Claude Levy-strauss - La Voie Des Masques

  • Uploaded by: Irina Cretu
  • 0
  • 0
  • January 2021
  • PDF

This document was uploaded by user and they confirmed that they have the permission to share it. If you are author or own the copyright of this book, please report to us by using this DMCA report form. Report DMCA


Overview

Download & View Claude Levy-strauss - La Voie Des Masques as PDF for free.

More details

  • Words: 15,939
  • Pages: 145
Loading documents preview...
g irt F |'lfrt :,

i,i '

{j

;

i 'l/' (/ ' "l ,/.

t.:I

nslitut Fra ngais de Buc ar es i

lliltlt ltllililtllililill 4a40825724

'r.t /l

ClaudeLEVI-STRAIJSS Ni b Bruxellesle 2E 1908. Etudessecondairc I (Lycie janson de Sailly!, rieures ) la Faculti de Paris 0icence) et ) la (agrigation de -doctorat

Aprbs 2 ans d'ensei lycies de Mont-de-M Laon, est nomme mission universitaire au

fesseuri I'universitdde (1934-)8\. De l9)4 2t19 et dirige plusieurs graphiques dans le et en Amazonie. De retour en France )

la guerre, mobilisd Quitte la France aprb oour les Etats-Unis or)

) la New Schoolfor de New York. EngagC dans les Forces fra affecti

)

'iT

qt Eiak..

ds lettres, I

la mission

franqaise aux avec H. Focillon. l. I. Perrin et d'autres I

hautes itudes de Ncr il devient le Secritaire Rappeli en France en

Ministbre des A retourne aux pour y occuper les

,n"

,:il$ "

{

:lk *.rf i'

,5

e; -f f i - fi

ffi H .*

:Jultillll/l/Jiil/iilil

CLA U D ETTV I- S TF,\I'5 de I'AcadCmiefrangaise

La vorc des osques; a

TOME I

EditionsAlbert S^r:

CA

T 0a a' Fl .D

E o iJ

rD

EN

c) o cD I o

F cDi^) Fl o il (D qt

o CA 6

0a o (A

suppldmentaires du clair-obscurdescaverneset du croulant entassement des trdsorsperdus,on le visite tous les jours, de 10 heures) 5 heures, h,I'American Museumof NoturalHistory:c'estla vaste salle du rez-de-chaussde consacrdeaux tribus indiennesde la c6te nord du Pacifique qui va depuisI'Alaskajusqu') la Colombiebritannique., *L'dpoquen'est pas lointaine,sansdoute, od les collectionsprovenant de cette partie du Capeen tapisserie. Chilkat.

monde quitteront les musdesethnographiques pour prendreplace,dansles musdesdesBeauxArts, entre I'Egypte ou la perse antiqueset le moyen 6geeuropden.Car cet art n'estpas inlgal aux plus grands, et, pendant le sibcleet demi qui nous estconnu de son histoire,il a t6moignd d'une diversitdsupdrieure) la leur et ddployd des dons apparemmentintarissablesde renouvellement.,

* Ce sidcleet demi a vu naitre et fleurir non pas une, mais dix formes d'art diffdrentes : depuislescapesen tapisseriedesChilkat,encore inddites au ddbut du xrx" sibcle,et qui atrei_ gnent d'un seul coup ) la plus haute perfection du textile avecpour seulsmoyensle jaune aigu tird des mousses,le noir extrait de I'dcorcedu cddre et le bleu cuivreux d'oxydes mindraux, jusqu'aux exquisessculpturesen argiliterendue luisante comme I'obsidiennenoire, qui illus_ trent la flamboyante d6cadence,au stade du bibelot, d'un art mis en possessiond,outils d'acieret que I'acieraussiddtruira; en passant par la mode folle, qui devait durer quelques anndesseulement,des coiffures de danse,bla_

Pipesculptieen argilite LIaida.

l0

sonndesde figures sculptdessur fond de nacre, ceintes de fourrure ou de duvet blanc, d'oi descendenten cascadedes peaux d'hermine comme des boucles.Ce renouvellementincessant, cette sfiretd d'invention qui garantit le succbsoi qu'elle s'exerce,ce dddain des chemins battus poussant) desimprovisationstoujours nouvellesqui conduisentinfailliblement ) des rdussitesdclatantes,pour s'en faire quelque idde,nos contemporainsdevaientattendreI'exceptionneldestind'un Picasso.Avec cettediff6rence,toutefois,que cesexercicespdrilleuxd'un homme seul, qui nous ont coupd le souffle pendant trente ans, une culture indigdne tout entibreles a pratiqudspendant cent cinquante ans et m6me davantage;car nous n'avonspas de raison de douter que cet art multiforme ne se soit ddveloppdau m6me rythme depuis ses plus lointainesorigines,qui restentinconnues. Cependant,quelquesoblets de pierre livrds par les fouilles attestentque cet art d'une individualitdpuissante,ddj) identifiabledanssesproductionsarchaiques,remonte) une dpoquefort ancienne,en donnant ) ce terme la valeur relative qui est de mise quand on I'applique ) l'archdologieamdricaine. n

Colfuredechef.Kwakiutl

i [| ffi ffi & &

tr s F I

I il

!

T !

*

F

Massed tuer lesgros poissons. Tlingit.

Poteaude maison.Tlingit.

t2

*Quoi qu'il en soit, e la fin du xrx. sibcle encore,un chapeletde villagess'dgrenaitsur la c6te et dans les iles, depuis le golfe d'Alaska jusqu'au sud de Vancouver. Au moment de leur plus grandeprospdritd,les tribus de la c6te nord-ouest pouvaient rassemblercent ) cent cinquante mille Ames: chiffre ddrisoire quand on songe ) I'expressionintenseet aux legons ddcisivesd'un art llabord tout entier dans cette lointaineprovince du NouveauMonde,par une population dont la densitd variait, selon les rdgions, de 0,1 ) 0,6 habitant au kilombtre carr6..Au nord, c'dtaient les Tlingit auxquels on doit dessculpturesd'une imaginationsubtile et podtiqueet de prdcieuxornements;puis, vers

FW. s€k;

P4

.' e

,JI

4ffi*@s"s*:'&1 t6 b :,

i

" ftb;

\ =;3a: J \tu

i

tut

-

rr!

--a--.rffita

r

Poteaux de maison.Haida.

le sud, les Haida, aux cuvres monumentaleset pleinesde vigueur; les Tsimshianqui leur sont comparables avec, peut-dtre, une sensibilitd

repr|sentant uneface humaine.Tsimshian. Masque

la lune.BellaCoola. Masquerepr(.sentant

T6

plus humaine;les BellaCooladont les masques affectentun style pompeux et oi le bleu de cobaltprddomine;lesKwakiutl,) f imagination ddbridde,qui selivrent, en crdantleursmasques de danse,) de stupdfiantes ddbauchesde formes

t7

Hochetc(,rtmonial.Kwakiutl (faceet dos).

SculptureSalish.

ffi bek :r \..

S: V

w

W ww BW

we et de couleurs; les Nootka, que freine un rdalismeplussage;) I'extrdmesud,enfin,lesSalish, dont le style trbs simplifid se fait anguleux et schdmatique, et chez qui s'oblitbrent les influences septentrionales., ()

Sta tu ed i te" d eb i e n v e n u eN,,ootka.

Poteaude maison.Tlingit

.Pour les spectateurs des rites d'initiation, .es masquesde dansequi s'ouvrentsoudainen Jeur volets pour laisserapercevoirun second -.'isage, parfois un troisibmederribrele second, :ous empreintsde mystdreet d'austdritd,attes:aient I'omniprdsence du surnaturelet le pul- 19

Poteauxde maisons(di.tails).Tlingit

20

lulementdesmythes.Bousculantla placiditdde la vie quotidienne,ce messageprimitif reste si violent que I'isolement prophylactique des vitrines ne parvient pas, aujourd'hui encore,) prdvenir sa communication. Errez pendant une heure ou deux ) travers cette salle encombrde de ovivants piliers>; par une autre correspondance,les mots du podtetraduisentexactement

Poteaude maison.Tlingit.

la locution indigbneddsignantlespoteauxsculpt6s qui soutenaientles poutres des maisons: poteaux qui sont moins des choses que des 6tresuaux regardsfamiliers) puisque,les jours de doute et de tourment, eux aussi laissent sortir ode confusesparole5n,guident I'habitant de la demeure,le conseillentet le r6confortent, et lui montrent une issuehors de sesdifficultds. Mdme ) prdsent, il nous faudrait faire effort pour reconnaitreen eux le tronc mort et pour restersourd ) leur voix dtouffde;comme aussi, pour ne pas entrevoir derribre la glace des vitrines et de part et d'autre d'un visagetdndbreux, le nCorbeaucannibale,claquant du bec en guise d'ailes, ou le uMaitre des mardes, commandant le flux et le reflux par un clignearticulds., ment de sesyeux ingdnieusement nCar presque tous ces masquessont des mdcaniques) la fois naives et v6h6mentes.Un jeu de cordes,de poulies et de charnibrespermet aux bouchesde railler lesterreursdu novice, aux yeux de pleurer sa mort, aux becs de le d6vorer. Unique en son genre, cet art rdunit dans ses figurations la sdrdnitdcontemplative des statuesde Chartresou des tombes dgyptiennes,et les artificesdu Carnaval.Cestradi-

Masque articul|(fermt Kwakiutl. et ouvert).

t:w

tt'rl '\

tions d'une 6.galegrandeur et d'une pareille authenticitd,dont les boutiquesde foire et les cathddralesprdservent aujourd'hui les restes ddmembrds, rdgnentici dansleur primitive unitd Ce don dithyrambique de la synthbse,ceme facult6.presque monstrueusepour apercevoir comme semblablece que les autres hommes congoivent comme diffdrent, constituent sans doute la marque exceptionnelleet gdniale de I'art de la Colombiebritannique.D'une vitrine ) I'autre, d'un objet ) son voisin, d'un coin ) I'autre d'un m6me objet parfois, on croirait passerde I'Egypte) notre xrresibcle,des Sassanidesaux carrouselsdes foires suburbaines.

Masquearticul|.(Jerm(. et ouvert).Kwakiutl.

Masque articul|.ouyertet (h gauche) ferm6.Haida.

kt' Cffie en boissculpt(.et peint. Tsimshian.

CoJfre enboissculpttetpeint.Kwakiutl. fun|.raire

26

du palaisde Versailles(avecson emphaseinsolente sur les emblbmeset les trophdes,son recours presque ddvergondd aux m6taphores plastiqueset aux alldgories)) la for6t congolaise.Regardezde prbs cesboites ) provisions, de noir et sculptdesen bas-reliefet rehaussdes de rouge: ieur ornementationsemblepurement d6corative. Des canons traditionnels veulent cependantqu'y soient reprdsentdsun ours, un requin ou un castor, mais sans aucunede ces contraintes qui, ailleurs, brident I'artiste. Car l'animal y parait h la fois de face, de dos et de profil; vu en m6metempsd'en haut et d'en bas,

Cofre en bois sculpt(.et peint repr6sentantun ours tenant un hommedanssagueule.Haida.

du dehorset du dedans.Par un extraordinaire mdlangede conventionet de rdalisme,un chirurgien dessinateur I'a ddpouilldet ddsarticuld,vidd m€me de ses entrailles,pour reconstituerun nouvel 6tre coincidant par tous les points de son anatomie avec les surfacesparalldldpipddiques,et crder un objet qui soit ) la fois une boite et un animal, et, ) la fois aussi, un ou plusieursanimaux et un homme.La boite parie, elle veille efficacementsur les trdsors qui lui sont confids,dans un coin de la maison dont tout proclamequ'elle-mdmeestla carcassed'un plus gros animal oi I'on pdnbtre par la porte, gueule bdante,et ) I'intdrieur duquel se dressent,en cent apparencesaimablesou tragiques, une for6t de symboleshumainset non humains.,

28

Plustard, j'ai connu d'autrescollectionsde la c6te nord-ouest.Cellede I'AmericanMuseum, victime comme beaucoup de I'aberration des conservateurs,a perdu bon nombre d'attraits que la prdsentationconEuepar FranzBoasavait su si bien lui garder. Nous partageant, selon nosdisponibilitdsdu moment,lespidces) vendre chezles antiquairesnew-yorkais- en un temps qui, lui aussi,sembleaujourd'hui mythique, oi ces cuvres ne suscitaientgubre d'intdr6t Max Ernst, Andrd Breton, GeorgesDuthuit et moi avons constitud des collections plus modestes; je dus vendre en l95l celle que j'avais rassemblde.Conseillerculturel de I'Ambassade,j'avais eu, vers 1947,I'occasiond'acqudrir pour la Franceune cdlbbrecollection qui se trouve maintenantdans un musdede la c6te ouest des Etats-Unis:au lieu de dollars imposables,le vendeur aurait prdfdr6.quelquestoiles de Matisseet de Picasso.Malgrdtous mesefforts, j'dchouai) convaincreles responsables de notre politique artistique qui, justement, se trouvaient en visite ) New York. Il est vrai qu') cettedpoque,lescollectionsnationalesn'avaient pas de peinture moderne h revendre, et on qualifia d'utopique mon projet de solliciter

directementlesdeux artistesquej'ai citds,quitte h leur laisserI'usufruit ou m6mela nue-propridtd de ces merveilleux objets: une fois en France, ils auraient bien, un jour ou I'autre, pris le cheminde nos musdes. Malgrd ces ddconvenues,et sans doute en partie ) cause d'elles, le lien presquecharnel que, dbsI'entre-deux-guerres, ) la vue desrares objets qui existaientalors dans les collections franqaiseset chez quelquesantiquaires,j'avais noud avec I'art de la c6te nord-ouest,ne s'est jamaisrelich6.Jele ressentais encoretout rdcemment prbs des lieux oi cet art naquit et se ddveloppa,en visitant les musdesde Vancouver et de Victoria, et en le voyant revivre sous le ciseauou le burin d'habilessculpteurset orfbvres indiens dont plusieursrestent dignes de leurs grandsdevanciers. Pourtant, au cours des anndes,ce sentiment de vdndrationrestaitmind par une inquidtude: cet art me posait un problbme que je n'arrivais pas ) rdsoudre. Certains masques, tous du mdme type, me troublaient par leur facture.Leur style, leur forme dtaientdtranges; leur justification plastique m'dchappait. Bien que profonddment fouillds par le ciseau du 29

sculpteuret munis de pibcesrajoutdes,en ddpit de ces parties saillantesils offraient une apparencemassive:faits pour 6tre portds devant le visage,sans que I'envers,) peine concave,en dpousevraiment le modeld. Beaucoup plus larges qu'un visage, ces masquessont arrondis au sommet, mais leurs c6tds, d'abord incurvds, se rapprochent et deviennentparallblesou m€meobliques;le dernier tiers prend ainsi I'aspectapproximatif d'un rectangle,ou d'un trapdzerenversd.A I'extrdmit6. infdrieure, la petite base est parfaitement horizontale,comme si on avait scid le masque en plein motif, lequel reprdsenteune mAchoire infdrieureaffaissde,au milieu de laquellepend une grosse langue sculptde en bas-relief ou peinte en rouge. Environ au tiers de la hauteur du masque, la mAchoire supdrieurefait surplomb. Immddiatementau-dessus,le nez, parfois indiqud de fagon schdmatiqueou m6me absent, est le plus souvent remplacdpar une tete d'oiseautrbs saillante,entrouvrant ou fermant le bec; deux ou trois t6tes semblablesse dressenten haut du masquecomme descornes. Cesvariationsdans la forme du nez,le nombre 10 et la dispositiondes cornes,distinguentdivers

Masqueswaihw6,.Salish(Musqueam).

72

types de masquesappeldsCastor,Canardbecscie,Corbeauet Serpentdans certainsgroupes; dans d'autres, Castor, Canard bec-scie,Corbeau, Hibou et Saumon de printemps. Mais, quel que soit le type,la forme glndrale reste la m6me, ainsi que celle des yeux, faits de deux cylindres de bois sculptds dans la masse ou rapportds et saillant puissamment hors des orbites. En regardant ces masques,je me posais sanscesseles mdmesquestions.Pourquoi cette forme inhabituelle et si mal adaptde ) leur fonction? Sansdoute les voyais-jeincomplets, car ils dtaientjadis surmontdsd'un diaddmede plumes de cygne ou d'aigle des montagnes(les unes entibrementblanches,les autres blanches au sommet) entre lesquellesse dressaientplusieursfinesbaguettesorndesde boulesde duvet, tremblantes) chaque mouvement du porteur. De plus, le bas du masque reposait sur une grandecollerette,ladis de plumesraideset plus rdcemmenten tissu brod6. Mais cesgarnitures, visibles sur de vieilles photographies,accentuent plut6t l'ltrangetd du masquesansdclairer sesaspectsmystdrieux: pourquoi cette bouche largement ouverte, cette mAchoire infdrieure

pendanteexhibant une dnorme langue?Pourquoi ces tdtes d'oiseauxsansrapport apparent avecle reste,et disposdesde la manibrela plus incongrue?Pourquoicesyeux protubdrantsqui constituentle trait invariant de tous les types? Pourquoi,enfin, ce style presqueddmoniaque) quoi rien d'autre ne ressembledans les cultures voisines,et mdme dans celle oi il a pris naissance?

