est une donnée qui passe loin derrière la soumission à la hiérarchie. Or, l’outil informatique, par définition, permet de la contourner allègrement, comme nous l’enseigne l’exemple des lanceurs d’alerte. Bien à vous. n Pierre chalier

La réponse de Philippe Cottier Si nous avons conservé le nom de Pronote, c’est qu’au cours de notre enquête, tous les acteurs rencontrés, ou presque, citaient cette application : on ouvre Pronote pour voir ses notes, et non pas l’« application-qui-sertà-consulter-ses-notes ». Tout comme on ouvre son Frigidaire… Notre approche, du point de vue de son positionnement, n’est justement pas technocentrée et révèle ce que les acteurs font ou ne font pas avec le numérique dans leurs pratiques quotidiennes. Nous ne raisonnons pas à partir d’une approche critique des industries culturelles. Ce point de vue aurait exigé d’interroger les acteurs industriels, les logiques d’industrialisation des technologies numériques, les logiques d’acteurs et institutionnelles, etc. Nous le faisons en partie dans d’autres chapitres de notre livre, toujours à partir du discours des acteurs, que Pierre Chalier pourrait lire avec intérêt. Nous avons rencontré des enseignants qui sont très critiques et développent des discours proches du sien, que nous relatons, mais ce discours n’est pas non plus central. Tel n’était de toute façon pas notre propos dans le chapitre sur lequel portait cette interview. On ne peut pas nous reprocher de négliger des questions qui ne nous sont pas posées, et qui d’ailleurs n’étaient pas l’objet premier de notre enquête. n PhiliPPe cottier

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Tous croyants

À propos de l’article « Qu’est-ce que la religion ? », paru dans notre numéro 289, Didier Robert nous a fait parvenir cette petite méditation sur la notion croyance.

DiDier robert

Réponse : Il me semble que cette intéressante réflexion s’adressait surtout au titre de l’éditorial de Jean-François Dortier, qui se présentait comme une question : « Et toi, tu es croyant ? » Ce qui donnait à penser que l’humanité pouvait être divisée en deux classes : les « croyants » et les « non-croyants ». Or, comme le souligne Didier Robert, nous sommes tous des utilisateurs quotidiens de la croyance. Il y aurait bien des choses à dire, mais il est tout de même clair que, dans ce contexte, l’épithète « croyant » réfère à bien autre chose qu’à une supposition. « Être croyant », c’est adhérer à une religion, avoir la foi, être convaincu. La langue française n’ignore d’ailleurs pas la différence entre une croyance douteuse et une profession de foi : on dit « je crois qu’il fera beau », mais le croyant dit « je crois en Dieu ». « Croire que » et « croire en » sont des modalités différentes. Et il existe des langues qui distinguent encore plus clairement les deux. La croyance (en français) n’est pas une notion bien définie : elle va du doute le plus profond jusqu’à la conviction proche de la certitude. Il y a peut-être plus d’écart entre ces formes de la croyance qu’entre une conviction bien ancrée et un savoir avéré. n N. J.

Comprendre l’humain et la société

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Bonjour, Merci pour votre très utile revue. À propos du « Focus » sur la religion de votre numéro de février, je voudrais élargir la notion de « croyance ». Exemples de croyances : « Je crois que Trump va nous causer des ennuis » ; « Je crois que je suis sur la bonne route pour aller chez mon copain » ; « Je crois que les hommes sont bons » ou « mauvais » ; « Je crois en l’humanité », etc. La croyance est bien utile puisqu’elle nous évite de tout vérifier à chaque fois que nous avons quelque chose à décider. C’est une inférence, un pari, et on s’en sert à tout moment. Il y a des croyances aidantes : « Je crois que je suis assez doué pour la peinture. » D’autres limitantes : « Je crois que je rate tout ce que je fais. » La croyance en un dieu est une croyance parmi d’autres, et elles sont nombreuses. Quant à moi, je suis un très grand croyant : je crois fermement que les dieux ont été créés par les hommes. C’est aussi peu vérifiable que la croyance opposée. Les croyances s’exercent dans les domaines flous, incertains. On ne « croit » pas que 2 + 2 = 4 en base 10. Cela est. De ce point de vue, il n’y a pas les croyants d’un côté et les non-croyants de l’autre. Il y a surtout des croyances différentes, voire opposées. C’est juste une conception différente du mot croyance. Cordialement.

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Avril 2017 ScienceS HumaineS N° 291

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Philippe Bruchot/PhotoPQR/Le Bien public

Marie-Guite Dufay, présidente de la Région BourgogneFranche-Comté.

Pouvoir local, Ce document est la propriété exclusive de STELLA AZEVEDO ([email protected]) - 15-04-2019

une féminisation à petits pas Un rapport du Haut Conseil à l’égalité révèle que les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les élus locaux, grâce aux lois pour la parité. Pourtant, elles peinent à parvenir aux plus hautes responsabilités.

L

es conseils départementaux ont connu une véritable « révolution paritaire » lors de leur renouvellement en 2015. Le mode de désignation des candidats a changé : il s’agit dorénavant d’élire un binôme de candidats obligatoirement constitué d’un homme et d’une femme. Auparavant, les électeurs ne désignaient qu’un candidat et un suppléant obligatoirement de l’autre sexe. Grâce à la nouvelle loi, ces assemblées sont devenues parfai-

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ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

tement paritaires (50 % de femmes et 50 % d’hommes). Lors de la mandature précédente (2011-2015), les femmes ne représentaient qu’à peine 14 % des conseillers ! La féminisation apporte du changement, à en croire les témoignages d’élus recueillis. Un conseiller départemental reconduit explique : « On est passé d’une assemblée de vieux monsieurs à une assemblée mixte et rajeunie. » En effet, tandis qu’en 2011, 35 % des femmes avaient moins de 50 ans,

elles sont dorénavant 40 %. De même, chez les hommes, 24 % avaient moins de 50 ans en 2011 contre 31 % en 2015. Conséquence directe, les retraités sont un peu moins représentés, au profit des cadres et des professions intellectuelles supérieures. Les binômes obligent aussi les élus à partager le pouvoir : faire preuve de cohésion, travailler à deux, échanger les informations, accorder leur vision du territoire… Autant d’attitudes indispensables pour remporter la bataille électorale. Ceci n’empêche pas quelques manifestations de sexisme. Certains conseillers sortants minorent le rôle tenu par leur binôme femme dans leur victoire ; les invitations sont parfois envoyées au seul nom du conseiller homme…

Plancher de plomb Malgré la féminisation, les responsabilités au sein des assemblées départementales et régionales se répartissent inégalement entre les femmes et les hommes. Le rapport recense seulement 9,9 % de femmes parmi les présidents d’un conseil départemental. Les femmes représentent 50 % des membres des exécutifs, mais seulement 34 % des premières vice-présidences. La

ACTU

T R O i s Q U e s T i O n s À R É J A n e s É n AC

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La féminisation en chiffres 3 femmes parmi les 18

présidents de conseil régional en France 10 % des conseils départementaux sont dirigés par des femmes 8 % de femmes parmi les présidents d’intercommunalités

20 % des vice-présidences d’intercommunalité confiées à des femmes 1conseiller communautaire sur 3 est une femme 50 % des conseillers

départementaux et régionaux et 50 % des membres de ces exécutifs sont des femmes. n M.n.

En outre, dans les conseils régionaux, 92 % des vice-présidences aux transports sont détenues par des hommes alors que 100 % de celles aux affaires sociales et à la santé le sont par des femmes. Idem dans les conseils départementaux : 81 % des vice-présidences à l’enfance et à la famille sont confiées à des femmes, mais seulement 21 % de celles aux finances et 18 % de celles aux mobilités…

« Les élues sont associées aux qualités maternantes » Magali Bragard

moitié des départements sont dirigés par un tandem masculin (président et premier vice-président). Même constat dans les conseils régionaux : seulement trois d’entre eux (parmi 18 régions) sont dirigés par une femme (Bourgogne-Franche-Comté avec MarieGuite Dufay ; Île-de-France avec Valérie Pécresse et Occitanie-Pyrénées-Méditerranée avec Carole Delga). Là aussi, les vice-présidences se partagent équitablement, mais 11 régions sur 18 présentent un tandem exclusivement masculin à leur tête. En 2015 comme en 2011, les directions politico-administratives (présidence, direction générale des services et direction de cabinet) comprennent seulement 9 % de femmes. La prise de décision reste très largement une affaire d’hommes.

Présidente de la commission parité du HCEfh (Haut

Comment expliquer qu’il y ait si peu de femmes à la tête des assemblées locales ? Ces postes restent associés aux qualités d’autorité du bon père, du père de famille au père de la nation. Cet héritage historique détermine ce que les individus se sentent légitimes de faire. C’est ainsi que les hommes, élus sortants ou non, sont majoritaires à la tête des listes de candidats, par exemple, lors des élections régionales. Ils sont alors les mieux placés pour briguer la présidence.

Conseil à l’égalité

Comment expliquer que les femmes se retrouvent plus souvent en charge de certains domaines comme les affaires familiales et sociales, l’éducation ou la santé ? les hommes), elle a Les élues continuent d’occuper les délégations associées aux récemment publié qualités maternantes de soin à l’autre et au plus faible, alors que Les Non-Frères au les hommes demeurent les détenteurs des postes d’autorité et pays de l’égalité, de protection (aménagement du territoire et finances en particuPresses de Sciences lier). Ces clivages reflètent la vivacité d’un modèle de légitimité po, 2017, et L’Égalité sur le registre du papa-maman. Les femmes sont aujourd’hui incluses en politique pour les mêmes raisons qu’elles ont été sous conditions. exclues, à savoir leur différence, pensée certes comme une Genre, parité, « plus-value ». Elles ne sont donc toujours pas reconnues comme diversité, Presses de égales car elles sont encore assignées à être des compléments Sciences po, 2015. vertueux à ces références que demeurent les hommes. entre les femmes et

Quels sont les leviers d’action possibles ? Cesser de justifier l’inclusion des femmes en politique au nom de la plus-value de la mixité est essentiel pour ne pas moderniser le sexisme sous des apparences bienveillantes. Deux mesures permettraient aussi de diversifier les élites politiques : redéfinir le statut de l’élu pour faciliter le retour à la vie professionnelle (même de celles et ceux qui ne sont ni fonctionnaires ni à leur compte) et limiter le cumul des mandats dans le temps. Cela permettrait à toutes et tous d’exercer des mandats ou des fonctions électives comme un service civique temporaire et non comme une carrière. n ProPos recueillis Par M.n.

Enfin, les intercommunalités ne comprennent qu’un tiers de femmes parmi les conseillers communautaires. 80 % des vice-présidences sont détenues par des hommes et 23 % des exécutifs communautaires ne comportent aucune vice-présidente ; 92 % des intercommunalités ont un président masculin. Le plafond de verre

ou plutôt le « plancher de plomb » comme l’appellent certains chercheurs, colle encore aux pieds des femmes. n MauD navarre HCEfh, « Quel partage du pouvoir entre les femmes et les hommes élu(e)s au niveau local ? État des lieux de la parité aux niveaux communal, intercommunal, départemental et régional », février 2017.

Avril 2017 ScienceS HumaineS N° 291

9

ACTU Sa nté

pSycho Le sexisme est mauvais pour la santé mentale !

L

es hommes qui se voient comme des play-boys ou qui

pensent avoir un pouvoir sur les femmes sont plus susceptibles d’avoir des problèmes psychologiques, selon une étude américaine de psychologie. En se basant sur 78 publications, les chercheurs ont analysé l’influence sur la santé mentale de 11 traits de

Jasmina007/iStock/Getty

caractère souvent perçus comme masculins : désir de gagner, besoin de domination, dédain pour l’homosexualité… L’attitude de play-boy, le sentiment de

Ce document est la propriété exclusive de STELLA AZEVEDO ([email protected]) - 15-04-2019

Les horaires matinaux nuisent aux ados !

E

t si on laissait les adolescents dormir davantage le matin ? C’est ce que suggèrent des chercheurs de l’université McGill (Québec) après avoir analysé les données relatives à 30 000 élèves âgés de 10 à 18 ans de 362 établissements scolaires canadiens, issues d’une enquête réalisée tous les 4 ans dans plus de 40 pays (Health Behaviour in School-aged Children). Principal constat, les jeunes dont les journées débutent tôt dorment moins et s’avouent fatigués le matin. Au final, environ un tiers d’entre eux ne respecte pas le nombre d’heures de sommeil recommandées pour leur tranche d’âge. Pourquoi ? La puberté retarde l’horloge biologique, expliquent les chercheurs. Conséquence, pour les ados, tomber dans les bras de Morphée avant 23 heures relève de la mission impossible, tout comme s’extraire de leur couette avant 8 heures… Ils doivent donc lutter contre

10 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

domination et l’indépendance sont les trois traits de caractère les plus associés à des dépressions. « Cela

leur rythme naturel pour se plier aux horaires des établissements scolaires (au Canada, les cours commencent généralement entre 8 h et 9 h 30). Or s’ils dormaient un peu plus longtemps, leurs chances de réussite augmenteraient probablement. D’autres études ont déjà montré que les élèves en manque de sommeil obtiennent de moins bonnes notes, rencontrent plus de problèmes de santé et sont davantage sujets à la dépression, à l’anxiété, ou aux troubles du comportement. Les chercheurs plaident donc pour l’adoption d’horaires moins matinaux au Canada : selon eux, un démarrage à 9 h 30 permettrait à la plupart des ados de dormir en quantité suffisante. n Diane GalbauD Geneviève Gariépy, Ian Janssen, Mariane Sentenac et Frank Elgar, « School start time and sleep in Canadian adolescents », Journal of Sleep Research, novembre 2016.

montre que le sexisme n’est pas seulement une injustice sociale mais peut aussi avoir des effets néfastes sur la santé mentale », estime Joel Wong qui ajoute que ces hommes ont tendance à ne pas demander de l’aide lorsqu’ils se sentent mal. En revanche, le fait d’accorder la primauté au travail n’a permis d’établir aucune corrélation avec l’état de santé. L’activité professionnelle peut être à la fois une source de souffrance et d’épanouissement. n  Florine Galéron Joel Wong et al., « Meta-analyses of the relationship between conformity to masculine norms and mental health-related outcomes », Journal of Counseling Psychology, vol. LXIV, n° 1, janvier 2017.

ACTU r ech erch e L’orthographe, ça compte sur les sites de rencontre

F

aut-il s’appeler Flaubert pour séduire en ligne ? Cela dépend du niveau d’éducation de son interlocuteur, répond la sociologue Marie Bergström. Ses recherches sur la formation de couples sur les sites de rencontres prouvent que l’écriture est un facteur clivant dans la recherche de relations amoureuses sur Internet. Alors que les personnes les plus éduquées se reposent beaucoup sur la longueur du texte et l’orthographe pour plaire et choisir leurs partenaires, les

i n d i v i d u s ay a n t f a i t p e u d’études s’en remettent plus volontiers aux photos. D’après son étude, les personnes diplômées à bac+5 utilisent en moyenne 208 signes pour se décrire sur Meetic, alors que les personnes ayant un niveau lycée ou inférieur utilisent environ 142 caractères. De même, la maîtrise du français apparaît comme une condition sine qua non pour les personnes issues des catégories socioprofessionnelles les plus élevées. En cas de fautes, « ce n’est pas la

peine », « je zappe tout de suite », « ça n’est pas possible » confient certains participants, respectivement professeur, étudiante et chef de projet. Une écriture défaillante est jugée comme un signe d’immaturité, et même « une différence morale », note la chercheuse. En revanche, dans les milieux modestes, la publication de longs textes est perçue comme ostentatoire et pédante. La présentation de soi via les photos est au contraire valorisée et même plus spontanée, puisque les

membres des classes populaires sont 10 % de plus à se montrer sur leur profil. Ainsi, si les sites de rencontres se targuent volontiers de dépasser les codes sociaux et de faciliter des rencontres inhabituelles, l’homogamie sociale s’y reproduit quand même à travers l’écriture. n  alizée vincent Marie Bergström, « (Se) correspondre en ligne. L’homogamie à l’épreuve des sites de rencontres », Sociétés contemporaines, n° 104, 2016/4.

D’

après une étude menée par le sociologue britannique Keon West, les naturistes seraient globalement plus satisfaits de leur vie. C’est en tout cas les résultats qu’il tire de trois enquêtes empiriques, menées auprès de novices et d’habitués du naturisme, interrogés avant ou après des activités nudistes. Les études déjà parues sur la question tendaient à démontrer que le naturisme ne nuit pas à la santé mentale ni à la stabilité affective des personnes fréquemment exposées à la nudité étant enfant. La recherche de K. West va jusqu’à montrer que le naturisme procurerait des bienfaits psychologiques. Ses conclusions prouvent que le fait de voir des corps très diversifiés

Patricia de Melo Moreir/4See/Réa

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Vivre nu pour être heureux ?

façonne « des standards d’attirance et de beauté plus réalistes » qui permettent de fabriquer une image positive de soi. D’après le chercheur, ce n’est pas tant le fait de s’habituer à montrer son propre corps qui met les individus à l’aise, mais bien l’acceptation de facteurs

esthétiques différents. Voir de nombreux corps nus permettr a i t de c ontr e c a r rer le s modèles sociaux dominants, et de renforcer l’estime personnelle. Cette amélioration joue par ricochet sur la satisfaction générale des individus, directement corrélée au sentiment

de bien-être avec la nudité. Si l’âge et le genre ne semblent pas avoir d’effet sur les sentiments des participants, la fréquence d’exposition au naturisme apparaît déterminante. Les effets positifs sur l’image de soi sont en ef fet plus intenses pour les non-initiés. Si la pudeur peut en refréner certains avant de tenter l’expérience, l’étude peut néanmoins encourager à diversifier les modèles esthétiques mis en av a n t , d a n s l a p u b l i c i té notamment. n a .v.

Keon West, « Naked and unashamed. Investigations and applications of the effects of naturist activities on body image, self-esteem, and life satisfaction », Journal of Happiness Studies, janvier 2017 

Avril 2017 ScienceS HumaineS 11 N° 291

ACTU tr avail Qui sont les travailleurs du dimanche ?

U

n salarié sur cinq déclare travailler au moins un dimanche par mois, soit environ 4,2 millions de personnes. Les salariés les plus concernés travaillent dans la protection des biens et des personnes (gendarmes, pompiers…), les services de santé et médicosociaux, enfin ceux des entreprises assurant l a « c o n t i n u i té d e l a v i e sociale » : l’hôtellerie, la restauration, le sport, les transports… Le travail pouvant se dérouler à domicile, il est à

noter que 42 % des enseignants –  de la primaire au supérieur  – déclarent eux aussi travailler au moins un dimanche par mois. Sur le plan statutaire, seuls 15 % de s tr availleur s du dimanche sont des salariés du privé. La moitié sont des salariés des hôpitaux publics et un tiers des agents de l’État : la continuité du service public, ici, est essentielle. Et les titulaires d’un CDD sont les plus touchés, soit parce qu’ils recherchent des heures mieux

payées, soit parce qu’ils ont moins la possibilité de s’opposer aux propositions reçues. À noter, aussi, que le travail du dimanche concerne généralement des salariés travaillant déjà le samedi, et exerçant des horaires habituellement atypiques. Enfin, plus d’un million d’indépendants travaillent aussi le dimanche, soit 37 % d’entre eux. n  renauD chartoire Dares, « Le travail du dimanche en 2015 », 23 décembre 2016.

Peter Rigaud/Laif/Réa

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12 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

pour trouver des offres, s’informer sur le marché du travail et la formation.

38 % ont consulté les réseaux sociaux dans le cadre de leur recherche d’emploi. Mais seulement 21 % s’en disent tout à fait satisfaits.

77 % des demandeurs

La fin des pêcheurs bretons ?

es pêcheurs bretons font partie de l’image d’Épinal de la Bretagne. Ils représentent encore le tiers des emplois embarqués français. Mais pour combien de temps encore ? Après la période d’euphorie de 1950 à 1970, la situation est aujourd’hui très sombre : en l’espace de vingt-cinq ans, le nombre de pêcheurs a diminué de moitié. En cause : la raréfaction de la ressource, les politiques européennes et les conditions de travail difficiles. Des géographes ainsi que des ingénieurs halieu-

88 % des demandeurs d’emploi utilisent Internet

satisfaits et 49 % plutôt

GéoGr aphie

L

Chiffres du mois Recherche d’emploi : Internet ne suffit pas

d’emploi sollicitent leur réseau professionnel ou

tiques et des pêcheurs se sont penchés sur l’avenir de ce métier en pleine mutation. Ils regrettent que les pêcheurs soient stigmatisés en raison de « tout un système de représentations, de fantasmes, émanant du milieu urbain qui aujourd’hui domine nos sociétés ». Ils rappellent en outre que le milieu marin suscite aujourd’hui bien des convoitises : la recherche de gisements d’hydrocarbure et la production d’énergies nouvelles laissent peu de place aux activités primaires. « Dans ce dernier Far West, leur présence dérange ces enjeux nouveaux », explique Yves Lebahy, géographe. Il s’agit d’inventer un autre avenir pour la pêche bretonne : attirer des jeunes vers ces métiers, en améliorant les conditions de travail, en organisant une meilleure gouvernance et en veillant scrupuleusement à l’amélioration de la qualité de l’eau des estuaires. « La durabilité dépendra d’un partage équitable des ressources, sur un territoire littoral et maritime préservé de la pollution », insiste Alain Le Sann. n  anna Quéré Alain Le Sann (dir.), Pêcheurs bretons en quête d’avenir, Skol Vreizh, 2016.

personnel.

58 % passent par une rencontre directe avec l’employeur (remise du CV en mains propres, salons professionnels…). Au final, les canaux horsligne restent plus efficaces que les canaux en ligne :

37 % des retours à l’emploi se font grâce au réseau personnel ou professionnel, contre 18 % par un outil numérique. n  Marie Deshayes Pôle emploi, « Quel usage des outils

numériques pour la recherche d’emploi ? », 17 janvier 2017. www.pole-emploi.org

ScienceS

5clENCESHUMAINES Comprendre l’humain et la société

Le fossile de Lucy en open source

V

ous rêviez de manipuler le plus célèbre des fossiles ? Voilà qui est désormais possible, ou presque.

Des chercheurs américains de l’université du Texas

NE MANQUEZ PAS CE NUMÉRO

viennent en effet de mettre en ligne les fichiers de certaines parties du squelette de Lucy, l’australopithèque. Résultat : son fémur, son humérus, son omoplate et son tibia peuvent désormais être reproduits par toute

Les Grands Dossiers

personne disposant d’une imprimante 3D, après avoir des

rempli une demande sur le site eLucy.org.

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SCIENCES HUMAINES

Mise au jour par une équipe internationale le 24 novembre

PLATON

1974 sur le site d’Hadar, en Éthiopie, Lucy, qui doit son

ARISTOTE

nom à une chanson des Beatles écoutée sur le chantier, a

AUSTIN

été une découverte retentissante. Le squelette est alors

PEIRCE

Les GRANDS

PENSEURSdu LANGAGE

l’un des plus complets jamais retrouvés (40 %) pour une

HUMBOLDT

période aussi ancienne – près de 3,2 millions d’années –

SAUSSURE

et permet de donner un « visage » à l’espèce, d’imaginer

WITTGENSTEIN

sa façon de se déplacer. Mais « le plus vieil ancêtre de

CHOMSKY

l’homme » (qui serait plutôt une vieille tante ou une cousine) garde encore un secret : celui de son décès.

JAKOBSON BENVENISTE BARTHES

En août 2016, des chercheurs américains avancent une

FODOR

hypothèse dans la revue Nature, celle d’une chute d’arbre.

LAKOFF

Un choc. L’article suscite de vives polémiques chez les

BOURDIEU

paléoanthropologues quant au mode de vie de Lucy

PINKER...

Pour enfin trancher la question, les chercheurs ont donc

N 046

-

.

ACTUALITÉSDE LA RECHERCHE • Vers la fin des bibliothèques' • Faire ou ne pas fa ire des enfants en Europe • L'art des cavernes. une nouvelle hypothèse

décidé de mettre à la disposition de tous les fichiers 3D du squelette. L’initiative pourrait aussi aider des professeurs à rendre leurs cours plus vivants. Elle s’inscrit dans une tendance générale de partage public des données scientifiques mais n’est pas sans poser des questions. Même si le site eLucy.org précise que toute

Chez votre marchand de journaux le 23 février

exploitation commerciale est interdite, des scientifiques s’inquiètent de voir des faussaires pirater ces fichiers pour vendre sous le manteau des copies du célèbre fossile. n  alice Pouyat eLucy.org

Sur commande page 82 ou par téléphone au 03 86 72 07 00 Sur Internet www.scienceshumaines.com Avril 2017 ScienceS HumaineS 13 N° 291

ACTU Science politiqu e

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I

maginer Angela Merkel voyager à l’étranger accompagnée d’un rhinocéros pour illustrer sa puissance politique et impressionner les passants : l’image a de quoi faire rire aujourd’hui, mais elle était pourtant réaliste du temps de Charlemagne. L’empereur se déplaçait en effet avec un éléphant albinos que lui avait offert le calife de Bagdad, supposé lui apporter pouvoir et renommée internationale. Cette anecdote historique n’est pas isolée, et prouve que les animaux servent d’outils diplomatiques aux leaders politiques depuis le Moyen Âge. Les grands représentants d’époque avaient pour habitude d’en faire cadeau à leurs homologues, en misant sur le capital symbolique des bêtes, valorisées pour leur exotisme ou leur force. Girafes, faucons, chiens, tigres et pur-sang ont ainsi été échangés à travers le monde. Le

cheval, en particulier, servait de monnaie de négociation pour des mariages stratégiques, permettait de sceller des amitiés entre dirigeants, et servait de vitrine de richesse. Aujourd’hui, il semblerait que ce soit au tour des animaux jugés attendrissants de jouer les médiateurs. Après les célèbres pandas chinois exportés vers les zoos occidentaux (la « diplomatie du panda »), des koalas ont été sollicités pendant le G20 de 2014, afin de créer une image sympathique de la négociation. Il n’est pas rare de voir les hommes politiques mis en scène avec de mignons compagnons, comme Bo et Sunny, les deux chiens d’Obama, ou Larry le chat, mascotte du 10 Downing Street qui bénéficie d’un compte Twitter. Protéger les espèces menacées semble aussi être un moyen d’attendrir

Eddie Mulholland/Telegraph

Animaux diplomatiques

Larry, le chat chargé de chasser les rongeurs du 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre britannique.

les foules et retenir l’attention. C’est le cas du sultan d’Oman, soucieux du sort des oryx sur son territoire, qui décerne chaque année un prix Unesco aux protecteurs de la faune et la flore. L’adage a donc évolué : si

Postvérité : le triomphe du baratin

S

elon les médias américains, très peu de personnes étaient présentes dans les rues lors de la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Pourtant, le porte-parole de la Maison Blanche affirme que s’y trouvait « la plus grande foule jamais vue lors d’une investiture ». Une c o ns eillè r e d e D.  Tr ump enfonce le clou : le porte-parole n’a pas menti, il a simplement donné des « faits alternatifs ». Nier la réalité des faits et proposer à la place des récits fictifs : telle serait la caractéris-

14 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

tique de notre époque. L’expression « postvérité », désignée « mot de l’année » par le très sérieux dictionnaire d’Oxford, désigne un contexte dans lequel les faits objectifs auraient désormais moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles. Ainsi, le mensonge, même avoué publiquement, est sans conséquences – par exemple, D.  Trump a longtemps soutenu que Barack Obama n’était pas américain,

puis il s’est tranquillement rétracté une fois élu. Comment en est-on arrivé là ? Le philosophe Harry Frankfurt (De la vérité, 2008) rend responsable les auteurs postmodernes comme Jacques Derrida, qui à trop relativiser la vérité, aurait fini par en ruiner la valeur. Un argument contestable, tant D. Trump semble loin des préoccupations de Derrida… L’écrivain Ralph Kayes (L’Ère de la postvérité, 2004) rappelle quant à lui que les réseaux sociaux deviennent la

tu veux la paix, prépare le hamster. n a.v. Radivoj Radić et Marko Šuica, « Animals as gifts (From the treasury of medieval diplomacy) », Issues in Ethnology and Anthropology, vol. XI, n° 4, décembre 2016.

4%

C’est, selon le site Politifacts, le pourcentage de déclarations publiques complètement vraies faites par Donald Trump, depuis qu’il est un homme politique. C’est peu !

première source d’information, au détriment des médias traditionnels, décrédibilisés. Or, sur le Web 2.0, les informations erronées et les sources peu vérifiables abondent. n  réGis Meyran

ACTU écono mie Consommation : la part croissante de l’État

L

es dépenses publiques font de manière récurrente l’objet de vives polémiques : trop fortes pour les uns,

pour qui le retour de la croissance ne pourra passer que par leur drastique réduction, essentielles pour les autres, qui y voient un paravent contre les effets de la crise, ces dépenses, au-delà des débats qu’elles inspirent, participant aussi et surtout à la consommation des

Le point sur les recherches actuelles en psychologie de l’enfant

Français. Pe t

ne ai

es Hum

services proposés à titre gratuit ou quasi gratuit par la

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bibli

que de Sc i

Cependant, elle peut aussi être réalisée en profitant de

ite



Notre consommation peut prendre une forme marchande.

puissance publique ou les associations, ou de services dont le coût pour le consommateur est en partie pris en charge par la collectivité ; c’est la « dépense socialisée » des ménages. Par exemple, la puissance publique prend directement en charge aujourd’hui plus des trois quarts des coûts des dépenses de santé, près d’un quart du loyer des locataires, et plus de… 90 % des dépenses

L’ENFANT et le monde

de l’enfant Psychologie x État des lieu

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d’enseignement ! Sans compter, à un degré moindre, des domaines aussi variés que l’action sociale, ou encore le fonctionnement d’établissements publics à vocation artistique, culturelle ou sportive. Or, cette forme socialisée de notre consommation ne cesse de croître. Si elle représentait à peine 15 % de notre consommation totale en 1960, elle s’élève aujourd’hui à plus du quart de cette consommation. La raison ? Principalement le vieillissement démographique, qui s’est automatiquement traduit par une hausse de la part des dépenses de santé. Mais pas seulement ; si la part des

ISBN : 978-2-36106-304-7 128 pages - 10,20 €

dépenses socialisées ne diminue pas en période de croissance, elle augmente particulièrement lors des phases de récession, à la suite d’une relative augmentation des dépenses d’actions sociales et d’aide au logement, à destination principalement des ménages touchés par le ralentissement économique. n r.c. Joan Sanchez-Gonzales, « En 2015, la collectivité prend en charge un quart de la consommation des ménages », Insee Première, n° 1618, septembre 2016.

En librairie, et sur commande à :

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Avril 2017 ScienceS HumaineS 15 N° 291

ACTU docu m entair eS AUssi en sAlles

Andolfi

La Cigale, le corbeau et les poulets

La Fémis face caméra Documentaire percutant, Le Concours suit les épreuves du concours d’entrée à la Fémis, prestigieuse école de cinéma française. Et montre les biais sociaux des membres du jury.

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L

e documentaire s’ouvre sur une image symbolique : quelques grappes de jeunes attendent derrière les grilles de la Fémis. Au final, la porte ne s’ouvrira que pour une infime minorité d’entre eux (6 %) qui se verront accorder le privilège d’intégrer cette école prestigieuse. Pourquoi eux ? En fonction de quels critères ? Claire Simon – qui n’est pas diplômée de la Fémis mais y a été jurée – dévoile l’implacable processus de sélection, depuis les épreuves écrites dans un amphi de 1 200 personnes, jusqu’aux oraux devant une poignée de professionnels. La force de son documentaire tient dans son extrême sobriété : ni commentaire off ni plans superflus, la réalisatrice pose ses caméras devant les jurys et se fait oublier, à la manière de Raymond Depardon. Que ces professionnels aient accepté de dévoiler l’envers du décor peut surprendre, tant leurs délibérations révèlent la subjectivité du processus. À plusieurs reprises lors des oraux, l’apparence des candidats semble primer sur les motivations ou les compétences. Par exemple, un garçon, talentueux mais jugé déroutant, rebute le jury, tandis qu’une jeune fille le réjouit par

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sa « fraîcheur ». Surtout, de manière inconsciente, ces appréciations personnelles favorisent un mécanisme de reproduction sociale. Malgré le souci affiché d’équité, les jeunes de milieu défavorisé se retrouvent discriminés car ils ne tiennent pas les propos attendus par les jurés. Ainsi, un candidat d’origine populaire s’exprime dans un style trop formaté à leur goût. Un autre, qui explique avec passion être barman pour pouvoir financer des courts-métrages, se voit rejeté par certains d’entre eux, convaincus qu’il ne va pas être à l’aise à la Fémis et qu’il « n’a pas besoin de l’école » pour réussir. Au final, même si la volonté est de mêler « un Noir, un Rebeu, une Asiate, des provinciaux et des pauvres » , la photo des 60 étudiants retenus demeure résolument homogène. Indépendamment de sa dimension artistique, la Fémis ne se distingue donc guère des grandes écoles françaises les plus prestigieuses, perpétuant en toute bonne conscience le même processus de sélection inégalitaire, sous couvert de « méritocratie républicaine ». n D.G. En salles depuis le 8 février 2017.

Buraliste, dentiste, plombier ou proviseur retraité, ils se retrouvent à La Cigale, un bureau de tabac et publient une gazette, La Commune, à Saint-Pons-de-Thomières, village de l’Hérault d’à peine 3 000 habitants. En 2009, ils sont poursuivis par le parquet antiterroriste de Paris qui les soupçonne, à tort, d’envoyer des lettres de menaces accompagnées de balles de 9 mm à des personnalités politiques, dont le président Nicolas Sarkozy. Entre humour et subversion, Olivier Azam montre les luttes de ces papys marxistes, déterminés à ne pas se laisser faire. Une farce politique dans la lignée de Merci Patron. n D.G . En salles depuis le 18 janvier 2017.

Entre les frontières Avi Mograbi et Chen Alon partent à la rencontre de demandeurs d’asile somaliens et érythréens retenus par l’État d’Israël dans un camp de transit, en plein désert du Néguev. Trois fois par jour, ces migrants doivent répondre à l’appel de leur nom, ce qui les empêche de se déplacer ou de travailler. À travers un atelier inspiré du théâtre de l’Opprimé, ils sont invités à rejouer leurs expériences. Des Israéliens partagent leur vécu, chacun endossant le rôle de l’autre. Un moyen de changer de regard sur ces exilés, dans un pays qui, bien que terre de réfugiés, refuse de considérer leur sort. n D.G . En salles depuis le 11 janvier 2017.

