Le Dernier Matin Du Monde - Livre2

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LE DERNIER MATIN DU MONDE

LIVRE SECOND

LES QUATRE CHANTS

Le Dernier Matin du Monde - Livre 2 Les Quatre Chants troisième édition : septembre 2008 Date : 08/10/96 23:24 Auteurs :

Pierre Lejoyeux, Antoine Chéret, Étienne de La Sayette

Plans :

Christophe Demartis

Dessins :

Jidus

LIVRE SECOND

LES QUATRE CHANTS

Introduction

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e Second Âge fut un temps de grande magie. Les hommes, devenus fous de puissance, rivalisèrent avec les Dragons euxmêmes. Ils troublèrent les Grands Rêveurs au point que ceuxci, n’aimant plus ce qu’ils rêvaient, décidèrent de se réveiller pour tout effacer et recommencer.

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es Dragons éliminèrent tout ce qui les gênait. En secret, chacun cependant garda des « souvenirs », bons ou mauvais. Au temps présent, celui des voyageurs, on trouve çà et là ces « souvenirs », vestiges du Second Âge, petits ou grands. Ils vont d’un simple livre ou morceau de statue à une grande cité ceinte de murailles, sans oublier les tombeaux enfouis au cœur des montagnes et les tronçons de routes qui ne vont plus nulle part.

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’histoire du Dernier Matin du Monde est celle d’un de ces « souvenirs » de Dragon. Imaginez un royaume paisible, où les hommes vivaient en paix entre eux et avec les Dragons, où les haut-rêvants utilisaient leur art avec parcimonie, sans jamais s’inquiéter de ce qu’en penseraient les Grands Rêveurs. Un tel royaume exista et fut choyé par les Dragons. Aussi, quand il fallut tout détruire, les Dragons eux-mêmes furent déchirés à la vue de ce pays idéal qui allait disparaître à jamais. Sa destruction ne put être évitée, mais les Dragons accordèrent à son roi la possibilité de le rebâtir, non de ses mains mais par ses actes.

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omment ? Simplement en rassemblant dans le pays tous les souvenirs éparpillés entre tous les Dragons. Tel Rêveur avait gardé le souvenir d’un événement, tel autre celui d’une personne, tel autre d’un château en ruine, tel autre d’un détail, tel autre encore d’un simple nom. Il fut dit que quand tous se souviendraient en même temps de ce pays, alors la mémoire reviendrait à tous et le royaume renaîtrait, un morceau de Second Âge en plein milieu du Troisième.

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a tâche du roi lui fut signifiée en rêve et au fil des temps devint une légende que les Dragons prenaient fort garde de conserver intacte de génération en génération. Cette légende prit la forme d’un long poème divisé en quatre chants (voir plus bas « La légende »).

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a tâche des voyageurs qui vont vivre cette aventure va être ni plus ni moins de faire revivre ce royaume. Le roi sera invisible durant toute l’histoire et pour cause, car c’est un bébé dans le ventre de sa mère... Il n’interviendra dans l’histoire qu’à la toute dernière minute, au dénouement final. C’est en poussant son premier cri qu’il signera la fin de l’aventure et sa réussite.

L P

es vrais héros, ceux qui vont tout accomplir, ne sont autre que les voyageurs et leurs joueurs.

ratiquement parlant, l’aventure se divise en quatre parties, correspondant à la fois à un chant de la légende et à une saison. Le parallélisme entre chant et saison est voulu pour des questions de symbolisme. Dès qu’une partie de l’aventure est réussie en entier, on passe à la partie suivante et donc on change de chant et de saison.

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e chant 1 correspond à la saison du printemps. Il explique ce que les voyageurs vont devoir accomplir. Le symbole est celui du renouveau et de l’espoir. La venue des personnages est un événement marquant. Il signe le début d’une nouvelle ère.

e chant 2 est consacré à plusieurs proches du roi qu’il faut retrouver. Cette partie va être le temps des retrouvailles et de l’amitié. Nul danger important ne menace. La chaleur et la richesse de l’été accompagnent cette partie. iennent ensuite le chant 3 et l’automne. Le temps devient gris, les feuilles tombent. C’est pour le pays et les voyageurs le début des épreuves. Les strophes annoncent des événements tous porteurs de catastrophe. nfin, la neige tombe et vient l’hiver, symbole du froid et de la mort. Comme il est dit dans la légende, le pays doit mourir pour renaître. C’est l’ultime épreuve. La plus difficile sans doute. La mort rôde partout. S’ils la surmontent elle aussi, les voyageurs se réveillent dans le royaume reconstruit avec tous ses personnages ayant repris leur place.

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e dernier matin du monde se présente en deux Livres. Le premier rassemble tous les éléments sur le pays. Le second, celuici, regroupe l’aventure proprement dite. Le texte de l’aventure fait souvent référence au Livre 1 pour les descriptions ou les plans par exemple. Il est important que le gardien des rêves ait bien en tête cette division.

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e Livre 1 contient bien plus d’informations que nécessaire pour le déroulement de l’aventure. Chaque villageois est décrit, toutes les régions du monde sont détaillées. Ceci permet au gardien des rêves de broder sur le canevas proposé, d’ajouter des événements secondaires dans le village ou de jouer des scénarios d’exploration. En cela, cette campagne est à la fois une grande aventure et un monde complet prêt à jouer.

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Ce qui s’est passé avant l’arrivée des voyageurs UN PEU D’HISTOIRE

LE TROISIÈME ÂGE

l était une fois, à la fin du Second Âge, un charmant petit royaume gouverné par un roi aussi bon que sage. Il était tout petit, ce royaume ! Juste un château, un village et les terres alentour. Il s’étendait de collines au sud aux rivages d’une grande mer au nord et d’une forêt immense à l’ouest à des marais à l’est. D’autres royaumes, des empires même, se trouvaient au-delà et chacun d’eux entretenait de bonnes relations avec notre charmant petit royaume. Alors que tout autour de lui on rivalisait de puissance dans l’usage du haut-rêve, le petit royaume respectait le sommeil des Dragons. À l’image de son roi, c’était une oasis de sagesse et de sérénité dans un âge de folie. Les Dragons choyaient royaume et monarque comme des enfants aimés, voyant en eux les ultimes éclats de beauté d’un rêve qui tournait peu à peu au cauchemar. Les Dragons donnèrent au roi une fille, un être merveilleux à mi-chemin entre les deux mondes, celui des hommes et celui des Dragons. Par son entremise, les Dragons parlaient au roi et le roi parlait aux Dragons. C’est ainsi que le monarque fut prévenu de la fin prochaine de tout ce qui était rêvé... et de la volonté des Dragons de sauver le royaume. Ainsi, quand vint le temps des cataclysmes, les Grands Rêveurs protégèrent de leur mieux le pays. Ils coupèrent toutes les routes et rendirent hostiles les régions qui l’entouraient, mais sans pour autant éviter totalement que le royaume ne soit atteint. Puis ils apprirent au roi, par la bouche de sa fille, comment sauver son pays. Ceci fait, la Princesse se retira dans un lieu connu d’elle seule tandis que le roi parla à ses sujets, leur apprenant la terrible nouvelle. Tous se préparèrent alors à affronter la Fin. Et, au dernier matin du monde, quand tout allait disparaître, quand les Dragons allaient tous se réveiller, ils retinrent le sommeil du roi pour lui permettre un bref, sublime instant de rêver avec eux, de rêver sans eux. Le soleil se leva et il ne resta plus du Second Âge que ce petit royaume et quelques survivants arrachés à la mort, dont la princesse. Depuis, il dérive dans les limbes, isolé, protégé du reste des rêves, attendant de retrouver son éclat d’antan. Le Roi, quant à lui, rejoignit les rangs des hommes avec une quête : restaurer la splendeur passée de son royaume. Comment ? Simplement en permettant aux Dragons de se rappeler ce qu’ils rêvèrent jadis. Pour cela, il faut que le roi retourne dans son pays, qu’il y rassemble cinq de ses proches, dont sa fille, et que tous revivent cinq des épreuves de la fin du Second Âge. Alors, les Dragons se souviendront et rêveront de nouveau le petit royaume tel qu’il était...

i le royaume fût sauvé de la destruction totale, il n’en fut pas moins profondément affecté. Tout fut ravagé et il resta à peine une poignée de survivants. Ceux-ci croyaient être les seuls rescapés, les derniers êtres humains... ceci bien sûr n’était pas vrai car les Dragons, en se rendormant, avaient repris tous leurs rêves passés. De plus, dans le rêve même de ce petit royaume, il y avait d’autres survivants : toute une tribu primitive, cachée au plus profond de la forêt. Ignorants de tout ceci, les villageois commencèrent à s’organiser et à reconstruire le village. Ils abandonnèrent le château et se désintéressèrent d’une grande partie du pays qui retourna peu à peu à l’état sauvage. Les survivants vécurent ainsi repliés sur eux-mêmes pendant de nombreuses générations, perdant en chemin le souvenir du grand cataclysme et la majeure partie du savoir du Second Âge, notamment l’usage de l’écriture. Au fil des générations également, les habitants du pays qui avaient péri lors du Grand Réveil revinrent au village, non par des déchirures, mais le plus naturellement du monde... en y naissant. Ainsi, peu à peu, le village retrouva tous ses villageois. Tout à fait normalement, les parents nommèrent leurs enfants, remplaçant, sans le savoir, le nom que ces derniers portaient au Second Âge. Ainsi les sujets du roi, ses proches y compris, revinrent au pays, mais sous un autre nom... et sans aucun souvenir du royaume du Second Âge. Pendant ce temps, le roi allait de rêve en rêve, de vie en vie, à la recherche de son cher pays et de ses proches. Sans succès. C’est alors que, comme dans tous les rêves du Troisième Âge, vint le temps des Voyages. Leur sommeil de nouveau calme et serein, les Dragons insufflèrent aux hommes un irrésistible besoin de découverte et de nouveauté, ceci afin que peu à peu se reconstruise ce qui avait fait la beauté et la fierté du Second Âge. Les villageois commencèrent donc à explorer timidement leur monde. Certains d’entre eux mouraient, tués par une bête féroce ; d’autres rentraient épuisés et terrifiés, jurant qu’ils ne recommenceraient jamais. D’autres enfin, très peu nombreux, revenaient avec une phrase en tête, une phrase qui avait été gravée dans leur mémoire lors d’un rêve. Ces phrases étaient autant de fragments d’une légende (voir plus loin « La Légende ») semés là par les Dragons. Cette légende concernait le pays et la promesse de son renouveau. Malheureusement, les villageois n’en comprirent pas le sens, sans doute parce qu’il manquait encore trop de morceaux. Cependant, ils en saisirent intuitivement toute l’im-

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S

portance. Ils conservèrent religieusement tous les fragments trouvés et prirent garde de les « classer » suivant la saison durant laquelle ils avaient été rêvés. Ainsi naquirent quatre « chants », un par saison.

LES TEMPS NOUVEAUX

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e Voyage fut intégré dans les coutumes du village, les fragments de légende devinrent des biens de famille et la base de l’organisation politique. Un premier roi fut élu et de nombreux autres lui succédèrent, sans que rien de notable ne se passe. Cependant, en coulisses, la résurrection de l’ancien royaume se préparait. Les proches du roi étaient revenus au pays, sous forme de bébé, sans aucun souvenir de ce qu’ils avaient été jadis, sans même connaître leur « vrai » nom. Au plus profond d’eux-mêmes, chaque villageois sentait confusément que quelque chose approchait, quelque chose qu’ils appelaient « les Temps nouveaux », sans pouvoir l’exprimer clairement. Il y a 16 ans de cela, une voyageuse d’une vingtaine d’années, blessée, presque mourante, arriva au village avec son bébé tout juste né dans les bras. L’événement bouleversa tout le village. C’était en effet la première fois, depuis le début de Troisième Âge, qu’une person-

ne entrait dans ce monde autrement qu’en naissant. Elle mourut, peu après son arrivée, en laissant derrière elle son enfant, une fille nommée Nitouche Pérégrine (voir livre 1 - « Nitouche, Sonice, Malaria, Ornufle, Gékah, Frimousse et les autres... »). Elle eut néanmoins le temps d’apprendre aux villageois qu’il y avait d’autres rêves et une multitude d’autres villages, ce qui acheva d’ébranler toutes leurs convictions. Ils n’étaient donc pas seuls, d’autres qu’eux avaient donc survécu... Afin d’accueillir d’éventuels autres voyageurs, il fut décidé de construire au plus vite une nouvelle maison, la « maison des voyageurs ». Le bâtiment fut terminé en un temps record, mais aucun autre voyageur ne vint l’habiter. Finalement, les années passant, la maison des voyageurs fut laissée à l’abandon. Très récemment, un autre événement, de moindre importance, vint troubler le village. Les jeunes enfants apprirent tout seuls à nager alors que personne ne s’y était risqué depuis des générations. Ceci convint les villageois que les « Temps nouveaux » étaient proches. Au moment où va commencer la campagne, la légende est en grande partie découverte et Nitouche, confiée au haut-rêvant du village, est devenue une belle jeune fille, libre et indépendante. Il ne manque que la présence des personnages des joueurs pour que les Temps nouveaux débutent vraiment...

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La légende

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a légende est un long poème composé de quatre chants, chacun formé de plusieurs strophes. Le poème est séparé en plusieurs pièces comme un puzzle, chaque fragment du puzzle est formé de deux vers ne rimant pas ensemble. Par exemple : De ces temps, il ne reste que de belles histoires, Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin. et Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire, Telle est celle du pays survivant au matin. Les personnages vont devoir reconstituer le poème de la légende avec les fragments trouvés par les villageois ou par eux-mêmes. Dans chaque chant, il n’y a que deux fragments qui possèdent les mêmes rimes. Pour reconstituer une strophe, il suffit donc d’intercaler les deux fragments qui vont ensemble. Pour l’exemple précédent, cela donne :

Les Fragments manquants Chant 1 : Fragments des voyageurs (5)

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Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge, Grand rival des Dragons aux dires des plus sages. Si bien que des Rêveurs il usa le pardon, À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second. Les strophes reconstruites, le plus délicat est de trouver dans quel ordre elles interviennent dans le chant. Ceci n’est réellement important que dans le premier chant où les strophes racontent une histoire et suivent un ordre logique. Si les voyageurs ne s’en sortent pas tout seul, le gardien des rêves peut leur permettre un jet d’EMPATHIE à –3 pour placer des strophes du chant 1 les unes par rapport aux autres… Dans les 3 autres chants, l’ordre est pratiquement indifférent, chaque strophe se suffisant à elle-même. La légende est écrite ci-dessous dans l’ordre des strophes et des chants. Les fragments manquants sont indiqués pour chaque chant dans l’encadré ci-dessous. Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil, Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine, De beauté un seul grain était dit-on son arme, Il sait en outre quand reprend son aventure. Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.

Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire, Telle est celle du pays survivant au matin. Une forêt, des collines, une rivière et un pont, Ajoutons à cela un fier château perché, Un village charmant, qui jamais n’eut de nom. Et voilà ! De l’histoire le décor est planté. Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi. Partout où il irait, irait son beau pays. Quand des Dragons troublés les songes prirent fin, Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort.

Chant 3 : Fragments trouvés en automne (4)

Chant 1 : Fragment trouvé au Printemps (1)

Chant 4 : Fragments trouvés en hiver (4)

Toujours accompagné de son cher beau pays. Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin. Chant 2 : Fragments trouvés en été (4) Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale, Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois, Loin par-delà les flots, la princesse sans nom,

Ce fut un grand jour qu’en geste de contentement, Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays, Que son père lui refuse au chagrin de la belle. Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort. Découvrent avec horreur une meute de chiens. Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies. Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie. Dommage que le temps soit pour certains compté.

Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau. Car le traître assassin fut un ami, avant. Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne, Des voyageurs il est le plus grand ennemi, Il n’est rien devant eux qui puisse résister. Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri. Et le roi apparaît, le pays est sauvé, Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.

CHANT 1 Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge, Grand rival des Dragons aux dires des plus sages. Si bien que des Rêveurs il usa le pardon, À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second. De ces temps, il ne reste que de belles histoires, Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire, Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin. Telle est celle du pays survivant au matin. Une forêt, des collines, une rivière et un pont, Un village charmant, qui jamais n’eut de nom. Ajoutons à cela un fier château perché, Et voilà ! De l’histoire le décor est planté. En ce pays vécut un si sage et bon roi, Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi. Dans le sommeil, la mort et dans toutes les vies, Partout où il irait, irait son beau pays. Aussi quand advint l’heure du dernier des matins, Quand des Dragons troublés les songes prirent fin, Le roi, calme et confiant, put accueillir la mort, Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort. Les Rêveurs, non contents, lui donnèrent l’espoir, D’en retrouver d’antan la splendeur et la gloire. Car ni homme ni passé ne s’éteignent vraiment, Et ce qui fut jadis peut renaître à l’instant. Seul, depuis, il voyage, passant de vie en vie, Toujours accompagné de son cher beau pays. En quête de tous ceux qui jadis furent les siens, Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.

CHANT 2 Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom, Tombés il y a longtemps dans un oubli profond. De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter, Il est écrit que des voyageurs vont l’aider. Une mère des plus belles, un capitaine têtu, Une fille sans pareille au doux nom inconnu. Plus une douce femme dont le roi est l’époux, Et cela, compte fait, donne bien quatre en tout. Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale, Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival. Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois, Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois.

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Loin par-delà les flots, la princesse sans nom, Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond. Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil, Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille. Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine, À devenir, du roi, et l’amante et la reine. De beauté un seul grain était dit-on son arme, Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme. Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche, Celle avec qui les hommes dans la paille s’accouchent. Il est certes des mères de plus haute vertu, Mais, voyageuse et belle, c’est elle qui du roi fut. Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature, Il sait en outre quand reprend son aventure. Il est plus d’une façon de cesser de rêver, Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.

CHANT 3 Les acteurs de la pièce sont à présent trouvés, Par leur puissant destin jusqu’au bout enchaînés. Reste à conter l’histoire quand le rideau se lève, Ainsi du passé se rejoueront tous les rêves. Ce fut un grand jour quand, geste de contentement, Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent. Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays, Et tout fut dépensé en trois jours de folie. Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle, Que son père lui refuse au chagrin de la belle. En épouser un autre ne peut être son sort. Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort. Oubliées de chacun, des silhouettes en forêt Connaissent des Dragons les mystères, les secrets. Que dire d’elles que toujours les arbres abritèrent, Sinon qu’ils sont, de cette légende, le mystère. Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin, Découvrent avec horreur une meute de chiens. Et de ce triste jour on oubliera la joie, Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies.

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L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie. Le souverain remède reste dissimulé... Dommage que le temps soit pour certains compté. Ceux qui, de tous ces drames, vivront pour voir la fin, Seront ceux qui feront face au cours du destin. Après les retrouvailles, après les souvenirs, Reste à présent pour eux à défendre l’avenir.

CHANT 4 Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin, Et préfèrent l’amener sans craindre le destin. Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître, Sont éprouvés alors et la terre et les êtres. Des confins du pays vient le noir instrument, Les Dragons l’ont voulu amené par le vent. Bien au-delà des mers, une nuée se lève, Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève. Les soudards réalisent des Dragons le dessein, Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin. Sur leur passage point de salut, de pitié. Le village, les champs... tout finit ravagé. Où qu’on aille, le seul refuge est le château, Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau. Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans. Car le traître assassin fut un ami, avant. Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne, Est celui qui massacre, esclave de sa hargne. Des voyageurs il est le plus grand ennemi, Il leur faudra l’occire pour sauver le pays, Les Dragons au château imposent la volonté. Il n’est rien devant eux qui puisse résister. Rien ne semble endiguer des soudards la furie, Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri. Et le roi apparaît, le pays est sauvé, De sa simple présence, il chasse les nuées. Et le pays renaît, le rêve reprend confiance. Une histoire prend fin là où l’autre commence.

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Organisation de la Campagne LE CADRE DE JEU

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e cadre de cette campagne est un rêve de climat tempéré, très semblable à nos campagnes. Les saisons y sont bien marquées (il fait chaud en été, il neige en hiver, etc.). Il est constitué d’une contrée accueillante de collines encerclée par des régions sauvages. Au-delà de ces régions sauvages, s’étendent de toute part les Limbes (Orinos p.15). Ce monde est donc clos. Aucun blurêve, aucune déchirure n’y mène ni n’en part. Quand les personnages des joueurs y seront entrés, ils ne pourront plus en sortir avant la fin de la campagne, à moins bien sûr de créer une déchirure par magie impossible ou de mourir...

LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA CAMPAGNE

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oute la campagne repose sur un nombre réduit de personnages, qu’ils soient des personnages joueurs (les voyageurs) ou des personnages non joueurs (la Princesse, Nitouche et le roi). Un des fragments de la légende dit notamment que des voyageurs (donc des gens extérieurs au monde) aideront le roi dans sa tâche. Tel est bien sûr le rôle du groupe de personnages incarnés par les joueurs, mais aussi celui d’une jeune villageoise appelée Nitouche Pérégrine qui n’est pas née dans ce monde (voir plus haut « Les temps nouveaux »). Côté personnages appartenant au monde, seule la Princesse va avoir un rôle majeur tout au long de la campagne. Quant au roi, il est mentionné là pour mémoire car sa venue entraîne la fin de la campagne.

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Les personnages des joueurs C’est évidemment sur leurs épaules que repose toute la campagne. À eux les explorations et les combats, mais aussi les honneurs. Sur la durée de la campagne (11 scénarios), il est très probable qu’un personnage de joueur perde la vie. Le gardien des rêves en fait alors apparaître un autre, quelque part près du village, de la même manière que les premiers. Ce voyageur se réveille en ayant l’impression d’avoir rêvé tout ce que le précédent personnage a vécu, ce qui assure une continuité dans l’histoire... surtout si tout le groupe est massacré.

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Nitouche Pérégrine Cette jeune fille très volage a un rôle beaucoup plus

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obscur, mais aussi important que celui des personnages des joueurs. Elle doit mettre le roi au monde. L’enfant est conçu lors du chant 1, la grossesse se déroule lors des chants suivants. Le chant 4 — et donc la campagne — s’achève au premier cri du royal bébé. Nitouche doit être jouée comme un personnage de second plan et sa grossesse ne doit être rien de plus qu’une péripétie, une histoire de villageois sans grande importante. Le but est de ne pas « vendre la mèche » trop tôt. Laissez les joueurs chercher le roi partout, alors qu’il est sous leur nez... Nitouche a une bonne étoile qui veille sur elle, il ne peut rien lui arriver, à part bien sûr être tuée par les personnages eux-mêmes. Si, d’une manière ou d’une autre, elle vient à mourir, la campagne s’arrête et les voyageurs se réveillent ailleurs avec l’impression d’avoir rêvé tout cela... La princesse La Princesse est la seule personne ayant connue le royaume du Second Âge et qui n’est pas morte depuis. Elle garde donc des souvenirs très clairs de cette période. En cela, elle joue un rôle de « joker ». Dès le moment de sa découverte par les personnages des joueurs (chant 2 - scénario 3), le gardien des rêves peut utiliser la Princesse, de temps à autre, pour aider les joueurs à résoudre une situation ou pour leur faire comprendre quelque chose par son entremise, exactement comme les Dragons ont procédé au Second Âge pour parler au Roi. Il ne faut cependant pas abuser de cette possibilité. C’est avant tout aux joueurs, via leurs personnages, de « faire tout le travail ». Ils sont là pour ça... Le Roi Un mot seulement, pour rappeler ce qui a été dit plus haut dans le paragraphe qui concerne Nitouche. Le roi est à naître. Quand il entrera dans ce monde, ce n’est pas dans une armure étincelante et monté sur un fougueux destrier, mais tout nu et couvert de sang. La légende reste volontairement vague sur la façon dont il doit venir, ceci pour ménager le suspense et réserver une surprise aux voyageurs. Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature, Il sait en outre quand reprend son aventure. Il est plus d’une façon de cesser de rêver, Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller. La campagne prend fin quand le roi naît (voir « synopsis général »).

QUATRE CHANTS ET QUATRE SAISONS

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a campagne est divisée en quatre parties que l’on appelle « chants », qui correspondent aux quatre chants de la légende. Chaque « chant » se déroule intégralement dans une saison précise, celle du chant de la légende concerné. Chant 1 Printemps Chant 2 Eté Chant 3 Automne Chant 4 Hiver La campagne est en tout constituée de 11 scénarios indépendants les uns des autres (1 pour le chant 1, 4 pour les chants 2 et 3 et 2 pour le chant 4). Dans les chants 2 et 3, chaque scénario est la conséquence directe d’une strophe de la légende. Dans le quatrième, la connaissance des strophes permet d’anticiper les évènements. Chaque scénario a un objectif précis que les personnages doivent atteindre pour passer au suivant. Quand tous les objectifs d’un chant sont atteints, la saison tire à sa fin. Les villageois organisent alors une grande fête (voir Livre 1 - Le village) comme à chaque changement de saison. Le lendemain, le temps a changé du tout au tout. Entre le chant 1 et 2 on passe par exemple d’un temps de plein printemps à un temps de plein été. Le gardien des rêves n’a pas à essayer de coller avec le calendrier de Rêve de Dragon. Il doit même le laisser complètement de côté. Peu importe en effet combien de jours les personnages vont mettre à réaliser les objectifs de chaque chant, la saison ne change que lorsqu’ils sont atteints.

STRUCTURE D’UN CHANT

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haque chant de la campagne est divisé en deux parties : - Le rêve - L’aventure

Le rêve Chaque chant débute par un rêve. Comme ceux que font les villageois quand ils partent en voyage, ce rêve permet de trouver les fragments manquants du chant de la légende. Cette quête se fait sans même que les personnages sortent de leur lit... puisqu’elle a lieu à chaque fois dans leurs rêves ! Dans cette partie, les personnages se retrouvent donc tous dans un rêve, c’est-à-dire dans une autre réalité que celle du village. Par exemple, ils peuvent être des naufragés recueillis par un bateau de pirate ou gladiateurs dans une arène ou encore gardes du corps d’une princesse voyageant en plein désert. Bien que tout ceci se passe en rêve, cette partie est jouée comme n’importe quelle autre à une différence près. Comme il s’agit d’un rêve, les personnages se réveillent dans leur lit quoi qu’il se passe... Cette subtilité entraîne quelques règles spécifiques qui sont détaillées plus bas.

Comment expliquer ces rêves ? : Ces rêves n’ont pas d’explication logique. Ils sont déclenchés par les Dragons pour permettre aux hommes de reconstituer la légende. Qu’il s’agisse d’un villageois ou d’un voyageur, le principe est le même, à la différence que le voyageur « joue » le rêve. But et répétition des rêves : Comme on vient de le voir plus haut, le rêve sert à récupérer les fragments manquants d’un chant de la légende, ce qui déclenche, au réveil des PJ, une ou plusieurs aventures dans ou autour du village. Tant que la strophe correspondant à une aventure n’est pas reconstituée, l’aventure ne peut pas se produire et la campagne n’avance pas. Fin d’un rêve : Un rêve peut s’achever de plusieurs façons : - En groupe par la réussite ou l’échec du rêve, - Individuellement par la mort du rêveur. En cas de réussite, tous les fragments manquants du chant sont récupérés. En cas d’échec, c’est-à-dire quand les voyageurs ont perdu toute chance de réussite, il s’arrête net et les rêveurs se réveillent avec en tête un seul des fragments manquants. Dans ce cas, tant que tous les fragments manquants ne sont pas trouvés, le rêve se répète à l’identique la nuit suivante : même situation initiale, mêmes personnages, même déroulement... ou presque. Connaissant la teneur du rêve, les voyageurs peuvent agir différemment, ne pas commettre les mêmes erreurs et finalement trouver la solution. Si un personnage meurt en rêve, il se réveille immédiatement. Ses compagnons continuent de dormir et de rêver (ils continuent l’aventure). Saisi par ce rêve qui a fini en cauchemar, Le personnage réveillé est frappé d’une queue de Dragon tirée au sort (« Insomnie » exceptée). Il peut donc se rendormir s’il le désire mais ne réintègre pas le rêve. N’ayez surtout pas peur de « tuer » les personnages en rêve, ils ne risquent rien à part de légers désagréments passagers... Un personnage ne peut se réveiller volontairement d’un rêve. En revanche, un personnage « mort » en rêve peut décider de réveiller les autres. Le rêve des dormeurs s’arrête alors brusquement comme dans le cas d’un échec. Autres détails importants : Des éléments du village peuvent se retrouver dans le rêve, des visages ou des objets le plus souvent. Cela ne veut rien dire, il s’agit uniquement les deux réalités (le monde et le rêve) qui se mêlent. Tous les personnages commencent le rêve sans aucune blessure, quel que soit leur état de santé réel. Toute blessure prise en rêve disparaît quand le rêve s’achève. Les rêves ne donnent pas lieu à des points de stress, sauf en cas de mort onirique d’un personnage (5 points). L’aventure Le ou les fragments de légende récupérés, les voyageurs se réveillent au matin. La ou les aventures peuvent dès lors commencer, au gré du gardien des rêves. La teneur

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et les indices pour réussir la ou les aventures se trouvent dans les strophes reconstituées de la légende. Dans le chant 2, ces aventures consistent à identifier les personnages de la légende. Dans le chant 3, une catastrophe se déclenche peu après le réveil des voyageurs. L’aventure consiste alors à éviter cette catastrophe ou tout du moins à en limiter les dégâts. Dans le chant 4 enfin, les fragments trouvés donnent une sorte de prescience sur les événements de l’aventure. Chaque scénario est précédé d’une section réservée au gardien des rêves intitulée « Quelques mots pour le gardien des rêves ». On y trouve dans l’ordre : Le scénario en quelques mots : Cette section donne des informations générales sur le scénario dont un bref résumé et les conséquences probables de l’aventure. Destins : Pour aider le gardien des rêves, cette section contient la liste des personnages non joueurs du village qui seront des acteurs de premier plan dans le scénario. C’est sur eux que doit se concentrer en priorité le jeu de rôle du gardien des rêves. Les autres villageois peuvent fort bien être laissés dans l’ombre, à moins bien sûr que les personnages des joueurs n’en décident autrement.

LE DERNIER

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Ce qui s’est passé au Second Âge : Chaque scénario des chants 2 et 3 puise son origine dans l’histoire de l’ancien royaume du Second Âge. Cette section explique à chaque fois la raison du scénario. Les personnages apprennent systématiquement la totalité de cette section par l’entremise d’un des proches du roi à la fin de chaque scénario. Le stress Le gardien des rêves ne trouvera aucune référence aux allocations de points de stress dans la campagne. Le nombre de points et les circonstances d’attribution sont laissés à son entière discrétion. Seule exception à cette règle : les rêves des chants 2 et 3 (voir plus bas). Ils ne donnent pas lieu à des points de stress, sauf pour un personnage qui meurt durant l’un d’eux (5 points).

Synopsis général La campagne est divisée en quatre chants qui correspondent chacun à un chant de la légende et à une saison différente. Le chant de la légende donne la teneur des aventures. La saison, par son temps, donne un symbole ou une ambiance particulière. Parallèlement, des événements courent sur tout ou partie de la campagne, notamment en ce qui concerne le roi.

CHANT 1 - LE PRINTEMPS : LE TEMPS DU RENOUVEAU Le premier chant est un scénario de découverte du monde dans lequel va se dérouler la campagne et de la nature de l’histoire elle-même. Les personnages se réveillent dans le château et doivent en sortir pour atteindre le village. Accueillis en grande pompe, ils vont être plongés dans le cœur de l’histoire. Quand ils auront complété et remis en place les fragments du premier chant, ils sauront de quoi il retourne.

CHANT 2 - L’ÉTÉ : LE TEMPS DES RETROUVAILLES Le but du Second chant est d’identifier ou de trouver les cinq personnes que recherche le roi. Elles se trouvent toutes soit au village, soit dans le monde. Chaque personnage possède une strophe le concernant, sa teneur indique comment l’identifier. Pour identifier une de ces personnes, il ne suffit pas de se douter de qui il s’agit et de lui dire son nom, ce serait trop simple. Pour qu’un villageois prenne conscience de sa véritable identité, il faut qu’il VIVE un événement précis, c’est-à-dire : - Le Grochu doit gagner le concours de la Mandale pour devenir Anguerrant, - Les voyageurs doivent voir le grain de beauté de Saline pour qu’elle devienne Solinée, - Les voyageurs doivent réveiller la princesse. Ceci fait, cette personne se souvient de son vrai nom et de bribes de son passé, pas assez pour identifier les autres, mais suffisamment pour se mettre aussitôt à agir comme elle le doit. Quant à Nitouche, c’est un cas un peu particulier. Elle porte déjà le nom de la légende et a conscience d’avoir été la mère d’un roi et donc n’a pas besoin d’être révélée comme les autres.