Masoueswaihw(..Cowichan.

A toutes ces interrogations,je suis restd incapable de rdpondre avant d'avoir compris que, pas plus que les mythes, les masquesne peuvents'interprdteren eux-memeset par euxmdmes,comme des objets sdpards.Envisagdau point de vue sdmantique,un mythe n'acquiert un sensqu'une fois replacddans le groupe de sestransformations;de m6me,un type de masque, consid6rddu seul point de vue plastique, rdplique ) d'autres types dont il transformele galbe et les couleurs en assumantson individualitd. Pour que cette individualitd s'oppose) celled'un autre masque,il faut et il suffit qu'un m6me rapport prdvale entre le messageque le premier masquea pour fonction de transmettre ou de connoter, et le messageque, dans la mdmecultureou dansuneculturevoisine,I'autre masquea chargede vdhiculer.Dans cette perspective,par consdquent,on devra constater que les fonctions socialesou religieusesassigndesaux diverstypesde masquesqu'on oppose pour les comparer sont, entre elles, dans le mdme rapport de transformation que la plastique, le graphismeet le coloris des masques eux-mdmesenvisagdscomme des objets matd34 riels. Et puisqu') chaque type de masquesse

rattachentdesmythes,qui ont pour objet d'expliquer leur origine ldgendaireou surnaturelle et de fonder leur r61edans le rituel, I'dconomie, la socidtd,une hypothdseconsistant) dtendreit des euvres d'art (mais qui ne sont pas seulement cela) une mdthode qui a fait ses preuves dans I'dtude des mythes (qui sont aussi cela) trouvera sa vdrification si, en dernibre analyse, nous pouvons ddceler,entre les mythes fondateurs de chaquetype de masque,des rapports de transformation homologuesde ceux qui, du seul point de vue plastique, prdvalent entre les masquesproprement dits. Pour remplir ce programme, il importe de considdrerd'abord le type de masquequi nous a posd tant d'dnigmesafin de regrouper I'ensembledes informations dont on disposeh son sujet, c'est-)-diretout ce que I'on connait sur sescaractdresesthdtiques,sa techniquede fabrication, I'usageauquel il est destindet les rdsultats qu'on en attend; enfin sur les mythes qui rendent compte de son origine, de son apparence et de ses conditions d'emploi. Car c'est seulementune fois constitud ce dossier global qu'on pourra le confronter utilement ) d'autres 35 dossiers.

il Le type de masquequ'on vient de ddcrire est propre ) une douzaine de groupes indiens membres de la famille linguistique salish. Ces groupes occupaient deux territoires, chacun long d'environ trois cents kilombtres: sur le continent, au nord et au sud de I'estuairedu Fraser,et de I'autre c6td du ddtroit de Gdorgie, sur la partie orientale de I'ile Vancouver. On appellegdndralementcesmasquesswaihw6,nom qu'ils portent dans la vallde du Fraser'; les termes qui les ddsignentailleurs sont trds voipar un h ou un reprdsentd ' Le phondmesalishgdndralement x est une fricative uvulaire.Plus exacteau point de vue phonitiqueseraitla ranscription'.sxwaixwe.

,:-

Mosqueswaihw6.Salish(Musqueom).

37

Ech e l l e

0lo

20

40

60

e II:

D :E

s:

w ,,,,[

si"i' tt

:,c?pi, Flatter y

Puyallup

Nisqually

Skokomish

Cartededistributiondu masqueswaihw6,.

sins, et il semble inutile d'en dresserla liste sinon pour signalerque, dansla rdgionde Puget Soundoi le masqueestinconnu,un mot presque ddsignele potlatch, genrede identiquesqwtqw6, cdrdmoniesau cours desquellesun h6te distribue des richessesaux invitds qu'il rdunit, pour valider par leur prdsenceson accession) un nouveau titre ou son passageh un nouveau statut. Nous reviendronssur ce rapprochement. Dans le costumedes porteurs du masque, la couleur blanchedominait. La colleretteddiit mentionndedtait faite de plumesde cygne,ainsi que le jupon, les jambidreset les brassardsparfois en peaux de plongeon- ceintspar les danseurs.Au lieu de plumes, certainsgroupes Slaiamun, septentrionaux, Klahuse et employaient une paille d'espbce brillante, blancheaussi.Les masquestenaient h la main un sistre spdcial,form6 de coquillesde pecten enfildessur un cerceaude bois. A I'dpoqueor)

du masqueswaihw(. Srstre

Masqueswaihw|.Cowichan.

Curtis visita les Cowichan de I'ile Vancouver. ces Indiens comptaient parmi eux sept propridtaires du masque swaihwd, qui se produisaient h l'occasion des potlatch mais dtaient absents

40

des rites d'hiver. Quiconque voulait donner un potlatch ou une autre fdte profane payait les

Masqueswaihwitenantsonsistre Cowichan.

42

ddtenteursdu masque afin de s'assurerleur concours.Ils dansaienten montrant le ciel du doigt pour rappeler que, comme on le verra, leurs ancdtresen dtaient descendus.Les Musqueam de I'estuairedu Fraser,qui acquirentle masque de groupes en amont, le prdposaient aux potlatch, aux mariages,aux fundrailles,et aux dansesprofanesaccompagnantI'initiation. Dans certainsgroupes de I'estuaire,un clown cdrdmoniel, portant un masque un peu ditr6.rent, attaquaitles masquesswaihwd) coupsde lance comme pour leur crever les yeux, et les danseursfaisaientmine de le chasser. Les masquesswaihwd, et le droit de les appartenaientexcluporter danslescdrdmonies, sivement) quelquesligndesde haut rang. Ces privilbgesse transmettaientpar hdrrtageou par mariage:une femme,membred'une ligndepropfiltaire du masque,passaitce droit aux enfants qu'elle donnait ) son mari. Ainsi s'explique unique, qu'h partir d'un point d'originepeut-Ctre le masquese soit rdpandu depuis le continent jusqu') I'ile Vancouver,et, depuisI'estuairedu Fraser, sur prbs de deux cents kilomdtres au nord et au sud. Dans I'ile, chezles Cowichanet leurs voisins Nanaimo, la sortie des masques

Musqueam). swaihw6.BasFraser(probablement Masque

avait un r6le purificateur:elle ulavaitules assistants. Et, dans toute 1'aire considdrde,les masquesportaient chance et favorisaient I'acquisition desrichesses. Bien que cette dernidre fonction soit partout prdsente,et qu'on puissedonc voir en elle un attribut invariant des masques,les mythes relatifs ) leur origine diffbrent nettement selon qu'ils proviennent de I'ile ou de la c6te continentale.

43

44

Les versions de I'ile relatent qu'aux premiers temps, les ancdtresdes masquestombbrent du ciel. Leur visage6tait en tous points semblableaux masquesactuels.Deux personnagesarrivdrent d'abord sur la terre; ils chassbrent le troisibme qui les suivait de peu, par crainteque son odeur corporelle,disentles uns, le bruit de son sistre,disentles autres,n'effrayit les saumons.En touchantle sol, le quatribmefit trembler la terre. Ils dtaient six en tout, et chacun apportait un bien particulier: arme, engin de chasseou de pdche,ustensiledomestique,rembdemagique... Un homme habitait ddla la rdgion. Il avait une fiIle. et. comme celle-ci 6tait faindante,il lui fit dpouserun des nouveaux venus rdputd bon chasseur.Accompagndede deux esclaves,la jeune fille parcourut une longue route jusque chez son prdtendu ) qui elle offrit des saumons sdchds.Les voyageursrequrentde la viande en dchange.Mais le mariagetourna mal: les trois enfantsauxquelsla femme donna le jour moururent en bas Age,et son 6poux la renvoyachez son pbre. Le m6me ancdtreddcidaalors d'dpouserla fille qu'un de sescompagnonsavait eue d'une

-

illllll , llillll|llm" .illutirn,,l llllllllllll

I iiiiilllu Jt[]uililt1

dtrangbre.Beaucoupd'enfants leur naquirent. En compagniede son frbre (arriv6 du ciel immddiatement aprbs lui), il ddcouvrit un jour le chien, qui les aida ) chasser.Mais, en ddpit des mises en garde de son aind, ce frbre se rendit coupabled'incontinencesexuelleavecsafemme: comme prdvu, le chien disparut. Les deux hommes partirent ) sa rechercheet arrivbrent prbs d'une chute que les saumonsessayaientde remonter. Cela les fit rdfldchir; ils confectionnbrent des nassesen vannerie et les suspendirent le long de la chute: beaucoupdes poissons qui sautaienty retombaient.Ils les firent sdcheren quantitd, et, chargdsde leurs provisions,ils rentrdrentau village. Plus ddveloppdeque d'autres,cetteversion n'en apparait que moins cohdrente.Les dpisodes sont sans lien, et le rdcit s'achbvede fagon abrupte sur une partie de pdchequi n'a pas de r6le dans I'intrigue et ne lui apportepas une conclusion.Pourtant,on discerneplusieurs paralldlismes:le principal anc6tre contracte I'un avec une dpouse deux mariagessuccessifs, ant|,rieure(elle dtait sur terre aYantlui), et 6loign(,e puisque membre d'un peuple diffdrent; 45

(n6e bien I'autre avec une dpousepost|,rieure aprds qu'il fut arriv6.sur la terre) et prochaine (fille d'un de sescompagnons).

Aa ^,u-

I

\i

/r a

I

I

c tLLt 1..

46

1

a

12.'

/ (. tP

I

I

I

r^>-; -:\

f^*

\

I LlJt+r

e.

A l'occasionde chaquemariage,deux types d'auxiliaires se manifestent:les esclavesde la premibrefemme,qui sont des pdcheurset vraisemblablementdes mdles; et le chien de chasse ddcouvertpeu aprbsle secondmariage.Dansla pensdedes Salish, le chien est, en effet, une sorte d'esclave:uM6meun chien ou un esclave travaillera mieux s'il est bien traitd,, dit-on du c6td de PugetSound.Nous ignoronssi I'animal du mythe est mdle ou femelle,mais les Salish de I'intdrieurmettaienten connexionlesfemmes et les chiens. Un mythe okanagon explique upourquoi il existe aujourd'hui des femmeset

deschiens,.En invoquant rituellementI'Amede I'ours tud b la chasse,on lui promet: *Nulle femme ne mangerata chair, nul chien ne t'insultera." Il dtait interdit aux femmes et aux chiens d'uriner prbs des dtuves rdservdesaux hommes,et on tuait le chien qui aurait urind au m6me endroit qu'une femme. En fait, dans le mythe, le renforcementdu lien entre le chasseur et son chien implique, comme on I'a vu, Ie reldchement de celui entre I'homme et son dpouse.En se montrant trop passionnd,le mari lbsesa femme,car cetteviolation destabousde chassele prive desservicesde son chien,et il ne peut donc tuer le gibier dont un mari a pour devoir d'approvisionner son dpouse.A cette double faute d'un mari envers sa femme rdpondent,dans la premidre partie du mythe, les fautesd'une femmeenversson pdreet envers son mari : fautecontrela culture quand la demoiselleparesseuse refusede coudrelespeaux pour faire des vdtements: et faute contre la nature quand, maride,elle se montre incapablede procr6.erdes enfants viables. Pour tout le reste,les versions de I'ile restent rebelles aux efforts de formalisation.C'estseulementen les comparant aux versions continentales que leur construc- 47

tion pourra s'dclairer. Considdrons-lesdonc maintenant.

48

touslesgroupes Avec demenuesdiffdrences, du moyen et du basFraserfont le m6mer6cit. I1 y avait une fois un jeune garEonatteint d'une sorte de ldpre. Son corps exhalait une odeur puante, et m6me ses proches le fuyaient. Le malheureuxrdsolut de se suicider en se jetant dans un lac. Il dchouaau fond de I'eau, sur le toit d'une demeure garddepar des plongeons (Gaviasp.) et dont tous les habitantssouffraient d'un mal mystdrieux(ou, selondesversions,un bdbd ou la fille du chef seulement,atteints de convulsionsaprdsque le hdrosleur a crachdsur le dos ou I'estomac).En dchangede sa propre gudrison,il gudrit le ou les malades,obtint la jeune fille en mariage,et vit pour la premidre fois les masques,les sistreset les costumesdes danseursswaihw6.En suitede quoi il seretrouva miraculeusementtransportd h I'endroit d'oi il avait plongd; ou bien le castor et le saumon de I'espbcedite Cohoe - parfois des animaux plus nombreux, cf. les noms des masques,supra,I-32 - lui ouvrirent un passagesouterrainqui ddbouchaitprbs de la ville

Il|

-' "l l l l i l l l i l l u -. rLll' ,.i ll

actuellede Yale. Le hdros envoya ou conduisit sa seur jusqu'au lac, et il lui ordonna d'y jeter sa ligne de p6cheavec ou sanshameqon(avecdes plumes en guised'appit dans une version).Ellecaptura et amena h la surface les esprits aquatiques. Ceux-ci se ddgagbrent,et regagnbrentles profondeurs en abandonnant un masque et un sistre.Les deux jeunes gens placbrentces prdcieux oblets dans un panier ddcord,tressdpour I'occasioni ou ils les enveloppdrentdansla plus belle couvertureque possddaitleur mbre. Tant6t le hdros remet h l'eau le masque original aprbs en avoir exdcutdune copie qu'il charge son cousinde porter en public (parceque, dit le mythe, il n'a pas lui-m6meles moyens d'assumer cettefonction); tant6t, pour le m6memotif, il donne I'original ) son jeune frbre. Mais qu'il s'agisse deI'originalou d'unecopie,danspresque toutesles versions,le masquepasseen dot ) la scur ou ) la fille du hdros quand elle se marie. Une seules'dcartede la norme en racontantque le masquetomba aux mains d'ennemis.Il dtait prdcieux,en effet; ) son premier possesseur, il confdra le pouvoir de gu6rir les convulsions et les maladiesde peau, et, d'une faqon glndrale, 49

t0

dit la m6me version du mythe, utout vient le masque,. facilementh qui possbde Les mythes du continent offrent un autre caractbrecommun: ils localisentavec prdcision leur intrigue. Elle se ddroule,disent les uns, h Iwawus ou Ewawus,village h trois kilombtres environ en amont de la ville actuellede Hope. Le lac oi le hdros cherchela mort est le lac Kaukwdou Kawkawa,prbsde I'embouchurede la rivibre Coquihalla,affluentde la rive gauche du Fraserori elle se jette ) la hauteur de Hope. Aprbssonparcourssouterrain,lehdrosd6bouche prbs de Yale,et c'est vers Yale aussique toute sa famille va pdcher. Les Indiens Thompson, groupe Utamqt, Ils ont une versiontrbs proche desprdcddentes. nommentle villageWau'us et le situent) quatre ou cinq kilombtres) I'estde Hope.Une version provenant du bas Fraserdonne plus d'importanceh la saur. Au ddbut du rdcit, elle vit seule avec son frbre; quand elle remonte le masque que les espritsdu lac attachent) son hameqon, elle croit d'abord avoir ferrd un poisson; elle prend peur ) la vue des plumeset s'enfuit.Son frbre la renvoie,elle recommence,se saisitenfin du masque,l'enveloppedans une couvertureet

"{

{ nw{

rrtil

,, lxlili{

r{

,tlnll

,ultg

rt{

:1f {

.rrr

"{il ril

's

le met dans son panier. Son frbre I'exhibe dans certaines danses. Dordnavant, le masque se transmettrapar h6ritageou par mariage,mais il arrive aussiqu'il soit vold au coursdesguerres, accident sans grande consdquencepuisque les dtrangersne connaissentpas les chants et les dansesqui rendentle masqueefficace. A I'embouchure de la rividre Harrison, aussisur le bas Fraser,on raconte que le premier anc6treeut deux fils et deux filles.Celles-ci allaientchaquematin ) la pdche.Un jour, elles remontbrentau bout de leur ligne quelquechose de lourd, et virent les yeux protubdrantset les Elles plumesdu swaihwd(ici nommd sqoAdqod). appeldrentleur pdre; l'6tre surnatureldisparut, abandonnantson masqueet son costume.Les de cettefamille prirent femmedans descendants des tribus dtrangbres,et c'est ainsi que le port du masqueserdpandit'.