ACTU

Le théâtre intérieur d’une autiste

«S

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eule enfermée dans l’alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j’ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique, l’écriture. » Ce sont les paroles d’une jeune femme, Hélène Nicolas, diagnostiquée autiste déficitaire à 80 %. Hélène ne parle pas, elle n’a jamais été scolarisée et vit avec sa mère. À 30 ans, elle a l’apparence d’une grande adolescente. Ses troubles moteurs limitent de manière considérable son autonomie. Dans le documentaire Dernières nouvelles du Cosmos, la réalisatrice Julie Bertuccelli retrace son histoire. Aux alentours de ses 20 ans, sa mère découvre qu’Hélène sait lire. Elle met

alors en place un dispositif de lettres cartonnées et, à la surprise de tous, elle se met à aligner des mots. Petit à petit, ses phrases deviennent des textes qui sonnent comme un témoignage de l’autisme vu de l’intérieur. En 2008, Hélène achève son premier livre Algorithme éponyme. L’écriture est rythmée, on dirait du slam. C’est émouvant, parfois drôle, souvent très énigmatique. Sa prose a inspiré des metteurs en scène qui en ont fait des pièces de théâtre. L’un d’eux, Pierre Meunier témoigne dans le film. On le découvre aux côtés d’Hélène lors des répétitions du spectacle Forbidden di sporgersi directement inspiré d’Algorithme éponyme et joué au festival d’Avignon en

2015. Ce qui frappe dans ce film est le contraste entre l’apparence rieuse et insouciante d’Hélène et la profondeur du malaise qu’elle exprime à travers l’écriture. Hélène parle de solitude, d’errance, de décalage spatiotemporel. « Le remue-méninges qui squatte la boîte à trier les infos pète mes neurones timbrés en partance pour nulle part. (…) Faiblesse maladive, sourde aux murmures des remparts, destin immaculé dans l’épaisseur du rien. » Plus qu’un témoignage, ce sont de petits poèmes qu’elle nous livre. Elle, qu’on a longtemps considérée c o m m e d é b i l e p r o fo n d e . L’exemple d’Hélène montre bien que nous sommes loin d’avoir percé tous les mystères

de l’autisme. La richesse de ses mots dénote totalement avec son apparence déficitaire. L’intelligence, le raisonnement, le langage, tout y est. Mais tout passe par l’écrit. Et pourtant Hélène ne rêve que d’une chose : « Franchir les frontières muettes où somnole l’extase de la parole… comme un archer pointant en plein dans le mille de cette satanée c i b l e q u i j u s q u’ a l o r s s e dérobe. » n  Marc olano Babouillec, Algorithme éponyme et autres textes, Rivages, 2016. Julie Bertuccelli, Dernières nouvelles du cosmos, 2016.

philoSophie

La Nuit des idées s’ouvre au monde

D’

une année à l’autre, La Nuit des idées a plus que changé d’échelle. La première édition de 2016 était une série de conférences et débats organisés au musée du Quaid’Orsay à Paris, ayant attiré quelque 4 000 visiteurs ; le 26 janvier dernier, pas moins de 300 débats et un millier d’intervenants ont échangé aux quatre coins du monde face à 180 000 amateurs d’idées – selon le bilan provisoire de l’Institut français, principal organisateur de l’événe-

ment. De Tokyo à New York en passant par Paris ou Kinshasa, chercheurs, intellectuels et artistes ont échangés sur « le monde commun ». Que pouvons-nous encore partager, en effet, à l’heure où la mondialisation se heurte aux replis communautaires, lorsque des vérités factuelles ne paraissent plus faire consensus, ou quand le dialogue interculturel semble se muer en conflit ? Ces questions et bien d’autres ont traversé la planète au fil des fuseaux horaires, permettant à

un large public de s’enrichir intellectuellement et le plus souvent gratuitement. À Grenoble, près d’une trentaine d’intervenants ont imaginé de nouvelles utopies pour le 21e siècle ; en Algérie, à Oran, un diplomate s’est interrogé sur le « grand chambardement » du monde arabe ; en Argentine, à Ostende, une vingtaine de conférenciers ont repensé les espaces de convivialité et de rencontres, comme les plages ou les jardins. Etc. Si une quarantaine de débats

ont été retransmis en direct sur Internet, les visiteurs ont cependant dû faire leur choix : il était impossible d’assister à plus de deux ou trois conférences, la plupart des manifestations commençant en fin d’après-midi et se clôturant vers minuit. Quitte à changer d’échelle, ne faudrait-il pas transformer cette nuit en plusieurs, en répartissant les conférences sur une semaine par exemple – à l’image de la Fête de la science ? n  Fabien trécourt

Avril 2017 ScienceS HumaineS 17 N° 291

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Comprendre

Louis Delaporte (1842-1935), Vue idéale d’Angkor Vat « à vol d’oiseau dans la forêt » (1868).

Vie et mort des

civilisations

L’histoire a vu se succéder de grandes puissances qui semblent connaître un même destin : naissance, croissance et mort. Mais le destin des cultures suit une autre dynamique que celle des empires. Ce qui invite à reconsidérer l’histoire des civilisations. Jean-François Dortier

18 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

Musée Guimet, Paris

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Comprendre

Q

u’est ce qu’une civilisation ? Quelque part dans notre imaginaire, le mot « civilisation » évoque d’abord des mondes disparus. L’Empire romain, sa grande armée, ses empereurs, le Colisée, les arènes, les grandes voies qui sillonnent un territoire immense. Puis plus rien. La civilisation s’effondre et il n’en reste qu’un champ de ruines qui rappellent la grandeur passée. D’autres histoires similaires surgissent à l’esprit : la grande Babylone, l’Égypte pharaonique, la Grèce antique, les civilisations maya, aztèque, inca, l’Inde des maharadjahs, Angkor et ses temples, etc. Les civilisations seraient donc comme des organismes vivants : elles naissent, grandissent, atteignent leur apogée et puis finissent par s’effondrer. La nôtre n’échapperait pas à cette destinée.

À première vue, la définition d’une civilisation est donc assez claire : c’est une puissance (économique, politique et militaire) soudée par une culture commune (une écriture, une langue, un art, une religion) qui domine un grand espace à une époque donnée. À partir de ce constat panoramique, il est possible d’aborder l’histoire universelle comme une succession de civilisations : la première fut celle de Sumer en Mésopotamie ; la nôtre, occidentale, serait en train de vivre ses dernières heures face aux nouvelles puissances émergentes d’Asie. Sauf qu’à y regarder de plus près, l’histoire se laisse rarement enfermer dans des schémas aussi simplistes. Et si l’on cherche à dénombrer ou décrire les civilisations, les choses s’embrouillent. La « civilisation chinoise » par exemple, quand débute-telle ? Avec le premier empereur, Qin Shi Huang, en – 221 avant J.-C. ? Et quand meurt-elle ? La Chine d’aujourd’hui, en plein boom économique, ne descend-elle pas directement de l’empire du Milieu ? Et quelle est son unité culturelle : le confucianisme, le taoïsme ? En réalité, bien rares sont les Chinois qui se revendiquent « confucianistes » ou « taoïstes »… L’Inde a connu des phases impériales et des éclatements ; elle a subi des invasions, la colonisation, la modernisation, mais la religion hindoue y reste très ancrée. Et la civilisation islamique, que recoupe-t-elle au juste ? L’islam rassemble 1,5 milliard de personnes dans des pays aussi différents que le Sénégal, l’Indonésie (tous deux à 90 % musulmans) ou l’Arabie saoudite, qui ne forment aucune communauté économique ou politique homogène. Pour démêler des questions si embrouillées, commençons par rappeler que le mot « civilisation » s’est construit progressivement : il a été chargé de significations différentes au fil du temps. Selon le contexte où il est employé, il véhicule de représentations de l’histoire parfois très différentes. La notion de civilisation s’est construite en trois temps correspondant grosso modo aux trois derniers siècles. Le mot apparaît pour la première fois chez

Mirabeau en 1756 : il désigne alors l’état de celui qui est « civilisé ». Être « civilisé », c’est être « éduqué », « cultivé », « policé », « urbain ». La civilisation s’oppose donc au sauvage, au barbare, voir au paysan, bref à tous ceux qui ont le front un peu bas et les mœurs grossières. La civilisation, au temps des Lumières, se trouve à Paris, à Londres ou à Vienne, dans les couches éduquées de la société. Au-delà, c’est le monde des barbares. Au 19e siècle, les choses changent. Les explorations et conquêtes coloniales ont ouvert les yeux sur un monde plus vaste. Napoléon a redécouvert l’Égypte et ses pyramides (« Allez, et pensez que du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent » !) ; aux Indes, des administrateurs anglais s’émerveillent des trésors de la civilisation indienne, le sanskrit, le Taj Mahal. Les explorateurs ont découvert les extraordinaires temples d’Angkor au cœur de la forêt d’Indochine ; des archéologues ont retrouvé les vestiges de Babylone sous les sables de Mésopotamie. Ces sociétés avaient des écritures, des sculptures et des arts raffinés, des cosmologies complexes. La Terre a donc abrité de brillantes civilisations aujourd’hui englouties. Le mot civilisation se déclinera désormais au pluriel… ainsi qu’au passé. Ce qui suscite une interrogation : pourquoi les civilisations naissent, apparaissent et s’effondrent-elles ? La chute de l’Empire romain devient, au 19e siècle, le problème historique par excellence. Par la suite, d’autres vont chercher à généraliser à d’autres lieux et époques de l’histoire ; Arnold Toynbee, Max Weber, Oswald Spengler s’interrogent sur les raisons qui font que certaines sociétés se développent et connaissent des cycles d’essor et de déclin. Six siècles plus tôt, c’est un penseur de langue arabe, Ibn Khaldûn, qui avait déjà posé magistralement les bases d’une science des civilisations (voir encadré).

L’empire et la culture Les civilisations, telles qu’elles sont étudiées et classifiées par Toynbee ou Spengler, désignent en fait un type de ► Avril 2017 ScienceS HumaineS 19 N° 291

Comprendre QuAtre Penseurs des ciViLisAtions Ibn Khaldûn (1332-1406)

Oswald Spengler (1880-1936)

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Bettmann

Le penseur allemand envisage l’histoire humaine comme une succession de civilisations au destin implacable : naissance, maturité et mort. À l’origine des grandes civilisations, il y a un souffle, une âme et un génie créateur. Mais ce souffle initial finit par s’épuiser, annonçant le déclin et la fin prochaine. Dans les années 1920, Oswald Spengler – auteur pessimiste et conservateur – voit dans l’avènement de la société de masse et de la technologie le signe irrévocable d’un Déclin de l’Occident, titre d’un de ses ouvrages (2 vol., 1918-1922).

► société particulière : celle des grands

empires bâtisseurs, avec leurs monuments, leurs royautés sacrées, leur écriture, les mathématiques et l’astronomie, de grands travaux hydrauliques, une administration, une armée et des arts. Mais il est une autre conception de la civilisation qui émerge au début du 20e siècle : la « civilisation culture ». Cette notion, issue de l’anthropologie, procède de la découverte des « sociétés primitives » d’Afrique noire, d’Océanie, d’Australie, des Indiens d’Amérique. Ces peuples n’ont pas édifié d’empires, n’ont pas développé l’écriture, mais ils ont leurs mythologies, leurs croyances, leurs valeurs, leurs coutumes, leurs modes de vie : bref, leurs « cultures ». Elles aussi méritent d’être qualifiées de « civilisations ». Leo Frobenius, un anthropologue

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Arnold Toynbee

Estate of Yousuf Karsh

(1889-1975)

Dans son immense fresque A Study of History, dont l’édition s’étend sur vingt ans, l’historien britannique perçoit l’existence des civilisations dans une visée darwinienne : chaque société doit relever de grands défis (« challenge »), (affronter un ennemi, unifier un peuple autour d’une religion, construire une économie nouvelle…) qui engagent les hommes dans la construction d’une civilisation nouvelle. Ainsi, les États-Unis se sont construits sur un immense continent à défricher. Et l’esprit du conquérant est un des traits de la civilisation américaine.

Samuel Huntington

(1927-2008).

Jon Chase/Harvard University

DR

Penseur de langue arabe, il a vécu à la fin de l’âge d’or de l’Islam. Il a écrit une histoire des dynasties arabes et berbères qui se présente comme une histoire universelle (Le Livre des exemples). L’histoire des dynasties est faite de cycles : des tribus guerrières nomades, soudées par un esprit de corps s’emparent des villes et asservissent les populations. Installées au pouvoir, elles désarment les populations et prélèvent des impôts qui servent à inventer une économie urbaine, bien plus dynamique que l’économie agraire ; mais avec le luxe, l’opulence et la paix, les élites perdent leur esprit guerrier. Quand le système est attaqué de l’extérieur par de nouveaux conquérants, les dynasties en place n’ont plus la force de résister.

Dans Le Choc des civilisations paru en 1996, le professeur de Harvard a proposé une théorie des relations internationales, fondée sur des grands bassins de civilisation associés à une religion. Samuel Huntington distinguait ainsi plusieurs grands blocs : la civilisation occidentale (à dominante chrétienne), la civilisation islamique, la civilisation indienne (hindouiste), les civilisations chinoise et japonaise (formant deux traditions distinctes), la civilisation russe orthodoxe, la civilisation africaine (à dominante animiste). n J.-F.D.

allemand, consacre en 1933 un ouvrage à la « civilisation d’Afrique noire ». La même année, Ruth Benedict est en train de rédiger Échantillon de civilisations (1934) : les Indiens d’Amérique du Nord y tiennent bonne place. Trois ans plus tard, le préhistorien André Leroi-Gourhan publie La Civilisation du renne. Il prend pour exemple le mode de vie des Esquimaux (comme on dit alors pour désigner les Inuits), représentatif de ce qu’a pu être celui des néandertaliens de l’ère glaciaire. Jean-Albert Vellard parle d’une « civilisation du miel » à propos des Indiens guayakis au Paraguay (1939), dont l’économie et la vie religieuse tournent autour des abeilles. Dès lors, le mot civilisation n’évoque plus de grands empires, mais des bassins culturels, avec leurs modes de vie, leurs

croyances et leurs religions : l’Océanie, l’Amérindien, l’Afrique noire…

Grammaire des civilisations Deux conceptions s’affrontent donc : d’un côté, une civilisation « empire », chère aux historiens ; de l’autre, une civilisation « culture », défendue par les anthropologues. En 1963, Fernand Braudel publie une Grammaire des civilisations qui tente une sorte de synthèse. Le découpage est à première vue assez clair : il y a les civilisations non européennes (Islam et monde musulman, Continent noir, civilisations d’Extrême-Orient : Chine classique, Inde, Indochine, Japon) ; les civilisations « européennes » (Europe, Amérique, et Commonwealth) ; enfin « l’autre Europe » (Russie et Moscovie). À

Comprendre vrai dire, le découpage ne fait pas vraiment débat, c’est un découpage commode qui sert de cadre pour l’enseignement d’une histoire que l’on veut ouvert aux autres continents. De leur côté, les départements universitaires de lettres ou de langues proposent des enseignements de « civilisation anglaise » ou « civilisation américaine ». Et les sociologues n’hésitent pas à parler de « civilisation paysanne », « civilisation urbaine » ou « civilisation industrielle ». Il n’est plus question d’empires ou de religion, mais de modes de vie. Les civilisations empires et les civilisations cultures ne suivent pas forcément des mêmes trajectoires. Observons d’abord le cycle de vie des civilisations impériales. La plupart sont nées de la guerre et des conquêtes. C’est à Sumer, en Mésopotamie (au sud de l’Irak), que le scénario a été tracé pour la

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Athènes, qui était le centre de la civilisation grecque, n’est plus que le parent pauvre de l’Europe.

u première fois vers – 3500. Des seigneurs de guerre armés d’épées de bronze ont conquis une région fertile où des paysans vivaient dans de petites bourgades. Quelques bandes armées vont décider de s’installer et d’asservir les populations. Le contrat est simple : la vie sauve en échange d’un tribut. Ce principe mafieux est à l’origine des premiers États. Le nouveau maître et ses hommes de main créent une place forte entourée de remparts. Le guerrier se fait bâtisseur : il fait construire un palais, un temple, développe de grands travaux, met en place une administration pour prélever des impôts (d’où l’essor de la comptabilité et du calcul), répartit les terres (d’où la géométrie, née de l’arpentage), édicte des lois (d’où l’écriture). Le nouveau roi se

déclare fils de Dieu (ça impressionne son monde et légitime l’arbitraire). Une civilisation est née. Bientôt, dans la même région, d’autres petits royaumes et citésÉtats pullulent (Ur, Uruk, Lagash, Kish, Akkad naissent sur les mêmes bases). Elles vont se combattre et nouer des alliances. Ce scénario de fondation ressemble à s’y méprendre à ce qui s’est passé ailleurs : en Égypte, chez les Mayas, les Aztèques, en Grèce antique, dans la Chine des Royaumes combattants, l’Inde des védas et la civilisation khmère. La convergence est même troublante. Partout surgissent en même temps la ville, l’État, l’administration, les palais, les temples et pyramides, les castes de guerriers, de prêtres et de lettrés. Et avec eux l’écriture, les mathématiques, l’astronomie, la médecine et les arts florissants : sculpture, bijoux en or et argent. Cette dynamique avait déjà été perçue dans ces grandes lignes par Ibn Khaldûn, le premier et sans doute le plus profond des penseurs des civilisations (voir encadré) : les civilisations naissent et se construisent à partir d’un centre de pouvoir, imposé par la force, mais qui impulse ensuite une dynamique civilisatrice. Mais Ibn Khaldûn a perçu également que cette logique fondatrice contient en germe les racines de sa chute. Une fois que les nouveaux maîtres ont pris pouvoir, désarmé les populations (ce que Weber appelle la « monopolisation de la violence ») et commencé à bâtir une société nouvelle, les mœurs évoluent : les fils des farouches guerriers deviennent d’opulents monarques ; ils se ramollissent et perdent le goût du combat. Les nobles chevaliers étaient prompts à tirer l’épée ; leurs enfants sont devenus des hommes de cour raffinés ; Norbert Elias dénomme « processus de civilisation » ce passage de l’aristocratie guerrière à la société de cour. Pour Ibn Khaldûn, c’est le début de la fin. La richesse ne vient plus de butins conquis par les armes, mais de l’impôt qui écrase les populations. Après une phase créatrice, le système s’essouffle, se corrompt et les « nouveaux barbares », qui attendent

aux portes, entreront avec d’autant plus de facilité que l’organisme n’a plus la force de résister. Et quand le cœur sera atteint, le corps s’effondrera : le centre est paralysé, les impôts ne rentrent plus, les villes se vident, un processus d’involution est en cours. Ce processus s’est produit quasi à l’identique à Babylone, à Rome, à Alexandrie, à Bagdad et à Angkor. Athènes, qui était le centre de la civilisation grecque, n’est plus que le parent pauvre de l’Europe. Le processus est-il pour autant irréversible et implacable ? Pas toujours, l’Empire chinois s’est désagrégé puis sans cesse reconstruit. Byzance a survécu un millénaire à l’effondrement de l’Empire romain, puis l’Empire ottoman l’a réactivé de l’intérieur : Constantinople est devenue Istanbul, puis l’Empire ottoman s’est effondré, mais la Turquie fait partie aujourd’hui des émergents. L’histoire ne tourne pas comme une horloge, des dynamiques diverses y trouvent place.

Les civilisations culturelles ne meurent (presque) jamais. Si les empires meurent, les « cultures » qui l’accompagnent meurent-elles ? Pas toujours. Il arrive que des pans entiers de culture survivent. L’effondrement de la brillante civilisation arabo-musulmane du temps de l’Empire abbasside, quand Bagdad abritait la maison de la sagesse, n’a pas empêché l’Islam de se diffuser en Asie au cours d’une seconde expansion. Voilà pourquoi les deux tiers des musulmans sont asiatiques et non arabes. Il s’est produit la même chose avec le bouddhisme : il avait été promu au rang de religion d’État par l’empereur Ashoka, quand l’empire s’est défait. C’est alors seulement qu’il s’est diffusé au Tibet, en Chine, et plus tard dans tout le reste de l’Asie. On observe le même paradoxe avec le christianisme : c’est au moment où l’Église chrétienne se fracture en trois blocs (protestant, catholique, orthodoxe) et perd son emprise sur la société européenne que la religion chrétienne commence son expansion mondiale. Les civilisations empires et les civilisations culture ne coïncident pas. n ► Avril 2017 ScienceS HumaineS 21 N° 291

Comprendre

Civilisation islamique : le mot évoque des sociétés unies non seulement par une même religion (l’islam), mais aussi par un même mode de vie (soumis à la loi islamique), un même type de régime (ou politique et religieux sont imbriqués) et des alliances économiques et géopolitiques : cette civilisation islamique n’existe pas, elle n’est que le rêve des idéologues de l’islam politique (et le fantasme repoussoir des islamophobes). En revanche, il existe bien un monde musulman diversifié qui s’est construit en plusieurs périodes. La constitution du monde musulman couvre quatorze siècles et trois grandes périodes. 7e-13e siècle - La civilisation arabo-musulmane. De 622 (date de l’hégire, quand Mahomet reçoit la révélation) à 750, l’Islam connaît une extension fulgurante grâce aux premiers califes (chefs religieux et militaires). L’empire conquis va de l’Espagne à l’Iran. Après 750, bien que morcelée en plusieurs blocs (Cordoue, Le Caire, Bagdad), la dynastie abbasside entre dans son « âge d’or » où se déploient les arts, les sciences, les mathématiques et la philosophie arabe. Le calife est le chef religieux, politique et militaire.

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14e-18e siècle - Déclin arabe, expansion ottomane et indienne Les invasions mongoles précipitent le déclin des empires arabo-musulmans. par contre, les conquérants turcs, convertis à l’islam s’emparent de Constantinople (1453). L’Empire byzantin meurt, l’Empire ottoman est né. Le règne de Soliman le Magnifique (1494-1566) en marque l’apogée. L’Empire ottoman décline à son tour, alors qu’en Inde, l’empire musulman des « grands moghols » fleurit au 17e siècle (la construction du taj Mahal en est un symbole). trois fois, le même scénario s’est reproduit : conquête militaire, phase de consolidation (favorisant les arts, l’architecture), séparation du religieux et du

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Clément Quintard/Sciences Humaines

LA ciViLisAtion musuLmAne n’ExIStE pAS

Le monde musulman aujourd’hui.

politique, apparition d’une tolérance religieuse, puis déclin et effondrement. C’est aussi au cours de cette période que les marchands arabes ont islamisé l’Indonésie. 19e-20e siècles. Colonisation, modernisation, réaction socialiste, nationaliste et islamiste Au début du 19e siècle, les pays arabes sont colonisés par les Français (Afrique du nord) et les Anglais (Égypte, MoyenOrient, Inde). Après la première Guerre mondiale, l’Empire ottoman (allié des Allemands) est démantelé et partagé entre zones d’influence anglaise, française et américaine. Les sociétés musulmanes sont en crise. Deux grands types de réaction vis-à-vis de l’Occident moderne vont se succéder. Une réaction moderniste. Des élites occidentalisées, à la tête de régimes autoritaires, modernisent la société à marche forcée. Elles introduisent la laïcité, imposent parfois un « féminisme d’État » : en turquie (Atatürk), Iran (le shah pahlavi), Égypte (nasser, el-Sadate), Irak et Syrie (parti Baas), tunisie (Bourguiba), Algérie (Boumédienne). Les monarchies du Golfe maintiennent une tradition rigoriste. Une réaction islamiste. À partir des années 1980, une réaction islamiste se développe : réislamisation d’une fraction de la population, essor des orthodoxes l

(Frères musulmans, salafistes), instauration de régimes intégristes (en Iran en 1979 avec les mollahs, en Afghanistan avec les talibans), développement du terrorisme (Fis algérien, Al-Qaïda). Les années 2010 sont celles des révolutions arabes (sociales et démocratiques), de la guerre civile en Syrie et de la naissance de l’État islamique en 2014. En Asie du nord, le clivage musulman/ hindou conduit à la séparation de l’Inde, du pakistan et du Bangladesh (1971). Aujourd’hui, le monde musulman est donc un monde très contrasté. L’Indonésie, premier pays musulman au monde (200 millions d’habitants) et le Sénégal (90 % de musulmans) sont des régimes démocratiques, comme l’est la tunisie. plusieurs pays sont laïcisés : en Égypte, Algérie, Indonésie, Irak, Syrie, Libye, turquie, le pouvoir politique est distinct des instances religieuses. D’autres sont traditionalistes (monarchies du Golfe), certains appliquent la charia (Soudan). Ces États et sociétés ne forment entre eux aucune unité économique ni alliance stratégique. En conclusion il existe bien un monde musulman (l’ensemble des pays où la religion musulmane est majoritaire), mais non une « civilisation islamique » homogène. n J.-F.D.

Comprendre

L’Occident est-il chrétien ? Dans Décadence, Michel Onfray annonce la fin de la civilisation chrétienne qui a régné pendant 2 000 ans sur l’Occident. Sa démonstration semble implacable… mais elle est contestable car elle repose sur deux amalgames. son expansion via notamment le prosélyte évangélisme protestant qui continue son progrès en Afrique, en Asie (il y a plus de 30 millions de chrétiens en Chine !) et même dans certains pays arabes  (1). Quant à la religion orthodoxe, elle est en pleine renaissance.

2 - L’Occident ne se résume pas au christianisme

Kenzo Tribouillard/AFP

DeJésusà BenLaden Vieet mortdel'Occident

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1 - Le christianisme n’est pas la chrétienté La première confusion porte sur l’association plus que discutable entre le christianisme (comme religion mondiale qui rassemble catholiques, protestants, orthodoxes, évangéliques) et la « chrétienté », puissance de l’Église catholique et romaine qui a dominé l’Europe pendant un millénaire. Le monde que l’on appelait à l’époque « la chrétienté » recouvre chronologiquement la période du Moyen Âge, de 500 à 1500. La chrétienté connut son apogée aux 11e et 12e siècles au temps des cathédrales et des croisades. À l’est de l’Europe, ce fut le temps de la splendeur de Byzance. Puis à partir de la Renaissance, vers 1450, l’Église chrétienne a commencé à voir son emprise sur la société décliner : Église et pouvoir politique se sont séparés progressivement ; le monde des idées – philosophie, sciences, arts – s’est affranchi du magistère de

l’Église ; l’adhésion des populations au christianisme a commencé son reflux. Ce mouvement a été analysé depuis bien longtemps par les sociologues et philosophes : Nietzsche, quant à lui, y voyait la « mort de Dieu ». Marcel Gauchet reprendra à Max Weber le terme de « désenchantement du monde » pour décrire la sécularisation de la société. Mais la perte d’emprise du christianisme sur la société européenne n’annonçait pas, loin s’en faut, le déclin général du christianisme. Car au moment où l’Église se fractionnait (entre catholiques et protestants, anglicans), elle débutait aussi son expansion mondiale via les colons et missionnaires. Le christianisme s’est ainsi implanté dans les deux Amériques, en Afrique et en Asie. Cette implantation ne fait pas partie du passé : le christianisme reste aujourd’hui non seulement la première religion du monde (2,1 milliards de chrétiens), mais contrairement à une idée reçue, elle poursuit toujours

La seconde confusion concerne l’histoire de l’Occident et celle du christianisme. L’Europe et l’Occident ont incontestablement des racines chrétiennes : et pour cause, l’Église a détenu le monopole du sacré pendant un millénaire. Mais pour autant, la civilisation occidentale s’est édifiée sur bien d’autres fondations culturelles et sociales : la démocratie et philosophie grecques, le droit romain, la pensée humaniste, l’égalitarisme, l’individualisme, la science, la technique et le capitalisme. Tous ces ingrédients forment le tissu de la « modernité » occidentale et les historiens discutent depuis longtemps du poids relatif de ces facteurs dans l’ascension de l’Occident. Aujourd’hui, l’Asie connaît un tel essor qu’elle est en train de devenir le nouveau centre de gravité du monde. Pour autant, la crise de l’Occident a peu à voir avec celle du christianisme. De façon plus évidente, elle trouve ses racines dans le déclin économique relatif de l’Europe face au dynamisme des économies émergentes (2). n J.-F.D. (1) il s’est passé la même chose pour l’islam, après quatre ans de montée en puissance (califats abbassides et âge d’or), la brillante civilisation décline au moment où elle commence une seconde islamisation (via les marchands en Asie). (2) Voir Achille Weinberg, « Mondialisation, acte 2 », Sciences Humaines, n° 290, mars 2017.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 23 N° 291

Entretien RencontRe avec DenIS LacoRne

« La France n’est pas le pays

de la tolérance » De l’Empire ottoman à l’attentat contre Charlie Hebdo, Denis Lacorne livre une magistrale histoire comparée de la tolérance, de ses frontières et de ses fluctuations. Et montre que la France n’a pas le monopole en la matière.

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orsque Sciences Humaines vient l’interviewer dans le Paris glacial du mois de janvier, Denis Lacorne s’apprête à partir en Californie. Travailleur infatigable, ce chercheur et enseignant au Ceri (Centre d’études et de recherches internationales, IEP-Paris) poursuit actuellement une enquête comparative sur les entrepreneurs de la Silicon Valley et les start-up françaises. La politique comparée est en effet le fil directeur de ses travaux depuis le début de sa carrière. Ayant enseigné dans plusieurs universités américaines, il est devenu en France un spécialiste de renom de la société américaine, des questions de religion, du multiculturalisme et de la laïcité. Son dernier livre, Les Frontières de la tolérance (2016), est le fruit de six ans de recherches : « Le travail comparatif, dans la très longue durée, de l’Empire ottoman aux Lumières européennes et à notre époque, m’a permis de mieux saisir les grandes évolutions », LF.SFRONTl~RF.S explique-t-il. La tolérance en effet est une DE LATOL~RANCE idée qui ne va pas de soi. C’est d’ailleurs un concept négligé dans l’historiographie française, contrairement à l’abondance des travaux anglais, américains, hollandais, = allemands. « J’ai eu droit, lorsque je parlais de mon travail, à la fameuse boutade attribuée à Claudel : “La tolérance ? Il y a des maisons pour ça !” » Pour D. Lacorne, « la France n’est pas un pays véritablement tolérant ». On peut l’attribuer à son histoire (l’expulsion de 250 000 huguenots sous l’absolutisme, la tradition jacobine et la guerre des deux France, 24 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

laïque et catholique). En France, ajoute-t-il, « on applique davantage la tolérance aux questions de genre ou d’homosexualité ». Mais avec les attentats terroristes, la question de la tolérance religieuse est réapparue dans l’actualité et suscite des points de vue très confl ictuels. C’est pourquoi, dans les chapitres sur les événements récents, il n’hésite pas à prendre parti : « La tolérance est un principe actif fondé sur le choc des idées : elle n’est donc pas sans risque et c’est ce qui fait sa grandeur », conclut-il.

Comment définir la tolérance ? Si l’on se réfère aux origines latines, on peut dire qu’il existe plusieurs sens du mot « tolérance ». Le premier sens, plutôt restrictif et péjoratif, vient du verbe « tolerare » ; il désigne un inconvénient, ou un poids qu’il faut endurer ou supporter. Le second sens, dérivé du mot « tolerantia », renvoie à une vision plus positive qui consiste à penser la société comme une cohabitation harmonieuse de groupes très différents. C’est ce que j’appelle la « tolérance des modernes » dans laquelle il s’agit de penser le pluralisme religieux, ce qui suppose de reconnaître la liberté de conscience, de culte, et qui engendre le principe de séparation de l’Église et de l’État.

Qui sont les grands penseurs de ce que vous appelez « la tolérance des modernes » ? Aux 17e et 18e siècles, les penseurs de la tolérance réagissaient à propos de l’intolérance de leur époque, les persécutions et les massacres. John Locke (1632-1704), profondément marqué par les guerres de Religion, écrit sa Lettre sur la tolérance au moment de la révoca-

Entretien Denis Lacorne

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C. Hélie/Gallimard

est diplômé de l’IEP-Paris et détenteur d’une maîtrise de relations internationales et d’un doctorat de science politique de l’université Yale (1976). En 1982, il est entré au Ceri en qualité de directeur de recherche. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont : La crise de l’identité américaine, Gallimard, 2003 ; De la religion en amérique. essai d’histoire politique, Gallimard, 2007 ; Les Frontières de la tolérance, Gallimard, 2016 Il vient de publier dans la revue Le Débat (n° 193, janvier-février 2017) : « Le grand retournement. Les élections présidentielles de 2016 et les divisions de l’Amérique. »

tion de l’édit de Nantes (1685). Ce philosophe anglais livre une véritable réflexion en proposant un dédoublement du sujet entre le citoyen et le croyant. Le citoyen s’intéresse au bien commun de la cité (l’enrichissement, le progrès…). Les convictions du croyant relèvent de la sphère privée. Voltaire (1694-1778) veut surtout montrer l’archaïsme de la société française par rapport à ses voisins européens (la Hollande, l’Angleterre et les provinces allemandes). Son Traité sur la tolérance (1763) porte surtout sur l’affaire Calas (protestant écartelé et exécuté au prétexte qu’il aurait voulu interdire la conversion de son fils au catholicisme) et celle du chevalier de La Barre (torturé, décapité et brûlé avec sur son dos le Dictionnaire philosophique de Voltaire), accusé de blasphème. Il obtiendra d’ailleurs la réhabilitation de Calas. Voltaire incarne surtout, dans ses nombreux écrits, un courant de protestation très vif (Louis XVI reviendra sur la révocation de l’édit de Nantes en 1787). Dans l’esprit des Lumières, la tolérance permet de favoriser la paix civile et le développement du commerce. Voltaire citait par exemple les bourses d’échange

(de Londres, d’Amsterdam ou de Bassora…) où se côtoyaient des représentants des religions les plus diverses : juifs, catholiques, protestants, mahométans, Chinois ou brahmanes pour commercer ensemble. Il citait aussi l’Amérique anglaise où triomphait selon lui la liberté de conscience, permettant au commerce de fleurir et à la population d’augmenter. Le droit à la liberté de religion se généralise véritablement à partir des révolutions américaine et française qui inscrivent dans leurs déclarations la liberté de conscience et celle d’exercer sa religion dans l’espace public.

Il existait cependant certaines formes de tolérance antérieurement. Les philosophes du 17e siècle vantaient la « tolérance des mahométans ». Et l’on apprend aussi dans votre livre, que ce sont les Vénitiens qui ont inventé les ghettos destinés au départ à protéger les non-catholiques… Entre le 14e et le 18e siècle, au moment où l’Occident chrétien est plongé dans les guerres de Religion ► Avril 2017 N° 291

ScienceS HumaineS 25

Entretien

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► (notamment la Saint-Barthélémy, 1572), il existe

une « tolérance impériale », ou administrative dans l’Empire ottoman, en raison de son extension sur des contrées de religions diverses (chrétiens, orthodoxes, catholiques, juifs.) L’islam reste la religion officielle mais accepte les autres traditions religieuses. Les communautés gardent leur liberté de culte, leurs églises, monastères ou synagogues et se cogèrent, moyennant un impôt versé à la Sublime Porte. Il existait certes des contraintes : dans l’Égypte des mamelouks, les juifs devaient porter un turban jaune ; en Syrie, seuls les musulmans se déplaçaient à cheval, les autres n’ayant droit qu’aux ânes et aux mulets. Mais ces contraintes faisaient l’objet de nombreux accommodements et exemptions. Dans la République de Venise règne une forme de tolérance mercantiliste. Les juifs, très cosmopolites, sont non seulement des grands commerçants, mais ils peuvent aussi exercer des métiers interdits par la religion catholique comme le prêt à gages. Les ordres religieux étant très influents à Venise et hostiles aux juifs, leur situation est sans cesse menacée. En 1516, les autorités vénitiennes décident de leur accorder un quartier spécial appelé le Ghetto Nuovo, mais qui est en fait une petite île très proche du cœur de la ville. Ils sont soumis à un couvre-feu (notamment pour éviter les rencontres amoureuses entre juifs et chrétiens) mais ils peuvent circuler à leur guise le jour, exercer leur métier (artisans, médecins…), et ils bénéficient du droit de rester dix ou quinze ans dans la cité. Le ghetto a donc une fonction protectrice, et la communauté (de 4 000 à 5 000 familles) va avoir jusqu’à neuf synagogues dans le ghetto. D’autres groupes moins importants comme les Allemands (soupçonnés de luthéranisme) ou les musulmans sont également installés dans des lieux surveillés.