CHANT 3 - L’AUTOMNE : LE TEMPS DES ÉPREUVES Dans le troisième chant, les événements n’ont pas d’ordre logique, ils se déroulent quand les voyageurs trouvent le fragment manquant qui les décrit. Les événements perdurent tant qu’un terme n’y a pas été mis, ainsi les cynoférox continuent à tuer. Quand les victimes désignées sont épuisées, les événements concernent directement les PJ.

CHANT 4 - L’HIVER : LE TEMPS DE LA MORT Retrouver les strophes manquantes est ici intéressant pour savoir à l’avance quels événements vont se produire et pouvoir, soit les éviter, soit en minimiser les effets. Pour que le pays de la légende puisse renaître, il faut que celui-ci meure. Si effectivement, la contrée va être ravagée, en revanche il n’y a rien d’écrit d’avance pour les villageois, tout dépend des actes des voyageurs. Une énorme force armée menée par un haut-rêvant puissant débarque sur le bord de mer et avance vers le village. Il faut se replier dans le château et se préparer à soutenir un siège. Le roi va naître deux semaines après. En attendant, il faut repousser les attaques des assiégeants.

ÉPILOGUE Le roi pousse son premier cri de bébé. Aussitôt, tout se dissout. Il ne reste plus que ce cri. Les voyageurs se réveillent... ailleurs ! Pour savoir où, rendez-vous à la fin de la campagne !

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Chant Premier

Le Printemps Le temps du renouveau

L

e vieil homme s’installa devant chez lui alors que le soleil venait à peine de se lever. Comme tous les matins, il cueillit quelques baies à l’arbuste qui grimpait le long de son mur puis il attendit patiemment que les enfants arrivent. Comme tous les jours, il allait les faire rêver et trembler : il allait leur raconter une histoire pleine de jolies princesses, de terribles monstres et de nobles voyageurs.

A

ujourd’hui était un jour particulier. Il allait commencer une toute nouvelle épopée. En effet, la précédente avait fait son temps, il l’avait usée jusqu’à la corde, allant de rebondissements en retournements de situation. Les enfants commençaient à s’ennuyer et certains venaient plus le voir par politesse que par plaisir. Le vieil homme en était très conscient et, sagement, avait conclu l’aventure. D’autant qu’avec leur logique implacable, les enfants commençaient à trouver des failles dans l’histoire et n’hésitaient pas à l’interrompre pour demander des explications, ce qu’ils ne faisaient jamais d’habitude.

L

es enfants arrivèrent l’un après l’autre et s’assirent sagement devant lui. Ils avaient leurs grands yeux des meilleurs jours, ceux où chaque mot, chaque geste du vieil homme, les faisaient vibrer. Avec des yeux comme ça pour le regarder, il était prêt à conter ses histoires jusqu’à la fin des temps.

N

ous sommes au Troisième Âge, commença-t-il doctement, ce qui veut dire en toute bonne logique qu’il y eut, il y a longtemps et même très très longtemps, un Second Âge (qui lui-même succédait à un premier, encore plus vieux, mais cela est une autre histoire). Ce Second Âge fut un temps de cités orgueilleuses, d’immenses empires, de grandes batailles et surtout de magiciens plus puissants que tout ce que l’on peut imaginer. Ces hautrêvants se sentaient si forts qu’ils perdirent toute mesure si bien qu’un jour, ils détruisirent le monde. Oh ! Cela ne se fit pas en un claquement de doigts, cela prit du temps… Mais un à un les pays furent balayés par la faim (il fixa le gros Baffreux qui ne cessait jamais de manger), la maladie ou la guerre, engloutis dans les flots (ça, c’était pour Sonice, qui ne savait pas nager), submergés par des pluies de boue, de pierres ou de feu, brûlés par le soleil, glacés jusqu’au cœur... ou pire encore. Ainsi disparut un pays en particulier.

O 16 MATIN DU I MONDE

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h ! Il n’était pas bien grand. Il comprenait un château comme celuici (il désigna la ruine qui trônait en haut de la colline escarpée), un petit village comme le nôtre, un pont sur une rivière, comme la nôtre. En fait, ce pourrait très bien être notre pays... l s’arrêta un instant pour savourer l’effet de son préambule. Les enfants écoutaient, suspendus à ses lèvres. Satisfait, il poursuivit : Tout commença un matin, dans la cour du château...

CHANT 1 — LE RÊVE

LA CÉRÉMONIE MANQUÉE

C

e rêve est une ouverture, un prélude. Il introduit les personnages à l’atmosphère onirique de la campagne. Contrairement aux autres chants, ce rêve n’est pas destiné à être joué par les voyageurs, mais plutôt raconté aux joueurs. Cela dit, rien n’empêche le gardien des rêves de le faire jouer en gardant à l’esprit que la marge de manœuvre des personnages est nulle et que si jet de dés il y a, il est de pure forme. Si vous improvisez des éléments supplémentaires, gardez à l’esprit que la Reine et le Capitaine ne peuvent être rencontrés, ni mêmes aperçus. Il ne faut pas que les personnages puissent les reconnaître plus tard au village. Quant à Erémis, il n’est pour l’instant qu’une présence maléfique, à peine discernable. Mais place au rêve... « ... Vous êtes tous assis sur les marches d’un escalier, à l’intérieur d’un château. C’est la nuit, et tout autour de vous résonnent des rires, des chansons, des cris. Le château brille de mille feux, torches, lampes, braseros, installés là pour la fête. Vous êtes vaguement ivres. Vous êtes descendus prendre le frais dans la cour du château. Vos habits sont riches, des habits de courtisans, de seigneurs. Soudain un rire derrière vous, cristallin. Vous vous retournez et apercevez la fille du roi, la princesse, sublime et gracieuse, qui descend vers vous pour vous

saluer. Il semblerait que vous soyez familier de cet endroit et des gens qui y vivent. Bien que vous ne puissiez vous souvenir du nom de ce château, ou de votre fonction, vous vous y sentez bien. Dans la plus haute tour, les fenêtres sont vivement éclairées et vous percevez, reconnaissables à leurs parures et à leurs couronnes, les silhouettes incertaines du Roi et de la Reine. Leurs ombres dansent au gré des flammes tremblantes des torches et de la musique que vous entendez, lointaine, couverte par les rires. Soudain, votre discussion avec la princesse s’arrête. Celleci, visiblement angoissée, scrute les ténèbres près des écuries. Il vous semble y distinguer une présence, peut-être celle d’un homme, grand, maigre, se cachant dans l’obscurité. Mais les ombres se dissipent alors qu’un garde, porteur d’une lampe, fait irruption dans la cour et s’affaire dans les écuries. Peut-être avez-vous rêvé ? Ou bien est-ce l’alcool qui vous perturbe les sens ? Vous vous tournez vers la princesse. Elle semble troublée. Mais d’un sourire radieux, elle dissipe vos inquiétudes : « Ce n’est rien, dit-elle... ». Avant que vous ne puissiez l’interroger plus avant, une voix, venant de l’intérieur de la tour, vous appelle. Le bouffon et poète du roi s’apprête à raconter une histoire, une grande et belle légende, celle du dernier matin du monde... »

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Quelques mots pour le gardien des rêves Le rêve que font les voyageurs est, d’un point de vue technique, une quête d’archétype. Son but n’apparaît pas clairement aux personnages, mais il en a la même valeur symbolique. Le gardien des rêves doit insister auprès des joueurs sur la nature « spéciale » de ce rêve et du besoin irrationnel qu’ils ressentent de le réaliser. Il n’y a aucun caractère d’urgence dans ce rêve. Les voyageurs sentent qu’ils ont tout le temps nécessaire.

Les Fragments manquants Fragments des voyageurs

Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire, Telle est celle du pays survivant au matin. Une forêt, des collines, une rivière et un pont, Ajoutons à cela un fier château perché, Un village charmant, qui jamais n’eut de nom. Et voilà ! De l’histoire le décor est planté. Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi. Partout où il irait, irait son beau pays. Quand des Dragons troublés les songes prirent fin, Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort. Fragment trouvé au Printemps

Toujours accompagné de son cher beau pays. Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.

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Alors que les voyageurs gravissent l’escalier de pierre qui mène à la salle royale, tout semble se dissiper autour d’eux. Les murs disparaissent, les sons sont de plus en plus assourdis. Puis tout disparaît, et les voyageurs ont l’impression de s’endormir... Presque aussitôt, ils sont tirés d’un sommeil profond par un cri de bébé. En ouvrant les yeux, ils découvrent qu’ils sont chacun seul dans une chambre richement ornée du château de leur rêve. Les murs de pierre sont recouverts de tapisseries, les coffres de bois sont finement sculptés, un lourd rideau barre la fenêtre. Euxmêmes dorment au beau milieu d’un grand lit à baldaquin, enfoncés dans un doux matelas de plumes, enfouis dans des draps parfumés. Telle est sans doute la cause de leur sommeil si profond... Les cris de bébé s’éloignent. Les voyageurs s’aperçoivent qu’ils sont nus sous les draps. Au pied du lit sont étendus de riches habits : poulaines de cuirs, chemise de soie, chausses et pourpoints de velours à crevées pour les hommes ; chaussons fourrés, hennin, chemise décolletée et robe de velours rehaussée de perles et fils d’or pour les femmes. Alors qu’ils songent à se vêtir, chacun à la sourde intuition qu’il se fait tard et qu’il est en retard pour une grande occasion, sans toutefois pouvoir se souvenir de laquelle... Les voyageurs sortent ensemble de leur chambre et se dirigent tous dans la même direction, celle que leur commande leurs pas. Leurs jambes semblent

douées d’une vie propre et les guident malgré eux. D’escalier en couloir, les foulées se font plus grandes, comme si leurs jambes seules connaissaient le chemin et l’urgence de la situation. C’est en courant à perdre haleine que les personnages arrivent dans une grande cour pleine de gentes dames et messires aussi bien habillés qu’eux. Tous se pressent pour entendre un baladin qui, sur un air de luth, chante une histoire qui n’est autre que la légende du Pays. De là où ils sont, les voyageurs n’entendent pas grandchose, à peine un vers de-ci de-là. Cela les contrarie beaucoup car au fond d’eux ils ressentent l’importance de ce qui est chanté. Tout effort pour se rapprocher est vain, il y a trop de monde et chacun veut être plus près. Tendre l’oreille ne sert à rien non plus, des murmures, des quintes de toux étouffées, des bruissements de robe couvrent le baladin. La musique s’arrête, la foule devient plus perméable. Un jeu de coude plus loin, les voyageurs peuvent apercevoir, par-dessus une forêt d’épaules, l’artiste agenouillé et cinq personnages rassemblés sur une estrade. Il y a là le roi, un homme d’une stature impressionnante, les cheveux noirs, la barbe fournie. Il porte une couronne d’or qui se détache nettement sur sa chevelure. Près de lui se tient la princesse, sa fille, une jeune fille à la beauté irréelle, des cheveux blonds comme l’or, des yeux d’un vert éclatant. En retrait se tient la mère du roi, une très vieille femme au corps courbé, au visage ridé, mais au regard aux yeux noirs si expressif qu’il semble la définir à lui tout seul (Pour le Gardien : il s’agit de Nitouche). Quand ils l’observent, les voyageurs perçoivent des murmures inintelligibles tout autour d’eux, comme des vols d’abeille. Les deux autres personnages sont un homme et une femme, mais les voyageurs ne parviennent pas à les voir clairement. Alors que les PJ jouent encore des coudes pour se rapprocher, la foule s’écarte brusquement d’eux et les trompettes d’une dizaine de hérauts retentissent juste à côté de leurs oreilles. Les images se brouillent, les sifflements se mêlent au tintamarre des instruments. À cela s’ajoutent des applaudissements nourris et un rire sardonique, celui d’Erémis. Le rire apparaît comme extérieur au rêve. Il distille une sourde menace qui s’oppose à l’atmosphère ambiante de sérénité et de fête. Les bruits semblent se livrer une guerre. Les uns et les autres varient de volume suivant le vainqueur des batailles. Les sifflements disparaissent, les trompettes se taisent, le rire s’estompe. Il ne reste que les applaudissements, faibles et blessés...

CHANT 1 — L’AVENTURE

LE VILLAGE QUI N’A PAS DE NOM L’ÉCHO DU RÊVE

L

es applaudissements se changent en bruissements et les PJ se réveillent, en tenue de voyageur et avec armes et bagages, sous un grand arbre, un noyer, dans la frondaison duquel souffle un léger vent. Il fait bon et, vu le temps et les fleurs du noyer, nous sommes au printemps. À leur grande surprise, les voyageurs découvrent qu’ils sont dans la cour pavée d’un château à la fois en ruine et désert. Et pas n’importe quel château... En effet, ils sentent tous que ce château est celui de leur rêve. L’endroit leur est familier. Chaque pas, chaque regard, leur apporte des impressions de « déjà-vu », mais dans leurs souvenirs, dans leurs rêves, le château était en bon état... Le gardien des rêves peut en la circonstance expliquer à des débutants les notions fondamentales du monde de Rêve de Dragon, c’est-à-dire le rapport étroit entre la vie et le rêve. Justement, le rêve que les voyageurs viennent de faire est des plus marquants. Si marquant qu’une partie du rêve reste imprimée profondément dans l’esprit de chacun. Les visages du roi et de la princesse et le regard de la vieille femme sont aussi clairs dans leur esprit que si les voyageurs venaient de les croiser. De même, chacun garde en mémoire deux vers de la chanson du baladin. Ces groupes de deux vers sont des fragments du premier chant de la légende. Le gardien des rêves peut les choisir dans la liste ci-jointe. La seule recommandation est qu’il distribue au moins les deux formant une strophe complète (fragments 2 et 3) afin que les joueurs s’aperçoivent dès le début de la nature du puzzle de la chanson/légende.

Une certitude s’impose brusquement aux voyageurs. Cette chanson que tous se pressaient pour écouter est d’une importance capitale, peut-être même vitale pour eux. Mais en quoi ? Mystère... S’ils pouvaient la reconstituer, s’ils pouvaient en avoir toutes les paroles, alors ils comprendraient sans doute... Seulement voilà, où donc trouver les vers manquants ?

POUPÉE DE CHIFFONS ET MAGIE D’AUTREFOIS

T

out autour des voyageurs, ce ne sont que murs couverts de lierre, ferrures rouillées à cœur, bois pourri, tours édentées et ruines. Il n’y a pas un bruit, à part celui du vent qui fait bruisser les feuilles de l’arbre et gémir les tours. Le fier château du rêve semble à l’abandon. Il n’y a pas le moindre signe de présence humaine... du moins à première vue. En effet, un morceau de pain traîne au pied du puits. Il date de quelques jours et porte les traces d’une dentition d’enfant. Plus loin, au rez-dechaussée d’une tour, c’est une petite poupée de chiffons tout à fait récente qui est découverte, installée sur un trône de fortune fait de cailloux empilés. Quelqu’un habite donc ces lieux, un ou plusieurs enfants à l’évidence, mais où sont-ils ? Le premier réflexe des voyageurs sera sans doute de monter à une tour pour se repérer. Presque toutes peuvent remplir ce rôle (sauf la 4, écroulée, et la 9, trop basse), la meilleure vue est en haut de la tour 7 (voir Livre 1 – Le Château). Ce n’est que de cet emplacement que les personnages découvrent que le château est au milieu d’un lac, que les piles d’un pont sont visibles au nord et que, non loin de la berge, s’étend un petit village entouré de champs. Le pain et la poupée appartiennent à des enfants du village. Seuls ceux-ci connaissent l’existence d’un passage secret courant au fond du lac (voir Livre 1 - Le Lac et le Château - le Grand Secret des Enfants). L’exploration proprement dite du château n’est pas décrite ici en détail. Toutes les informations et les plans se trouvent dans le Livre 1, au chapitre « Le Lac et le Château ». Il n’y a que deux issues à la cour. Au sud, elle mène à l’enceinte secondaire défendant l’accès au donjon. Au nord, elle donne sur la basse-cour et l’enceinte extérieure. L’accès au donjon est impossible sans construire un pont. Les douves sont ici très profondes et les murs lisses et ponctués de surplombs. Plonger dans l’eau est encore possible, mais escalader l’autre face jusqu’à la porte du donjon apparaît impossible à toute personne ayant au moins 0 en Escalade. Au nord, la porte de la cour donne sur un fossé en eau dans

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lequel gisent les restes d’un pont-levis. Là aussi, l’obstacle est trop large et profond pour être franchi sans travaux mais, heureusement, une des tours d’enceinte (la tour 4) est écroulée et livre un passage sans aucun problème vers la basse-cour. À partir de là, les voyageurs peuvent accéder à la porte du château... ceci pour découvrir qu’il n’y a aucune façon de quitter les lieux ! En effet, la porte surplombe le lac de plusieurs dizaines de mètres et les murs y descendent à pic. Plonger sans risquer de se tuer est très difficile (Mêlée/Natation -8, encaissement à +10 en cas d’échec) et de toute façon, on ne peut y réussir que pratiquement nu. Quant au pont, il n’en subsiste que des piles régulièrement espacées. Un jet de VUE à 0 permet de réaliser un fait étrange. Ces piles ne sont pas des ruines, elles ont été conçues ainsi. Leur sommet est bien lisse, comme si l’ouvrage était inachevé... Alors que les personnages discutent devant cette porte, le meneur de jeu va choisir un mot ou un bout de phrase dans leur discussion, ce sera le mot de commande du pont immatériel soutenu par les piles (voir Livre 1 - Le Lac et le Château - le Pont Inachevé). Le hasard fait que les voyageurs vont prononcer les paroles qui déclenchent la magie. Aussitôt, un tablier bleuté apparaît. Il relie la porte du château à la berge du lac en autant de bonds que de piles. Un haut-rêvant d’Oniros (minimum 0 dans cette voie) reconnaît instantanément le sort de « pont immatériel » (Oniros, p.120) et peut en expliquer les principes. En revanche, son déclenchement reste pour tous un mystère, une magie du Second Âge...

LE VILLAGE QUI N’A PAS DE NOM

L’

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arrivée de voyageurs dans un village est toujours un événement, mais là, dans ce cas précis, cela va tenir de l’exceptionnel, voire de l’extraordinaire. Pensez donc ! Les villageois vivent en circuit fermé depuis de très nombreuses années, ils pensent être les seuls survivants du Second Âge. Une seule fois, précédemment, un étranger est entré dans leur monde clos : la mère de Nitouche, une voyageuse, elle aussi. Depuis, près d’une vingtaine d’années se sont écoulées sans autre arrivée. Et d’un coup, plusieurs voyageurs débarquent... Les villageois se rassemblent sur la grande place et se tiennent à distance respectueuse des nouveaux venus, on les regarde comme des statues ou des œuvres d’art, on commente dans des murmures les épaules de l’un, les yeux de l’autre. Personne n’ose élever la voix ni même souhaiter la bienvenue. Si les PJ avancent ou parlent, les villageois reculent en masse, comme si les voyageurs étaient des créatures inconnues et potentiellement dangereuses... Soudain un homme, petit, maigre et vieux, est poussé en avant d’un violent coup d’épaule par Rotonde, une vieille femme très forte. Reprenant son équilibre, l’homme se retrouve, tout penaud, à mi-chemin entre villageois et voyageurs. Il y reste, tremblant de la tête au pieds, n’osant ni rejoindre les siens ni s’approcher davantage. Il regarde en arrière puis se racle

longuement la gorge avant de risquer quelques mots en direction des PJ : « Êtes-vous des... voyageurs, comme l’attestent vos bottes et vos sacs ? » Le « oui » des personnages semble réconforter et soulager tout le monde. L’homme ajoute : « Moi, le Frileux, roi du Pays, annonce l’incroyable nouvelle. En ce jour sont arrivés des voyageurs d’audelà du Pays... » Même s’il se dit roi, le Frileux n’est pas le roi vu en rêve par les personnages. Il n’a même rien à voir avec lui, pourtant les voyageurs savent au fond d’euxmêmes, ils en ont la certitude, qu’il sont bien dans le royaume de leur rêve... Un détail devrait les en convaincre tout à fait. Dans la masse des villageois, ils croisent un regard l’espace d’un battement de cil. Ils le reconnaissent aussitôt comme celui de la mère du roi. C’est elle, pas de doute, à la différence cependant qu’il ne s’agit pas d’une vieille femme, mais d’une jeune et belle blonde... En réponse aux paroles du roi, une dizaine de villageois s’éparpillent dans les maisons pour tous revenir chaussés de bottes de cuir et porteurs d’une besace. Ces « bottés » sont ceux des villageois qui détiennent des fragments de légende (voir Livre 1 Le Village - « Coutumes »). Comme s’ils reproduisaient un rituel bien rôdé, les « bottés » se répartissent en quatre groupes (un par chant de la légende). Le premier, celui du printemps, est le plus important, suivi de près par celui de l’été. En revanche les deux derniers groupes sont peu fournis, il y a peu de volontaires pour se risquer dans l’inconnu sous la pluie ou la neige ! Au signal du roi, les « bottés » déclament les uns après les autres un ou plusieurs fragment de légende en commençant par ceux du « groupe du printemps », puis c’est au tour des autres groupes suivant l’ordre des saisons. Certains « bottés » changent de groupe pour déclamer d’autres vers (ils ont voyagés à différentes saisons). Le tout ne veut strictement rien dire car tous les fragments, au sein d’un même chant, sont mélangés... (voir l’encadré La Légende Mélangée). Frileux se tourne alors vers les voyageurs pour leur demander s’ils n’ont rien « à ajouter ». Dans le cas d’une réponse positive, Frileux les convient à rejoindre le groupe du printemps, car nous sommes au printemps, puis le rituel recommence depuis le début pour la plus grande joie des villageois. En entendant tous ces fragments de légende, les personnages ont l’impression de les avoir déjà entendus... en rêve. Et justement dans celui qu’ils viennent de faire. Les fragments sont mélangés, mais ils s’accolent deux à deux comme des pièces de puzzle. En reconstituant des strophes complètes, les joueurs s’aperçoivent que la légende n’est pas complète. Il manque des morceaux, même après avoir ajouté les leurs, soit : - 1 fragment dans le premier chant (printemps) - 4 dans le second chant (été) - 4 dans le troisième chant (automne) - 4 dans le quatrième chant (hiver) Tout cela, les personnages peuvent le comprendre, mais pas s’en préoccuper vraiment car ils sont sollicités de toute part. En effet, cette cérémonie a rompu la glace. À présent, les villageois entourent les

La Légende Mélangée

À devenir, du roi, et l’amante et la reine. Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme.

Printemps

Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom, De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter,

Grand rival des Dragons aux dires des plus sages. À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second. Aussi quand advint l’heure du dernier des matins, Le roi, calme et confiant, put accueillir la mort, Les Rêveurs, non contents, lui donnèrent l’espoir, Car ni homme ni passé ne s’éteignent vraiment, De ces temps, il ne reste que de belles histoires, Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin. Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge, Si bien que des Rêveurs il usa le pardon, En ce pays vécut un si sage et bon roi, Dans le sommeil, la mort et dans toutes les vies, D’en retrouver d’antan la splendeur et la gloire. Et ce qui fut jadis peut renaître à l’instant. Seul, depuis, il voyage, passant de vie en vie, En quête de tous ceux qui jadis furent les siens,

FRAGMENTS DES VOYAGEURS (La strophe entière a été d’office reconstituée. S’il y a moins de 5 voyageurs, réintégrez les fragments restants à ceux qui seront récités avant ceux des voyageurs.)

Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature, Il est plus d’une façon de cesser de rêver, Celle avec qui les hommes dans la paille s’accouchent. Mais, voyageuse et belle, c’est elle qui du roi fut.

Automne L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi Le souverain remède reste dissimulé... Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle, En épouser un autre ne peut être son sort. Connaissent des Dragons les mystères, les secrets. Sinon qu’ils sont, de cette légende, le mystère. Ceux qui, de tous ces drames, vivront pour voir la fin, Après les retrouvailles, après les souvenirs, Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin, Et de ce triste jour on oubliera la joie, Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent. Et tout fut dépensé en trois jours de folie. Seront ceux qui feront face au cours du destin. Reste à présent pour eux à défendre l’avenir.

Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire, Telle est celle du pays survivant au matin.

Oubliées de chacun, des silhouettes en forêt Que dire d’elles que toujours les arbres abritèrent,

Une forêt, des collines, une rivière et un pont, Un village charmant, qui jamais n’eut de nom. Ajoutons à cela un fier château perché, Et voilà ! De l’histoire le décor est planté.

Par leur puissant destin jusqu’au bout enchaînés. Ainsi du passé se rejoueront tous les rêves.

Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi. Partout où il irait, irait son beau pays. Quand des Dragons troublés les songes prirent fin, Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort Fragment trouvé au Printemps Toujours accompagné de son cher beau pays. Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.

Les acteurs de la pièce sont à présent trouvés, Reste à conter l’histoire quand le rideau se lève,

Hiver Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin, Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître, Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin. Le village, les champs... tout finit ravagé. De sa simple présence, il chasse les nuées. Une histoire prend fin là où l’autre commence.

Été

Des confins du pays vient le noir instrument, Bien au-delà des mers, une nuée se lève,

Une fille sans pareille au doux nom inconnu. Et cela, compte fait, donne bien quatre en tout.

Les soudards réalisent des Dragons le dessein, Sur leur passage point de salut, de pitié.

Tombés il y a longtemps dans un oubli profond. Il est écrit que des voyageurs vont l’aider.

Où qu’on aille, le seul refuge est le château, Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans.

Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival. Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois.

Est celui qui massacre, esclave de sa hargne. Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,

Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche, Il est certes des mères de plus haute vertu,

Les Dragons au château imposent la volonté. Rien ne semble endiguer des soudards la furie,

Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond. Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille.

Et préfèrent l’amener sans craindre le destin. Sont éprouvés alors et la terre et les êtres.

Une mère des plus belles, un capitaine têtu, Plus une douce femme dont le roi est l’époux,

Les Dragons l’ont voulu amené par le vent. Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève.

voyageurs et se présentent tous en même temps. C’est un tourbillon duquel les PJ ne gardent pas grand-chose, sauf peut-être que la blonde n’est pas là. Dans toute cette agitation, Pitchoune, une petite fille, s’approche de celui qui porte la poupée de chiffon et qui est en partie visible. Elle se dresse sur la pointe des pieds et tire le bas de la cotte du voyageur. « Rends-moi ma poupée, lâche-t-elle, c’est ma

poupée ! ». Pitchoune n’en démord pas, elle veut sa poupée et ne dira rien de son secret. Le voyageur n’est pas un enfant, il ne peut donc pas connaître leur secret... Si les personnages veulent en savoir plus, ils devront épier les enfants. Si elle ne récupère pas son jouet, Pitchoune fera les gros yeux et ira jusqu’à tenter de la voler les jours suivants avec la complicité de sa copine Frimousse.

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UNE MAISON POUR LES VOYAGEURS

D’

un seul pas, tous les villageois entraînent les personnages vers une des maisons du village. En chemin, les PJ croisent une nouvelle fois le regard de la blonde, celle-ci se tient en retrait, hors de l’effervescence collective. Entraînés par la foule, les voyageurs ne peuvent la rejoindre. Des hommes s’aperçoivent de l’intérêt que les nouveaux venus portent à cette fille. Ils leur murmurent aux oreilles, comme dans un bourdonnement d’abeilles, qu’elle se nomme Nitouche et que c’est la fille d’une voyageuse. Sa mère est morte peu après son arrivée. Nitouche n’était alors qu’un bébé aux formes déjà charmantes aux dires de ceux qui la virent alors. Les hommes murmurent aussi qu’elle « n’est pas comme les autres ». Elle ne cherche pas à se marier bien qu’elle soit la plus belle du village, en revanche elle n’est pas avare de ses charmes contrairement à d’autres et ne manque pas d’amants. Ils ajoutent pour finir que « en tant que nouveau venu, vous avez toutes vos chances pourvu que vous lui plaisiez... ou plutôt que vous sachiez lui plaire... » En chemin également, l’attention des personnages est attirée par des aboiements et des grouinements. Un petit chiot est poursuivi par deux énormes cochons. Les porcs sont chassés à coups de pied par des villageois. Quant au chiot, il vient se réfugier, tout tremblant de peur, entre les pieds d’un des voyageurs et il n’en décolle pas, slalomant entre les jambes de l’homme à chacun de ses pas... (voir plus bas « Le Petit Chien de Gékah »).

résumé, il décrit tout ce qui est à l’intérieur du monde connu (voir Livre 1) : la petite forêt, la zone de coupe, le pierrier, les deux rivières, le dolmen de Gékah, le sentier, le pont qui ne sert à rien, l’enclos à mouton, les relais de voyage répartis aux frontières ou encore le lacmiroir. Sur ce qu’il y a au-delà, il est plus évasif. À l’ouest, il semble y avoir une grande forêt, mais personne n’y a jamais été. Au nord c’est la grande inconnue. À l’est, les marais s’étendent à perte de vue et au Sud, ce sont les collines et le pays des morts. Personne ne s’y rend... Il ajoute qu’actuellement un villageois est en voyage quelque part : Baffreux, le « jeune » fils du roi. Une femme se met alors à pleurnicher. Rotonde (la vieille femme très forte qui avait poussé le roi en avant) intervient alors : « Soit, il n’a que 10 ans, souligne-t-elle d’une voix ferme, mais la valeur n’attend pas le nombre des années... » Personne ne lui répond et Rotonde quitte la maison, hautaine et sûre d’elle. Le Frileux lui emboîte le pas peu après. Cet événement brise l’excitation du moment. Les villageois se dispersent les uns après les autres. Gekah reste. Il demande aux voyageurs s’ils n’ont rien à ajouter à la carte. Gékah peut répondre à toutes les questions des personnages sur le monde connu, le village, les coutumes, les personnes rencontrées. Concernant Nitouche, il reste vague et soupire, avant d’avouer qu’il est son père adoptif et qu’elle lui donne « bien du souci »...

Quelques mots pour le gardien des rêves

QUESTION DE POLITIQUE

Le petit chien de Gekah est très important pour la campagne, et pas seulement pour ramener Baffreux. Il va s’attacher contre vents et marées aux personnages durant les deux premiers chants. Suivant l’attitude des voyageurs envers ce chiot, un des événements du troisième chant (automne) peut s’avérer plus ou moins néfaste. Pire, si les voyageurs se conduisent mal avec le chiot, s’ils le rejettent, ils auront non seulement plus de mal à passer l’automne, mais aussi vont perdre des alliés très précieux pour le quatrième chant (hiver). Tout cela, bien sûr, il n’y a que le gardien des rêves qui le sache.

ossédant chacun un fragment de légende, les personnages disposent chacun d’une voix pour élire le roi. Leur nombre peut faire basculer la majorité. À ce titre, ils vont être courtisés à la fois par Rotonde, la mère de la femme du roi, et Lahin, le meunier, leader de l’« opposition ». Rotonde est la première à leur rendre visite. Elle se présente officiellement et leur propose, comme un grand privilège, d’assister au lever du roi le lendemain (voir Livre 1 - Le Village). Lahin arrive à cet instant avec un plein sac de farine qu’il offre aux voyageurs. Les deux personnages sont aussi antipathiques l’un que l’autre. Ils exposent ensemble toutes les coutumes « politiques » du village. Chacun dissèque toutes les paroles de l’autre, rectifiant aussitôt telle imprécision ou tel oubli intentionnel. De précision, les interventions de l’un et de l’autre tournent aux attaques personnelles, puis aux injures. « Moi, dit Lahin, je n’envoie pas mon petit-fils de 10 ans à une mort certaine dans l’espoir de récupérer une voix.. » « Le voyage est une coutume, personne n’a jamais dit qu’il y avait un âge limite, réplique Rotonde... » « N’avez-vous pas de cœur... » « C’est bien à vous de parler de cœur ! À ce que je sache, ce n’est pas moi qui marie de force ma fille pour obtenir des voix... » Un balai à la main, Nitouche arrive alors que Rotonde et Lahin sont sur le point d’en venir aux mains. La nouvelle-venue fait baisser la tension. Un ultime incident risque d’éclater au passage de la

LE DERNIER

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Devant la maison (voir plan du village, maison 12), le silence se fait. Le roi se tient sur le seuil et se racle une nouvelle fois la gorge en tremblant : « Voici votre maison, voyageurs, nous l’avons construite pour cette occasion. Elle n’a jusqu’à présent jamais servi... » Un silence recueilli suit ces mots. Les voyageurs peuvent comprendre (EMPATHIE à 0) qu’il s’agit d’un hommage à la mère de Nitouche. Le roi reprend : « Elle est à vous. Nous vous l’offrons. Déposez-y vos affaires, nous avons autre chose à vous montrer... » La chose faite, la procession reprend vers une autre maison un peu à l’écart où tout le monde s’engouffre. Il s’agit de la maison de la carte (voir plan du village). L’endroit est vide, à part une grande carte en peau de bête tendue sur un des murs. Cette carte est celle du monde connu. Chaque villageois-voyageur, de retour de son voyage en terre inconnue, la complète de sa main. De fait, cette carte est un patchwork de styles très différents. C’est un autre villageois, un nommé Gékah, se présentant comme haut-rêvant, qui commente la carte. En

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porte. Ni la vieille femme ni le meunier ne veut céder le passage, et c’est tous les deux ensemble qu’ils sortent, écrasés chacun de leur côté, poussant à en devenir rouges. Ils y parviennent enfin et s’éloignent sans se regarder.