'Au mois de juillet D7a, j'ai entendu sur le bas Fraserune version un peu diffdrente provenant de Sardis, prds de Chilhwack. Le masque aurait dtd p6chd dans Harrison Lake par deux seurs cdlibataires farouchement hostiles au mariage, dont I'unique frdre dtait animd des m6mes sentiments.Le masque avait un bec allongd, et il dtait ornd de plumes auxquelles le frdre dut son salut: un jour que des ennemis le poursuivaient, i1 se sauva b la nage, et on ne

5I

Au sud de la frontibre du Canadaet des Etats-Unis,les Lummi de I'Etat de Washington nomment le masquesxoaxi et lui donnent une forme un peu diffdrente:gros visage) la bouche duquel manquentune ou deux dentsde devant, permettantau porteur de voir un peu par I'interstice.Une t6te de corbeauau bec pointd vers le bas tient lieu du nez; elle se continue vers le haut par une forme humainedont la t6te ronde surmontele masque,hdriss6de fines baguettes auxquelleson a coll6 du duvet de cygne. Le danseur,nu jusqu'hla ceinture,portait un jupon en laine de chbvresauvage,desjambidresfaites d'une ddpouillede cygne,et il tenait ) la main

,2

devina pas sa prdsencesous les plumes qui dmergeaientseulesde 1'eau. Cet incident ddmontra les vertus du masque. Plus tard, un chaman le compldta d'un costumede danseen plumes d'aigle; les deux sceursse rdformdrent et consentirent ) se marier, I'une chez les Souamish.1'autrechez les Sumas. Comme d'autres que nous allons passer en revue, cette version dvoque de manibre implicite une situation initiale quasi incestueuse:le frbre et les scurs sont abusivement rapprochds par leur commune hostilitd au mariage, qui les incite ) vivre ensemble; mais b la fin et comme ailleurs, I'obtention du masque et son emploi conduisent les femmes au mariage exogame. De son c6td, 1e motif du leurre flottant rappelle un dpisode analogue de ia version squamish (infra, I-62-O) qui provient prdcisdment de 1'un des deux groupes orl les hdroines se maribrent. Je remercie le chef Malloway, de Sardis, qui a bien voulu me faire ce rdcit, ainsi que les D" W. G. Jilek et L. M. Jilek-Aall qui m ' ont m dnagdune r enc ont r ea v e c l u i .

un sistre du type ddjd dlcrit (I-39). Toute personneusurpantle masqueaurait le visagecouvert d'ulcbres.Un clown cdrdmonielparticipait aux danses.Il portait un masque rouge d'un c6td,noir de I'autre,avecune bouchede travers et des cheveux en ddsordre.Les spectateursne devaientpas rire ) sa vue, sinon ils seraienteux aussi atteints d'ulcbres,au corps et dans les voies respiratoires.Ce clown pourchassaitles danseursmasquds,et cherchaiten particulier) leur crever les yeux (cf. supra,I-42) qui, comme ailleurs,sont fortementprotubdrants. Lesmasquessxoaxiseproduisaienth I'occasion descdrdmoniesprofanescommelespotlatch. En dtaient exclusles danseursqui avaient gagn6 la protection d'un esprit gardien, par crainte qu'en se manifestanthors de propos,celui-cine fasse perdre son caractbre ) la cdrdmonie. Le mythe d'origine mdrite une attention spdciale. Un garqon,orphelin de mdre, se prdparait ) I'initiation. Son pbre le traitait durement, lui infligeait toutes sortes d'6preuves,et lui interdisaitmdmede s'approcherde son uniqueseur. Celle-ci,prise de pitid, alla le voir en cachette; elle promit h son frbre de I'accompagnerau 53

cours de sa prochaine dpreuvepour I'aider ) trouver un peu de nourriture.Ellelui donna des racinesde fougbres,mais, au retour, le garqon se sentit malade; soupEonnantquelque ddsobdissance,son pbre le chassaet lui promit une mort prochaine. Le hdros partit ) I'aventureet son corps se couvrit d'ulcbres.Certain qu'il allait mourir, il rdsolutde marchersi loin qu'on ne retrouverait pas son cadavre.Un jour, dpuisdpar la fatigue et la maladie, il s'arrdta prbs d'un ruisseau. Deux hommes peints I'un en rouge, I'autre en noir, lui apparurentpendantson sommeilet lui prddirent qu'il touverait le lendemain deux saumonsrespectivementrcuge et noir.II devrait les prdparer selon les rites, les faire cuire et les ddposersur un lit de choux puants (Lysichiton), mais, quelqueddsir qu'il en e0t, s'abstenirde les manger. A cette condition, il ne souffrirait plus la faim. Cette paire bicolore de saumons qui provoquentle hdrosfait dvidemmenrpenser au danseurpard.d'un masquerouge d'un c6td, :roir de I'autre, qui provoque ) sa faqon les rorteurs des masquessxoaxi (supra,I_53). Les .:dicationsmanquentpour explorercettepiste. 3.evenons donc au rdcit mythique.

Le h6ros observatrbs exactementles prescriptions de ses visiteurs nocturnes; des grenouilles sortirent de sesjoues et de sa poitrine et sautbrentsur les saumons.La nuit suivante, les deux hommesr1.apparutent;ils ordonnbrent ) leur prot6gd de suivre le cours d'un torrent qui s'enfonEaitdans les montagnes.11se laissa porter par le courantjusqu'h une vastedemeure aux murs de laquelledtaientaccrochdsdescostumes de danse.Un vieillard I'accueillit,s'excusa de ne rien pouvoir lui donner sur place. Qu'il retourne ) son village, ajouta-t-il, exige qu'on purifie sa maison et qu'on tressedeux paniers. Le jour suivant, continua I'h6te, la scur du h6rosdevrait secoupertrois longueurs de cheveux,les nouer bout ) bout et les immerger commeune ligne de P6che. La saur s'exdcuta,et retira sa ligne quand elle la sentit lourde. On entendit de sourdes rumeursqui venaientdu fond de I'eau; la jeune fille amena sur la berge un masque qu'elle trouva hideux, auquel dtaient attach6sdeux sistres.Elle p6cha ensuite un secondmasque; son frdre les mit chacundansun panier.La nuit venue, devant le village assembld,il entonna le chant des masquesqu'il fit porter par des 55

garqons robustes choisis entre ses proches parents(supra,l-49).Par la suite,divers villages I'engagdrentpour qu'il exhibe les masques dans leurs cdrdmonies,et il devint trbs riche.

t[

,, '

,ill0 llllll"

- r "lllll

filff

,6

A la diffdrencedesversionsde I'ile, on voit que cellesdu continent ont une intrigue claire et bien construite.Mais on voit aussique I'incohdrenceapparentedespremibrestient au fart qu'ellesse bornent ) en inverser tous les dpisodes,et qu'il leur faut 6laboreruneautreintrigue permettantde les remettrebout ) bout, quitte h modifier I'ordre dans lequel ils se succbdent,et placer en fin de rdcit I'image transformded'un dpisodedont la forme originale se trouvait au ddbut. Cette manipulation transparait d61hdans I'origine premidreattribu6eaux masquesici et l). Dans les versionsdu Fraser,1l faut les hisser de leur s6joursubaquatiquejuslaborieusement qu'h la surfacede la terre; dans cellesde I'ile, ils tombent spontandmentdu ciel sansintervention extdrieure.Si le point d'arrivde,c'est-)-dire le sol, restele m6me,dansun casils proviennent du ciel, donc du haut; dans I'autre,du monde chthonien que les mythes situent au fond des

''lflml"

Lilllll

,illlllli lr lmlil ,, lltI lUlU

'st 'llil lrlulun ul r (

mn,Ill'1

eaux. Par tous leurs ddtails,les versionsde I'ile et celles de la c6te continentalemaintiennent entre elles le m6me rapport d'inversion. Les unes mettent au premier plan de I'intrigue la relation entre mari et femme, les autres celle entre frbre et scur. A l'dpisode initial des mythes de la c6te, relatif au fils malade et ingudrissabled'une mbre (une version prdcise que le pbreest mort), tenu ) distance) causede sa puanteuret qui sejette ) I'eau- allant donc du haut vers le bas (axe vertical)- rdpondent, dans les versions de I'ile, d'une part, la fille paresseuse et incapable d'un pbre (les mythes ne disent rien sur I'ascendantmaternel)et qui se ddplaceau loin pour trouver un mari (axe horizontal), d'autre part le troisibme ancdtre tombd du ciel, tenu ) distancede peur que le bruit de son sistreou que son odeur corporelle ne fassefuir lespoissons.Seulela versionlummi adopte la formule pdre-filsen prdcisantque la mbre est morte, mais au prix d'une inversion qui opposecettevariante du continente toutes les autres.En effet,le hdrosy tombe maladepar suitede sa ddsobdissance, et celle-ci estla cause de I'exil qu'il subit,au lieu qu'ailleurs,il s'exile volontairementen raisonde sa maladie. ,7

Dans les versions de I'ile, la jeune fille dpousele premier masque;mais elle paresseuse prive celui-ci du moyen de devenir un ancdtre, puisque tous les enfants nds de leur union meurent en bas Age.Dans cellesdu continent, au contraire,le jeune homme malade6pousela fille du chef des esprits aquatiques,qui est le premier des masques,et il gudrit aussitous les autresqui, du fait de son mariageet de la santd retrouv6e, pourront devenir des anc6tres.En suite de quoi I'hdroine des versionsde I'ile, le hdrosde cellesdu continentsont renvoy6s,elle chez son pdre, lui chez sa mbre. Le premier masquedes versions de I'ile dpousealors une proche parentequi n'est pas une scur, tandis que, dans les mythes du continent, le hdros enr6le sa scur ) laquelle,surtout dans la version lummi, I'unit une intimitd de caractdre presqueincestueux.Cetteintimitd excessivefait pendant) I'incontinencesexuelledont, dansles versionsde I'ile, un des protagonistesse rend coupableavec sa femme, et cela, bien que les deux types de rapprochementeussent6td interdits par le pbre du hdros dans un cas, et dans I'autre par le frbre de I'individu concernd. ,8

Dbs lors, on comprend la raison d'€tre de Iabizarre partie de p6chesur laquelles'achbvent abruptementles versionsde I'ile. Ayant placd au ddbut au lieu de la fin du rdcit I'origine des masques,et faisant tomber ceux-cidu ciel contrairement aux versions du continent oi ils sont hissdsdu fond de I'eau,les versionsde I'ile ne savent littdralementplus comment finir. Il ) ce leur faut une conclusion;mais, ndcessaire titre, celle des versions du continent ne peut plus subsisterque sous la forme paradoxale d'une p6chehors eau de poissonsqui s'efforcent de remonter une chute, et qui retombent dans des nassesen vannerie. Cette affabulation fait exactementpendanth la p6chede masquesqui se trouvent au fond de I'eau, et qu'on ddpose dans des paniers confectionndsexprbs. Ainsi obtient-on deux conclusionssymdtriques: I'une oi deshumainsp€chent) la ligne desmasques qui sont dans I'eau, pour les mettre dans des paniers;I'autre oi des 6tressurnaturels,prototypesdesmasques,fabriquentdespaniersqu'ils suspendent) I'air libre, selon une techniquede pdcheconquepour les besoinsde la cause,afin d'y capturerdes poissonsqu'une gymnastique 59 trbs spdcialea transportdshors de I'eau.

De cette analyse, deux conclusions se ddgagent.On constated'abord qu'il est plus facile de transformerles versionsdu continent en cellesde I'ile que d'effectuerla mdmeopdration en sensinverse.Car les versionsdu continent sont logiquement construites,alors que celles de I'ile ne le sont pas, mais acquibrent une logique ddrivdede I'autre si, et seulement si, on les interprbte comme le r6sultat d'une transformation dont les premibres illustrent I'etat initial. Il en ddcouleque les versionscontinentalesdoivent 6tre tenues pour primitives et cellesde I'ile ddrivdes,confirmant I'opinion des spdcialistesde cette rdgion du monde qui placentsur le moyen FraserI'origineet le centre de diffusion des masques swaihwd, mais en faisantvaloir desargumentsassezvagues,moins convaincantsque ceux tirds de la comparaison ) laquellenous venonsde procdder.Loin, donc, de tourner le dos ) I'histoire,I'analysestructurale lui apporteune contribution.

60

Cela dtant, on notera le caractbrehybride d'une version squamish,qui sembleavoir pour oblet principal de rendre compte d'une anciennemigration depuisla c6tejusqu'auxiles.

Aux premierstemps,quandil y avait encore trbs peu de genssur la terre, deux frbresentendirent du bruit sur le toit de leur maison.C'dtait un homme qui dansait, portant un masque sxaixi (le mot squamishpour swaihwd).Ils I'invitbrent ) descendre,mais I'homme refusa et continua ) danser.Finalement,il consentit et affirma aussit6t 6tre I'aind. uNon, dirent les frbres,tu es le plus jeune, nous dtions lh avant

&.' ,

Danseurswaihwi en action

62

toi. n Sur ce, I'homme se remit ) danser sans vouloir s'arrdter.Les frbres, excddds,le chassbrentversI'avaljusqu') une baie.L), I'inconnu dpousaune femme trouvde on ne sait oi, et ils dotde d'un eurent une nombreusedescendance tempdramentvif et dnergique.Lesphoquesvisitaient parfois un rdcif proche de leur village. Quand cesanimaux aboyaient,les habitantsdu village primitif, plus dloigndde la c6te, accouraient; mais en pure perte,car leursrivaux, qui dtaient ) pied d'cuvre, avaient ddj) tout tud. Cet6tat de chosesne fit qu'empirer,et la famine r6gnachezles premiershabitants. Il y avait chez eux un sorcier qui conqut un stratagdme.Il passa des mois, des anndes peut-6tre,) fabriquerun phoqueartificiel.Quand il apparut sur le fleuve, les gens de I'amont firent semblantde se mettre en chasse.Ceux de I'aval, alertdspar le branle-bas,voulurent harponner en premier le faux gibier qui les attira plus en amont. Puis il redescenditvers I'aval, entrainantles hommesaccrochds) la corde du harpon,et, ) leur suite,les femmeset les enfants qui avaientplid bagageet embarqud.Le phoque de bois se dirigea vers la grande ile. Quelques familles,dont leshommesavaientlAchdla corde

lllllllllll rlllilllllllllil||' "

dilil

lllllllllltllfillllttt,, ',ll

en cours de route, abordbrent ) I'ile Kuper (toute proche de I'ile Vancouver, en face de l'estuairedu Fraser).Ceux qui tinrent bon arrivbrent ) Nanoose(un peu plus au nord et sur la c6te de I'ile Vancouver).C'est pourquoi les Squamishde la c6te continentalesont amis des gensqui vivent de I'autre c6td du ddtroit. Cette version confirme notre interpr6tation. Car, se ddroulantentrele continentet I'ile, elle adopte toujours des partis intermddiaires. Au lieu de tomber du ciel ou d'dmergerdu fond d'un lac, le premier masque surgit sur le toit d'une maison: h mi-hauteur entre le haut et le bas, et 1) mdme oi, dans les versions(aquatiques,,atterrit le hdrosrendantune visite involontaire aux esprits du lac (supra,I-4S).Il est accueillipar deux frbresformant une paire non marqude,en qui se neutraliseI'oppositionmarqude soit d'un mari et d'une femme, soit d'un frbre et d'une scur. Bien que d'origine encore relativement cdleste,ce masque n'est pas le premier ancdtre,puisqueles frbreset leurs concitoyenshabitaient ddidla terre,et qu'ils jouent un r61e plus important que celui, trbs effacd, attribud par les versionsde I'ile h un seul individu reconnu comme premier occupant.Enfin, 6 3

l'opposition entre I'axe horizontal et I'axe vertical estelle aussineutralisde,puisquele masque descendseulementdu toit d'une maison, et qu'une chasseau phoque, qui se d6rouleentidrement ) la surface de la mer, remplaceune p6cheh la ligne dans desabimeschthoniens.

'',

il[

rl

'r'il

,,iltliliil ,,

ru, ,l

il

64

Venonsmaintenantau secondpoint. On a vu qu'en passantdes versionscontinentales) finalremplacelesmasques cellesdeI'ile,l'dpisode par des poissons (supra,I-59). Poissons,ils I'dtaientsans doute ddl) dans les versionsdu continent,non pas au senspropre, certes,mais au sensfigurl, puisqu'on les p6cheh la ligne. Et n'est-cepasparceque lesmasquessont assimilds ) des poissons,au propre et au figurl, qu'ils ont une languefortement pendante?Un mythe ccur d'al6ne,donc aussisalishmais provenant de I'intdrieur,parle d'un espritdes eaux p6chd par une femme qui a pris sa langue pour un poisson. Inversant cette analogie - mais la comparaisonde mythes plus ou moins dloignds vdrifie souvent ce genre de transformationles Chinook Clackamasdu bas Columbia connaissentun ogre nommd nlangue, d'aprbs sa langue de feu, ddvoratrice,que tranchent des

,t|

,ilttlttl

.i l !