Vous citez de nombreux cas de tolérance multiculturelle dans les sociétés contemporaines. Pouvez-vous en donner des exemples ? Aux États-Unis par exemple, l’un des cas les plus remarquables est celui des amish. Cette communauté de langue allemande, persécutée en Europe, débarque sur le nouveau continent au 18 e siècle. Les amish veulent garder « la vie simple des premiers chrétiens » et refusent la modernité : tous les travaux se font manuellement, sans machines ni tracteurs ni voitures… Ce mode de vie très traditionnel requiert une main-d’œuvre nombreuse, notamment celle des adolescents. Pour ces motifs et au nom de la liberté religieuse, des amish du Wisconsin réclamèrent dans les années 1970 une dérogation à une loi rendant la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. La Cour suprême la leur a accordée au nom du principe de survie de 26 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

la petite communauté, arguant qu’une scolarité au niveau du collège est suffisante pour savoir lire, écrire, compter et se comporter en bon citoyen. On peut d’ailleurs s’interroger sur ce jugement : la fécondité étant très grande chez les amish (ils sont aujourd’hui environ 250 000), on ne peut plus dire que leur survie soit en jeu… Dans le premier amendement de la Constitution américaine, une clause de séparation des Églises et de l’État interdit toute religion officielle et toute mesure favorisant une religion particulière. Une autre clause défend le libre exercice des religions. Tantôt l’une prime, tantôt l’autre comme pour les amish. On pourrait citer aussi l’exemple du turban des sikhs, notamment en Grande-Bretagne et au Canada où ils sont les plus nombreux. Ne pouvant se couper les cheveux, les sikhs sont obligés de garder un turban. Comment alors mettre un casque de moto ou de chantier ? En Angleterre, ils ont obtenu une dérogation dans les deux cas. Les juges anglais ont justifié cette exemption en soulignant que cette communauté était bien intégrée, citant notamment leur participation à la Première Guerre mondiale, où ils ne portaient pas de casque et ont eu de nombreuses victimes. Mais aussi par le fait qu’ils sont très nombreux dans l’industrie de la construction anglaise : leur interdire ce secteur remettrait en cause la survie de cette communauté au demeurant très patriote. Dans tous ces cas, les autorités délivrent leur jugement en donnant une importance toute particulière à l’intégration sociale de la communauté, au fait qu’ils soient de vrais patriotes.

Vous suggérez, notamment à propos du débat sur le voile, qu’en France, la tolérance multiculturelle est plus restreinte que chez nos voisins européens. Le principe français de laïcité induit-il une certaine forme d’intolérance ? Depuis quelques années, la France a pris selon moi une pente punitive qui fait que les territoires de la tolérance se rétrécissent. On interdit le port du hijab (voile) à l’école, la burqa dans l’espace public, le burkini sur les plages… Au sujet du burkini, la décision du Conseil d’État visant à refuser de l’interdire est à mon avis sage, puisqu’elle protège deux libertés fondamentales : la liberté individuelle (j’ai le droit de m’habiller comme je veux) et la liberté de circuler librement dans l’espace public. Le Conseil rappelle aussi qu’il n’y a pas eu de menace sur l’ordre public ni atteinte à la dignité de la personne puisque les femmes qui portent le burkini sont adultes et libres de leur choix. Quant au port du voile à l’école, il n’est pas interdit chez nos voisins européens (Allemagne, Royaume-Uni…). Le danger serait de faire de la laïcité une religion d’État.

Entretien

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En Angleterre, on tolère le voile à l’école pourvu qu’il soit de la couleur de l’uniforme de l’établissement.

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Le problème surgit à partir du moment où ce principe impose des mesures punitives pour un seul groupe religieux. La loi française fait preuve d’une certaine hypocrisie lorsqu’elle interdit « les signes ostentatoires » car finalement ce sont le hijab et la burqa qui sont visés et donc les musulmans. Certes, on interdit les grandes croix, mais combien de personnes en portent ? Les décrets d’application sur l’interdiction de la burqa comportent d’ailleurs une longue liste d’exemptions : les sportifs qui portent des casques et des masques, les peintres ou les médecins qui portent un masque sur le visage. À cela, s’ajoutent les pénitents du Sud de la France portant des cagoules, ou les voitures à verres fumés qui cachent le visage des célébrités et des hommes politiques… Tant qu’elle ne porte pas atteinte à l’ordre public, la liberté d’expression, aussi choquante soit-elle, doit être garantie. Je comprends mieux la démarche d’Angela Merkel lorsqu’elle propose d’interdire le port de la burqa dans certains lieux publics comme les administrations ou les aéroports, mais pas dans l’espace public en général, les rues, les plages, les parcs… Cette pente punitive prise par la France étonne d’ailleurs beaucoup de nos voisins.

Comment s’arrange-t-on ailleurs ? Certains pays appliquent ce que j’appelle des « accommodements raisonnables ». En Angleterre par exemple, on tolère le voile à l’école pourvu qu’il soit de la couleur de l’uniforme de l’établissement. En Suisse s’est posé pour les élèves le problème de la mixité dans les piscines. Des parents musulmans refusaient que leur fille, préadolescente, aille à la piscine avec des garçons. Pour les Suisses qui ont de fortes communautés d’immigrés, le rôle de l’école est de contribuer à l’intégration sociale. Nager fait partie des activités collectives obligatoires et la mixité est une manière de s’intégrer, donc on ne saurait dispenser les élèves d’une telle activité. Mais, selon une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme, les jeunes filles seront autorisées à porter un burkini lors des cours de natation.

Vous consacrez un long chapitre à propos du blasphème et de l’affaire des caricatures qui a abouti aux attentats de Charlie Hebdo. Ces

événements ont engendré une autocensure des médias occidentaux. Est-on dans une période de recul de la tolérance ? On constate malheureusement des effets de censure à la suite de ces événements. Ainsi, on a interdit une pièce de Voltaire à Genève car cela déplaisait à des membres de la communauté musulmane. Dans certains lycées français, on n’étudie plus Le Tartuffe de Molière, car cette pièce comporte une critique des religions qui déplaît à certains parents. De grands journaux comme le New York Times et le Washington Post aux États-Unis, ou le Times de Londres et d’autres n’ont pas souhaité reproduire la caricature de Charlie Hebdo à l’origine des attentats de janvier 2015. Des éditeurs ont publié des livres sur l’affaire des caricatures sans illustrations ! On assiste à des effets d’autocensure d’autant plus choquants qu’ils n’existent pas pour d’autres religions. Je pense par exemple à ces photos de l’artiste américain Andres Serrano, représentant un crucifix trempé dans un vase d’urine. Le Piss Christ a suscité des réactions virulentes violentes de la part de certains groupes catholiques sans aucune suite juridique. Face aux menaces terroristes, le danger serait de ne pas réagir, de céder par crainte à l’adversité et de se soumettre au diktat de religieux qui voudraient imposer leurs idées à ceux qui ne partagent pas leur religion. L’écrivain Salman Rushdie a continué d’écrire malgré la fatwa lancée contre lui et il est redevenu aujourd’hui un homme libre. Charlie Hebdo est toujours publié et a même maintenant une édition allemande. On peut donc être tolérant sans céder sur la liberté d’expression.

Faut-il tolérer les ennemis de la tolérance ? C’est une question paradoxale car si on ne les accepte pas, on se montre intolérant. Mais certaines formes d’intolérance sont tellement menaçantes pour la société qu’elles ne peuvent être acceptées. L’un des fils de mon livre est que le pluralisme religieux ouvre la voie au pluralisme politique et donc à la démocratie. Ainsi, la caricature de Mahomet n’est pas intolérable si elle s’inscrit dans un débat politique à propos du fanatisme. En revanche, si elle vise la communauté musulmane dans son ensemble, elle constitue en France un délit punissable par la loi. La ligne est ténue et l’on voit bien que l’idée de tolérance se complexifie dans le monde globalisé. Comme je le montre dans mon livre, il n’existe pas de modèle universel pour la tolérance : ses frontières sont fluctuantes selon les contextes, à chaque époque et dans chaque pays. ProPos recueillis Par Martine Fournier Avril 2017 N° 291

ScienceS HumaineS 27

DOSSIER

Les troubles de l’enfant Ce document est la propriété exclusive de STELLA AZEVEDO ([email protected]) - 15-04-2019

Dossier coorDonné par Héloïse lHérété

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nfant turbulent, angoissé, asocial, surdoué, timide, violent ; mauvaises notes ou sommeil perturbé : il existe mille raisons de s’en remet t re à un psy. Les familles en espèrent une aide, un diagnostic, quand elles n’en attendent pas secrètement un pronostic. L’école elle-même y envoie à tour de bras les élèves faibles ou récalcitrants, comme pour mieux se délester des (lourdes) attentes qui pèsent sur elle. Quels sont les comportements pathologiques et ceux qui ne le sont pas ? Ceux qui relèvent de la psychiatrie et de l’éducation ? Où commence la souffrance psychique chez l’enfant ? Quand et qui consulter ? Faut-il, dès le plus jeune âge, étiqueter et médicaliser les comportements atypiques ?

Ces questions se posent un jour ou l’autre à tout éducateur. Plus largement, elles concernent la société dans son ensemble, car elles interrogent notre rapport à la norme et à la différence, à l’âge de l’innocence et de la construction de soi. La psychopathologie propose des connaissances renouvelées grâce à l’apport des neurosciences. Elle suscite aussi son lot de controverses et de batailles d’interprétation. Ce dossier propose un état des lieux : les savoirs qui font consensus et ceux qui font débat, les nouvelles pistes thérapeutiques, les terrains à défricher, les théories à abandonner. Avec toujours comme préoccupation première cet humain en devenir qu’est l’enfant : un petit être attachant, agaçant, déroutant, qui déborde toujours des cadres où on voudrait l’enfermer. n

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LES TROUBLES DE L'ENFANT

L’enfant, l’école et le psy Huit fois sur dix, c’est sur injonction scolaire que les enfants en viennent à consulter un psy. Problème : les cabinets débordent et les prises en charge ne sont pas toujours effectuées dans des conditions correctes.

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i les parents franchissent le pas d’emmener leur enfant voir un psychologue, ça n’est pas de gaieté de cœur. Il peut leur arriver de solliciter une consultation de leur propre initiative (surtout dans les classes aisées, par exemple en cas de retard du langage), ou sur les conseils de la famille, d’amis, de leur médecin ou pédiatre, d’un orthophoniste… Mais, dans 80 % des cas, s’ils emmènent leur enfant chez un psy, c’est à l’invitation, parfois pressante, de l’école. Surtout en primaire. « C’est très, très net, observe Robert Voyazopoulos, directeur de l’Appea (Association francophone de psychologie et psychopathologie de l’enfant et l’adolescent) et enseignant à l’École de psychologues praticiens. Depuis qu’elle est obligatoire, l’école, en tant que lieu majeur de socialisation des enfants, fixe les critères de la normalité. »

12 heures de bilan : qui peut les assurer ? En règle générale, les motifs d’inquiétude relèvent de la suspicion d’un trouble d’apprentissage et/ou d’un trouble du comportement (anxiété, agitation, solitude…), influençant directement la vie à l’école. Le maître ou la maîtresse alerte le psychologue scolaire, qui, bien souvent, ne se trouve pas en mesure de réaliser l’examen approfondi, encore moins l’accompagnement thérapeutique, d’un enfant dont le cas ne présente pas d’urgence. « L’évaluation psychologique d’un enfant, c’est 12 heures de boulot, sinon c’est de la bricole, juge R. Voyazopoulos. Un QI calculé en 1 h 30 sur un coin de table, ce n’est pas une évaluation. C’est même scandaleux ! » Or la charge de travail des 30 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

JEAN-FRANÇOIS MARMION

psychologues scolaires explose d’autant plus qu’ils ont également pour mission d’assurer l’évaluation de plus de la moitié des dossiers d’enfants en situation de handicap, dont le nombre augmente, selon les départements, de 5 à 10 % chaque année, et dont la majorité présente des troubles mentaux, psychiques ou cognitifs. En conséquence, un autre psychologue doit reprendre le dossier. « C’est le grand paradoxe, résume R. Voyazopoulos : malgré le concept d'école inclusive, de société inclusive, dès que quelque chose ne va pas, on externalise la prise en charge. » On externalise où ? En centre médicopsycho-pédagogique (CMPP), le temps d’attente peut être de deux ans, quelle que soit la région. Le recours à un psychologue libéral garantit une prise en charge plus rapide… mais rien d’autre. « Il n’y a pas de cadre pour cette évaluation, seulement des suggestions, des recommandations (1), déplore R. Voyazopoulos. Les psychologues sont plus professionnalisés qu’autrefois, mais entre le charlatan du coin, celui dont la formation date d'il y a vingt-cinq ans ou le sphinx de type lacanien, il y a une trop grande diversité. » Difficile, dès lors, de s’assurer que l’enfant sera évalué dans les règles de l’art par un professionnel dûment formé pour cet exercice complexe, alors que sa prestation sera tarifée jusqu’à 400 euros, voire 600. Pour couronner le tout, il n’est pas rare que des parents désemparés se retrouvent ballottés entre plusieurs spécialistes aux avis plus ou moins concordants et aux accompagnements plus ou moins convaincants : « Je vois arriver des enfants qui ont consulté neuropsychologues, pédopsychiatres, qui

ont déjà été suivis pendant deux ans, soupire R. Voyazopoulos. C’est du nomadisme : les parents sont en quête de plusieurs regards. Chacun fait ce qu’il peut dans la situation à laquelle il est confronté. »

Le fourre-tout des suspicions Autre difficulté : parfois l’enfant, lui, ne comprend pas ce que peut bien lui vouloir un psy. Et il ne demande rien. « Les enfants n’ont pas de demande claire, faute de vocabulaire ou de prise de conscience, observe Claire Meljac, psychologue entre autres à l’unité de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Sainte-Anne et auteure, notamment, de Chemins du nombre (2017). Les motifs d’appel des parents sont extrêmement vagues, et pas toujours justifiés. J’ai vu par exemple beaucoup d’enfants suspectés d’un retard de développement général qui étaient très brillants, mais qui, pour des raisons complexes, n’arrivaient pas à s’adapter aux exigences de l'école. » Certaines suspicions se révèlent bien plus précises. Actuellement, les psychologues sont souvent priés de vérifier si un enfant ne souffre pas d’un « dys » (p. 52) ou d’hyperactivité (p. 40). Et surtout, on assiste à une explosion de surdoués. Enfin, de surdoués présumés… Parce que les salles de classe sont parsemées d’élèves aux résultats extraordinaires ? Au contraire ! « Voilà ce qui se passe, avertit C. Meljac. Un enfant va très mal. Les parents ne veulent pas l’admettre. L'école et le cas échéant des médecins interviennent, souvent sans mauvaises intentions mais parfois avec roublardise, en laissant entendre que l’enfant est surdoué, trop intelligent pour qu’on le comprenne, donc très agité. Dans ce cas, les parents l’emmènent consulter beaucoup plus

B. Boissonnet/BSIP

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volontiers. » Autant de diagnostics potentiels susceptibles en tout cas d’augmenter l’anxiété des parents… ou au contraire de l’apaiser, puisque des mots précis – et non culpabilisants – sont enfin formulés sur une situation préoccupante qui n’a que trop duré. Des mots précis, et relevant du registre médical.

La mainmise du médical « En France, juge R. Voyazopoulos, dès que quelque chose ne va pas à l’école, c’est du médicopsychologique  (2). Ce qui affranchit l’école de mieux penser l’accueil de la diversité des enfants. » C. Meljac dénonce elle aussi la tentation de trop souvent psychopathologiser et médicaliser, de voir des troubles neurodéveloppementaux partout sans prendre en compte la situation d’ensemble de l’enfant. Et déplore que les pédiatres, bien placés en théorie pour repérer les difficultés quotidiennes d’un enfant, recommandent fort peu la consultation d’un psychologue : « Ils surmédicalisent à ce point que lorsqu’ils ne parviennent pas à diagnostiquer précisément un trouble, ils rechignent à explorer la piste psychologique. » Si les pédopsychiatres, eux, demandent plus volontiers l’avis d'un psychologue, c’est généralement pour

u 80 % des consultations d’enfants, celles qui s’effectuent à la demande de l’école, semblent relever du parcours du combattant, ou de la loterie.

u des points très précis. « Mais si on se borne à ça, on loupe souvent complètement le coche ! s’exclame C. Meljac. Pour les troubles de l’attention, c’est typique, ils ont un impact général, pas sur un apprentissage précis. Ils peuvent concerner aussi bien des enfants agités que rêveurs, ou avec une mauvaise mémoire de travail. » Injonctions à consulter mais demandes parfois vagues ou fourre-tout, manque de moyens institutionnels, absence de garantie dans la pratique des psys, diagnostics relevant parfois de l’effet de mode… 80 % des consultations d’enfants, celles qui s’effectuent à la demande de l’école, semblent ainsi fréquemment relever du parcours du combattant, ou

de la loterie. Et les 20 % qui restent ? Celles qui visent, par exemple, l’accompagnement d’un jeune patient trop émotif, ou en deuil, harcelé, confronté à la séparation de ses parents ? Là encore, suivant les possibilités de consultation offertes à ses parents, l’enfant peut tomber sur un psy auprès duquel il va perdre son temps. Ou qui, tout au contraire, va lui sauver la vie. Laissons donc la conclusion à Robert Voyazopoulos : « Le public n’est pas assez protégé. C’est dramatique. Je suis toujours sidéré qu’on laisse un vide pareil… Surtout quand ça concerne des enfants ! » Raison de plus pour Sciences Humaines de contribuer, par ce dossier, à un état des lieux raisonné sur les différents troubles de l’enfant, leurs symptômes, leur fréquence exacte, leur prise en charge appropriée. Pour répondre aux questions légitimes des parents, et mettre en lumière les travaux des psychologues compétents. n (1) Voir la conférence de consensus réalisée de 2008 à 2011 par l’Appea sur l’examen psychologique et l’utilisation des mesures en psychologie de l’enfant sur appea.org. Les résultats en sont synthétisés dans l’ouvrage coordonné par Robert Voyazopoulos, Léonard Vannertzel et Louis-Adrien Eynard (coord.), L’Examen psychologique de l’enfant et l’utilisation des mesures, Dunod, 2011. (2) Voir Stanislas Morel, La Médicalisation de l’échec scolaire, La Dispute, 2014.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 31 N° 291

Quatre questions clés HÉLOÏSE JUNIER

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Quand consulter un psy ?

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·.-. Ili Katarzyna Bialasiewicz/Dreamstime

es raisons qui conduisent les parents à pousser la porte du cabinet d’un psy sont multiples, et varient au gré du développement de leur enfant. « Dans le cas du nourrisson, note Olivier Halimi, psychologue clinicien en CMP enfantsadolescents, il s’agit souvent de troubles fonctionnels liés au sommeil, à l’alimentation ou à la propreté et dont les causes organiques ont été écartées par un médecin. Ce n’est que dans un deuxième temps que la piste psychologique nécessite d’être explorée. » Dans le sens où des difficultés peuvent émerger dès le début de la vie et que le psy œuvre en équipe avec les parents, il n’y a pas d’âge minimum pour consulter. La suspicion d’un retard de développement ou l’émergence de signes autistiques méritent également une consultation. L’entrée à l’école impulse un florilège de nouveaux motifs de consultation dont l’intensité vient altérer le bien-être quotidien de l’enfant : difficultés accrues à se séparer des parents, troubles manifestes de l’attention et de la concentration, manifestations marquées d’anxiété ou d’agressivité, mais aussi, plus tard, les problématiques liées aux apprentissages dont la difficulté avérée à lire, à écrire, ou à compter. Des mésaventures douloureuses de harcèlement scolaire peuvent conduire chez le psy, en particulier quand l’entrée au collège approche. Et

à l’adolescence, des difficultés sourdes (conformisme, repli sur soi, tristesse) ou plus bruyantes (anorexie, boulimie, scarifications, toxicomanie) sont à l’origine de demandes de rendez-vous. « Finalement, estime O. Halimi, il est conseillé de rencontrer un spécialiste dès que nous sentons l’enfant en souffrance, dès que quelque chose devient difficile pour l’enfant lui-même ou pour son entourage. D’ailleurs, que les parents n’hésitent pas à s’appuyer sur les conseils et les observations des professionnels qui entourent l’enfant ! Rappelons que ces derniers passent un temps considérable avec l’enfant et qu’ils agissent en “personnes ressources” et dans l’intérêt de l’enfant. » n

Quelle place pour la famille ?

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elon l’époque et l’orientation du praticien, les parents ont plus ou moins été inclus dans la prise en charge de leur enfant. Aujourd’hui, la famille est mieux prise en compte. Elle occupe une place centrale dans le quotidien de l’enfant, comme le souligne le psychiatre Patrick Juignet : « L’enfant n’est pas autonome, il dépend d’un groupe social qui est constitué par la famille, les enseignants et parfois les travailleurs sociaux. Il faut tenter de nouer une relation neutre avec l’ensemble du groupe concerné (1). » Un point confirmé par Serge Kannas, également psychiatre : « Tout être humain, patient ou pas, n’est pas

32 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

seulement un sujet, mais également une personne en lien avec sa famille qui l’influence et qu’il influence en retour. Lorsque la maladie s’en mêle et qu’elle dure, elle exerce des effets sur le patient et son entourage, et réciproquement, dans une spirale infernale et douloureuse (2). » O. Halimi rappelle qu’il est difficile d’ériger des principes généraux, « tout dépend de l’enfant, de son histoire, de sa famille ». Pour de nombreuses problématiques, les parents se révèlent être des partenaires de soin incontournables, promus au rang de cothérapeutes en herbe. Dans le cas de l’anorexie infantile, par exemple, Solange Cook-Darzens,

psychologue et thérapeute familiale, rappelle que « l’immaturité motivationnelle et cognitive de l’enfant limite inévitablement les possibilités d’alliance thérapeutique (…). C’est donc avec les parents que l’alliance thérapeutique va devoir se construire, tout du moins initialement (3). » La thérapie familiale a réellement montré son efficacité pour ce type de troubles. « Nous ne pouvons pas soigner les enfants sans leurs parents. Comme je leur dis souvent, si on privilégie la thérapie familiale, ce n’est pas pour désigner un coupable mais pour réapprendre à faire manger leur enfant », complète la psychiatre Marie-France Le Heuzey (p. 40). n

À qui s’adresser ?

ombre de parents sont, à juste titre, désorientés face à la multitude de professionnels de la psychologie. O. Halimi nous propose un bref tour d’horizon pour les distinguer au mieux. Le psychologue, formé théoriquement et en stages au minimum cinq ans en psychologie et en psychopathologie à l’université, est en mesure d’effectuer des entretiens à visée thérapeutique, des psychothérapies, des remédiations pédagogiques ou cognitives ainsi que des tests de personnalité, de développement ou d’intelligence. Le psychiatre est un médecin spécialiste, c’est-à-dire qui a fait un « internat » dans ce secteur. Il pose un diagnostic médical et prescrit de s t r a itement s mé d ic a menteu x si nécessaire. Certains d’entre eux suivent des enfants en psychothérapie. Seuls les psychologues, les psychanalystes inscrits dans des sociétés de psychanalyse et les psychiatres peuvent prétendre au titre réglementé de ps ychot hérapeute. L es aut res professionnels voulant faire usage de ce titre doivent justifier d’une formation théorique et pratique. Enfin, rappelons que le psychopraticien n’est souvent ni un psychiatre, ni un psychologue et qu’il ne peut pas non plus faire usage du titre de psychothérapeute. « Le parent doit s’assurer de la qualité et de la consistance de la formation du professionnel »,

Can Stock

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souligne O. Halimi. Compte tenu de leurs spécificités, il est conseillé de consulter tel ou tel spécialiste selon la problématique rencontrée par l’enfant. Si celle-ci relève du champ de la pathologie ou des troubles du comportement et nécessite un traitement médicamenteux, une consultation chez un psychiatre ou un pédopsychiatre s’impose. S’il s’agit de dénouer une problématique d’ordre relationnelle, affective ou en lien avec es apprentissages, ce serait plutôt vers un psychologue qu’il faudrait se tourner. Une étude menée par la Dress (4) indique que les trois quarts des jeunes de moins de 20 ans nécessitant des soins en santé mentale sont reçus par des psychologues. 11 % des consultants de psychiatres ont moins de 20 ans, contre 14 % des consultants de psychanalystes. Ceci dit, « le psychologue et le psychiatre peuvent tout à fait avoir un rôle complémentaire auprès du jeune patient », indique O. Halimi. Par exemple, il est fréquent qu’un enfant souffrant de troubles de l’attention consulte un pédopsychiatre qui lui délivrera un traitement, et un psycholog ue qui lui proposera de mettre des mots sur ses difficultés dans le cadre d’une psychothérapie. « Avant toute chose, je conseillerais aux parents de consulter un praticien qui leur a été recommandé par leur entourage relationnel ou par leur médecin. Sinon, il est toujours possible de demander l’aide du médecin ou du psychologue scolaire qui pourra orienter la famille. Il est trop hasardeux de s’en remettre à un parfait inconnu pour évaluer les possibles difficultés d’un enfant, l’aider ou l’orienter », insiste O. Halimi. n

11 % des consultants de psychiatres ont moins de 20 ans, contre 14 % des consultants de psychanalystes.

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Combien ça coûte ?

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ans le secteur privé, le prix d’une séance tourne aux alentours des 60 euros, avec de grandes variabilités selon le profil, la région, la notoriété et l’expérience du praticien. S’il s’agit d’un pédopsychiatre, l’assurance-maladie rembourse une partie de la consultation (sur la base de 30,59 € si le praticien est en secteur 1 et 25,90 € s’il est en secteur 2). Dans le cas des centres de santé, tel qu’un CMP (centre médico-psychologique) ou CMPP (centre médico-psycho pédagogique), les consultations ne sont pas payantes car les professionnels – psychologues et psychiatres – sont rémunérés par les établissements, associations ou hôpitaux, dont ils dépendent. Quoi qu’il en soit, O. Halimi nous rappelle que « consulter un spécialiste pour un enfant coûte toujours quelque chose aux parents, ce peut être de l’argent, du temps, mais aussi, évidement, de l’inquiétude ». n

(1) Patrick Juignet, « Diagnostic en psychopathologie de l’enfant », Psychisme, 2014. (2) Serge Kannas, « La place de la famille en psychiatrie », consultable sur le site de l’hôpital Esquirol : www.hopital-esquirol.fr/xon/ references/2795.pdf (3) Solange Cook-Darensz, Approches familiales des troubles du comportement alimentaire de l’enfant et de l’adolescent, Érès, 2014. (4) Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), « Les recours aux soins spécialisés en santé mentale », Études et résultats, n° 533, novembre 2006. http://drees. social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er533.pdf

Avril 2017 ScienceS HumaineS 33 N° 291

R E N C O N T R E AV E C D A N I E L M A R C E L L I

La violence, ça se soigne ? La violence infantile fait l’objet d’une médicalisation croissante. Mais elle doit aussi faire l’objet d’une approche psychoéducative car elle s’enracine la plupart du temps dans le contexte familial et environnemental. de là que je m’y mette ! », doit-il se dire. Le jeune enfant aime explorer, démonter, détruire, casser. Il prend Quand il s’agit de parler de violence les objets des autres, met le doigt chez l’enfant, j’aime évoquer cette dans leurs yeux, leurs oreilles, sans maxime de Bertolt Brecht, dramase soucier de ce que peuvent ressentir turge allemand du 20e siècle : « On dit ses interlocuteurs. Il ne s’agit pas de d’un fleuve dont le courant emporte violence à proprement parler mais tout sur son passage qu’il est violent plutôt d’exploration. mais on ne dit jamais rien de la vioDe même, le très jeune enfant tralence des berges qui l’enserrent ! » Les verse le stade oral au cours duquel berges symbolisent pour moi l’enil va tout mettre à la bouche : les semble du contexte éducatif et sociojouets, les mains, le v isage des culturel dans lequel a évolué l’enfant. autres. C’est un moment clé dans sa Dans une bonne moitié des cas, je connaissance du monde. Si l’adulte dirais qu’un enfant est violent à la manifeste son mécontentement de hauteur des violences qu’il a subies manière ferme, tranquille et cohéou auxquelles il a été exposé. J’identirente, du style « non, on ne mord pas fie deux grandes sources : soit l’enfant les autres », l’enfant de 8, 10, 12 mois a été lui-même victime de violence, Daniel Marcelli fi nira par comprendre que mordre soit il a été exposé à des violences, par Psychiatre d’enfant et d’adolescent, est interdit. Si, à l’inverse, l’adulte se exemple, son père frappait sa mère ou professeur émérite de psychiatrie de l’enfant met à rire de ce comportement, l’enbien ses parents frappaient un frère et de l’adolescent et président de la Fédération nationale des écoles fant risque de ne pas saisir l’interdit ou une sœur. Assister à une scène de des parents et des éducateurs. et de poursuivre. Pour autant, il est violence est violent en soi. De même, déconseillé de mordre un enfant qui si dès qu’un enfant fait une bêtise son parent lève la main sur lui, l’enfant risque lui-même de lever la mord, sur la base de la loi du talion, car l’enfant apprendra à main sur l’autre, dès qu’il sera confronté à une situation qui lui répondre à un comportement violent par la violence. déplaît. L’enfant va naturellement reproduire les actes de son parent, son modèle social. Certains enfants se montrent particulièrement colériques, Emmanuel Bovet/Opale

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Où situez-vous les origines de la violence chez l’enfant ?

Vous considérez, à l’inverse, qu’un environnement trop permissif engendrerait également de la violence chez l’enfant…

intolérants aux frustrations, agressifs, au point de se montrer dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. On parle aujourd’hui de « trouble oppositionnel avec provocation ». Est-il d’origine éducative ou psychologique ?

En effet, je pense aussi qu’un enfant peut devenir violent s’il n’a reçu aucune limite dans sa toute-puissance. Au stade de l’explosion motrice, à l’âge de la marche, l’enfant est plongé dans une dimension de conquête de son environnement. Il considère que tout est à lui, que tout lui est dû, il manifeste une certaine forme de violence, de narcissisme : « Pousse-toi

Le trouble oppositionnel avec provocation émerge lorsque l’enfant se met à marcher et commence à s’opposer, dans la toute petite enfance. Dès lors qu’il est en capacité de se déplacer, ce n’est plus l’objet qui va vers l’enfant mais l’enfant qui va vers l’objet. Les parents commencent alors à lui dire « non » tandis que l’enfant est confronté à des limites. Si l’adulte fait en sorte

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que l’objet ne soit plus à la hauteur de l’enfant (s’il le place dans le placard, par exemple), l’enfant se verra exposé à de moins en moins de limites et demeurera dans la toute-puissance. Or, lorsqu’il grandira, les limites qu’il rencontrera risquent alors de lui être intolérables. L’enfant les vivra comme une forme d’amputation. Ce dernier entrera dans une forte opposition, une crise de rage. Selon moi, c’est parce que cette limite ne lui a pas été donnée en amont ou qu’elle lui a été donnée de manière ambiguë.

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Les comportements violents sont-ils de plus en plus observés chez l’enfant ? Oui et non. Les manifestations de violence sont observées depuis longtemps chez l’enfant, bien qu’elles ne soient pas aussi répandues qu’aujourd’hui. S’agit-il d’une épidémie ? Le cerveau des enfants se serait-il transformé à ce point en deux générations ? Je ne pense pas. Je pense plutôt que la violence chez l’enfant a toujours existé, mais est moins bien tolérée aujourd’hui. Notre société se veut plus normative et encourage le contrôle de soi. Ainsi, ce qui était perçu comme normal jadis peut être perçu comme violent de nos jours. Prenons l’exemple, dans une cour d’école, d’un enfant qui jette un caillou à un autre enfant. Aujourd’hui, nous aurions tendance à qualifier ce comportement de violent alors qu’auparavant, peut-être cet acte aurait été qualifié de banal ! À l’inverse, je trouve que nous sommes plus tolérants qu’avant avec les jeunes enfants de moins de 3 ans.

La violence des films, jeux vidéo et autres médias a-t-elle aussi, selon vous, sa part de responsabilité ? Bien sûr, la violence des médias impulse et alimente la violence des enfants, tant sur le plan quantitatif – si on considère le nombre d’heures passées devant des films violents – que qualitatif, lorsque l’enfant est laissé seul devant un écran, sans l’accompagnement de l’adulte. Dans ce cas de figure, l’enfant risque de développer une forme de saturation, de confusion entre le monde réel et virtuel. En même temps, rappelons que les scènes de violence et de destruction existent dans la littérature depuis la nuit des temps ! Vivre ces actes via l’art, le cinéma ou la littérature permet au spectateur de satisfaire ses pulsions destructrices et d’éviter d’être soi-même destructeur.

Quelle réponse apporter ? Une prescription médicamenteuse, un accompagnement psychoéducatif ou plutôt une démarche punitive ?

humains devraient consulter leur médecin ! Imaginez ensuite l’envergure du trou de la Sécurité sociale ! Plus sérieusement, un être humain qui est destructeur, pour lui-même ou pour autrui, rend compte d’un symptôme d’inadaptation sociale. La réponse doit être en priorité relationnelle, éducative, éventuellement judiciaire. La réponse médicamenteuse doit être exceptionnelle et jamais de façon isolée. La prise en charge psychoéducative de l’enfant se révèle la plus pertinente, plus que les punitions négatives et coercitives, qui tendent à renforcer les manifestations de la violence. Les professionnels doivent accompagner les parents dans leurs réflexions et l’éducation de leur enfant. C’est ce qui est d’ailleurs proposé aux cafés des parents, aux Reaap (réseau d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents), aux groupes de paroles, etc. n ProPos recueillis Par Héloïse Junier

L’empathie, antidote de la violence ? De nombreux chercheurs en neurosciences affectives et sociales se sont penchés sur cette problématique de la violence de l’enfant. allan Schore (médecin et chercheur au département de psychiatrie et de sciences biocomportementales de l’École de médecine de los angeles) et son équipe ont montré que plus l’enfant était élevé dans un contexte éducatif chaleureux, soutenant et empathique, plus la partie de son cerveau qui lui permet d’avoir de l’empathie et de réguler ses émotions maturait. À l’inverse, plus son entourage punissait l’enfant et l’humiliait, moins cette zone maturait (1). Une conclusion partagée par nancy eisenberg (chercheure et professeure au département de psychologie développementale de l’université d’arizona) qui a consacré sa carrière à la question et aux bienfaits de l’empathie pour le développement affectif de l’enfant. elle a observé qu’un enfant élevé avec empathie et compréhension devenait à son tour empathique. À l’inverse, plus le contexte éducatif était agressif et violent, plus l’enfant risquait de devenir lui-même agressif et violent (2). n H.J. (1) allan Schore (dir.), Evolution, Early Experience and Human Development. From research to practice and policy, oxford University Press, 2012. (2) Nancy eisenberg, Natalie eggum et Laura Di Giunta, « empathy-related responding. associations with prosocial behavior, aggression, and intergroup relations », Social Issues and Policy Review, vol. iv, n° 1, décembre 2010.