LES DEUX BELLES

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es voyageurs restent seuls avec Nitouche, balai en main, qui commence à nettoyer le sol. Sans décoller les yeux de son ouvrage, elle se présente et ajoute qu’elle vient les aider à emménager. Engager la conversation avec elle n’a rien de difficile, d’autant qu’elle est là pour cela. Très vite, elle lève les yeux et les voyageurs retrouvent intact le regard si présent de leur rêve. Nitouche est la seule à porter un nom présent dans la légende. Les deux vers du fragment où elle est citée sont sans ambiguïté : Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche, Celle que les hommes dans la paille couchent. Nitouche porte le nom de la légende et, à en croire les villageois, se comporte également comme dans le fragment qui la concerne. Interrogée sur cette coïncidence, la jeune fille répond que son nom lui a été donné par hasard, parce qu’elle n’arrêtait pas de toucher à tout. Le fragment a été trouvé par un villageois, des années plus tard. Ce hasard fortuit fait qu’elle porte le nom de la légende. Mais cela n’a pas suffi pour qu’elle se rappelle avoir été la mère du roi. En fait, elle n’en a rêvé qu’après avoir perdu son pucelage, il y a un an à peine. Et plus elle fait l’amour, plus elle est sûre d’avoir été mère de roi, en rêve, dans une autre vie comme dit Gekah... Mais elle ne se souvient de rien d’autre... « Peut-être que je ne fais pas encore assez l’amour... » ajoute-t-elle, sur un ton oscillant entre proposition et plaisanterie. Nitouche est en train de parler quand, l’air de rien, Sonice passe devant la maison avec ses prétendants à sa suite. Elle jette un bref regard aux voyageurs, accompagné d’un léger sourire. Elle semble ne pas les remarquer pour ne s’adresser qu’à Nitouche. « Alors, Nitouche, tu n’as point d’autre chose à faire ? Ma mère a sans doute besoin d’aide... » « J’accueille les voyageurs, Sonice... » répond-elle. « Je ne doute pas qu’ils apprécient ton... hospitalité. » Les prétendants ricanent. Nitouche semble ne pas relever le sous-entendu et prend congé des voyageurs. Sonice s’éloigne, elle aussi, hautaine et fière d’elle.

LE PETIT CHIEN DE GEKAH

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uit toute une série de villageois, à la convenance du gardien des rêves. Chacun vient se présenter et apporter qui de la nourriture, qui une poterie, etc. En dernier, alors que la nuit tombe, une femme se glisse en rasant les murs dans la maison des voyageurs. Il s’agit de Bouillotte, la femme du roi. Elle transpire comme si elle était en plein soleil. Des larmes coulent sur ses joues. Bouillotte vient supplier

les voyageurs de l’aider. Son fils, le Baffreux, est parti en voyage voilà quelques jours. C’est sa mère, Rotonde, qui l’a poussé. Baffreux est certainement en danger, son cœur de mère le lui crie. Tout ce qu’elle sait est que Baffreux est toujours vivant, Gékah, le haut-rêvant, le lui ayant assuré en regardant dans son miroir (sort de Miroir d’Hypnos), mais il n’a pas su dire où il se trouvait. Très certainement en dehors du monde connu. Bouillotte est morte d’inquiétude. Elle pressent que son fils ne sait pas non plus où il se trouve et que, par conséquent, il lui est impossible de rentrer seul. En séchant ses larmes, elle demande aux voyageurs de partir à sa recherche... Qui dit voyageur dans ce monde dit possibilité d’obtenir un fragment de légende. Retrouver Baffreux équivaut sans doute à récupérer un nouveau fragment, le seul qui manque pour finir le premier chant. Cette perspective devrait convaincre les voyageurs d’agir, si l’aspect purement humanitaire les laisse froids... Seulement voilà ! Comment retrouver un gosse de 10 ans perdu dans un pays aux limites inconnues ? Vous souvenez-vous du petit chiot ? Celui qui s’était réfugié dans les jambes d’un voyageur... Eh bien, il est toujours là, dans la maison des voyageurs qu’il semble avoir adoptée en même temps que ses propriétaires... Au moment où les personnages se posent la question de savoir comment ils vont faire, le chiot aboie et remue la queue. C’est lui la solution du problème. Bien que petit, il a un odorat infaillible. Gekah, son maître, peut l’assurer aux voyageurs. Il suffit de lui faire renifler un habit ayant appartenu à l’enfant pour qu’il cherche aussitôt sa trace... et la trouve.

LE PAYS DES MORTS

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a piste remontée par le flair du chiot mène vers l’ouest puis s’incurve vers le sud. L’enfant ne savait visiblement pas où il allait. Au bout de quelques heures, les voyageurs trouvent les restes d’un petit campement : un maigre feu fait de brindilles, des miettes de pain, etc. Une journée de marche plus tard, les voyageurs et le chiot arrivent en bordure de collines. La piste y mène tout droit. Le chiot s’arrête et se met à hurler à la mort. Ces collines sont la frontière du Pays des Morts... S’il est encouragé par les personnages, le chiot passe courageusement la limite du Pays des Morts et continue à suivre la piste. Le chiot poursuit jusqu’à la rivière puis se met à suivre la berge vers le sud, s’enfonçant toujours plus loin dans le domaine des morts, jusqu’à atteindre le lac des zomars (voir Livre 1). Là, le chiot perd sa trace, tout est trop mouillé pour avoir conservé une odeur. Les voyageurs doivent continuer les recherches sans l’aide du chien, du moins pour relever la piste car l’animal aboie de toute sa puissance quand des dangers approchent : zomar ou lycan. Une journée passe ainsi. Durant ce temps, Baffreux est tranquillement installé dans la caverne d’une créature hors du commun, Grand-Bras, un gigant (voir Livre 1 - Le pays des Morts - « Grand-Bras : l’habitant des collines dures »).

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Grand-bras est aussi fort et grand qu’inoffensif pour Baffreux. Il l’a recueilli alors que l’enfant errait, pleurant toutes les larmes de son corps, dans les collines. Baffreux n’a pas peur de lui et Grand-Bras se comporte avec lui comme un compagnon de jeu, c’est un « grand », très grand, enfant. Peu à peu, les personnages découvrent des traces de la présence de Grand-Bras (voir Livre 1 - Le pays des Morts - « Petits scénarios dans le Pays des Morts »). Lorsqu’ils le rencontrent, le Gigant est seul. Quoi qu’il arrive, Baffreux intervient avant que quelque chose de « fâcheux » ne se passe, c’est-à-dire la mort d’un voyageur ou du gigant. Baffreux s’interpose avec ces mots désarmants : « Touchez pas à Grand-Bras, c’est mon copain ! » Grand-Bras fraternise avec les voyageurs, même si un combat a eu lieu à l’instant d’avant. Bien que le cœur lui serre de quitter son ami, Baffreux désire plus que tout retrouver sa mère... et ses gâteaux ! L’enfant a rêvé dans le Pays des Morts, un cauchemar très morbide comme il convient à l’endroit. Il en a gardé des frissons de terreur et un fragment de la légende qu’il livre volontiers aux personnages s’ils le lui demandent. Toujours accompagné de son cher beau pays. Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin. Le gigant accompagne les humains jusqu’à la limite des collines. Au passage, il peut faire halte au « Rocher aux Lycans » (voir Livre 1 - Le pays des Morts ) si l’état d’un personnage ou le sien le demande. Grand-Bras préfère rester dans ses collines. Il ajoute cependant que si, un jour, les « petits bras » ont vraiment besoin de lui, il pourrait les suivre si ceux-ci viennent le chercher.

LA FÊTE DU PRINTEMPS

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e retour au village, Baffreux se jette aussitôt sur les gâteaux de sa mère et s’en goinfre. Le cauchemar des collines est ainsi bien vite oublié. Bouillotte étouffe presque les voyageurs tant elle les serre dans ses bras. Le retour de Baffreux, et surtout la récupération du dernier fragment du premier chant, déclenche comme par une étrange coïncidence les préparatifs de la fête de fin de saison (voir Livre 1 - Le village sans nom). Rien n’indique que l’été est proche et pourtant, tous les villageois en sont persuadés. L’été est pour bientôt. Le reste de la journée et tout le lendemain, tous les villageois s’affairent pour préparer la fête. On dresse des tables chargées de victuailles, on sacrifie quelques moutons et cochons. Le soir enfin, les festivités commencent. Tout d’abord, les jeux. Cela débute par un « siège » (voir Livre 1 - Le village sans nom). Un grand concours de Mandale prend la suite. Tous les hommes forts du village y participent, sauf Le Grochu qui refuse obstinément de se présenter. Les premiers chocs de crânes ont lieu. Comme à chaque fois, Ornufle le bûcheron a l’air bien parti pour gagner. Il faut dire que cela fait six fois consécutives qu’il remporte le concours. Le vin coule à

flot, les esprits s’échauffent. On commence à railler les vaincus, on fait boire les premiers vainqueurs. Le Grochu qui assistait au jeu dans un coin est soudainement pris à parti par Ornufle, passablement éméché. Ornufle empoigne le Grochu pour le forcer à participer. Le porcher refuse et, du fait d’Ornufle qui continue à boire, l’affaire s’envenime. Tout le monde se rassemble autour du Grochu et d’Ornufle. Certains poussent le Grochu, d’autres comme Gékah prennent sa défense et demandent à ce qu’on le laisse tranquille. Les discussions s’éternisent. Ornufle renonce brusquement, faisant retomber la tension aussi vite qu’il l’avait fait naître. Le bûcheron reprend le concours pour se retrouver en finale contre Smisse. Le choc entre les deux colosses est impressionnant à deux titres ; d’abord par le bruit « plein » que font leurs crânes quand ils se cognent, et d’autre part parce que les deux hommes s’assomment raides l’un l’autre... C’est une première, jamais une telle chose n’était arrivée... Après discussion, il est décidé qu’il n’y a pas de vainqueur et que tout le concours sera recommencé dans les jours qui suivent, le temps que les bosses disparaissent... Les musiciens se mettent à jouer et l’on commence à danser en couple alors que les participants à la Mandale reprennent leurs esprits. Nitouche profite du bal pour approcher les voyageurs, danser avec eux... et faire son choix. Les « têtes dures » sont remises. Le bal fait une pause. Tous les villageois regardent Uzanne et Nitouche danser tour à tour. Ceci fait, le bal reprend de plus belle avec son renfort de cavaliers. Des couples s’éclipsent discrètement. Nitouche n’est pas en reste. Elle choisit un voyageur et l’entraîne dans une grange, le temps de plusieurs danses. Puis revient et en prend un autre. Et ainsi de suite tant qu’il reste des voyageurs qui lui plaisent. Elle garde celui qu’elle préfère pour la fin et passe le reste de la nuit avec lui... Le printemps s’achève ainsi. Cette nuit, les personnages vont faire un rêve, un rêve aussi pénétrant et significatif que celui du château.

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Chant deuxième

L’Eté Le temps des retrouvailles

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e Baffreux avait arrêté de manger, Frimousse ne disait mot et Pitchoune, à plat ventre, appuyée sur ses coudes, battait des jambes. Nitouche, comme à son habitude, semblait distraite, mais le vieillard savait qu’elle écoutait... puisqu’elle ne se disputait pas avec Sonice.

L C

e vieil homme regarda tous ces enfants avec tendresse et se félicita d’avoir pu captiver son auditoire. « Voilà une bien bonne histoire ! » pensa-t-il. Il lissa sa longue barbe puis reprit le cours de son récit. e fut après l’arrivée des voyageurs que les choses commencèrent à changer au village. Durant des années et des années, depuis le début du Troisième Âge en fait, rien n’avait vraiment changé… Jusqu’à faire croire aux villageois que tout avait toujours été ainsi… L’été est une saison magnifique, pleine de soleil et de bonheur. C’est aussi celle qui succède au printemps… Les fleurs deviennent des fruits et les fruits mûrissent. Tout comme cette histoire.

L

a venue de voyageurs avait été déjà en soit un événement. Peu en effet se risquaient sur les routes. Mais ce qui suivit leur arrivée fut bien plus extraordinaire encore ! Avezvous, mes enfants, déjà rêvé que vous étiez des princesses, des rois ou de grands capitaines capables de braver les mers les plus déchaînées ? »

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onice trembla rien qu’à l’évocation d’une si grande étendue d’eau, ce qui amusa Pitchoune. Sonice s’en aperçut et les deux fillettes commencèrent à se disputer. En une phrase, le vieil homme arrêta les chamailleries : « Ce qui se passa en été dans ce village fut des plus inattendu ... »

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CHANT 2 — LE RÊVE

L’OISEAU DU CAPITAINE

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es personnages se réveillent sur un radeau de fortune fait d’un assemblage précaire de poutres brisées, de cordages détrempés et de morceaux de toile. Ils sont pieds nus et n’ont en tout et pour tout que des chausses et une chemise sur eux (pour une voyageuse, il s’agit d’une robe en partie déchirée). Force leur est de constater qu’ils sont naufragés... et en mauvaise posture ! Ils sont en effet en pleine mer, sous un soleil de plomb, sans eau ni nourriture. Laissez-les se démener durant une journée (l’aprèsmidi sera torride), essayer de pagayer, de pêcher, de construire une voile ou que sais-je encore. Le salut arrive le matin suivant sous la forme d’un fier vaisseau filant toutes voiles dehors et arborant le pavillon noir...

BIENVENUE SUR L’ÉCUMEUSE...

L

e navire, nommé l’Écumeuse, est en fait un bateau de redoutables pirates (voir encadré). À peine a-t-on hissé les personnages sur le pont que les pirates, au nombre d’une quinzaine, s’assemblent autour d’eux, les sabres dégainés

et l’air hostile. Ils fouillent sans ménagement les naufragés et s’apprêtent à les tuer quand le capitaine intervient et suspend l’exécution. Un étrange oiseau est perché sur l’épaule du capitaine, il ressemble à un gros faisan à quatre pattes et au plumage multicolore... Un jet d’INTELLECT/Légendes à - 1 permet d’identifier un oiseau-oracle (Oniros p 96). Nul doute qu’une telle créature puisse les mener sur la piste du fragment, voire le leur donner ! En effet, les oiseaux-oracles parlent et disent toujours la vérité... de manière parfois masquée, mais toujours la vérité. Malheureusement pour les personnages, le volatile a l’air très attaché à son maître. De plus, son bec est muselé pour lui éviter de répondre à n’importe quelle question indiscrète comme « Où se trouve le trésor ? » Après les avoir observés quelques instants, le capitaine lâche sèchement : « Je ne veux pas savoir qui vous êtes ni d’où vous venez, vous êtes sur mon vaisseau et vous me devez obéissance. Alors soit vous devenez des pirates, soit vous allez dire bonjour aux poissons...» À moins que des voyageurs aient envie de mourir, tous vont accepter de devenir pirates. Le choix fait, le capitaine tourne les talons, l’équipage, visiblement très déçu d’avoir été spolié d’un massacre, retourne à sa tâche et les ennuis des personnages commencent...

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Les Pirates Hache de bataille Épée dragonne Corps à corps Dague de mêlée Dague de lancer Esquive Vie Endurance

12 12 12 12 13 13 12 24

niv +4 +4 +4 +5 +5 +4

Protection +dom

init +3 +3 0 +1 +1 0 0

L’école de piraterie Pour rester en vie, les voyageurs doivent se comporter comme des pirates, c’est-à-dire : - Faire des plaisanteries douteuses - Rire grassement - Mâcher du tabac ou fumer la pipe - Se battre à coups de poing à la moindre provocation - Boire du rhum sans modération - Ronfler - Monter tout en haut du mât au moins une fois (AGILITÉ/Escalade à -5) - Laver le pont en râlant - Chanter des chansons de pirates De plus, il y a 4 règles propres à l’Écumeuse qu’il faut aussi impérativement respecter sous peine de mort : - Le capitaine se sert en premier (aussi valable pour les repas et le rhum que pour le butin) - Ne pas entrer dans la cabine du capitaine sans son autorisation. - Ne pas parler à l’oiseau-oracle - Ne pas porter d’arme (ne s’applique qu’aux voyageurs)

IL Y A PIRATE ET PIRATE...

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ans le paragraphe précédent, les descriptions des pirates et du capitaine sont volontairement omises. En effet le gardien des rêves trouvera ci-dessous un choix de types de pirates et de capitaines pour personnaliser ce rêve à sa guise et varier les plaisirs en cas de répétition du rêve. Tous les types de pirates que nous allons voir (équipages et capitaines) ont en commun leur habillement, armement et caractéristiques de combat (pour ces dernières, voir l’encadré Les pirates). Tous sont vêtus de culottes et d’une chemise de tissu (protection 0). Nombre d’entre eux portent des boucles d’oreilles que les voyageurs peuvent reconnaître comme étant le travail de Smisse. Ils se battent à l’épée, la hache et la dague. Chacun d’eux possède 2 dagues et soit une épée dragonne, soit une hache de bataille. Ils attaquent de fougueux à fulgurant.

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ÉQUIPAGE 1 : LES PIRATES « CLASSIQUES » L’équipage est composé de marins hétéroclites (petit, grand, gros, tout maigre), tous vraiment laids, avec des tronches pas possibles, les dents cariées, de gros nez, des verrues, des sourcils broussailleux... et l’air patibulaire. ÉQUIPAGE 2 : LES AMAZONES L’équipage, entièrement féminin, est constitué uniquement de femmes jeunes et belles. Elles n’en res-

tent pas moins des pirates et respectent toutes les règles de « l’école de piraterie » (voir plus bas). Elles se comportent comme des hommes et n’aiment pas être draguées. Toute tentative de séduction est prise comme une provocation et entraîne automatiquement un combat à mains nues. ÉQUIPAGE 3 : LES HOMMES ENTRE EUX Cette fois, il s’agit d’un équipage masculin au physique tout à fait « classique », mais avec une particularité spéciale. En effet, ces pirates préfèrent... comment dire... rester « entre hommes ». Ils sont tous un peu efféminés, sont plus sociables (ils ne jurent pas), voire délicats (l’un d’eux peut passer son temps à broder des napperons) et n’usent pas de violence physique entre pirates, ce qui inclut les voyageurs. En revanche, ils sont impitoyables en combat. Pour leur permettre de mieux s’intégrer, les personnages seront, sans aucune arrière-pensée, l’objet de délicates attentions de la part des pirates, qui garniront par exemple leurs hamacs de charmants oreillers de soie... CAPITAINE 1 : LE CAPITAINE « CLASSIQUE » Le capitaine est un homme court sur pattes, mais robuste et surtout encore plus moche que son équipage. Il est vêtu d’une veste de capitaine élimée et d’un vieux tricorne troué. Comme signe distinctif, il a au choix une jambe de bois, un crochet à la place d’une main ou/et un bandeau sur l’œil. Le gardien peut lui donner le visage de Lahin. CAPITAINE 2 : LE CAPITAINE « HOLLYWOOD » C’est le type de pirate des films américains. Penser à des acteurs comme Errol Flynn ou Burt Lancaster. C’est un bel homme, bien habillé et dents blanches, impitoyable avec les hommes, mais galant et gentilhomme avec les femmes. Il peut avoir le visage de Nataèl. CAPITAINE 3 : LA VIEILLE MATRONE Le capitaine est une femme mûre, moche et grosse. Elle mène tout son petit monde à la baguette, n’acceptant aucune erreur. Elle jure et peste comme un charretier et se bat à la hache, preuve supplémentaire d’un manque évident de finesse. Les traits de Rotonde lui conviendront fort bien. CAPITAINE 4 : LA PIN-UP Encore un capitaine femme. Cette fois il s’agit d’une fort belle femme, mais aussi dominatrice et impitoyable que tous les autres types de capitaines. Il n’y a pas de place en elle pour les sentiments. Le gardien peut lui donner le visage de Sonice.

LE PREMIER JOUR SUR L’ÉCUMEUSE

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urant ce premier jour, les personnages vont être « testés » pour voir s’ils peuvent faire des pirates acceptables et donc rester en vie. Pour cela, les voyageurs doivent se comporter comme de vrais pirates, c’est-à-dire respecter toutes les règles de la piraterie (voir encadré Les règles de la piraterie). Ces règles, bien sûr, personne ne va les leur expliquer... d’autant que l’équipage se montre peu causant et suspicieux envers les nouveaux.

Comme si cela ne suffisait pas, les voyageurs ressentent la présence d’un homme grand et maigre se cachant dans les ombres. La même présence que celle qui inquiétait la princesse du rêve du printemps. Les voyageurs ont beau essayer de l’approcher, de l’apercevoir, cette présence se dérobe toujours à leurs yeux, comme si elle faisait partie intégrante de la trame du rêve… Durant ce premier jour, les pirates vont chercher à piéger chaque personnage au moins une fois en le mettant dans une situation où il va devoir appliquer une règle de la piraterie. Au moindre écart, un pirate donne un avertissement. « Un vrai pirate, dit-il, doit agir ainsi... ». Si le voyageur ne réagit pas aussitôt, il est immédiatement exécuté, sans aucune possibilité d’en réchapper. De même, si les voyageurs déclenchent un combat contre les pirates, par exemple pour sauver l’un des leurs, ils sont condamnés (à 3 contre 1, ils n’ont strictement aucune chance de s’en sortir...). Les pirates garderont toujours un œil sur les voyageurs, les obligeant par exemple à ronfler... Dans cet univers sans foi ni loi, une voyageuse a beaucoup de soucis à se faire. Elle est en effet considérée comme un butin et est la propriété du capitai-

ne. De fait, elle n’a rien à craindre de l’équipage (toucher à la propriété du capitaine revient à une condamnation à mort), mais a tout à redouter du capitaine, surtout si elle est jolie. Si elle a affaire au capitaine « Hollywood », elle a droit à de belles robes, des bijoux, des repas fins et une cour dans les règles de l’art, sans violences ni menaces. En revanche, dans le cas d’un capitaine « classique », les choses sont moins plaisantes. En un claquement de doigts, l’infortunée se retrouve en tenue d’Eve, enchaînée au pied du lit de son « propriétaire ». Le gardien des rêves doit, dans ce cas, toujours donner une alternative. Le capitaine tue celle qui ne veut pas lui céder. Mourir en rêve n’est en effet pas bien grave, on ne fait que prendre une queue de Dragon ce qui, somme toute, est un moindre mal... Évidemment, dans le cas d’un capitaine femme, c’est un des voyageurs (le plus « apparent » ou le plus fort) qui se retrouve nu et enchaîné. Chacun son tour... Dans un cas comme dans l’autre, l’infortuné (e) reste ainsi jusqu’à la nuit de la mutinerie (voir À la nuit tombée...).

LE DERNIER

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CE QUE LES VOYAGEURS DOIVENT FAIRE

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l est clair qu’il faut que les personnages fassent parler l’oiseau-oracle. Le problème est que le capitaine reste constamment avec l’oiseau et que le volatile est bâillonné. Pour y arriver, les voyageurs doivent se trouver seuls avec le capitaine afin de lui arracher l’oiseau de force. Il n’y a aucun autre moyen de procéder. L’oiseau est hors d’atteinte d’une personne enchaînée au lit, la cabine est fermée de l’intérieur durant la nuit, le capitaine ne dort que d’un œil et n’accepte aucun marché ou arrangement d’aucune sorte. C’est son oiseau, voilà tout.

UNE ODEUR DE MUTINERIE

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ambiance à bord est tendue. Un simple jet d’EMPATHIE à 0 permet de le sentir. Les pirates ont entre eux des airs de comploteurs. Dans le dos de leur capitaine, leurs regards deviennent aussi durs qu’une lame de couteau et s’ils pouvaient tuer, le capitaine serait mort depuis longtemps. Une mutinerie ne va pas tarder à éclater... C’est en tirant parti de cette situation que le rêve peut être résolu. En effet, le capitaine sait fort bien ce qui va se passer et est aux abois. S’il a épargné les personnages, c’est uniquement parce qu’il a besoin d’eux comme espions pour épier l’équipage et comme rameurs pour manœuvrer la chaloupe avec laquelle il compte fuir avec oiseau et trésor. Le soir de leur arrivée, le capitaine prend l’un des voyageurs à part et lui propose un marché : de l’or contre leur aide. En cas de refus, il ordonne leur exécution à tous le lendemain matin. L’équipage ne s’y oppose pas, étant soulagé de se débarrasser d’intrus. S’ils choisissent de se ranger du côté du capitaine, leur rôle est tout d’abord d’espionner les pirates. Des jets successifs de OUÏE/Discrétion à 0 leur font apprendre, dans l’ordre indiqué, les choses suivantes : Jet 1 : Un abordage a eu lieu il y a deux jours, beaucoup de pirates sont morts, mais cela valait la peine, le navire contenait un trésor. Le problème est que pour l’instant le capitaine ne l’a pas partagé et tous craignent qu’il garde tout pour lui. Jet 2 : Une mutinerie se prépare, tout l’équipage y participe. Jet 3 : La mutinerie aura lieu dès qu’une terre sera en vue.

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Si un des jets est raté, le voyageur concerné est repéré par les pirates qu’il écoute et est tué aussitôt. Les personnages vont peut-être avoir la tentation de jouer double jeu et de se ranger du côté de l’équipage. Il n’y a rien de ce côté, l’équipage ne leur fera pas confiance, quoi qu’ils fassent.

À LA NUIT TOMBÉE...

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ort de ces renseignements, le capitaine prépare sa fuite. Il calcule une route pour arriver près d’une côte en pleine nuit, puis donne rendez-vous aux voyageurs à l’heure de l’Araignée. Enfin, en fin d’après-midi, il accorde quadruple ration de rhum à ses hommes pour qu’ils se saoulent, ce que la majeure partie fait consciencieusement en bon pirate qui se respecte. À l’Araignée, la côte vient juste d’apparaître. Les voyageurs entrent dans la cabine. Le capitaine barricade la porte derrière eux, puis libère un éventuel personnage enchaîné au lit et donne à tous les pièces d’or promises. C’est alors que les choses se gâtent... Alertés d’une manière ou d’une autre, une demi-douzaine de pirates à moitié saouls se lancent à l’assaut de la cabine. L’un d’eux, du château arrière, coupe net l’amarre de la chaloupe, supprimant toute possibilité de fuite au capitaine et aux voyageurs. Les autres cherchent à enfoncer la porte. Il n’y a pas d’espoir de fuite. C’est alors qu’il faut agir. Avant que les pirates n’entrent dans la cabine, les voyageurs ont 10 rounds pour assommer ou tuer le capitaine et faire parler l’oiseau, ce qui ne devrait pas être trop dur à 4 ou 5 contre un. Démuselé, l’oiseau-oracle répond à la première question posée. Peut importe sa teneur, la réponse sera plusieurs fragments manquants de la légende : Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale, Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois, Loin par-delà les flots, la princesse sans nom, Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil, Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine, De beauté un seul grain était dit-on son arme, Le rêve prend fin brusquement et les personnages continuent leur nuit normalement... pour se réveiller alors que le petit matin se lève sur le village.

CHANT 2 — L’AVENTURE

I - ANGUERRANT DE TRÈVE, PRINCE DE MANDALE LES RACINES DU PRÉSENT : ANGUERRANT DE TRÈVE, LE TÉMÉRAIRE

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nguerrant fut le meilleur capitaine de navire que compta le royaume et les empires alentour. Il était aussi courageux que volontaire et ses prouesses de marin n’avaient d’égales que son obstination. Quand il décidait de faire quelque chose, rien ne pouvait le faire changer d’avis. Il devenait aussi buté qu’un âne et sa tête était aussi dure que le bois... Son entêtement devint si légendaire que l’on dit bientôt en plaisantant que « même le bois le plus dur est moins dur que la tête d’Anguerrant ». Son entêtement et sa témérité le conduisirent à de grandes aventures. Il explora la mer sur des centaines de kilomètres vers le nord. Très loin, si loin qu’il doutait lui-même de pouvoir en revenir, il découvrit une nouvelle côte, celle du pays de Mandale. De retour au royaume, il fut fait Prince de cette nouvelle terre. Dans les années qui suivirent, il mena plusieurs expéditions en Mandale avant de découvrir que le pays était habité. Anguerrant renonça noblement à cette terre et, comme lui seul était assez fou pour s’y rendre, personne d’autre ne la revendiqua. Le Roi, touché par sa grandeur d’âme, lui laissa le titre, marque de sa noblesse de cœur et de son courage d’explorateur. Il mourut héroïquement lors du siège du château, quelques heures avant le réveil des Dragons...

CE QUI SE PASSE AU VILLAGE EN CE DÉBUT D’ÉTÉ

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uand les voyageurs se réveillent, la saison a changé du tout au tout. La différence est brutale, c’est comme si on passait d’une douce journée de mai à une chaude et très ensoleillée journée de juillet, du jour au lendemain. Plus étrange, la terre aussi semble avoir passé d’une saison à l’autre en une nuit. Les blés qui étaient encore verts la veille sont à présent jaune d’or et prêts à la moisson sans que cela n’étonne le moins du monde les villageois. Le personnage s’étant endormi dans les bras de Nitouche se réveille seul, à sa place dans la maison des voyageurs, quel que soit l’endroit où il s’était couché avec la jeune fille. Dehors tout le monde est heureux et prépare les moissons. Seule Nitouche a l’air soucieuse, elle a perdu sa bonne humeur et sa joie de vivre. Les voyageurs la découvrent, assise, à l’écart des autres, visiblement souffrante. Elle a le cœur au bord des lèvres et finit par vomir son petit-déjeuner. Interrogée, elle dit qu’elle sent confusément que quelque chose ne va pas en elle, elle se sent fatiguée, patraque, étrange... voila le terme exact « étrange » ! Un personnage avec la compétence Médecine à 0 ou plus comprend très vite de quoi il s’agit, le diagnostic de la « maladie » de Nitouche est des plus simples : elle est enceinte...

Si personne n’est capable de le lui dire, Nitouche va voir Malaria qui lui apprend la raison de son état. Elle va avoir un bébé qui n’est autre que le Roi, mais cela personne ne le sait encore. C’est le drame ! La jeune fille se sent désemparée. Elle se confie à Saline pour lui demander conseil. Sonice surprend cette conversation et se fait une joie de l’apprendre à tout le village. Pour Nitouche, c’est le drame, un gouffre s’ouvre autour d’elle. Aucun de ses amants ne désire endosser le rôle de père et évite de lui parler ou même de croiser son regard. Elle devient un sujet de plaisanterie pour certains et de railleries pour d’autres. Gékah, son père adoptif, qui croule déjà sous les problèmes de famille, s’en lave les mains. Sonice jubile et se rit d’elle publiquement. Comment a-t-elle pu être aussi sotte ?

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Le Grochu ne veut pas participer au concours de Mandale car il a peur de faire mal aux autres. Il est vrai qu’il est fort et a la tête dure. Le rôle des personnages est de lui prouver que la tête des autres, eux y compris, n’est pas si fragile que cela... Conséquence Le Grochu devient Anguerrant et commence aussitôt à construire un bateau, sourd aux railleries et aux remarques des villageois. Strophe concernée Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale, Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival. Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois, Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois. Destins Le Grochu, Ornufle, Aucassin, Smisse Les yeux rougis de larmes, Nitouche cherche alors refuge chez Saline, mais Sonice lui interdit l’entrée de la maison. En désespoir de cause, elle se rend à la Maison des Voyageurs. Si les personnages ne veulent pas d’elle, elle quitte le village pour aller vivre dans l’un des deux camps autour de la petite forêt (au choix du gardien des rêves). Elle y reste alors tout l’été, ne revenant que peu avant la fête de la saison (scénario 5). Son père, trop content de la retrouver, l’accueille alors les bras ouverts. À part cela, le petit chien de Quioure continue de suivre les PJ (voir chant 1) et cochons et chiens se battent toujours (voir Petit scénario dans le village, Livre 1).