,,il1

t

,rrr

-llrrtt

poissons ) nageoire coupante. Ces poissons qu'on retrousont sansdoute des Scorpdnidds, vera plus loin (infra,l-92-93).Des Salishde I'ile Vancouverprovient une sculpturereprdsentant un masqueswaihw6dont la partie ailleursoccupde par la langue porte en relief I'effigie d'un poisson;tandis que, des Lilloet aux Shuswap, prdvaut, dans I'int6riew, une croyanceen des espritsaquatiques) moitid humainset h moitid poissons.Toutes ces indicationssuggdrentune double affinitd des masquesswaihw6 avec les poissons: mdtaphorique, puisque la grosse langue pendante,qui est un de leurs attributs caractdristiques,ressemble) un poisson avec quoi on peut la confondre; et mdtonymique pour autant qu'on les p6che,et que c'estpar la languequ'on attrapeles poissons:oLemonstre aquatiquefemelle,conte un autre mythe ccur d'al6ne, resta lh, avec I'hameqon dans la b o u c he ..., Entre autres Salish de I'intdrieur, nous venonsde citer les Lilloet. On ne peut affirmer catdgoriquementque leurs masques appelds sdinnuxcorrespondaientaux masquesswaihwd de leursvoisinsdu Fraser,car aucunexemplaire n'est parvenujusqu') nous. Celasembletoute- 65

fois probable, compte tenu, d'une part, des poteaux sculptdstrouvds en territoire lilloet or) I'on reconnaitsanspeinedesmasquesswaihwd, et, d'autre part, du fait que,commecesderniers masques,ceux dits sdinnux dtaientle privilbge de ligndesparticulibresqui les portaient ) I'ocdes casiondes potlatch, et qu'ils repr6sentaient 6tresmi-humains,mi-poissons.Le mythe d'origine diffbre pourtant, malgr6 certainesanalogibs: visite h des 6tres surnaturels,habitants d'un monde souterrain,amis de I'eau et puissantsmagiciens.Mais, au lieu que le hdros,qui leur fait unevisiteinvolontaire,lesrendemalades puis les gudrisseet reEoiveen remerciementune dpouse,ce sont ici les esprits aquatiquesqui font pdrir de maladieles jeuneshommesvenus dansI'espoird'dpouserleursfilles.L'un de ceuxci, dotd de pouvoirs magiques,rdussitenfin ) se concilier ses h6tes et ) s6duire deux sceurs grAce) sa peau lumineuseet douce au toucher. C'estdonc le contraired'un ldpreux,bien qu'ensuite il se changeen vieillard infirme qu'une de ses deux dpouses,la seule restdefidble, transporte dansun panier. D'autresaspectsdes mythes d'originedes masouesswaihw6se retrouventintactschez les 67

Sculptureen bois de l'ile Vancouver,reprisentantun swaihw(' (cf. p. 65). pouryud'unelangueenforme de poisson

Lilloet,mais) propos de I'origine du cuivre. On sait que les peuplesde cette partie du monde prisaient fort ce mdtal, qu'ils obtenaientjadis lesquellesse par troc de tribus septentrionales, le procuraient auprbs d'lndiens de la famille linguistiqueathapaskanqui I'extrayaient) I'dtat natif. Aux tempshistoriques,les navigateurset

Poteauxfun6raires.Lilloet

trafiquantsintroduisirentle cuivre feuillard qui supplantarapidementI'autre. Une grand-mbreet son petit-fils, content les Lilloet, survivaient seuls h une dpiddmie' CommeI'enfant ne cessaitde pleurer,la vieille, pour le distraire,lui fabriquaune ligne de p6che avec ses cheveux, et elle mit une pelote de

cheveuxsur I'hameqonen guise d'app|t. Ainsi 6quip6,lejeune h6rosp6chale premiercuivre, talisman qui le rendit bon chasseur.Sa grandmbres6chala viande,tanna et cousit les peaux; ils devinrentriches.Lehdrosdlcidadevoyager.Il fit la connaissance desSquamish,lesinvita ainsi que d'autrestribus. Devant sesh6tes,il chanta, dansa,exhibasoncuivreet distribualesrichesses accumuldes.Deux chefs lui offrirent leurs filles en mariage; ils requrent en dchangedes morceauxde cuivre. Le jeune homme et sesfemmes eurentbeaucoupd'enfants,surtout desfils auxquelsd'autreschefsaccordbrentleursfilles,non sansrecevoir du cuivre h leur tour. C'est ainsi que le mdtal se r6pandit dans toutes les tribus. Ceux qui en possddaientle tenaient pour un bien trbs prdcieuxdont ils ne voulaient pas se dessaisir,tant cette matidre rare leur confdrait de prestige. Ce mythe attribue donc au cuivre la m6me origine aquatiqueque d'autres mythes prdtent au masque swaihwd. L'un est p6chd comme I'autre, et leur possessionprocure pareillement la richesse.Cuivreet masquese rdpandentaussi par la voie de mariagescontractdsdans des 70 groupesdtrangers,avec cette diff6renceque le

sensde circulationn'estpasle mdme:le masque swaihwd va de la femme au mari et ) leurs tandis que le cuivre va du mari au descendants, pdre de la femme, donc h un ascendant.On dirait qu'en passantdes tribus du Fraseraux Lilloet, le mythe sur I'origine des masques swaihwdsubitune sortede fission:on le retrouve en partie dans le mythe d'origine des masques sdinnux,qui sont probablementla m6mechose que le swaihwd;et, pour I'autrepartie,dansle mythe d'originedu cuivre, substancemdtallique sans rapport apparent avec les masquesbien que, sous I'angle dconomiqueet sociologique, elle remplissela mdmefonction sousrdservedu sensdanslequelcirculentles prestations. Un mythe skagit raconte la m6me histoire que les mythes du Frasersur le swaihwd,sauf que les espritssurnaturelsqui rdsidentau fond des eaux accordent ) leur visiteur non les des quatre points masques,mais les urichesses cardinauxo,bienscomparables) ceux que procure ailleurs soit le masque,soit le cuivre. A I'autre extrdmitd de I'aire de diffusion des masquesswaihwd, les Kwakiutl ont un mythe sur un garqonnomm6 He'kin. Toujoursmalade, 7l

72

la peau couverted'ulcdres,il se rdfugieau sommet d'une montagne pour attendre la mort. Une crapaudequi se trouve l) le gu6rit aYecun onguentmagique,lui donne une plaque de cuivre ouvragde(cesdtrangesobjets que les Kwakiutl et leurs voisins tenaient pour leurs biens les plus prdcieux,et qui jouaient un r6le considdrable dans les transactionssociales,dconomiqueset rituelles),et elle lui confbrele nom de Laqwagila.Lehdrosretourne Faiseur-de-Cuivres, chezles siens,sa scur I'accueilleet le fdlicitede sa nouvelle apparence.Il lui fait pr6sent du cuivre (pour qu'elle I'apporte en dot h son futur mari,. NonobstantI'inversion du lieu oi le hdros cherchela mort (sommet d'une montagne au lieu de lac profond),ce mythe affecte) I'origine du cuivre la m6me intrigue et plusieurs des ddtailsqui nous sont apparussignificatifsdans les mythes d'origine du swaihwd,en particulier le r61e imparti h la saur. MOmela crapaude secourable6tait ddjdprdsentedans cesmythes, sous la forme des grenouillesqui, dans la version lummi, s'dchappentdu corps du hdroset le ddlivrent de sa maladie.Ce batracienjoue aussi un r6le dans une version du bas Fraser ddi)

:- r,f u;, t rc

":

_* niuu -..ry' ilU

Plaquede cuivreouvrag6e.Kwokiutl

utilisde(supra,I-48), bien qu'on n'ait pas fait un sort ) cet dpisode:quand le hdros s'arr6te au bord du lac oir il veut se noyer, il p6che d'abordun saumonet le r6tit; mais,au moment de le manger,il trouve ) saplaceunegrenouille. 7J

74

Ce coup du sort le pousseh bout, et il met son projet ) exdcution. Comme il fallait qu'il se jetAt ) I'eau pour rencontrerles espritsgudrisseurs et donateursdes masques,on peut dire que la grenouille,substitudeau saumon,est la causeindirectede sa bonne chance.De m6me, dans la version lummi, les grenouillesle ddlivrent de leur prdsencemaldfiqueen dchange, pourrait-on dire, de sa renonciationaux deux saumons sur lesquels sautent les batraciens, comme pour s'y incorporerou se substituer) eux (supra,I-5r). Le mythe kwakiutl et ceux des Salishinstituent le mdme rapport de corrdlation et d'opposition entre crapaudeou grenouille et saumon,et ils donnent au batracien un r6le identique,dans une intrigue relative ) I'acquisitionsoit du cuivre, soit du swaihwd. De tout ce qui prdcdde,quelquesconclusions provisoires se dlgagent. On a mis en dvidencecertainstraits invariants des masques swaihwd envisagdstant sous leur aspectplastique que souscelui de leurs mythes d'origine. Ces invariants plastiquesincluent la couleur blanchedu costume,due b I'emploi frdquentde plumes de cygne et de duvet; la langue pendante et les yeux protubdrantsdes masques;

tllr' l tt{ |

'lntttlM

rilttt

Lirlm 'ilf

rlnn l" riltilil

-*t*ilil rild I

lmrffi

'q

enfin, les t6tes d'oiseauxremplaqantparfois le nez ou surmontant la t6te. Si I'on se place maintenant au point de vue sociologique,on relbve que la possessionou le concours des masquesfavorisaientI'acquisitiondesrichesses, danslespotlatchet autres qu'ils comparaissaient cdrdmoniesprofanes, mais dtaient exclus des rites sacrdsde I'hiver; qu'ils appartenaienten propre ) quelquesligndesnobleset setransmettaient seulementpar hlritage ou par mariage' D'un point de vue sdmantique,enfin,lesmythes font ressortir une double affinitd des masques swaihw6:avecles poissons,d'une part, et avec le cuivre, d'autre part. Est-ilpossiblede comet prendrela raison d'6tre de cestraits dispersds de les articuleren systbme?Tel est, au point oti nous en sommes,le doubleproblbmeque posent lesmasquesswaihwd.

75

m DansI'ile Vancouver,lesgroupesde langue salishvoisinaientavec les Nootka h I'ouest,et avec les Kwakiutl au nord. Cette proximitd explique que les deux peuplesaient empruntd aux Salishles masquesswaihw6,et m6me leur nom qui sedit en kwakiutl xwdxwd ou kwdkwd. D'une factureplus rdaliste,les masquesnootka et kwakiutl repr6sententun visageanim6 d'une expressionviolente,mais ils prdserventtous les caractbres quenousavonsreconnusau swaihwd. Certainsexemplairesprovenant des Kwakiutl sont peints en blanc et portent, ) la partie supdrieure,des motifs stylis6s rappelant les olumesdont s'ornentles mdmesmasqueschez

Masquexw6.xw t..Kwakiutl.

77

les Salish.Et les masquesxwdxw6,tant nootka que kwakiutl, ont la languependante,les yeux protubdrants,et des appendicesen forme de t6tesd'oiseaux- celles-ci,parfois,plus caprirdparties.Lesdanseursportaientun cieusement sistre identique ) celui du swaihwd. On ne sauraitdouter qu'il s'agissedu m6me masque, transposddans un style moins hidratique,plus lyrique et plus vdhdment.

.4

|lili;

xw 6.xw(,.N ootka. Masques

d

rl

Lf lI

il$ ','

.fl

U

u

,il

,-*1

''"'') .*

rtl;l dili

t;***J&

ECHELLE o 1020 ;fi!{:i-+.-

40

60

80

100Km

AT HAPAS K A N

=4, <\l ShuswaP

(-\

\---.r \':

i

c' \Liltoet

I

/"- .

#t;1'uO--.,/',. a;:i

.-22\

o'

).-/

e i l,

i

s t af o ! 5 _,lr - o

CHEMAKU

) Okanagon'

i'.: $fui$r,(.,, ,W

-'r'*""",",) "u"o"r'r' ,,;'

"'::""::x r" ,{r"\!ry":;; 4,,."\.*_ ---, i, .<;

"n" --i S1g'.-(5::;:;,?, l& '--DOa<x "o,u.)7'.,"/,/u ,."),;7ffi*

( was hJ

i

r l"oeurd.Arene.Y l

o

I

i

I

o, AH A P TIN

;l;i;:'v;i

T O - A ZTE C

Cartede distributiontribale.

,fif

Y'

,iiii]fllll

Illi llllllll

",(

rilil

ri

r;ifltm

ltilti

xw6xw6.Kwakiutl. Deux typesde masques

Les Kwakiutl associaient les masques (Leursdanses,dcrit Boas, xwdxwd aux sdismes: dtaient censdesfaire trembler la terre, moyen certainde ramenerle hamatsa).c'est-)-direle nouvel initid dans la confrdrie la plus haute, Au cours de I'initiation, celledes "cannibalesn. le novice devenu f6roce et sauvages'enfuyait dans les bois, et il fallait obtenir qu'il revint 80 pour le rdintdgrer dans la communautd du

village. Cette association entre xwdxwd (ou swaihwd)et sdismeressortaitddj) des mythes salish (supra,l-44, 55), et elle jette un jour curieux sur le symbolismedes sistresdont sont munis les danseurs,ainsi, d'ailleurs, que sur celui des hampestremblantes,orndesde boules de duvet, qui surmontentles masqueschez les nous avons Salish.Dans Du Miel aux cendres, attir6.I'attention sur la fagon dont Plutarque

Hochetcir|moniel une t€te repri.sentant coupte,port6par les de fficiants charg6.s (pacifier > le Cannibale. KwaRtuil.

82

explique le r6le des sistres chez les anciens Egyptiens:uLesistre(...)donned entendrequ'il faut que les chosesse secouentet ne cessent jamais de remuer,et quasis'6veillentet secroulent, comme si elless'endormaientet languissaient.,Le sistredtait un symboledu dieu aux cuissessouddes,ude sorte que de honte il se tenait en solitude,mais (...)Isisles lui coupaet les divisa ensemble,tellementqu'ellele fit marcher droit et ) son aise,.On penseau hdrosque la maladie rend infirme dans les mythes d'origine du swaiwhd,et aussi,commenous le soulignions en son temps, au ddmiurgedes Indiens Karaja,ligotdpour dviter que, libre de sesmouvements,il ne d6truisela terre. Selonle tdmoignagede MmeGloria CranmerWebster,conservateur du Musded'Anthropologie de Vancouver et Kwakiutl de naissance,les masques xwdxwd, aprbsavoir commencdleur danse,ne voulaient plus s'arrdter;il fallait physiquement les contraindre(cf. supra,I-62).lls empdchaient aussilesenfantsde s'emparerdesprdsents(pibces de monnaie) une dpoquerdcente)qu'on lanqait h la volde pendantle spectacle.On reviendra sur ce detall (infra, I-91), d'autant plus intdressantqu') I'autre extrdmitdde I'aire de diffu-

tiill|||

IrM

;iirtt '

Ll'llll

'lll'

il

'd lltll ,[

,lru|l I tl

il]]Llllll{ ri ' l l

i{

lllll"ttr{

pour sion du swaihw6,les Lummi choisissaient, porter le masque,les hommesles plus robustes trbs longtemps. dans 1'espoirqu'ils danseraient Ces athlbtescddaient finalementla place h la personneen l'honneur de qui on donnait la f6te; elle distribuait des prdsentsh la ronde, qui sousI'cil attentifdesplus jeunesassistants guettaientI'occasiond'une m6ldepour s'ensaisir. Pour rendre compte de I'origine des masques,les Kwakiutl avaient deux types de mythiques,lesautres rdcits:lesunsfranchement de caractbreplut6t l6gendaire.Conformesen gros ) la vdritd historique,cesderniersr6citsse rapportent ) des alliancesconclues avec les Comox, peuple salish limitrophe des Kwakiutl m6ridionauxdans I'ile Vancouver.L'un d'eux commenceau moment oi un chef de la rdgion de Fort Rupert, territoire du sous-groupeKwagiutl, fait annoncer par son hdraut qu'il veut dpouserla fille du chef Comox. Aussit6t aprds cette proclamation, il prit la mer avec une troupe nombreuse.Les Comox leur firent bon accueil,acceptbrentles cadeauxde mariagequi remplissaientdeux embarcations,et la fianc6e 8 3