Si nous devions médicaliser cette violence, 120 % des êtres Avril 2017 ScienceS HumaineS 35 N° 291

POINTS DE Les principaux troubles Il existe différentes familles de troubles mentaux, catégorisées par des classifications internationales. Diagnostiquer un enfant est un exercice délicat, qui passe par des bilan spécifiques. Les référents peuvent varier en fonction des praticiens et de leur spécialités (psychologues, psychiatres, orthophonistes). Pour certains troubles à spectre large, comme l’hyperactivité ou les dys, il peut être utile de faire appel à une équipe pluridisciplinaire. Héloïse Junier et Marc olano

Les troubles anxieux es peurs diverses et variées (peur du noir, des chiens, des inconnus…) sont relativement fréquentes chez l’enfant et ne devraient pas inquiéter outre mesure les parents, tant qu’il s’agit de peurs isolées et passagères. On parle de troubles anxieux lorsque ces peurs ont des répercussions durables et quotidiennes sur la vie de l’enfant. Les troubles anxieux toucheraient environ 5 % des enfants. Le trouble d’anxiété généralisé (Tag) concerne des enfants qui s’inquiètent de façon excessive pour des situations quotidiennes, comme être à l’heure à l’école, réussir un exercice, ne pas oublier ses affaires… Ces peurs disproportionnées s’accompagnent souvent de problèmes de sommeil, de difficultés de mémorisation, de maux de ventre, de nausées, etc. Elles peuvent dans certains cas évoluer vers un trouble obsessionnel compulsif (Toc), dans lequel l’enfant va lutter contre cette angoisse en mettant en place des rituels compulsifs, comme le lavage répétitif des mains, des classements incessants de son matériel scolaire ou encore des comptages irrépressibles. Parmi les troubles anxieux il y a également les phobies, comme la phobie sociale ou la phobie scolaire, qui apparaissent plutôt à l’adolescence. Les thérapies cognitives et comportementales sont souvent efficaces dans les troubles anxieux, surtout pour ce qui concerne les phobies et les Toc. n 36 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

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Les troubles dépressifs

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eaucoup pensent que la dépression ne concerne que les adultes. C’est faux. Il y aurait entre 0,5 et 3 % de dépressions chez les enfants et entre 3 et 14 % chez les adolescents, selon les estimations. Ces grands écarts viennent du fait que la dépression est souvent difficile à détecter chez les enfants. Elle ne se manifeste pas forcément par une tristesse visible au grand jour, mais plus souvent par des comportements d’évitement : refus d’aller à l’école, retrait social, sentiment d’ennui, perte d’appétit, troubles du sommeil… Il y a souvent chez ces enfants, d’un côté, un sentiment d’abattement, une perte d’estime de soi et, de l’autre, des réactions de révolte et de colère qui peuvent se traduire par de l’agressivité, des vols, mensonges répétés ou encore de l’hyperactivité. Pour traiter la dépression, la HAS (Haute Autorité de santé) préconise en première intention une psychothérapie de soutien. Si les symptômes persistent ou s’aggravent, celle-ci peut être accompagnée dans certains cas d’un traitement par antidépresseurs. n

E REPèRE chez l’enfant Les « dys »

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e trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est souvent évoqué pour les enfants qui n’arrivent pas à tenir en place et qui ont de grosses difficultés de concentration. Mais son diagnostic est controversé. Certains y voient plutôt un symptôme de la dépression. Le TDA/H concernerait entre 3 et 5 % des enfants, dont trois fois plus de garçons que de filles. Dans ce trouble, il y a deux volets. l Le volet « inattention » : ces enfants ont du mal à soutenir l’attention de façon continue, à s’organiser, oublient fréquemment des choses, sont facilement distraits et ont tendance à éviter les tâches qui demandent un trop gros effort mental. l Le volet « hyperactivité » : ces enfants peuvent également être très impulsifs. On parle alors d’un trouble du déficit d’attention avec hyperactivité (TDA/H). Touche-àtout, ils ont tendance à se tortiller sans cesse, à grimper partout, à parler sans arrêt… En général dotés d’une bonne intelligence, ils se retrouvent néanmoins souvent en échec scolaire en raison de leurs difficultés de concentration. Dans certains cas, le traitement par méthylphénidate, plus connu sous les noms commerciaux de Ritaline ou Concerta, peut réduire l’instabilité de l’enfant et améliorer ses capacités d’apprentissages. Mais l’utilisation de ce psychostimulant proche des amphétamines est sujette à caution, car ses effets à long terme restent méconnus (p. 40). n

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lus connus sous l’appellation « dys », ces troubles des apprentissages semblent en grande partie d’origine neurologique. Ils sont de plus en plus souvent diagnostiqués chez les enfants. Ils seraient entre 6 et 8 % à souffrir au moins d’une « dys », voire de plusieurs. Les plus évoquées sont la dyslexie (difficultés de lecture) qui va souvent de pair avec la dysphasie (difficulté à construire des phrases à l’oral). D’autres « dys » sont la dysgraphie (difficulté à écrire de façon lisible), la dyspraxie (difficulté à coordonner des gestes précis, comme tracer un trait ou découper) ou encore la dyscalculie (difficulté à associer un chiffre et la quantité qui lui correspond). Ces troubles sont pris en charge par des rééducateurs : orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes ou orthoptistes (rééducation visuelle) selon les cas. n

LA CybErADDICTIOn, maladie mentale ? La cyberaddiction est-elle un trouble à part entière ? La question divise. Certains pensent que c’est une réelle addiction, pour d’autres il s’agirait plutôt d’un symptôme de la dépression, de la phobie sociale ou du trouble de l’attention (TDA/H). Les cyberaddicts ont un besoin excessif et irrépressible d’utiliser Internet. Certains affectionnent les jeux vidéo, d’autres les réseaux sociaux, d’autres encore les contenus pornographiques. La cyberaddiction apparaît surtout à l’adolescence, rarement avant. Elle touche plus particulièrement les garçons, qui sont notamment de gros consommateurs de jeux en ligne. Ces jeux présentent des possibilités d’extensions sans fin et peuvent donc s’étirer sur un laps de temps extrêmement long. L’enfant interagit avec d’autres joueurs qui se connectent en même temps que lui. Comme dans l’addiction à un produit, le cyberaddict va se couper progressivement de ses autres centres d’intérêt. On parle de cyberaddiction lorsque ce passe-temps envahit tout le quotidien de l’enfant avec pour risque un décrochage scolaire, l’isolement social et l’abandon de ses autres loisirs. n

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Les troubles de l’attention

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POINTS DE Les troubles des conduites

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es troubles des conduites (ou troubles du comportement) apparaissent le plus souvent aux alentours de l’adolescence. Ce sont des comportements volontaires de transgressions des règles sociales établies : agressions envers des personnes ou des animaux, destructions de biens matériels, vols, fugues, non-respect des interdits parentaux. 3 à 9 % des adolescents, dont une majorité de garçons, seraient concernés par ce type de trouble. Ces enfants se caractérisent souvent par une faible tolérance à la frustration, un manque d’empathie pour les autres et une absence de culpabilité quant à leurs actes. Un univers familial défaillant ou empreint de violence peut favoriser l’apparition de ce trouble. Une forme atténuée est le trouble oppositionnel avec provocation (Top) qui apparaît plus jeune. Ce sont des enfants en opposition systématique avec l’adulte, susceptibles, vindicatifs et rancuniers. Mais contrairement au trouble des conduites, il n’y a pas forcément de passage à l’acte. Les enfants avec ce type de troubles sont parfois orientés vers les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (itep) où ils peuvent bénéficier d’une prise en charge pluridisciplinaire. n

Les troubles de l’attachement

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e trouble repose sur la théorie de l’attachement de John Bowlby, qui, même si elle bénéficie d’un large consensus, ne fait pas l’unanimité au sein des chercheurs. Dans l’esprit de J. Bowlby, un attachement insécure dans l’enfance lié à l’absence des parents, des négligences ou maltraitances, peut avoir une incidence durable sur ses relations futures. Dans le trouble de l’attachement, l’enfant a du mal à établir des relations de confiance avec les adultes. Le DSM 5 (1) en distingue deux formes : une forme « inhibée » dans laquelle l’enfant se montre plutôt en retrait, triste et inconsolable lorsqu’il est en situation de détresse et une forme « désinhibée » où l’enfant témoigne au contraire d’une familiarité excessive avec des personnes qu’il ne connaît pas. n (1) Cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publiée par l’american Psychiatric association (aPa).

LA psyCHOsE InfAnTILE existe-t-elle ? La psychanalyse distingue traditionnellement trois types de structures psychiques : les psychoses, les névroses et les états limites (entre les deux). Ce type de terminologie a tendance à disparaître dans les nomenclatures actuelles. dans la pensée analytique, la psychose se caractérise par de graves troubles relationnels et une perte de contact avec la réalité, ce qui peut se traduire par des comportements « étranges », des hallucinations, un raisonnement altéré et plus globalement une difficulté à communiquer. des exemples classiques de psychose sont la schizophrénie et la psychose maniaco-dépressive (troubles bipolaires). Ces troubles sont très rares

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chez les enfants. ils débutent en général plutôt vers la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte. auparavant, la psychiatrie considérait l’autisme comme une « psychose précoce », mettant ainsi l’accent sur un mode d’organisation

psychique chez ces enfants dans lequel l’autre peine à exister. mais aujourd’hui, on utilise de moins en moins le terme de psychose infantile, car trop connoté négativement. Rappelons que les premières théories psychanalytiques impliquaient fortement l’entourage familial et notamment la mère dans la survenue de ce trouble. la dernière version de la CFTMEA (1), manuel psychiatrique français d’obédience psychanalytique, ne parle d’ailleurs plus de « psychoses précoces » pour désigner l’autisme, mais adopte le plus consensuel « troubles envahissants du développement ». n (1) Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent.

DE REPèRE L E R E g a R D D E C L a I R E M E L jac

La déficience intellectuelle

« Peu de diagnostics font l’unanimité ! »

n parle de déficience intellectuelle en dessous d’un quotient intellectuel de 70. Elle est dite légère entre 50 et 70, moyenne entre 35 et 50, sévère entre 20 et 34 et profonde en dessous. La déficience légère concernerait entre 1 et 2 % des enfants, les autres types sont beaucoup moins fréquents. La déficience intellectuelle est un handicap pérenne. On estime que le niveau de QI reste stable tout au long de la vie. Avec une déficience légère, on peut encore accéder aux apprentissages élémentaires, exercer un travail et vivre de façon autonome. En dessous, la personne aura besoin d’une aide ponctuelle, voire permanente, dans la gestion de sa vie. La déficience peut être d’origine génétique (par exemple la trisomie 21 ou le syndrome de l’X fragile). Elle peut aussi être liée à un problème survenu durant la grossesse (une forte consommation d’alcool ou une infection par exemple), au moment de l’accouchement (manque d’oxygène, prématurité) ou bien après la naissance (traumatisme crânien, noyade, asphyxie…). n

DR

Les voies qui mènent au (bon) diagnostic sont multiples et parfois nébuleuses. Attention à certains diagnostics posés à la va-vite, qui « étiquettent » l’enfant pour longtemps.

Claire Meljac est docteure en psychologie, fondatrice de l’association parisienne Développement et études de l’examen psychologique (DEEp), à l’espace Clisson.

«I

l est plus pertinent d’évaluer la situation générale et évolutive de l’enfant plutôt que de lui poser une étiquette sur le dos. D’autant que les difficultés psychologiques sont bien moins connues et donc plus complexes que celles du champ somatique. Le diagnostic, dans certains cas complexes, dont les manifestations sont mal identifiées, n’est bien souvent qu’un mot, une forme de condamnation qui entrave la liberté de l’enfant. Je pense que le diagnostic n’est utile que s’il repose sur des informations concordantes, sur un cadre pathologique bien connu, avec des repères précis, bien évalués et solides. Or, peu de diagnostics en psychopathologie font l’unanimité, et/ou sont le fruit d’une réelle démarche scientifique. C’est ainsi que l’on voit des enfants passer de spécialistes en spécialistes et d’étiquettes en étiquettes. Prenons l’exemple d’un adolescent qui aurait la lèpre. Vous demandez l’avis à dix médecins, les dix vous confirmeront qu’il s’agit de la lèpre. Dans le champ de la psychopathologie, c’est une autre histoire ! L’autisme étant une pathologie très invalidante, relativement connue et repérée, en parler a peut-être un sens. À l’inverse, affirmer qu’un enfant est définitivement dyspraxique, par exemple, n’en a pas beaucoup, d’autant qu’il ne s’agit pas d’une maladie strictement délimitée. Des facteurs extrêmement complexes s’entremêlent dans ce trouble. Beaucoup de personnalités ont connu de tels troubles… Pendant un certain temps, Jean Piaget, un grand chercheur, semble avoir rencontré de telles difficultés qui n’ont empêché en rien l’éclosion de son génie ! » n ProPos recueillis Par Héloïse Junier

Les troubles autistiques

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es « troubles du spectre autistique » (TSA), regroupent un ensemble de troubles du développement qui ont en commun deux facteurs : des troubles de la communication et des interactions sociales (difficulté à échanger avec l’autre et à se mettre à sa place) et des champs d’intérêts spécifiques et restreints (stéréotypies, rituels…). 1 % des enfants seraient concernés par un TSA, dont 4 fois plus de garçons que de filles. Le spectre autistique englobe des enfants avec une déficience intellectuelle parfois sévère, sans langage et une autonomie très limitée tout comme des enfants dotés d’une bonne intelligence avec un bon niveau de langage et des pics de compétences dans certains domaines (les Asperger). lire Page...... n Avril 2017 ScienceS HumaineS 39 N° 291

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Hyperactivité : attention, souffrance ! Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) pénalise la vie et la scolarité d’environ 4 % des enfants. La reconnaissance de ce trouble progresse et de nouvelles thérapies se développent.

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armi les troubles psychologiques, peu suscitent autant de passions que l’hyperactivité, en particulier en France. S’agit-il d’une « fausse maladie mentale » ? Ou d’un trouble neurodéveloppemental caractérisé, nécessitant une prise en charge thérapeutique ? La Haute Autorité de santé a aujourd’hui tranché ce débat en publiant, en 2014, une recommandation de bonne pratique actant la reconnaissance du trouble de déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Elle décrit la conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant

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mARIE‑fRANCE LE hEUZEY Psychiatre dans le service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital robert-Debré, elle vient de publier L’Enfant hyperactif, Odile Jacob, 2017.

ou un adolescent susceptible d’avoir un TDA/H. Depuis 2013, la 5e édition du DSM (Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux) propose les mêmes

Chez l’enfant d’âge scolaire, la prévalence du TDA/H est estimée à 3-5 %, avec une prédominance masculine.

critères diagnostiques pour définir le trouble à tous les âges de la vie, enfance, adolescence, âge adulte.

Trois catégories de symptômes L’enfant souffrant de TDA/H, souvent appelé hyperactif, est en fait un enfant présentant trois catégories de symptômes. l Des troubles attentionnels : l’enfant paraît dans la lune, ou dans sa bulle. Les parents se plaignent de devoir lui répéter dix fois la même consigne ; les enseignants soulignent son manque de concentration, ses fautes d’étourderie,

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ses oublis de matériel. Il a des difficultés pour organiser ses tâches et planifier ses activités. l Une impulsivité : l’enfant répond vite, trop vite aux sollicitations, sans attendre la fin des instructions. Il va au plus vite. On lui reproche de « bâcler ». Il paraît mal élevé car il ne supporte pas d’attendre son tour, il interrompt les adultes ; en classe il prend la parole avant même qu’on l’interroge. l Une hyperactivité motrice : « il bouge tout le temps », « il paraît monté sur un ressort », il parle trop, il tripote toujours quelque chose, il fait tomber son matériel, etc. La forme mixte, avec les tous ces symptômes, est la plus fréquente chez l’enfant, mais on connaît aussi des formes à hyperactivité/impulsivité prédominante, et surtout des formes à inattention prédominante. Dans ce cas, nous avons affaire à des enfants hyperactifs qui « ne bougent pas », mais se caractérisent par leurs difficultés à rester concentrés. L’enfant TDA/H souffre souvent d’une labilité émotionnelle et de fluctuations du rendement, qui font souvent dire de lui qu’il peut bien faire lorsqu’il le veut bien. Or, sa volonté ne suffit pas : c’est un enfant en souffrance car il a du mal à inhiber son impulsivité et il se fait beaucoup réprimander. La reconnaissance d’un TDA/H chez un enfant repose donc sur un diagnostic médical, avec l’évaluation des symptômes, leur expression dans plusieurs environnements (famille, école, activités extrascolaires), leur retentissement sur la vie quotidienne. Ce diagnostic, souvent étayé par des tests neuropsychologiques spécifiques, reste difficile à poser chez les enfants de moins de 6 ans. À l’école maternelle, en effet, l’agitation, l’impulsivité et le manque d’attention d’un enfant peuvent être transitoires ou correspondre seulement à un tempérament difficile. Le TDA/H est également difficile à repérer chez les adolescents. L’hyperactivité motrice a en effet tendance à s’atténuer, ses manifestations changent : l’adolescent TDA/H a notamment tendance à développer une grande

MODéRER les écrans Les enfants TDA/H sont très friands de jeux vidéo où ils obtiennent les satisfactions dont ils sont privés à l’école. Il ne faut pas nécessairement s’en inquiéter. Des chercheurs ont montré l’effet positif de certains jeux sur les capacités attentionnelles visuospatiales et sur l’apprentissage de nouvelles stratégies. la persévérance est aussi encouragée, grâce à l’immédiateté des récompenses en cas de réussite. Toutefois, la consommation de jeux vidéo doit être contrôlée, en quantité (pour qu’elle n’empiète pas sur le sommeil et les autres activités), et en qualité (ne pas autoriser les jeux destinés aux adultes). la télévision en zappant est en revanche déconseillée car le zapping contribue à fragmenter l’attention. n m.‑f.h.

vulnérabilité aux conduites à risque. Il est, plus qu’un autre, sujet au tabagisme précoce, à la consommation d’alcool et/ou de substances, et aux conduites d’infraction des règles sociales.

Quelle prise en charge ? Dans tous les cas, la prise en charge doit être double : psychoéducative et scolaire. La psychoéducation passe par l’information et la formation des parents pour augmenter leurs compétences parentales. Elle peut se faire sous forme de consultations ou de programmes spécifiques, tels que les groupes de Barkley où, sur une dizaine de séances de deux heures, les parents apprennent des techniques concrètes pour la gestion de la vie quotidienne, les devoirs, les sorties. Côté école, les enseignants sont invités à tenir compte des troubles attentionnels de l’enfant, et donc de le placer proche du tableau et de l’enseignant, de raccourcir les exercices, de donner du temps supplémentaire, de faire des programmes de renforcements positifs, etc.

On peut adjoindre à ces pratiques des thérapeutiques spécifiques, médicamenteuses ou non. En France, le méthylphénidate est à ce jour le seul médicament indiqué dans le TDA/H (à partir de 6 ans). C’est un psychostimulant dont l’efficacité sur les symptômes de déficit attentionnel, d’hyperactivité et d’impulsivité a été mise en évidence depuis plus de soixante ans chez les enfants de 7 à 12 ans. En pharmacie, il porte des noms de spécialités variées ; les différences tiennent essentiellement dans les durées d’action, et donc dans la nécessité ou non de prendre plusieurs prises par jour. Il peut être prescrit chez l’adolescent en prenant garde qu’il n’y ait pas de « mésusage ». Il est en effet connu pour ses effets « dopants » et peut être absorbé abusivement par des jeunes en quête de sensations fortes. Du côté des thérapies non médicamenteuses, la rééducation (orthophonie, psychomotricité…) aide à rééduquer les troubles des apprentissages mais aussi les capacités attentionnelles. Des praticiens, souvent neuropsychologues, proposent aussi des techniques dites de « remédiation cognitive » : entraînement de la mémoire de travail, apprentissage de nouvelles stratégies cognitives, etc. Ces techniques utilisent généralement des supports informatisés. Certaines équipes proposent aussi des remédiations cognitives par le biais de jeux vidéo ou de classes virtuelles. Le neurofeed-back est une technique de réentraînement cognitif où l’enfant apprend à moduler son activité cérébrale en observant les modifications de celle-ci sur une tablette, lors de séances à domicile, avec un monitoring médical à distance. Une recherche européenne est en cours actuellement pour évaluer l’un de ces dispositifs. En tout état de cause, il est aujourd’hui admis que l’enfant TDA/H est un enfant dont il faut prendre en compte la souffrance tant dans le milieu scolaire que familial. Ce n’est ni un enfant mal élevé ni un simple « trublion ». La mise au point de thérapeutiques non médicamenteuses est le principal objectif actuel. n Avril 2017 ScienceS HumaineS 41 N° 291

Quand la timidité devient pathologique La timidité est souvent perçue comme un simple trait de personnalité. Mais lorsqu’elle pénalise, entraîne bouffées d’anxiété et évitement des autres, une prise en charge est utile : des exercices de thérapie peuvent apporter un vrai mieux-être.

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a timidité repose sur la peur du jugement par les autres. La personne timide a peur de « paraître idiot(e) » ; peur d’être honteuse, de trembler, bafouiller, transpirer, rougir, de ne pas savoir quoi faire de ses mains ou de son corps, et que cela se voit. On dira d’un enfant – tout comme d’un adulte – qu’il est timide quand cette peur reste minime, quand il rougit ou se sent un peu mal à l’aise avec les autres, mais arrive néanmoins à faire les choses du quotidien. Il dira « oui, je suis timide, mais je me débrouille ». On parlera plutôt d’anxiété sociale s’il a besoin de plusieurs jours pour anticiper des situations sociales spécifiques, mais arrive à faire les choses en dépit de quelques difficultés. Et on parlera enfin de phobie sociale quand la personne ressent une anxiété permanente et intense pour la majorité des situations sociales, et évite massivement tout ce qui pourrait entraîner de la honte, réduisant ainsi de façon importante sa qualité de vie. On voit donc qu’entre timidité, anxiété sociale et phobie sociale, il existe un continuum allant de la petite difficulté et l’anxiété mineure vers le handicap majeur et la souffrance permanente.

Peur des autres Sur quoi la timidité repose-t-elle, et par extension la phobie sociale ? La recherche met aujourd’hui l’accent sur un terrain génétique. Mais les gènes n’expliquent pas tout : s’y greffent des comportements d’évitements au quotidien qui main42 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

VINCENT TRYBOU Psychologue clinicien, psychothérapeute cognitivo-comportementaliste, Centre des troubles anxieux et de l’humeur.

tiennent le problème. Souvent, l’enfant timide l’est dès le plus jeune âge. Il a tendance à éviter le contact avec les autres, prend peu la parole, est gêné quand on lui parle. Lever la main en cours ou devoir répondre devant tout le monde l’angoisse. Il est peu friand de sports collectifs ou d’activités à plusieurs. Il peut bien évidemment avoir des amis, mais ira avec difficulté vers des inconnus. À l’adolescence, les timides et phobiques sociaux ont du mal à tisser du lien, restent principalement avec un nombre très restreint d’amis proches (avec lesquels ils ont du mal à s’affirmer), et vivent leur vie et loisirs principalement en famille. Ils n’aiment pas trop les coups de téléphone, ou demander des choses dans les magasins. Les psychiatres Christophe André

et Patrick Légeron décrivent bien ces phénomènes par l’expression « peur des autres ». Les interactions sociales sont compliquées malgré une forte envie de se faire des amis et de parler. Comme le timide est apeuré, les parents en arrivent à faire les choses à sa place afin de le protéger, ce qui a plutôt tendance à le maintenir dans ses évitements. Quand faut-il s’inquiéter ? C’est le manque d’épanouissement, le degré de handicap au quotidien et l’intensité de l’anxiété qui doivent alerter les parents ou les éducateurs. Il est alors intéressant de proposer à l’enfant ou l’adolescent une prise en charge. Autant les timides simples évoluent généralement spontanément vers un mieux-être, autant l’anxiété sociale et la phobie sociale ont tendance à s’aggraver avec le temps, au fil des évitements. Dès l’âge de 8 ans, les thérapies comportementale et cognitive (TCC), comprenant des exercices progressifs, peuvent

L’ANGOISSE DES PREMIERS JOURS À L’ÉCOLE Les enfants qui font leurs premiers pas à l’école peuvent montrer des signes de timidité. Avant d’en conclure quoi que ce soit, il faut attendre un peu. Ces enfants ont passé quelques années dans le cocon tranquille de la maison, sans enfants inconnus ni enseignants. C’est souvent bien plus un manque d’habitude et une trop grande accroche aux parents qui s’expriment qu’une vraie angoisse du jugement des autres. Les habitudes peuvent vite changer, et il n’est pas rare de voir un enfant soi-disant anxieux et timide réussir très vite à se faire des amis et réclamer de retourner à l’école… non sans avoir des larmes le matin car sa maman lui manque. n V.T.

Marka/Alamy

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être d’une grande aide. Dans les cas plus sévères, c’est-à-dire de phobie sociale, l’aide médicamenteuse donnée par un médecin psychiatre peut être très utile pour compléter ces exercices de thérapie.

Des exercices gradués en accord avec la personne En quoi consistent les exercices donnés par le psychologue ? On part du principe que la peur de la honte, étant très désagréable, entraîne des évitements. L’enfant ou l’adolescent ne se confronte pas à ce qui l’angoisse, ce qui fait qu’il ne peut ni dédramatiser la situation, ni s’acclimater aux émotions qu’elle entraîne. En TCC, il sera amené à se confronter aux situations qui provoquent son anxiété, selon une hiérarchie allant de la situation la plus simple vers la plus angoissante, de semaine en semaine. Rien n’est mis en place sans son accord, et c’est lui qui établit la hiérarchie. Le thérapeute peut lui proposer de faire des exercices pendant les séances, dans le cabinet ou dans la rue, ou de les faire entre deux séances à l’école ou dans les magasins.

Concrètement, les exercices pourront être : poser au moins une question par jour, refuser quelque chose qui lui déplaît, s’immiscer dans une conversation, parler à des inconnus, faire des réponses plus longues que « oui » ou « non », inviter un ami à la maison. Pour l’anxiété sociale, il pourra s’agir de faire une performance devant un public, assumer de dire une idiotie, poser des questions en classe. Pour la phobie sociale, étant plus handicapante que l’anxiété sociale, il est déjà bien de réussir à dire bonjour à un voisin dans l’ascenseur, demander une baguette de pain, décrocher le téléphone à la maison. Les exercices sont répétés, comme dans tout apprentissage, jusqu’à ce qu’ils deviennent fluides et que l’anxiété disparaisse. On peut ajouter quelques techniques d’affirmation de soi grâce à des jeux de rôles : apprendre à demander, refuser, mettre des limites, se faire respecter, gérer les conflits, ou de libération de la parole (ne pas écourter les réponses, regarder dans les yeux, parler de tout et de rien sans

sélectionner les propos selon leur pertinence, ajouter de l’émotionnel dans des réponses trop factuelles, faire ou recevoir des compliments et des critiques…). Ce qui reste fondamental, c’est de ne pas décider à la place du timide ce qui est bon pour lui. L’envoyer chez un psychologue malgré lui, l’inscrire au théâtre ou au football contraint et forcé, lui poser des questions devant tout le monde « pour le faire progresser car cela lui fera du bien » ne fera que briser la relation de confiance avec les parents ou les éducateurs et enseignants. n À lire • Les Phobies sociales Vincent Trybou et Élie Hantouche , éd. Josette Lyon, 2009. • L’Anxiété. Vaincre ses peurs, soucis et obsessions au quotidien Élie Hantouche (dir.), éd. Josette Lyon, 2009. • La Peur des autres. Trac, timidité et phobie sociale Christophe André et Patrick Légeron , Odile Jacob, 2003. • Comprendre et traiter les phobies Christine Mirabel-Sarron et Luis Vera, 2e éd., Dunod, 2012.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 43 N° 291

L’anorexie, de plus en plus précoce Phénomène particulièrement préoccupant, l’anorexie gagne du terrain chez les 8-12 ans. Les risques sur la santé sont majeurs. Comment comprendre ce trouble ? Quelle thérapie privilégier ?

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L

a prévalence des troubles du comportement alimentaire a fortement augmenté au cours des dernières décennies dans les pays occidentaux, et l’âge de survenue est devenu plus précoce. En 2010, la Haute Autorité de santé rapportait un taux de prévalence de 0,9 % chez l’enfant. Les troubles précoces touchent entre 20 % et 30 % de garçons, alors que les troubles postpubères touchent près de 90 % de jeunes filles. En raison de la tendance à la chronicisation de ces troubles et des risques induits sur la santé, il apparaît essentiel de les repérer au plus tôt. De plus, au vu de la quantité de non-recours aux soins (plus de 80 %), et du taux de rechute élevé (environ 50 % chez les adultes et 80 % chez les adolescents après une hospitalisation), l’accompagnement précoce offre un meilleur espoir de rétablissement.

Évitements et obsessions Les troubles alimentaires prépubères reposent sur des problématiques différentes des troubles qui se déclarent après la puberté, ces derniers étant davantage liés aux modifications pubertaires et aux problématiques adolescentes. Parmi les premiers signes, on repère des plaintes abdominales douloureuses, des nausées, et une forme d’anorexie restrictive, sans crises de boulimie, sans vomissements ni conduites purgatives. On observe parfois une histoire personnelle marquée par des troubles alimentaires datant de la prime enfance (entre 20 et 42 % 44 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

RÉBECCA SHANKLAND ET CHRISTELLE PROST-LEHMANN Rébecca Shankland est psychologue, maîtresse de conférences à l’université Grenoble-Alpes. Christelle Prost-Lehmann est pédopsychiatre au CHU-Grenoble.

des cas selon les études). Le trouble est caractérisé par une perte de poids ou une absence de gain de poids en période de croissance.

L’anorexie mentale prépubère s’accompagne de troubles de l’image du corps, bien qu’ils soient moins présents que chez les adolescents. L’une des spécificités chez les prépubères est la restriction portant sur les liquides, dont l’absorption d’eau, par crainte de voir le corps « gonfler ». Le rapport à l’alimentation est marqué par la restriction et l’évitement avec une forme de dégoût face à la nourriture. Or, plus l’on évite une situation, plus

LES AUTRES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES ●

La boulimie

La boulimie est très rare chez les enfants prépubères. Les crises de boulimie se caractérisent par une ingestion rapide de grandes quantités d’aliments souvent riches, avec une perte de contrôle et une absence de plaisir alimentaire au moment de la crise. Celle-ci est suivie de comportements compensateurs (vomissements le plus souvent), ce qui fait que les personnes qui souffrent de boulimie conservent souvent un poids normal.

● Les compulsions alimentaires

Chez les enfants, on observe plus fréquemment (entre 2 et 10 % chez les enfants) des comportements de compulsions alimentaires : consommation d’aliments en grande quantité en un temps limité, faisant

souvent suite à l’expérience d’émotions négatives. Ces compulsions ne sont pas suivies de comportements de purge ce qui entraîne un fort risque de surpoids. ●

L’orthorexie

Il s’agit d’une obsession de manger uniquement ce qui favorise une santé optimale. Les aliments doivent être obligatoirement sans additifs, pesticides, colorants, conservateurs, sucre, mauvaises graisses et même sans lactose ou sans gluten. On parle de pathologie lorsque ces comportements entraînent une détresse émotionnelle et/ou des préoccupations mentales plusieurs heures par jour, ainsi que des conséquences nutritionnelles (perte de poids, malnutrition). Chez l’enfant, les comportements sont le plus souvent subis, liés à une orthorexie familiale. n R.S. ET C.P.-L.

observe également une forte tendance au perfectionnisme que l’on constate notamment dans le domaine scolaire ou sportif, une certaine rigidité cognitive (difficulté à accepter différents points de vue sur une situation), ainsi que de moindres compétences émotionnelles et relationnelles.

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PhotoAlto/Alamy

Conséquences des troubles et prise en charge

elle devient anxiogène et augmente les comportements d’évitement. À titre d’exemple, les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires ont tendance à présenter un biais de « fusion pensée-forme » qui correspond au fait de croire que le simple fait de penser à un aliment calorique entraîne une prise de poids. L’individu concerné par ce biais tente de ne plus penser à la nourriture, mais plus il essaie d’éviter cette pensée, plus il se sent envahi par celle-ci, ce qui augmente l’angoisse et donc l’évitement. Les personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire risquent ainsi de développer un fonctionnement de plus en plus rigide dans le but de contrôler à la fois les pensées et les comportements liés à l’alimentation. Mais ce fonctionnement est mis en échec, car plus la restriction alimentaire est importante, plus l’orga-

nisme se met en état d’alerte, générant des pensées liées à la nourriture. Au-delà des symptômes liés à l’alimentation, on constate des troubles dépressifs et des conduites autoagressives, incluant scarifications et comportements suicidaires. De plus, l’anorexie précoce s’accompagne plus souvent de troubles obsessionnels compulsifs comparativement à celle des adolescents. Au-delà des effets liés à la restriction alimentaire qui augmente les symptômes anxieux qui à leur tour augmentent les conduites d’hypercontrôle, les chercheurs rapportent fréquemment la présence d’un événement difficile déclenchant (séparation des parents, décès d’un grand-parent, déménagement d’un ami, harcèlement à l’école), tandis qu’après la puberté la restriction est davantage liée aux modifications pubertaires. On

L’anorexie précoce comporte des risques majeurs, comme la bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque), l’ostéoporose précoce, le retard de croissance et du déclenchement de la puberté, avec des séquelles possibles (anomalies du développement mammaire, infertilité), ainsi que des complications psychiatriques telles que la dépression et les troubles anxieux. La prise en charge des patients prépubères est donc nécessairement pluridisciplinaire, impliquant une surveillance somatique et un travail psychothérapeutique individuel et familial. Ce travail vise à réduire l’angoisse liée à l’alimentation et à diminuer la rigidité des comportements (rituels) et des cognitions (pensées répétitives qui empêchent d’entrevoir d’autres manières de considérer ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de soi). Cela peut se faire grâce aux approches récentes développées dans le champ des thérapies cognitives et comportementales telles que la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) et les ateliers de flexibilité cognitive. Chez l’enfant comme chez l’adolescent, la thérapie familiale apparaît comme le traitement de prédilection. Les approches proposées actuellement dans certains établissements scolaires visant à développer les compétences émotionnelles et relationnelles apparaissent aussi comme des pistes prometteuses en prévention des troubles des conduites alimentaires. n Pour aller plus loin… • Anorexie mentale de l’enfant prépubère Marie-France Le Heuzey et Éric Acquaviva, Elsevier/Masson, 2006. • Les Troubles du comportement alimentaire. Prévention et accompagnement thérapeutique Rébecca Shankland, Dunod, 2016.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 45 N° 291

Quand le langage défaille Les troubles du langage n’ont pas nécessairement une origine psychologique. Ils peuvent être liés à un problème neurologique ou encore à une surdité.

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A

près avoir dit ses premiers mots vers 14-16 mois (papa/ maman…) (1), l’enfant se lance véritablement dans la conversation aux alentours de 30-36 mois. Certes, il persiste bien quelques maladresses de prononciation (« une fieur, du cravail »…) ou de construction de phrases (« il m’a prendu mon doudou »), mais l’essentiel est là : notre bout-de-chou parle (tout seul, avec nous, avec ses petits copains), raconte, questionne, donne son avis, argumente, conteste… Lorsque ce scénario prend du retard ou ne suit pas ce script, l’inquiétude s’installe. Est-il justifié de s’inquiéter ? À qui demander conseil ? Que faire ? Les réponses à ces quest ions ont beaucoup évolué. Jusque dans les années 1980, tous les enfants en délicatesse avec le langage étaient référés en pédopsychiatrie, et la psychanalyse était alors la seule approche disponible. C’est plus récemment (années 1990-2000), que les progrès des neurosciences ont révélé une autre histoire du langage humain (2). On sait maintenant que les bébés sont « équipés », dès avant leur naissance, de réseaux de neurones spécifiquement dédiés au langage  (3), sortes de petites « boîtes à outils » cérébrales qui vont leur permettre d’emblée de s’emparer de leur(s) langue(s) maternelle(s). Cet équipement initial permet au bébé d’analyser son environnement linguistique, d’en extraire les régularités sonores et grammaticales (encadré 1) et de devenir spécialiste de sa langue. 46 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

mICHÈLE mAZEAU médecin de rééducation (neuropsychologie infantile), elle a publié, avec alain pouhet, Neuropsychologie et troubles des apprentissages chez l’enfant. Du développement aux « dys », Elsevier masson, 2014.

Pourtant ce n’est qu’à 18-24 mois qu’il va vraiment commencer à « parler » (faire des phrases de deux mots, alors qu’il en comprend déjà plusieurs centaines) : c’est qu’il est encore en difficulté pour prononcer certains sons. En effet, les organes de la parole – ceux qui permettent que le langage qu’il a « dans sa tête » se transforme en sonorités intelli-

mots. Lorsqu’il aura acquis une habileté motrice suffisante de la sphère buccophonatoire, il parlera. Il peut persister quelques petites difficultés de prononciation, bénignes jusque vers 5 ans. De façon tout à fait exceptionnelle, d’importantes difficultés de parole persistent, révélant alors une pathologie de la motricité des voies de la parole (dysarthrie, dyspraxie verbale).