PLUS DUR QUE LES ARBRES...

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près leur rêve mouvementé, voici les voyageurs en passe de découvrir un des personnages de la légende. Anguerrant, Prince de Mandale est un des villageois, mais il a pour le moment tout oublié de cette vie passée. C’est donc aux person-

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nages de raviver ces souvenirs en lui. Quels éléments ont-ils en main ? Ils savent qu’Anguerrant fut un capitaine, que c’était un homme brave et obstiné et qu’il a découvert une nouvelle terre, la Mandale. C’est ce dernier indice qui va les mettre sur la voie. Anguerrant est ou sera le vainqueur du concours de Mandale de ce début d’été... Les personnages soupçonneront probablement un des « gros bras » du village (Aucassin, Smisse ou Ornufle). Pourtant, le fier capitaine se cache sous l’apparence frustre du Grochu, le porcher un peu demeuré.

L’ENTRAÎNEMENT DU GROCHU

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u matin, les voyageurs sont réveillés par des coups sourds contre le mur de leur maison. C’est Le Grochu qui se frappe consciencieusement la tête contre les poutres d’angle. Le porcher prend quelques pas d’élan, court vers le mur et lui assène un majestueux coup de tête, tel un bélier vivant. Interrogé sur son comportement, il répond simplement que les arbres sont trop « fragiles » pour cela, alors il donne des coups de tête sur les maisons, « ça » au moins c’est du solide... Et effectivement, si le crâne du Grochu a l’air intact, ainsi que ses facultés mentales, la poutre porte des traces visibles de coups. Les voyageurs vont alors se demander pourquoi Le Grochu ne participe pas au concours de Mandale (voir Le village - Livre 1) : il devrait certainement gagner avec un crâne aussi dur... Penaud, le Grochu explique qu’il aimerait jouer — cela fait d’ailleurs des années qu’il s’entraîne. Le problème est qu’il n’ose jamais participer, de peur de faire « mal » a son adversaire... Tout le monde n’a pas en effet la tête aussi dure que lui (son crâne a l’équivalent d’une protection 7)...

COMMENT DÉCIDER LE GROCHU À CONCOURIR ?

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e Grochu est Anguerrant, mais il ne peut en prendre conscience que s’il devient le Prince de la Mandale, donc qu’il gagne le concours. Comme il n’y a pas eu de gagnant lors de la fête, un second concours est prévu, deux jours après que les voyageurs aient surpris le secret du Grochu. La seule façon de décider le Porcher est de lui prouver que la tête des autres n’est pas aussi fragile qu’il le croit. Pour cela, un seul moyen, se taper la tête contre les poutres... Tour à tour, les voyageurs (les hommes seulement) doivent agir comme Le Grochu... et jouer un jet d’encaissement à +5 (règle d’assommer Oniros p.72). Il suffit que la moitié des personnages ne soit pas assommée net pour le convaincre. Si, en revanche, la démonstration échoue, le porcher hausse les épaules et s’en va, l’air de dire « je vous l’avais bien dit ! ». Les voyageurs peuvent recommencer l’expérience une fois par jour (le temps de récupérer), Le Grochu sera toujours d’accord pour y assister.

Convaincu, Le Grochu prend de l’assurance et demande aux voyageurs (les hommes seulement) de l’aider à s’entraîner, en clair à « jouer » avec lui. S’ils refusent, le porcher se renfrogne et renonce au concours. S’ils acceptent, une séance de « jeu » par jour est organisée loin du village, à l’abri des regards indiscrets. (Un choc de crânes par séance entre Le Grochu et chaque voyageur, ce qui revient à un jet d’encaissement à +10 pour les voyageurs... et rien pour Le Grochu qui « sent » à peine le choc.) Si le porcher ne participe pas au concours, celui-ci se termine comme le précédent par un match nul et un nouveau concours est décidé pour la semaine suivante, et ainsi de suite jusqu’à ce que Le Grochu gagne.

LE CONCOURS DE MANDALE

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rrive enfin le jour du concours... En début d’après-midi, tous les villageois se rassemblent sur la place. On a dressé des tables chargées de victuailles pour l’occasion. Les compétiteurs se font connaître. Il y a Ornufle, le champion

sortant ; Aucassin, le « petit frère » ; Smisse, le forgeron et Le Grochu. Les voyageurs peuvent y participer aussi mais il y a fort à parier que cette fois, ils ne s’y risquent pas... Le tirage au sort donne Le Grochu contre Smisse, puis Aucassin, puis Ornufle. Le premier assaut est donné. Smisse est assommé net, puis c’est au tour d’Aucassin de subir le même sort. Le Grochu, lui, ne fait que se gratter légèrement le crâne, comme si quelque chose le démangeait... Vient le tour d’Ornufle. Un, deux, trois assauts ont lieu avec un bruit sec de deux pierres qui s’entrechoquent sans qu’aucun des deux adversaires n’ait l’air le moins du monde affecté. Le Grochu se gratte la tête et Ornufle sourit. Un quatrième choc se produit entre les hommes, apparemment comme les trois premiers. Apparemment seulement car, Ornufle, le sourire toujours aux lèvres, s’écroule soudain comme un arbre qui s’abat. Le Grochu a gagné et est fêté comme un héros...

LE GROCHU DEVIENT ANGUERRANT

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our que le changement se produise alors, il suffit d’appeler le porcher par son « vrai » nom, soit Anguerrant. L’intéressé paraît surpris, troublé. Durant la nuit suivante, des souvenirs lui reviennent en mémoire. Au réveil, sa personnalité a changé (voir Le Grochu/Anguerrant Livre 1). Il est Anguerrant. D’abord surpris du changement, les autres villageois l’acceptent bien vite. De plus, le personnage révélé se rappelle de tout ce qui est écrit à son sujet dans Quelques mots pour le gardien des rêves. Tous ces principes également sont valables pour Saline/Solinée, Dès lors, Anguerrant est obnubilé par un projet qui accapare tout son temps : il veut reconstruire la flotte royale. Pour cela, il se lance dans la fabrication d’un bateau avec l’aide de Nataèl, Aucassin et Uzanne...

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CHANT 2 — L’AVENTURE

II - LE SECRET DE LA REINE LES RACINES DU PRÉSENT : MAGIE ET ASTUCES vant d’exposer ce moyen en détail, voyons SOLINÉE, LA DOUCE ÉPOUSE

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tout Roi il faut une Reine et vice versa. Solinée fut la femme que le Roi épousa, non par calcul ou par simple désir mais par pur amour. Solinée était une simple paysanne, une lavandière comme tant d’autres battant inlassablement le linge sur le bord de la rivière. Elle n’était ni vraiment belle, ni vraiment jeune, et apparemment elle n’avait rien qui puisse attirer le regard d’un roi. Pourtant, quand ces deux êtres se rencontrèrent, lui sur son cheval, elle agenouillée à sa tâche, ce fut un coup de foudre comme jamais on n’en vit depuis. Tout devint plus beau, plus coloré. Le soleil, dit-on même, devint plus chaud et plus brillant. Ils restèrent longtemps à se regarder, sans bouger, comme si les Dragons ne se lassaient pas de cet instant. Puis le rêve reprit son cours, le Roi emporta Solinée sur son destrier et en fit sa Reine. Toutes les femmes du pays se posèrent alors la même question. Comment Solinée avait-elle fait pour si facilement séduire le Roi ? La reine aimait à répondre qu’elle avait un secret, cela était plus simple que de dire la vérité et entretenait une aura de mystère propre à alimenter les légendes et faire rêver les jeunes filles. De plus, ce n’était pas tout à fait un mensonge. Elle avait bien un secret, mais de ceux qu’ont les époux entre eux : un adorable grain de beauté situé juste au creux de ses reins et que le Roi aimait à couvrir de baisers...

LES DOUCHES DE GÉKAH

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es voyageurs savent à présent comment identifier la reine. Elle porte au creux des reins un adorable grain de beauté. C’est un détail précieux... à condition de pouvoir le vérifier ! Et pour cela, il n’y a qu’un seul moyen : voir chaque femme du village dans le plus simple appareil... Rappelons que la reine étant réincarnée, elle peut avoir à présent n’importe quel âge, ce qui revient à dire qu’elle peut être n’importe laquelle des femmes du village, de Pitchoune à Rotonde, ce qui fait en tout 16 postulantes, Nitouche comprise (voir encadré). Le problème est de savoir comment arriver à toutes les déshabiller. Les voyageurs ne peuvent pas demander aux femmes de défiler nues, devant eux, même pour une noble raison : les villageois trouveraient cela malsain et refuseraient net. On peut aussi imaginer toute une série de mystifications dont le but serait de faire se dénuder ces dames. Mais n’oublions pas que les gens du village sont pudiques et seront très réticents à se dévoiler de la sorte. Il est clair qu’il faut faire les choses discrètement et petit à petit. Le meilleur moyen d’y arriver est d’épier les femmes lorsqu’elle se baignent ou prennent leur douche... Bien sûr, si un des voyageurs est une voyageuse, la chose sera facile et le scénario aisément résolu...

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les autres possibilités. Le sort de Transparence élémentale « Bois transparent » (le lin et le jine sont des éléments bois) peut se révéler très utile (Oniros p.122). La recherche est relativement facile grâce aux nombreux signes draconiques. Il ne faut cependant pas abuser de ce sort. Gékah étant le seul haut-rêvant du village, il sera rendu responsable et sérieusement rossé par les maris/frères/fils/prétendants (rayer les mentions inutiles)... Certaines des femmes peuvent être dénudées dans d’autres circonstances. Frimousse et Pitchoune adorent nager et, rapellons le, il n’existe pas de maillot de bain dans ce monde. Nitouche n’est pas difficile à dévêtir si elle le permet, certains voyageurs en ont sans doute déjà fait l’expérience et ont pu voir qu’elle n’était pas la reine. Bien sûr, cela ne coûte rien de vérifier à nouveau, on ne sait jamais... Nicolette n’aime que modérément bain et douche, elle y préfère largement une toilette solitaire à l’abri de sa maison. Elle accepterait cependant de se baigner dans la rivière pour rendre jaloux son mari, si on le lui propose habilement... mais alors attention ! Ornufle entrera dans une colère noire... Malaria, quant à elle, est réfractaire au bain, elle est impossible à convaincre, peu importe ce n’est pas elle. Uzanne peut être séduite si le voyageur se montre tendre et prévenant. Soléma céderait à un chantage concernant son adultère. Enfin, Argande, toujours patraque, accepterait de se laisser examiner par un voyageur possédant la compétence Médecine au moins à 0. Ceci laisse 8 femmes, dont la reine, pour lesquelles il faut trouver une autre solution.

REGARDER PAR LA LUCARNE

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idée est bonne. Sompce, d’ailleurs, en fait grand usage. Pour l’imiter, il faut d’abord le déloger de son poste d’observation, ce qu’il ne fait que sous la menace. Les femmes sont au courant des manies du garçon et appliquent à son endroit des mesures radicales. La première fois qu’un voyeur est découvert, l’une d’elles lui lance le contenu d’un seau d’eau (Dérobée/ Esquive à 0). La seconde fois, c’est un seau qui vole (Dérobée/ Esquive à -1, jet d’encaissement à +2 en utilisant la règle d’assommer p. 72). La troisième fois, Uzanne et Nicolette, la femme d’Ornufle, se rhabillent en vitesse et sortent pour corriger le voyeur. Leur surprise est grande en découvrant qu’il s’agit d’un des voyageurs... Il n’est d’ailleurs pas impossible que Nicolette rapporte l’événement à son tendre époux, avec toutes les conséquences que cela implique.

PAR LE TOIT

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idée, non plus, n’est pas mauvaise. Personne ne viendrait déranger le ou les voyeurs. Le toit est en chaume, il est donc facile d’y faire un trou pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Malheureusement, l’humidité a fragilisé la toiture et les voyeurs d’une TAILLE de 10 ou plus passeront au travers, détruisant du même coup une grande partie du système de canalisations. VUE/Bricolage à -6 ou Charpenterie à -3 permet de s’en rendre compte en examinant l’intérieur du bâtiment. Il est recommandé de faire ces jets derrière le secret de son écran et de communiquer des résultats... disons « arrangés ». Si, donc, une personne corpulente s’aventure sur le toit, elle aura le temps de faire un trou dans le chaume, d’observer les reins de Galentine (par exemple) avant de se retrouver au milieu de ces dames qui, naturellement se couvriront en présence de l’intrus. Si le pauvre voyeur ne s’est pas rompu le cou (AGILITÉ à –4 , jet d’encaissement à +2 en cas d’échec), il se fera à coup sûr rectifier le portrait par les maris/frères/fils/prétendants (rayer, ici encore, les mentions inutiles).

FAIRE UN TROU DANS LA CLOISON QUI SÉPARE LES HOMMES DES FEMMES

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ncore une bonne idée, mais qu’Ornufle n’appréciera pas du tout... Smisse non plus d’ailleurs, et Anguerrant pas davantage... Scénario oblige, ces braves garçons ont envie de prendre leur douche au moment où les joueurs veulent commettre leur petit méfait. Anguerrant, Ornufle et Smisse, n’arrivent pas au même moment. Chaque fois que les voyageurs se croient enfin tranquilles, un des trois gaillards se pointe pour prendre sa douche. Et après, il est trop tard pour cette fois...

METTRE QUELQU’UN DANS LA CONFIDENCE

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i un des voyageurs a une petite amie parmi les villageoises, Nitouche par exemple, il pourra essayer de la convaincre de l’aider. Selon votre humeur, le caractère du Personnage Non Joueur, le tour que vous voulez donner à ce scénario, la proposition peut être refusée ou prendre du temps à être acceptée.

LE MEILLEUR MOYEN

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es douches mises au point par Nataèl et Gékah sont le centre de ce scénario. Il y a une séance de douche par semaine, la plupart des villageois l’attendent pour se laver à grande eau, se contentant le reste de la semaine de simples toilettes. C’est là que le personnage de Sompce prend toute son importance. Alors que les voyageurs sont à proximité des douches le jour de la séance, ils aperçoivent Sompce, le jeune fils du meunier, qui, sans faire de bruit, se hisse sur un tonneau. Celui-ci lui permet d’atteindre une des étroites

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Solinée a un grain de beauté au creux des reins, c’est là son secret. À présent, les voyageurs doivent trouver laquelle des 16 femmes du village est en fait la reine. Et comment faire autrement pour y arriver que de les déshabiller toutes... Conséquence Devenue Solinée, Saline prend de plus en plus d’ascendant sur le village et tend à s’imposer comme « Reine naturelle ». La conclusion de l’histoire d’amour entre Ondôle et Estophe (Automne scénario 2) verra, quoi qu’il arrive, l’abdication du roi actuel en sa faveur. Strophe concernée Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine, À devenir, du roi, et l’amante et la reine. De beauté un seul grain était dit-on son arme, Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme. Destins Saline/Solinée, Sompce.

Les femmes du village (par ordre d’âge) Rotonde (maison 1 - 65 ans) Malaria (maison 6 - 60 ans) Crécelle (maison 9 - 59 ans) Saline (maison 3 - 51 ans) Ciclomène (maison 7 - 41 ans) Bouillotte (maison 1 - 40 ans) Galentine (maison 10 - 39 ans) Argande (maison 11 - 38 ans)

Nicolette (maison 2 - 30 ans) Soléma (maison 4 - 30 ans) Uzanne (maison 7 - 21 ans) Ondôle (maison 8 - 18 ans) Sonice (maison 3 - 16 ans) Nitouche (maison 11 - 16 ans) Frimousse (maison 9 - 9 ans) Pitchoune (maison 4 - 9 ans)

lucarnes qui éclairent le bâtiment. À voir l’émoi du jeune garçon, les voyageurs devraient comprendre que là se trouve la solution à leur problème. On comprend aisément que sur un sujet aussi trivial, on ne puisse proposer un scénario bien sérieux. Le but du gardien des rêves est d’accumuler les péripéties et les rebondissements, à la manière d’un vaudeville. Aussi, la plupart des tentatives doivent se solder par des demi-échecs. Les voyageurs n’arrivent pas à voir le signe tant recherché mais peuvent, après chaque tentative, éliminer une des postulantes potentielles. Lorsque vous aurez épuisé les possibilités proposées, que vous ou vos joueurs en aurez assez, laissez leur la possibilité d’observer Saline. À chaque situation, c’est-à-dire à chaque tentative d’observation, correspond un dénuement grotesque. Inspirez-vous en pour improviser des rebondissements aux actions imaginées par les joueurs.

UN MAÎTRE MOT, LA PATIENCE

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eut-être les voyageurs mettront-ils plusieurs séances de douche avant d’identifier enfin celle qu’ils cherchent. Les douches servent une fois par semaine, ainsi en a décidé Gékah. De caractère faible, le haut-rêvant peut néanmoins être convaincu de faire une seconde séance, mais pas plus. Toujours est-il que cela risque de prendre du temps... Ce n’est pas grave. Le gardien des rêves peut fort bien déclencher le scénario suivant alors que celui-ci n’est pas terminé. Solinée n’est pas indispensable pour la suite.

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CHANT 2 — L’AVENTURE

III - CELLE QUI ATTEND LES RACINES DU PRÉSENT : LA PRINCESSE DONT LE NOM EST SECRET

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u faîte de sa prospérité et de son bonheur, le royaume retentit en tous sens d’une joyeuse nouvelle. La Reine venait d’avoir une fille, fruit du grand amour que lui portait le Roi. En grandissant, cette fille devint de plus en plus belle et de plus en plus sage, au point d’éclipser tout ce que le royaume comptait de beauté et avoir comme élèves les plus doctes des savants. Tout ce qui lui manquait était un nom, un nom par lequel l’appeler. Ses parents ne lui en avaient jamais donné car à l’entendre elle en avait déjà un en venant au monde, un nom secret qui ne pouvait être prononcé mais seulement rêvé. Les plus sages des sages sentaient qu’il y avait du Dragon là-dessous et ils avaient raison. Les Dragons s’étaient penchés sur son berceau bien plus que pour tout autre être de ce rêve, bien plus même que pour l’immense majorité de tout ce qui vécut au Second Âge. Cette princesse est un être à mi-chemin entre l’humain et le rêve. Elle est totalement libérée des contingences de la vie. Elle n’a besoin ni de manger, ni de boire, ni de dormir. Elle ne connaît pas la fatigue et ne vieillit que si elle le désire. Elle peut néanmoins mourir de mort violente. Durant toutes les épreuves précédant le dernier matin, elle fut le lien entre le Roi et les Dragons. C’est par elle qu’il apprit ce qu’il allait advenir, c’est par elle qu’il reçut sa quête. Ceci fait, il ne restait plus qu’à attendre que tout s’accomplisse. Aussi, dans les derniers jours du Second Âge, la Princesse rejoignit la demeure où elle allait dormir en attendant le retour du Roi. Une sorte de tombeau, caché dans une île perdue au beau milieu de la mer. Elle y repose depuis, toujours vivante malgré le Réveil et les siècles...

L’AUDACIEUSE II

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es voyageurs ont à présent toutes les cartes en main pour trouver le dernier personnage de la légende. Les pistes données par la strophe sont claires : la princesse dort sur une île située en plein océan. Espérons que les voyageurs auront déjà découvert le Bout du monde (voir Livre 1). Si ce n’est pas le cas, il est probable qu’ils la chercheront, ce qui constituera alors un préliminaire au scénario proprement dit. L’intérêt de l’entreprise un peu folle d’Anguerrant, la construction d’un navire, devrait aussi clairement leur apparaître. Il faut à l’évidence un bateau pour atteindre une île... Au stade où nous en sommes, quel que soit le temps exact passé entre les aventures, le vaisseau d’Anguerrant est presque achevé. Un joli herbage bordant la rivière, le « beau pré », a servi de chantier naval. Le capitaine a réussi à embaucher quelques villageois pour la construction : Aucassin le bûcheron, Nataèl le fils aîné du meunier et Uzanne qui a vu là une bonne occasion de sortir de la routine villageoise.

Le « vaisseau » est une embarcation plate d’une dizaine de mètres de long. Le corps du bateau est constitué d’un énorme flotteur en roseau. Le bois fourni par Aucassin a servi au mat et au gréement. Nataèl a apporté son ingéniosité. Uzanne a tissé des voiles en jine et a participé à l’assemblage des roseaux. Quant à Anguerrant lui-même, il a pour sa part ajouté un peu de sophistication à l’ensemble : gouvernail d’étambot et assemblages de poulies. Le « vaisseau » est, certes, un peu peu tarabiscoté, mais tout voyageur possédant un score de 0 ou plus en Navigation le trouve correct. Naviguer sur les fleuves ou longer des côtes avec ce bateau ne doit pas poser de problèmes. En ce qui concerne la haute mer, c’est sans doute une autre paire de manches... Convaincre Anguerrant de les aider est chose aisée, à moins qu’ils se soient montrés moqueurs voire hostiles au projet. Dans ce cas, Anguerrant leur refuse toute aide avant qu’ils ne s’excusent et s’amendent. Les voyageurs peuvent par exemple l’aider à finir l’ouvrage ou/et faire un petit discours au village expliquant le rôle primordial d’Anguerrant. De toute façon, Anguerrant acceptera finalement car il s’agit de retrouver la Princesse. L’enjeu dépasse bien les querelles personnelles. Le bateau, baptisé du doux nom de « Audacieuse II », est fini en moins d’une semaine, le temps si nécessaire d’une petite exploration le long du cours de la rivière des chants.

LA PRÉPARATION DU VOYAGE

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our ce grand voyage, le village est prêt à fournir deux semaines d’eau potable et de nourriture, c’est-à-dire le maximum que puisse emporter l’Audacieuse II. En ce qui concerne l’équipage, aucun villageois hormis Anguerrant ne se propose. Tous ont en effet une peur superstitieuse des rivières, n’oublions pas que les morts voguent sur l’autre rivière. Même si ce n’est pas le même cours d’eau, personne n’a envie d’aller voir ce qui se trouve au bout... Reste les voyageurs. Leur nombre est suffisant pour manœuvrer l’Audacieuse II. Anguerrant lui, en bon capitaine, tient le gouvernail et donne ses ordres. Si vous voulez étoffer cette partie, vous pouvez décider qu’Anguerrant insiste pour entraîner ses hommes avant le départ. Cela peut donner de bons moments de jeu de rôle entre un capitaine aboyant des ordres pleins de termes de marine incompréhensibles comme « Tire sur la drisse, moussaillon ! » « Carguez la voile ! » ou encore « Resserrez les écoutes ! ». Reste la question du parcours. Si tout le monde s’accorde pour descendre la rivière des chants jusqu’à arriver à son embouchure, la suite en revanche paraît bien aléatoire. Comment en effet, hormis par une chance incroyable (jet de CHANCE à -8), trouver une petite île au milieu d’une mer ? Un jet réussi d’INTELLECT/Navigation à 0 ou de Légendes à -3 permet de se souvenir d’une astuce de

certains capitaines de navire, qu’ils soient marchands ou explorateurs, pour trouver la direction de la terre en haute mer. Ces capitaines avaient l’habitude d’utiliser des oiseaux pour naviguer. En l’absence de toute terre à l’horizon, ils lâchaient un des oiseaux transporté sur le bateau. Si le volatile revenait se poser sur le navire, cela voulait dire qu’aucune terre n’était à proximité. En revanche, si l’oiseau s’envolait à tire d’ailes, il suffisait de suivre la direction qu’il avait prise pour trouver une terre. (Au cas où tous les personnages ratent leur jet, c’est Anguerrant qui a cette idée.) Le même jet permet également de savoir que l’on ne peut utiliser n’importe quel animal. Anguerrant se souvient alors d’avoir jadis eu recours à cette astuce. Il avait pour cela utilisé spécifiquement un curieux volatile vivant dans le royaume : le béré-béré (voir Livre 1 - La Terre noyée) sans se souvenir vraiment pourquoi (en fait, c’est parce qu’il était drôle). Il se rappelle à quoi il ressemble (un corbeau déplumé) et où on le trouve (dans les marais). Le reste est très flou. Un dernier détail lui revient en mémoire : c’est un oiseau qui parle...

LE BÉRÉ-B BÉRÉ

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es voyageurs ont peut-être déjà rencontré cet oiseau lors d’une exploration des marais, sinon, celui qui pourrait mieux leur en parler est Ornufle, le bûcheron. Traumatisé par son expérience, il parle avec beaucoup de réticence des marécages. Après quelques verres de bibine, Ornufle finit par parler. Par bribes, entre les couplets sur les libelles et les moustiques, Ornufle livre aux voyageurs l’essentiel de ce qui est écrit dans le Livre 1 sur cet oiseau. Les voyageurs peuvent s’adjoindre la compagnie d’un béré-béré s’ils savent flatter l’oiseau. « Mais quel oiseau magnifique ! Mais en plus il parle ! Bonjour Monsieur l’Oiseau », etc. L’oiseau les suit tout en restant à distance respectable (quelques mètres). Les béré-béré n’aiment pas la concurrence, si deux ou plus de ces volatiles sont rassemblés par les voyageurs, les béré-béré somment les humains de choisir, le gagnant reste, les autres vont bouder. La suite est plus délicate, il faut éviter que des villageois voient l’oiseau car ce serait aussitôt des éclats de rire, le béré-béré irait bouder et la « séduction » du volatile serait à reprendre de zéro. Une fois l’Audacieuse II en chemin, l’oiseau reste sagement en haut du mat, descendant de temps à autre se faire flatter. Nul doute que le béré-béré vexé en pleine mer ira bouder sur l’île la plus proche. Encore faut-il pour cela que les voyageurs supportent et encouragent les bavardages de l’oiseau durant tout le voyage ! S’ils font montre de lassitude ou, pis, d’énervement envers cet insupportable bla-bla, le béré-béré risque de se vexer trop tôt, ce qui serait dommage.

LE LONG DE LA RIVIÈRE DES CHANTS

L

e voyage du village à la mer prend 1 jour et demi. Descendre la rivière ne pose aucun problème jusqu’au lieu-dit « les deux saules ». Après, les choses se corsent.

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Avec le bateau qu’Anguerrant a construit patiemment durant tout l’été, les voyageurs gagnent la haute mer après quelques aventures et accostent sur une île peuplée de petits singes, les glipzouks. La princesse s’y trouve, endormie, dans la grande salle d’une sorte de tombeau. Conséquence Comme la princesse n’est pas morte, elle peut identifier les personnages de la légende que les voyageurs auraient « ratés », soit Solinée. Les quatre personnages sont alors réunis et le Roi est présent, caché dans le ventre de Nitouche, mais présent. La fête de fin de saison se déroule comme indiqué dans le Livre 1 et l’été laisse la place à l’automne. Après le temps du renouveau et des retrouvailles, va venir celui des épreuves puis celui de la mort... Strophe concernée Loin par-delà les flots, la princesse sans nom, Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond. Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil, Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille. Destins Anguerrant, Nataèl, Uzanne. Ce sont d’abord des bans de sable qu’il faut éviter sous peine d’échouer le navire. Anguerrant charge un des voyageurs de se poster en haut du mat (en compagnie du béré-béré) pour les détecter à temps (VUE/Vigilance à -2 pour détecter les bans de sable, 3 jets de FORCE à -8 pour remettre le bateau à flots). Puis c’est une sirène (Orinos p. 97) qui s’attaque à l’expédition. Tranquillement installée sur le bord de la rivière, elle attire à elle les humains. Du fait du terrain marécageux, les voyageurs ont un malus de -2 à tous leurs jets d’esquive. L’embouchure est enfin en vue. Elle est annoncée à plusieurs kilomètres par le vacarme de milliers de noisots en période d’accouplement. Le bateau traverse cette véritable nuée pour accéder à la mer. Chaque personnage fait un jet de CHANCE. En cas d’échec, il est heurté par un noisot (jet d’encaissement à 0, suivre les règles d’Assommer, Oniros p.72). Le gardien des rêves peut aussi décider que des oiseaux endommagent le bateau, la voile surtout, ce qui réclame des impose avant de se lancer en haute mer.

LA MER DU BOUT DU MONDE

C

omme indiqué dans le Livre 1, les marées sont totalement anarchiques. Alors que l’Audacieuse s’est éloignée du rivage, une marée basse s’amorce. Moins d’une demi-heure draconique plus tard, le bateau est échoué sur le sable. Il y reste 3 heures draconiques, juste le temps à un couple de crafouisses de le repérer et de l’attaquer, pensant avoir à faire à un gros poisson. La marée haute renfloue le navire et Anguerrant fait hisser la voile. Le capitaine propose de voguer plein nord, vers le large, avant de lâcher le béré-béré. C’est la seule solution efficace. Longer les côtes n’avance à rien, l’Audacieuse y est la proie des marées et des prédateurs et le bateau finirait par atteindre la Frontière. Avec

LE DERNIER

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comme conséquence, le retour automatique de l’équipage sans son navire au grand peuplier de l’embouchure (le point de retour du Bout du Monde). Le voyage jusqu’à l’île se fait sans incidents notables exceptées les nuisances occasionnées par les bavardages du béré-béré. La mer est calme et la brise favorable. Le temps devient peu à peu tropical et des dauphins se mettent à suivre le sillage de l’Audacieuse II. Au bout d’un jour de voyage (soit 12 heures draconiques), Anguerrant propose de lancer le béré-béré. C’est aux voyageurs que revient le privilège de vexer l’oiseau, ils l’ont bien mérité ! L’oiseau s’est attaché à ses humains qui l’apprécient à sa juste valeur et sera plus difficile à vexer que prévu. Le béré-béré s’offre même le luxe de pardonner aux humains leur écart de langage... Finalement, il se vexe vraiment et s’envole à tire-d’aile au nord-ouest. Anguerrant prend aussitôt le nouveau cap. Trois heures plus tard, les voyageurs arrivent à l’île et accostent sur une petite plage protégée par une anse naturelle.

LÀ OÙ ELLE REPOSE

L’

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île est de type tropical : récifs de corail, plages de sable blanc, cocotiers, petite forêt dense. Les choses d’intérêt se trouvent dans la forêt. Celle-ci est faite d’arbres tropicaux, de grandes plantes arborescentes aux fleurs magnifiques et de lianes. À noter aussi l’existence de Tanemiel Doré (Oniros p 130) fournissant l’équivalent de 30 brins d’herbe de soin. La faune de la forêt est composée d’oiseaux multicolores purement décoratifs, de serpents vénéneux à l’image de la vipère jaune des collines et surtout de Glipzouks (voir encadré). Kleptomanes dans l’âme, ces singes risquent de poser des problèmes aux voyageurs. Ces derniers doivent donc avoir toujours un œil sur leur équipement, faute de quoi ils devront se lancer dans de grandes traques dans la forêt pour retrouver leurs biens. Au milieu de la forêt se trouve le lieu où dort la princesse et qui ressemble fort à un tombeau. C’est un modeste bâtiment en marbre de forme ronde (3m de diamètre), surmonté d’une petite coupole. Il

tombe en ruine, des racines s’insinuant dans les moindres fissures ont fait éclater la pierre par endroits et c’est à peine si on aperçoit encore le marbre car la végétation (mousse, plantes grimpantes, etc.) le recouvre presque en totalité. Une ouverture voûtée permet d’accéder à l’intérieur. Elle donne sur un escalier étroit qui, après une vingtaine de marches, débouche sur une porte de bois vermoulu. Bien que fermée par une imposante serrure d’acier, la porte cède après quelques coups d’épaule. On découvre alors un petit couloir menant à une salle rectangulaire seulement éclairée par un rayon de soleil perçant d’un trou du dôme. Une zone de Bouclier Elémental de métal (voir Livre 1 - Le château) rendue permanente empêche quiconque d’entrer dans la salle avec le moindre morceau de métal. Au centre de la pièce, entouré d’une zone de Bouclier (Oniros p.118) pour le protéger d’éventuels éboulements dus aux ans, se trouve un sarcophage de verre bleuté doucement illuminé par le rayon de soleil. Y repose une jeune femme fraîche comme la rose. Son visage magnifique est identique à celui du Lac-Miroir, sa poitrine frémit légèrement, trahissant une respiration. La Princesse dort paisiblement, revêtue d’une robe d’apparat de velours pourpre. Comment la réveiller après un si long sommeil ? Tout simplement par un simple baiser sur les lèvres. Aucun autre moyen ne la ramène à l’éveil. Nul doute qu’un des voyageurs aura la juste intuition et posera ses lèvres sur le doux visage de cette belle au bois-dormant illuminée d’une douce lumière... pour recevoir aussitôt une gifle aussi cinglante que vive ! En effet, à peine éveillée, la Princesse venge son honneur bafoué. Anguerrant s’agenouille devant sa Princesse, elle le relève d’un sourire. C’est le moment que choisit le bérébéré pour retrouver ses « amis ». Il leur a pardonné de nouveau. Découvrant la jeune femme, il commence à lui parler. Agacée, la princesse essaye de le chasser et l’oiseau lui pince un doigt avec son bec. Une goutte de sang vermeil perle, la Princesse ferme les yeux et la blessure disparaît comme par magie alors que l’oiseau, vexé de nouveau, rejoint l’Audacieuse.