84

preparasesbagages.On entendit alors comme un bruit de tonnerre tandis que sonnaientles massistresde coquillage; quatre personnages qu6sparurent et se mirent ) danser.Pendantle banquetqui suivit, les Kwakiutl go0tbrentpour la premibrefois aux camas(desliliacdes) bulbe comestible).Le chef Comox ordonna qu'on (pa-

obti nt er . - . deux te:,, : dev ants a:: , v ue. I1 : :', m ai s s o: :,aux Co: Indi ens:: ,

cifieules masques,puis il les remit en cadeauh son gendre. Celui-ci requt aussi un nouveau nom et vingt caissesde camasdont, au retour, Ilftgalales siens.Il fit ensuitedanserlesswaihwd. Sa femme lui donna trois enfants,mais, aprbs la naissancedu quatridme, les dpoux divorcbrent;la femmeretournadansson villagenatal avec deux des enfants et le droit, pour les Comox, d'exdcuter quelques danseskwakiutl du cdrdmoniald'hiver. Les deux enfants portaient des noms kwakiutl qui, par leur intermddiaire,uentrdrent)pour la premidrefois chez les Comox. Un autre rdcit ldgendaireconcerne deux Comox qui allbrentchez les Kwakiutl dansI'espoir d'obtenir une femme pour leur petit-filset reEut un nouveau fils. Le prdtendant fut agr6.6., nom (celui du grand-pbrepaternel de la jeune fille),offrit un potlatch ) sesnouveauxallids,et

d a n s ec - -

*

Tent uar c- ea-

I ,. ,irlllii ",,i:l [L]]]/lll

obtint en cadeaule masquedu Sisiul,serpent) deux t6tes,dont il put ainsi exdcuterla danse devantsesparentsComoxqui ne I'avaientjamais vue. Il s'6tablit lui-mdme chez les Kwakiutl, mais son pbre se chargeade rapporter le Sisiul aux Comox. C'estdepuiscettedpoqueque ces Indienscdlbbrentle cdrdmoniald'hiver, dont la dansedu Sisiulfait partie.

un cuivre entlur{ d'un Tenture ctrtmonielle repr|.sentanten bas le Sisiul et au-dessus Kwakiutl. etJlanqu(. dedeuxcorbeaux. arc-en-ciel

Un troisibmerdcit met en scbne,) part les Comox, deux groupes kwakiutl allids par mariage:les Nimkish de I'ile et, juste en face sur le continent,les Koeksotenok.Le chef Nimkish habitait ) Xulk, sur la c6te orientale de I'ile. Un jour, il entreprit son gendre sur la ubonne danse, des Comox, c'est-)-dire le swaihwd. Ce gendre avait un frbre qu'il persuadade faire la guerreaux Comox pour s'emparer de la danse.Le jeune homme embarqua avec cent vigoureux guerriers.Arrivds en vue du pays comox, ils entendirent un bruit de tonnerre:c'6taientles dtrangersqui uchantaient pour le xwdxwd". Toute la troupe d6barqua) l'autre extrdmitdde la baie, d'ori I'on apercevait les danseurset des nuagesde duvet d'aigle jusqu'auciel. Aprbsla danse,la qui s'dlevaient moitid de I'dquipages'approcha;les Comox les firent asseoir et leur offrirent un festin. De nouveau,le tonnerregronda et quatre masques parurent,peints) I'ocre,couvertsde plumes,et tenant ) la main des sistresfaits de pectens Le chef Comox haranguasesvisiteurset enfi16s. leur donna le droit d'exdcuterla danse,ainsi qu'un coffre contenantles masquesavec leurs 86

accessoires.

' I ' fl "

liillilll

, I rrlli 'I

ilIil t"i il

: illili

ttll illl iLll,

,r

' 'I llllllllll

'il 1 lii,!

" ,r{,, ' ,,,,,li

,ii

lllll '"1

il

Lll

iilt

'

il[ll

EntrelesSalishde I'ile et lesKwakiutl, tant de I'ile que du continent,existaitdonc un rdseau de rapports ambiguspouvant aller de I'alliance matrimoniale) la guerre.Dans les deux cas,les masques,les privilbgesqui leur sont attachds, 6taientI'enjeu des rivalitds et des dchanges,au m6me titre que les femmes,les noms de perLe masque sonneset les produits alimentaires. swaihwd ou xwdxw6. exclu des rites sacrdsde I'hiver, passe,dans ces rdcits, des Salish aux Kwakiutl ) I'occasiond'une expdditionguerribre ou d'un mariage;dans ce derniercas, le transfert a lieu dans le m6me sensque ceiui de la femme dpous6e.Partie intdgrante du cdrdmonial d'hiver, le masquesisiul passeau contraire des Kwakiutl aux Comox, donc dans le sens inverse, qui est aussi celui suivi par le ieunemari comox en s'installantchezsesbeauxparents.De tels rdcits dvoquentsansdoute des usagesqui furent rdels.D'autres reldvent franchementde la mythologie. Telle I'histoire de cet Indien Kwakiutl, groupe Nimkish, qui, de la ville de Xulk, dd1) citde,oi il vivait, voulut se rendre ) la pointe du cap Scott, ) I'extrdmitdnord de I'ile, pour 87

visiter un lieu rendu cdlbbrepar un dvdnement mythiquel. Il arriva le soir ) Gwegwakawalis, petite baie au pied du cap, se construisit un abri, alluma un feu, dina, mais ne put trouver le sommeil.Pendantla nuit, il entenditun grondement,et le sol tremblacommedansun sdisme. Il sortit, s'assit,perqutune rumeur de conversations qui semblaientprovenir de Axdem, sur la rive opposdedu cap. Il regagnasa couche et s'endormit.Un homme lui apparut en r6ve, qui lui ordonna de se purifier, d'aller ) Axdem, et lh, quand la terre aurait trembl6 quatre fois, d'entrer dans une maison cdrdmoniellequ'il verrait, de s'y asseoiret d'attendre les dvdnements.La mdme vision revint la nuit suivante. Pendant ces deux jours, le hdros se baigna, je0na, puis semit en route pour Axdem. lI y parvint ) la nuit tombante, vit une grandemaison oi il entra. Un feu s'allumatout

88

'Deux aigles et leur petit descendirent un jour du ciel. Ils atterrirent ) Qum'qatd, prbs du cap Scott, se ddbarrassbrentde leurs olumes et devinrent des humains, premiers habitants de la rdgion. si c'dtait lb I'dvenement auquel fiit allusion le mythe, on devrait tenir pour significatif qu'il prdserve 1e code des mythes salish de I'ile sur l'origine du swaihwd dont le message seul subsiste, sous forme inversde, dans le prdsent mythe qui 1etranspose en termes de code non plus cdleste,mais aquatique.

..

,Li' ild

rmtr

r, lililnl

rllmilfiflf

,,iililt1] i,lt

l$lg

"' ''t' ili -r

llffil

seul au milieu; bient6t, une troupe d'hommes et de femmes parurent, et un orateur adressa une invocation aux esprits.A quatre reprises, les femmesse changbrenten gros poissonsrouges, animds de mouvements convulsifs qui dtaientla causedes grondementsentenduspar le hdros; en suite de quoi ellesreprenaientleur porteursde aspecthumain. Quatrepersonnages masquesxwdxwd dansaientdevant ellesen agitant dessistresde coquiliages.Pendantce temps, desofficiantschantaient: (bis) "Allez-vous-enles affreux ulesaffreux h la languependante(bis) ulesaffreux aux yeux protub6rants"(bis) A chaquesortie desdanseurs,les poissonsredevenaientdesfemmes. L'orateursaluale hdros,lui confdrale nom Poisson-Rougeet lui fit cadeau odes trdsors Le hdros surnaturelsde cettegrandecdrdmonien. demandaque la maison cdrdmoniellefOt livrde ) domicile.On lui dit de rentrer chezlut, et que la maison et les accessoiressuivraient. Notre homme retourna donc ) Xulk, garda le lit pendant quatrejours, puis convoquatoute la popu- 89

lation qu'il pria de se purifier auparavant.Le soir, des murmures d'6tresinvisibleslui apprirent que sa maison 6tait arrivde.Il y entra avec ses invitds. On entendit des grondements,la terre trembla quatre fois, les masquesparurent et dansdrent.Le hdrosfit voir ) tous les prdsents requsdes poissons:les quatre poteaux sculptds de la maison, les quatre masquesxwdxw6, les quatre tambours de bois et les bAtonsen dents de scie qu'on frotte contre leur caissepour enfinlesquatresistres produiredesgrondements, de coquillages:uTout cela fut plac6.dans la salle,car il n'y avaitni provisionsde nourriture, ni richessesd'aucune sorte que le hdros e0t obtenuesdes poissonsrougesen fait de trdsor. C'est la raison pour laquelle on dit que ces poissonssont avaricieux., si I'on oubliait que, Moralit6ddconcertante, chez les Salish,les masquesswaihwdpossbdent la nature opposde:ils enrichissentceux qui les ddtiennentou qui se sont assurdleur concours. Qu'un masqueempruntdpar une population ) sa voisine voie, au cours de ce transfert, ses attributs s'inverser,c'est l) un fait riche d'enqui retiendraplus loin toute notre seignements 90 attention. D'autant plus que, dans une version

salih ddjA citde (supra,I-51, note l), les deux scurs et leur frbre, qui vivent replidssur euxmdmeset refusentde se marier, c'est-)-direde s'ouvrir versle dehors.sont dits avoir un (estom a c d e p i e rre ,;o r, l e s D 's W.G. Jiieket L.M. Jilek-Aall, grands connaisseursde la culture salish,ont bien voulu nous prdciserque cette locution, qui figure aussi dans les chants du swaihwdtel qu'on le cdlbbreaujourd'hui,ddsigne I'dgoiste,celui ou celle qui ne pensequ'h soimdme, refuse d'agir en faveur des autreset de communiquer avec eux. C'est donc le m6me caractbre, attribud par les Kwakiutl ) leur masque xw6xwd, que les Salish pr6tent ) des humains,jusqu') ce que le masque- auquel s'attachealors la vertu opposde- leur permette de s'en libdrer. On se souvient que les masques xwdxwd des Kwakiutl manifestent d'une autre faqon leur caractbresordide, en emp€chantles enfants de ramasserles pibces qu'on leur jette ) la volde (supra,l-82). En revanche,les masquessalish et kwakiutl conserventun trait commun, car les convulsionsqui saisissentles poissons- misesen rapport avec les rumeurs souterraineset les sdismes- renvoient directementh cellesdont 9l

souffrentlesespritsaquatiquesdesmythessalish, infectdspar la salive du h6ros, et au pouvoir, reconnu aux masquesqui les reprdsentent,de gudrir les convulsions (supra,l-49). Mais, avant de chercherun biais par oi aborder ces probldmes(puisqueles informations directesdont on disposen'apportentpas de lumibres),il convient de prdciser I'identitd des poissonsdont parle le mythe, et de ddcouvrir leur fonction sdmantique.

-i l

llt[ il

t'

1

lllillll'Ii 1r[

il

rtil

,iiiilln4

,lt, li

rd

Commundmentappeidsen anglais RedCod ou RedSnapper,ces poissonsne sont pas des morues, mais des poissonsde roche et d'eau profondequi appartiennenth I'espbceSebastodes ruberrimus,famille des Scorpdnidds.Comme leur nom scientifique I'indique,ils sont rouges, mais la m6me famille inclut des espbcesnoires ou autrementcolordes.Cellequi nous intdresse Le poisson Sebastodesruberrimus.

'il1[

'llnn'

il

- Llililt

mtlm

,"i iil r

'tti

comprend des sujets de forte taille pouvant ddpasserun mbtre. Elle est notable par des nageoireset des dcaillesdpineusesqui peuvent blesserles p6cheurs.Rien d'dtonnant, donc, si les mythes de cette rdgion font de frdquentes mentions aux villages des Scorpdniddsrouges, crdatures effrayantes) cause de leur nageoire coupanteet des dpinesqui se dressentsur leur corps (supra,l-64-65).D'un point de vue plus trivial, ces poissonsont une chair maigre et sdche,qui demande) 6tre arrosdecopieusement d'huile, avec des inconvdnientsdigestifsdont les mythes font aussidtat, et sur lesquelsnous ne nous 6tendronspas. Selon les Nootka, le Scorp6niddrouge dtait un magicienpuissantet redoutablequi fit un jour cuire au four de terre sesdouze filles viergespour nourrir son h6te le tout de suiteaprbs.Le Corbeau,et lesressuscita Corbeauvoulut faire de m6me quand il rendit

94

I'invitation, mais sesfillesmoururent et le Scorpdniddse dit incapablede les ramener) la vie. Un mythe des Tsimshian(voisinsau Nord des Kwakiutl continentaux)associele Scorpdnidd rouge b l'origine du cuivre. Une nuit, un ovdtude lumibre,,appaprinced'originecdleste, rut ) la fille jalousementgard6ed'un chef, qui se languissaitde ne pas avoir de mari. La nuit suivante,il envoya son esclavela chercher, mais elle fit une erreur sur la personneet se donna ) lui. Le prince se rabattit sur la scur cadette,boiteuse,et qu'il gudritde son infirmitd. Il prit ensuitesa revancheen rdussissantseul ) s'emparerdu cuivre: le prdcieuxmdtai se trouvait au sommet d'une montagneinaccessible, dont le prince le ddcrochad'un coup de fronde. Le cuivre glissalentementdansla valldeoi il se divisa pour donner naissanceaux gisements connus.Le prince et son esclavese querelldrent ensuitependantune partie de pdche.Le premier changeale second en Scorpdniddrouge, dont I'estomacsort de la bouche chaquefois qu'il lbvela t6te.Lesexpertsconfirmentqu'un organe internede ce poissonremontejusqu') sa gueule quand on le tire hors de l'eau: le Scorpdnidd rouge,disentlesSquamish,"seretournededans

"iliu

lllli

,,,,1

ir1

rlttt

ilit

IIt

"rlul

j liltil

iluill

fitil

|] ,. ,,,llu

ilttf

[i

,ltt

,d ,rK '

l(

ril ,d

,d ri l d{

fl

dehors,.Le prince changeaaussisa belle-saur nle de I'espbcedite Flancs-Bleus: en Scorpdnidd, plus joli de tous les poissons,car ce fut une princesse,; puis il regagna le ciel avec son dpouse,laissantsur terre leurs deux filles qui s'dtaientmari6esentre-temps.Un jour, I'ainde informa son mari du gisementde cuivre crdd par son pbre sur le haut Skeena.Le couple organisa une expddition pour s'en emparer, mais le projet n'aboutit pas: on prdfdras'arr6ter en cours de route, pour abattre et ddbiter *l'arbreaux odeurssuaves,.La fille du princeet son mari en firent commerceet s'enrichirent. Quant ) la cadette,elle engageason mari dans la qu6te du saumon qui se change en cuivre. Il r6ussit,mais les exhalaisonsde ce (cuivre vivant, I'empoisonndrent;il mourut. On ddcidade br0ler le cuivre, et on ddcouvrit h cetteoccasionce qui sembledifficile) interprdter sinon commeI'art de la fonte.L'dpisodeest d'autant plus mystdrieux qu'on refuseg6.neralement la connaissancede cet art aux Indiens de la c6te du Pacifiquequi, avant I'introduction du cuivre feuillard par les navigateurset les commerqants,se bornaienth scieret ) marteler le mdtal natif. Quoi qu'il en soit, le prince 95

96

redescenditsur terre et ressuscitason gendre.Il fit savoir que le (cuivre vivant, est dangereux et prohiba son emploi, sauf au mari de sa fille et h leurs descendantsqui, dit-il, sauront seuls (tuer le cuivre vivant et le transformeren obiets prdcieux,. Il leur enseignaen effet les moyens de seprotdgercontreles fumdesddldtbres. GrAce ) ce savoir, le couple s'enrichit de manibre fabuleuse. Ce mythe, fondateur de privilbgesrevendiqudspar une ligndetouchant la connaissance et le travail du cuivre, repose sur une sdrie d'oppositions et de paralldlismes.Les personnagesserdpartissenten deux groupesselonleur destination dernibre, c6lesteou aquatique. A cet 6gard, les deux filles, protagonistesde la secondepartie, reproduisent les deux saurs, protagonistesde la premibre, car I'ainde des filles ddcouvre une richesseadrienne,les parfums de I'arbre, la cadetteune richesseaquatique, le saumon de cuivre. D'une gdndration) I'autre, par consdquent,les affinitdsrespectives de la cadetteet de I'aindese croisent.On relbve aussi d'autres oppositions: entre le prince et son esclave,la belleprincesseet sa scur infirme, le cuivre (mort) au sommet de la montagneet

*, le cuivre . I'ar br e.. . tetI'aut:.: - - , --'I

Me:":-

a c c a p a r -- :

est mis _- - * l i , son so::

enrichi: .:-:-Yt , ) tionqu-' ger. Bie: - -, ti swaihr r =

--

;d

d'un c c ,* : - i dor :: ' I m as que:- :

en rap: _:- - -tI I'enver-- .

i

contine:.:: : daient -= -.