2 - Des troubles du langage Le retard de langage est très fréquent. Les signes sont apparemment les mêmes que précédemment (l’enfant déforme

les conditions nécessaires pour apprendre à parler Des compétencescérébrales Innées

» Langagière

> Sociales et communicationnelles

Langue maternelle

> Sensorielles (auditives) Maturation des habilités motrices buco-phonatoires

:»Bouche

-----------t -i ----------Parole

, cordes 1 langue 1 larynx vocales, souffle, etc.

gibles – maturent beaucoup plus lentement que le langage.

1 - Des troubles de parole Le problème le plus bénin est lié à un retard de parole : l’enfant commence à parler tard et déforme beaucoup les

beaucoup les mots, on ne le comprend pas toujours alors qu’il a 30-36 mois), mais si l’enfant parle tard et « mal », c’est parce qu’en amont son cerveau analyse mal (ou difficilement) le langage qu’il entend. Il devra bénéficier d’une intervention orthophonique, souvent

langage Et sColarité on a calculé (1) qu’en sixième l’enfant est confronté à plus de 6 000 mots nouveaux (hors vocabulaire courant). Dès le Cp (6 ans), les écarts entre enfants peuvent être très importants (env. 3 000 à 8 000 mots connus), selon leur milieu socioéducatif. or, plus on connaît de mots, plus il est facile d’en apprendre de nouveaux… et inversement. Un faible niveau de langage n’est pas en soi une pathologie, mais un véritable problème sociétal puisqu’il détermine une part importante de l’échec scolaire. n m.m. (1) alain lieury, Mémoire et réussite scolaire, 4e éd, Fotolia

Dunod, 2012, et alain Bentolila, « rapport de mission sur l’acquisition du vocabulaire à l’école élémentaire »

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adressé au ministre de l’éducation nationale.

jusqu’à l’apprentissage de la lecture. Plus rarement (1 %), il s’agit d’une dysphasie, une anomalie spécifique de certains des réseaux cérébraux, perturbant souvent l’accès à la syntaxe d’où un langage agrammatique (par exemple à 6 ans et demi : « C’est Boucles d’or/C’est un cheveu jaune/C’est fille/Y en a trois l’ours/ etc. »). Mais il existe différentes sortes de dysphasies, d’intensités variables. Ces pathologies nécessitent une prise en charge orthophonique spécifique, intense et de longue durée, ainsi que des adaptations pour permettre la scolarité.

3 - Des troubles non spécifiquement langagiers qui se répercutent dans le langage Une déficience intellectuelle, une malaudition ou encore un trouble du spectre de l’autisme peuvent aussi perturber – ou limiter – le développement du langage. Dans tous les cas, c’est vers le médecin (médecin traitant, médecin scolaire, pédiatre) qu’il convient de se tourner en première intention. Éliminer une surdité est une priorité. Consulter précocement s’impose si l’enfant ne comprend pas le

Un développement programmé l les

bébés distinguent les sons du langage des autres sons (bruits, musique). En ce qui concerne la parole, ils discriminent les sons de toutes les langues ! au contact de la langue environnante, ils perdent peu à peu la capacité de discriminer les sons qui n’appartiennent pas à leur(s) langue(s) – qu’ils n’entendent jamais –, tandis que les connexions neuronales qui supportent les sons de leur(s) langue(s) – qu’ils entendent souvent – se renforcent : c’est ainsi qu’ils deviennent des « spécialistes » de leur(s) langue(s)… et que plus on grandit, plus il est difficile d’apprendre une nouvelle langue ! l Dès 18-24 mois, les bébés montrent une connaissance implicite (1) de la grammaire de la langue. ainsi, ils « savent » que (en français) la négation se met avant le verbe si ce dernier est à l’infinitif ou s’il s’agit d’un nom (« pas manger/pas dodo ») mais après s’il est conjugué (« veux pas ») (2). n m.m. (1) Spontanée, sans explications ni enseignement. (2) voir Stanislas dehaene, « représentation cérébrale des structures linguistiques : précocité et automaticité des opérations linguistiques », cours au Collège de France, 2015-2016. Disponible sur www.college-de-france.fr/

http://media.education.gouv.fr/file/70/4/4704.pdf

langage, ou s’il existe des antécédents familiaux de dysphasie. Sinon, si les préoccupations concernent un enfant très jeune (30-36 mois), il faut revoir l’enfant à 4-6 mois de distance et juger de l’évolution. Si les troubles (ou le retard) persistent, une évaluation orthophonique est indispensable, mais d’autres examens peuvent s’avérer nécessaires. Une rééducation orthophonique est généralement indiquée. Les compétences en langage oral sont décisives pour l’accès à l’écrit, mais aussi pour une scolarité satisfaisante (encadré 2). Elles déterminent également le style et la qualité de l’ensemble des relations sociales du sujet. n

(1) les âges ne sont mentionnés ici qu’à titre indicatif : les écarts individuels peuvent être importants, en plus ou en moins, sans que cela ait aucune signification. (2) Claire Kabdebon et ghislaine dehaenelambertz, « les premières étapes de l’acquisition du langage », in serge pinto et marc sato (dir.), Traité de neurolinguistique. Du cerveau au langage, De Boeck, 2016. (3) ghislaine dehaene-lambertz et Jessica dubois, « au tout départ: le cerveau du bébé », in stanislas Dehaene (dir.), C3RV34U, la martinière, 2014.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 47 N° 291

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L’autisme : une affaire de spectre ? Depuis plusieurs années, les troubles du spectre autistique (TSA) font l’objet de vifs débats au sein de la communauté scientifique. Que sait-on aujourd’hui sur ce trouble aux multiples facettes, sur son origine, son évolution ? Comment est-il pris en charge ? Quelles sont les nouvelles pistes de la recherche ?

D

écembre  2016. Le député Daniel Fasquelle soumet à l’Assemblée nationale une proposition de résolution visant à interdire les pratiques psychanalytiques dans la prise en charge de l’autisme. Soutenue par la plupart des associations de familles d’enfants autistes,

48 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

mARC oLANo

cette initiative crée une onde de choc au sein de la pédopsychiatrie où la psychanalyse reste le modèle de référence. Plusieurs collectifs de psychiatres en appellent au président Hollande, brandissant une atteinte à la liberté de penser.

Des parents aussi se font entendre, réclamant la liberté de choisir son thérapeute et l’arrêt des hostilités. Chaque camp lance des pétitions sur le Net et compte ses points. Finalement, la résolution est rejetée par l’Assemblée, mais après avoir déchaîné des passions violentes. Pourquoi tant d’émotions ?

Des théories controversées sur son origine

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L’autisme a longtemps été considéré comme une maladie mentale. On doit sa première description au pédopsychiatre autrichien Leo Kanner, qui employa en 1943 pour la première fois le terme d’autisme infantile (du grec autos = soimême). Il en retint deux caractéristiques principales : l’isolement (aloneness) et l’intolérance au changement (sameness). L. Kanner crut remarquer des particularités chez les mères de ces enfants qu’il décrit alors comme « froides » et distantes. Naît alors le concept des « mères réfrigérateurs » repris par la suite par d’autres de ses confrères dont le plus commenté fut le psychanalyste Bruno Bettelheim et sa théorie de la forteresse vide. B. Bettelheim fit un parallèle entre l’univers concentrationnaire et le vécu de l’enfant autiste. Dans son esprit, il fallait couper ces enfants du lien pathologique qui les reliaient à leurs parents. Aujourd’hui, ces prises de position font partie du passé. Mais beaucoup de parents restent marqués par ces anciens discours, culpabilisant pour eux, et affichent une grande méfiance à l’égard de la psychanalyse.

Des psychoses précoces aux troubles du spectre autistique Ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’on commença à parler de « troubles envahissants du développement ». Aujourd’hui, la grande majorité des professionnels admettent que l’autisme est principalement dû à un développement anormal du cerveau. Le cerveau des enfants autistes est en général plus petit que la moyenne à la naissance, puis se développe au contraire beaucoup plus rapidement que la normale jusqu’à l’âge de 2 ans. Les zones associées au traitement visuel situées en arrière du cerveau sont très actives, les régions frontales où se fait l’essentiel du traitement de l’information et d’organisation des tâches plutôt en sous régime. Ce qui pose problème est plus particulièrement la faiblesse des connexions entre diffé-

Qu’est-ce Que la triade autistique ? Ce sont les trois caractéristiques de l’autisme, qui peuvent apparaître sous différentes formes avec un niveau de gravité variable. l Anomalies de la communication verbale ou non verbale : l’enfant a du mal à communiquer (retard de langage, absence de gestes, peu d’expressions faciales…). l Anomalies des interactions sociales : il ne joue pas avec les autres enfants et a du mal à se mettre à la place des autres (manque de réciprocité sociale ou émotionnelle). l Centres d’intérêt restreints et comportement répétitifs : manque de jeux imaginatifs, activités répétitives, stéréotypies gestuelles, préoccupations atypiques. la dernière classification des troubles mentaux parle plutôt de « dyade autistique », les difficultés de communication et d’interaction étant regroupées dans une même catégorie. n m.o.

rentes aires cérébrales. À l’origine de ces dysfonctionnements, des facteurs génétiques. Les études montrent un risque accru pour les vrais jumeaux (entre 60 et 90 %), qui tombe à seulement 10 % pour les faux jumeaux ou les frères et sœurs. Mais les chercheurs sont loin d’avoir trouvé le gène de l’autisme. Une multitude de variations semblent en jeu. Des facteurs environnementaux pourraient également jouer un rôle, comme des infections ou le contact avec des toxiques pendant la grossesse, un manque d’oxygénation au moment de l’accouchement ou un faible poids à la naissance. En 2013, la toute dernière version du Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (DSM) introduit la

notion de « spectre autistique » qui englobe désormais les différents troubles envahissants du développement. Les diagnostics différentiels, comme le syndrome d’Asperger (autisme de haut niveau) ou le trouble désintégratif de l’enfance (marqué par un développement normal au début, puis une régression massive par la suite) disparaissent de la nomenclature. Le DSM 5 propose dorénavant une approche dimensionnelle de l’autisme et établit trois catégories de TSA en fonction du niveau d’autonomie de la personne : léger, modéré ou sévère. Au niveau des symptômes, on passe de la traditionnelle triade autistique (encadré ci-contre) à une dyade. Les difficultés de communication et d’interaction sont regroupées dans une même catégorie.

Une prise en charge qui évolue Traditionnellement, les enfants autistes étaient pris en charge en pédopsychiatrie dans les hôpitaux de jour ou centres médico-psychologiques. En 1996, l’autisme est reconnu comme un handicap. Des associations de familles réclament alors un transfert des compétences vers le secteur médico-social au sein des instituts médico-éducatifs (IME) et des services d’éducation spéciale et soins à domicile (sessad) en charge du handicap. Les programmes comportementaux et développementaux pour l’autisme font leur apparition en France et représentent un nouvel espoir pour beaucoup de parents. Ils multiplient les études scientifiques pour asseoir leur crédibilité. Dans un rapport publié en 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) juge l’approche psychanalytique « non consensuelle », du fait de l’absence de données scientifiques sur son efficacité. Elle recommande les prises en charge comportementales et développementales et insiste sur l’importance d’un diagnostic et d’une prise en charge précoces (entre 18 mois et 4 ans). La HAS valide notamment la méthode ABA  (1) qui vise l’apprentissage de comportements adaptatifs par essais répétés avec un professionnel. ► Avril 2017 ScienceS HumaineS 49 N° 291

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depuis la loi 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la scolarisation des enfants en situation de handicap est devenue un droit. mais malgré l’augmentation du nombre d’enfants handicapés scolarisés (+ 25 % depuis 2012 selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale), beaucoup d’enfants autistes restent encore exclus du monde de l’école, faute de moyens suffisants. leur scolarisation ► Avec ce programme, chaque comportereste souvent conditionnée par ment, comme le brossage des dents, sera l’obtention d’un aesH (accompagnant découpé en petites séquences apprises à des élèves en situation de handicap). l’aide de renforçateurs (bonbons, félicitations, accès à des activités favorites…). aussi, elle est rarement complète et se résume parfois à des petits quarts Les nouvelles pistes de journée isolés. de toutes nouvelles thérapeutiques unités mises en place dans les écoles Objectif : améliorer l’autonomie des maternelles, les uema (unité enfants et diminuer les comportements d’enseignement maternelle autisme), jugés néfastes. ABA est très critiquée du tentent de remédier à ces difficultés. côté des cliniciens analytiques de par son Ces petites classes de sept élèves aspect « dressage normatif ». Ses détracautistes, cogérées par l’Éducation teurs évoquent la non-prise en compte nationale et des établissements du du désir et de la singularité de chaque secteur médico-social, proposent une enfant. Un argument souvent opposé à scolarisation à temps plein au sein cette méthode est également l’intensité d’une école maternelle ordinaire. le du suivi et son coût prohibitif. Les pretaux d’encadrement est de quasiment miers programmes préconisaient un un pour un. l’enseignant spécialisé qui entraînement de 40 heures par semaine en individuel. On est aujourd’hui passé dirige la classe est entouré d’une à 25 heures, dont 5 heures dispensées équipe d’éducateurs, psychologues, par les parents. Les autres méthodes orthophonistes et psychomotriciens. validées par la HAS sont la méthode une centaine de classes de ce type ont déjà été mises en place ou devront TEACCH (2) et le modèle de Denver (pour les plus petits) : des méthodes dites déveouvrir très prochainement. l’objectif : loppementales qui fonctionnent par permettre l’intégration des enfants en séquences d’apprentissage par imitation Cp ordinaire ou à défaut dans une ou à l’aide de supports visuels (images, unité localisée d’inclusion scolaire photos). Objectif : améliorer les inte(ulis), des classes à petit effectif ractions sociales et émotionnelles des accueillant les enfants en situation de enfants en partant de leurs intérêts et handicap dans le primaire. un motivations. Les études ont démontré élargissement du dispositif des uema des progrès conséquents pour certains dans les écoles primaires est prévu enfants qui adhèrent à ces méthodes, pour 2018. n m.o. mais pas pour tous… En effet, près de la 50 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

Amélie Benoist/BSIP

les uema : un nouVeau dispositif d’intÉGration scolaire

moitié des enfants ne semblent pas en tirer bénéfice. Par ailleurs, aucune étude à long terme n’a pu prouver le maintien des acquis dans le temps. En pédopsychiatrie, la prise en charge des enfants a évolué vers un modèle dit intégratif qui combine des aspects éducatifs (apprentissages, travail sur l’autonomie…), pédagogiques (l’intégration scolaire) et thérapeutiques (basés sur les aspects relationnels, la diminution de l’anxiété…). Certaines méthodes comportementales, comme le PECS (système de communication par échange d’images) y ont également fait leur entrée. Parmi les outils propres à la psychiatrie, on peut citer les ateliers thérapeutiques comme le conte, la pataugeoire ou le psychodrame. La pratique du « packing » (l’enveloppement de l’enfant dans des linges humides pour l’amener à ressentir ses limites corporelles) a fait l’objet de vives critiques de la part d’associations de familles et son utilisation a été interdite par la HAS en dehors d’un protocole de recherche. Ce que beaucoup de familles reprochent à la psychiatrie est notamment sa position non interventionniste et le manque de communication avec les parents. Les diagnostics ne se feraient pas ou trop tardivement. Les informations seraient données au compte-gouttes. Aux témoignages virulents et accusateurs souvent médiatisés, les psychiatres opposent le soutien discret de nombreuses familles qui leur font

confiance depuis des années. Malgré des avancées considérables au niveau de la compréhension du trouble autistique, aucune méthode n’a pu à ce jour améliorer de manière significative sa symptomatologie. Les recherches et hypothèses nouvelles vont bon train. Le neurobiologiste Yehezkel Ben Ari fait l’hypothèse d’un déficit de chlore à l’origine de certains dysfonctionnements cérébraux qu’on constate chez ces enfants. Un traitement antidiurétique testé auprès d’enfants autistes aurait montré des résultats intéressants pour atténuer ces symptômes.

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Des divisions qui nuisent aux progrès Du côté des analystes, on commence à parler d’affinity therapy, une nouvelle approche qui part des intérêts restreints et parfois atypiques des enfants. À l’origine de cette méthode, un père américain, Ron Suskind, qui décide de s’intéresser de plus près à la passion de son fils autiste pour l’univers Disney. Au fil du temps, il réussit à rentrer en relation avec lui par ce biais et à l’ouvrir à la parole. L’affinity therapy s’appuie sur les facultés autothérapeutiques de l’enfant autiste, avec l’idée que c’est lui qui posséderait la clé pour accéder aux apprentissages, à condition que l’adulte l’aide à la repérer. Le tout étant d’« aller dans le monde de l’enfant, plutôt que le forcer à venir dans le nôtre ». Le concept parvient à concilier les tenants d’une approche psychiatrique et les adeptes d’une approche éducative. Y aurait-il enfin un point de convergence en vue ? Le psychiatre Laurent Mottron, chercheur français expatrié au Canada, s’appuie quant à lui sur la neuroimagerie pour défendre l’idée d’une « autre intelligence » chez les enfants autistes. Très critique vis-à-vis des méthodes comportementales et de l’approche analytique, il considère que la plupart des comportements répétitifs de l’enfant autiste seraient l’équivalent du comportement d’exploration chez un enfant ordinaire et ne devraient donc surtout pas être supprimés (comme le préconise

le syndrome d’asperger : une forme d’autisme particulière Contrairement à ce que l’on dit souvent, les asperger n’ont pas tous un potentiel intellectuel exceptionnel, la plupart se situent tout simplement dans la norme. mais ce qui les différencie des autres sont leurs pics de compétence dans des domaines spécifiques. certains ont des capacités de mémorisation étonnantes, à l’image de daniel tammet, célèbre pour sa récitation de 22 514 décimales du chiffre pi durant plus de 5 heures. en revanche, les difficultés apparaissent sur le plan relationnel. comme pour les autres formes d’autisme, les asperger ont du mal à

comprendre les codes sociaux, à saisir l’implicite, les intentions, les métaphores, l’ironie. ils sont de nature plutôt anxieuse, se rassurent par des rituels et une organisation parfois immuable, supportent mal le changement et sont peu flexibles. les enfants asperger ont souvent du mal à établir des relations d’amitié et se font régulièrement rejeter par leurs pairs, plus particulièrement à partir du collège. Beaucoup d’enfants asperger sont en échec scolaire, malgré leur potentiel. en cause, leur fonctionnement cérébral atypique. ils sont facilement distraits si plusieurs informations sont

notamment la méthode ABA). L. Mottron suggère de refonder l’intervention précoce en favorisant les intérêts répétitifs de type « recherche » (puzzles, claviers, écrans tactiles…) et l’intérêt particulier pour les lettres. Il s’oppose notamment aux méthodes dites intensives. Selon lui, aucune étude n’a prouvé l’opportunité de concentrer ces programmes entre 2 et 5 ans. Il préconise des prises en charges plutôt courtes et ciblées et une plus grande implication des parents. Sur ce dernier point, la plupart des professionnels se rejoignent. En effet, l’implication des parents dans le suivi semblerait permettre à l’enfant de progresser plus rapidement et de manière plus durable. Des pistes intéressantes qui ne manqueront pas de faire parler d’elles dans les années à venir. Mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir avant de revenir à des débats plus apaisés sur cette question de l’autisme qui clive, tout

données en même temps et ne comprennent pas toujours les consignes des enseignants. certains ont besoin du soutien d’une aide à la vie scolaire. les associations de familles, à l’image d’asperger aide france (1) et d’action pour l’autisme asperger (2), déplorent le manque de formation des enseignants et professions médicales sur ce trouble. pour ces associations, le syndrome d’asperger est souvent diagnostiqué trop tard ou pas du tout, ce qui amène l’enfant à grandir avec la sensation d’être différent sans pouvoir donner un sens à cela. n m.o. (1)www.aspergeraide.com/ (2) www.actionsautismeasperger. org/

autant que le syndrome en lui-même. Parents, chercheurs et professionnels de tous bords apparaissent plus divisés que jamais, alors qu’il y aurait tant besoin de réunir tous ces forces pour avancer. n (1) applied Behavior analysis (analyse appliquée du comportement). (2) treatment and education of autistic and related communication handicapped children.

À lire • Autisme, comprendre et agir Bernadette rogé, 3e éd., dunod, 2015. • L’Intervention précoce pour enfants autistes. Nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence laurent mottron, mardaga, 2016. • Affinity therapy. Nouvelles recherches sur l’autisme myriam perrin (dir.), presses universitaires de rennes, 2015. • Traiter l’autisme ? Au-delà des gènes et de la psychanalyse Yehezkel Ben-ari, Éric lemonnier et nouchine Hadjikhani, de Boeck/solal, 2015.

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LES TROUBLES DE L'ENFANT

La dyslexie, un cerveau à remodeler Les enfants dyslexiques souffrent d’un « déficit phonologique » : ils ont du mal à associer les sons aux graphèmes qui les représentent. De nouvelles approches, passant par la musique ou le jeu, donnent des résultats encourageants.

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L

a dyslexie apparaît aujourd’hui comme l’une des facettes d’un ensemble de troubles qu’on dénomme volontiers « troubles dys » et dans la nomenclature officielle, « troubles spécifiques d’apprentissage ». Au côté de la dyslexie, à laquelle elles sont parfois liées, figurent dans cette catégorie, notamment, la dyscalculie et la dysgraphie (encadré). Par « spécifique », on entend surtout évoquer une caractéristique majeure de ces troubles : ils altèrent la capacité de ces enfants à entrer dans les apprentissages fondamentaux (lecture, écriture, calcul), alors même que leur intelligence est strictement normale, voire supérieure à la normale. Un contraste souvent frappant pour l’enseignant confronté à la nécessité de repérer ces enfants au sein d’une classe.

Une origine génétique ? Les facteurs de ce trouble sont de mieux en mieux connus. Les conceptions actuelles sur les mécanismes de la dyslexie donnent une place prépondérante aux facteurs génétiques. Il existe ainsi des familles plus particulièrement concernées, des familles « à risque ». Les résultats d’études de jumeaux et d’études plus spécialisées de génétique fondamentale ont d’ailleurs pu mettre en évidence des gènes plus particulièrement impliqués. Toutefois, la génétique ne saurait tout expliquer. Les études réalisées sur des jumeaux estiment de 50 à 60 % seulement la part de l’hérédité dans les troubles de l’apprentissage de la lecture, laissant ainsi 52 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

mIChEL hABIB Neurologue au CHU-Marseille, il a publié, entre autres, La Constellation des dys. Bases neurologiques de l’apprentissage et de ses troubles, solal, 2014.

une large place aux facteurs environnementaux. Une vaste étude sur plus de 1 000 enfants répartis dans 20 écoles de la ville de Paris (1) conclut que « les risques de troubles de l’apprentissage de la lecture sont environ 10 fois plus élevés chez les enfants des zones défavorisées par rapport à ceux des zones favorisées ». Un environnement familial attentif et lecteur, ainsi que des expériences de lecture précoce pourraient avoir un rôle protecteur.

Anatomie du cerveau dyslexique L’influence de la langue maternelle, pour sa part, a été affirmée grâce à diverses études. Dans les langues dites transparentes, où la correspondance entre les graphèmes et les phonèmes est simple et univoque (comme l’italien, par exemple), la dyslexie est bien moins fréquente que dans les langues dites opaques, où la forme orale est peu ou pas prédictible à partir de la forme écrite de la langue (comme l’anglais ou à un moindre degré le français). Au-delà de l’incontestable étiologie génétique, largement prouvée et confirmée, les facteurs liés à l’environnement dans lequel évolue l’enfant dyslexique sont donc non seulement capables de déterminer la sévérité du trouble, mais également de modifier la structure même de son cerveau.

Chez l’enfant dyslexique, il est en effet aujourd’hui admis que c’est d’abord la conscience phonologique, indispensable de l’acquisition de la lecture, qui est altérée : l’enfant parvient mal à associer les sons de sa langue aux lettres et ensembles de lettres (les « graphèmes ») qui les représentent. Ce « déficit phonologique » est lié à un défaut d’activation d’un ensemble de régions hémisphériques gauches. L’imagerie cérébrale fonctionnelle a ainsi établi les bases de ce qu’on peut aujourd’hui appeler une « neuroanatomie de la dyslexie », montrant notamment que : l c’est principalement dans l’hémisphère gauche (l’hémisphère du langage) que se situent les anomalies de fonctionnement du cerveau du dyslexique ; l que ce sont principalement trois zones de la surface de l’hémisphère qui sont dysfonctionnelles : l’aire de Broca, qui sert à la production orale des mots, l’aire de Wernicke, qui contient leur représentation sous forme de sons spécifiques, et la région temporale inférieure, qui permet la transformation des traits constitutifs des lettres en un message linguistiquement pertinent. Ces particularités sont-elles donc à l’origine de la dyslexie ? C’est possible, mais non prouvé à l’heure actuelle : elles pourraient être liées à une sous-utilisation de ces régions cérébrales par l’enfant, et donc être la conséquence plutôt que la cause du problème. Au rang des techniques les plus prometteuses, la récente méthode d’imagerie de diffusion (DTI) a également permis de repérer des anomalies non

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plus au niveau des aires corticales ellesmêmes mais des fibres de connexion qui les unissent entre elles, en relation proportionnelle avec les difficultés de l’enfant. Ces anomalies seraient préexistantes à l’âge d’apprentissage de la lecture, donc probablement génétiquement déterminées.

De la musique avant toute chose Suite à ces constatations, plusieurs équipes dist inctes ont développé l’idée que le trouble pourrait se situer de manière plus générale au niveau de l’incapacité du cerveau du dyslexique à associer des stimuli de nature sensorielle différente, comme des images et

des sons, ou de manière générale à intégrer simultanément des informations de nature différente (comme la forme orale et écrite d’un mot). Dans cette perspective apparaissent de nouvelles pistes thérapeutiques. L’idée n’est plus seulement de travailler sur la nature auditive ou visuelle du trouble, mais de favoriser autant que possible l’activation simultanée de canaux sensoriels différents. Plusieurs équipes ont retrouvé une amélioration de la lecture chez des dyslexiques après cinq semaines d’un entraînement quotidien sur des jeux de type game boy, où l’enfant devait associer systématiquement des sons non verbaux avec des traits représentant la hauteur, la durée et l’intensité de ces sons (2).

La gaLaxie des dys L’enfant dyslexique souffre d’un trouble de la « conscience phonologique ». C’est elle qui permet au tout jeune enfant de dissocier les unités sonores de la parole (les phonèmes), et de les combiner, les retrancher, les permuter… pour les associer aux lettres ou groupes de lettres (les graphèmes). l L’enfant dyscalculique a du mal à se représenter mentalement les quantités signifiées par les nombres. en d’autres termes, il est capable de connaître les noms des chiffres et la signification des opérations, mais il ne parvient pas à se représenter une quantité, une distance ou la valeur d’un prix. l L’enfant dysgraphique n’est pas capable d’automatiser le geste requis pour former des lettres. L’enfant a du mal à tenir son crayon, son écriture est chaotique. n m.h.

Si l’orthophonie reste le pivot de rééducation, d’autres approches complémentaires donnent d’excellents résultats. L’une d’elle consiste à utiliser l’apprentissage musical, et tout particulièrement l’apprentissage d’un instrument de musique, dans le but, en quelque sorte, de « remodeler » le cerveau dyslexique. C’est la préconisation récente de l’Inserm, qui a soumis des enfants dyslexiques de 8 à 11 ans à une cure de musique pendant six mois de musique, à raison de deux séances par semaine (3). 60 % de ces enfants ont progressé en lecture au point de sortir des critères diagnostiques de dyslexie. Ces résultats très encourageants laissent penser qu’une pratique musicale généralisée chez les enfants dyslexiques pourrait être recommandée de manière quasi systématique. n

l

(1) Joel Fluss et al., « Troubles d’apprentissage de la lecture : rôle des facteurs cognitifs, comportementaux et socioéconomiques », Développements, n° 1, 2009/1. (2) Teija Kujala et al., « Plastic neural changes and reading improvement caused by audiovisual training in reading-impaired children », PNAS, vol. XCVIII, n° 18, 28 août 2001. (3) Michel Habib et al., « Music and dyslexia. A new musical training method to improve reading and related disorders », Frontiers in Psychologie, 22 janvier 2016.

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La précocité intellectuelle, un handicap ? Ce document est la propriété exclusive de STELLA AZEVEDO ([email protected]) - 15-04-2019

L’intelligence est une force. Mais lorsqu’elle ouvre trop l’accès à des problèmes existentiels, elle peut devenir une source d’anxiété et d’isolement.

L

es enfants précoces sont définis par un QI supérieur à 130. Ils présentent des particularités cognitives et affectives qui peuvent désemparer les adultes et influer sur le développement de leur personnalité. Tous ne sont pas semblables, bien sûr, car chaque être est singulier. Ils sont à la fois différents et remarquables, comme le zèbre au milieu de la savane, mais aussi uniques : les rayures du zèbre sont comme les empreintes digitales (1)… La précocité intellectuelle est le plus souvent une chance, mais elle n’est pas sans risque  (2). Repérer rapidement ce haut potentiel intellectuel exige une bonne connaissance des caractéristiques qui distinguent un enfant à haut potentiel (HP) d’un enfant standard. Avec l’idée forte que certains atouts peuvent devenir des handicaps.

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oLIVIer reVoL et jeANNe sIAUD‑fACCHIN Olivier Revol, pédopsychiatre, a publié, entre autres, 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel, Tom Pousse, 2015. Jeanne Siaud-Facchin, psychologue praticienne, a publié, entre autres, L’Enfant surdoué. L’aider à grandir, l’aider à réussir, Odile Jacob, 2012.

Des enfants différents On estime que 2 à 3 % des enfants présentent un HP. Si l’origine en est encore inconnue, la composante génétique est aujourd’hui indiscutée par la communauté scientifique. Il est déterminant, sans être « programmable », et heureusement, car les tentations d’eugénisme seraient effrayantes. On retrouve significativement plus de surdoués dans la même famille, et pas uniquement en ligne directe. Les grands-parents, les oncles, tantes, cousins peuvent partager

ces particularités. Car oui, particularités il y a. Les enfants HP ne les présentent pas forcément toutes, et d’autres enfants, non HP, peuvent en présenter certaines. C’est leur intensité et surtout leur coexistence qui incitent à évoquer l’avance intellectuelle… Les cliniciens avertis décrivent des différences dès les premiers mois. La précocité de certaines acquisitions, en particulier langagières, est bien établie, et vite illustrée par des questionnements incessants (« pourquoi ? »). Des attitudes opposantes et une tendance à l’argumentation sont souvent décrites par des parents surpris par cette « rage de maîtriser (3) ». On la rencontre surtout chez le garçon, qui veut décider seul, refuse par exemple de porter certains vêtements qui « grattent », ou qui exige que l’on coupe les étiquettes ! La rareté des mani-

L’APPORT Des neurosciences festations d’opposition chez les fillettes, plus volontiers « hyperconformes », est sans doute à l’origine de la sous-évaluation de la précocité féminine et du retard à la repérer. Les troubles du sommeil sont fréquents à tout âge : insomnie d’endormissement du nourrisson liée à l’anxiété de séparation, opposition au coucher dès 2 ans, anxiété le soir chez le grand enfant. L’hypervigilance anxieuse est quasi constante. L’intelligence est anxiogène lorsqu’elle ouvre trop tôt l’accès à des questionnements existentiels et complique le quotidien. On est alerté dès 3 ans par des préoccupations excessives concernant l’univers ou la vie après la vie. La compréhension prématurée de la pérennité de la mort est inquiétante à un âge où elle doit être encore une notion abstraite ou ludique, comme dans les dessins animés ou les jeux vidéo (« je sais bien que je n’ai pas plusieurs vies… »). Plus tard, les peurs concernent les maladies, la survenue de catastrophes planétaires (guerres, météorites, inondations…) ou familiales (maladies des parents, séparations…). Quant à l’adolescence (qui commence plus tôt !), elle est surtout marquée par le sentiment de décalage vis-à-vis des autres collégiens.

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Des adultes particuliers Les adultes HP ont pendant trop longtemps été exclus du champ de la clinique, comme si cet « ex-enfant précoce » devenait un adulte parmi les autres. Pourtant, les contraintes d’adaptation et les exigences de réussite professionnelle et familiale ne sont pas moindres que celles attendues sur le terrain scolaire. On décrit des adultes « en alerte », qui portent une attention aiguisée et continue sur l’environnement et qui en captent les signaux les plus subtils. Avec une analyse soutenue sur le monde, sur ce qui s’y passe, ce qui s’y joue, le visible et l’invisible… Surtout, la tentative constante de comprendre qui ils sont et comment ils fonctionnent. Leur sensibilité exacerbée face à tout ce qui les entoure  (4) enrichit leurs compétences (nous savons depuis Antonio Damasio  (5) que nos émotions renforcent notre intelligence), mais peut aussi fragiliser leur rapport aux autres.

L’avancée prodigieuse des neurosciences permet de saisir l’invisible : le cerveau du surdoué présente des spécificités fonctionnelles et structurelles bien validées. L’intelligence des enfants et adultes HP emprunte des voies cérébrales différentes. Des travaux neurophysiologiques rigoureux permettent de comprendre ces fonctionnements singuliers : hyperconnectivité des deux hémisphères cérébraux avec un surengagement de l’hémisphère droit dans certaines tâches, transmission rapide des informations dans l’ensemble des zones du cerveau, densité neuronale de la voie pariéto-frontale, (entre le cortex frontal, véritable chef d’orchestre de notre intelligence, et les lobes pariétaux, sensoriels, plaques tournantes de distribution des informations dans l’ensemble des zones

La majorité des témoignages d’adultes HP insistent sur le sentiment d’être décalés. Sans doute à cause de la persistance de valeurs non négociables comme un très fort sens de la justice, un amour de la vérité et un irrésistible besoin de confiance. À l’instar de ce qui se passait à l’école, resurgit dans la vie professionnelle le risque de voir le surdon se transformer en obstacle. Ces personnalités bouillonnantes et créatives inquiètent les managers. Plus difficiles à gérer, ils peuvent paraître menaçants pour certains supérieurs hiérarchiques. Avec le risque d’être rejetés ou « mis au placard », ce qui est la même chose… La blessure est encore plus violente si l’adulte ignore son profil particulier. Il se remet en cause et estime être responsable. C’est alors que l’identification de son profil devient un levier inestimable… L’énergie débordante, constructive et créative est la signature d’adultes dont le HP pourrait aider à transformer le monde. Profitons-en ! La connaissance de leur fonctionnement cérébral ne fait que commencer, et devrait nous apporter beaucoup… Le haut potentiel n’est donc, en soi, ni un handicap ni une maladie. Le plus sou-

cérébrales). En somme, plus de connexions, plus de substance blanche (myéline), plus de rapidité. Ces constatations apportent un éclairage sur le fonctionnement neurologique de tous les enfants et devraient permettre d’affiner les conseils pour les familles et les professeurs, en développant des approches « neuroéducatives ». Deux conseils peuvent être donnés aux enseignants et parents : l enrichir et approfondir : inviter l’enfant à faire un lien avec d’autres thèmes étudiés (« tu connais bien la civilisation romaine, peux-tu la comparer à la Grèce antique ? ») ; l apprendre à raisonner : ne pas se contenter d’une réponse juste mais trouvée intuitivement, et interroger l’enfant sur la façon de l’expliquer. n o.r. et j.s.‑f.

vent, c’est une chance. Dans certains cas, sa méconnaissance représente un risque. À l’inverse, l’identification de la précocité et surtout sa reconnaissance (par l’individu et son entourage) permettent d’en faire une force inestimable. n (1) Jeanne siaud-Facchin, L’Enfant surdoué. L’aider à grandir, l’aider à réussir, Odile Jacob, 2012. (2) Gabriel Wahl, Les Enfants intellectuellement précoces, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2015. (3) ellen Winner, Surdoués. Mythes et réalités, Aubier, 1997. (4) Voir susan Daniels et Michael Piechowski (dir.), Living with Intensity. Emotional development of gifted children, adolescents and adults, Great Potential Press, 2009. (5) Antonio Damasio, L’Erreur de Descartes. La raison des émotions, 2e éd., Odile Jacob, 2006.