LA PRINCESSE

L

a Princesse est une rescapée du Second Âge, elle n’est pas morte et conserve donc ses souvenirs intacts. Elle connaît Anguerrant, Nitouche et Solinée. Elle connaît aussi la géographie du pays et se rappelle des royaumes qui l’entouraient, ce qui n’a plus aucune importance puisqu’ils ont disparu à jamais. L’écouter décrire tout cela fait gagner 30 points d’expérience en Légendes. Bien évidemment, elle connaît le château à l’exception des passages secrets qui étaient le privilège du Roi. La Princesse est belle, infiniment plus que Sonice, mais elle a un côté irréel et merveilleux qui crée une distance entre elle et les autres humains (voir encadré). La Princesse est une sorte de « joker » pour identifier Solinée si celle-ci ne l’a pas déjà été. Pour Solinée, cela met fin à la carrière de voyeur des voyageurs. Notez que le chant ne peut se terminer que si les 4 personnages sont révélés.

LE RETOUR

L

e retour sur le continent ne se fait pas aussi facilement que l’aller. Quelques heures après le départ de l’île, un orage éclate et les vents se déchaînent. C’est la tempête. Avant que quiconque puisse réagir, la voile est déchirée et le mât brisé. L’équipage en est réduit à laisser dériver le navire en attendant une accalmie. Après deux heures de furie, la tempête se calme alors qu’apparaissent des lambeaux de brouillard. Un fort courant fait dériver l’Audacieuse vers le nord. La tempête a emporté les voyageurs dans la Frontière. Anguerrant donne des ordres pour la construction d’un gréement de fortune. La nuit finit par tomber et à l’heure du Château-Dormant tout le monde s’endort. L’équipage se réveille au matin, allongé sous le grand peuplier qui pousse à l’embouchure de la rivière (c’est à dire au point de retour de la mer). L’Audacieuse a disparu au grand dam d’Anguerrant (ainsi que toutes les pièces d’équipement que les voyageurs ne portaient pas directement sur eux). Il ne reste plus qu’à rentrer à pied au village, ce qui se fera sans encombre. La fête de l’été Avec elle, ses danses et ses jeux se clôt le second chant de la légende. Les cinq personnages légendaires sont rassemblés, le Royaume est en bonne voie de renaissance. Lors de leur première rencontre, la Princesse fait une révérence devant Solinée qu’elle appelle « Mère » et accepte un baisemain d’Anguerrant s’il est présent. Sonice est verte de rage devant tant de grâce et de beauté. À l’instar de Frimousse, la jeune fille cherchera désormais à imiter la Princesse. Interrogée sur le roi, la Princesse dit simplement : « N’ayez crainte, il est en route et sera là au moment venu ». Elle a alors un bref et discret regard vers Nitouche, si discret qu’il faut réussir un jet d’EMPATHIE/Vigilance à -6 pour le voir et sans doute comprendre ce qu’il sous-entend. Puis, pour appuyer ses dires, elle ajoute quelques mots qui ne veulent pas dire grand-chose : le dernier fragment manquant du second chant... Il sait en outre quand reprend son aventure. Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.

La Princesse Née à l’heure du Dragon, 21 ans en apparence, blonde aux yeux verts. Cheveux longs. Beauté sans pareille qui éclipse même celle de Sonice TAILLE 11 APPARENCE 15 CONSTITUTION 11 FORCE 08 AGILITÉ 14 DEXTÉRITÉ 12 VUE 09 OUÏE 12 ODO-GOÛT 10

VOLONTÉ INTELLECT EMPATHIE RÊVE CHANCE Mêlée Tir Lancer Dérobée

15 13 14 15 11 11 10 09 12

Vie Endurance +dom Protection

11 22 0 0

Elle n’en dira pas plus sur le sujet, renvoyant les Voyageurs à la strophe qui les concerne. Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom, Tombés il y a longtemps dans un oubli profond. De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter, Il est écrit que des voyageurs vont l’aider.

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Chant troisième

L’Automne Le temps des épreuves

S

onice avait été fort déçue de ne pas être la princesse de l’histoire, mais le fait que la Nitouche du récit se retrouve enceinte lui avait rendu le sourire. Sonice n’aimait pas Nitouche parce qu’elle était presque aussi belle qu’elle… Et le fait de l’imaginer gonflée comme un ballon l’amusait beaucoup… Nitouche, elle, ne semblait pas touchée par les allusions de Sonice qui faisaient pourtant rire Frimousse, Pitchoune et Le Baffreux. Réconfortée par un discret clin d’œil de Gekah, elle attendait sereinement la suite.

I

l est bon durant une longue histoire de ménager des pauses pour la voix du conteur… et son imagination. Gekah savait qu’en donnant le nom d’une des héroïnes à Nitouche, il déclencherait inévitablement la jalousie de Sonice qui pour l’instant n’avait pas été citée. L’attitude de Sonice envers Nitouche lui donnait l’impression d’une curée, ce qui lui donna une idée… D’un raclement de gorge, il rappela à l’ordre son auditoire dissipé. Puis il reprit le cours de son récit :

A

lors que l’été tirait à sa fin, le village n’était déjà plus le même. Certains de ses habitants avaient retrouvé leurs souvenirs d’un autre âge. Une mère avait retrouvé son enfant qui avait traversé les âges en rêvant. L’automne arrivait à grands pas et avec lui s’amoncelaient de sombres nuages au-dessus du pays. L’automne est la saison des feuilles mortes, le pays comme un serpent prépare sa mue pour faire peau neuve… »

L

es enfants ne comprenaient pas tout à fait ce que Gekah voulait dire , mais ils sentaient, au ton employé, qu’il allait se passer de mauvaises choses, ce que Gekah confirma d’une phrase : « Cet automne là fut, pour le village, le plus difficile de son existence... »

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CHANT 3 — LE RÊVE

LE MESSAGE DU DUC

E

nise est une riche cité de marchands et de lettrés bâtie sur un réseau d’îles parcourues de canaux, au cœur d’une lagune. Cette cité est aujourd’hui durement assiégée par les soldats d’un empire voisin. Les troupes ennemies, très nombreuses, ont pris position sur tout le pourtour de la lagune et affament la ville. Il faut à tout prix prévenir le Duc de Kalizes, allié naturel d’Énise. Comme le duc ne parle qu’en vers, images, symboles, allégories et métaphores, on envoie un conseiller rompu à ce langage et, pour le protéger, on lui adjoint quelques-uns des meilleurs guerriers de la ville : les voyageurs...

ESTARANZÀN DE GURONZAN

I

nformés de leur mission, les voyageurs se trouvent sur les remparts. Ils sont vêtus et équipés comme dans la réalité, seul leur âge a changé (ils sont tous plus vieux ou plus jeunes de quelques années, mais n’ont jamais moins de 17 ans ou plus de 40). C’est le soir, les feux de camp éclairent la lagune, révélant les positions adverses. Le départ est

pour bientôt, il ne manque que le conseiller. C’est alors que dans leur dos une voix flûtée s’exclame : « Oui alors là zut de zut j’ai fait un accroc à mes chausses. » Se retournant, les voyageurs découvrent Estaranzàn De Guronzan, « conseiller spécial auprès du troisième gouverneur de la république énisienne, en mission commandée auprès du duc de Kalizes ». Le conseiller est homme au port efféminé et au langage précieux (le gardien des rêves peut lui donner l’apparence de Jacobi). Il est par ailleurs douillet, frileux, couard, pleurnichard, bref totalement inadapté au voyage qui se présente. C’est un « boulet » pour les personnages et il annonce d’entrée la couleur. Il s’est vêtu pour l’occasion de chausses vertes, d’un pourpoint rose et or, et d’un délicieux chapeau jaune ! Pour que le rêve réussisse, Estaranzàn doit arriver vivant chez le duc. Aux voyageurs de le protéger contre vents et marées. Estaranzàn se plaindra sans cesse tout au long du voyage : de la saleté, du temps, du froid, de la chaleur, des taches de boue sur ses vêtements, etc. Il demandera également une halte toutes les deux heures pour se reposer et s’éventer avec son petit mouchoir de soie. Puisque les voyageurs ne peuvent continuer sans lui, ses désirs sont des ordres.

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les soldats ennemis OUÏE Mêlée Dérobée Épée sorde Esquive

12 12 10 +3 +3

Bouclier Vie Endurance Protection + dom total

+3 13 25 3 +4

OPTION DE RÊVE : LE TRAÎTRE Si vous le désirez, ou pour varier le rêve s’il doit être rejoué, Estaranzàn peut devenir un traître de la pire espèce. Il est alors à la fois très bon comédien, homme cultivé, habitué des cours et des palais, mais aussi bon combattant et coureur des bois. Dans ce cas, il porte une épée et ses « erreurs » et caprices ne sont en fait que des ruses pour attirer les ennemis et faire échouer la mission. Sa survie n’est alors pas nécessaire à la réussite du rêve. Estaranzàn n’agit qu’en laissant des traces derrière lui, ce n’est qu’en dernier recours qu’il se bat ou assassine Il est probable qu’Estaranzàn soit démasqué à un moment ou à un autre. Il peut par exemple être surpris laissant une trace (par exemple, il peut accrocher une étoffe à la branche d’un arbre) lors d’une pause. Afin de renforcer la progression dramatique du scénario, on considère qu’une patrouille ennemie surgira à ce moment. Si cela ne se produit pas avant d’arriver aux montagnes, le traître tentera d’occire ses compagnons de route durant la nuit (d’abord en s’attaquant par surprise au veilleur, puis en égorgeant ceux qui dorment).

LA LAGUNE D’ÉNISE

L

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a première étape du voyage consiste à traverser la lagune puis à se faufiler entre les lignes ennemies. Le meilleur moment est bien sûr la nuit, cette nuit. Conseiller et voyageurs prennent place à bord d’une barque. Dès que les premiers coups de rames sont donnés, Estaranzàn se terre au fond de la barque, son derrière tremblant dépassant du bastingage. À partir de cet instant, il n’y a plus de retour en arrière possible. L’alternative est la réussite... ou la mort. Silence et discrétion sont alors de mise. Les sons se propagent très bien à la surface de l’eau, il faut donc se taire et ramer très doucement. Observez vos joueurs pendant que vous leur décrivez leur progression dans la lagune, dans une obscurité presque totale. S’ils se montrent bruyants ou se lèvent, considérez qu’il en est de même pour leur personnage. L’alerte est alors donnée sur la berge ennemie (voir plus bas). Dans tous les cas, faites jouer au personnage qui dirige l’embarcation un jet d’EMPATHIE/Survie en extérieur ou Navigation à -2. En cas d’échec, la barque se rapproche trop d’un camp ennemi, ce qui déclenche l’alerte. Une volée de flèches s’abat alors sur l’embarcation avant que celle-ci ne soit de nouveau avalée par la nuit. Chaque passager joue un jet de CHANCE. En cas d’échec, il reçoit 1d3 flèches (jet d’encaissement à +2 par flèche). L’endroit où accostent finalement les voyageurs se situe entre deux camps. Cependant l’ennemi n’est jamais bien loin, surtout si l’alerte a été donnée. Si les voyageurs se déplacent très prudemment, lentement, cour-

bés en deux, laissez-les alors s’éloigner sans problème. S’ils courent ou se montrent de nouveau peu discrets, c’est une autre affaire ! Une patrouille de 5 soldats les repère aussitôt et les engage en combat. Les personnages ont 15 rounds (1 minute et demi) pour se défaire de leurs adversaires et s’éclipser avant que des renforts n’arrivent et ne les massacrent.

LES PLAINES DE LASPÉLIE

L

e plus dur est fait, mais il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers. Des patrouilles surveillent les abords du camp sur plusieurs kilomètres de profondeur. Il faut donc s’éloigner au plus vite quitte à dormir plus tard (Estaranzàn a trop peur pour songer à se plaindre). Chaque joueur fait un jet de CHANCE, si les échecs sont plus nombreux que les réussites, la route des voyageurs croise celle d’une patrouille ennemie (5 hommes). Faites jouer OUÏE à -2. Tant qu’un jet n’est pas réussi, vous pouvez recommencer en diminuant la difficulté à chaque fois. Faites de même pour les ennemis, sauf que leurs jets sont au départ à 4. Si les voyageurs repèrent la patrouille en premier, ils peuvent se cacher et la laisser passer. Sinon un combat s’engage. Suivent plusieurs kilomètres de plaine dégagée, et donc dangereuses, qu’il faut parcourir avant le lever du soleil. Pendant la nuit, Estaranzàn épuisé et tremblant de fatigue sème des traces. Il tombe à terre, s’étale dans un massif d’épineux et y laisse un des nombreux rubans de son pourpoint, perd son écharpe, etc. Avec des jets de VUE/Vigilance à -3 réussis, les voyageurs peuvent s’en apercevoir et faire disparaître ces traces de leur passage. Si les voyageurs savent monter à cheval, donnez leur la possibilité de récupérer des montures. Au petit matin, ils peuvent surprendre une patrouille de cavaliers en train de faire une pause. Certains dorment encore, d’autres se lavent ou mangent tranquillement, etc. Si le groupe a déjà été éprouvé par de précédentes rencontre, vous pouvez leur faire découvrir une ferme avec plusieurs chevaux gardés simplement par deux soldats assoupis. Le cheval s’avère une torture pour Estaranzàn qui demande à présent une halte toutes les heures prétextant des problèmes de dos.

LES COLLINES DE CHARCLE

A

près la plaine commence une région de collines. Avec ses vallons, c’est l’endroit idéal pour se reposer. D’ailleurs, dès le lever du jour, Estaranzàn ne cesse de réclamer quelques heures de sommeil et un bon repas. Il fait également un caprice pour que les voyageurs allument un feu car le temps est frisquet. Il ne serait pas très prudent de satisfaire cette demande car ce serait signaler leur présence à plusieurs kilomètres à la ronde par une belle petite colonne de fumée. À cause des traces laissées par Estaranzàn ou des combats de la nuit dernière, des patrouilles ennemies composées de 4 cavaliers se lancent à la poursuite du groupe. Les voyageurs pourront se rendre compte qu’ils ont été suivis. Lors d’une halte, ils peuvent apercevoir une très légère fumée (VUE/Survie en extérieur à -4), celle du feu de camp d’une patrouille située à moins de trois kilomètres.

À moins que les personnages ne montent une opération commando contre les ennemis ou ne profitent de la nuit pour prendre le large, leurs poursuivants (qui ont eu la même idée) les attaquent à l’heure du Château-Dormant.

LES MONTS DE KATATONIE

L

e lendemain, le groupe atteint les contreforts des montagnes. Un jet de VUE/Survie en extérieur à -4 permet de distinguer assez loin en contrebas les reflets métalliques des armures d’un groupe d’hommes à cheval. Il sont trop loin pour espérer les rejoindre avant le col. Les voyageurs sont sauvés, ils sont maintenant dans le duché allié d’Énise. Plus détendu, Estaranzàn décide de folâtrer un peu. Il compose un bouquet de fleurs sauvages, emplit ses poumons de leur parfum subtil et improvise une ode en leur honneur. Ses vers ne sont pas du goût d’un Grizzal qui faisait sa sieste non loin. Pétrifié de peur, le conseiller laisse approcher l’animal. Aux voyageurs d’intervenir... Alors que la bête s’écroule, la scène change comme dans un fondu enchaîné de cinéma. Les survivants se retrouvent en face du duc de Kalizes, un grand homme, brun et barbu, la quarantaine conquérante. Il accueille les envoyés de la république énisienne par un énigmatique « Ah, que l’offrande enfin nous soit offerte », puis il regarde les voyageurs, l’œil brillant. Il n’est pas question de lui faire cadeau de quoi que ce soit. Le duc attend simplement qu’on lui expose les raisons de cette visite (Énise est assiégé et demande de l’aide). Ceci fait, le duc lisse sa barbe puis déclare, l’air bienveillant :

Estaranzàn de Guronzan Né à l’heure du Roseau, 33 ans, blond aux yeux bruns. TAILLE 11 APPARENCE 13 CONSTITUTION 12 FORCE 11 AGILITÉ 10 DEXTÉRITÉ 14 VUE 13 OUÏE 10 ODO-GOÛT 12

VOLONTÉ INTELLECT EMPATHIE RÊVE CHANCE Mêlée Tir Lancer Dérobée

12 14 13 11 10 10 13 12 10

Vie Endurance +dom Protection

11 23 0 1

Écriture, Musique, Légende +5 Les compétences d’Estaranzàn le traître sont les suivantes : Esparlongue niv +3 +dom +3 Dague niv +1 +dom +1 Corps à corps niv +2 +dom 0 Bouclier niv +3 Course, Discrétion, Escalade, Saut, Vigilance +1 ; Équitation, Survie en extérieur +3, Comédie, Légendes +4. Ce fut un grand jour qu’en geste de contentement, Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays, Que son père lui refuse au chagrin de la belle. Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort. Découvrent avec horreur une meute de chiens. Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies. Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie. Dommage que le temps soit pour certains compté. Les voyageurs ont alors la conviction qu’Énise sera sauvée et le rêve s’achève.

CHANT 3 — L’AVENTURE

I - LES MARCHANDS LES RACINES DU PRÉSENT : LES MARCHANDS DE BRILZ

L

ors de la naissance de la princesse, le roi fit distribuer à toute la population des pièces d’or et d’argent. Attirés par tant de richesses, de nombreux marchands vinrent de toute la région. Il fallut pas moins de trois jours pour que tout l’argent distribué par le roi soit dépensé… et pour que le royaume resplendisse de beauté à l’image de la princesse.

CE QUI SE PASSE AU VILLAGE EN CE DÉBUT D’AUTOMNE

N

itouche est vraiment enceinte. Son ventre est rebondi, elle n’arrête pas de manger et adore les petites fraises des bois. Elle se rend sou-

vent près du dolmen pour en ramasser. La jeune fille attend à présent la fin de sa grossesse avec sérénité. Il sera toujours temps après de penser à l’avenir. La Princesse passe du temps avec elle, Solinée la protège et l’entoure de sa tendresse comme si elle était sa fille. Sonice jubile car cela met Nitouche « hors course » auprès des hommes. Elle n’est pas belle du tout avec son gros-ventre tout gonflé. « Elle s’est faite avoir, bien fait, » clame-t-elle à qui veut l’entendre. Les prétendants de Sonice lui sont plus dévoués que jamais, même Nataèl qui néanmoins a hésité un instant. Gékah, d’abord fâché pour une fois, prend fait et cause pour Nitouche et la soutient dans ce qu’il appelle son « épreuve », sans que l’on sache s’il parle de lui ou d’elle. À part cela, le petit chien continue de suivre les PJ, les cochons et les chiens se battent toujours, mais plus pour très longtemps...

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grand chapeau noir à large bord sous lequel s’étale une longue chevelure grise. Leurs visages sont ridés, leurs yeux gris et froids. Ils ne sourient jamais. Leur voix est dérangeante, peu sympathique, un peu effrayante. Personne ne les a entendus arriver. Tous les ont découverts au réveil, attendant sur la place devant leurs coffres regorgeant de bijoux, de riches vêtements, de soieries, d’armes remarquables et d’autres trésors. Les villageois sont émerveillés. Les marchands déclarent être venus de la lointaine cité de Brilz. Aucun jet de Légendes ne permettra de connaître cette ville. Les éventuels haut-rêvants tiqueront peut-être. En effet, il existe dans les Terres Médianes du Rêve une case qui porte ce nom. Coïncidence ? Ou créatures invoquées ? Interrogés à ce sujet, les marchands restent muets. Ils refusent d’en dire plus sur leur cité d’origine. La princesse, elle, les reconnaît. De leur côté, les marchands lui font une révérence, ce à quoi même Solinée, reine en titre, n’a pas droit. L’un des marchands ajoute : « Princesse, vous voilà une femme fort belle... » L’intéressée répond par un sourire puis explique que ce sont ces marchands qui sont apparus dans le royaume, comme par enchantement, le jour de sa venue au monde. L’or et l’argent coulaient alors à flots des coffres royaux et tous avaient pu acheter ce dont ils rêvaient.

SONNANTE ET TRÉBUCHANTE

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les Marchands de Brilz 1,90 m. Minces. Yeux gris. Cheveux gris. Ils ne peuvent être touchés par les armes ou atteints par la magie. Ils peuvent lancer l’équivalent d’un poing de Thanathos de 10 points de rêve. Ils n’ont pas besoin de monter dans les TMR et la réussite est automatique..

L’ARRIVÉE DES MARCHANDS

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A

près le rêve, plusieurs jours se passent sans aucun événement notable. Puis, un matin, les voyageurs sont réveillés par une effervescence inhabituelle sur la place. Des exclamations et de grands cris en proviennent. Beaucoup de villageois sont rassemblés là, entourant à distance respectable un étrange équipage. Près d’un grand chariot tiré par des chevaux, animaux inconnus dans le village, se tiennent trois personnages. Grands et minces, ils sont vêtus d’une longue cape noire brodée d’or. Leurs têtes sont protégées par un

ertains villageois désirent acquérir quelquesuns des articles proposés. Gékah demande à voir de plus près un magnifique coupon d’étoffe (il a besoin d’une nouvelle robe). Après l’avoir examiné, il se tourne vers le marchand et lui en propose, pour paiement, une barrique de dix litres de son meilleur vin. Le marchand ne répond pas immédiatement. Il laisse s’instaurer un silence gênant, que tous peuvent ressentir, puis déclare qu’il n’entend pas qu’on le paye ainsi. Il veut, en échange de ses produits, de la monnaie d’or et d’argent. La consternation règne. Le village ne frappe pas de monnaie. De plus, les villageois ne connaissent pas le principe de l’argent et il n’y a nulle trace dans tout le pays d’or ou d’argent en métal. Quel que soit le type de troc tenté, les marchands refusent. Ils veulent, de manière catégorique, être payés en espèces sonnantes et trébuchantes. Les voyageurs, s’ils ont quelque argent, voudront peutêtre en profiter. Mais les marchands sont des plus spéciaux. Ils ne proposent à leurs clients, quels qu’ils soient, que ce dont ils ont impérativement besoin. En pratique, ils ne vendent aux voyageurs que ce qui sert à compléter leur équipement, soit qu’ils en aient perdu une partie lors des précédentes aventures, soit qu’ils n’aient jamais songé à s’équiper correctement. Si les voyageurs décident d’acheter autre chose, les marchands de Brilz rétorquent qu’ils n’ont rien d’autre pour eux. Si les voyageurs désignent des étoffes, des pourpoints de brocards ou autres, les marchands déclarent : « Ceci ne vous ira pas. Vous êtes voyageurs, cela ne vous est d’aucune utilité ». Et rien ne peut leur faire changer d’avis. Inutile d’essayer de berner les marchands en leur faisant croire par exemple que l’on a perdu son épée, et

donc qu’il faut absolument vendre cette épée bâtarde. Les marchands savent exactement ce dont les villageois et les voyageurs ont besoin. Les marchands déclarent qu’ils ne partiront pas tant que tout n’aura pas été acheté, et que d’ici là, ils camperont sur la place du village, près de la fontaine. Cette décision est énoncée d’une voix forte, mais calme, sur un ton qui ne permet aucune discussion. Les villageois se regardent, un peu gênés. Que faire ? Les marchands s’installent donc au centre du village, ils détellent leurs chevaux, allument un feu et restent entre eux. Ils refusent tout ce qu’on peut leur proposer : eau, nourriture, logis, hébergement. Drôles de personnages... En les observant, les voyageurs se rendent vite compte que ces marchands sont bien étranges. Ils peuvent rester des heures sans rien dire, ne mangent jamais, ne boivent pas, ne dorment pas. Sont-ils humains ? Mystère ! Ceux, qui pour s’en assurer, voudraient les attaquer, auraient une surprise désagréable : les coups n’atteignent jamais leur but. Ils sont toujours déviés, comme parfois lorsque l’on affronte une entité de cauchemar. Les sorts n’ont aucune efficacité. Il est impossible de les surprendre d’une quelconque façon. La nuit, ils restent debout près du feu, immobiles, enveloppés dans leur longue cape noire. Dès que l’on s’approche d’eux, ils relèvent la tête et fixent le nouveau venu de leurs yeux gris, froids comme la lame d’une épée.

UNE PRÉSENCE ENVAHISSANTE

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ais après tout peu importe, se diront peut-être les voyageurs ? Qu’ils restent s’ils ont envie de rester. Hélas, les choses ne sont pas aussi simple. Les marchands ne cessent d’exposer leurs trésors. Les villageois ne peuvent s’empêcher de passer devant, d’en rêver et souffrent bientôt d’un mal inconnu jusqu’ici dans ce paisible petit village : la convoitise. Les femmes rêvent de s’offrir les précieuses étoffes, les hommes sont fascinés par les ceinturons de cuir ouvragés et les épées rutilantes. Sonice, surtout, reste des heures devant les coffres, fascinée par ce qu’elle voit, ce qu’elle peut presque toucher, mais qui reste inaccessible. Peu à peu, un climat déplaisant s’installe. Des disputes entre époux, entre amis. On se reproche de ne pas avoir d’argent, on accuse le roi de ne pas avoir « battu monnaie » sans vraiment savoir ce que cela veut dire, Uzanne déclare que ce village est décidément un repaire de ploucs, etc. Ainsi, de la maison de Verneir, viennent les bruits d’une dispute. Soléma accuse son mari d’être un incapable, de ne pas l’aimer, puisqu’il n’est pas capable de lui offrir quoi que ce soit. Elle sort en claquant la porte puis elle part, furieuse, rejoindre furtivement Aucassin. Les voyageurs peuvent la suivre, et ainsi découvrir sa liaison, s’il ne la connaissent pas déjà. Un des prétendants de Sonice, poussé par elle, essaye de voler l’argent des voyageurs. En cas d’échec, ce qui est des plus probables, Sonice vient voir discrètement les personnages et prend des mines de conspiratrice. Elle demande aux voyageurs s’ils ont de ces pièces d’argent ou d’or que réclament les marchands. Elle leur tient en substance le discours suivant : Elle trouverait normal qu’en tant que

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Trois marchands apparaissent sur la grande place du village. Leur chariot semble contenir des marchandises pour chacun des villageois. Hélas, ils demandent de l’or en échange de leurs produits ! Heureusement, la terre noyée recèle une épave contenant suffisamment d’or pour permettre à tous d’acheter ce qui leur revient de droit. Conséquence À la conclusion de ce scénario, chaque villageois sera habillé comme il l’était au second âge, ce qui va déclencher mécaniquement le second scénario de l’Automne. Strophe concernée Ce fut un grand jour quand, geste de contentement, Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent. Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays, Et tout fut dépensé en trois jours de folie. Destins Frimousse, Sonice vraie fille de Solinée, donc fille de la reine, donc princesse, les voyageurs lui fassent un cadeau. Devant un refus, elle essaye d’échanger la monnaie contre des baisers. En désespoir de cause, poussée par la convoitise qui la ronge, elle va même jusqu’à proposer son corps, mais recule au dernier moment et s’enfuie rouge de honte d’en être arrivée là. Aucassin, convaincu par Soléma de lui offrir quelque chose, se montre très menaçant vis-à-vis des marchands. Ceux-ci restent impassibles tant qu’Aucassin n’est pas agressif. Brusquement, alors qu’il allait devenir violent, Aucassin s’écroule frappé d’un invisible direct au ventre qui le laisse sonné. Soléma, au mépris des convenances, se précipite vers lui, révélant à tous la nature de leur relation. Verneir ouvre enfin les yeux devant cette scène et en devient triste à en mourir. Pitchoune, d’ordinaire si délurée, sombre dans un mutisme inquiétant. Bref, l’ambiance du village se dégrade à vue d’œil. Le Gardien des Rêves peut imaginer d’autres événements en s’appuyant sur sa connaissance des villageois, de leur caractère et de leurs relations.

UNE VIEILLE CONNAISSANCE

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a solution, c’est Frimousse qui l’apporte. Les voyageurs entendent un bruit de lutte dans la rue (Ouïe à -1). S’ils sortent, ils découvrent Frimousse, assaillie par les autres enfants (sauf Pitchoune, qui essaie de protèger sa copine). On veut lui arracher ce qu’elle tient dans les mains. La cause de la lutte n’est rien moins qu’une pièce en or. Elle vient juste de la trouver alors qu’elle vidait un poisson pour aider son père. C’était un de ces poissons plats qui viennent des marais. Dans sa naïveté d’enfant, elle voulait la donner aux marchands « pour que sa mère revienne et que son père ne soit plus triste ». Les autres l’ont aperçue et chacun l’a voulu pour soi. Les voyageurs devraient alors comprendre que dans les marais se trouvent la solution à tous leurs problèmes. Un poisson avec une pièce d’or dans le ventre, ce n’est pas très naturel. Il a bien fallu qu’il l’avale quelque part, cette pièce. Et comme c’est un

LE DERNIER

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poisson des marais, ce ne peut être que là, dans ce que les villageois appellent la « Terre noyée ». Peutêtre, sans doute, y a-t-il là-bas de l’argent en quantité. Il suffit de le trouver et de le distribuer aux villageois pour que tous soient contents et que la paix revienne dans le village... Ainsi la strophe de la légende serait accomplie. Il ne reste plus qu’à s’aventurer dans les marais... Comme indiqué dans le Livre 1 (voir La Terre Noyée), les marais ne sont pas un endroit accueillant. Même dans l’espoir d’y trouver de la monnaie, aucun villageois ne veut les y accompagner, surtout pas Ornufle le bûcheron. Les voyageurs doivent donc s’y rendre seuls. Dans ces marais, il est possible de se déplacer sur une de ces barques à fond très plat que construisent les villageois. Les personnages n’ont aucun mal à en trouver une. Dès qu’ils s’enfoncent dans les marais, les voyageurs se rendent compte que de légers courants le parcourent. Assez rapidement, ils s’aperçoivent également que l’on ne trouve les poissons plats semblables à celui de Frimousse que dans certains courants. Les voyageurs n’ont plus qu’à remonter la piste à la gaffe et à la rame. Pendant un jour et une nuit, ils progressent sans vraiment savoir où ils vont. INTELLECT/Survie en marais à -1 leur permet d’estimer que leur direction globale est Sud-Est. Finalement, une forme imposante émerge de la brume. Il s’agit d’un bateau en piteux état échoué sur un banc de vase, penché de côté, prêt à se coucher pour mourir. Toutes ses couleurs sont ternies et se fondent dans celle de la vase. Il date d’au moins un siécle (VUE/navigation à 0) et c’est un miracle qu’il soit encore d’une seule pièce tant il semble rongé et pourri. Il n’y a personne à bord, pas même un squelette. Ses voiles sont déchirées, ses cordages pendent lugubrement, en haut du mat, flotte en lambeaux un pavillon noir. Peu à peu, les voyageurs réalisent que ce navire ressemble beaucoup à l’Audacieuse II, mais en plus grand et soudain ils ont une révélation. Ce navire, mais c’est l’Ecumeuse, le vaisseau pirate de leur rêve ! ! ! Sans doute le trésor du capitaine estil encore à l’intérieur... Pour s’approcher du bateau, il faut accoster sur le banc de vase et faire quelques mètres à pied dans une boue collante et nauséabonde. L’endroit a l’air des plus déserts, mais en fait il n’en est rien. Alors que les personnages sont à mi-chemin, 3 noyeuses sortent de la vase et attaquent aussitôt. Les noyeuses éliminées, les voyageurs peuvent s’aventurer sur le bateau et l’explorer. La cale est pleine d’eau et de vase, suite à de nombreuses voies d’eau. Là, dans la vase, les Voyageurs trouvent de vieilles cassettes rongées par l’humidité, pleines d’or et d’argent. Le trésor se compose d’au moins 900 sols. Une somme colossale ! Près de cinq kilos d’or !