{u

-t deux f.,- - -m d'un la. : --- l nidd nc-r r:. ii

le refus-:r- -,i LeScor::r -" 'r c e l a n t e= - ' , :l M I'eau cc,: - ,

le cuivre uvivantudansI'eau,la douceodeur de I'arbre et la puanteur mortelle du cuivre' I'une et I'autre sourcesde richesse,etc' Mdtamorphosed'un personnageperfideet accaparesr- I'esclave- le Scorpdniddrouge est mis, ici aussi,du c6td de I'avarice;ce poisson s'opposea! saumon' cuivre vivant qui sesddtenteurs) condienrichit gdn6reusement tion qu'ils sachentse prdmunir contre son danger.Bienque lesTsimshianignorentlesmasques swaihwdou xwdxw6, ils associentdonc' au sein d'un couple d'opposition, le Scorpdniddrouge dont les Kwakiutl font le donateur des masques- et le cuivre que les Salishmettent en rapport direct aveceux. D'ailleurs,le mOmemythe, mais racontd h I'envers,existe chez les Squamish(de la c6te continentale,au nord du Fraser),qui poss6daient le masquesous le nom de sxaixai' Les deux filles d'un chaman allaient souvent prbs d'un lac pour se chercherun mari' Le Scorpdnidd noir rdponditd'abord ) leurs appels;elles le refusbrent) causede sesyeux protubdrants' Le Scorpdniddrougeparut ensuite,crdaturedtincelanteaux reflets de flamme, qui faisait briller 97 l'eau comme si un feu br0lait en dessous'Elles

98

n'en voulurent pas non plus, parce qu'il avait une trop grande bouche et des gros yeux. En r6.aIit6,les jeunes filles souhaitaient faire venir le "fils du jour lumineuxn,en qui I'on reconnait un aher ego du prince ov€tu de lumibrendescendu du ciel dans le mythe tsimshian, alors qu'ici, il remontedu fond deseaux.Il semontra enfin.*dor6, clair et brillant commele soleilu,et consentit) dpouserla cadette.Mais, comme les espritsaquatiquesdu mythe lilloet sur les masques sdinnux (supra, I-67), le vieux chaman, pbre des deux scurs, se servait de ses filles pour attirer leurs prdtendantset leur imposer des dpreuvescensdesmortelles. Le hdros sut ddjouertous lespidges,et il transformala maison en rocher enchantdor) il emprisonnason beaupdre. Ce rocher existe; si on I'insulte,une tempdte se ddclencheet le coupable sombre avec son bateau. Ici aussi,par consdquent,un hdros,auquel on est ailleurs redevabledu cuivre, et qui se signale par son dclat solaire et mdtallique,se trouve mis en corrdlationet oppositionavecles Scorpdnidds.C'est) peu pres tout ce que nous pouvons savoir sur ces poissons; assez,sans doute, pour nous convaincre que leur inter-

vention dans le mythe kwakiutl sur I'origine des masquesn'est pas fortuite, et qu'elle s'explique par une incompatibilitdentrelesmasques xwdxwd et les richessesdont le cuivre est tout ) la fois la matibrepar excellenceet le symbole' Toutefois,cesindicationspartielleset fragmentaires ne suffisentpas pour comprendre que' comme nous I'avons constatd, les masques swaihwdsoientmis par les Salishen corrdlation directe avec I'acquisition des richesses'tandis que, directementchezles Kwakiutl et indirecterouges ment chezlesTsimshian,lesScorpdnid6s - associdsaux masquespar les Kwakiutl remplissentune fonction opposde'Et cela' bien que, partout oir les masques existent' leurs caractbresplastiquesrestentles m6mes'et que la m6meaffinit6s'observeentre eux et les tremblementsde terre. Si nous refusonsde clore le dossier sur ce constat d'incertitudes'il nous faut infldchir notre mdthode et ddcouvrir une voie originale pour sortir de I'impasseoi nous sommesProvisoirementbloqud'

99

.llll

:ll

ll

,,

i i

IV Tout mythe ou sdquencede mythe resterait incompr6hensiblesi chaque mythe n'dtait opposableh d'autresversionsdu m6me mythe ou h desmythesen apparencediffdrents,chaque sdquenceh d'autres sdquencesdu m6me ou d'autres mythes, m6me et surtout ) ceux ou celles dont I'armature logique et le contenu concret,considdrddans sesplus infimesddtails, semblentprendreleur contre-pied.Est-ilconcevable qu'on puisseappliquercettem6thodeaux ? Il faudrait pour cela que ceuvresplastiques chacune,par son galbe, son d6cor et sescouleurs, s'opposAth d'autres dont les m€mes dldments,diffdremmenttraitds,contredisentles 10r

a. Kwakiutl. Masquedzonokw

t02

siensproprespour servir de support ) un messageparticulier.Si c'dtait vrai des masques,on devrait reconnaitre que, comme les mots du langage,chacunne contient pas en soi toute sa signification.Celle-cirdsulte ) la fois du sens que le terme choisi inclut, et des sens,exclus par ce choix m6me, de tous les autres termes qu'on pourrait lui substituer. Admettonsdonc ) titre d'hypothbsede travail que la forme, la couleur, les aspectsqui nous ont paru caractdristiquesdes masques swaihwd n'ont pas de significationpropre, ou que cette significationprise ) part est incomplbte. Tout effort pour les interprdterisoldment serait donc vain. Admettons ensuiteque cette forme, ces couleurset ces aspectssont indissociablesd'autresauxquelsils s'opposentparce que choisispour caractdriserun type de masque dont une des raisonsd'6tre fut de contredirele premier. Dans cette hypothbse,seuleune comparaisondesdeux typespermettrade ddfinir un champ sdmantiqueau sein duquel les fonctions respectivesde chaque type se compldteront mutuellement. C'est au niveau de ce champ sdmantiqueglobal qu'il faut essayerde nous placer.

r iltf

rl

I

rd ',1

il

,tlilli

,,'',,

'rdil ':

,.,t

,t,,'ll"fl

A supposerqu'un type de masqueexiste, en rapport de contrasteet de corrdlation avec le swaihw6, on devra donc, connaissantceluici, pouvoir ddduiresesaspectsdistinctifs) partir de ceux qui nous ont servi ) ddcrire le premier. Tentons I'expdrience.Par ses accessoires et par le costume qui I'accompagne,le masqueswaihwd manifesteune affinitd avec la couleur blanche. L'autre sera donc noir, ou manifesteraune affinitdaveclesteintessombres' Leswaihw6et soncostumesontorn6sdeplumes; si 1'autremasquecomportedesgarnituresd'origine animale,ellesdevront 6tre de la nature de poils. Le masque swaihwd possddedes yeux protub6rants;lesyeux de I'autre masqueauront I'aspect contraire. Le masque swaihwd a la bouche grande ouverte, la michoire infdrieure pendante et il exhibe une dnorme langue; il faudra que, dans I'autre type, la forme de la boucheinterdise) cet organede s'dtaler.Enfin, on devra s'attendre) ce que les mythes d'origine, les connotations religieuses,socialeset dconomiquesrespectivesdesdeux types offrent entre elles les m6mesrapports dialectiquesde symdtrie,de contraridtdou de contradiction - que ceux d6j) relevds sous le seul angle t0 )

plastique.Si I'on peut vdrifier ce paralldlisme,il confirmera ddfinitivement I'hypothbse initiale selon laquelle, dans un domaine tel que celui qui conjugue des donndes des masques mythiques,des fonctions socialeset religieuses cestrois ordres et desexpressionsplastiqu qu'ils paraissent, si hdtdrogbnes de phdnomdnes, lids.De cefait, ils deviensont fonctionnellement dront justiciablesdu mdmetraitement. Or, il suffit d'avoir dnoncda priori les conditions auxquellesdevrait satisfairece masque iddal pour reconnaitreson existencerdelle. A partir d'exigencespurement formelles, nous n'avons rien fait d'autre, en effet,que ddcrireet restituer,avec tous sescaractbresplastiques,le masquedit dzonokwa que possbdentles Kwakiutl, en m6metempsque beaucoupd'autresau nombre desquelsfigure,ne I'oublions pas, sous le nom dexwdxwd,le masqueswaihwdempruntd aux Salish.D'ailleurs,les rdcitskwakiutl ) tournure ldgendairedtablissentune connexionentre les deux types: le hdros d'un de cesrdcits,qui rdussira la conqudte pacifique des masques xwdxwd, est le fils de 1'6tresurnaturelDzonokwa; et son pouvoir magiquetient surtout ) la 104 facultdqu'il a de crier commeson ascendant.

Liiiil ltillt

,ril1 . 16l lllU

t,tilr'11i

riilllftlf

inu

,iiitlillllill

" Llnm

v' ,{

't tlflilllnu

:.w9 ,,

,ilI

q

;n{ M

4

ut

D'une faEon gdndrale,leterme Dzonokwa ddsigneune classed'6tres surnaturels,le plus souventfemelles,mais, quel que soit leur sexe, dotds de fortes mamelles.Nous emploierons donc surtout le mot au fdminin. LesDzonokwa vivent au plus profond des bois; ce sont des qui ravissent gdantesfarouches,aussiogresses, les enfantsdes Indienspour les manger.Pourtant, elles entretiennentavec les humains des relations ambiguds, tant6t hostiles, tant6t empreintesd'une certaine complicitd. La statuaire kwakiutl se plait ) reprdsenterla Dzonokwa; on en connait de trbs nombreux masquesque leurs traits caractdristiquespermettentfacilementd'identifier. Cesmasquessont noirs, ou bien, dans leur ddcor,la couleurnoire prddomine.Ils ont le plus souventune garniturede poils noirs figurant les cheveux,ia barbe,la moustache(dont s'ornent mdme les exemplairesfdminins) et leurs porteurs s'enveloppaientd'une couverture noire ou d'une fourrure d'ours au pelagesombre.Au lieu de protubdrantset dcarquilldscomme ceux des masquesswaihwd,les yeux sont percdsau fond d'orbites creusesou mi-clos. En fait, I'aspect concavene se limite pas aux yeux: les 105

Aux pagessuivantes: d gaucheun masque dzonokwa; i droiteun masque xwtxw6.Kwakiutl.

'I , ''ii illllll

,il|lm

lltllu

'1,1 -qifl

Dzonokwaauxyeux mi-clos(d gauche)ou enfonc|,s danslesorbites(d droite).

joues aussi sont creuses,et d'autres parties du corps quand on reprdsenteDzonokwa en pied. Un mythe kwakiutl met en scbneun hdros qui uvit dans un cours d'eau un rocher creusdde cuvettes(. .) il vit que les trous dtaientles yeux d'une Dzonokwa ( . ) Il plongea dans I'eau, dans les yeux de Dzonokwan. Selon un autre mythe, le crAned'une Dzonokwa servit de baignoire. Des plats c6r6moniels,parfois dnormes, 108 reprdsententI'ogresse.Le plat principal est

creusddansle ventre du personnagecouchdsur d'un le dos, jambes replides.Il s'accompagne v6ritableservicede table dont les pibcescreuses figurent respectivementl e vi sage. les seins, I'ombilicet lesrotules. 118' 5cm)' a c ir im o n te l l a e l ' rfi g u d e D z o n o k w (Iongueut Louc he

Masquede Dzonokwaauxyeux clos

La bouche des masqueset des autres emgies n'est pas grande ouverte, mais, au contraire, froncdepar la moue que fait le monstre en dmettant son cri caractdristiqueouh! uhl,. Cette position des lbvres exclut que la langue sorte ou soit m6me visible; mais, h ddfaut de langue pendante,toutes les statuesqui repr6110 sententDzonokwa lui pr6tent des seinsforte-

ment pendants,jusqu') terre, dit-on parfois, tant ils sont gros. On se souvient que, d'aprdsles Salish,les prototypes des masquesswaihwd proviennent du ciel ou du fond de I'eau,c'est-)-diredu haut ou du bas. Lesogreset ogresses, prototypesdes masquesdzonokwa, proviennent,nous I'avons dit, desmontagnesou de la for6t, donc du loin. D'un point de vue fonctionnel, les masques swaihwd reprdsententles ancdtresfondateurs des plus hauts lignages: ils incarnent I'ordre social, en opposition avec les Dzonokwa qui sont desespritsasociaux,et non pasdesancdtres - par ddfinition, auteurs des gdndrationsqui

Partied'ungrandplat c6.r6.moniel enforme de Dzonokwa.

les suivent- mais desravisseursou des ravisseusesd'enfants, qui mettent obstacle ) cette Au cours desdanses,un personnage succession. masqudcherche) aveuglerles swaihwd) coups de lance (supra,I-42, 53). Comme on I'expliquera plus bas, Dzonokwa est aveugleou affligde d'une vue ddficiente (infra, I-139), et elle chercheelle-mdmeh aveugler,en leur collant lespaupibresavecde la rdsine,lesenfantsqu'elle ravit et porte dans sa hotte - alors que les masques swaihwd sont transportds dans des paniers.Enfin,si lesmasquesswaihwdne paraissentjamais au cours des rites sacrdsde I'hiver, les masquesdzonokwa y participentde droit.

mm

ilu[

i

'lllllll

ltfi

lt;ttts , ,,

,ttf

,l i Ll l $

ililu

,, ,,1f

,d

,ll,ryn

,,

,,l,ltr, ,,lu rl

rufl

tt2

C'est le lieu de rappeler que les Kwakiutl divisaient I'anndeen deux moitids. Le systbme coutumier prdvalait pendant celle dite bakus, comprenant le printemps et I'dtd. Aprbs un carnaval de quatre jours appeld klasilaet au cours duquel seproduisaientles masquesancestraux, s'ouvrait la pdriodetsetseka, qui occupait I'automne et l'hiver. D'une pdriode ) I'autre, les noms propres, les chants et m6me leur L'organisationsociale stylemusicalchangeaient. profane c6daitlaplaceaux confrdriesreligieuses.

rfl 11,1"

iilril|fill

ruuilt

,f-iffr ,

ltitttllljll

r ri' iIill

'iltlrrtilltt

'l' ,,trftttl

ultltlm ll"lrlr(

.J

ttlmm i

Un systbmeparticulier entrait en vigueur, ddfini par les rapports que les individus dtaientcensds entretenir avec le surnaturel. Pendant cette pdriode hivernale, entibrementconsacrdeaux rites, chaque confrdrie procddait ) I'initiation de ceux que leur naissanceet leur rang qualifiaient pour y postuler. Le villagesescindaitaiorsen deux groupes. Les non-initids formaient un public auquel les initids se donnaienten spectacle.Encorefaut-il distinguerdeux catdgoriesprincipalesparmi ces derniers. La classesupdrieurecomprenait les confrdries des Phoques et des Cannibales,et chacune se subdivisait en trois grades qu'on mettait douze ans ) parcourir. Un peu en dessousdesdeux grandesconfrdriesse situait celle de I'Esprit de la guerre. Les Pinsonsou passereaux, qui constituaientla classeinfdrieure,se subdivisaienteux-mdmes,par ordre d'Age, en Macareux, Canards malards, Epaulards et Baleines.Des confrdriesparallblesregroupaient les femmes.Aux deux bouts de I'dchelle,entre les Pinsonset les Phoques,un esprit de rivalitd, d'hostilitd mdme, rdgnait. Les rites d'initiation offraientun aspectthdntral:reprdsentations tant6t dramatiques,tant6t proches du cirque, et r 1 3

n4

qui exigeaientune savantemise en scenecomportant des truquages, des acrobatieset des tours de prestidigitation. Dans ce systbmecomplexedont on s'est bornd ) esquisserles grandeslignes,le masque dzonokwa, qui appartenaitb la confr6rie des Phoques,jouait un r6le mineur mais prescrit. Le danseurqui le portait feignaitd'6tre endormi ou tout au moins somnolent.Une corde,tendue depuisson sidgejusqu'h la porte, lui permettait de se mouvoir ) tAtons. Aussi ce personnage arrivait-il toujours un peu en retard pour assister au carnageauquel le nouvel initid dans la faisaitmine de selivrer. confrdriedesCannibales Les chants rituels glorifient la puissancede uVoicila grandeDzonokwaqui ravit I'ogresse: les humains dans ses bras, qui provoque les cauchemars et les dvanouissements.Grande ! Grande dame qui porteuse de cauchemars nous fait dvanouir! Terrible Dzonokwx !, Et pourtant, elle est trop assoupiepour danser,se trompe d'itindraire en contournant le foyer et trdbuche; il faut la reconduire) son sidgeot) elle s'endort aussit6t. Chaque fois qu'dveillde elle ne participe pas activement) la cdrdmonie et qu'on pointe le doigt vers elle, elle retombe