Pour aller plus loin… • « Haut potentiel intellectuel et TDAH : ressemblances, différences, coexistence ? » Olivier Revol, ANAE, n° 140, février 2016. • « Hemispheric specialization in giftedness. Psychometric, behavioral and electrophysiological investigation » M.-N. Magnié, C. Caro et S. Faure, 6th IBRO World Congress of Neuroscience, Prague, 10-15 juillet 2003. • La Constellation des dys Michel Habib, De Boeck/Solal, 2014.

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R E N C O N T R E AV E C N I C O L E C AT H E L I N E

Phobie scolaire : pourquoi tant d’angoisse ? Les enfants « malades de l’école » seraient de plus en plus nombreux… Submergés par le stress et la peur, ils préfèrent rester à la maison plutôt que de poursuivre leur scolarité. Quels sont les mécanismes qui conduisent à la phobie scolaire ?

Personne ne s’entend sur ce qu’est la phobie scolaire, c’est un vrai méli-mélo… On met sous ce vocable des choses très diverses. Au sens strict, le terme « phobie » renvoie à la psychanalyse qui le définit comme le déplacement d’une crainte sur quelque chose d’autre. Mais maintenant, il est tombé dans le domaine courant et la phobie scolaire est assimilée au refus anxieux de l’école, ou encore au décrochage qui n’a pas grand-chose à voir (les décrocheurs sont selon l’Éducation nationale les jeunes de 16 ans sortis du système scolaire sans qualification ni diplôme). De manière générale, ce terme de phobie scolaire se rapporte aux enfants qui n’en peuvent plus de l’école, mais pour des raisons très variables. En l’espace de cinq ou six ans, j’ai vu leur nombre multiplié par trois lors de mes consultations. C’est donc vraisemblablement un phénomène lié à la société et aux structures scolaires.

encore entretiennent une relation au savoir compliqué, ou sont élevés dans des familles qui n’éprouvent pas un grand intérêt pour la connaissance. Ils perdent le sens des apprentissages et décrochent au bout d’un moment. Or, quand un enfant n’arrive plus à suivre, cela l’angoisse. Mais il faut décortiquer son anxiété pour se rendre compte si c’est l’école qui en est à l’origine. Des élèves peuvent aussi être victimes de harcèlement par des pairs ou de la part d’un enseignant. À leurs yeux, le seul moyen de ne plus être harcelés, c’est de ne plus aller à l’école. DR

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Comment définit-on la phobie scolaire ?

nicole caTHeline Pédopsychiatre, elle a récemment publié Souffrances à l’école. Les repérer, les soulager, les prévenir, Albin michel, 2016, et, avec Jean-Philippe raynaud, Les Phobies scolaires aujourd’hui. Un défi clinique et thérapeutique, lavoisier/médecine sciences, 2016.

Les causes de ce rejet s’expliquent-elles par les expériences vécues à l’école ? C’est vrai pour une partie de ces jeunes pour qui la scolarité incarne l’objet de la difficulté. Certains d’entre eux sont déficitaires ou ont des troubles d’apprentissage spécifiques « dys » (dyslexie, dysphasie, dyscalculie…), détectés trop tardivement. Ils parviennent à compenser assez longtemps et se maintiennent au niveau, mais au bout d’un moment ils lâchent. D’autres enfants vivent une maltraitance pédagogique, du fait de méthodes qui ne leur conviennent pas. Certains 56 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

À côté des difficultés liées à l’école, quelles sont les autres sources de phobie scolaire ?

Certains enfants ont des raisons personnelles de ne pas aller bien et transportent avec eux leurs problèmes. L’école sert de révélateur de leur fragilité, car elle appuie là où cela fait mal, en les obligeant à se socialiser et à se séparer. Un parent peut rencontrer une situation difficile et l’enfant se dit qu’il doit rester à la maison pour le protéger. Par exemple, la phobie scolaire peut commencer lorsque la mère ou le père tombe malade ou se retrouve au chômage. D’autres parents sont « collés » à leur enfant et ne le préparent pas à la séparation. Ils ne le laissent pas aller au centre aéré ou dormir chez des personnes étrangères par exemple. L’enfant est privé de relations sociales, ce qui ne l’encourage pas à faire comme les autres. Il reste scotché aux adultes et ne développe pas de raisonnement personnel, ce qui a des conséquences sur sa réussite scolaire. S’il manque de pensée hypothético-

déductive, il peut s’effondrer en classe de quatrième. Quant aux parents, ils sont « responsables, mais pas coupables », car ils sont eux-mêmes pris dans des histoires compliquées. Ils ont pu vivre des choses difficiles, voire traumatisantes, dont ils veulent protéger leurs enfants. Dans mes consultations, j’aborde souvent la dimension transgénérationnelle en recevant les grands-parents : ils m’apprennent parfois que les parents ont eux aussi vécu une phobie scolaire…

Quelles sont les conséquences de ce refus de l’école sur la vie de l’enfant ? Les enfants et les adolescents ont besoin des autres pour se construire. Sans contact avec leurs pairs, ils risquent de se sentir différents et isolés. Cette situation va attaquer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et accroître leurs difficultés. Ils vont se déprécier et se désocialiser petit à petit. C’est un cercle vicieux ; s’ils prétendent qu’ils sont malades, ils ont tendance à refuser aussi leurs activités extrascolaires. Parfois une phobie sociale

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les formules d’accompagnement Psychothérapie - la psychothérapie peut être menée dans des structures comme les CmPI (centre médico-psychologique infantile) ou CmPP (centre médico-psycho-pédagogique) qui rassemblent des professionnels spécialisés (pédopsychiatres, psychologues, infirmiers psychiatriques). elle peut aussi s’effectuer en libéral auprès de pédopsychiatres, psychologues, psychothérapeutes. Hôpital de jour - À l’hôpital de jour en pédopsychiatrie, les enfants peuvent bénéficier d’un accompagnement thérapeutique, éducatif et pédagogique. les activités se déroulent dans la journée et le cas échéant à temps partiel, afin d’être compatibles avec la scolarité. Service d’assistance pédagogique à domicile relevant de l’Éducation nationale, ce service est proposé aux enfants et adolescents atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période. Des professeurs dispensent les cours à domicile. Projet d’accueil individualisé - Visant le maintien scolaire, ce dispositif définit l’emploi du temps de l’enfant (cours suivis, temps thérapeutiques) en fonction de son état de santé, à l’issue d’une concertation entre le thérapeute, le médecin de l’Éducation nationale et les enseignants. Il peut être réévalué selon ses progrès. n D.G.

s’installe : les enfants ne supportent plus d’être sous le regard des autres. Si cet état se prolonge, l’impact peut être important sur la personnalité, les apprentissages, l’estime et la représentation de soi.

Que peut-on faire pour éviter d’en arriver là ? Comment lutter contre la phobie scolaire ? À l’école, il convient de soutenir les enseignants et de leur permettre de s’exprimer. Ils doivent pouvoir confier qu’ils ne supportent plus un enfant, sans risquer d’être dans un cadre sanctionné par la hiérarchie. Il faudrait aussi les former aux troubles « dys ». Depuis la loi de 2005 sur le handicap, ils doivent accueillir des publics très différents, mais sans bénéficier d’un accompagnement. Quant au soutien des élèves en difficulté, il se révèle très insuffisant, en particulier depuis qu’on a démantelé les rased (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté). En outre, il faudrait développer les lieux de socialisation en dehors de l’école et davantage lutter contre le harcèlement entre pairs. Du côté des parents, il y a des messages à faire passer : certes, les enfants doivent être protégés, mais ils doivent aussi être confrontés à un peu de difficulté. Ils ont besoin de challenges qui leur fassent plaisir et qui leur prouvent leurs capacités, mais en dehors de l’école. Aujourd’hui, tout tourne autour de la réussite scolaire, il y a beaucoup trop de pression sur ce sujet.

Quand un enfant risque de décrocher, comment réagir ? D’abord, il faut repérer les signes avant-coureurs comme l’absentéisme répété ou les somatisations (maux de ventre, de tête…) le dimanche soir ou le lundi matin. Il est conseillé d’aller consulter un pédiatre ou un médecin scolaire. Un aménagement de la scolarité peut être envisagé : l’enfant continue d’aller à l’école mais à temps partiel, avec par exemple un allégement des journées les plus chargées. On peut rétablir peu à peu l’emploi du temps complet quand l’enfant commence à aller mieux. Si la déscolarisation est effective, il faut agir très vite, dans le mois qui suit, en prenant rendez-vous avec un spécialiste. La phobie scolaire, c’est une urgence pédopsychiatrique, car il existe un risque important de chronicisation : la situation s’installe si les parents n’insistent pas. Il faut aussi éviter une inscription trop rapide au Cned (Centre national d’enseignement à distance). Il est en effet très difficile de travailler seul, beaucoup d’enfants décrochent au bout de quelques mois. La meilleure solution reste une rescolarisation la plus rapide possible. Généralement, les milieux sociaux favorisés s’en sortent mieux, en trouvant par exemple des écoles privées coûteuses. n ProPos recueillis Par Diane GalbauD

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Grandir après la guerre Ils ont vu la guerre de près, trop tôt, et gardent des blessures invisibles. Comment aider ces enfants à retrouver le goût de la vie ? MARIE ROSE MORO

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Professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la Sorbonne, cheffe de service de la Maison de Solenn, Paris. www.transculturel.eu

préoccuper de manière adaptée de leurs enfants. Les enfants peuvent se sentir isolés psychologiquement, à un moment où tout leur système de croyance – la vie/la mort, le bien/le mal, la place des générations… – se trouve déstabilisé par l’expérience de la violence.

Être fier de son nom Cette situation peut entraîner une perte de confiance, d’abord confiance en soi puis confiance en l’avenir. C’est le cas de Massoud, un enfant afghan dont la famille s’est réfugiée en Iran pendant

ABDUL, L’ENFANT QUI AVAIT PEUR DU VENT Un jour, on amène à ma consultation de Médecins sans frontières, dans la banlieue de Kaboul, un jeune garçon de 10 ans qui s’évanouissait à répétition. En discutant avec lui, je comprends qu’il est terrorisé par le bruit du vent. Je lui suggère que pendant la guerre, quand les obus se sont abattus sur sa maison, il y avait peut-être beaucoup de vent ? Il me répond sur le ton de l’évidence, il y avait du vent très fort et même le bruit des obus ne couvrait pas celui du vent. Pour Abdul, le bruit du vent est celui de la mort. Je lui demande ce qui lui permet d’oublier le vent, il me répond, toujours sur le ton de l’évidence, que seul les tapis qu’il tisse arrivent à le distraire. Et il me prend par la main pour m’emmener voir ses beaux tapis. C’est cette beauté et créativité qui vont l’aider à dépasser les traces de la guerre. n M.R.M. Clément Quintard/Sciences Humaines

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es enfants et même les bébés sont affectés directement par les violences, nombre d’études en ont attesté. Ces traces sont d’ailleurs tellement fortes qu’elles s’inscrivent dans le présent et le futur de cet enfant en développement. Elles auront encore un impact chez l’adolescent puis l’adulte qu’il sera dans les peurs qui l’habiteront, dans sa capacité à grandir et à investir le monde sereinement. À ces effets directs vont s’ajouter les conséquences indirectes. En effet, pour survivre et grandir, les enfants ont besoin de l’aide de leurs parents ou de substituts. Or, des parents traumatisés et un groupe déstructuré par la guerre sont souvent trop préoccupés par leurs propres douleurs, leurs pertes ou leurs frayeurs pour se

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la guerre d’Afghanistan, il y a de nombreuses années. Alors qu’il était adolescent, son père meurt brutalement. Massoud est un élève brillant. Son envie d’apprendre va faire penser à sa famille que Massoud peut tenter sa chance en Occident, et revenir avec un beau métier. Massoud a alors 16 ans. Il part avec un autre adolescent du même camp qui mourra sur le chemin. Arrivé en France après avoir traversé l’Iran et l’Europe, il vit dans la rue un temps puis est accueilli dans une association. Installé là, il perd toute envie de vivre et se laisse sombrer dans une mélancolie. Il veut apprendre le français, les mathématiques, mais il est assailli par une question à laquelle il va falloir l’aider à répondre : suis-je quelqu’un de digne alors que je n’ai pas enterré mon « frère » ? (Il a été contraint de l’abandonner pour ne pas ralentir le passeur). Est-ce que c’est cela que ma mère attendait de moi ? Pour soigner Massoud, il faut l’aider à répondre à ces questions.

Des soins ici et là-bas Mais comment accompagner au mieux des tels adolescents, jeunes mineurs isolés aux ressources minimales et aux illusions immenses ? Ils déconcertent parfois ceux qui veulent les aider à construire un projet à la hauteur de leurs espérances, de leurs compétences et de leurs besoins. Nous avons mené une étude, avec la Mairie de Paris, qui visait à analyser la trajectoire de ces jeunes et la relation qu’ils établissent avec leurs travailleurs sociaux. Plusieurs résultats méritent ici d’être soulignés, car ils contribuent à définir les bonnes pratiques de quiconque veut les aider à construire un projet réaliste et cohérent :

Thomas Koehler/Photothek/Getty

Zahle (Liban), décembre 2014. Classe élémentaire dans un camp de réfugiés pour des enfants syriens.

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n Ces

jeunes ont quitté l’enfance prématurément, trop vite propulsés dans un monde violent et inhospitalier. Ils ont besoin d’un peu de légèreté. Ils ont besoin de jouer, de rêver, de faire les mêmes activités que les autres jeunes de leur âge. n Ils ont du mal à trouver leur place ; ils ont d’autant plus besoin de se sentir accueillis pour s’autoriser à se projeter dans un avenir ici. Cela suppose d’écouter leurs histoires, de ne pas les obliger à renoncer à leurs souvenirs, leurs liens. Soigner leurs blessures exige aussi d’aller chercher celles, invisibles, qui se devinent seulement. n L’école et la formation représentent souvent un des motifs ou un des rêves de leurs voyages. Elles peuvent représenter une puissante consolation des douleurs et des arrachements vécus. À condition de ne pas nier l’importance de leur langue maternelle et du respect de leurs manières de penser les choses…

La justice, la réparation et les changements historiques contribuent aussi bien sûr à leur restauration. Mais il est aussi des facteurs plus individuels qui sont de la responsabilité des parents, des soignants, des travailleurs sociaux, des éducateurs, et plus généralement de la société civile : la mise en place de soins aussi bien ici que là-bas, qui aident les enfants à revisiter la manière dont ils se voient et voient le monde, dans le but de réécrire, réinventer leurs « théories de la vie » endommagées par la guerre, c’est-à-dire la représentation qu’ils se font d’eux-mêmes, de la vie et des relations aux autres. On doit les aider à reconstruire cette envie de vivre en leur proposant des espaces qui les réaniment, qui les consolent, qui les réparent. Ceci peut être mis en place dans des soins psychothérapiques mais aussi dans des activités familiales ou sociales comme des activités ludiques, des rituels sociaux ou des fêtes. Ceci

est important à mettre en place dès l’enfance. Car à l’adolescence, si la blessure est encore béante, alors ce monde risque de devenir effrayant et non désirable pour eux, ce qui fait le lit de la violence, qu’elle soit dirigée sur soi ou les autres, et contribue aux tentations idéologiques. L’objectif est de permettre à tous les enfants de penser, selon les mots du génial Winnicott (1975), que « la vie vaut la peine d’être vécue » pour elle-même, par elle-même et pour les autres. Beau projet collectif pour notre monde. n

Pour aller plus loin… • La Violence envers les enfants, approche transculturelle Marie Rose Moro, Fabert, 2016. • « Perdre la confiance fondamentale dans la vie » Marie Rose Moro, Dalila Rezzoug et Lionel Bailly, in Marie Rose Moro, Hélène Asensi et Marion Feldman (dir.), Devenir des traumas d’enfance, La Pensée sauvage, 2014.

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Référence

André Gorz

S’émanciper du travail Père de l’écologie politique et de la décroissance, André Gorz a eu une influence importante sur la gauche grâce à son « utopie concrète » : un monde où le travail, aboli, céderait la place à des activités autonomes, conviviales et créatives. Dix ans après son suicide, que reste-t-il de ses idées ?

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G

erhart Hirsch, Gérard Horst, Michel Bosquet… Tout au long de sa vie, André Gorz a utilisé de multiples signatures, comme autant de symptômes d’une identité fuyante. Il a toujours fallu qu’il tente d’« exister le moins possible », lui qui se voyait comme un « homme séquestré dans un monde étranger et hostile  (1) ». Évitant les plateaux de télévision et étranger au monde universitaire, il n’est découvert par le grand public que tardivement, en 2006. « Nous devenons célèbres ! », déclare-t-il, narquois, à un ami  (2) devant le succès en librairie de Lettre à D., récit introspectif de l’amour fusionnel qui le lie à Dorine, sa compagne. La fin est connue : c’est avec elle et à ses côtés qu’un soir de septembre 2007, il décide de mettre fin à ses jours. Survenu il y a maintenant dix ans, ce suicide vient mettre un terme à une vie intellectuelle exigeante, celle d’un autodidacte relativement discret. La réflexion menée par Gorz a néanmoins eu un impact considérable sur la gauche des années 1960-1970. Elle a nourri des débats sur des sujets qui n’ont rien perdu de leur actualité, comme la réduction du temps de travail, le revenu universel (encadré p. 64) ou encore la fracture de la société entre chômeurs et salariés. Son influence s’est exercée sur les

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Clément Quintard

syndicalistes de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), le Parti socialiste unifié (PSU), mais aussi à l’étranger, chez les « opéraïstes » italiens d’Antonio Negri, la social-démocratie suédoise et l’université brésilienne.

Un « métis inauthentique » Soucieux du vivre mieux, Gorz tente d’esquisser les contours d’une nouvelle civilisation. Celle où le temps libre aurait supplanté le temps de travail, où l’individu se serait défait des fonctions de consommation et de production que la machine capitaliste lui assigne. Comment donner l’opportunité et l’envie de s’adonner à des activités librement choisies, autoproductives et coopératives ? Comment passer d’une société du « plus vaut plus » à une société du « moins, mieux, autrement » ? Bref, comment conquérir l’autonomie individuellement et collectivement ? Tels sont les questionnements qui se retrouvent au cœur de la pensée gorzienne, radicale à bien des titres, mais aussi pionnière en son genre. Gorz s’inquiète par exemple du réchauffement climatique dès 1954. C’est également à lui que revient la paternité du néologisme « décroissance », en 1972. À l’avant-garde du mouvement écologiste, il vient puiser dans le marxisme,

l’existentialisme, mais aussi chez Ivan Illich et Herbert Marcuse, dont il fut très proche, les références pour formuler son « utopie concrète ». Gerhart Hirsch, nom de Gorz à l’état civil, naît à Vienne en 1923 d’une mère catholique d’origine tchèque et d’un père juif directeur d’usine. Face à la montée de l’antisémitisme en Europe au début des années 1930, ce dernier se convertit au catholicisme et change de patronyme, ce qui n’empêchera pas sa famille d’être spoliée en 1939. Enfant, Gerhart, qui s’appelle désormais Horst, supporte difficilement cette origine juive qu’on lui intime de refouler. De cet imbroglio existentiel, il tirera une féroce autobiographie, Le Traître (1958), dans laquelle il n’épargne pas ses parents. Mais le traître, c’est lui : l’intellectuel condamné à s’isoler du monde. Se définissant comme un « métis inauthentique », Gorz n’aura de cesse d’affirmer, sans triomphe, qu’il « n’appartien(t) à aucune culture  (3) » – plutôt qu’à plusieurs. Il n’a que 16 ans quand il est envoyé en Suisse pour échapper à la mobilisation dans l’armée allemande. Il y décroche un diplôme d’ingénieur en chimie, fréquente les cercles littéraires étudiants, et se lance dans un apprentissage frénétique du français. Son refus, pendant plusieurs décennies, de s’exprimer et d’écrire en allemand témoigne de sa ►

Lebrecht/Leemage

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Référence

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Référence Une aventUre intellectUelle La maturation intellectuelle du père de l’écologie politique n’a rien de linéaire. Dans une biographie parue en août 2016, Willy Gianinazzi retrace l’aventure philosophique d’andré Gorz, marquée par de multiples soubresauts et inflexions. De l’existentialisme des débuts à la critique écologique de la consommation jusqu’aux réflexions \ . sur l’idéologie du travail, le fétichisme de .i:: l’argent, ou encore la privatisation de la connaissance, l’ouvrage brosse le UNEVIE portrait d’un Gorz en omnivore, qui a su rester attentif jusqu’à la fin de sa vie aux mutations de la société, de la technique et du capitalisme. les riches échanges épistolaires reproduits, commentés et contextualisés par W. Gianinazzi nous plongent dans le foisonnement intellectuel de la gauche des années 1960-1970. cette « deuxième gauche » autour de laquelle Gorz a gravité se convertira au cours des années 1980 à l’économie de marché, mais le philosophe, lui, ne se résignera pas. en lien étroit avec des syndicalistes et des intellectuels de nombreux pays (ivan illich, Herbert Marcuse, Bruno trentin, antonio negri…), il ne cessera d’explorer, sans dogmatisme, les moyens concrets pour sortir du capitalisme par le haut, c’est-à-dire en ne substituant pas une aliénation à une autre. Pour l’auteur de la biographie, la pensée gorzienne a beau être sinueuse et parcourue par de multiples influences, elle vient néanmoins puiser une cohérence globale dans deux figures majeures : Jean-Paul Sartre et Karl Marx. il en résulte « une théorie de l’émancipation campée sur deux jambes, celle de la volonté du sujet et celle de la possibilité de la situation ». n C.Q.

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À lire • André Gorz. Une vie Willy Gianinazzi, La Découverte, 2016.

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►volonté de substituer une identité hon-

nie à une autre, bricolée par ses soins. Et c’est le point de départ de ses thèses sur l’émancipation, que chacun doit conquérir. « Les individus ont à se construire eux-mêmes leur identité, à chercher euxmêmes ce qui est “juste”, à former euxmêmes, électivement, les communautés auxquelles ils puissent se sentir appartenir », déclare-t-il dans une interview (4). Lecteur de Husserl, de Heidegger et de Hegel, ses recherches le mèneront tout naturellement à l’existentialisme de Jean-Paul Sartre, qu’il rencontre à Lausanne en 1946. S’ensuit une longue entrevue (trois heures) qui se révèlera décisive. Par la suite, « (Gorz) ne semble plus se complaire dans son isolement malheureux », écrit son biographe, Willy Gianinazzi (encadré ci-contre).

L’aliénation capitaliste Après avoir emménagé à Paris en 1949, Gorz, qui a épousé Dorine quelques mois plus tôt, travaille comme journaliste sous le nom de Michel Bosquet (« Horst » signifie « bosquet » en allemand). De Paris-Presse (1951), où il côtoie Jean-Jacques Servan-Schreiber, il rejoint ce dernier à L’Express (1955), puis cofonde Le Nouvel Observateur en 1964. Le journalisme est pour lui une activité alimentaire, à laquelle il reconnaît néanmoins un gros avantage, celui de lui permettre de rester alerte sur les sujets du monde et d’amasser des connaissances, en économie notamment. La publication du Traître en 1958 le fait connaître pour la première fois sous le nom de Gorz, et lui ouvre les portes des cercles existentialistes parisiens – Sartre le fera entrer dans sa revue Les Temps modernes en 1960. Les premiers essais de Gorz (Fondements pour une morale, écrit entre 1946 et 1955 et publié en 1977 ; La Morale de l’histoire, 1959) sont marqués par une philosophie plutôt théorique. Il va par la suite s’efforcer de moins « mépriser le concret », comme le lui a conseillé Sartre. Influencée par la lecture de Marx, notamment ses écrits de jeunesse, sa réflexion philosophique prend un tournant socioécono-

mique déterminant. Comme chez beaucoup d’auteurs marxistes de l’époque, l’aliénation deviendra un thème central de l’œuvre de Gorz. Elle se déploie selon lui aussi bien dans le travail tayloriste que dans les comportements des consommateurs, façonnés par une publicité devenue « force d’éducation ». La « société capitaliste d’abondance », explique-t-il dès 1959 (5), crée des besoins artificiels marqués par une obsolescence accélérée. Ceux-ci poussent les individus à désirer ce dont ils n’ont pas l’utilité et à jeter ce qui peut encore leur servir. Gorz s’alarme alors de ce que « l’existence de millions de travailleurs ne peut être assurée que par le gaspillage systématique des richesses qu’ils produisent ». Consommer serait devenu une obligation « pour faire tourner l’économie ». De cette réflexion, il fondera sa rupture avec l’idée qu’accroissement de la consommation et accroissement du bonheur vont de pair. Une intuition écologiste qui ne le quittera plus.

L’écologiste Si Gorz peut être considéré comme un des premiers penseurs de l’écologie politique, sa vision n’est pas pour autant une ébauche archaïque et idéalisée de la protection de la planète. On ne le verra jamais se perdre dans une sacralisation fantasmagorique de la nature, qui a animé nombre de ses contemporains après 1968. Pas plus dans le piège réactionnaire d’un retour à une société précapitaliste. Son écologisme se fonde d’abord sur un constat, celui de la finitude de la planète. Le globe a des bornes physiques, et c’est cette réalité que feint d’ignorer la rationalité économique et que feint d’intégrer le « capitalisme vert ». Le mythe aveugle de la croissance infinie et exponentielle a donc pour première conséquence de détruire les ressources vitales à l’humanité, et pour seconde de créer des besoins superflus. « Recréant sans cesse la rareté pour recréer l’inégalité et la hiérarchie, la société engendre plus de besoins insatisfaits qu’elle en comble », remarquera-t-il dès 1975  (6). L’écologisme gorzien est ensuite complété par

Martin Leissl/Laif/Réa

Référence

une profonde méfiance vis-à-vis de la technique. Elle impose une domination duale, incontrôlée, qui cible à la fois les hommes et la nature.

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L’homme postmarxiste À la fin de sa vie, Gorz se saisira du concept de « capitalisme cognitif », qu’il définit comme « s’appropri(ant) non seulement le savoir qu’il a constitué, mais privatis(ant) aussi ce qui relève incontestablement des biens communs, comme le génome des plantes, des animaux et de l’humain (7) ». Cette captation n’a rien d’un fantasme : elle recouvre une réalité aujourd’hui désignée sous le nom « biopiraterie ». Breveter les connaissances et les ressources vivantes permettrait ainsi d’en monopoliser les usages et les fins, nous explique Gorz, avec en ligne de mire la volonté de les soumettre à une rationalité économique forcément destructrice. Une dérive qui selon lui laisse aussi planer la menace de l’eugénisme, et de l’arrivée imminente de posthumains robotisés et coupés du monde sensible. Comme modèle alternatif, Gorz imagine une société de la sobriété des besoins et de la convivialité. Celle où la libre circulation numérique des savoirs serait mise au service de « l’autodéveloppement » et de nouvelles solidarités. Un idéal qui le fera s’intéresser, non sans suspicion, aux mouvements informatiques du logiciel

libre, du copyleft et de l’open source. Gorz a adhéré comme bon nombre de ses contemporains au marxisme. Jusqu’à la fin de sa vie, il estimera Marx comme un « auteur fascinant du 19e siècle (…) dont beaucoup de descriptions restent d’une pertinence stupéfiante (8) ». S’il ne cessera de se référer à ses écrits, il n’en tentera pas moins d’en démontrer méticuleusement les limites. Les deux auteurs sont d’accord sur un point : l’industrialisation capitaliste a privé les travailleurs de leur humanité. Elle en a fait des êtres interchangeables en rendant leurs actions prévisibles et mesurables, bref, elle les a déshumanisés et réduits à un simple facteur de production. En revanche pour Gorz, l’utopie prolétarienne défendue par Marx est faussement émancipatrice, car elle entend libérer les travailleurs, mais évacue pourtant leur désir individuel d’autonomie. Le prolétaire modèle apparaît sous les traits de Marx comme un homme atomisé, qui a refoulé sa subjectivité et ses aspirations au nom de l’intérêt supérieur du prolétariat. Gorz, qui tirera de son exégèse de Marx un livre polémique, Adieux au prolétariat (1980), réprouve cette idéologie sans sujet qui « exige (…) l’amour de la dépersonnalisation, c’est-à-dire le sacrifice de soi », si bien que « le pouvoir du prolétariat est l’inverse symétrique du pouvoir du capital (9) ».

Autre point de rupture : l’utopie prolétarienne se réclame d’une éthique du travail que Gorz estime dépassée. Dans le marxisme, l’ouvrier est incité à s’identifier à sa fonction productive pour reprendre en main son existence. Grâce au travail, un « homme universel » est forcé d’advenir, et ce dernier se réalisera pleinement en s’emparant de l’appareil productif. L’enjeu est que cet homme (qui n’était rien, mais qui est en passe de devenir tout), redéfinisse par et pour luimême les tâches que le capital a rendu mutilantes. Ce projet d’émancipation collective, qui continue de consacrer la centralité du travail, ne peut se réaliser pour Gorz : le capitalisme a atteint aujourd’hui un tel degré de complexité et d’intégration que le travail à but économique et la vie réelle sont devenus irréconciliables. Au lieu de se libérer par le travail, il conviendrait donc, selon Gorz, de s’en libérer tout court.

Invention du travail Dès la fin des années 1940, Gorz a vu le taylorisme comme une terrible perte de sens pour les ouvriers. Entre processus productifs inintelligibles et interchangeabilités des postes, il a toujours refusé de voir dans la division du travail un quelconque progrès, ou même une évolution insurmontable. Dans Métamorphoses du travail (1988), ouvrage qu’il considérera comme l’un de ses plus aboutis, Gorz décortique « l’invention » du travail moderne, qu’il fait remonter à l’avènement du capitalisme industriel il y a deux siècles. Avant cette époque, les ouvriers-artisans pouvaient encore s’enorgueillir d’un savoir-faire qui les rendait maîtres de leur outil et du produit de leur effort, sortes d’extensions d’euxmêmes. Le fait de produire consistait alors à « s’autoproduire ». Cantonné à la sphère privée, le travail restait indexé sur la vie réelle et était entièrement tourné vers la satisfaction de besoins courants et stables. La raison économique, en subdivisant les tâches, a permis une « intégration fonctionnelle » du travail, transformant l’ouvrier en simple rouage d’une « méga- ► Avril 2017 ScienceS HumaineS 63 N° 291

Référence ► machine ». Sa conduite est devenue nomie, déjà développée dans Adieux vacant. Un tel retournement ne peut se « rationnellement adaptée à un but, indépendante de toute intention (de sa part) à poursuivre ce but, dont en pratique, il n’a même par connaissance (10) ». On aurait beau jeu d’opposer à Gorz que la division du travail est la condition sine qua non de l’accroissement de la productivité, de la richesse et du progrès, comme l’a théorisé Adam Smith au 18e siècle. Pour Gorz, elle est surtout synonyme d’une perte de créativité : « Il fallait séparer (les ouvriers) de leur produit et des moyens de produire pour pouvoir leur imposer la nature, les heures, le rendement de leur travail et les empêcher de rien produire ou d’entreprendre par eux-mêmes  (11). » Gorz reprend ici l’opposition entre hétéronomie et auto-

au prolétariat et que lui avait inspiré sa lecture d’I. Illich. Est hétéronome un travail dont les fins échappent au contrôle de son exécutant. A contrario, l’activité autonome est affranchie de toute nécessité et n’a d’autre fin qu’elle-même. Gorz cite par exemple les activités artistiques, éducatives, scientifiques, culturelles, solidaires et collectives qui, lorsqu’elles sont étrangères à toute rationalité économique marchande, sont facteurs d’émancipation.

Fin du travail L’utopie concrète de Gorz se dessine : en limitant la sphère de l’hétéronomie à son strict minimum, celle de l’autonomie viendrait spontanément remplir l’espace

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le revenU D’exiStence : oui, mais… Porté par les socialistes en 2017, le projet de revenu universel – ou d’existence – passe souvent comme une proposition neuve. en réalité, il revient périodiquement dans le débat public. cette idée a existé sous des formes archaïques dès le 18e siècle en Grande-Bretagne, note andré Gorz dans Métamorphoses du travail (1988). en 1996, après avoir souvent changé d’avis sur les possibilités et les limites d’une telle mesure, le philosophe se rallie à l’idée d’un revenu garanti. Mais dans sa version, il doit être inconditionnel, suffisant, et ne pas constituer un palliatif au travail. Bien que Gorz tente de limiter au maximum le poids du 64 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

travail dans l’existence, il estime que les partisans d’un revenu de base qui permettrait de « vivre sans travailler » se trompent : « (ils) pensent qu’il y aura toujours des gens volontaires pour se former, être actifs professionnellement et assurer les travaux ingrats (…) parce que ça leur fait envie ou plaisir (1) . » Dans la mesure, nous dit Gorz, où le travail n’est pas une question de volontariat mais de nécessité, que certains puissent s’impliquer moins que d’autres dans les activités productives, c’est recréer une cassure au sein de la société. « Si tu exiges que les autres portent le poids de la nécessité pour toi, tu t’exclus toi-même de la société, et par là tu perds ce sur

quoi se fonde ton droit : tu es quelqu’un dont les autres n’ont pas besoin. » Un revenu universel qui accentuerait la fracture sociale plutôt que la combler n’a en effet pas de sens pour Gorz. il propose d’instaurer un quota d’heures de travail obligatoires et réparties tout au long de la vie, selon le bon vouloir de celui qui les exécute. Sa vision de l’allocation universelle s’intègre donc dans sa « civilisation du temps libéré », où le travail est un mal nécessaire qu’il faut partager entre tous, mais aussi disperser librement dans l’existence. n C.Q.

(1) andré Gorz, Le Fil rouge de l’écologie. Entretiens inédits en français, EHEss, 2015.

réaliser que par une réduction drastique du temps de travail. Outre que celle-ci offrirait aux individus l’opportunité de s’épanouir hors du travail, Gorz y voit aussi une mesure de justice sociale. Son raisonnement est le suivant : vendre le plein emploi comme un idéal et poursuivre dans un même mouvement l’augmentation continue de la productivité est aussi vain qu’absurde. « L’économie, écrit-il dans un article du Monde diplomatique en 1993, n’a pas pour tâche de donner du travail, de créer de l’emploi. Sa mission est de mettre en œuvre, aussi efficacement que possible, les facteurs de production, c’est-à-dire de créer le maximum de richesses avec le moins possible de ressources naturelles, de capital et de travail. » La rationalité économique entend dès lors économiser du travail. Il y aurait de quoi s’en réjouir selon lui : l’automatisation et la robotisation pourraient donc à terme dégager suffisamment de temps libre pour permettre à tous de s’adonner librement à des activités autonomes. Cette projection, bien que contestable  (12), fonde le rêve gorzien de la fin du travail salarié. Cependant, nous dit Gorz, « au lieu d’y voir une tâche exaltante, nos sociétés tournent le dos à ces perspectives et présentent la libération du temps comme une calamité ». La rareté du travail, à défaut de faire l’objet d’une répartition équitable, se retrouve au cœur d’une compétition acharnée, si bien que ce n’est que parce qu’une partie de la population est condamnée au chômage, à la précarité et à l’exclusion, qu’une autre classe de salariés peut bénéficier d’une stabilité de l’emploi. L’injonction contemporaine de faire de son travail la source de son identité et le lieu de son épanouissement semble dès lors bien illusoire si son accès n’est réservé qu’à une population de privilégiés. Elle prend une tournure aliénante quand le dévouement sans faille à sa « mission » prend le pas sur toutes les autres dimensions (familiale, amicale, citoyenne) de la vie, car, soumises à des aléas capricieux et imprévisibles, la centralité du travail dans l’existence devient source de multiples mal-être et angoisses

Référence s’iL FaLLaiT N’EN LiRE QUe trOiS le traÎtre, 1958 Dans cette autobiographie existentielle préfacée par Jean-Paul sartre, premier ouvrage qu’il signe sous le nom d’andré Gorz, le philosophe raconte son adolescence autrichienne contrariée par la seconde Guerre mondiale. L’exil qu’il subit est double : il y a la fuite en suisse pour échapper à la mobilisation dans l’armée allemande, mais aussi l’exil intérieur, identitaire : ce récit à la troisième personne retrace la nécessité qu’il a eue de s’inventer, de refuser le conformisme et de « trahir » les rôles qui lui étaient destinés.