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À CHACUN SA PLACE

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ue vont faire les voyageurs ? Vont-ils suivre la légende et distribuer tout le trésor aux villageois ? Ou vont-ils en garder une partie (voire le tout) pour eux ? Cela ne leur serait que d’une utilité limitée (voir plus haut sur ce que peuvent vendre les marchands aux voyageurs). De plus, tant que tout l’argent n’aura pas été dépensé, comme

indiqué dans la légende, il y a aura toujours quelqu’un de mécontent dans le village et les marchands ne partiront pas. L’argent distribué aux villageois, chacun se presse devant les marchands, qui acceptent volontiers leur or. À chacun, les marchands ne vendent que les habits et les attributs correspondant à la place qu’il tenait dans le royaume du second Âge. Ainsi, Verneir devient baladin avec en prime un superbe luth - ce qui ne le console pas de son infortune. Mahd se voit habillé en bouffon, Smisse se métamorphose en capitaine des gardes avec cuirasse brillante et épée à la garde sculptée. Stam ne bégaie plus dans sa belle livrée de héraut accompagnée d’une longue trompette. Ornufle, Aucassin et Radul endossent des tenues de soldats avec bouclier, épée et hallebarde. Galentine avec son beau tablier brodé se découvre maîtresse des cuisines avec Rotonde sous ses ordres. Le frileux disparaît presque sous un épais manteau de fourrure. Soléma revêt une robe de courtisane. La princesse, Solinée et Nitouche revêtent des robes merveilleuses rehaussées de bijoux. Ainsi, chaque villageois se transforme. Sonice, quant à elle, est terriblement déçue quand les marchands, en échange de son or, ne lui proposent qu’une simple tenue de servante, beaucoup plus belle que sa robe de villageoise, mais une tenue de servante quand même. Elle refuse tout d’abord, puis finit par accepter de mauvaise grâce puisqu’il n’y a rien d’autre pour elle... Excités comme des enfants, tous les villageois se changent sur la place, abandonnant leur fripes pour leurs nouveaux vêtements neufs et chamarrés. Les habits proposés par les marchands vont à merveille, comme s’ils avaient été faits sur mesure, ce qui est d’ailleurs le cas. Fait encore plus étrange, à chaque tenue semble correspondre une fonction. Correctement vêtus, les villageois se mettent aussitôt à agir selon leurs habits comme s’ils retrouvaient leur vraie place. Smisse ordonne et les soldats obéissent, tous se courbent naturellement au passage de la reine, etc. En quelques heures, tout le village se transforme en une cour royale, somptueuse. Des personnages de conte de fées perdus dans un décor bien loin de leur convenir. À partir de cet instant le village prend des allures surréalistes car se superposent à la fois le contraste entre vêture et décor et le mélange entre occupation de cour et vie quotidienne. Smisse entraîne les gardes puis va travailler à la forge sans changer de vêtements. Stam, la trompette de héraut sur l’épaule, mène des porcs à la glandée,... Grâce aux voyageurs, le pays retrouve ainsi un peu de sa splendeur passée.

CHANT 3 — L’AVENTURE

II - À MÊME AMOUR, MÊME MORT LES RACINES DU PRÉSENT : LES AMOUREUX

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a plus grande légende d’amour du royaume fut celle de deux adolescents dont l’histoire n’a pas retenu les noms. Le père de la belle refusait de lui laisser épouser celui qu’elle aimait, la destinant à un triste mariage d’intérêt. Un soir, les deux amoureux s’enfuirent en laissant derrière eux une simple note : « À même amour, même vie ou même mort ». Hors de lui, le père les pourchassa dans tout le royaume et au-delà, mais jamais ne les rattrapa… Nul ne sait ce qu’il advint d’eux, mais ce qui est certain est que, quel que soit leur sort, ils le partagèrent.

LE DON DES MARCHANDS

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es marchands à peine partis commence une nouvelle épreuve pour le village. Ondôle et Estophe ont reçu tous deux des habits de mariage. Ondôle et Estophe s’aiment et voient dans ces présents un signe du destin. Ils s’enhardissent au point de se promener ouvertement ensemble et de braver la colère de Lahin, le père d’Ondôle. Ce dernier, en effet, veut à tout prix la marier à Jacobi, le fils de Gekah, en échange de fragments de légende, ce qui lui permettrait de devenir le « roi » du village au prochain conseil. Lahin sent que la situation lui échappe et entreprend donc aussitôt de hâter le mariage. De son côté, Jacobi a reçu des marchands une paire d’alliances et reste perplexe sur ce que cela peut signifier.

PRÉPARATIFS DE MARIAGE… ET DE FUITE

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ahin se rend chez Gekah pour hâter le mariage. Il devra avoir lieu dans moins d’une semaine. Gekah est trop faible pour refuser aujourd’hui ce qu’il avait accepté précédemment (voir Livre 1 Nitouche, Sonice,…). Dès le lendemain de cette entrevue, Lahin retient de force Ondôle dans sa maison. Lahin et Estophe en viennent aux mains sur le pas de la porte de Lahin. Résultat, Ondôle est désespérée, ainsi qu’Estophe, Gekah et Jacobi. On ne pourrait imaginer plus mauvais mariage… Les préparatifs de la noce commencent sans joie ni entrain. Les frères de Lahin ne partagent pas son goût pour le pouvoir. L’ambiance devient lourde dans le village. D’autant que la volonté de Lahin est inébranlable : Ondôle se mariera avec Jacobi. Rien ne le fera changer d’avis. Estophe conçoit alors le projet d’enlever Ondôle et de partir loin, très loin, du village, au-delà du monde connu, vers la Grande Forêt. Il vient voir les voyageurs pour leur demander de l’aide : des conseils pour voyager, de l’équipement, une dague… Estophe est aussi désespéré que déterminé. Tout est donc en place pour que l’histoire se répète.

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Les marchands offrent à Ondôle et Estophe des habits de mariage. Lahin est hors de lui et cherche à conclure au plus vite le mariage forcé de sa fille. Ondôle et Estophe s’enfuient ensemble, poursuivis par Lahin qui entraîne ses frères à sa suite. La fuite des amoureux conduit tous ces personnages audelà du monde connu, jusqu’au bord de la grande forêt. Conséquence Dans leur fuite, Ondôle et Estophe vont découvrir, à l’orée de la grande forêt, les tombes des amoureux de la légende. Les Dragons leur donnent ainsi une seconde chance. Strophe concernée Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle, Que son père lui refuse au chagrin de la belle. En épouser un autre ne peut être son sort. Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort. Destins Ondôle, Estophe, Lahin.

INTERVENIR OU PAS ?

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uelle que soit la position des voyageurs dans cette histoire et leur implication, celle-ci arrivera à une fin : heureuse ou dramatique. Qu’ils aident Estophe ou pas, qu’ils participent à l’enlèvement de la belle et à la fuite des amoureux ou pas, de toute façon, l’histoire se déroule. À eux d’y trouver leur place.

L’ENLÈVEMENT DE LA BELLE

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ans la journée qui suit la demande d’aide d’Estophe, Jacobi le rencontre en secret et lui remet les alliances. Il lui propose également de l’aider à s’enfuir avec Ondôle. Son plan est de revêtir une robe et de prendre la place de la jeune fille pour que Lahin découvre le plus tard possible la disparition d’Ondôle. Un petit coup de pouce de haut-rêve, si les voyageurs connaissent le sort adéquat, ne pourrait qu’aider en ce sens. Estophe libère Ondôle en pleine nuit et s’enfuit avec elle. Dans le meilleur des cas, l’enlèvement est découvert au coucher du soleil suivant. Au pire : le matin même. Aussitôt, Lahin et ses frères poursuivent Ondôle et Estophe. Les fugitifs ont comme projet de rejoindre l’un des camps de voyage au bord de la Petite Forêt, puis de partir plein Ouest dans l’inconnu vers la Grande Forêt pour s’y cacher. Ils espèrent que personne ne se risquera à les poursuivre en terre inconnue. Peut importe le danger, Ondôle et Estophe sont déterminés. Mieux vaut mourir ensemble que vivre séparés.

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LA TOMBE DES AMOUREUX

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ntre la Petite et la Grande Forêt rôdent quelques cornicochons plutôt agressifs (ainsi qu’un tigre vert si vous voulez corser l’aventure). Si les fugitifs ne sont pas accompagnés des voyageurs, Estophe sera légèrement blessé par une de ces bêtes avant d’atteindre la forêt. Près de la lisière, ils découvrent un grand arbre dont le tronc semble sculpté. On distingue nettement les formes d’un homme et d’une femme dont les visages sont ceux d’Ondôle et d’Estophe. Découverte plus macabre, deux squelettes sont à moitié enfouis dans les racines. Ce sont ceux des amoureux de la légende dont Ondôle et Estophe sont les réincarnations. Au pied de cet arbre, Ondôle et Estophe se passent mutuellement les alliances au doigt. Au petit matin suivant, ils sont rejoints par Lahin et ses frères. Lahin est fou de rage, Estophe est blessé. Si les voyageurs ne sont pas là, Lahin se jette sur Estophe et prend vite le dessus sur lui, mais ses frères le retiennent quand il veut en finir avec lui. Ondôle et

Estophe en profitent alors pour s’enfuir à nouveau en entrant dans la forêt. Lahin n’ose pas les poursuivre plus avant. Les amoureux sont alors recueillis par des invisibles (voir Livre 1 La Grande Forêt). Si les voyageurs sont là, ils peuvent s’interposer entre Lahin et les fugitifs. Lahin n’entend pas raison. Il engage le combat, mais s’arrête au premier sang. Réalisant enfin ce qu’il est en train de faire, il s’écroule en pleurs et demande pardon à sa fille. Celle-ci lui pardonne, mais refuse de retourner au village. Estophe et elle iront alors s’installer dans un des camps de voyage autour de la petite forêt. Dans tous les cas, Lahin sort éprouvé de cette aventure et perd une bonne partie du crédit qu’il avait dans le village. Mais les conséquences de cette histoire vont plus loin. Toute cette agitation et ces drames pour quelques vers font réfléchir les villageois sur leurs coutumes. À présent que Solinée, leur reine véritable, est revenue, à quoi bon continuer à désigner un « Roi ». Les villageois se tournent donc vers Solinée pour prendre la charge de « Roi » à la place du Frileux... au grand désespoir de Bouillotte, sa femme.

CHANT 3 — L’AVENTURE

III - LA RÉVOLTE DES ANIMAUX LES RACINES DU PRÉSENT : UNE VIEILLE HISTOIRE

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ertaines légendes disent que ces deux races furent ainsi créées par les Dragons. D’autres histoires ont d’autres vérités. Qu’importe, telle est la façon dont ces races apparurent dans le Royaume. Lors d’une sombre nuit, tous les porcs et les chiens du royaume se métamorphosèrent et semèrent longtemps mort et désolation avant d’être repoussés hors des limites du pays.

VEILLÉE D’ARMES

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u matin, rien ne semble avoir changé. La vie quotidienne s’écoule, paisible. Il n’y a que deux faits à souligner. Tout d’abord, cochons et chiens ont l’air plus excités que d’habitude, le chiot des personnages y compris. Ils ne s’attaquent pas, mais, chacun dans son coin, grognent, s’agitent, couinent, griffent le sol et hurlent. C’est un concert désagréable que personne n’arrive à faire taire. Ensuite vient le cas de Sonice. En tant que servante, elle est tenue, elle le sent, de reprendre le travail que sa mère ne fait plus du fait de sa charge de reine. Laver le linge, Sonice trouve cela indigne d’elle et cherche à le faire faire à ses prétendants. Ceux-ci s’y plient à tour de rôle, mais de mauvaise grâce. Au cours de la matinée, les prix en baisers deviennent de plus en plus élevés, jusqu’à ce qu’ils ne suffisent plus. Les prétendants se montrant plus entreprenants, Sonice renonce et, verte de rage, se met à la tâche...

Cochons et chiens continuent toute la journée et toute la nuit. En tout cas tant qu’il reste quelqu’un pour les entendre. Malgré le vacarme, tout le monde, même contre sa volonté, s’endort à l’heure du ChâteauDormant. Et le vacarme cessa faute d’auditoire...

UN BIEN CALME RÉVEIL

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u matin suivant, un calme surprenant règne dans le village. Alors qu’ils sont encore dans leur lit, les voyageurs entendent les premiers volets de bois qui claquent, le cri du coq, le bruit du vent dans les arbres. Cochons et chiens semblent s’être calmés... D’abord soulagés, les voyageurs s’aperçoivent vite en sortant de chez eux qu’il manque quelque chose. Il n’y a plus eu un seul chien ou cochon... Après de rapides recherches, il faut se rendre à l’évidence : les chiens et les cochons se sont bel et bien volatilisés. S’ils restent au chaud dans leur lit pour récupérer de leur nuit agitée, ils en sont tirés par les appels de Quioure. Le vieux guérisseur erre en effet dans les rues du village, appelant ses chers chiens. Notons que si les voyageurs ont accepté la présence du chiot, celui-ci est absent lui aussi. Ce qui semble n’être qu’un incident étrange mais sans gravité devient vite plus inquiétant. Les chiens de Quioure ont l’habitude de dormir avec le vieil homme, comme d’ailleurs le chiot avec les voyageurs. Quant aux cochons, ils passent la nuit dans des enclos fermés. Dans un cas comme dans l’autre, on peut remarquer que les enclos sont intacts et

n’ont pas été ouverts, de même que la porte de Quioure. Ce n’est donc pas les animaux qui se sont enfuis. Non, ils se sont tout simplement « évanouis », ils ont disparu... Que s’est-il donc passé ? vont se demander les voyageurs. Sans doute vont-ils se perdre en suppositions abracadabrantes. Quoi qu’il en soit, aucune compétence ne peut les aider pour l’instant, pas plus Zoologie que Légendes. La vérité est des plus incroyables. Les animaux disparus ont été métamorphosés en créatures humanoïdes. Les cochons sont devenus des Groins et les chiens des Cynoférox ! (Voir encadré.) Les cynoférox, de même que les groins, apparaissent vêtus et armés. Il ne s’agit pas d’une simple transformation physique, mais bien d’une métamorphose. Les nouvelles créatures n’ont plus rien à voir avec les animaux dont elles proviennent à part un air de ressemblance : les groins ont des figures porcines, les cynoférox sont des humanoïdes à tête de chien.

QUE FAIRE ?

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our l’heure, rien n’indique qu’une telle chose est arrivée. L’accent est plutôt mis sur la perte de compagnons ou de ressources vivrières importantes pour le village. Quioure se remet très mal de la disparition des chiens et devient paranoïaque. Il jette de fréquents regards

accusateurs en direction de la maison de Malaria. Il marmonne sans cesse. Son discours est incohérent, halluciné. Il prononce souvent des insultes comme « vieille peau », « empoisonneuse », « sorcière », etc. En fin d’après-midi, Quioure va voir Malaria, la discussion vire à la bagarre. Quioure accuse publiquement Malaria d’avoir fait disparaître ses chiens. C’est une fausse piste qui peut être développée de la façon suivante : Malaria, énervée par les accusations de Quioure, se met à critiquer les chiens en question et à insinuer qu’elle n’est peut-être pas étrangère à tout ça, juste pour faire enrager Quioure. La bagarre reprend de plus belle. « Querelle d’amoureux » commentent les plus vieux villageois. Quelques coups sont échangés entre les deux vieux : rien de grave, mais cela suffit à créer une ambiance détestable. Quioure peut être raisonné simplement en faisant remarquer que les cochons aussi ont disparu, et que Malaria n’a (normalement) rien contre les cochons... Quioure s’effondre alors en pleurs. Malaria, touchée par sa détresse, le serre dans ses bras. Il se blottit conre elle comme un enfant et bientôt tous les deux pleurent, Quioure de tristesse et Malaria à cause de son allergie... Désormais, les deux vieux ne vont plus se quitter. Finalement, les voyageurs vont sans doute se préoccuper de retrouver les animaux disparus, ou du

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Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots Pendant la nuit, les chiens et les cochons du village se transforment respectivement en cynoférox et en groins. Après avoir élucidé le mystère de leur disparition, les voyageurs devront réussir à s’allier aux cynoférox afin de repousser les assauts des groins. Une aventure diplomatique, qui peut se terminer en boucherie si les voyageurs ne sont pas suffisamment habiles. Conséquence La guerre peut faire de nombreuses victimes parmi les villageois et affaiblir leurs forces pour l’hiver. Une alliance avec les cynoférox en revanche permettrait de disposer de redoutables combattants pour ce même hiver. Strophe concernée Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin, Découvrent avec horreur une meute de chiens. Et de ce triste jour on oubliera la joie, Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies. Destins Sonice moins de découvrir ce qui s’est passé. S’ils semblent s’en moquer, vous pouvez faire intervenir des villageois qui les prient de retrouver les porcs. D’autres essayent de convaincre les voyageurs de ramener au plus vite les chiens de Quioure, de peur que le vieux ne meure de chagrin.

TÊTES DE LARD

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es groins sont au nombre d’une vingtaine. Anciens cochons, ils gardent en souvenir les humains les forçant à manger leurs déchets, à se vautrer nus dans la boue et surtout les égorgeant sans pitié pour leurs fêtes. Tout ceci fait qu’ils ont un vif ressentiment envers la population du village, un ressentiment qui s’ajoute aux tendances innées des groins. C’est donc naturellement un combat à mort qui s’engage. Détruire et violer, voilà ce qui leur permettrait de se venger, un peu. Pour l’heure, ils préparent leur camp à moins d’une heure du village (pourquoi allez loin quand on sait qu’il faudra faire le chemin inverse pour aller violer les femmes ? Autant rester près d’elles), en bordure de la rivière des morts, en allant vers le Sud. Préparer un camp se borne pour eux à allumer un feu, ce qui les fait immanquablement repèrer. Personne ne monte la garde. Tous autant qu’ils sont, ils revendiquent le rôle de chef et sont fort occupés à se quereller à ce sujet. Comme ils ne peuvent s’entendre, ils tentent alors de s’accorder sur ce qu’ils vont faire. Si les voyageurs s’approchent suffisamment près de manière discrète, ils peuvent découvrir les groins et observer toute cette agitation. Pour le moment, ils ne sont d’accord que sur un point. Ils veulent attaquer (c’est-àdire, en langage groin, tuer, violer, brûler, piller, dérober, etc.) le village, mais ne savent pas encore quand, à quelle heure, ni de quelle façon... Ils semblent décidés à mettre au point un plan d’attaque, mais leurs discussions semblent sans fin. Tout voyageur ayant déjà rencontré des groins sait qu’ils adorent les « ruses » et que si cela finit toujours par « on fonce », les groins ne s’en creusent pas moins la tête pour trouver quelque chose d’intelligent et de rusé à dire « avant »...

Les voyageurs ont donc au minimum un ou deux jours devant eux, peut-être même plus, pour préparer la défense du village. Foncer dans le tas n’est pas une solution. Les groins sont bêtes, mais à une vingtaine, ils sont une force non négligeable.

CAVE CANEM

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e retour au village, les voyageurs tombent en pleine hystérie générale. Hommes et femmes sont inquiets et angoissés. Sonice vient d’être enlevée voilà une heure. Pitchoune a aperçu de loin trois silhouettes entourant la jeune fille et l’empêchant de crier. La petite fille a alors pris ses jambes à son cou pour prévenir les « grands ». Si les voyageurs n’ont pas été voir l’origine du feu, ils assistent au retour paniqué de Pitchoune et au début de l’hystérie. Dans tous les cas, les villageois leur demandent de la retrouver, dans tous les cas les kidnappeurs ont suffisamment d’avance pour ne pas être en vue. Un examen des lieux de l’enlèvement permet de découvrir (VUE à 0) des traces de bottes et des touffes de poils de chien. Les traces se dirigent vers l’ouest en direction de la petite forêt (voir plan général du monde). Les cynoférox sont une espèce plus civilisée. Leurs principaux ennemis sont les groins. Rappelez-vous, ils étaient sans cesse en guerre contre les porcs dans le village. Ils ont moins de querelles avec les humains. D’une part, ils considèrent les humains comme du bétail, donc comme des animaux et ne les mettent pas sur le même plan que les groins qui sont assimilés à des créatures humanoïdes, donc presque des égaux. D’autre part, ils se souviennent avoir été bien traités dans l’ensemble, ce qui ne génère en eux aucun désir particulier de vengeance... Leurs intentions sont de prendre le contrôle du village et de ramener tous les humains à leur condition naturelle de bétail. Ils procèdent méthodiquement et de manière très intelligente. Conscient de leur faible nombre (ils ne sont que sept, le nombre de chiens de Quioure), ils adoptent une stratégie de grignotage. Leur première incursion au village était seulement une reconnaissance. L’opportunité s’étant présentée d’enlever une « femelle », ils l’ont saisie. La piste des chiens se perd à la lisière de la forêt. Un bout d’étoffe accroché à une branche, un rameau brisé plus loin permet de la reprendre (VUE à -1). Ceci mène les voyageurs au campement des cynoférox, en plein cœur de la petite forêt. Des guetteurs surveillent les abords.

DE VIEILLES CONNAISSANCES

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orsque les voyageurs arrivent à proximité du campement, étudiez les précautions qu’ils ont prises. S’ils avancent imprudemment (ils parlent discutent, ou bien les joueurs se chamaillent à propos de ce qu’il faut faire : estimez alors que leurs personnages font de même), considérez que les guetteurs les repèrent automatiquement. S’ils se montrent prudents, faites jouer Dérobée/Discrétion à -3. En cas d’échec, ils sont repérés. S’ils se montrent particulièrement prudents, par exemple en se souvenant qu’ils ont affaire à des

chiens et évitent de se mettre sous le vent, faites jouer Dérobée/Discrétion à 0. S’ils sont discrets, les voyageurs peuvent observer le campement et ses occupants. Ils voient alors, et peutêtre pour la première fois, des Cynoférox (INTELLECT/Légendes à -3 donne toutes les informations de l’encadré). Malgré leur changement, on reconnaît facilement en eux les chiens de Quioure (tache sur un œil, forme des oreilles, couleur du pelage). Pour l’heure, tous les cynoférox sont là, dont bien sûr le chiot des voyageurs transformé en adolescent. Sonice est là aussi, nue et attachée, retenue prisonnière au beau milieu d’un enclos fait de branches épineuses. Les cynoférox discutent entre eux de leurs projets en achevant de brûler les vêtements de la jeune fille sur un maigre feu de camp. Les cynoférox comptent retourner au village en force pour mettre au pas le « bétail » et le trier. D’un côté, ceux qui seront abattus pour la viande, de l’autre les meilleurs « mâles reproducteurs » et les « femelles fécondes » pour l’élevage. Il leur tarde de goûter la chair humaine... En les entendant, Sonice pleure toutes les larmes de son corps, ce qui ne les émeut pas une seconde. Si les personnages se sont montrés amicaux avec lui, le chiot/cynoférox tempère les ardeurs de ses compagnons, rappelant qu’ils n’ont jamais eu à souffrir des humains, à la différence de ce que leur ont fait endurer les porcs. Les cochons, voilà l’ennemi, le vrai... Les voyageurs peuvent attaquer le campement, tenter de libérer Sonice à la faveur de la nuit ou bien tenter de discuter. La meilleure option est aussi la moins évidente : la discussion. Ces cynoférox ne sont pas comme tous leurs congénères. Ils ont été chiens avant d’être ce qu’ils sont et des sentiments contraires concernant les humains les habitent. Dans cette partie diplomatique, le Gardien des rêves ne doit pas oublier que les cynoférox sont méfiants vis à vis de leurs anciens maîtres et qu’ils ne supportent plus qu’on leur parle comme à des chiens, du genre : « Le gentil chienchien à son papa va aller mordre les vilains groins ». Ils sont devenus de redoutables guerriers, assez susceptibles. Bref, c’est donc sur les talents de diplomates des joueurs, plus que sur les compétences des personnages, que repose le succès de l’aventure. Au-delà des mots, les cynoférox ne peuvent être convaincus de s’allier aux humains que si les voyageurs ne font pas d’erreur grossière et surtout que si et seulement si les voyageurs ont le soutien du chiot/cynoférox, c’est-à-dire s’ils ont été de bons maîtres pour lui. Dans le cas contraire, toute discussion est inutile. Si alliance il y a, en gage de bonne foi, les cynoférox libèrent Sonice. En cas de rupture des pourparlers, il n’y a qu’une issue : le combat à mort. Si les personnages sont repérés avant de pouvoir discuter, le chiot/cynoférox peut s’interposer entre les combattants avant que le sang ne coule pour permettre un dialogue... si bien sûr il garde un bon souvenir des voyageurs.

LA GRANDE BATAILLE

G

roins et cynoférox approchent du village en même temps chacun de son côté, si bien que les trois camps se font face : les groins d’un côté, les cynoférox de l’autre et la masse des villa-

geois et voyageurs au centre. La bataille est inévitable. Seulement, la situation est très différente selon qu’humains et cynoférox sont alliés ou non. En cas d’alliance, les cynoférox rejoignent les humains pour faire front commun contre les groins. Dans le cas contraire, les cynoférox font cavalier seul, ils frappent sur l’ennemi commun au début puis se retournent contre les humains. Dans les deux cas, le sort de la bataille dépend uniquement des voyageurs.

Les Cynoférox TAILLE 15 APPARENCE 13 CONSTITUTION 13 FORCE 14 AGILITÉ 14 DEXTÉRITÉ 12 VUE 13 OUÏE 12 ODO-GOÛT 15 Épée sorde Arc Bouclier Esquive

VOLONTÉ INTELLECT EMPATHIE RÊVE CHANCE Mêlée Tir Lancer Dérobée

12 12 14 12 13 12 14 13 10

Vie Endurance +dom Protection

14 28 2 +2

niv +3 init 8 +dom +3 niv +3 init 8 +dom +2 niv +3 niv +3

Vigilance +3 Les cynoférox, de même que les groins, sont vêtus et armés.

Résultat de la bataille inférieur à 10 entre 11 et 50 entre 51 et 90 supérieur à 91

(1d100)

pas de morts 1d6 morts humains, 1 cynoférox 4 + 1d6 morts humains, 1d3 cynoférox 10 + 1d6 morts humains, tous les cynoférox

La mêlée s’engage, furieuse. On se bat de toutes parts à l’épée, à la grouine, à la serpe ou la faux. Les villageois compensent leur inexpérience par leur nombre, les cynoférox leur faible nombre par leurs qualités de combattants. Dans le cas d’une alliance, les personnages ne doivent mener qu’un seul combat contre un nombre de groins inférieur de 2 au leur. Sans alliance, ils doivent mener deux combats d’affilée. Le premier identique, le second contre 4 cynoférox dont un blessé gravement. En cas de victoire, les pertes dans le camp des voyageurs sont déterminées globalement par un jet de dé comme indiqué sur le tableau ci-dessus. Le gardien des rêves prélève les victimes de préférence sur les personnages secondaires du village et épargne autant que possible le chiot/cynoférox. Quant aux vaincus, ils sont exterminés. Dans le cas où des cynoferox alliés aux humains survivent, ils resteront dans la petite forêt le reste de l’automne, sans se mêler des affaires des humains.

LE DERNIER

51 MATIN DU MONDE

CHANT 3 — L’AVENTURE

IV - LA PESTE BUBONIRIQUE LES RACINES DU PRÉSENT : LA VENGEANCE DU HAUT-R RÊVANT

L

a beauté de la Princesse était telle qu’elle ne pouvait que faire naître de grands désirs et parfois de l’amour. Erémis, grand hautrêvant d’un royaume voisin, conçut pour elle un désir tel qu’il ne pouvait penser à autre chose et toutes ses recherches de magie tournèrent autour. Ainsi, il réussit à fixer à jamais le reflet du visage de la Princesse dans un petit lac, le lac-Miroir, pour pouvoir la regarder à loisir. Son désir était tel qu’un jour il la demanda en mariage, ce que refusa et le Roi et l’intéressée. Erémis en conçut alors une haine aussi grande que son désir... Oubliant tout ce en quoi il croyait, il devint thanatosien et envoûta la jeune fille de terrible manière pour la faire souffrir comme personne avant elle. La malheureuse ne put s’empêcher de dormir jour et nuit et de rêver de lui, toujours d’horribles façons. En rêve, il était son bourreau, son tourmenteur, son violeur, son assassin, faisant preuve à chaque fois de plus de cruauté et de sadisme. Il voulait ainsi la torturer jusqu’à ce qu’elle en devienne folle ou se suicide entre deux cauchemars pour échapper à tant d’horreur. Erémis aurait pu tranquillement assouvir sa vengeance si la Princesse avait été une femme comme les autres. Malheureusement pour lui, la nature si particulière de sa victime eut des effets inattendus et dévastateurs. Le lac-Miroir devint le repère d’une horrible entité de cauchemar formée des rêves de la Princesse. Cette entité se nourrissait de rêves, ou plutôt de cauchemars, et pouvait les déclencher chez toutes les créatures « normales » qui rêvaient de la Princesse. Dans tout le pays, de nombreuses personnes furent ainsi « contaminées » et rêvèrent à leur tour les mêmes horreurs que la fille du roi. Elles plongèrent dans un sommeil quasi perpétuel, leurs corps se couvrirent de pustules et elles commencèrent à mourir à petit feu. Cette nouvelle maladie fut appelée « Peste Bubonirique ». Erémis, totalement obsédé par sa victime, fut le premier à subir le contrecoup de son envoûtement et le premier à en mourir. Après sa mort, l’entité continua ses ravages, tuant nombre de gens, jusqu’à ce qu’un preux chevalier la découvre et l’occisse. Alors, les horribles rêves cessèrent pour la Princesse et tous les autres...

LE MAL DE LA PRINCESSE

LE DERNIER

52 MATIN DU MONDE

C

omme la révolte des animaux, cette épreuve est un écho de ce qui se passa à la fin du Second Âge (voir plus haut La Vengeance du Haut-Rêvant). Le matin où les voyageurs récupèrent le fragment de légende, une créature thanataire investit le Lac-Miroir et la Princesse plonge dans un profond sommeil hanté de cauchemars effroyables. Dans les jours qui suivent, tous les villageois, les uns après les autres, tombent malades. Ils ont contracté la peste bubonirique.

Les personnages, ainsi que Nitouche, sont épargnés car ils ne sont pas originaires de ce monde. L’argument est peut-être spécieux, mais il se tient et a aussi l’avantage de permettre aux voyageurs de jouer le scénario, la maladie étant trop invalidante (voir Symptômes et souffrances) pour permettre une quelconque aventure.

SYMPTOMES ET SOUFFRANCES

L

a maladie débute brutalement, de nuit, par un rêve atroce. Le dormeur, fou de terreur, rêve qu’il est poursuivi par une créature horrible dont le visage quoique déformé est celui de la Princesse. À la fin du rêve, la créature jaillit d’un lac noir d’encre et le dévore vivant. Le dormeur se réveille alors en sursaut, ruisselant de sueur froide, tremblant de peur et la peau couverte de bubons jaunes et mauves (les couleurs des déchirures du rêve). De plus, à chaque cauchemar, le malade perd 2 points de vie et est frappé par une queue de Dragon (uniquement des idées fixes ou des désirs lancinants) en raison de l’horreur qu’il vient de vivre. Éveillé, le malade n’a qu’une idée en tête: résoudre sa queue de Dragon. Il ne pense qu’à cela, y sacrifie tout. Quand il y parvient enfin, il se rendort aussitôt, juste là où il est. Il cauchemarde de nouveau, prend une nouvelle queue, perd 2 points de vie, se réveille, cherche à la résoudre et ainsi de suite jusqu’à la mort. La Princesse, elle, ne subit que les cauchemars. Elle ne souffre d’aucun des autres symptômes (queue de Dragon, bubons, perte de points de vie, etc.) De nombreuses idées peuvent surgir sur la façon de combattre cette maladie. Toutes sont vouées à l’échec, à part celle exposé plus bas (voir La bonne solution). En voici néanmoins quelques-unes. Les voyageurs peuvent envisager d’utiliser la magie pour contrer les pertes de points de vie. C’est tout à fait possible, mais cela ne guérit pas la maladie et très vite ils se retrouveront débordés par l’ampleur de l’épidémie. La solution n’est donc pas là. Isoler les malades ne résout rien non plus, c’est par le rêve que le mal se transmet et le rêve est partout. On peut aussi attacher les malades afin qu’ils ne puissent pas résoudre leur queue. Cela ne sert non plus à rien, les malades se débattraient et hurleraient durant toute la journée pour, épuisés, s’endormir le soir venu. Le lendemain, ils auraient alors une queue de plus à satisfaire.