MasquedeDzonokwa somnolente

dans son sommeil. On ne saurait imaginer une conduite plus contraire ) celle des danseurs swaihwd (ou xwdxwd) qui, chez les Salish, pointent eux-mdmesle doigt vers le ciel pour montrer d'oi ils viennent (au lieu qu'un tiers pointe le doigt vers la Dzonokwa li oi elie est, et d'od elle ne veut pas bouger),et qui, chezles Kwakiutl m6mes,ne veulent pas, une fois lancds, s'arrdterde danser) moins qu'on ne les contraigne (supra,I-82, 62). Si les Kwakiutl ont empruntd le masque swaihwd aux Salish, ceux-ci partagent avec ceuxlh le personnagede Dzonokwa ou son l|j

dquivalent.Lesgroupesdu Fraseret les Comox de I'ile I'appellentSasquatchou Tsanaq:noire g6.anteaux sourcils broussailleux,aux yeux profonddment enfoncdsdans les orbites, avec une chevelurelongue et dpaisse,une bouche froncdeaux grosseslbvres,desjoues creusestel un cadavre.Le porteur du masques'enveloppait dans une couverture noire et chancelait prbs de la porte, comme s'il n'arrivait pas b lutter contre le sommeil. C'est dvidemmentle m6me personnageque la Tzualuch desLummi, ogressegdantequi r6de pour enleverlesenfants dans sa hotte; et que la Tal de I'ile et du continent, ogressequi fait cuire les enfantsau four de terre et des cendresde laquelle,quand elle y tombe et s'y consume,naissentles moustiques, ces cannibalesen miniature. Or, si le port du masquedonnait naissance) un privilbge h6rdditaire,n'importe quelle famille pouvait I'acheterpourvu qu'elleen e0t les moyens. Contrairementau swaihwd, privilbge de quelques ligndesde haut rang, l'achat du masque tal constituait pour des ( nouveaux riches, un moyen ondreux,mais ) tous autres6gardsfacile, d'acqudrirun statut social.Les deux types de masquess'opposentdonc aussisousce rapport. t t 7

I

Dzonokwa. Danseurpersonnifiant

!k* %.5k

j[l

tf

ltl

1fi

Vuede I'int(.rieurdeKnight Inlet

l|

11 'ffiil

d

ilrd

fi

n :rF

Envisagdssous le seul angle plastique,le masque swaihwd qu'on pourrait dire tout en saillies,et le masquedzonokwa tout en creux s'opposent; mais en mdme temps, presque comme le moule et son empreinte,ils se complbtent. On entrevoit qu'il en est peut-6trede m6me pour ce qui concerne leurs fonctions sociales,6conomiqueset rituelles. Ce rdseau s'dtend-il d'oppositionset de correspondances aux ensemblesmythologiques respectivement associdsb chaque type? Nous avons ddl) analysd et commentdla mythologie des masques swaihwd chez les Salish.Poursuivonsla m6me t19

enquetechez les Kwakiutl au sujet du masque dzonokwa. Une premibre constatation s'impose. Les rdcits relatifs aux masquesxwdxwd - correspondant aux swaihwd des Salish- nous sont apparus relever de deux types: I'un du genre historiqueou tout au moins ldgendaire,I'autre franchementmythique. Le premier type met en scbne,pour ce qui est des Kwakiutl, les sous-

Masque deDzonokwaauxyeux mi-clos.

groupesNimkish et Koeksotenok;et les Comox pour les Salish. En se plagant au point de vue de ceux qui les racontent,ceshistoiresont donc pour thdatreune zone centralede I'ile et de la c6te continentale,et la partie de I'ile situde immddiatementau sud. Dans le cas des rdcits offrant le caractbrede mythe, c'estle contraire: ils se ddroulententre le pays nimkish et le cap Scott, c'est-)-direentre la m6me zone centrale de I'ile et sa partie la plus au nord. En regroupant ces deux remarques,on peut dire que les mythesd'originedesmasquesxwdxwd seddroulent entidrementsur un axe nord-sud. En revanche, les mythes oi figurent les Dzonokwa proviennent surtout de groupes kwakiutl approximativementdistribudssur un axe est-ouest:Nakoaktok,Tsawatenok,Tenaktak, Awaidala, Nimkish, Tlaskenok,auxquelsil faut ajouter les Nootka septentrionaux. Plusieursdesnoms de lieux recueillispar Boasfont aliusion au personnagede Dzonokwa ou se rdfbrent directement) lui. Or, tous ces lieuxdits - un ilot en face de la rivibre Nimkish, un site au fond de SeymourInlet, diverseslocalitds dans Knight Inlet od se ddroulent les mythes qu'on va examin offrent une distribution t2l

q--'

HEIL T S ou \' BEL L A BEL

\\l

N\

etthtone

AT ENOK ,[iigco

$-r

.{ ' '

m e/ .waddtngton^

e(axrn x

4,,

, ''\ \ )

M t. T, td

nn

"^ " ^ ^^^), Munday

aodett

IILAL,.A ^u'.

E c h e lle 0

l 0 20

40

60

S OK m

@ A tert B ay @ H a rbl edow n @ C rac rof t @ Gi tford

Carte du pays Kwakiuil avec les (a.xes,respect{sdes mythesd Dzonokwaet d Xw6.xw(,

analogue.En fait, le centre de gravitd, si I'on peut dire, des mythes u) Dzonokwa) se situe dans Knight Inlet et sesalentours.Knight Inlet est le fjord le plus profond du pays kwakiutl; il s'enfoncedans un massif montagneuxdont les sommetsculminent entre 1000 et 4000 mbtres, parfois plus haut: SilverthroneMountain, et les monts Waddington, Tildemann, Munday, Rodell. Trds loin vers l'est, c'est la rdgion la plus redoutable et la plus difficile d'accbs.Si donc lesmythesdu xwdxwd s'dchelonnent entre deux p6les:le payscomox, c'est-)-direle monde des dtrangerssinon mdme des ennemis,et le grand large qui est celui de I'inconnu, les p6les de I'axe transversalau prdcddent,sur lequel s'dchelonnentles mythes de Dzonokwa, correspondent,d'une part, ) la mer, et, d'autrepart, ) la terre ferme dans ce qu'elle a de moins accessibleet de plus effrayant. Sans doute ces remarquessont sujettes) caution. Nos informations sur les Kwakiutl, pour riches qu'ellesapparaissentquand on les compare ) d'autres, sont loin d'6tre exhaustives, et on ne saurait exclure que, dans la r6.alit6.,la distribution des mythes et des noms gdographiquesfirt moins tranchde.Mais, m6me

r2)

en n'accordantaux enqudtesde Boaset ) celles de sescontinuateursqu'une valeur de sondage, il n'en est pas moins significatif qu'elles permettent de rdpartir les mythes se rapportant aux deux types de masquessur des axes aux orientationscontrastdes. La mythologieproprementdite desmasques xwdxwd nous a paru assezpauvre. Celle des masquesdzonokwaesttrbsriche,et, pour nous guider dans ce d6dale,un classementpr6liminaire s'impose.Les mythes recensdsse distribuent entre deux types extr6mesqu'en donnant aux mots un senstout relatif, on peut qualifier par illustrer le de faible et de fort. Commengons premiertype. LesNimkish racontentque, pour faire taire un enfant qui pleurait sansdiscontinuer,on le menaqade I'ogresse.En pleine nuit, I'enfant se sauvaet Dzonokwa le ravit. Ellel'entrainasous la terre; on I'entendaitcrier, mais on ne pouvait pas le rejoindre.Aprbs de vains efforts,on abandonna les recherches.L'ogresseemmena I'enfant loin dans I'intdrieurdu pays. Mais la petitevictimedtait rusde:sousprdtexted'admi124 nistrer h sa gardienneun traitement magique

r llf

rl

uil1 'lilll

!tLl

,,,it

i|il

,!u

fin

I

liill

, iitlutiu

l| til

,rLH

liult

liiliilru

,ullt

destind ) l'embellir, l'enfant la tua er la fit brriler sur un bOcher.De retour au village, il raconta son aventure.On se rendit chez Dzo_ nokwa et on s'emparade toutessesrichesses: baiesen conserve,viande sdchde,fourrures...Le pbre du jeune hdros les distribua au cours d'un potlatch. Un mythe des Awaitlala, qui vivaient ioin dans I'intdrieur, sur la rive droite de Knight Inlet, ddbute ) Hanwari, vers le bas du fjord qu'une famille ddcida de remonter en bateau pour p6cher. Mais les saumonsmis ) sdcher disparaissaientles uns aprbs les autres. Ses parents reprochbrent aigrement sa paresseh leur jeune fils. S'il s'dtait imposd les dpreuves prescritesaux garEons de son dg., il aurait peut-dtreobtenu la protection d'un esprit qui aiderait les siens ) ddfendre le fruit de leur labeur. Piqudau vif, le garqonprit desbainsrituels. Un esprit lui apparut et I'dduqua.Il lui donna aussidespierresrondes,aveclesquelles le jeune garEon,devenurobuste,rdussit) tuer lesvoleurs de poissonqui n'dtaientautresqu'une bandede Dzonokwa. Dans leur demeure,le hdros et son pbre ddcouvrirentdeux ogressesencorefillettes r25

?-

t26

et des richessesamonceldes:viande, fourrures d'ours et de chbvres sauvages,baies sdchdes, plus tous les saumonsvolds. Ils transportbrent ce butin, ainsi que les petitesDzonokwa, jusqu') un villagequi semble6trecelui d'un groupe kwakiutl sur la c6te orientale de I'ile Vancouver, au-deli du territoire des Awaitlala. Le pbreprit Dzonokwa commenom cdrdmoniel;il invita (toutes les tribus,, leur offrit un banquet, et, quand I'animation fut ) son comble, produisit les Dzonokwa qu'il avait tenu cachdes. Toute I'assistancese sentit comme intoxiqude par leur prdsence;le jeune homme mit cette condition ) profit et tua beaucoupde gens.Aux quelquessurvivants il distribua peaux et fourrures. De retour au pays, il drigea devant sa maison quatre statues de Dzonokwa pour commdmorerseshauts faits. C'est aussi h Hanwati que se d6roule un mythe des Tenaktak, voisins des Awaitlala au fin fond de Knight Inlet. Un chasseur et sa femme, qui campaient pour pdcher ) I'entrde du fjord, entendirent et virent pendant la nuit une forme indistincte qui ddcouvrait la toiture de leur abri pour voler les poissonsmis ) sdcher L'homme prit son arc et tira. Touau-dessous.

l --

MaisonKwakiutl en ruine ayecgoteaureordsentant Dzonokwa.

ch6e,la cr1.aturetomba dansles buissons,mais elle rdussit) s'enfuir. Le lendemainmatin, le chasseursuivit ses traceset ddcouvrit le cadavred'un €trebizarre pourvu de gros seinspendants,d'une bouche arrondie et lippue. C'€tait un Dzonokwa mAle (surcettebizarrerieanatomique,cf. supra,I-105). t 2 7

t28

Les dpoux remontbrent le fjord jusqu') leur village. Le jour suivant, des Indiensqui se dirigeaient en sensinverse aperqurentsur la rive rocheuse une grande Dzonokwa femelie en larmes.Ils retournbrentau village, racontbrent ce qu'ils avaient vu, et le chasseurcomprit que la crdaturepleurait son congdndredisparu. Lesjeuneshommes,trbs excit6s,voulurent tout de suite y aller, mais les t6moins firent de leur mieux pour les en dissuader:uSesyeux sont dnormes,expliqubrent-ils;on dirait qu'un feu y br0le. Sa t6te est aussi grosse qu'un coffre h provisions.n Les jeunes hommes partirent cependant,trouvbrent la Dzonokwa, la questionnbrent;elle leur dit qu'elle avait perdu son fils. Craignant sa vengeance,les garqons se sauvbrent. Au village vivait un jeune homme physiquement disgracid, modeste, silencieux. Il dcoutale rapport de sescamarades,seleva sans mot dire et partit dans sa petite pirogue.A son tour, il interrogea la Dzonokwa qui promit d'enrichir celui qui lui rendrait son fils. Il la conduisit) I'abri du chasseur,et suivit sa piste jusqu'au cadavre que la Dzonokwa emporta dans sa demeure, accompagndedu hdros. La

,,,i,iill lll l:

';;iil$I

iiirM -

iillilillilt

maison dtait trbs vaste, remplie de provisions dont la glante fit don h son protdg6. C'dtaient despeauxtanndes,de la viandede chdvresdchde, et un masquequi la reprdsentait.Elle ressuscita le cadavre de son fils avec une eau magique puisdedans un bassin,et en aspergeale hdros disgracidqui devint beau garqon. Mais il dtait triste, dit-il ) sa protectrice,d'avoir perdu ses parents.Elle lui promit qu'il sauraitleur rendre la vie. Le hdrosrevint au village avectoutesses richesses,c6l6brale premier rituel d'hiver, ressuscitason pdre et sa mbre avec I'eau magique de la gdante.Le lendemain,devant tout le village, il exdcutala dansede la Dzonokwa dont les richesseslui permirent de fdter sesinvitds et de les couvrir de cadeaux. A ce moment, le chasseurdu ddbut de I'histoire intervint; il revendiquala danse,conquise,affirma-t-il, au prix du sangversd.uNon pas,rdpliqua le hdros, c'est h moi seul que Dzonokwa I'a donnde.Elle ne m'a pas dit de la remettre au meurtrier de son fils., Depuis,I'inimitid et la jalousierbgnent desdeux hommes. entreles descendants Les Awaitlala et les Tenaktak racontent dans les m6mestermes,qu'autreaussi,presque fois, une femme vivait seule avec son fils. 129

Nuit aprbs nuit, leurs provisions de saumon La femme se fit un arc et des disparaissaient. flbchesh pointe barbelde,se mit en embuscade, vit Dzonokwa qui soulevaitla toiture; elle tira et la blessaaux seins.La gdantes'enfuit,poursuivie par I'hdroinequi la trouva morte danssa maison et trancha la t6te du cadavre.Elle prdleva le crAne,y baignit son fils commedansune cuvette. Ce traitement lui donna une vigueur peu commune.Plustard, le garqontriompha de monstres divers, dont une Dzonokwa qu'il changeaen pierre. Autre groupe Kwakiutl, les Tsawatenok habitaient au nord de Kingcome Inlet. Un de leurs mythes met en scbneune princessequi, peu aprbsla pubertd,aimait courir les bois au risqued'6treenlevdepar uDzonokwade la for6t'. En effet, elle rencontra un jour une grande et forte femme qui I'invita chez elle en b6.gayant, car elle 6tatt affligded'un trouble d'dlocution. La g6.anteadmira les sourcils dpilds de la jeune fille. Celle-cilui promit de la rendre aussibelle et reEut, pour prix anticipd de ce service,les vdtementsmagiquesde I'ogressequi n'dtaient autres que ses habits de puberte. La princesse 130 amena Dzonokwa ) son village oi, sous prd-

lulL

ill

,il

illilli ' ' ,' .' i

lllNil

"tultil!