Ecologie

et politique

•• ÉcOlOGie et POlitiQUe,

AndréGorz

Métamorphoses dutravail

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Ctllilpl,........

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1975

Dans cet ouvrage, andré Gorz conçoit la lutte écologique comme une « étape » menant à une transformation sociale radicale, et non comme une « fin en soi ». L’écologie politique, nous dit Gorz, est un moyen de mettre en lumière les logiques destructrices du capitalisme, et donc de le renverser. De là pourra émerger un nouveau rapport de l’homme à la nature. affranchi des injonctions productiviste et accumulatrice, ce dernier sera en capacité d’autolimiter ses besoins, condition indispensable pour mener une vie sobre et émancipée.

MÉtaMOrPHOSeS DU travail. critiQUe De la raiSOn ÉcOnOMiQUe , 1988 Le travail à but économique n’a pas toujours étouffé toutes les autres activités non marchandes : c’est le point de départ de cet ouvrage, dans lequel andré Gorz décortique les mutations qui ont conduit le travail à devenir le seul et unique moyen d’accomplissement de soi, alors même que celui-ci se coupait de plus en plus de la vie réelle. La rationalité économique qui s’est imposée avec l’avènement du capitalisme industriel a permis ce divorce entre ce que l’on produit et ce dont on a besoin. Expansionniste, cette dernière a investi des pans de l’existence où elle était jusque-là absente, comme les loisirs, la culture, la médecine ou même la maternité, et en a dévoyé le sens. La raison économique apparaît alors, sous la plume de Gorz, comme un facteur de désintégration sociale, non de progrès et de richesse pour tous. n C.Q .

réunis aujourd’hui sous l’étiquette de « risques psychosociaux ».

L’urgence de l’essentiel Les positions radicales de Gorz sur le travail, qu’il finit par envisager comme discontinu dans l’existence pour en contrecarrer l’importance, n’ont pas convaincu tout le monde. En souhaitant la fin du travail salarié, ou en parlant de le pratiquer de manière irrégulière, Gorz ne se fait-il

pas l’apôtre d’une forme ultralibérale de flexibilité ? C’est la question que se pose Anne-Marie Grozelier dans En finir avec la fin du travail (1998). De même, pourquoi Gorz envisage-t-il toujours une part substantielle de travail dans l’existence de chacun, si travailler dans un but économique est fondamentalement néfaste pour l’existence ? Enfin, comment ne pas voir une certaine forme d’intellectualisme hors-sol dans son souhait de voir

l’ensemble de la population se consacrer, en lieu et place du travail salarié, à des activités potentiellement émancipantes comme la peinture sur tissu, la poterie, la visite de musées, ou encore la microélectronique ? Comme si, en dehors du travail, toutes les autres occupations que les individus se choisiraient seraient par nature non aliénantes. Peut-être faut-il prendre la pensée de Gorz pour ce qu’elle est : un appel à se recentrer sur l’essentiel. En invitant à délaisser le quantitatif pour le qualitatif, la marchandisation de soi pour la convivialité, le travail pour le temps libre, Gorz est resté obsédé par les moyens concrets d’accès, pour tous, à une vie meilleure. La sienne se conclut à l’âge de 84 ans dans un ultime sursaut de liberté. Cette mort, il l’avait suggérée dans Lettre à D. un an plus tôt : « La nuit, je vois parfois la silhouette d’un homme qui, sur une route vide et dans un paysage désert, marche derrière un corbillard. Je suis cet homme. C’est toi que le corbillard emporte. Je ne veux pas assister à ta crémation, je ne veux pas recevoir un bocal de tes cendres. » Le 22 septembre 2007, aux côtés de sa femme Dorine, victime depuis des années d’insupportables maux de tête, André Gorz choisira de mettre fin à ses jours. n (1) andré Gorz, Le Traître, 1958, rééd. Gallimard, coll. « Folio », 2005. (2) cité par Willy Gianinazzi dans André Gorz. Une vie, La Découverte, 2016 (3) interview d’andré Gorz par marie-France azar dans « À voix nue », France Culture, mars 1991 (4) Michel constat et thomas Ferenczi, « un entretien avec andré Gorz », Le Monde, cité par Willy Gianinazzi, op. cit. (5) andré Gorz, La Morale de l’histoire, seuil, 1959. (6) andré Gorz, Écologie et politique, seuil, 1975. (7) andré Gorz, Le Fil rouge de l’écologie. Entretiens inédits en français, EHEss, 2015. (8) interview d’andré Gorz par marie-France azar, op. cit. (9) andré Gorz, Adieux au prolétariat. Au-delà du socialisme, Galilée, 1980. (10) andré Gorz, Métamorphoses du travail, quête du sens, 1988, rééd. Gallimard, coll. « Folio », 2004. (11) Ibid. (12) voir Jean-François Dortier, « Les robots vont-ils tuer les emplois ? », Sciences Humaines, n° 274, octobre 2015.

Avril 2017 ScienceS HumaineS 65 N° 291

Livre du mois

L’artiste et le dictateur Malgré leur adhésion aux idéaux de la révolution de 1917, les artistes d’avant-garde russes visés par la censure puis par la terreur stalinienne n’eurent d’autres choix que se taire, s’exiler ou mourir. Mais leurs noms sont aujourd’hui dans toutes les mémoires. N icolas J ourNet

P TzvetanTodorov

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Le Triomphe de l'artiste

Le triomphe de L’artiste Tzvetan Todorov Flammarion, 2017, 332 p., 20 €.

66 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

ublié quelques jours à peine après le décès de son auteur, ce nouvel essai de Tzvetan Todorov est un regard jeté en arrière sur une période qu’il a manqué de peu de côtoyer : celle des trois décennies qui ont vu la montée de la révolution socialiste en Russie, le triomphe du bolchevisme, puis celui du stalinisme. Todorov, né en 1939, a durant près de vingt ans vécu sous la férule du communisme « à la bulgare », par moments à peine moins brutal que son homologue soviétique : c’est à la fois d’une mémoire personnelle, mais aussi de bien d’autres enjeux qu’il est question dans les lignes de cet ouvrage d’hommage à certains créateurs russes d’avant-garde. Todorov ne se veut pas tant historien que mémorialiste et moraliste, saisissant, comme il l’avait fait dans plusieurs de ses précédents ouvrages (Insoumis, 2015, Le Siècle des totalitarismes, 2010, Les Aventuriers de l’absolu, 2005) le récit de vie comme témoignage et comme support d’une réflexion

sur le sens de la création littéraire et artistique. La révolution russe de 1917, avant d’ouvrir la porte au « premier État totalitaire de l’histoire », a d’abord été une idée, une conviction commune : celle de la fin d’un monde décadent, et de sa nécessaire transform a t i o n . C ’e s t u n e i d é e , explique Todorov, que les avant-gardes artistiques et littéraires – proliférant à l’époque en Russie comme à l’Ouest – avaient toutes les raisons de partager. Les poètes Maïakovski et Khlebnikov, le metteur en scène Meyerhold sont « futuristes », et célèbrent la vitesse, la modernité et même le « taylorisme », le peintre Kasimir Malevitch est « suprématiste », et voue aux gémonies toute forme de représentation, la poétesse Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam sont « acméistes », et jettent aux oubliettes leurs maîtres symbolistes. L’enthousiasme novateur de ces mouvements a ceci de commun avec les révolutionnaires de tous bords que leur ambition est, souligne

Todorov, démiurgique : c’est le fameux principe de la « table rase », sur laquelle on va tout reconstruire. Ainsi, beaucoup d’artistes accueillent la chute du régime tsariste et la révolution avec espoir, même si certains, comme Mikhaïl Boulgakov et Maxime Gorki, sont horrifiés par la violence des événements.

I

l s’agit, bien sûr, d’un malentendu. Les bolcheviks vainqueurs, quant à eux, s’intéressent peu à ces innovations jugées « formalistes », mais ils entendent rallier les jeunes créateurs à leur cause, tout en l e s s u r ve i ll a nt , ava nt d e déployer après 1932 des moyens de plus en plus brutaux de les mettre au pas. Aussi, pour ces artistes, la voie sera étroite : il leur faudra soit se mettre au service de l’art officiel, soit défier la censure, émigrer, se taire ou finir au goulag. Ce sont ces destins, parfois choisis aveuglément, que Todorov nous invite à suivre, avec leurs revirements

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Éric Fougère/VIP/Corbis

Livre du mois

tzvetan todorov Né en 1939 en Bulgarie, il se rend en France en 1963, et y fait des études de psychologie, en même temps qu’il traduit en français les théoriciens formalistes russes. Recruté au CNRS en 1968, il y fera toute sa carrière. D’abord considéré comme un théoricien structuraliste de la littérature, Todorov élargit son intérêt à l’histoire de l’art et des idées dans les années 1980. L’œuvre historique et philosophique qu’il développe ensuite en une trentaine d’ouvrages est à la fois éclectique et portée par un idéal : celui d’un humanisme ouvert, attaché à la liberté de l’individu, mais aussi soucieux des autres et des règles de la vie commune. Il est mort à Paris le 7 février 2017.

brusques et leur fin en général tragique. Isaac Babel, compagnon d’arme des bolcheviks, célébré pour son roman Cavalerie rouge, ne peut plus publier après 1926, car il écrit ce qu’il voit et entend. Il sera fusillé en 1939. M. Boulgakov, dont les pièces sont encore jouées dans les années  1920, est réduit au silence et rêve d’émigrer. Il ne le pourra jamais. Boris Pasternak veut être un romancier près du peuple, admire Gorki, mais ne supporte pas la terreur et rédige secrètement son Docteur Jivago durant dix ans. Le poète Maïakovski, bolchevik de la première heure, se fait propagandiste du régime malgré son « futurisme » peu conforme : cette mixture finira en suicide en 1930. Evgueni Zamiatine, ex-bolchevik déçu, publie en 1924 le roman Nous autres qui inspirera Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley : menacé et muselé, il finira en exil à Paris. Le poète Mandelstam, qui a peu d’atomes crochus avec le marxisme, a le malheur de composer en 1933 une Épigramme contre Staline : il est exilé en province, puis condamné au goulag et meurt en Sibérie en 1938.

A

nna Akhmatova voit son exmari fusillé en 1922 et est interdite de publication en 1925. Marina Tsvetaeva, poétesse, perd son mari et sa fille, accusés d’espionnage en 1939, et se suicide en 1941. Toutes ces vies brisées, sinon entravées, sont celles d’artistes qui, sans se poser en adversaires d’une

révolution que certains appelaient même de leurs vœux avec enthousiasme, n’acceptaient pas que leur façon d’écrire, de peindre ou de composer soit soumise aux diktats d’un « art prolétarien », ainsi qu’à l’arbitraire de la censure stalinienne.

À

cet égard, le destin du peintre Malevitch, auquel Todorov consacre presque la moitié de son livre, est emblématique. Malevitch est l’exemple même du plasticien radical, partisan de la « table rase » : en 1915, il expose son Carré noir sur fond blanc, quintessence de l’abstraction par laquelle il entend tordre le cou à toute représentation. En 1917, il est député au soviet de Moscou, et enseigne à l’Académie. Puis il enseigne à Vitebsk et à Leningrad. Mais le vent tourne vite : son art a beau être révolutionnaire, il n’a rien de social. Malevitch perd ses moyens d’existence, ne vend rien en Russie, et n’est pas autorisé à émigrer. Durant dix ans, il cesse de peindre, et théorise son « suprématisme », un art qu’il décrit « sans objets, sans figure humaine, et sans utilité non plus ». On le traite en haut lieu de mystique, d’idéaliste, d’individualiste, de bourgeois, et si des sanctions plus lourdes ne tombent pas, c’est, selon Todorov, qu’il est protégé par des amis mieux en place. Réduit à la misère, il reprend ses pinceaux en 1928, et produit une abondante série d’œuvres plus figuratives, qu’il antidate par prudence. Derrière ce qui peut passer pour

une concession au pouvoir, Todorov voit une ultime révolte, consistant à représenter ce que l’artiste a vécu de la part du régime : il peint des personnages, cer tes, mais leurs visages sont vides, comme si une « machine à broyer les esprits » les avait anéantis. Son sort, d’ailleurs, n’en sera pas amélioré : il passe par la case prison et mourra dans la pauvreté en 1935.

Q

uelle leçon tirer de ces vies d’hommes et de femmes illustres ? Todorov prend soin de montrer comment, par des voies différentes, ils ont tous tenté de conserver une part de liberté de penser et de créer. Les sanctions qui les ont frappés n’étaient liées à aucun délit, aucune trahison, autre qu’une forme d’insoumission aux demandes officielles. Ils des combattants de la libertéde créer, et l’autre grand enseignement de ce livre consiste en ceci : leurs œuvres et leurs noms sont aujourd’hui admirés et estimés, tandis que celles et ceux de leurs délateurs et de leurs bourreaux ont sombré dans l’oubli ou dans la détestation. C’est à cette forme d’immortalité par les œuvres et par la mémoire, celle que déjà Todorov décrivait dans Vivre seuls ensemble (2012), que l’on doit de pouvoir célébrer avec lui, une nouvelle, fois le « triomphe de l’artiste » sur celui qui veut sa mort, et parfois l’obtient. Une très belle leçon, que Todorov avait entrepris d’illustrer et de développer avec beaucoup de talent durant les trente dernières années de sa carrière. n Avril 2017 ScienceS HumaineS 67 N° 291

Livres SOCIOLOGIE

Vers la prison algorithmique ? «N

La siLicoLonisation du monde L’irrésistible expansion du libéralisme numérique

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Éric sadin L’Échappée, 2016, 292 p., 17 €.

LI nouvelle

ous vivons déjà une catastrophe majeure », annonce Éric Sadin dans son dernier ouvrage, La Silicolonisation du monde. Le philosophe du numérique se veut lanceur d’alerte car selon lui, « l’irrésistible expansion du libéralisme numérique » menace notre humanité en instaurant rien de moins qu’un « changement de civilisation ». Sous le vernis d’une image jeune, cool, héritée de la libération des mœurs et du mouvement hippie, portés par une exceptionnelle réussite économique, les géants de la Silicon Valley (Google, Amazon, Facebook, Apple…) sont sur le point d’imposer au monde une nouvelle idéologie, celle du « technolibertarisme ». Sous couvert d’œuvrer pour le bien de l’humanité, les acteurs de la révolution numérique instaureraient un régime dans lequel l’homme est en permanence guidé par les algorithmes et les systèmes computationnels. Déjà, en s’appuyant sur une quantité colossale de données personnelles, les géants du Web procèdent à un ciblage individualisé débouchant sur des offres d’achat dans tous les domaines. Vous avez acheté un roman historique et le DVD d’un film de zombies sur Amazon ? Le site vous proposera d’autres produits du même genre. Et pour cela, vos données auront été passées au crible d’un algorithme de plus en plus sophistiqué. Si cela peut permettre de découvrir des œuvres qui nous plaisent, cela induit également le déclin du conseil humain – celui des libraires et des vendeurs de DVD – ainsi que la fin du hasard, de la découverte impromptue. C’est un des aspects les plus inquiétants du « projet politique de la Silicon Valley », selon l’expression de Philippe Vion-Dury, auteur d’un premier essai, complémentaire de celui d’É. Sadin. Dans La Nouvelle Servitude volontaire, il décrit minutieusement l’élaboration d’une « prison algorithmique » (aboutissement de « l’accompagnement algorithmique » d’É. Sadin) au sein de laquelle la créativité et l’aléa sont bannis : « Les systèmes de

~---~~

SERVITU

VOLONTAIRE da111Si6Co11Yillfy

-La nouveLLe servitude voLontaire enquête sur le projet politique de la silicon valley Philippe vion-dury Fyp, 2016, 256 p., 20 €.

68 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

recommandation et de personnalisation sont des machines à broyer la créativité et l’émancipation », écrit-il. Les algorithmes se développent dans bien d’autres champs. Ils permettraient à des unités de police d’intervenir préventivement en calculant la probabilité qu’un crime soit commis dans un secteur. Ils jouent le rôle de recruteurs pour des entreprises. Ils indiquent les études à poursuivre pour les élèves. Des sociétés d’assurance les utilisent pour instaurer un système de bonus/malus par le truchement d’une application mobile qui mesure les activités de la journée et détermine la variation du risque d’accident. Tout cela s’écrit au présent. Si elles ne sont pas encore généralisées, ces pratiques existent. Demain ce sera la voiture intelligente, puis la maison intelligente, voire la ville intelligente. La ville sud-coréenne de Songdo en est déjà un prototype. Les capteurs y sont légion, permettant de mesurer la consommation d’électricité de chacun, d’identifier les voitures qui circulent, de contacter visuellement n’importe lequel de ses voisins… Les analyses documentées et éclairantes d’É. Sadin et de P. Vion-Dury aboutissent à une conclusion similaire : en laissant libre cours à la numérisation à outrance, l’homme tend à se départir d’un peu de sa capacité de décision. Or c’est précisément ce qui fait son humanité. Le risque de laisser place à une « société de contrôle » (selon l’expression de Gilles Deleuze) où le sensible est peu à peu gommé est bien réel. Le processus, bien engagé, n’est pas inéluctable. À nous de choisir d’agir en conscience, d’accepter ou de refuser les objets connectés et les capteurs, de conserver son esprit critique, surtout. n Thierry Jobard

Livres

E

mÉmoire vive chroniques d’un quartier, Bataclan 2015-2016

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sarah gensburger Anamosa, 2017, 252 p., 21,90 €.

Ou1l•l V.J1ndtr(h1cht

Cl! Q.Ul! RJ!GARDJ!ll Vl!UTD I RJ! rou,.un. 110Clo loai. "~n.

ce que regarder veut dire Pour une sociologie visuelle daniel vander gucht Les Impressions nouvelles, 2016, 284 p., 20 €.

cadre du programme CNRS « Réaction sociale aux attentats », comme le REAT auquel elle participe. Une « dynamique de patrimonialisation » se donne à voir, grâce à la présentation de ce moment intermédiaire, entre les événements terroristes traumatiques et la collecte des lettres et des dons par les archives publiques. C e m o m e nt d’e ntr e - d e u x contribue à transformer les témoignages : exposés aux intempéries et aux diverses interventions (agents d’entretien, collectif de riverains, badauds), une partie d’entre eux ont été détériorés ou perdus. Ainsi, une banderole « Même pas peur », rare symbole de résistance face au ter-

rorisme affiché place de la République, a disparu du jour au lendemain. Elle ne figurera jamais dans les archives. Même sauvés, les messages et dons ne seront plus jamais exposés de la manière dont ils l’étaient sur les lieux mêmes. Les photographies et observations de S. Gensburger permettent d’en garder quelques traces et aussi de comprendre comment ces lieux se transforment sous l’effet du terrorisme. Car, comme l’explique la chercheuse, le quartier du Bataclan est devenu emblématique aujourd’hui : c’est un lieu de recueillement pour commémorer les attentats de novembre 2015, mais aussi d’autres, en France et ailleurs. n Maud Navarre

es sociologues affirment

Klein… daniel vander gucht

autrement dit, d’un ensemble

souvent que, comme pour

ntre la chronique de journaliste et le journal de terrain du chercheur, le livre de la sociologue Sarah Gensburger décrit comment le quartier du Bataclan a été affecté depuis les attentats terroristes. De décembre 2015 à l’été 2016, la chercheuse qui réside dans ce quartier a observé régulièrement les lieux des attentats et les mémoriaux éphémères qui s’y sont créés, aux abords du Bataclan, sur la place de la République et ailleurs. Elle a recueilli des témoignages et des photos qu’elle soumet au regard du sociologue. Ce sont des analyses par tielles, la science en train de se faire, qu’elle livre dans l’attente des r é s u l t at s c o n s o li d é s d e s enquêtes menées dans le

L

justifie brillamment dans cet

d’opérations

les photographes, leur

ouvrage tout l’intérêt que les

méthodologiques qui vont

pratique professionnelle est

sociologues peuvent avoir à

bien au-delà des choix

affaire de coup d’œil. Fort

pratiquer la photographie

mécaniques de la prise de

paradoxalement, l’usage des

sociale et le cinéma du réel.

vue. si l’enthousiasme actuel

images est étranger à la

il ne faut pas se leurrer : les

provoqué par ce que les

plupart des spécialistes du

images en elles-mêmes ne

anglo-saxons appellent les

monde social. depuis

disent rien et l’on ne saurait

visual studies se confirmait, il

quelques années cependant,

croire aveuglément en une

n’est pas improbable que

la sociologie visuelle connaît

prétendue vérité visuelle.

d’ici peu, ainsi que le

un véritable intérêt, non sans

tout comme un

souhaitait l’anthropologue

lien avec le succès rencontré

questionnaire d’enquête, les

andré Leroi-gourhan, il soit

par le travail de grands

photographies et les

enfin possible de soutenir

cinéastes et

documentaires filmés sont

une thèse en sciences

documentaristes comme

construits. Les informations

sociales à l’aide de photos

raymond depardon,

qu’ils véhiculent et le sens

ou d’un film… n

Frederick Wiseman, William

qu’ils suggèrent résultent,

CléMeNT lefraNC Avril 2017 ScienceS HumaineS 69 N° 291

Livres pSyChOLOGIE RANKA BIJELJAC-BABIC

L'ENFANT BILINGUE OELAPETITE ENFANCE À L'ÉCOLE

L’enFant BiLingue de la petite enfance à l’école

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ranka Bijeljac-Babic Odile Jacob, 2017, 172 p., 20,90 €.

L

e bilinguisme est le fait de pratiquer deux langues de façon régulière. C’est le sort, estime-ton, de plus de 60 % des habitants de la planète d’y être amenés pour diverses raisons, et ce, en général, depuis leur enfance. Pour autant, une controverse existe, depuis des années, concernant les inconvénients ou les avantages d’exposer les enfants à un double apprentissage précoce. En France – pays officiellement monolingue –, un rapport est souvent établi entre les difficultés scolaires des enfants d’immigrés et l’allophonie familiale : jusqu’à une période récente, on conseillait aux parents d’élever leurs enfants dans la langue de l’école autant qu’ils le pouvaient. Dans cet essai bref, mais dense, Ranka

C

contrôLe comment s’inventa l’art de la manipulation sonore Juliette volcler La Rue musicale/La Découverte, 2017, 160 p., 14 €.

70 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

ontrôler les compor tements par le son, telle était l’obsession d’Harold BurrisMeyer. S’étonnant que le personnage ne figure pas dans les encyclopédies, Juliette Volcler, chercheure indépendante, exhume la biographie de cet ingénieur et homme de théâtre, précurseur de la manipulation sonore. Tout aurait commencé en 1930. H. Burris-Meyer, alors directeur du théâtre de l’institut Stevens, met au point des hautparleurs capables de simuler le son d’un orchestre. Cela suscite chez lui un désir de rationaliser les productions sonores et de maîtriser les réactions des auditeurs. Il rêve d’inventer un fauteuil capable de détecter leurs émotions à partir des comportements et états physiologiques. Son invention verra le

Bijeljac-Babic, psycholinguiste, réunit les raisons les plus scientifiques qu’on possède d’affirmer que le bilinguisme précoce, loin d’être un problème, est un avantage certain. Tout d’abord, elle met les points sur les « i » : les bilinguismes les plus en butte à la critique visent des langues parentales estimées « peu utiles ». On ne vous reprochera pas de parler anglais à votre bambin. Ensuite, de quels inconvénients parle-t-on ? On a surtout incriminé les risques de confusion des langues, d’accès tardif à la parole, de moindre développement lexical. L’auteure montre, expériences à l’appui, qu’aucune de ces accusations n’est fondée. La confusion des langues n’existe pas, même chez les nouveaunés, et le retard lexical – s’il se

manifeste – est rapidement surmonté, tant les jeunes enfants ont une facilité étonnante d’apprentissage. Il y a même mieux. Des expériences montreraient que des avantages cognitifs sont associés au bilinguisme précoce : attention accrue, vivacité d’exécution, compréhension des intentions d’autrui. Quant aux éventuelles difficultés scolaires, elles sont dues à d’autres facteurs. On trouvera difficilement un plaidoyer plus scientifiquement argumenté en faveur d’une exposition précoce des enfants à une deuxième langue : c’est un bénéfice net et sans grand effort, à comparer avec les difficultés que rencontre un adulte face à l’acquisition d’une langue étrangère. n NiColas JourNeT

jour en 1970, il le nommera l’Encabulator. Entretemps, l’ingénieur est engagé comme consultant pour Muzak Corporation en 1938. Il y développe des programmations musicales pour restaurants, magasins, usines ou encore pour les trains et les avions. Dans une usine de feux d’artifice située en GrandeBretagne, une expérience montre que, grâce à la musique, la productivité augmente de 6 à 11 % sur certains créneaux horaires. La musique est peu à peu intégrée dans les lieux de travail pour créer un environnement le plus favorable possible. Les équipements réalisés par H. Burris-Meyer vont également être sollicités par les armées pour soutenir l’effort de guerre. Chargé de trouver des sons capables d’effrayer l’ennemi, il

va concevoir une « armée fantôme », utilisant 1 000 hommes pour en simuler 30 000, à l’aide de chars et canons gonflables, de fausses transmissions de radio et surtout des véhicules sonorisés. Sa spécialité servira, au sein de la CIA, à la lutte anticommuniste. J. Volcler rapporte la fuite en avant vécue par l’ingénieur, conscient du péril totalitaire lié à cette technique, mais porté par son obsession de se servir du son pour rendre les gens plus efficaces et heureux. En nous invitant à nous intéresser à la manipulation sonore, J. Volcler met le doigt sur un moyen d’influence souvent occulté par le pouvoir que l’on attribue plus couramment à l’image. n Julia bihl

Livres SCIEnCES du L a nG aGE CfèCILE Al,DUY

Ce qu'ils disent vraiment W pollllquc:spri:saux mou

PRÉSIDENT! ELLE 2017 ,1111

ce qu’iLs disent vraiment Les politiques pris aux mots cécile alduy Seuil, 2017, 394 p., 21 €.

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épouillant plus de 1 300 textes produits entre 2014 et 2016, Cécile Alduy, professeure de littérature à l’université de Stanford et chercheuse associée au Cevipof, dissèque le vocabulaire utilisé par certaines figures majeures du débat politique. L’analyse des mots fréquemment employés par les politiques dessine des lignes de faille à propos de grandes thématiques comme le libéralisme économique, le conservatisme culturel, l’immigration, le rapport au monde, à la nation et à l’Europe. Ainsi, plus on est proche de l’extrême droite, plus on parle d’immigration. À l’inverse, plus on est à gauche, moins on en parle. Idem pour le conservatisme sociétal, exprimé notamment par François Fillon

dans un discours orienté vers la « famille », la « foi » et l’« autorité ». L’analyse réserve quelques surprises à gauche : il s’avère que François Hollande partage le vocabulaire économique d’Alain Juppé et de F. Fillon, et donne même plus d’importance qu’eux aux termes « compétitivité » et « croissance ». Chez Jean-Luc Mélenchon, c’est le terme « souveraineté », valeur la plus haute dans son classement, qui est en décalage avec ses sympathisants du Front de gauche, lesquels ne sont que 4 % à la considérer importante. C. Alduy se penche aussi sur la sémantique lexicale particulière des orateurs. Chez J.-L.  Mélenchon, le substantif « peuple » désigne les classes défavorisées, les précaires et les

inaudibles, tandis que Marine Le Pen l’emploie dans un sens ethnique : elle parle du « peuple français » pour le distinguer des immigrés. Autre exemple : F. Fillon parle presque autant de « révolution » que J.-L. Mélenchon, mais s’en tient à des comparaisons économiques (« État au bord de la faillite », « travail qui fait défaut ») en se gardant bien de rappeler l’épisode de l’abolition des privilèges. L’analyse dévoile ainsi les stratégies des acteurs politiques et leur vision du monde sous-jacente. On regrettera seulement que ni Emmanuel Macron ni Benoît Hamon ne soient examinés : on aurait aimé voir comment leur volonté d’incarner la « nouvelle politique » se traduit dans leurs discours. n J.b.

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Retours sur l'èmanc,pation des Juifs en Europe au XVIII siècle

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Avril 2017 ScienceS HumaineS 71 N° 291

Livres a nth rOpOLOGIE

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Sarah Blaffer Hrdy

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comment nous sommes devenus humains Les origines de l’empathie sarah Blaffer hrdy L’Instant présent, 2016, 380 p., 24 €.

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Histoire dumusée del'Homme □c

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histoire du musÉe de L’homme de la naissance à la maturité (1880-1972) Bernard dupaigne Sépia, 2016, 372 p., 20 €.

72 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

uel est le propre de l’humain ? Est-il possible de caractériser en termes qualitatifs – et pas seulement quantitatifs – ce qui nous sépare de nos cousins les grands singes avec qui nous partageons pourtant tant de gènes, de capacités cognitives, d’aptitudes sociales et motrices ? Près de quinze ans après la traduction française de son livre Les Instincts maternels, qui avait renouvelé le regard sur l’efficacité des pratiques de maternage en rompant avec la traditionnelle opposition entre hypothèses biologique et culturelle, la primatologue et anthropologue Sarah Blaffer Hrdy s’attaque à une nouvelle question délicate : celle d’examiner ce qui pourrait fonder l’identité du

L’

ethnologue Bernard Dupaigne signe un livre bien informé et très critique sur l’histoire du musée de l’Homme. Avec le Second Empire colonial français naît l’anatomie comparée des races humaines, perçues comme fixes et pourvues de qualités physiologiques et cognitives différentes. Les anthropologues sont alors persuadés que l’intelligence se mesure au volume du cerveau. Le musée d’Ethnographie du Trocadéro, créé en 1880, imprégné d’idées progressistes, invite à des recherches un peu plus respectueuses : avec Armand de Quatrefages, l’étude des races humaines doit être complétée par celle des civilisations. Après la Grande Guerre, au temps du jazz, du surréalisme et de « l’art nègre »,

genre Homo. Outre la complexité de notre langage, nous nous distinguerions d’abord par notre hypersociabilité, notre propension à tisser des liens plutôt que d’en venir aux mains, celle-là même qui nous permet de voyager dans la promiscuité d’un avion sans que personne en ressorte égorgé. Mais cette aptitude humaine, présente dès la naissance et développée par l’apprentissage social, serait surtout l’expression d’une autre particularité, non moins essentielle : celle d’être les seuls parmi les grands singes à adopter un mode de reproduction communautaire, c’est-à-dire à accepter de confier dès le plus jeune âge nos enfants à d’autres pour optimiser leur survie. Pour l’auteure,

c’est cette mise en commun des soins parentaux, amorcée bien avant que nos ancêtres soient cognitivement et anatomiquement semblables à nous, qui aurait rendu possible l’allongement de l’enfance nécessaire à la maturation de nos gros cerveaux, en même temps qu’elle aurait stimulé chez les bébés le développement de compétences interactionnelles et empathiques requises pour attirer l’attention de leurs pourvoyeurs de soins. Ainsi, S. Blaffer Hrdy réécrit l’histoire de l’humanité en donnant le premier rôle aux « alloparents » qui nous ont élevés, et qui sont autant d’acteurs oubliés de la survie de notre espèce. n béaTriCe K aMMerer

l’ethnologie est à la mode. Profitant du succès populaire des expositions coloniales et de la Mission Dakar-Djibouti, Paul Rivet, qui s’est entouré de personnalités artistiques et intellectuelles du Tout-Paris (dont l’esthète mondain GeorgesHenri Rivière), contribue à faire naître, sur les décombres du musée d’Ethnographie, le musée de l’Homme : emblème du Front populaire, moderne sur le plan esthétique, il prône l’unité humaine, la réhabilitation des cultures dites primitives, et l’engagement antifasciste, en regroupant en un lieu unique les trois sciences de l’homme (ethnologie, anthropologie physique, préhistoire). Après la Seconde Guerre mondiale, ce projet ambitieux se fissure progressivement. Les budgets sont

faibles, les responsables se préoccupent plus de leur carrière que du musée lui-même, et des querelles interindividuelles sans merci opposent ses chercheurs. Les vieilles idées raciales et coloniales planent encore, alors que le musée a perdu de sa superbe. L a conclusion de l’auteur est sans merci : aujourd’hui, dépouillé de ses collections transférées au Quai-Branly, le nouveau musée de l’Homme est désormais « sans lien avec le mouvement actuel des idées ». n régis MeyraN

Livres drOIt i sTJFIIR . _Il, ST IFJAIII.F 1," I N J [ ' ·, 1 llll)I •' 1 ,.\/ '11J.:1·, II: 11· (Il 1,

~--··"·· Ill JustiFier L’inJustiFiaBLe L’ordre du discours juridique nazi

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olivier Jouanjan Puf, 2017, 328 p. 29 €.

S’

indigner contre l’injustifiable est louable. Mais il faut parfois se montrer spinoziste : « Ne pas railler, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre. » Olivier Jouanjan nous invite à tenter de comprendre ce qu’ont été le droit, et l’éthique des nazis, expressions qui semblent à peu près insensées. Son analyse révèle la subversion du droit opérée sous le IIIe Reich. « L’objet de ce livre, précise-t-il, n’est pas l’histoire du droit nazi. Il est l’idéologie juridique nazie (…). » C’est-à-dire l’ordre du discours des juristes qui contribuèrent à forger les outils de la domination des peuples et de la persécution des Juifs. Comme le rappelle l’auteur, « le droit n’est qu’une pratique sociale, fondée

sur des discours, qui peut violer tous les codes de justice ». Du droit à la justice, le rapport n’est pas constant. Du droit à la morale non plus, puisque celle-ci repose sur des valeurs dont on a tort de croire qu’elles sont universelles et intemporelles. Or il s’agissait pour les idéologues nazis, non pas de formuler de nouvelles valeurs, mais de faire retour à celles qu’ils identifiaient à la germanité. La doctrine juridique nazie entendait balayer l’héritage du droit romain au profit d’un hypothétique « droit germain ». Ce mouvement impliquait une conversion des juristes au nazisme, au prix du renoncement aux enseignements fondamentaux de leur profession et une perversion de ce qui ne pouvait

même plus être appelé « droit ». Car, le nazisme rejetait les courants positivistes et formalistes au profit de l’acte, de la décision sans médiation, qui dit le droit. L’époque s’y prêtait et les jeunes juristes étaient attirés par la radicalité d’une métaphysique de la vie et de l’action. Se mirent au service du nazisme le courant néohégélien et Carl Schmitt et ses disciples, concurrencés par les juristes de la SS . L a « communauté » (Gemeinschaft) devint le fondement du nouveau droit, refusant toute divergence, rejetant la notion de sujet de droit. Une transparence fantasmée, un délire de pureté communautaire construit par ces « intellectuels d’action ». n T.J.