LE DÉBUT DU CAUCHEMAR

T

out commence par un cri déchirant au beau milieu de la nuit. La Princesse vient de faire un terrible cauchemar. Les yeux hagards, la respiration courte, elle répète sans arrêt la même phrase : « Non, ce n’est pas possible, pas encore ! », puis se met à pleurer. Réveillés par le cri ou alertés par un groupe de villageois inquiets, les

voyageurs viennent au chevet de la jeune fille. Ils la découvrent, luttant pour ne pas dormir en se piquant profondément le bras avec une aiguille. « Sauvez-moi, supplie-t-elle, car sinon nous allons tous mourir, tous... » Elle est alors certainement assaillie de questions. Avant de sombrer dans le sommeil, elle ne pourra que dire : « Elle est revenue... Tuez-la... Tuez-la... » Puis, pressentant les tourments qui vont s’abattre sur le village, elle ajoute d’un faible murmure : « Pardon, je suis désolée... » Dès lors, Solinée et Anguerrant ne quittent pas le chevet de la Princesse. Le lendemain (jour 2), les premiers malades sont recensés. Tout d’abord on n’y prend pas trop garde, il ne s’agit que d’Argande, hypocondriaque connue, et de Graël qui ne cesse de pleurer. Puis on trouve Ouat dormant dans une flaque de boue, Gerbert ronflant attaché sur une échelle et Rotonde assoupie au milieu d’une douzaine d’œufs brisés. Le troisième jour, c’est 15 personnes de plus, presque la moitié des habitants, qui sont contaminées (voir l’ encadré Journal d’épidémie), ce qui plonge tout le village dans l’angoisse et la panique. Consultés, Quioure et Malaria s’avouent tous les deux impuissants, cette maladie leur est inconnue et leurs remèdes inopérants. Tout ce que l’on peut tirer des malades durant leur phase de réveil est une description de leurs rêves, dont le premier où apparaît, au bord d’un lac noir, une créature terrifiante qui a les traits, quoique horriblement déformés, de la Princesse. Quant à la Princesse, elle ne sort pas de son sommeil tourmenté. Cependant, si on la veille, on peut l’entendre murmurer à plusieurs reprises : « Mon visage... de l’eau pure... de l’eau pure... » (voir La Bonne Solution).

LE BÛCHER DE RADUL

D

ès le jour 2, Radul croit avoir tout compris et rassemble les villageois. Radul est très virulent. Il accuse les voyageurs d’être responsables de ce qui arrive puisqu’ils ont ramené la Princesse au village. Il propose également une solution. Comme c’est le visage de la Princesse qui apparaît dans tous les rêves, alors il faut tuer la Princesse, voilà tout. Il n’est tout d’abord pas pris au sérieux, tous connaissent sa méchanceté viscérale. Cependant, à la faveur de la panique qui s’empare du village le lendemain, il rallie à son idée plusieurs autres hommes (Lahin, Smisse, Vernier et Ornufle). Ensemble, ils décident de proprement brûler vive la Princesse et se dirigent vers la maison où elle dort. Si les voyageurs s’interposent (au besoin, Nitouche les alertera), les villageois renoncent, n’étant pas de taille à affronter des hommes en armes, d’autant plus qu’Anguerrant viendra prêter main-forte aux personnages. Mais un jet d’EMPATHIE à 0 fait comprendre que Radul est trop décidé pour s’en tenir là. Le villageois n’a en effet pas dit son dernier mot. À la nuit tombée, il va tenter d’incendier la maison qui abrite la Princesse. Un jet d’OUÏE/Vigilance à -2 permet d’entendre des bruits suspects autour de la maison et d’intervenir à temps pour éviter que le feu prenne. Un combat avec Radul est alors inévitable. Si le villageois

Quelques mots pour le gardien des rêves Le scénario en quelques mots L’envoûtement dont la Princesse avait été victime au Second Âge frappe de nouveau. Et la peste bubonirique se répand dans le village, menaçant de tuer les plus faibles. Aux personnages d’agir vite pour éradiquer le mal... Conséquence La principale conséquence de ce scénario est la mort éventuelle de plusieurs villageois. Strophe concernée L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie. Le souverain remède reste dissimulé... Dommage que le temps soit pour certains compté. Destins La Princesse, Radul arrive à mettre le feu, seuls les voyageurs pourront sauver les habitants de la maison, à présent tous profondément endormis à cause de la maladie. En tant que gardien des rêves, laissez leur le temps d’intervenir, décrivez leur les flammes qui les entourent, les poutres qui craquent, les chaumes qui s’embrasent et ne faites tout écrouler que lorsque que tous auront été tirés de là sains et saufs. Radul, quant à lui, est retrouvé endormi non loin, en proie à son premier rêve de malade.

LA BONNE SOLUTION

P

lusieurs indices vont permettre aux voyageurs de comprendre que faire. Les premiers rêves des malades parlent d’une créature, des traits de la Princesse et d’un lac. Les quelques paroles de la Princesse évoquent, elles aussi, une créature (« Elle est revenue... »), son visage et de l’eau pure. Quant à l’idée de Radul, elle souligne le rapport entre les rêves des malades et le visage de la Princesse. L’association visage et lac devrait faire tilt, elle désigne clairement le Lac-Miroir. De là à penser qu’une créature s’y cache, il n’y a qu’un pas. Pour ce qui concerne l’eau pure, tout haut-rêvant ou alchimiste comprend qu’il s’agit d’eau magiquement ou alchimiquement obtenue. Quant à son utilisation, la Princesse l’associe à son visage (« Mon visage... de l’eau pure... de l’eau pure... »). Il ne s’agit pas bien sûr de verser de l’eau sur elle, mais sur son reflet dans le Lac-Miroir. Ceci compris, reste à se rendre sur place. Dans le meilleur des cas, les voyageurs partent au début du Jour 4, ce qui leur laisse deux jours (en fait jusqu’à la fin du Château-Dormant du Jour 5) pour arriver sur place et agir avant que la maladie ne commence à tuer.

LE DERNIER LE MONSTRE DU LAC

S

ur le chemin du lac, les personnages remarquent que le ciel est de plus en plus gris, que le gibier est moins fréquent, l’herbe plus terne, etc. Le lac a bien changé. Son eau est à présent noire et houleuse, ses berges sont garnies d’orties, de ronces et de mauvaises herbes et le reflet du mer-

53 MATIN DU MONDE

Journal d’épidémie Tous les villageois tombent malades dans les 3 jours qui suivent le premier cauchemar de la Princesse. Dans cet encadré est indiqué, pour chaque personne, le jour du début de maladie et celui de la mort éventuelle. Le gardien des rêves n’a donc pas à se préoccuper d’éventuelles victimes avant le sixième jour, ce qui laisse largement assez de temps aux voyageurs pour vaincre la maladie. Tout ce que le gardien a à faire est de compter les jours à partir du premier cauchemar de la Princesse (jour 1) et de consulter cette liste pour les victimes si l’aventure ne se termine pas avant le sixième jour. La maladie vaincue, les points de vie seront récupérés automatiquement suivant la règle (Oniros p. 73). Là non plus, le gardien n’a pas à tenir de comptes. En effet, le scénario suivant se situe en grande partie hors du village, laissant le temps aux survivants de récupérer avant le retour des voyageurs. Malade du jour 1 La Princesse Malades du jour 2 morts au jour 6 : Ouat, Graël morts au jour 8 : Gerbert, Rotonde, Argande Malades du jour 3 morts au jour 7 : Crécelle, les 2 Rascals, Pitchoune morts au jour 8 : Etannio, Ciclomène, Uzanne, Soléma, Bouillotte, Solinée morts au jour 9 : Mahd, Nicolette, Aucassin, Stam, Galentine Malades du jour 4 morts au jour 8 : Gilleau, Frimousse, Baffreux morts au jour 9 : Ondôle, Nataèl, Sompce, Jacobi, Malaria, Lahin, Caliban, Quioure, Le Frileux, Étannio, Sonice morts au jour 10 : Smisse, Verneir, Anguerrant, Skalf, Ornufle, Radul, Gékah

Le monstre du lac TAILLE RÊVE Niveau Endurance

14 16 +3 30

Crocs Cheveux-tentacules Esquive

LE DERNIER

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15 15 11

niv +2 niv +2 niv +2

+dom +3 fougueux (spécial) ferme

veilleux visage a laissé la place à une face effrayante où l’on reconnaît à peine les traits de la Princesse. C’est là que l’eau pure, si les personnages en disposent, doit être utilisée. Le monstre du lac est une entité de cauchemar, qui impose donc des jets de Rêve pour être touchée (Oniros p.100). Pour ce monstre, verser de l’eau pure dans le lac permet ne pas avoir à faire les jets de Rêve. Dès que les voyageurs s’approchent de la rive, l’eau se modèle pour créer le monstre. Le reflet effrayant devient la tête de la créature, une gueule chargée de dizaines de crocs s’ouvre largement, une imposante chevelure apparemment vivante pousse à vue d’œil et un long cou propulse le tout vers les personnages. C’est un combat à mort qui s’engage. En plus de ses crocs, le monstre a droit à une seconde attaque qui est spéciale. Elle peut utiliser ses très longs cheveux comme des tentacules pour agripper les personnages. Cela n’inflige aucun dégât, mais réduit les possibilités de manœuvre de la victime et donc ses possibilités d’esquive (malus de -1 à l’esquive, cumulatif ). À chaque round, un voyageur ainsi empêtré a le choix entre attaquer ou se dégager automatiquement des cheveux-tentacules (annulation d’un malus de -1 par round).

LA FIN DES TOURMENTS

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a bête éliminée, l’eau du lac redevient calme et claire et le visage de la Princesse s’y réfléchit à nouveau. Au village, les gens sont guéris et ils regagnent progressivement des forces. La Princesse, elle, a l’air soucieuse. Elle raconte aux personnages l’histoire de cette maladie telle qu’elle s’est passée au Second Âge (voir La Vengeance du HautRêvant) et ajoute : « Je crains pour l’avenir, je sens la présence de cet horrible personnage autour de nous... Erémis, est ici, dans ce rêve, quelque part, et il veut toujours se venger... »

Nouveaux désirs lancinants et idées fixes

Pour varier les plaisirs, vous pourrez infliger aux malades les idées fixes et les désirs lancinants suivants. Désirs lancinants supplémentaires Casser 3d6 oeufs Se raser la tête Masochisme (Perdre trois points d’endurance minimum en un round) Se saouler Casser un meuble (tabouret, table, etc.) Désir d’ingestion forcené (manger de la poussière, de la terre, du savon, de la sciure, des chardons, de la boue) Pyromanie (désir de brûler une maison) Envie d’escalade. Hauteur 2d4. Difficulté 0

Idées fixes supplémentaires Garder les yeux bandés Porter sur soi 3d6 kilos de cailloux Cracher dans toute boisson ou nourriture Anorexie. Ne rien boire, ne rien manger Ne s’exprimer que par gros mots

LE DERNIER

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Chant Quatrième

L’Hiver Le temps de la mort

C’ L’

était presque le soir, le vieil homme avait tenu son auditoire en haleine toute la journée. À présent, il se devait de finir avant la nuit pour que tous emmènent les souvenirs de cette histoire dans leurs rêves de la nuit.

automne avait été semé d’épreuves et de drames, ce qui avait eu pour conséquences de faire taire tous les quolibets des uns et des autres… Si le Baffreux, Frimousse et Pitchoune s’étaient amusés de la déception de Sonice avec les marchands, en revanche personne ne s’était réjoui de la suite. Tous s’étaient montrés solidaires les uns des autres et abordaient unis un hiver qu’ils pressentaient redoutable. Les chamailleries étaient ainsi oubliées. Les deux petites filles s’étaient blotties contre Le Baffreux. Quant à Nitouche et Sonice, elles se tenaient la main.

G

ekah savait toute la dureté de que ce qu’il s’apprêtait à raconter et il se félicita de l’unité de son auditoire. Il était parvenu là où il voulait aller : au-delà de l’histoire, au-delà des querelles. Tout le récit de l’hiver allait être pour les enfants devant lui une expérience inoubliable. Pour la première fois, ils allaient prendre soin les uns des autres et se soutenir. Et si un jour le malheur frappait réellement le village, ils sauraient s’en souvenir. Gekah en était persuadé.

M A

ais pour l’heure, il convenait de mener le récit à son terme. Avant de débuter, le vieil homme crut tout de même bon de rassurer son auditoire. Ils n’étaient encore que des enfants, après tout. ussi commença-t-il ainsi : « L’hiver est la saison la plus dure et l’on pourrait facilement se désespérer. Mais, n’oublions pas, n’oublions jamais, que l’hiver est aussi une étape obligée sur la route du printemps… »

LE DERNIER

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CHANT 4 — LE RÊVE

L’ARCHIVISTE FOU L’ARCHIVISTE FOU ET LE DÉBUT DU CAUCHEMAR

C

e rêve est le dernier que vont faire les personnages. Il est différent des deux précédents à plusieurs titres. Premièrement, il ne peut être fait qu’une seule fois. Ensuite, le personnage inquiétant et mystérieux qui a hanté de sa présence les rêves précédents va ici entrer complètement dans le rêve et attaquer les voyageurs. Enfin, deux rêves vont s’entremêler ici, celui de l’archiviste d’un côté, chaud et vivant, et celui du personnage inquiétant de l’autre, froid et mort. Le rêve débute en pleine jungle équatoriale à l’atmosphère humide et étouffante de chaleur. En possession de tout leur équipement, les voyageurs bataillent à coups d’épée pour se frayer un chemin dans une végétation très dense. Soudain, le fer d’une arme rebondit sur un mur de pierre. Les personnages viennent de trouver un antique et gigantesque palais enfoui dans la forêt. En longeant le mur sur quelques mètres, ils arrivent à une massive porte de bronze grande ouverte...

Plan express de la bibliothèque Jeter 1d8, le résultat donne le type de lieu dans lequel les voyageurs arrivent. Peu importe les invraisemblances, notamment de niveau, il s’agit d’un rêve. 1-2 3 4 5

Salle Escalier Passerelle Couloir

6 7 8

Cour intérieure Cloître Pavillon

À chaque lieu, lancez (1d4+1) : c’est le nombre d’issues (portes, passages) du lieu considéré.

LA TRÈS GRANDE BIBLIOTHÈQUE

C

e palais est en fait une très vaste bibliothèque, en partie en ruines. C’est une construction démesurée et hétéroclite, un patchwork d’architecture, une succession ininterrompue de salles, d’escaliers, de passerelles, de couloirs, de cloîtres, de pavillons, de fontaines et de cours inté-

LE DERNIER

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rieures. Chaque pièce, chaque salle, chaque couloir recèle des rayonnages bondés d’ouvrages. La plupart sont dans un état de conservation correct, mais écrits dans des langues inconnues. Perdue au beau milieu d’une jungle, cette bibliothèque fait corps avec son environnement. À cause de son architecture et des années, la végétation est entrée en elle de toutes parts, se mêlant à la bibliothèque jusqu’à ce que les deux se marient harmonieusement. Des racines ont fait éclater la pierre des dalles. Les dômes et verrières se sont écroulés sous la poussée des arbres. Des cascades de lianes coulent le long des murs, des massifs de nénuphars habitent les bassins et fontaines des cours. Certaines salles sont totalement investies par la végétation. Parfois, une fleur superbe sort d’un ouvrage en décomposition. Partout, la végétation et la pierre se mélangent. La jungle est à la fois en dehors et dans la bibliothèque. Il n’est donc pas étonnant que l’intérieur regorge d’animaux : insectes, oiseaux, serpents, singes... Tout paraît à l’abandon et totalement inhabité, ce qui n’est pas tout à fait vrai. En effet, Il existe un maître des lieux, un vieux haut-rêvant qui a échoué ici, par hasard, voilà bien longtemps et que la solitude a rendu complètement fou (voir plus bas L’archiviste fou).

LE TEMPS ARRÊTÉ

A

près avoir planté le décor et avant de rentrer dans le vif de l’aventure, voyons une particularité importante de ce rêve. Dans cette jungle, le temps est comme arrêté. Le soleil ne bouge pas, il ne fait jamais nuit et les personnages n’ont ni faim, ni soif, ni sommeil. C’est exactement comme s’ils vivaient tout ceci dans une perpétuelle fin d’après-midi, à quelques minutes du crépuscule. Comme personne ne peut dormir, hormis par des moyens magiques, les voyageurs haut-rêvants ne peuvent pas récupérer les points de rêve qu’ils dépensent pour lancer des sorts. Il leur faut donc gérer intelligemment leur capital. En revanche, les créatures appartenant à ce rêve n’ont pas cette limitation. Ainsi l’archiviste fou (voir plus bas) peut lancer autant de sorts que le gardien juge nécessaire.

LA DÉCOUVERTE DES LIEUX

L LE DERNIER

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a découverte du fragment est liée à la rencontre de cet archiviste fou. Mais avant de le faire intervenir, il est tout d’abord nécessaire que les personnages s’imprègnent de l’ambiance des lieux Laissez les personnages découvrir et explorer la bibliothèque. Décrivez des escaliers encombrés de piles d’ouvrages, d’immenses corridors aux murs chargés de livres, des salles de lecture garnies de tables mais remplies de végétation, des coupoles, des cours intérieures, des balcons, de petits cabinets de lecture, etc. Notez que tous les livres sont rédigés dans une langue inconnue (ceci pour éviter que les voyageurs ne passent leur temps à lire). Si les joueurs désirent un plan des lieux, des règles très simples pour en fabriquer un se trouvent dans l’encadré ci-dessous.

Si vous voulez animer cette découverte, voici quelques petits événements sans aucune conséquence sur le déroulement du rêve. - Un couloir est encombré de lianes épaisses, les voyageurs doivent s’escrimer pendant une demiheure draconique pour se frayer un passage et reprendre leur exploration. - Alors que les personnages traversent une cour intérieure, un petit singe leur envoie une noix de coco depuis un arbre. Le projectile arrive sur la tête du plus malchanceux (score de CHANCE le plus bas). Faire jouer au joueur concerné VUE/Vigilance à -2. Si le jet est réussi, il peut tenter un jet de Dérobée/Esquive à -3 pour l’éviter (jet d’encaissement à +1, règle d’assommer p.72). - Une pluie diluvienne s’abat soudain sur la forêt. - Les personnages découvrent accidentellement un passage secret en faisant pivoter un pan d’étagère. L’ouverture donne sur un petit tunnel sombre, et débouche au bout d’une quarantaine de mètres sur un panneau de bois. En poussant ce panneau, les voyageurs font pivoter un nouveau pan de bibliothèque et arrivent dans une nouvelle salle.

L’ARCHIVISTE FOU

P

arlons à présent du seul habitant des lieux, « l’archiviste ». Il détient le fragment que recherchent les personnages. Le problème est qu’il est fou à lier. En effet, « l’archiviste » vit seul, totalement seul, depuis une éternité. Voilà longtemps, pour tromper son ennui... et ne pas devenir fou, il a peuplé sa vie solitaire de personnages sortis de son imagination, des personnages qu’il « jouait » lui-même, comme le ferait un acteur. Ainsi naquirent Ganelon, le dessinateur ; Polysonius, le consciencieux bibliothécaire ; Portulan, le capitaine ; Blancandrin, généreux prince de Dragonnie et la pauvre Elyne, perdue en pleine forêt... L’archiviste étant haut-rêvant, il a pu donner corps à ses fantasmes en changeant son apparence (Voie d’Hypnos - Transfiguration). Pour plus de réalisme, il se confectionna des costumes... et devint finalement complètement fou ! Un jour, il ne sut plus qui il était vraiment... ou plus exactement, il était tous ses personnages à la fois. L’archiviste n’est donc pas un personnage qui se déguise, mais une multiplicité de personnages qui prennent tour à tour l’ascendant. (Voir l’encadré Les Rôles de l’Archiviste). Là est le cœur du scénario. En effet, un seul de ces personnages, la nommée Elyne, sait où se trouve le fragment recherché par les voyageurs. Tout le problème des joueurs va être d’obtenir d’elle ce renseignement...

COMMENT JOUER L’ARCHIVISTE

V

oyons maintenant ce que cela va donner en jeu de rôle. L’archiviste sait transformer son apparence, mais ne sait pas déguiser sa voix. Donc tous les personnages qu’il incarne vont avoir la même voix, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un jeune ou d’un vieux ! Ceci va

faire comprendre aux voyageurs qu’ils ont affaire à la même personne. Pour réaliser que l’archiviste est un fou et non un plaisantin, le gardien des rêves doit faire attention à son interprétation du personnage. Même s’il a plusieurs personnalités en lui, il n’est qu’un personnage à la fois, à la manière d’un Docteur Jeckill/Mister Hyde qui aurait, non pas deux mais cinq personnalités différentes ! Sous n’importe quelle apparence, l’archiviste a conscience de l’existence des autres personnages, mais exactement comme tout un chacun a conscience de l’existence des autres êtres humains. Si, alors qu’il incarne Ganelon, les voyageurs lui posent une question qui s’adresse à Polysonius, il n’y répondra pas, puisqu’il est Ganelon. En revanche, dès que cela lui sera possible, il s’isolera pour changer de personnalité et s’arranger pour retrouver les voyageurs, sous les traits de Polysonius cette fois... Pour changer de personnalité, l’archiviste cherche à s’éclipser ou à se débarrasser des voyageurs sous divers prétextes (« Du travail m’attends ailleurs ! », « Je vais chercher quelqu’un qui pourra vous renseigner... », « Allez de ce côté, celui que vous cherchez ne doit pas être loin ! », etc.). Si les voyageurs ne le laissent pas seul, l’archiviste reste dans le même rôle. Seule la solitude peut permettre un passage d’une personnalité à l’autre, c’est à dire le lancer d’un sort de Transfiguration sur lui-même et le changement de costume.

À LA RECHERCHE D’ELYNE

L

es voyageurs font leur première rencontre avec l’archiviste sous les traits de Ganelon (voir encadré Les Rôles de l’Archiviste). L’archiviste est très heureux de leur présence car elle rompt sa solitude, mais il essaye de cacher sa joie (EMPATHIE à -2 pour s’en apercevoir). Il inonde littéralement les voyageurs de questions : Qui êtesvous ? D’ou venez-vous ? et surtout Que venez-vous chercher ici ? De son côté, il répond volontiers aux questions. Il ne sait plus très bien comment il est arrivé. Il sait que d’autres personnes vivent dans la bibliothèque, il connaît leur nom, mais n’a que peu de contact avec elles. Il ne voit absolument pas comment les voyageurs pourraient trouver le fragment... Par la suite, les rencontres vont se succéder à une demi-heure environ d’intervalle. À chaque fois, l’archiviste pose les mêmes questions aux voyageurs et leur répond avec la même bonne volonté et les mêmes réponses. Polysonius est en train de ranger un livre quand il aperçoit le groupe. Surpris et dubitatif il les observe d’un oeil circonspect. Nul doute que la conversation ne s’engage. Portulan compulse des livres de cartes marines quand les voyageurs le découvrent. Le capitaine s’enquiert poliment de ce que cherchent les voyageurs et entrecoupe leurs explications de « Je sais, je sais » distraits comme si tout cela ne l’intéressait en réalité pas beaucoup. Au détour d’un couloir, les voyageurs entendent des appels désespérés : « Elyne ! Elyne ! » C’est le prin-

Les rôles de l’archiviste Ganelon, le dessinateur (apparence de Verneir) En arrivant dans une nouvelle salle de lecture, les voyageurs découvrent un homme attablé, absorbé dans la lecture d’un ouvrage. C’est un jeune homme au visage blond, souriant et sympathique, vêtu de simples vêtements en toile de jute. Il est affairé à recopier les gravures d’un ouvrage. Sa tâche est de reproduire des gravures anciennes.

Polysonius, le consciencieux bibliothécaire (apparence de Gékah) Polysonius est un vieillard barbu, vêtu d’une longue robe grise et élimée. Il porte une paire de binocles et un volumineux ouvrage sous le bras. Il est le bibliothécaire. Il n’a jamais fait que ça et n’a pas souvenir d’avoir jamais habité ailleurs. Il est submergé par le travail et n’a pas de temps à perdre.

Portulan, le capitaine (apparence d’Anguerrant) Portulan est ici pour étudier de précieuses cartes marines. Il prépare un grand voyage qui le mènera vers de nouveaux continents aux richesses inouïes. Il est venu ici sur son bateau, mais ne se souvient plus ce qu’il a fait de son équipage, ni même où son navire est amarré.

Blancandrin, généreux prince de Dragonnie (apparence de Sompce) Blancandrin est un jeune homme remarquablement beau. Ses habits sont somptueux, ses manières raffinées et sa politesse exquise. Sa plus grande qualité est encore sa générosité. À celui qui lui apporta le « plus beau de tous les dessins du monde », il promet une pleine poignée de pièces d’or (ces pièces sont en fait des rondelles de bois « transfigurées » en pièces d’or).

La pauvre Elyne (apparence d’Ondôle) Elyne est une jeune fille très belle habillée d’une robe déchirée. Elle ne sait que sangloter. Elle est perdue dans cette forêt et ne sait pas du tout comment s’en sortir, d’où son désespoir... Ah ! Si seulement son fiancé était là, il saurait quoi faire, lui... ce Blancandrin qui déclame des vers boiteux pour tromper son ennui. Il est venu ici pour acheter le « plus beau de tous les dessins du monde », mais ne l’a pas encore trouvé. Il ne partira pas d’ici avant avoir obtenu ce qu’il désire. Elyne, quant à elle, sanglote au pied d’un escalier. Elle ne parle pas beaucoup et soupire longuement. Elle est perdue, c’est terrible... Dès que les personnages auront dit à l’archiviste ce qu’ils cherchent, un beau-parleur (voir Livre 1 La Grande Forêt) croisera peu après leur chemin. L’oiseau les accompagne un moment en répétant plusieurs fois avec la voix de l’archiviste : « Elyne connaît la réponse... » Elyne ne sait que sangloter. Si les voyageurs insistent, elle leur propose un marché : Elle accepte de les aider s’ils lui rapportent ce qui lui a été dérobé, à savoir le seul souvenir de son fiancé. Elle leur indique la marche à suivre. Il faut demander à Portulan de faire pression sur Ganelon pour qu’il fasse le « plus joli dessin du monde ». Ce dessin doit être vendu au généreux Prince Blancandrin. L’or ainsi obtenu doit être donné à Polysonius en échange de ce qu’il a dérobé à Elyne... Elyne, alors, remerciera les voyageurs en leur disant ce qu’ils veulent savoir.

LE DERNIER

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Tout cela se déroule bien sûr entièrement dans la tête de l’archiviste qui veut s’amuser un peu en faisant vivre ses personnages. Tout ceci serait très simple s’il n’y avait un imprévu.

LE SECOND RÊVE

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ès la première rencontre avec l’archiviste, le mélange entre deux rêves débute. Ce sont tout d’abord des impressions diffuses : la sensation d’une présence inquiétante, l’impression d‘un danger imminent, mais rien d’autre. Puis, ce sont des courants d’air, agréables, frais puis froids et enfin glaciaux. Ce sont aussi des images du visage du personnage inquiétant de leur rêve qui apparaissent ici et là : un dessin sur un livre ouvert, le personnage d’un bas-relief, la tête brisée d’une statue. Puis la neige fait son apparition. C’est toujours la forêt vierge, il fait toujours chaud et humide, mais par endroits il existe des plaques de neige, aussi froides que tout ce qui les entoure est chaud. Et elles ne fondent pas... La grande bibliothèque devient bientôt une marqueterie de zones chaudes égaillées de chants d’oiseaux et de zones glaciales croulant sous la neige, sans autre bruit que le sifflement d’un blizzard. L’archiviste lui, fait comme si rien ne se passait. Il a l’air de ne pas s’en rendre compte. Il claque des dents, il bégaie de froid, éternue, bleuit des pieds et du nez, mais ne fait rien pour se protéger et continue imperturbablement le cours du rêve.

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plus qu’au dehors. Un vent glacial tourbillonne dans l’édifice comme s’il en était prisonnier. Tremblante de froid, Elyne désigne le lutrin. Les voyageurs en sont tout près quand le vent entoure soudain Elyne. Il l’englobe et soulève de la neige qui aussitôt s’engouffre dans le corps de l’archiviste. Le malheureux gonfle, gonfle puis soudain explose littéralement, donnant naissance à un véritable blizzard, une tempête de neige dont les rires du personnage inquiétant forment les soufflements et son visage les volutes (ses traits sont ceux d’Erémis). Par ailleurs, le froid glacial qui emplit la tour est ressenti par les PJ comme une présence si angoissante qu’elle leur glace le sang... Le lutrin atteint, les voyageurs le dégagent de sa gangue de neige et découvrent un livre ouvert. Plusieurs lignes d’écriture y sont visibles : les fragments manquants du chant de l’hiver. À chaque ligne lue (comprenez fragment), le vent redouble de violence pour disperser les personnages et les empêcher de lire. Pour savoir si les voyageurs ont la force de lui résister, le gardien des rêves emploie les règles suivantes. Pour chaque fragment lu, les voyageurs jouent chacun un jet de points de Rêve actuel avec un malus cumulatif de -1 par jet (donc par fragment lu). En cas d’échec, le vent emporte le voyageur qui aussitôt se réveille. En cas de réussite, le fragment est lu. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fragments à lire ou qu’il n’y ait plus personne pour les lire... ORDRE DES FRAGMENTS RÉCUPÉRÉS Il n’est rien devant eux qui puisse résister. Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri

LE LIVRE DES VÉRITÉS

Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne, Des voyageurs il est le plus grand ennemi,

O

Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau. Car le traître assassin fut un ami, avant.

btenir le renseignement d’Elyne n’est pas très difficile, d’autant que l’archiviste se montre très coopératif. Portulan confie aux voyageurs qu’il connaît un secret sur Ganelon et les prie de dire au dessinateur qu’il le révélerait s’il ne faisait pas le « plus beau dessin du monde ». Ganelon cède au chantage, gribouille plusieurs feuilles de parchemin avant de tendre, épuisé et heureux, une vague esquisse sans forme aux voyageurs. Cette esquisse trouve grâce seulement auprès du Prince qui l’échange contre 7 « pièces d’or ». Polysonius exige les 7 pièces pour donner aux voyageurs une fleur rouge. Elyne se trouve près d’un bassin, au milieu d’une grande cour intérieure. En voyant cette fleur, elle arrête de pleurer et les embrasse sur les joues. Au passage, les voyageurs remarquent qu’Elyne pique beaucoup. Sans se faire prier, Elyne conduit les voyageurs dans le dédale des couloirs vers une immense tour circulaire entourée de congères de neige. Parmi les formes que le vent dessine sur la neige, les voyageurs reconnaissent ça et là des visages du personnage inquiétants qui les regardent. La tour est en fait un gigantesque cylindre qui se dresse vers le ciel. On aperçoit d’ailleurs le ciel à presque 200 mètres au-dessus d’eux, un ciel gris et traversé de nuages. Tout l’intérieur de la tour est recouvert d’une épaisse couche de neige. La forme d’un lutrin enfouie sous la neige apparaît au centre de la tour. Il fait froid, très froid même. Beaucoup

t le roi apparaît, le pays est sauvé, Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.

Un étrange réveil uel que soit l’endroit où ils se sont couchés, les voyageurs se retrouvent ensemble et dehors, à quelques dizaines de mètres du village. Ils sont dans la tenue qu’ils portaient pour dormir et grelottent de froid. L’hiver en effet est là, et s’il n’y a pas encore de neige le froid, lui, est bien mordant...

Q

CHANT 4 — L’AVENTURE

LA NEIGE ET LE SANG QUELQUES MOTS POUR LE GARDIEN DES RÊVES

C

e scénario n’est pas la répétition d’un événement passé, mais la suite logique de la légende, comme le souligne la première strophe du chant de l’hiver : Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin, Et préfèrent l’amener sans craindre le destin. Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître, Sont éprouvés alors et la terre et les êtres.