Irrlut , lllrlil

um

rlil

','ltut ulur

'"rm

texte de la confier au barbier, on appela un guerrierqui la tua avecun marteauet un ciseau de pierre.Sur ordre de la princesse,on ddcapita et br0la le cadavre.Tout le villagese rendit ) la telles demeurede I'ogresse,rempliede richesses que peaux, fourrures,viande sdchdeet graisse. Le pbre de I'hdroine s'appropria un masque) visage humain surmontd d'un aigle dans son aire, nommd umasgueau nid de la donneuse de cauchemars)(supra,I-114).Ces dvdnements s'dtaientddroul6spendantla saisonprofane.On distribua les provisions de la Dzonokwa, et le devint le premierde clan auteurde ceslargesses rang. C'estdepuiscette dpoquequ'au temps de leur pubertd,lesjeunesfillesrev6tentlesparures en lainede chbvrede la Dzonokwa.Nousreviendrons sur cetteconclusion. Les Nakoaktok de la c6te continentale,en face de la partie nord de I'ile, racontent que douze enfants jouaient sur la plage en mangeant des moules. Ils repoussbrentdurement une fillette qu'ils mdprisaientparcequ'elle dtait afrIiglc d'un bec-delibvre. La petite aperEutune Dzonokwa qui s'approchait,portant sa hotte. Certained'6tre capturdela premidre,elle s'arma d'une coquillede moule, s'en servit pour fendre T ) I

la hotte au fond de laquelleelle se trouvait, et se laissatomber ) terre, suivie de cinq autres enfants. Rentrdechez elle, Dzonokwa se prdpara ) faire cuire les six victimes qui restaient.Une jolie femme,enracindejusqu') la taille dans un coin dela cabane,leur enseigna un chantmagique pour endormir I'ogresse;les enfantsn'auraient plus qu') la pousserdans le feu. C'estce qui se passaen effet.Quand les enfantsde Dzonokwa rentrbrent,la jolie personneleur dit desemettre) table. Les autres enfants, qui s'dtaientcachds, les raillbrent de manger le corps de leur mbre, et lespetitsogress'enfuirent.Lesrescapds ddterrbrent leur protectricesurnaturelleet la ramenbrentau village. Terminons cette revue des formes faibles par les Heiltsuq ou Bella Bella, proches des Kwakiutl par la langueet la culture, dtablissur la c6tecontinentaleentreRiversInlet et Douglas Channel,face) la partie sud desiles de la reine Charlotte.Ils disent qu'une fillette, qui pleurait sans arrdt, avait dtd confide ) sa grand-mbre dans I'espoirque celle-cisauraitla calmer.Une Dzonokwa prit I'apparencede la vieille et ravit 1 7 2 I'enfant. En chemin, la fillette arrachaet laissa

MasquedeDzonokwaauxyeux clos.Heihsuq.

tomber les frangesde sa robe. On suivit la piste jusqu'au sommet d'une haute montagne or) habitait I'ogresse.Elle dtait absente,on ddlivra la fillette. De retour, Dzonokwa constata sa disparitionet semit ) sa poursuite.Ellerejoignit la troupe deslibdrateurs;pour la neutraliser,ils se mordirent la langue et crachbrentle sang

t33

dans sa direction. Elle protesta qu'elle aimait I'enfantet souhaitaitresterauprbsd'elle.Comme gage de ses bonnes intentions, elle donna ses dansesau chef. On rdussitnon sanspeine ) la chasser. D'autresmythes heiltsuq mettent en scbne Dzonokwa sousun autrenom: celuide KawAka, qu'elle porte parfois dans ce dialecte.Profitant d'une 6pid6miemeurtribre,cette ogressevolait lescadavres,et m6meleshommesvalidesqu'elle paralysait en projetant sur eux des dtincelles jaillies de sesyeux. Ceux-cidtaientcomme des trous. Un Indien voulut identifierles voleurs.I1 se laissaenleverpar I'ogresseet r6ussit) s'enfuir. Le village fit la guerre aux KawAka. On les tua tous et toutes,et on br01aleur corps tandis que le hdros s'emparaitde leurs trdsorsconsistant en plaquesde cuivre, fourrures et viande sdchde.Ainsi enrichi, il devint un grand chef. LesHeiltsuqconnaissentaussides versionspeu diffdrentesdesmythes prdcddemmentexaminds. Nous les avons discut6esailleurs et, de toute fagon, elles n'ajouteraientpas grand-choseau prdsent dossier. Passonsdonc aux versions fortes, qui proviennent surtout de I'ile Van1 3 4 couver.

.,*,,Lllttrl

t-Iililllil " ,,,

1lil

' ,li,riiiiliullill[|llilli ,,,..,,i 1|Iilil'

1M' 1i,,, lilllllli

l1lilillull

Limitrophes des Nootka, les Tlaskenok habitaientau nord de I'ile, sur la c6te occidentale. Un de leurs mythes relate la visite d'une famille ) un village situd sur la rive de Klaskino Inlet opposdeb celleori eller6sidait'Une ogresse ravit tous ses enfants, qu'elle avait d'abord aveugl6sen collant leurs paupibresavec de la rdsine.La mbre despetits disparuspleura si fort que la morve coulade son nezjusqu'hterre;un enfant en naquit. Devenu grand,il partit h la recherchede ses frbres, rencontra une dame enracinde(supra,I-112)qui lui apprit oi, pour se rendre invuln6rable, I'ogresseavait cach6 son ccur. Le hdros la tua sous prdtexte de 1'embellir(supra,I-1r0-131),mais elle ressuscita aussit6t aprds. Il la fit enfin mourir pour de bon, ressuscitasesfrdreset monta au ciel' Toujours dans I'ile, les Nimkish ont un mythe relatif e la descendancedu premier homme qui vdcut sur terre aprbsle ddluge'Son fils rdussith 6pousercelle qu'il aimait, en surmortellesque son montant les dpreuvescensdes futur beau-pbrelui imposait. Ils eurent un fils nommd Gdant,maitre des masquesdzonokwa' et marid pour un temps ) la fille du soleil' Leur 1)5 fiis prdsideaux remousqui agitentI'ocdan'

Ces mythes des Kwakiutl de I'ile ont des affinitds certaines avec ceux de leurs voisins Nootka, dont on possbdedes versions plus cohdrentes.ChezcesIndiens,I'ogresses'appelle MalAhas.Elle vola et tua. dit-on, les enfants du foyer; d'une femme en les fumant au-dessus leur mbre acquit un autre fils nd de sa morve, qui se mit en qu6te de I'ogresse.Un jour qu'il avait grimpd dans un arbre, celle-ci vit son refletdansI'eau,s'endprit, ddcouvritla cachette du jeune homme, voulut I'dpouser.A plusieurs reprises,il la tua sous prdtexte de I'embellir, mais elle ressuscitachaquefois, tant qu'il n'e0t pas d6couvert et transpercdson ccur logd ) I'extdrieurde son corps. Le h6ros ressuscitases frbresen urinant sur leurs cadavresfumds.Puis il monta au ciel afin, dit-il, d'y rencontrerson pbre.Lb, il rendit d'abord la vue ) deux vieilles aveuglesen dchanged'un itindraire, arriva h destination,sdjournaun tempschez son pdre et redescenditsur terre pour y introduire les poissonset mettre le monde en bon ordre. I1atterrit ir Dza'wad6., ulieu des poissons-chandelles,, quelquepart du c6td de Knight Inlet, libdra les poissonsemprisonnds,et dpousala fille du chef t36 local qui le mit en gardecontre son pdre.Celui-

ci chercha,en effet, h faire mourir son gendre en le soumettant h toutes sortes d'dpreuves' Mais le jeune homme eut le dessus'tua son persdcuteuret abandonnasa femmepour entrepr.rrdr. une longue pdr6grinationau cours de laquelle il triompha d'adversaires'les transforma en animaux divers, et donna une anatomie normale ) un couple d'humains' incapables de procr6er parce qu'ils portaient leurs org"rr., sexuelssur le front' I1 anima enfin des figlrines de bois, origine de I'humanitdactuelle' Pour le comparatiste,ces formes fortes offrent un intdr6t d'autant plus grand qu'on les retrouve ) peine modifides en Am6rique du Sud.Ellessemblentdonc appartenirh une strate trbs archaique de la mythologie du Nouveau Monde. Ce n'est pas ici notre problbme'qui est plut6t de justifier la tlpartition en deux groupes des mythes ) Dzonokwa. Nous avons appeld faibles les versions qui traitent exclusivement de ddm6l6savec I'ogresse,fortes cellesqui les font suivre d'une visite du h6ros au ciel oi' de fagon expresseou implicite, un conflit I'oppose ) son beau-pbre,le plus souvent identifid au soleil.Que le mythe I'affirmeou le sous-entende' t37 c'est en effet pour dpouserla fille du soleil que

r)8

le hdros entreprend son ascension.Dans ces versions,il a donc affaire) deux protagonistes fdminins: d'abord I'ogresse,crlature chthonienne o! ayant une affinitd avec le monde souterrain, que sa cdcitd ou sa vue ddficiente met du c6t6 de la nuit; ensuitela fille du soleil, cr1.aturecdlesteque son domicile et son ascendanceplacentdu c6td du jour. Celadtant admis, on pr6tera attention, chez les Tenaktak ddj) citds (supra,I-126-80), h un mythe dont les variantesopbrentune synthbseremarquablede cesdeux aspects. Il y avait autrefois un jeune garqon couvert de cro0tes et d'ulcdres.Comme son mal 6taitcontagieux,sonpbre,chefdu village,ddcida de I'abandonnerpour le bien des autreshabitants. Sa grand-mdre,prise de pitid, lui laissa un peu de feu et quelquesprovisions.Le malheureuxresta seul.Soudain,un petit enfant lui sortit de I'estomac,rdvlla qu'il dtait la causede son infirmitd, et demanda ) son upbrende le nommer Cro0te-de-Plaie.L'enfant miraculeux crda les poissons) partir d'aiguillesde conifbre ramassdessur les tombes de ses tantes. Mais bient6t, tous les poissonsdisparurent.Croritevit la voleusequi de-Plaiese mit en embuscade,

n'dtait autre que Dzonokwa. Il tira des fldches dans sesgros seinspendants,la prit en chasse, rencontrala fillette de I'ogressequi le conduisit jusqu') sa demeure.Dzonokwa 6tait l), gridvement blessde.Le hdros consentit) la soigneret ) la gudrir non sans I'avoir d'abord tourmentde,et il reEut en remerciementla fillette commedpouse,de I'eaumagiqueet desrichesses en quantitd. De retour au village aprEs une absence qu'il croyait courte mais qui avait durd quatre ans, il trouva les ossementsde son pdre mort depuis. Sa femme Dzonokwa ne pouvait les voir, ucar ces crdaturesont les yeux profonddment enfoncdsdans les orbites,,ce qui les rend pratiquementaveugles'.Il lui fallut donc chercher le squelette) t6tons; elle le ressuscitapar contact. Crorite-de-Plaie se lassabient6t de sa femme; des canards garrots le transportdrent sur sa demandeau ciel. Il arriva chez Soleil et

1 Raison pour laquelle les figurations traditionnelles de Dzonokwa ont 1es orbites creuses ou les yeux mi-clos (supra, I-105). Les sculpteurs contemporains semblent avoir perdu tout intdrdt pour ce caractdre essentielde 1'ogresse.Ils la reprdsentent avec les yeux grand ouverts, sans doute pour accentuer son asoectmdchant.

Mdt sculptdmodernereprl,sentant Dzonokwa ayec lesyeux grand ouvertset tenant sonenfant.

Lune qui lui donndrent leur fille en mariage. Plus tard, il redescenditsur terre avec son dpousec6leste,y retrouva son pbre et sa premibrefemme,naturellementjalousede sa rivale. La mdsententer6.gnad'abord entre les deux femmes,puis ellesdevinrentamies.Malgrdcela, le h6rosvoulut retournerau ciel avecsa seconde dpouse,mais il s'endormit pendantle vol et se tua en tombant. Restbrentseuls ensemblesur terre son pbre et la bru de celui-ci, la femme Dzonokwa. On connait deux autres versions de ce mythe recueilliesaussi par Boas, d'un m6me informateur mais h trente-deux ans d'intervalle. Selonla plus ancienne,aprbsque le hdros fut retombd du ciel et eut pdri,.sa femme Dzoils vdcurentsur terrecomme nokwa le ressuscita; de bons dpoux.DansI'autre version,ori I'enfant malade et abandonndpar les siensest une fille (cequi rend un peu plus plausiblequ'un rejeton lui sorte des entrailles),les deux femmes de le quittbrent. qui se ddtestaient, Crofite-de-Plaie, I1 se tua en cherchante rejoindre au ciel celle qu'il prdfdrait.Son beau-pbrele soleil le ressuscita, et il reprit la vie conjugaleavecson dpouse 140 cdleste.

Ainsi, le probldmede la mddiation impossible entre des p6les trop dloignds- reprdsentdsrespectivementpar I'dpouseterrestreet nocturne, et par l'6pousecdlesteet lumineuse - reqoit, dans chaque version, une solution diffdrente. Mddiateur inefficace, le hdros se trouve finalementdisjoint des deux p6les qu'il avait cru pouvoir unir, et il meurt (version l); ou bien il se disloint ddfinitivementd'un des p6leset resteconjoint ) I'autre qui est,selonles cas,le p6le terrestre(version2) ou le p61ecdleste (version3). Irrdalisable,I'union simultandeavec des dpousestrop distantesI'une de I'autre contrastede faqon frappanteavec le mariage) bonne distanced'une femme, rendu possible, dans les mythes salishdu Fraser,par le masque swaihwd reEu en dot de son frbre. Ce mariage r6ussimet fin ) une intimitd presqueincestueuse entrelesgermains,commeici le mariagerompu entraine,dansune version,une intimitd presque incestueuseentre le beau-pbreet sa bru. J'ai soulign6ailleursI'analogiequ'offre I'histoirede Cro0te-de-Plaie avecles mythesgrecsd'Adonis, tels que M. Marcel Detienneles a rdinterprdtds. Mais c'est sur une autre analogie,interne cette fois aux mythesamdricains,qu'il convientd'in- 141

sisterici. Car, danstous ceux analysdsdepuisle d6but de ce livre, le hdrospuant, ddcrit couvert d'ulcbresdans la vallde du Fraser aussi bien qu'au nord de Knight Inlet, I'enfant criard, I'adolescentlaid ou indolent jusqu') la faindanet tise, ou bien encore vif mais ddsobdissant, qui donc, pour des raisonsdiversesici et lh, se montre insupportableaux siens,c'est toujours le m6me personnagedont seulechangeI'apparence,puisquelesmythessecontententde transposer tant6t au physique, tant6t au moral, la tare, signeinversdde son dlection.

Conseiller culturel prds I'Ambassade. Il dimissionne en 1948 pour se consacrer ) son travail scientifique, devient sous-directeur du Musde de I'Homme en 1949. ouis directeur d'dtudes h I'Ecole oratique des hautes dtudes, chaire des religions compardes des peuples sans dcriture. Il est nommd orofesseurau Collige de France.chaire d'anthropologie sociale, en 1959. Claude Ldvi-Straussest membre dtranger de I'Acaddmie nationale des Sciencesdes Etats-Unisd'Amdrique, de l'Acaddmie britannique, de I'Acaddmie Royale des PaysBas, de I'Acadimie norvigienne des Lettres et des Sciences.Il est docteur honork causades universitds de Bruxelles, Oxford, Chicaso, Stirling, de I'Universitd nationile du Zaire et des universitds Yale et Columbia. I1 a requ en 1966 la mddaille d'or et Ie prix du Viking Fund, ddcernds par un vote international de la profession ethnologique; en 1967,la mddaille d'or du CNRS, et en 1971, le prix Erasme. Claude Livi-Strauss a dtd dlu ) I'Acad6mie frangaisele 24 mai 1971en remplacementd'Henry de Montherlant. GUVRES 1948 IA Vie familiale et socialedes IndiensNambikwara 1949 Les Structures(,l6mentaires de la parent(, 1952 Raceet histoire 1955 TristesTropiques l95E Anthropologiestructurale 1962 Le Tot|,mismeaujourd'hui La Pens(.esauvage 1964Le Cru et le cuit 1967Du Miel aux cendres 1968L'Origine desmaniiresde table 197| L'Hommenu 1973 Anthropologiestructuraledeux 1961(Georges Charbonnier) Entretiensavec ClaudeL(,vi-Strauss

Qu'est-cequ'un style, et m6me,qu'est-cequele style?A ce problbme d'esthdtiqueet d'histoire de I'art, un ethnologuese risque ) proposerun dldmentde solution,inspird par un art qui I'a toujours fascind:celuides Indiensde la c6te de I'ocdanPacifique.en Colombiebritanniqueet en Alaska. Cet art, qui compte parmi les plus grands,ne nous est pas seulement par les dizainesde milliers d'auvres rassembldes dans rendu accessible les musdes,mais aussipar les mythes toujours vivants qu'il illustre,et par les rites auxquelsil fut et resteencoreattachd.Or, I'auteur applique depuisun quart de sidcleh I'dtudedesmythesune mdthodeoriginale, qui consiste) les traiter, non comme des objetsisolds- ce qui les rend - mais comme les dtapesou les moments absurdeset incomprdhensibles d'un dialoguenoud entre eux ) travers les hommes qui les narrent ou qui les entendent.Chaquemythe ou version de mythe s'dclaireainsi par ce qu'il transforme,ddforme,oppose,nie ou affirme. Dans le prdsentlivre, cettemdthodeest,pour la premibrefois, dtendue) surnaturels cescuvres plastiquesque sont les masques.Lespersonnages leur forme, leur coloris,les ddtailsde leur qu'ils reprdsentent, quand on les envisagesdpardment,trouvent un arbitraires ornementation, sensdbsqu'on reconnaitque chaquetype de masquen'existepas en soi-m6meet par soi-m€me,mais en fonction d'un ou de plusieursautres types oi les m€mesdldmentsplastiquesse combinentd'autre faqon. Ce systbmede rapports entre desdldmentsplastiquesreqoit une vdrificationexpdrimentalechaquefois qu'on ddcbledesrapports analogues entre les mythes ou les rites respectivementassocids) chaquetype. Entreles ceuvresd'art d'une socidtd,entre sescuvres et cellesde socidtdsvoisines,on parvient donc ) ddgagerdes rapports intelligibles qui contribuent) dclairerla faqon dont les artistes- et pas seulementceux de I'Amdrique indienne- progressentsur le sentierde la crdation.

ExclusivitdFlammarion

l n r o n r n e e n Su i ss€

Related Documents


More Documents from "jojo"