Dans ce numéro à lire aussi : • L’EFT : les émotions au bout des doigts ? • L’anorexie chez l’enfant, un phénomène sous-estimé

Ona testé pourvous

LE RÊVE LUCIDE

TOUS , FATIGUES ...

• Les risques de l’hyperconnexion

NOUVEAUTÉ EN KIOSQUE Avril 2017 ScienceS HumaineS 73 N° 291

Livres hIStOIr E

S’ La révolution eulturelle nazie .JOBAJlll'V C: ■ Al'OUTOT

La rÉvoLution cuLtureLLe nazie Johann chapoutot Gallimard, 2017, 288 p., 20 €.

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Patrick Bouch4!!ron

HISTOIRE MONDIALE DELA FRANCE SEUIL

histoire mondiaLe de La France Patrick Boucheron (dir.) Seuil, 2017, 790 p., 29 €.

74 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

il y eut une « révolution nazie », quelle fut-elle ? Le livre de Johann Chapoutot, par la variété des sujets qu’il aborde, montre bien qu’aucun aspect de la société n’était censé échapper à l’emprise idéologique des doctrinaires nazis. Leur révolution culturelle n’était pas, comme sera celle d’un Mao, un saut dans l’avenir, mais un retour à un état premier du peuple allemand qu’il fallait restaurer en le débarrassant des scories de l’histoire et des corruptions qui l’avaient affecté. La première atteinte avait été l’imposition du droit romain aux tribus de Germanie. Puis le christianisme, si étranger à la supposée substance allemande. Puis les idéaux des Lumières et de la Révolution française. C’est donc un travail d’archéologue

H

istoire mondiale de la France… Le titre tient de l’oxymore. Quoi de plus compartimenté en effet qu’une histoire « de la France » ? Rappelons que les tenants d’une identité française fière de ses racines croisent régulièrement le fer avec les partisans d’une histoire élargie aux échanges et aux métissages. Patrick Boucheron, maî tre d’œuvre de cette fresque, appartient au second camp. Ce médiéviste, entré récemment au Collège de France, compte à son actif plusieurs incursions en histoire mondiale. L’idée de ce volume –  inspirée de Jules Michelet  – est qu’il faut bien l’histoire du monde pour expliquer celle de la France. Pour deux raisons. D’abord, il est clair que le pays s’est construit dans

que les nazis entendaient mener afin de retrouver la souche authentique du Volk allemand. À cela s’ajoutait un devoir de revanche. Car ces dénaturations successives s’aggravaient des humiliations subies lors de la guerre de Trente Ans, lors de l’invasion napoléonienne et, bien sûr, lors de la défaite de 1918, suivie du traité de Versailles. Toutes ces humiliations avaient pour but d’affaiblir le sang allemand. La révolution nazie entendait donc mettre fin à ces influences malignes et retrouver l’essence même de la germanité. D’où le besoin de rassembler les matériaux propres à restaurer cette essence en explorant et triant les acquis de l’histoire et de la culture allemandes exprimant le

génie de ce peuple. Avec certaines contorsions qui laissent songeur lorsqu’il s’agit, par exemple, d’annexer la morale de Kant. Plus prosaïquement, les hiérarques du III e  Reich allaient remettre en cause les notions mêmes de couple et de famille. La guerre entraînant la mort de milliers de jeunes soldats et la perpétuation de la race nécessitant un taux de fécondité bien supérieur à celui des Allemands, la polygamie (pratiquée déjà par certains dignitaires du régime comme Himmler ou Bormann) apparut comme une solution prometteuse. Une fois encore, à travers chacun des thèmes étudiés, J. Chapoutot montre une connaissance profonde et subtile du nazisme. n T.J.

des interactions avec l’extérieur, de l’incursion de Jules César en Gaules à la proclamation des droits de l’homme, en passant par les colonies américano-africaines et les rencontres multiples avec le monde musulman. D’autre part, l’histoire de France se lit aussi comme un reflet de l’histoire du monde. L’ouvrage est de forme classique : 155 dates ont été retenues, et 122 historiens ont campé une dense et courte description de ces moments choisis. La fresque est déployée dans l’ordre chronologique. Le rideau se lève il y a environ 34 000 ans sur les artistes de la grotte Chauvet, il retombe en 2015 sur l’exhibition mondiale du drapeau bleublanc-rouge suite aux attentats du 13 novembre. Entre-temps, nous aurons vu

naître la France libre à Brazzaville, s’ébaucher l’entreprise universaliste de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, entendu Louis XI refuser d’accueillir un musulman en exil en terre catholique, appris dans quelles circonstances Dunkerque (surnommée l’Alger du Nord par les Hollandais, en référence à ses activités corsaires) a été achetée à l’Angleterre pour cinq millions de livres, et revisité le mythe de la fondation de Marseille par des colons grecs au final peu soucieux de fusionner avec les locaux. L’entreprise étonne par son homogénéité autant que par sa richesse réflexive. Elle offre d’innombrables mises en perspective sur l’histoire nationale. Ce récit renouvelé est un acte éminemment politique. n laureNT TesToT

Livres SCIEnCE pOLItIqu E

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CHRISTIANLEOUESNE

Ethnographie du

Quai d'Orsay

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ethnograPhie du quai d’orsay Les pratiques des diplomates français christian Lequesne CNRS, 2017, 256 p., 24 €.

a politique étrangère de la France est habituellement abordée par le prisme des grandes déclarations ou par le truchement de « révélations » sur des pratiques de l’ombre. C’est en adoptant une posture différente, celle du chercheur ethnographe, que Christian Lequesne a mené son enquête. Grâce à l’observation de nombreuses réunions et à des entretiens avec près d’une centaine de personnes, il donne à voir la pratique des agents du Quai d’Orsay. Issus des classes moyennes et supérieures de la société française, ceux qui ont décidé d’embrasser une carrière de diplomate sont soit des énarques soit d’anciens étudiants en langues orientales. Ils se vivent

soit comme des bureaucrates, au sens le plus noble (celui qui est chargé d’appliquer des routines pour faire fonctionner la machine diplomatique), soit comme des médiateurs (à l’étranger, ils incarnent la politique de l’État français), soit comme des héros (ces diplomates sont convaincus de remplir une grande mission au service de l’intérêt général). Dans tous les cas, les diplomates sont en interaction constante avec le pouvoir politique qu’ils représentent. C. Lequesne montre que cette relation est tissée d’ambivalence. Les diplomates doivent se montrer conciliants car leur carrière dépend de l’autorité qu’ils servent. Mais les interactions ne sont jamais apaisées. Ces experts

de haut niveau, qui maîtrisent les codes du travail diplomatique, se heurtent aux demandes irréalistes et aux options contradictoires du pouvoir politique. Cela ne signifie pas que tous les diplomates pensent et agissent de la même manière. C.  Lequesne montre qu’en réalité deux « cartes mentales » structurent leur rapport au monde : ceux qui donnent la priorité à l’indépendance de la France et à son rang dans la hiérarchie mondiale, et les « occidentalistes » qui refusent de se démarquer par principe de la politique étrangère des ÉtatsUnis. Métier en évolution, la diplomatie était une pratique mal connue. La lacune est maintenant partiellement comblée. n C.l.

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' La pensée de Michel Foucault : bilan critique et perspectives

\Y'ICHEL FOUCAULT • L:homme • L:œuvre _ • Hëritage • Bilan critique

En librairie le 23 février En librairie, et sur commande à :

editions.scienceshumaines.com ou par téléphone au 03 86 72 07 00

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ISBN : 978-2-36106-399-3 176 pages - 10,20 €

Avril 2017 ScienceS HumaineS 75 N° 291

Livres phILOSOphIE

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Lost ego La tragédie du « je suis »

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François de smet Puf, 2017, 136 p., 16 €.

RuwenOgien

M~Mille etUneNuitô l.a i11c1Jml œ ffrnmc• dmmc' el ecrm11P('Cmédœ

mes miLLe et une nuits La maladie comme drame et comme comédie ruwen ogien Albin Michel, 2017, 256 p., 19 €.

76 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

n 1865, Lewis carroll faisait dire à son héroïne alice : « Si ce monde n’a aucun sens, qui nous empêche de lui en inventer un ? » Le message de ce livre du philosophe François de smet est du même tonneau. La raison de sa désillusion est qu’il n’y aurait pas de « je ». autant que nous sommes, nous n’existerions pas en tant que personnalité stable dotée « d’un corps et d’un esprit qui en détiendrait les commandes ». en particulier, il n’y aurait pas de sujet libre, responsable de ses actes. dire « je pense » participerait donc d’une illusion et il faudrait se contenter de dire « ça pense ». À l’appui de cette dissolution du moi,

Q

ue fait la maladie à la pensée ? On sait que Platon, malade, ne put assister à la mort de Socrate. Mais pour Ruwen Ogien, la maladie n’est qu’une occasion de plus de philosopher et de remettre en question le moralisme ambiant. Curieux amalgame entre l’essai philosophique et le journal de bord, Mes mille et une nuits se déploie à partir du récit pour le moins sobre et tout en retenue de la cohabitation entre le philosophe et son cancer pour explorer les diverses facettes de la condition de malade. L’ouvrage commence par se fixer un but précis : s’attaquer au « dolorisme », c’est-à-dire l’idée selon laquelle la souf france des malades (et plus particulière-

F. de smet convoque tout un ensemble d’expériences de psychologie et de neurosciences. elles indiqueraient clairement que nous nous trompons quand nous croyons être autonomes, penser par nous-mêmes et décider de nos actes. d’ailleurs, il y a de bonnes raisons à cela : du point de vue de l’évolution, il est plus intéressant d’être sous l’emprise d’un automatisme et de réduire le temps de délibération, notamment en cas de danger imminent. il est également plus économique d’agir suivant des schémas prédéfinis. en même temps, il existe aussi un intérêt à croire en notre libre arbitre et en notre pouvoir de

décision : la fable de l’individu volontaire et la fiction du moi serviraient à ne pas s’égarer dans le chaos du monde, renforceraient notre engagement dans l’action et, du coup, augmenteraient notre capacité à survivre. Plutôt que de désespérer de cette situation, F. de smet voit dans la dimension fictionnelle de l’existence un moyen de lui redonner du sens : « S’assumer comme les autoaffabulateurs que nous sommes (…) ne nous dispense pas de nous réjouir d’être de bons conteurs d’histoires. » autrement dit, il nous invite à vivre au mieux de nos illusions, dans une sorte de « relativisme joyeux ». n ThoMas lepelTier

ment de ceux qui souffrent de maladies chroniques) leur conférerait une supériorité épistémique et morale, que ce soit en leur évitant de tomber dans un hédonisme facile ou en leur permettant d’atteindre une compréhension plus profonde de la condition humaine. Contre ces idées, R. Ogien défend une conception « sans métaphysique » de la maladie, selon laquelle il ne sert à rien de vouloir donner un sens à nos maladies. Mais, très vite, le récit personnel vient interrompre et disloquer la logique de l’analyse philosophique. Au fil des événements, d’autres thèmes font leur apparition. Les rendez-vous chez le médecin soulèvent la question du paternalisme du

système médical – sa tendance à suspecter le malade de ne jamais faire assez d’efforts pour guérir, tendance renforcée par le rôle croissant que joue le médecin dans l’allocation des ressources financières du système de santé. La révélation du diagnostic appelle une critique acerbe de la théorie des cinq stades du deuil. Cependant, au final, la place grandissante que prend le récit personnel, loin d’être un défaut, fait la richesse de l’ouvrage et mène à sa conclusion : la maladie, loin d’élever l’âme, rend chaque tâche plus difficile, plus envahissante, conduisant ainsi le quotidien à prendre le pas sur la quête de sens. n floriaN Cova

revue

La revue du mois « les classes sociales au foyer »

N° 1, 2017, 410 p., 19 €.

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N

és sur internet en 2013, Les Carnets Zilsel ont lancé leur première revue en janvier 2017, sous l’impulsion du sociologue arnaud saint-martin et de l’historien des sciences Jérôme Lamy. À l’origine, l’ambition était de couvrir, sous une forme empruntant au blogging scientifique, les avancées dans le champ des science and technology studies, un courant de recherche dédié aux innovations techniques et à leurs influences sociales, politiques ou culturelles. Cette première édition imprimée propose notamment une enquête sociologique sur les laboratoires d’innovation de la silicon valley ; un aperçu des problématiques liées aux « savoirs ruraux » – comme la modernisation de l’agriculture ou les préoccupations environnementales – ; ou encore un entretien sur la fonction et l’avenir des livres à l’heure du tout numérique. Ces analyses denses et néanmoins vulgarisées prennent le contre-pied d’essais grand public, jugés peu scientifiques par les auteurs. Car telle est l’autre ambition de Zilsel : défendre une conception rigoureuse et rationaliste de la recherche face à ses icônes plus médiatiques ou populaires. Les Carnets Zilsel se sont illustrés l’année dernière en dévoilant deux canulars académiques. des articles parodiques avaient été envoyés à des revues placées sous la férule du sociologue michel maffesoli et du philosophe alain Badiou… qui les ont pris au sérieux et publiés ! Zilsel revient sur cet épisode peu glorieux pour la philosophie postmoderne et consacre de longs développements critiques aux thèses de Badiou. un portrait croisé de ce dernier et de l’essayiste alain Finkielkraut montre en outre que, si tout semble les opposer, ils ont cependant bénéficié de mêmes mécanismes de promotion au fil de leurs carrières respectives. en contrepoint, Zilsel nous invite à (re)découvrir des chercheurs passionnants, comme les sociologues everett C. Hughes et david Pontille, le philosophe Joseph agassi ou encore… edgar Zilsel lui-même ! Cette figure tragique du cercle de vienne est présentée à travers ses analyses sur l’évolution du concept de « génie » à travers l’histoire, depuis ses origines religieuses dans l’antiquité jusqu’à l’idéal de postérité dans la renaissance. n Fabien TrécourT

Comprendre les classes sociales en les observant dans l’intimité de leur foyer, voilà le projet de ce numéro. Les articles réunis ici varient les territoires (urbains, périurbains, ruraux) et les groupes sociaux (agriculteurs, catégories moyennes et populaires). Benoît Coquard notamment étudie les sociabilités populaires d’un village frappé par la désindustrialisation. afin de se soustraire aux conflits, aux commérages, les jeunes adultes privilégient la maison comme lieu de retrouvailles et un petit noyau d’amis choisis comme cercle de sociabilité. Le temps du bistrot a vécu ! aux minguettes, Pierre Gilbert enquête sur la « transformation matérielle et symbolique de l’habitat provoquée par la rénovation (de l’habitat social) ». Les habitants rejettent les cuisines ouvertes « à l’américaine » que proposent presque systématiquement les promoteurs immobiliers. C’est que la cloison est plus adaptée à un style de vie populaire, défini par la séparation spatiale des sexes et l’ordre domestique. n Thomas Le Guennic

cinquante ans de sociologie des organisations

Entreprises et Histoire - N° 84, 2016/3, 174 p., 30 €. À l’occasion du cinquantième anniversaire du Centre de sociologie des organisations (Cso), la revue Entreprises et Histoire revient sur son originalité, impulsée par son fondateur, michel Crozier, l’un des pionniers de la sociologie des organisations en France. Pierre Grémion lève le voile sur les débuts de ce laboratoire atypique : partagé entre recherche et entrepreneuriat, m. Crozier jouait le rôle de « metteur en scène » auprès de sa « troupe » de chercheurs, en privilégiant le facteur relationnel. Novateur, le Cso n’a jamais voulu dresser de frontière étanche entre l’action publique et l’activité économique, en imbriquant les champs. au fil de ses enquêtes, il a d’abord associé le « phénomène bureaucratique » aux rigidités de l’administration, puis l’a réaffecté au monde de l’entreprise, comme l’explique denis segrestin. Petit à petit, le laboratoire a élargi ses champs d’enquête à la sociologie économique, en s’intéressant aux mutations des économies capitalistes et des entreprises. Toujours dynamique aujourd’hui, le Cso reste attaché à la sociologie des organisations, au cœur de son identité. n Diane GaLbauD

et aussi…

Zilsel. science, technique, société

Actes de la recherche en sciences sociale - N° 215, 2016, 128 p., 16,20 €.

« la nationalité » Pouvoirs - N° 160, 2017/1, 192 p., 18 €. « les addictions sexuelles »

Psychotropes - Vol. XXII, n° 3-4, 2016, 186 p., 32 €. « Maternités »

Genre, sexualité et société - N° 16, 2016 (disponible sur Internet en consultation libre).

Avril 2017 ScienceS HumaineS 77 N° 291

Agenda

les 30 et 31 mars l aix-en-provence

ix TabLes rondes de L’arbois es

Langages, écritures et communication

Pendant deux jours, des femmes et hommes de sciences tenteront d’expliquer ce que nous réserve le monde de demain sur la thématique du langage. Comment le langage intervient-il dans notre évolution biologique ? Comment la naissance de l’écriture devient-elle une combinaison aléatoire de deux modes de communication complémentaires que sont l’image et la langue ? Des réflexions autour du passé qui permettent de mieux comprendre le présent, influencé par les innovations techniques, qui modifient nos moyens modernes de communication, et la puissance de l’image virtuelle, qui vient enrichir l’expression du réel. Faculté de droit, 3, av. Robert-Schuman. Tél. : 04 91 59 84 94. [email protected]

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www.tablesrondes-arbois.com

du 23 au 25 mars 19e

l paris

vers de nouveLLes humaniTÉs ? Les modifications génétiques, les implants, prothèses, et nanoro-

nouvellent les espoirs et les craintes de l’amélioration humaine. Quelle est la part de réels progrès, de faux espoirs et de promesses « commerciales » dans les prévisions ? Cité des sciences et de l’industrie, 30, av. Corentin-Cariou. [email protected] www.universcience.fr

du 25 mars au 19 novembre l mayenne curiosiTÉ d’ici eT d’aiLLeurs

Une histoire de collections

Conservées dans les réserves d u m u s é e d u c h â te a u d e Mayenne, ces 350 pièces à la fois précieuses et singulières sont issues de domaines très variés, de l’archéologie à l’ethnologie, en passant par l’histoire naturelle et les beaux-arts. Peau de python, coffre d’Apollon, dents de mégalodon, cartes à jouer, scène orientaliste de Beyle, livre d’heures ou chouette effraie naturalisée…, ce sont autant d’objets réunis, qui reprennent vie au cœur de cette exposition. Musée du château, pl. Juhel. Tél. : 02 43 00 17 17. [email protected] www.museeduchateaudemayenne.fr/

mise en réseau des données et

du 28 mars au 23 juillet l paris 7e

la robotique…, toutes ces tech-

picasso primiTif

niques aux progrès rapides re-

La question de Picasso et des

bots, l’intelligence artificielle, la

retrouvez l’agenda

complet sur www.scienceshumaines.com Si vous souhaitez faire connaître une manifestation, merci d’adresser votre annonce directement à : www.scienceshumaines.com/agenda.do Pour tout renseignement : renaud beauval ([email protected]) 78 ScienceS HumaineS Avril 2017 N° 291

du 13 avril au 29 janvier 2018 Lyon 7e

l

Jours sans

Alimentation et pénurie en temps de guerre Cette exposition opère une plongée dans ce que fut le quotidien des Français durant et après la Seconde Guerre mondiale. Comment faire face non seulement aux drames et tragédies de la guerre, à l’humiliation de la défaite mais aussi aux pénuries de toutes sortes, aux prélèvements massifs de l’occupant, à la désorganisation de l’économie dans un pays qui vient à manquer de tout ? Quelles furent les stratégies de survie ? Quels furent les comportements ? Quels furent les effets, réels et symboliques, de la privation de nourriture à l’échelle d’une société ? Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation, 14, av. Berthelot. Tél. : 04 72 73 99 00. [email protected] - www.chrd.lyon.fr/

arts non occidentaux a été traitée à de multiples reprises. Cette exposition ne procède pas à une juxtaposition supplémentaire explorant d’hypothétiques preuves d’inspiration. Elle s’organise en deux approches complémentaires révélant la relation entre Picasso et les arts d’Afrique, d’Océanie, des A mériques mais aus si d’Asie… Musée du Quai-Branly, 218, rue de l’Université. Nathalie Mercier, tél. : 01 56 61 70 20. [email protected] www.quaibranly.fr

tions et de respiration par des ateliers pratiques. Centre agroécologique, les Amanins. Nelly Pierre-Elias, tél. : 04 75 43 75 05. [email protected] www.lesamanins.com/

du 14 avril au 30 juillet 5e

l paris

TrÉsors de L’isLam en afrique de TomboucTou à ZanZibar Cette exposition consacrée aux liens étroits, passés comme présents,

du 11 au 16 avril l La roche-surGrâne

tissés entre le monde arabo-musul-

Éduquer pour ÉLever Les consciences

sion et d’appropriation de l’islam par

Un séminaire d’intelligence collective dédié aux professeurs, enseignants, éducateurs, acteurs du système éducatif et citoyens parents. Tout le cadre pédagogique de ce forum repose sur des méthodes innovantes et participatives d’intelligence collective. Sera proposée une alternance de moments de réflexion personnelle, de phases d’émergence d’idées, de mise en commun, de définition d’ac-

Sénégal, en passant par l’Éthiopie,

man et l’Afrique subsaharienne, interroge les processus de transmisles peuples africains. Du Maroc au le Kenya, le Mali et bien d’autres, l’exposition retrace treize siècles d’histoire à travers l’art, l’architecture ou les rituels dont témoignent plus de 300 œuvres patrimoniales et contemporaines, issues de collections rarement présentées. Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard. Mélanie Monforte, tél. : 01 40 51 38 62. [email protected] www.imarabe.org

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❑ Les défis des sciences humaines ❑ Tiers-monde : la fin des mythes ❑ Où va le commerce mondial ? ❑ L’esprit redécouvert ❑ Nouveaux regards sur la science ❑ Comment nous voyons le monde ❑ Les sciences humaines sont-elles des sciences ? ❑ La lecture ❑ Du signe au sens ❑ Médiations et négociations ❑ Nouveaux modèles féminins ❑ La liberté ❑ L’émergence de la pensée ❑ Anatomie de la vie quotidienne ❑ Violence : état des lieux ❑ L’imaginaire contemporain ❑ L’individu en quête de soi ❑ Les ressorts de la motivation ❑ Échange et lien social ❑ La vie des groupes ❑ Aux frontières de la conscience ❑ Le destin des immigrés ❑ Rêves, fantasmes, hallucinations ❑ Apprendre ❑ Normes, interdits, déviances ❑ Les sciences humaines ❑ La parenté en question ❑ Les récits de vie ❑ L’altruisme ❑ Un monde de réseaux ❑ Les sagesses actuelles ❑ Souvenirs et mémoire ❑ Homme/animal : des frontières incertaines ❑ Les logiques de l’écriture ❑ Cultures ❑ L’école en mutation ❑ Les hommes en question ❑ Freud et la psychanalyse aujourd’hui ❑ Travail, mode d’emploi ❑ Les nouvelles frontières du droit ❑ L’intelligence : une ou multiple ? ❑ Autorité : de la hiérarchie à la négociation ❑ La pensée orientale ❑ La nature humaine ❑ L’enfant ❑ Quels savoirs enseigner ? ❑ Le changement personnel ❑ Criminalité ❑ Société du risque ❑ Organisations ❑ Les premiers hommes ❑ Le monde des jeunes ❑ Les représentations mentales ❑ La fabrique de l’information ❑ La sexualité aujourd’hui ❑ Le souci du corps ❑ Les métamorphoses de l’état ❑ La littérature, une science humaine ? ❑ Manger, une pratique culturelle ❑ Les nouveaux visages des inégalités ❑ Les savoirs invisibles ❑ Les troubles du moi ❑ Les mondes professionnels ❑ Les nouvelles frontières de la vie privée ❑ La force des passions ❑ L’éducation, un objet de recherches ❑ Cultures et civilisations ❑ Les mouvements sociaux ❑ Voyages, migration, mobilité ❑ Hommes, femmes. Quelles différences ?

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❑ Où en est la psychiatrie ? ❑ Contes et récits ❑ Les nouveaux visages de la croyance ❑ Amitié, affinité, empathie… ❑ Aux origines des civilisations ❑ À quoi sert le jeu ? ❑ L’école en débat ❑ Où en est la psychanalyse ? ❑ Où va la famille ? ❑ Qui sont les travailleurs du savoir ? ❑ Les nouvelles formes de la domination au travail ❑ Pourquoi parle-t-on ? L’oralité redécouverte ❑ Dieu ressuscité ❑ Enquêtes sur la lecture ❑ La sexualité est-elle libérée ? ❑ Où est passée la société ? ❑ De Darwin à l’inconscient cognitif ❑ La pensée éclatée ❑ L’intelligence collective ❑ Qui a peur de la culture de masse ? ❑ La lutte pour la reconnaissance ❑ Art rupestre ❑ Qu’est-ce que l’amour ? ❑ Agir par soi-même ❑ Comment devient-on délinquant ? ❑ Le souci des autres ❑ La guerre des idées ❑ Travail. Je t’aime, je te hais ! ❑ 10 questions sur la mondialisation ❑ Le nouveau pouvoir des institutions ❑ Conflits ordinaires ❑ Imitation ❑ Les lois du bonheur ❑ Des Mings aux Aztèques ❑ Que vaut l’école en France ? ❑ D’où vient la morale ? ❑ Faut-il réinventer le couple ? ❑ Géographie des idées. ❑ Au-delà du QI ❑ Inégalités : le retour des riches ❑ Enseigner : L’invention au quotidien ❑ Les animaux et nous. ❑ Le corps sous contrôle ❑ Nos péchés capitaux ❑ Les rouages de la manipulation ❑ Les neurones expliquent-ils tout ? ❑ Psychologie de la crise . ❑ Pensées pour demain ❑ Les troubles de la mémoire ❑ Pauvreté. Comment faire face ? ❑ École. Guide de survie. ❑ Démocratie. Crise ou renouveau ? ❑ Changer sa vie ❑ Repenser le développement ❑ La nouvelle science des rêves ❑ L’enfant violent. De quoi parle-t-on vraiment ? ❑ L’art de convaincre. ❑ Le travail en quête de sens. ❑ Le clash des idées : 1989 à 2009 ❑ De l’enfant sauvage à l’autisme. ❑ L’énigme de la soumission ❑ L’ère du post-féminisme ❑ L’analogie moteur de la pensée ❑ Les épreuves de la vie ❑ Les secrets de la séduction ❑ La littérature : fenêtre sur le monde. ❑ À quoi pensent les enfants ? ❑ L’autonomie, nouvelle utopie ? ❑ Imaginer, créer, innover… ❑ 20 ans d’idées, le basculement

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Le retour de la solidarité La course à la distinction Sommes-nous rationnels ? Le monde des ados Conflits au travail L’état, une entreprise comme une autre ? Nos vies numériques Pourquoi apprendre ? Tous accros ? Comment être parent aujourd’hui ? Et si on repensait TOUT ? Inventer sa vie Les identités sexuelles Dans la tête de l’électeur. Qui sont les Français ? Comment naissent les idées nouvelles ? Peut-on ralentir le temps ? L’imaginaire du voyage L’intelligence peut-on augmenter nos capacités ? Le travail. Du bonheur à l’enfer L’autorité. Les nouvelles règles du jeu 2012-2013. Les idées en mouvement Vivre en temps de crise Le langage en 12 questions Violence Les paradoxes d’un monde pacifié Comment pensons-nous ? La fin de l’homme ? Quand les migrants changent le monde Faut-il se fier à ses intuitions ? L’ère culinaire 15 questions sur l’alimentation Générations numériques des enfants mutants ? Écrire Du roman au SMS Reprendre sa vie en main La bibliothèque des idées d’aujourd’hui L’Individu Secrets de fabrication Apprendre par soi même Le climat fait-il l’histoire ? Psychologie de l’enfant état des lieux Peut-on vivre sans croyances ? Devenir garçon, devenir fille 15 questions sur nos origines Éduquer au 21e siècle Les clés de la mémoire L’art de négocier Les grandes questions de notre temps Inégalités La motivation Vieillir, pour ou contre ? La philosophie aujourd’hui La confiance Un lien fondamental Le sport, une philosophie ? Les pouvoirs de l’imaginaire L’enfant et le langage Liberté Jusqu’où sommes-nous libres ? Aimer au 21e siècle 25 ans Numéro anniversaire Les lois de la réputation Violence 15 questions pour comprendre Passions quand la passion nous embarque Nature culture la fin des frontières ? Apprendre à coopérer Les nouvelles psychothérapies Le sexe en 69 questions Qu’est-ce qu’une bonne école ? Comment allons-nous travailler demain ? La manipulation Et si on changeait tout ? Les nouveaux visages de la précarité La mondialisation en questions Les troubles de l’enfant

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L’origine des cultures La moralisation du monde Les nouvelles psychologies France 2006 L’origine des religions Peut-on changer la société ? Psychologie L’origine des sociétés Entre image et écriture Malaise au travail Paroles d’historiens Idéologies Les psychothérapies Les ressorts invisibles de l’économie 17 ❑ Villes mondiales

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France 2010 Les pensées vertes Les troubles mentaux Freud, droit d’inventaire Consommer Apprendre à vivre L’histoire des autres mondes Affaires criminelles Guide des cultures pop Transmettre L’histoire des troubles mentaux Un siècle de philosophie Les penseurs de la société Histoire des psychothérapies L’amour un besoin vital Vers un nouveau monde

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❑ ❑ ❑ ❑ ❑ ❑ ❑ ❑

L’art de penser Le bonheur Changer le travail Les grands mythes Innovation et créativité Élever ses enfants Villes durables De la formation au projet de vie

42 ❑ La psychologie aujourd’hui 43 ❑ La philosophie, un art de vivre 44 ❑ Les métamorphoses de la société française 45 ❑ Les grands penseurs de l’éducation 46 ❑ Les grands penseurs du langage

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n La guerre des origines à nos jours n La nouvelle histoire des empires n La grande histoire de l’Islam n Les monothéismes

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❑ Comprendre le monde ❑ Femmes, combats et débats ❑ L’école en questions ❑ La grande histoire de la psychologie ❑ Comprendre Claude Lévi-Strauss ❑ Les grands philosophes ❑ Le sexe dans tous ses états ❑ La grande histoire du capitalisme ❑ Une autre histoire des religions

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13 ❑ À quoi pensent les philosophes ? 14 ❑ À la découverte du cerveau 15 ❑ L’œuvre de Pierre Bourdieu 16 ❑ La philosophie en quatre questions 17 ❑ De la pensée en Amérique 18 ❑ Edgar Morin 19 ❑ Michel Foucault 20 ❑ Les grands penseurs des sciences humaines 21 ❑ Les grandes idées politiques

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1 ❑ Les nouveaux nouveaux mondes 3 ❑ Le marché, loi du monde moderne? 6 ❑ La société française en mouvement 8 ❑ Régions et mondialisation 10 ❑ Qui sont les Français ? 11 ❑ Les métamorphoses du pouvoir 14 ❑ Vers la convergences des sociétés ? 17 ❑ La mondialisation en débat 18 ❑ L’histoire aujourd’hui 19 ❑ La psychologie aujourd’hui 21 ❑ La vie des idées 22 ❑ L’économie repensée 23 ❑ Anthropologie 24 ❑ La dynamique des savoirs 25 ❑ À quoi servent les sciences humaines ? 26 ❑ La France en mutation 28 ❑ Le changement 29 ❑ Les nouveaux visages du capitalisme

31 ❑ Histoire et philosophie des sciences 32 ❑ La société du savoir 33 ❑ Vivre ensemble 34 ❑ Les grandes questions de notre temps 35 ❑ Les sciences de la cognition 37 ❑ L’art 38 ❑ L’abécédaire des sciences humaines 39 ❑ La France en débats 40 ❑ Former, se former, se transformer 41 ❑ La religion 43 ❑ Le monde de l’image 44 ❑ Décider, gérer, réformer 45 ❑ L’enfant 46 ❑ L’exception française 47 ❑ Violences 49 ❑ Sauver la planète ? 50 ❑ France 2005

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Les psys vus par leurs patients Trop d’enfants chez le psy ? Quand la tête soigne le corps Le bébé, sa vie, son œuvre Autisme. La guerre est déclarée Les vertus de la manipulation Les dessous du sexe Addictions

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Maladies mentales Violences familiales La nouvelle science des rêves TCC Les meilleures thérapies ? Muscler son cerveau La nébuleuse des « dys » Peut-on vraiment changer ? La société en burn-out ?

17 ❑ Homosexualité 18 ❑ Le boom des troubles alimentaires 19 ❑ Les patients dangereux 20 ❑ L’enfant difficile 21 ❑ L’attachement en questions 22 ❑ Les rythmes de l’enfant 23 ❑ Psychologie positive 24 ❑ Supporter sa famille

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Toute la psycho de A à Z Qui sont (vraiment) les psychologues ? La parole aux patients ! Mille et une façons de guérir L’histoire de la psychologie en 100 dates

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❑ L’économie repensée ~~· ❑ Géopolitique de l’alimentation (édition 2012) ❑ Histoire Globale. Un autre regard sur le monde ❑ Une histoire du monde Global. ~~· ❑ La Mondialisation. émergences et fragmentations ❑ La Planète disneylandisée. Pour un tourisme responsable ❑ Le Pouvoir. Concepts, Lieux, Dynamiques Nouveauté ❑ L’Argent. Les entretiens d’Auxerre ❑ Se Nourrir. Les entretiens d’Auxerre ❑ Le Peuple existe-t-il ? Les entretiens d’Auxerre ❑ La Démocratie ❑ Paix et guerres au XXIe siècle ❑ Rendre (la) justice. Les entretiens d’Auxerre ❑ La cinquième république ❑ La guerre, des origines à nos jours

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HISToIRE/éCoNoMIE/GéoPoLITIQUE

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❑ La Communication. état des savoirs Nlle éd. ❑ Les organisations. état des savoirs Nlle édition ❑ Le Management. Fondements et renouvellements ❑ La Société numérique en question(s) ❑ L’Entreprise Nouveauté ❑ Mensonges et vérités. Les entretiens d’Auxerre. Nouveauté

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CoMMUNICATIoN/INFoRMATIoN/oRGANISATIoNS

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❑ Le Cerveau et la Pensée Nlle édition ❑ Comment Homo est devenu sapiens ❑ L’Homme, cet étrange animal ❑ Les Humains mode d’emploi © ❑ L’Intelligence de l’enfant ❑ Le Langage. Nature, histoire et usage ❑ Le Moi. Du normal au pathologique ❑ Philosophies de notre temps ❑ La Psychanalyse. Points de vue pluriels ,.:-,❑ La Psychologie )~ ~- ❑ Qu’est-ce que l’adolescence ? @ ❑ Le Langage ❑ Abécédaire scientifique pour les curieux, vol. 2 @ ❑ Philosophies et pensées de notre temps ,.:-,❑ Les patients de Freud. Destins ~~ ❑ Histoire de la psychologie -~ . ❑ Philosophie. Auteurs et thèmes ❑ Initiation à l’étude du sens ❑ La morale ❑ La fabrique des folies @ ❑ Pensées rebelles. Foucault, Derrida, Deleuze ❑ Jung et les archétypes. ❑ Masculin - Féminin - Pluriel. ,.:-,❑ Les clés du langage. Nature, Origine, Apprentissage ~.~ '• ❑ L’enfant et le monde. ~~ ❑ Le changement personnel. JJ;,: ❑ Un fœtus mal léché. ❑ Révolution dans nos origines. ~;)-❑ Freud et la psychanalyse. ❑ Après quoi tu cours ? Nouveauté ❑ éthique et Sport Nouveauté © ❑ Troubles mentaux et psychothérapies Nouveauté ~~ ❑ Foucault Nouveauté qu e d e S c

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