Les voyageurs ont récupéré un nombre important de fragments et peuvent ainsi reconstituer sans doute une grande partie de la légende. Ils connaissent une partie des événements de l’hiver et peuvent donc s’en prémunir. Le reste, ce qui correspond à des fragments manquants, leur est inconnu et le restera jusqu’à ce que cela arrive. L’aventure du chant 4 est construite en autant de chapitres qu’il y a d’événements dans les strophes de la légende, soit 6.

En attendant les flocons Erémis, le haut-rêvant fou amoureux de la princesse et la présence inquiétante des rêves des voyageurs, va faire irruption dans le pays à la tête d’une armée. Son but est de tout ravager et de s’approprier la princesse. La seule façon de survivre pour les PJ est de se réfugier dans le château, d’en préparer la défense et d’y soutenir un siège en attendant le retour du roi comme l’indique une autre strophe du chant 4 : Des confins du pays vient le noir instrument, Les Dragons l’ont voulu amené par le vent. Bien au-delà des mers, une nuée se lève, Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève.

Attention cependant à la disparition puis à la réapparition d’une femme (à choisir parmi les survivants de l’automne, hormis Nitouche et la Princesse).

Les bruits de la guerre L’armée d’Érémis arrive et mène ses premières attaques. Les soudards réalisent des Dragons le dessein, Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin. Sur leur passage point de salut, de pitié. Le village, les champs... tout finit ravagé.

L’ennemi intérieur La femme disparue au début se révèle envoûtée et agit contre les assiégés. Où qu’on aille, le seul refuge est le château, Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau. Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans. Car le traître assassin fut un ami, avant.

Contre-attaque La mort du haut-rêvant ne sauve pas les voyageurs (mais affaibli nettement les forces ennemies). Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne, Est celui qui massacre, esclave de sa hargne. Des voyageurs il est le plus grand ennemi, Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,

La fin... et le commencement L’attaque finale et arrivée du roi. Les Dragons au château imposent la volonté. Il n’est rien devant eux qui puisse résister. Rien ne semble endiguer des soudards la furie, Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri.

Le roi, enfin ! Le roi naît au dernier moment, alors que tout semble perdu... Et le roi apparaît, le pays est sauvé, De sa simple présence, il chasse les nuées. Et le pays renaît, le rêve reprend confiance. Une histoire prend fin là où l’autre commence.

EN ATTENDANT LES PREMIERS FLOCONS

M

ême s’il n’y a pour l’instant aucun danger, les termes de la légende sont clairs. Il faut évacuer le village et se réfugier dans le château, seul lieu à offrir un abri suffisant pour attendre la venue du roi. Il faut en convaincre les villageois survivants, ce qui n’est pas difficile grâce à l’autorité naturelle que Solinée et la princesse exercent sur eux. Reste à tout organiser. Il ne s’agit pas pour le gardien des rêves de tenir une comptabilité ennuyeuse des jours d’eau ou de nourriture, du nombre d’armes, etc... Cette préparation se résume en fait à quelques actions clefs auxquelles les voyageurs doivent penser comme par exemple : - faire réparer la herse qui protège le donjon - faire entrer toute la nourriture et les animaux dans le château - poster des gardes aux principales tours - déménager tout ce qui peut l’être (meubles, outils) - faire réparer le moulin pour y moudre du blé. Ces tâches sont réalisées par les villageois. Ils ont pour cela jusqu’à la tombée de la neige, une tombée que peut prédire Gillot avec ses rhumatismes environ deux jours avant. Les voyageurs ont cependant une tâche précise à effectuer : regrouper les alliés potentiels. S’ils sont toujours vivants, Grand-Bras le gigant et les cynoférox se joindront à eux si les voyageurs viennent les trouver qui dans les collines dures, qui dans la petite forêt. Un seul événement va émailler ces journées somme toute tranquille : la disparition d’une villageoise, Soléma si elle est encore vivante. La tâche des voyageurs va être de la retrouver. Des rapides recherches permettent de la localiser deux jours plus tard à quelques kilomètres du village, vers le nord. Elle est étendue, épuisée. Elle ne se souvient pas bien de ce qui lui est arrivé. Elle s’était éloignée du village pour cueillir des herbes quand elle s’est soudain écroulée. Puis, plus rien jusqu’à son réveil dans la plaine. Elle a marché au hasard pour finalement tomber de fatigue.

LE DERNIER

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Un jet de VUE/Vigilance à -2 permet de voir que le bas de sa robe porte des auréoles blanchâtres, comme celles laissées par de l’eau de mer. Un coup de langue permet de confirmer qu’il s’agit bien de sel. Soléma a donc dû se rendre sur le rivage... ou plus exactement, on l’y a emmenée. Soléma a en fait été envoûtée d’esprit et va faire peser sur les voyageurs une menace non négligeable (voir L’Ennemi Intérieur). Une expédition dans cette direction permet de découvrir plusieurs navires amarrés au large et une masse imposante de soldats (plusieurs centaines) installée sur le rivage. Ils construisent un camp de toile et pour l’instant se cantonnent à la berge. Mieux vaut retourner au village sans attendre... Néanmoins, à distance du campement, les personnages vont tomber nez à nez avec un petit groupe de 3 soldats de retour de la chasse. Dès que deux des soldats sont hors de combat, le dernier se rend. De lui, les voyageurs peuvent apprendre la taille de l’armée, 300 hommes, ainsi que le nom du chef de la troupe : Erémis. Erémis, le nom du haut-rêvant jadis amoureux fou de la princesse... Interrogé plus particulièrement sur Erémis, le prisonnier donne une description en tous points conforme aux visions oniriques des voyageurs. Sur ces capacités, le soldat ajoute « qu’il est un grand guerrier, mais qu’il doit sa position de chefs à de grands pouvoirs : il peut changer les éléments, commander aux vivants et aux morts ». En clair, Erémis est haut-rêvant option Oniros/Thanatos...

LES BRUITS DE LA GUERRE

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e retour au village, les personnages préviennent les villageois et tout le monde s’active. La princesse, elle, semble terrifiée, c’est son cauchemar personnel qui reprend vie. Selon la strophe, l’armée n’envahira le village que le jour de la tombée de la neige. Gilleau prédit cet événement pour dans deux jours. En effet, si depuis plusieurs jours le temps s’est refroidi et les nuages se sont amoncellés, gris et menaçants, ce n’est qu’à présent que les rhumatismes du vieillard se réveillent... Comme l’avait prédit Gilleau, la neige est tombée, lentement dans le silence. Les villageois, résignés, se sont dirigés vers le château, pendant que les voyageurs, secondés par les hommes forts du village (Enguerrant entre autres), mettent au point les derniers préparatifs. Tous devraient donc logiquement se retrancher derrière les murailles du chateau et attendre. S’ils ne le font pas, une avant-garde ennemie devrait leur servir d’avertissement. Une vingtaine d’hommes à cheval ont été envoyés en avant-garde. Ils explorent méthodiquement le village et tentent de capturer quiconque ne se serait pas réfugié dans le château. Si toute la population s’est mise à l’abri, ils inspectent le village, puis scrutent les murailles du château. Un détachement de cinq hommes va prévenir le reste de l’armée.

Les hommes sont pour la plupart grands et barbus. Ils sont vêtus de fourrure, portent des armures de cuir et sont bien équipés : épée ou hache, bouclier, protection. Ce sont de bons cavaliers, plus habitués au combat en terrain plat qu’aux techniques de siège. Mais ils ont l’avantage du nombre, et ont à leur tête un homme déterminé, le seigneur Erémis. Il est cependant plus probable que les voyageurs se contentent d’attendre à l’abri des murailles. Ils verront donc l’imposante troupe de cavaliers s’installer, établir son campement tout autour du château. Plusieurs dizaines de tentes sont dressées, les maisons du village sont occupées par Erémis et ses seconds. Au-dessus de la plus grande maison du village, une poutre servant de mat est dressée et une bannière est levée, soleil noir sur fond rouge. L’armée met une journée pour s’installer. Si les voyageurs observent les préparatifs, ils peuvent voir à plusieurs reprises un homme de forte stature se déplacer, entouré d’une petite troupe, distribuant les ordres. Les voyageurs pourront cependant noter que les assaillants sont intrigués par le pont. À plusieurs reprises, celui qui semble être le chef s’en approche, l’inspecte, tient un conseil avec quelques-uns de ses hommes. Certains font de grands gestes des bras, comme pour mimer la construction d’un pont provisoire... Puis, s’en avoir semble-t-il pris de décision, le groupe s’en va et rejoint le village. Une journée passe ainsi. La nuit est troublée par les cris des hommes et des ani-

maux installés le long des berges du lac. Mais rien n’est tenté durant la nuit. Au petit matin, trois hommes, sur une barque, s’approchent jusqu’à portée de voix du château. Ils ont tous les trois des visages sévères. L’un d’entre eux, qui n’est pas armé, prend la parole : « Je suis l’émissaire du Seigneur Erémis, et viens en paix. Notre seigneur cherche un abri pour ses hommes. Votre château lui parait faire l’affaire... Il demande que vous lui en ouvriez les portes et lui indiquiez comment passer (désignant le pont) sur cet étrange pont. Vous n’avez rien à craindre de nous (dit-il avec un rictus peu engageant). De plus, le Seigneur Erémis veut que vous lui envoyiez la Princesse, car elle doit devenir sa femme. » À ces mots, la Princesse pousse un cri et s’évanouit. Si les villageois demandent quelles garanties ils peuvent avoir, le héraut éclate de rire : « On ne demande pas de garantie au Seigneur Erémis, on lui obéit ! » Le héraut envoyé par Erémis n’est pas un modèle de diplomatie. Le ton peut monter très vite si les villageois posent trop de questions ou posent des conditions. Si les villageois commencent à faire mine de discuter (mais nous voudrions discuter avec votre chef, etc.) le héraut s’énerve, insulte les villageois : « Ah ! C’est ainsi ! Vous osez vous rebeller, misérables fientes, très bien. Nous prendrons vos enfants et nous violerons vos femmes ! » Menés par Solinée, les villageois, bien qu’effrayés, ne veulent pas quitter le château et ne font pas confian-

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ce à l’émissaire. À moins que les voyageurs ne déploient des trésors de persuasion, nul ne voudra sortir. Si jamais l’avis opposé l’emportait, ce serait catastrophique : les hommes d’Erémis tueraient la moitié des villageois pour l’exemple et ne garderaient que les femmes pour leur plaisir. Les voyageurs devraient comprendre que rester à l’abri du château est encore la meilleure des solutions. D’ailleurs, c’est celle clairement conseillée dans le chant de la légende.

L’ENNEMI INTÉRIEUR

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es jours qui suivent sont beaucoup plus calmes, il n’y a pas d’autre altercation. Les assaillants semblent marquer le pas, à moins qu’ils s’installent dans le siège. Toujours estil que les jours passent sans que rien ne bouge. Puis, alors que la vigilance des assiégés s’endort, sont commis des actes de sabotage de plus en plus graves, un par jour. Ce sont d’abord des sacs de nourriture qui sont éventrés, des bêtes abattues, puis c’est le moulin qui prend feu. La panique et la suspicion règnent dans le château. On pense à des ennemis infiltrés, on fouille le château de fond en combles... sans succès. Et pour cause... Ces actes sont le fait de Soléma, dûment envoûtée, elle est la marionnette d’Erémis, il l’utilise pour espionner le château et pour y semer la panique. Soléma ne garde aucun souvenir des actes qu’elle commet, comme si elle agissait en état de somnambulisme, ou sous hypnose. Après l’incendie du moulin, Soléma va être utilisée plus offensivement pour tuer les principaux chefs des villageois. Tout naturellement, de par leurs actions, ce sont les voyageurs qui vont être pris pour cible. Soléma ne les approche qu’un par un, de préférence de nuit, et les séduit pour mieux les poignarder ensuite. Découverte, Soléma essaye de réaliser sa tâche jusqu’à ce qu’elle tombe inconsciente (assommée ou blessée gravement). Ensuite, il faudra l’exorciser ou la garder au secret pour éviter qu’elle recommence. Et ce jusqu’à la mort du haut-rêvant responsable de son état. Erémis se révèle un ennemi très puissant qu’il faut à tout prix neutraliser. Qui sait ce qu’il a encore en réserve...

CONTRE-A ATTAQUE

A

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u matin suivant, les enfants se constituent en délégation. Il y a là les deux Rascals, Frimousse, Pitchoune et le Baffreux. Ils s’avancent en groupe vers les voyageurs, gênés, comme honteux, n’osant pas les regarder dans les yeux. Le Baffreux est en avant, mais les voyageurs peuvent remarquer qu’il est littéralement poussé par les autres. S’ils réussissent un jet d’OUÏE (à -1), ils pourront entendre Frimousse grincer : « Allez, gros tas, vas-y, dis leur ! » Si les voyageurs se montrent bienveillants (il suffit simplement de ne pas leur intimer l’ordre d’aller voir ailleurs), les enfants oseront enfin leur révéler leur plus grand secret :

« Eh bien voilà, dit le Baffreux, on a quelque chose à vous dire. C’était un secret avant, mais maintenant, c’est plus compliqué, enfin... euh, on s’est dit que cela pourrait vous être utile de savoir ça... mais on n’a pas voulu le dire aux parents parce que s’ils apprennent qu’on a été là dedans ils nous colleraient peut-être une fessée, et euh, euh... » Aux voyageurs de comprendre à ce moment que les enfants ont sans doute quelque chose à dire, mais qu’ils veulent des garanties. Il suffit de leur promettre qu’ils n’auront pas de fessée, que les voyageurs vont tout arranger avec leurs parents et qu’il n’y a donc pas de risques. Si les voyageurs tiennent un discours équivalent aux enfants, le Baffreux regarde ses compagnons, puis se tourne d’un air décidé vers les voyageurs : « Ben voilà ! Y a un passage, un passage secret, qui permet de venir dans le château. On passe sous l’eau, et hop, on se retrouve dans la tour avec le moulin... Si vous voulez, je vous montre, comme ça, on pourrait sortir et s’en aller loin des méchants, hein ! » Bref, si ce n’est pas encore le cas, l’existence du souterrain est bientôt connue des défenseurs. Grâce à ce souterrain, des hommes déterminés pourraient la nuit gagner le camp adverse, s’y introduire et accomplir une tâche essentielle : priver l’armée ennemie de son chef. Ce qui est la teneur d’une des strophes du chant 4 : Le cœur glacé comme la mort sa seule compagne, Tel est celui qui sans trêve mène la campagne. Des voyageurs, il est le plus grand ennemi, Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,

Tuer Erémis permettrait de se débarrasser des zombis qui sont des adversaires beaucoup plus redoutables que les soldats. Cela pourrait aussi affaiblir le moral des assiégeants. Le plan est aussi simple qu’héroïque. Le camp ennemi est peu gardé. Les assiégeants sont sûrs d’eux, et surtout n’imaginent pas que les villageois puissent tenter une sortie. Quelques hommes s’introduisent dans le village, pénètrent dans la maison occupée par le seigneur Erémis et le tuent. Puis, il repartent, en prenant bien soin d’effacer leurs traces pour que l’ennemi ne découvre pas l’entrée du souterrain. C’est bien évidemment aux combattants les plus aguerris, c’est-à-dire aux voyageurs accompagnés éventuellement des cynoferox, que revient cette tâche. Ils peuvent se préparer comme ils l’entendent et emporter l’équipement qu’ils désirent. Rappelez leur cependant que la discrétion prime, et que plus ils seront légers, mieux cela vaudra. Dans la mesure des réserves du château, ils peuvent se munir de lampes, d’armes, etc. En n’oubliant pas qu’ils devront nager pour sortir du lac... Il n’est pas possible de prévoir le plan des voyageurs, et donc de fournir au Gardien des Rêves un schéma détaillé et immuable de ce qui va se passer. Les seules choses dont les voyageurs soient sûrs, et encore, c’est que le camp ennemi est peu surveillé, et que le seigneur s’est installé dans la plus grande maison, celle de la carte. Les gardes sont peu nombreux. Quelques-uns sont postés sur les bords du lac. Mais

ils sont assez visibles : ils se tiennent toujours près des feux de camp. Il est donc possible de les distinguer, de nuit, du château, et ce avant de tenter l’opération. Une petite troupe patrouille dans le village durant la nuit, et deux hommes gardent en permanence la demeure du seigneur Erémis. La discrétion est la clef de la réussite. Cependant, l’élimination du Seigneur Erémis risque de faire du bruit. Il est sage de prévoir alors des moyens de diversion : l’allumage d’un feu par exemple, ou faire sortir les chevaux du corral, ou tout autre moyen au gré de l’imagination des joueurs. Le haut-rêve peutêtre d’un grand secours (l’usage de sorts tels que Silence ou Quiétude peut être intéressant pour éliminer quelqu’un sans bruit). Pour le retour, Smisse conseille de passer par le souterrain si tout s’est fait dans le silence. Si les voyageurs sont poursuivis, il leur conseille de passer par le pont. Un homme se tiendra sur les remparts pour surveiller l’action, déclenchera le pont, et des cordes seront lancées par-dessus les créneaux. Dès que les voyageurs seront arrivés à la corde, le pont sera désactivé, et les éventuels poursuivants tomberont dans l’eau. Un garde se trouve non loin de la sortie du souterrain. Sa silhouette se dessine clairement à la lueur du feu. L’homme n’est pas très vigilant. Faites jouer Discrétion à 0. Vous pouvez donner un malus de 2 ou pire encore si les voyageurs ne sont pas assez discrets, par exemple s’ils éternuent ou claquent des dents (CONSTITUTION à 0) parce que tout juste sortis du lac et ruisselants d’eau en plein hiver... S’il y a au moins un échec, l’attention du garde est éveillée, mais il ne s’en occupe vraiment que s’il réussit un jet de volonté. La difficulté de base est de 0, majorée de +2 pour chaque échec après le premier. Ainsi, par exemple, si trois voyageurs sont “bruyants”, le jet de volonté est à +4. Si les voyageurs sont repérés, estimez que pendant le premier round, le garde est tellement surpris qu’il ne pense pas à crier. Il dispose ensuite d’une tentative par round. Mais il suffit de lui infliger une blessure légère pour qu’il se soucie plus de sa vie que de donner l’alarme. Le garde occis, gagner le village ne présente aucune difficulté. Des zombis errent de-ci de-là, sans but précis, attendant des ordres de leur maître, Erémis. Dans le village même, cinq soldats patrouillent sans conviction. Ils sont aussi apathiques que le garde. Pour simuler leurs réactions, vous pouvez employer le même système. Libre à vous cependant de les adapter en fonction des talents ou de l’incompétence des voyageurs. À ce niveau, le plus délicat reste à faire : entrer discrètement dans la maison d’Erémis. Il n’y a pas de lumière dans la pièce. Deux hommes sont de garde à l’extérieur et un zombi veille à l’intérieur. N’ayant pas de feu pour les réchauffer, les soldats se sont réfugiés, transis et grelottants, sous le préau. Il est clair qu’il faut les éliminer pour rentrer dans la maison. Si les voyageurs sont assez discrets ou subtils (s’ils ont pensé par exemple à se déguiser en soldat en récupérant des tenues sur les corps de ceux qu’ils ont déjà tués), les gardes sont surpris et se laissent désarmer et assommer. Ils ne sont pas

Erémis, seigneur de la guerre 40 ans, 1m90, 95 kilos, bruns, yeux gris, né à l’heure des Epées TAILLE 14 APPARENCE 11 CONSTITUTION 13 FORCE 15 AGILITÉ 14 DEXTÉRITÉ 11 VUE 12 OUÏE 09 ODO-GOÛT 09

VOLONTÉ INTELLECT EMPATHIE RÊVE CHANCE Mêlée Tir Lancer Dérobée

12 15 11 15 10 14 12 13 10

Vie Endurance +dom Protection

14 27 +1 2

Hache de bataille niv +4 +dom + 3 Dague niv +2 + dom +1 Esquive niv +3 Bouclier niv +4 Course, Saut, Escalade +3. Médecine, Chirurgie, Lire et écrire, Légendes +4. Equitation +5. Oniros, Hypnos, Narcos, Thanatos +5. Oniros : Bouclier, Miroir, Froid, Lanterne, Quiétude, Ténèbres, Air en feu, Métal en eau. Hypnos : Fauchage, Peur, Miroir d’Hypnos, Invocation d’un guerrier sorde. Narcos : Enchantement Thanatos : Possession de corps, d’esprit, tâche, Poing de thanatos, Peur thanataire, Putrescence, Thanatœil, Animer un zombi. Sorts en réserve : Poing de thanatos (6 points de rêve) en G12 ; Peur (7 points de rêve) en F12. Demi-rêve actuellement en D13, Cité sordide. Les seconds de Erémis Prendre le modèle du combattant de choc (Oniros) avec Équitation à +4. Les hommes de Erémis Prendre le modèle du coureur des bois (Oniros). assez courageux pour se faire tuer pour Erémis. L’idée de finir en zombi ne les enchante guère. En revanche, si les personnages veulent les tuer, ils se défendront et donneront l’alerte. À l’intérieur, Erémis dort seul, protégé par le zombi. Dès que les voyageurs entrent, la créature attaque. Il faut alors diviser les forces pour contenir le zombi et s’occuper d’Erémis. Il faut un round à Erémis pour pouvoir se battre. Pour qu’il ne donne pas l’alerte, il faut le blesser (au moins une blessure légère) à chaque round. L’alarme donnée, les renforts sont là en 10 rounds. Ce sont d’abord la patrouille du village, puis les seconds de Erémis (5 rounds de plus), puis les soldats. Eremis mort, tous les zombis sont à présent sans maître et deviennent sauvages. Ils attaquent aussitôt toute créature vivante, s’en prenant indifféremment aux voyageurs ou aux soldats. C’est le chaos dans le village, soldats et zombis se battent les uns contre les autres. Ceci facilite la fuite des voyageurs. Seuls les seconds d’Erémis s’en prennent à eux et il s’engage un combat au milieu de nombreux autres dans le plus pur style des films épiques. Vainqueurs, les voyageurs doivent prendre leurs jambes à leur cou et se rendre au pont, poursuivis par des zombis.

LE DERNIER

65 MATIN DU MONDE

LA FIN ET LE COMMENCEMENT

C

ette partie représente la fin du chant 4 et par conséquent la fin de la campagne. C’est une sorte d’apogée dont l’effet dramatique repose sur le suspens : depuis longtemps déjà, les assiégés savent qu’ils sont en sursis, qu’ils ne peuvent faire le poids face à une armée entière. Si Erémis est mort, les forces adverses sont désorganisées et amoindries, mais n’en lèvent pour autant pas le siège. De toutes les façons, il va falloir se battre. Nombre de villageois montent sur les remparts et guettent avec anxiété l’arrivée du roi et des renforts. Mais l’hiver avance et nulle trace du roi. Le lac finit par geler ce qui permet à l’armée d’attaquer en masse. Submergés par le nombre, les défenseurs devront résister jusqu’à l’ultime instant... et c’est au moment où tout semble perdu que le roi arrive... En parallèle aux assauts et aux combats se déroule un événement qui en d’autres circonstances serait heureux : l’accouchement de Nitouche. Entourée des femmes du village, elle s’est retranchée au dernier étage du donjon lorsqu’elle a senti venir les premières contractions. Le donjon deviendra ainsi l’ultime retranchement des assiégés. Femmes, enfants, vieillards et blessés y seront conduits pendant les combats. Le Gardien des rêves ne doit pas s’inquiéter d’avoir à gérer un combat mettant en scène plus de troiscent personnes. Les paragraphes qui suivent l’aideront dans sa tache. Les combats des voyageurs seront toujours des combats singuliers : à moins qu’ils ne soient complètement fous, les voyageurs éviteront de se retrouver en infériorité numérique. Les escaliers et couloirs du château n’autorisent guère que des combats à un contre un. Si les voyageurs n’ont pas les ressources suffisantes pour évaluer la situation stratégique et donner des ordres, c’est Smisse qui dirige les opérations.

LE DERNIER

66 MATIN DU MONDE

Un matin blafard se lève sur un nouveau jour du siège. Le froid s’est intensifié pendant la nuit et la consternation règne parmi les assiégés : le lac est gelé ! Après une journée de désorganisation et de chaos, les zombis ont été exterminés et les assiégeants se sont repris. Smisse, qui observe leurs positions, alerte les villageois : une attaque d’envergure se prépare. Bien que leurs forces soient très nettement diminuées, les soldats sont plus décidés que jamais à prendre le château. À l’heure de la couronne, les troupes s’approchent. On distingue parmi les hommes de grandes échelles de bois. Les soldats commencent à avancer sur le lac. Et c’est le premier assaut. La première vague d’assaillants pénètre sans problème dans la basse-cour et s’attaque à la tour 3. Les assaillants essaient d’installer des échelles pour pénétrer dans l’enceinte. Smisse ordonne aux villageois de venir repousser l’assaut. Une partie des hommes doit cependant rester sur les autres tours pour prévenir une seconde attaque. Villageois et voyageurs n’auront pas de problèmes pour repousser les premières échelles et bombarder les premiers assaillants de projectiles divers (Lancer à -2). Les assaillants quant à eux ne possèdent pas d’armes de trait.

Mais pour une échelle repoussée, deux nouvelles viennent s’appuyer au sommet du rempart. Bientôt les premiers assaillants prennent pied sur le rempart. Compter un assaillant pour chaque voyageur. À chaque assaillant mis hors de combat, un nouveau prend le relais... Faites soigneusement le décompte des rounds : au bout du dixième round de combat, les derniers assaillants sont abattus par un renfort de villageois. La première vague semble repoussée. C’est alors qu’un cri désespéré arrive du rempart ouest. Le villageois qui faisait le gué vient d’être abattu : le rempart est investi, le reste de l’armée se prépare à s’engouffrer dans la brèche. L’affaire semble mal engagée. Si les voyageurs n’en prennent pas l’initiative, c’est Smisse qui ordonne un repli général au donjon. Au terme d’une course effrénée, les villageois arrivent au donjon avant les attaquants et détruisent le pont d’accès. S’ils ne suivent pas le mouvement, les voyageurs auront bien vite affaire à quelque cent soldats...

LE ROI... ENFIN !

A

vant d’attaquer le donjon, l’armée prend tranquillement possession du château. Les voyageurs voient au travers des meurtrières grossir les rangs des assaillants. À l’intérieur du donjon, l’ambiance est hystérique et survoltée. Les femmes sont préoccupées par l’accouchement de Nitouche et le soin des blessés. Les hommes discutent stratégie en hurlant pour cacher leur peur et ne pas avouer que tout est perdu. Certains pleurent en silence dans leur coin. Il n’y a rien qui puisse être opposé aux assaillants ou protéger leur retraite si ce n’est le fossé en eau. Les hommes les plus vaillants (Ornufle, Aucassin, Smisse et Anguerrant) sont sérieusement blessés. Au sommet du donjon, les enfants guettent avec un optimisme inébranlable l’arrivée du roi et des renforts. Une heure environ après qu’ils se soient retranchés, le donjon est attaqué. Les assaillants ont construit un pont de fortune. À partir de cet instant, le déroulement du combat est simple. La décision est prise de contrer les assaillants dans l’escalier : celui-ci est suffisamment étroit pour qu’un seul homme puisse empêcher toute progression de l’ennemi. La plupart des hommes étant blessés, c’est aux voyageurs (ou à l’un d’eux) que revient cette tâche. Le combat ne peut être qu’à un contre un. Pour chaque ennemi abattu un nouvel adversaire surgit. Les voyageurs peuvent se relayer dans cette tâche s’ils prennent le soin de combattre en haut de l’escalier, près du premier étage, afin que le combattant puisse se retirer et un nouveau le remplacer. Cette opération durera 20 rounds. Si les voyageurs n’arrivent pas à tenir ce laps de temps, les hommes blessés viendront leur prêter main forte. Au bout de 20 rounds épiques, un cri puissant raisonne dans tout le donjon : celui d’un nouveau-né. Et c’est pour tous la révélation : le roi est revenu, le roi est né, vive le roi ! À partir de cet instant, tout semble se dissoudre. Les voyageurs ont à peine le temps de s’en rendre compte qu’ils sombrent dans l’inconscience, comme s’ils étaient vaincus par le sommeil...

LE DERNIER

67 MATIN DU MONDE

Épilogue

L I

es voyageurs entendent soudain une grande clameur faite de rires et de cris de joie, ce qui les tire de leur torpeur.

l fait nuit, il fait bon, un petit vent vient caresser les joues et les feuilles des arbres. L’air embaume les parfums de fleurs. C’est le printemps. En regardant autour d’eux, les voyageurs découvrent qu’ils sont assis sous de gros arbres feuillus aux trous noueux. L’endroit est éclairé par des zones magiques de lanterne, preuve que le haut-rêve est bien accueilli ici. Au-delà, dans la pénombre, on distingue les premières maisons d’un village. Autre constatation, ils n’ont pas leur bardas ni leurs armes avec eux, juste une dague. D’éventuelles voyageuses sont vêtues de robes, même si elles n’en possédaient pas dans leur équipement.

T

out autour des voyageurs se trouvent une foule d’une quarantaine de personnes, tous les habitants du « village qui n’a pas de nom » sont là, à l’exception notable de Nitouche et de la Princesse. Ondole et Estophe sont ensemble, Sonice a sa cour autour d’elle, Frimousse et Pitchoune se blottissent contre un villageois, les chats de Malaria se balladent partout.

T

ous regardent le théâtre de guignol installé devant eux où vient de s’achever une représentation de marionnettes. Le roi est revenu et a sauvé le village. C’est la raison des rires et des cris de joie. Les villageois commentent avec ferveur le spectacle qu’ils viennent de voir. De derrière le théâtre sort Gekah accompagné de son petit chien qui est à présent aussi vieux que lui. Il est aussitôt accueilli par une salve d’applaudissements et salue son public comme il se doit.

L A

es villageois ne sont pas pressés de rentrer chez eux, c’est à l’évidence un événement important pour la communauté… « Pensez-donc ! Le premier jour du printemps ! » lâche l’un d’eux. « J’aime toujours autant cette histoire, » ajoute un autre…

LE DERNIER

68 MATIN DU MONDE

u milieu de toute cette effervescence, les voyageurs vont sans doute se sentir un peu déboussolés. Même s’il fait nuit et qu’ils ne peuvent en être sûrs, ils ont l’étrange impression qu’ils ne sont plus dans le village de leur aventure. Les habitants sont les mêmes assurément, mais ils sont tous vivants et ne semblent pas garder souvenir des aventures passées. S’ils explorent un peu le village, les voyageurs s’aperçoivent que l’agencement des maisons est le même que dans le « village qui n’a pas de nom ». La maison des voyageurs est à la même place et l’équipement des voyageurs s’y trouve dans l’état où il était lors de la naissance du roi.

L

es voyageurs demanderont sans doute quelques explications aux villageois. Gekah leur raconte alors que ce spectacle est une tradition du village depuis de nombreuses années. Elle existe même depuis si longtemps qu’aucun des habitants actuels du village n’était né à cette époque. C’est une jeune et jolie voyageuse qui en est à l’origine. Elle arriva un beau matin. Enceinte, elle avait besoin de repos et le village l’accueillit chaleureusement. Pour remercier ses hôtes, cette voyageuse leur raconta de nombreuses histoires dont une leur plu tellement qu’elle la raconta et la raconta encore : l’histoire du « village qui n’a pas de nom », la source de ce spectacle. « Elle la raconta durant tout le temps qu’elle resta ici… » ajoute Gekah d’une voix un peu triste. Il s’arrête un instant, comme si les mots ne voulaient pas sortir. Puis il poursuit : « Cette voyageuse s’appelait Nitouche et elle est morte en mettant au monde son enfant… C’était ma mère… »

L

a fête bat son plein jusqu’au petit jour. Au matin, les voyageurs découvrent un décor différent de celui de leur aventure. Si le village est le même, il n’y a pas de château à proximité. Pourtant, certains éléments de l’aventure sont bien présents dans les environs. On trouve un « pont qui ne va nulle part » où trône une déchirure de départ. Une grande forêt où personne ne va s’étend à l’ouest et abrite des « invisibles ». Les collines du sud sont le domaine d’une famille de gigants placides et accueillants. En revanche, la rivière ne mène pas à la mer mais se jette dans un grand fleuve. De quoi enchaîner sur de nouvelles aventures….

FIN

LE DERNIER

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